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440. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Victor Hugo répugne tellement à la vérité, à la sincérité, à cette naïveté de l’inspiration qui ne se contemple jamais, que, quand il veut être simple, il manque son coup, croyant le frapper, et devient nettement plat. […] Dans cette pièce qui a dû être recommencée vingt fois et où le labeur n’a engendré que l’impiété et le ridicule, il n’y a pas de poésie, mais il y a du nombre, car la poésie veut du surnaturel et de l’âme, et, dans ces vers d’un matérialiste, on n’entend qu’enclume, bruit et métal ; seulement les coups sont frappés avec une fermeté d’accord qui indique le bras d’un Cyclope, même lorsque son œil est crevé, et il l’est ! […] Voilà ce qui a frappé cet œil de chair, ce sens raccourci ? […] Hugo a voulu nous frapper la médaille, — tout un bas-relief, — de la décadence romaine, et il a été fort au-dessous de Juvénal.

441. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

La noble permission est accordée, et messire Jacques d’Audelée, joyeux, va se mettre au premier front de toute la ligne, accompagné seulement de quatre vaillants et fidèles écuyers, et, durant toute l’action, il ne songe qu’à combattre, à frapper, à aller toujours en avant sans vouloir faire aucun prisonnier (ce qui le retarderait et le forcerait de quitter le premier rang). […] [NdA] Avec cette différence que l’archevêque Turpin ne demande pas mieux que de bien frapper. […] Sa science de Froissart, en avançant, s’est frappée elle-même d’incapacité.

442. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

En 1841, l’instituteur de la commune étant frappé d’une fièvre typhoïde qui menaçait de se prolonger longtemps, la maîtresse, non contente de lui donner ses soins, demanda et obtint l’autorisation de le remplacer auprès des petits garçons, afin qu’il ne perdît point sa place. […] Ses chefs, tant qu’il servit, nous le présentent comme « le type du vrai et excellent sous-officier d’élite, apportant dans l’exercice de ses devoirs un zèle, une fermeté et un dévouement exemplaires, faisant parfaitement honneur à sa modeste position, et trouvant le moyen de venir constamment en aide à sa bonne mère, sans jamais en dire mot à personne : une enquête a été nécessaire pour arriver à la preuve de sa belle action et de sa pieuse conduite filiale. » En 25 ans de service, c’est à peine si quelques punitions sont venues le frapper, et pour les manquements les plus légers : trois fois en tout consigné, et une seule fois à la salle de police ; il paraît que c’est rare et presque phénoménal eu égard à la sévérité de la discipline militaire. […] L’abbé Brandelet en avait été frappé dès l’enfance, car il est né dans ce village ; il avait formé le vœu de le doter un jour d’une église pour les catholiques seuls ; et cette pensée, il l’avait eue moins dans un esprit de division que dans un esprit de charité, moins pour sauver le contact que pour prévenir tout conflit.

443. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

En parlant des mots d’abord nobles, de quelques mots employés par Malherbe lui-même, mais qui finirent par être déshonorés dans un emploi familier, et qu’il fallut expulser alors de la langue de choix : « C’est le cheval de parade, dit-il, qui, sur ses vieux jours, est envoyé à la charrue20. » Ailleurs (préface du troisième volume), quand, voulant marquer que la poésie d’une époque exprime encore moins ce qu’elle a que ce qui lui manque et ce qu’elle aime, il dit : « C’est une médaille vivante où les vides creusés dans le coin se traduisent en saillies sur le bronze ou sur l’or, » ceci n’est-il pas frappé, de l’idée à l’image, comme la médaille même ? […] Ce qui nous y frappe surtout, c’est l’esprit de lumière et de charité chrétienne infinie, qui fait que, pour des catholiques même, bien des choses y restant absentes, aucune peut-être n’est expressément contraire ni à repousser. […] Viret demande déjà excuse en son temps de parler un français un peu étrange ; mais de loin ces différences s’effacent, et l’on n’est plus frappé que des ressemblances.

444. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

A chaque nœud du récit, quelques principes fortement posés reviennent frapper les temps et comme sonner les heures. […] Si la mort, qui frappe à coups pressés dans les rangs des mêmes générations, ne met pas toujours de la variété dans ses choix et apporte inévitablement quelque monotonie dans l’ordre des sujets qui se succèdent, elle fait passer aussi un à un devant l’historien-orateur les principaux représentants de toutes les grandes idées qui ont eu leur jour. […] C’est surtout quand cette rigueur de manière s’applique à des faits et à des personnages récents qu’on est frappé du contraste.

445. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Quand on lit un choix bien fait de ses vers, desquels il faut retrancher absolument et ignorer tant de fadaises de société sur sa chatte et sur son chien, on est frappé chez elle de qualités autres encore que celles qu’on lui accordait jadis. […] Si on en compare le texte à celui des dernières éditions, on est frappé des différences. […] Rousseau est bien sévère : ses Stances à lui, trop vantées, sur les Misères de l’homme : Que l’homme est bien durant sa vie, etc., sont loin de valoir le couplet philosophique de Mme Des Houlières qu’on a lu plus haut (p. 369) : Homme, vante moins ta raison… C’est le même sentiment, mais les vers sont bien autrement concis et frappés. — Sur les relations de Fontenelle et de Mme Des Houlières, il y a une note de Trublet (Mémoires sur Fontenelle).

446. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Il n’y en a point encore qui ait frappé au but, et jamais on n’y frappera apparemment, tant sont grandes les profondeurs de Dieu dans les œuvres de la nature, aussi bien que dans celles de la grâce. […] Ce mot lui revient souvent ; le côté de l’amusement de l’esprit le frappe, le séduit en toute chose.

447. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

De tous côtés on s’accuse de conspirations, de complots, sans voir qu’à la fin il y a danger « que notre inquiétude errante et nos soupçons indéterminés, dit-il, ne nous jettent dans un de ces combats de nuit où l’on frappe amis et ennemis ». […] Ce qui me frappe, c’est la raison et l’énergie : l’idée du talent ne vient qu’après. […] Ce qui les frappe beaucoup, c’est qu’il dit n’avoir pas conservé des lettres relatives à des intérêts personnels.

448. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Réserve encore très importante, il est frappé de ce qu’il y a de vénérable, et peut-être d’indispensable à la moralité dans la créance en l’immortalité de l’âme, et pour ne pas compromettre cette créance en l’immortalité de l’âme, pour la sauver, il a recours à des distinctions qui lui permettent de dire qu’il y a une âme chez les animaux, mais qui n’est pas capable d’éternité ; qu’il y en a une autre chez les hommes, qui en est capable. […] Le petit chevreau, lui, est très prudent, très avisé, c’est pour cela qu’il s’est sauvé à lui-même la vie, car sa mère, en sortant, lui avait donné le mot d’ordre, le mot de passe, elle lui avait dit d’exiger le mot d’ordre de tout animal qui frapperait à la porte, et ce mot d’ordre était comme vous le savez : « Foin du loup et de sa race. » Le loup avait entendu ce mot d’ordre et il est venu le dire à la porte du chevreau. […] » — Toujours est-il que Rousseau a été frappé de ce qu’il y avait de peu généreux dans les fables de La Fontaine et il a protesté contre elles, et il a supplié qu’on ne les donnât pas à apprendre aux enfants.

449. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Étudiés depuis à peine un siècle, de William Jones, à Lassen, à Burnouf, à Regnier, les hymnes des Védas peuvent, à travers la faiblesse des paraphrases, nous frapper encore par l’élévation mystique ; mais la singularité n’en est pas adoucie pour nous tout à la fois par l’habitude et par le respect ; nous y sentons la monotonie plutôt que la grandeur : et, dans l’immobilité même de cette foi antique des peuples de l’Inde, l’enthousiasme semble manquer, à force de croyance. […] J’étais ému d’admiration, la première fois que je lisais dans Platon ce témoignage sur l’omniprésence de Dieu et sur sa providence inévitable : « Quand vous seriez caché dans les plus profondes cavernes de la terre, quand vous prendriez des ailes et que vous vous envoleriez au haut des cieux, quand vous fuiriez aux confins du monde, quand vous descendriez au fond des enfers ou dans quelque lieu plus formidable encore, la providence divine y serait près de vous. » Cela me frappait d’une secousse plus vive que l’imagination d’Homère décrivant la marche de ses dieux, « en trois pas, au bout du monde » ; j’y sentais une grandeur morale qui dépasse toute force matérielle. […] « Celui qui frappait cruellement les peuples d’une plaie irrémissible et dominait les nations avec colère est abattu sans obstacle.

450. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Il va se frapper là de grands coups. […] Ainsi partait à toute bride le jeune général, pour arriver à temps au terme glorieux de sa destinée, pour s’illustrer à Essling, et, plein d’un pressentiment de mort, pour tomber frappé d’une balle au front l’après-midi de Wagram, à l’heure du triomphean.

451. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

En voyant dans les mémoires de l’abbé Le Dieu les traits qu’il a ressaisis et rassemblés de cette première vie et de ces premières études de Bossuet, à Dijon, puis au collège de Navarre, puis à Metz lorsqu’il y fut retourné, ce qui me frappe avant tout, c’est ce signe, ce caractère manifeste de l’âme et du génie du futur grand évêque, quelque chose de facile et de supérieur qui se prononce et prend position sans lutte, sans trouble, sans interruption comme sans empressement  : c’est la vocation la plus directe qui se puisse concevoir, c’est l’âme la moins combattue qui fut jamais en si haute région. […] L’abbé Le Dieu n’a peut-être pas sur ces points toute l’exactitude et la connaissance de détail qu’on désirerait : ce qui du moins reste bien manifeste, c’est que la littérature profane, en prenant alors une grande place dans les études de Bossuet, n’y envahit rien, n’y empiète point sur le reste ; elle a ses limites arrêtées à l’avance : bien qu’on nous dise qu’il lui arrivait quelquefois de réciter des vers d’Homère en dormant, tant il en avait été frappé la veille, il n’éprouva jamais dans ces sortes de lectures cette légère ivresse poétique qui, dans l’âme et rimagination séduite de Fénelon, se produira par le Télémaque.

452. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Au fur et à mesure qu’il s’appliquait à un sujet, selon sa méthode d’examen étrangère à toute considération historique, il était frappé de ce que les idées, les plus raisonnables selon lui, étaient le moins en usage, et que, sur chaque point, le genre humain semblait encore dans l’enfance. […] La Bruyère fut surtout frappé chez le jeune abbé du manque absolu de tact, de la confiance à se mettre en avant soi et ses idées, de la distraction sur tout le reste, et de ce parfait oubli des nuances sociales.

453. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

— Le sang fume sur l’hécatombe, L’impie et le tyran frappent sans se lasser, Détourne tes regards et laisse-les passer ! […] Sully Prudhomme soient fiers de lui, et que l’un d’eux nous écrive à son sujet : « Ou je me trompe fort et l’amitié m’égare, ou vous serez frappé de ce volume ; il révèle, si je ne m’abuse, un nouveau mouvement dans la poésie et comme le frémissement d’une aurore encore incertaine. » Je m’explique aussi que l’auteur, à la fin comme au début de son recueil, s’excuse de n’avoir su tout exprimer et tout rendre de ce qu’il voulait étreindre et de ce qu’il sentait : Je me croyais poëte, et j’ai pu me méprendre ; D’autres ont fait la lyre et je subis leur loi ; Mais si mon âme est juste, impétueuse et tendre,     Qui le sait mieux que moi ?

454. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Comme le dit son ami Regnaud de Saint-Jean-d’Angély, d’un mot expressif à la fois et indulgent, « ce jour-là et à cette heure-là, Frochot fut frappé d’une sorte d’apoplexie morale. » Il n’en revint, une demi-heure après, que par un autre mouvement excessif, et qui peint bien le désordre de sa pensée ; lorsqu’il apprit que tout ce qu’il avait cru d’abord n’était qu’une déception et qu’un rêve, quand les écailles tout à coup lui tombèrent de dessus les yeux : « Ah ! […] Ainsi qu’il arrive souvent aux hommes frappés d’un grand et fatal accident qui a brisé à jamais en eux une illusion et toute une existence, il se rejetait et se plongeait dans les impressions de la nature, dans les travaux et même les fatigues des champs.

455. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Au moment de violer un sanctuaire, il se demande s’il ne va pas tomber sur le seuil, frappé de vertige et le col tordu2. […] Là les persécuteurs, au moment de frapper, tombent sous une atteinte invisible ; les bêtes sauvages deviennent dociles ; les cerfs de la forêt viennent chaque matin s’atteler d’eux-mêmes à la charrue des saints ; la campagne fleurit pour eux comme un nouveau paradis ; ils ne meurent que quand ils veulent.

456. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Un jour le poète, étant mort, va, suivi de son chien, frapper à la porte du Paradis ; et, comme saint Pierre ne veut pas laisser entrer le fidèle animal et que saint Roch lui-même, invoqué, fait le cafard et se récuse, le poète et son chien errent à l’aventure dans la région où sont les ombres des bêtes… Et cela est un rêve, et cela s’appelle Dans les limbes, et il est difficile d’imaginer un badinage plus soigné et plus long. […] Une autre preuve qu’il est bien de sa province, c’est sa malveillance à l’endroit de Paris : Que Paris nous fasse la loi Par un côté brillant qui frappe, Par un certain… je ne sais quoi, Par une certaine… (aidez-moi, Le mot m’échappe), Je tiens ce point pour éclairci… Eh bien !

457. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Ce n’est pas pour vous que je parle ames froides & bornées qui n’avez jamais fait usage de vos facultés intellectuelles ; il faut frapper vos sens pour réveiller votre langueur. […] Il admire également la clarté brillante d’un jour pur & serein, & les nuages orageux portés sur les aîles des tempêtes, & le calme auguste de la Nature qui se tait dans le fond des Forêts, & l’écho du Tonnerre qui du haut de son trône terrible & ténébreux, gronde avec majesté sous un Ciel déchiré par l’éclair, & le fleuve majestueux qui promenant lentement ses eaux, répete ses bords enchantés, & les vagues mugissantes qui frappent & blanchissent d’arides rochers de leur écume, & l’aspect magnifique d’un vaste & superbe Palais, & les débris antiques des colomnes renversées & rongées par la lime des tems.

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