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643. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Il y a des langues qui ont plus de sonorité ou d’éclat que le français. […] Au lieu que les mots plus beaux des langues étrangères font obstacle à la pensée en lui imposant, quelle qu’elle soit, leur musique et leur teinte, le mot français, incolore, atone, ne garde qu’un sens net, où l’esprit aperçoit tous les effets, tous les usages dont il est capable ; il prend le relief, l’harmonie, la lumière, la chaleur, que l’idée réclame ; il s’amortit ou éclate, il prête ou emprunte sa flamme, infiniment souple et mobile, élastique et subtil comme le plus léger des gaz, malgré la précision rigoureuse de sa définition, qui, dans aucun emploi, ne s’altère ni ne s’obscurcit. […] Certaines langues portent leur homme, leur éclat dore les plus pauvres idées ; le français ne prête qu’aux riches.

644. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Art français La Peinture à l’Exposition de 1855. […] Deux années encore, et l’histoire de l’art français du xviiie  siècle, dans toutes ses manifestations véritablement françaises, était terminée.

645. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Frédéric Masson à l’Académie française. […] Il faut assurément que tous les citoyens français sachent le français et que la langue nationale soit enseignée dans les écoles. […] Est-ce que Mistral n’a pas traduit lui-même tous ses ouvrages en français ? […] Hérelle, à qui nous devons la version française de presque tous les ouvrages de M.  […] Il blâme l’abus du discours latin ou français, non l’usage.

646. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Et on se rappellera qu’à l’autre extrémité de la période que nous considérons, la Révolution française a été tout d’abord cosmopolite, et non française, a songé « à l’homme » plus qu’à la patrie, et n’est devenue « patriote » que quand le territoire a été envahi. […] Mais nous autres, Français, il faut que nous touchions à tout et nous avons changé tout cela. […] Les Français ont été très sensibles à cet ascendant. […] Et il aura toute sa vie les défauts du bourgeois français. […] La tragédie française est incomparablement supérieure à la tragédie grecque.

647. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Et c’était la plus jolie perfection de l’esprit français. […] La Révolution française ne pouvait faire exception. […] Bien entendu, Barrès était absolument et sans réserves pour l’unité française. […] Sans la science française, la France était perdue. […] Comment s’étonner de la crise du français ?

648. (1933) De mon temps…

Il agitait un drapeau français et un drapeau italien. […] Elle n’est plus seulement française, elle est européenne. […] A cette glorification, l’Académie française n’avait pas voulu rester étrangère et m’avait fait l’honneur de me désigner pour la représenter et pour apporter l’hommage des Lettres françaises à celui qui avait su exprimer si magnifiquement, dans le langage de France, l’âme tumultueuse tour à tour et méditative des Flandres. […] Ma qualité de représentant de l’Académie française me valut de prendre place aux côtés de Sa Majesté la Reine Elisabeth. […] Il n’était impitoyable qu’en paroles et avec une certaine affectation, sinon envers les gens qui écrivaient en mauvais français.

649. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Quant à ceux qui avaient écrit en français, tels que Bodin, Charron et Montaigne, il n’y pouvait voir que ses compagnons de plaisir, tant c’était facilité de les aborder au prix des autres. […] Il écrit en français, sauf l’esprit et le sens, comme le Père Garassus ou comme le Père Petau, quand ce dernier s’en mêle. […] Camus, Mlle Gournay, Garassus et Petau, ce sont ses vrais contemporains en style français (si français il y a). […] Ajoutez que, dans cette querelle de Naudé et de Dom Quatremaire, on ne savait pas très-bien le français de part et d’autre, ou du moins on ne savait que le vieux français ; les injures en étaient d’autant plus grosses. […] Au tome VI des Manuscrits français de la Bibliothèque du Roi, M. 

650. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Ses tragédies sont de belles déclamations en vers très imparfaits, dont la scène française n’a gardé que le nom. […] Villemain, qui faisait alors un cours littéraire à la jeunesse française. […] Je vis alors avec joie quelle influence on reconnaissait à Goethe sur la nouvelle vie de la littérature française ; les jeunes poètes le vénèrent et l’aiment comme leur chef spirituel. […] Le portrait de la comtesse de Vaudreuil, femme de l’ambassadeur français, arriva ce jour-là d’Eisenach. […] Il semble appeler sur son pays l’influence des principes français, et se lancer hardiment dans la sphère des bouleversements téméraires, d’où doit sortir un ordre nouveau.

651. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

L’atticisme, cette qualité indéfinissable des choses grecques, est le don par excellence de cet écrivain français. […] Et même, parmi ces Français de son opinion ou de sa faction, Béranger, à cette époque, rétrécit encore son auditoire. […] La vérité même ne devient française qu’à la condition d’avoir le sourire sur la bouche. […] Le café, où les Orientaux rêvent, où les Français chantent, est le véritable centre d’acoustique de la chanson grivoise ou de la chanson politique, ce pamphlet en musique. […] Cette élégie est aussi grecque et plus grecque encore que française ; elle ressemble à s’y méprendre à une feuille de cyprès d’André Chénier.

652. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

C’est l’élancement et la mousse de la gaîté française, que ce livre. […] Je me suis, en le lisant, retrouvé vivant et français, et français de l’ancien régime ! […] Donoso Cortès est solennel ; d’ailleurs, il n’est pas français : il est espagnol. […] Ainsi, d’esprit léger, fringant, français, avec la petite flamme bleue dans les cheveux, moqueur charmant à faire rire ceux dont il se moque, comme le fait Féval, avant lui, il n’y en avait pas. Il semblait que le génie catholique, qui est le génie latin, eût tué le génie français.

653. (1739) Vie de Molière

Les Français rougiront un jour De leur peu de reconnaissance. […] Il n’y avait alors de bonne comédie au théâtre français que le Menteur. […] Jamais pièce française n’a été maniée par un de nos poëtes, quelque méchant qu’il fût, qu’elle n’ait été rendue meilleure. […] On ne croyait pas alors que les Français pussent jamais soutenir trois heures de musique, et qu’une tragédie toute chantée pût réussir. […] Depuis lui, le théâtre français s’est soutenu, et même a été asservi à des lois de décence plus rigoureuses que du temps de Molière.

654. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Décadence générale de la littérature française ; exceptions individuelles. […] Il faut l’estimer, étant Italienne, d’avoir eu le cœur français, et d’avoir rendu un dévouement sincère et désintéressé aux rois et au pays dont longtemps les bienfaits l’avaient nourrie ; le cas n’est pas si fréquent. […] Il se décide donc, s’affranchit délibérément de la foi féodale et le voilà Français. […] Nouvelles françaises du xive  siècle, publié par Moland et d’Héricault (Bibl. elzév. […] Cf. les Notices bibliographiques dasn Léon Gautier, les Épopées françaises, et G.

655. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Dès qu’un Français a pu se donner une culture, non plus seulement classique et nationale, mais européenne, c’est merveille comme il se détache, du même coup, de tout chauvinisme littéraire. […] Il est clair que Renan, par exemple, qui d’ailleurs connaissait peu la littérature française contemporaine, demeurait possédé par la science et le génie allemands et mettait un Goethe, ou même un Herder, au-dessus de ce qu’il y a de mieux chez nous. […] Et c’est bien, ici et là, un moment historique qui nous est peint dans sa totalité : ici, la société russe durant les grandes guerres napoléoniennes, de 1805 à 1815 ; là, la société française de 1845 à 1851. […] Sous cette forme neutre, cette espèce de cote mal taillée qu’est une traduction, sous ces mots français recouvrant un génie qui ne l’est pas, de vieilles vérités ou des observations connues me font l’effet de nouveautés singulières. […] On peut craindre que la caractéristique de nos esprits ne finisse par s’atténuer ; qu’à force d’être européen, notre génie ne devienne enfin moins français.

656. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

La Fontaine est simplement de race française. […] Il s’est essayé à traduire une comédie de Térence en vers français. […] En 1682, La Fontaine fut candidat à l’Académie française. […] » Ce ton n’a pas toujours été celui de l’Académie française ; mais il faut constater qu’il l’a été quelquefois. […] On demandera pourquoi La Fontaine s’est exposé à de pareils affronts, car ce sont des affronts, et pourquoi il a tenu tellement à être de l’Académie française après la carrière si glorieuse qu’il avait parcourue.

657. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Nisard a inséré dans le Dictionnaire de la Conversation, et a fait tirer à part un Précis sur l’Histoire de la Littérature française, qui forme un petit ouvrage. […] Nisard se sépare de ceux qui tentent, avec une érudition originale, de saisir, au début, et dans sa génération exacte et suivie, la littérature française. […] Nisard une partie de son système français, et une partie très-justifiable, cette prédilection qu’il couronnera plus tard avec solennité dans la personne de Buffon, se marque nettement au premier pas. […] Nisard, a constitué la prose, a été surfait de cette sorte, puis mis presque à l’oubli ; et le premier qui ait rappelé et fait de nouveau valoir ses vrais titres à cette constitution de la prose française, c’est… qui ? […] Quoiqu’il doive sembler bien téméraire à présent, et d’après tout ce qu’on a entendu gronder, de passer, à bord du Stace, avec des vers français à pleines voiles sous le canon même de M.

658. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Encore y a-t-il plus de bon sens à montrer un Antony dans la vie contemporaine, parce qu’Antony représente au moins un état de l’imagination française en 1830. […] On eut pendant quelque temps l’illusion que le théâtre français comptait deux ou trois chefs-d’œuvre de plus. […] Les gens qui écrivent en vers pour la Comédie Française retiennent cette forme ; l’œuvre la plus célèbre en ce genre est l’École des vieillards de C. […] Rémusat,La Révolution du théâtre dans le Lycée Français, t.  […] Muse française, p. 62 (sur les Œuvres posthumes du baron de Sorsum).

659. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Sur l’ensemble de cette Histoire, je ne saurais mieux faire que de me couvrir de l’autorité d’un homme qui l’a étudiée à fond, qui l’a revue dans la traduction française et l’a annotée, qui a, enfin, toutes les conditions requises pour être un bon juge. […] Gibbon ; depuis huit jours qu’il est arrivé, je l’ai vu presque tous les jours : il a la conversation facile, parle très bien français ; j’espère qu’il me sera de grande ressource. […] Gibbon ; c’est véritablement un homme d’esprit ; tous les tons lui sont faciles ; il est aussi Français ici que MM. de Choiseul, de Beauvau, etc. […] Enfin, on a la conclusion très exacte, très judicieuse, et le dernier mot dans le passage suivant écrit par Mme Du Deffand au moment où il a pris congé d’elle : (26 octobre)… Pour le Gibbon, c’est un homme très raisonnable, qui a beaucoup de conversation, infiniment de savoir, vous y ajouteriez peut-être, infiniment d’esprit, et peut-être auriez-vous raison ; je ne suis pas décidée sur cet article : il fait trop de cas de nos agréments, il a trop de désir de les acquérir ; j’ai toujours eu sur le bout de la langue de lui dire : Ne vous tourmentez pas, vous méritez l’honneur d’être Français. […] La Révolution française, dont les premiers événements jetèrent tant d’émigrés français au bord du lac de Genève, fut la grande préoccupation des dernières années de Gibbon.

660. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Pour rendre son français plus agréable, il a sacrifié la période de Cicéron ; il a coupé, retourné les phrases de son modèle, ce qu’au contraire a voulu éviter le jeune traducteur, plus fidèle à l’ordre et au tour périodique du latin. […] Après la victoire, il fut un des commissaires préposés pour l’exécution de la convention qui remettait toute la Haute-Italie au pouvoir des Français. […] Saint-Ange a fait imprimer ses Métamorphoses ; Chénier prépare aux Français un Don Carlos… En un mot, elle parlait à Daru de tout ce qu’elle savait bien qui l’intéressait le plus et qui lui tenait le plus à cœur. […] Dans Casti, le conte est plus développé, et il y a des hardiesses que le goût français eût supportées moins aisément. […] … » En lisant le discours de réception à l’Académie française dans lequel M. 

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