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1045. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

A travers son exagération pathétique, qu’elle prend pour de la modération, elle réussit, quoi qu’il en soit, à nous faire estimer et plaindre ce personnage, fort admiré et fort envié en son temps, tout simplement oublié depuis, et qui ne vivra désormais un peu que par elle. […] Son style est fort clair et fort net ; on entend tout ce qu’il dit. » Elle pensait, et avec raison, qu’il y a un ccin un peu meilleur, une marque de style encore supérieure à celle-là. […] Votre tête est forte et votre imagination quelquefois pleine de charme, témoin ce que vous dites d’Herminie déguisée en guerrier. […] Avant la résignation complète, le plus fort de sa crise fut durant la longue année qui précéda sa fuite. […] Et à plus forte raison quand au lieu de eamdem, on a eamdem.

1046. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Sa femme est une personne fort recommandable, et il y a là deux jeunes filles fort gracieuses, qui ont reçu une éducation du premier ordre et qui, en outre, ont de la fortune. […] Mais peu à peu il s’aperçut que, sans son ami, son intérieur était fort peu récréatif. […] Ses devoirs étaient fort restreints. […] D’abord, il fit beaucoup de fanfaronnades et parla d’un ton fort dégagé de son exil. […] Pendant quelque temps, cette chienne eut fort mauvaise mine.

1047. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Dès qu’il s’est retiré, l’armée des grecs, quoique toujours fort supérieure à celle des troyens, est cependant battuë, mise en déroute, et réduite à la derniere extrémité. […] Je juge aussi favorablement d’un ordre qu’un des chefs de l’iliade donne à ses soldats dans le fort d’une bataille. […] Un ordre donné à des soldats dans le fort d’une action, peut-il être trop clair ; et peut-on risquer de mettre la confusion entre eux, par une équivoque qui les feroit agir si diversement ? […] Qui s’appercevroit alors que ces deux vers sont fort bas pour l’expression, quoiqu’assez beaux pour le sens ? […] Tous ces éloges que les auteurs font des écrivains des siécles passés, sont ordinairement fort suspects.

1048. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Rarement il tirait un coup de fusil, car il avait fort peu de poudre et de plomb. […] demandai-je. — Non ; ç’a été un fort de brigands. […] Attachez-la plus fort pendant que je dormirai, et je serai à la maison avant mon escorte. » Et en effet, à peine parti, on le revoit au pays. […] Qu’il ne parle pas le français… le malheur n’est pas grand… Moi-même, je ne suis pas forte dans ce dialecte. […] Oui, tout cela est fort beau, dit-il pour clore ses réflexions, mais c’est qu’elle ne voudra pas suivre cette route avec moi.

1049. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Ils n’ont pas d’invention réelle, pas de forte composition, pas de relief, pas de couleur, pas de caractères, pas d’art enfin. […] Assézat est mort tout à coup pendant que les frères Garnier, les forts portefaix de l’édition, empilaient Diderot. […] Mais une telle besogne demandait une main plus forte que la sienne. […] Des esprits plus forts que le sien auraient dû l’avertir de la difficulté de ce pansage. […] Il y eut peut-être des jours où cette canaille ressembla à un peuple qui poussait quelques nobles cris ; mais ces jours-là même, ce peuple était plus fort que lui, le dominait et l’entraînait.

1050. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

J’ajoute qu’il vient fort à propos. […] Et c’est un fort, en effet ; on ne saurait le contester. […] Les plus forts payent toujours leur tribut à la faiblesse humaine. […] Très bien fait même et fort habilement charpenté. […] Oui, un fort, trop fort même.

1051. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet. (suite et fin.) »

Sur Louis XIV, en ce même volume, il a pourtant fort mal deviné, à mon sens ; il s’est montré souverainement injuste. […] Les portraits de Villars et de Vendôme sont fort vivants et des plus gais, sans trop de charge.

1052. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Note. »

Il produisit de l’émotion dans le cercle charmant et distingué de l’Abbaye-aux-Bois, et Mme Récamier, qui avait été fort rigoureuse à Benjamin Constant vivant, crut devoir à sa mémoire de le justifier contre des vérités sévères. […] Mais, non satisfaite encore de cette première apologie de Benjamin Constant qu’elle avait inspirée, Mme Récamier songea à faire publier les lettres qu’elle avait reçues de cet homme distingué, autrefois fort amoureux d’elle ; elle confia à cet effet un choix de ces lettres à Mme Louise Colet, qui devenait ainsi l’avocate officielle de l’ancien tribun.

1053. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

La séduction est si forte, qu’on croit voir tout ce qu’on ne fait que lire ou qu’entendre. […] C’est sans doute cette imitation mal entendue qui a altéré si fort, parmi nous, le vrai goût de l’Eloquence de la Chaire.

1054. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IV. Si les divinités du paganisme ont poétiquement la supériorité sur les divinités chrétiennes. »

Ainsi l’Être abstrait, dont Tertullien et saint Augustin ont fait de si belles peintures, n’est pas le Jehovah de David ou d’Isaïe ; l’un et l’autre sont fort supérieurs au Theos de Platon et au Jupiter d’Homère. […] Quant aux actions des intelligences chrétiennes, il ne nous sera pas difficile de prouver bientôt qu’elles sont plus vastes et plus fortes que celles des dieux mythologiques.

1055. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Trois espèces de natures Maîtrisée par les illusions de l’imagination, faculté d’autant plus forte que le raisonnement est plus faible, la première nature fut poétique ou créatrice. […] Le mot aristocrates répond en latin à optimates, pris pour les plus forts (ops, puissance) ; il répond en grec à Héraclides, c’est-à-dire, issus d’une race d’Hercule pour dire une race noble.

1056. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Ne nous amusons pas à dissiper des nuages dans un ciel serein ; c’est du temps perdu, ou plutôt fort mal employé. […] On y trouve de fortes études psychologiques et des sentences bonnes à noter dans un recueil de pensées choisies. […] Le plan de son Avare est tout différent, et c’est une machine fort compliquée. […] Il y a de fort belles sentences dans Le Misanthrope. […] Sa critique est fort juste, mais ses idées générales sur les rapports de la morale et de la comédie sont entièrement fausses.

1057. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Le rêve est si fort, qu’il n’est pas bien sûr de n’être pas là-bas à Londres. « Il devient ainsi son propre spectre et son propre fantôme. » Et cet être imaginaire, comme un miroir, ne fait que redoubler devant sa conscience l’image de l’assassinat et du châtiment. […] Miss Ruth est une fort gentille ménagère ; elle met son tablier : quel trésor que ce tablier ! […] C’est une ivresse, et sur une âme délicate l’effet serait trop fort ; mais il convient au public, et le public l’a justifié. […] Le ton et les idées font alors contraste ; tout contraste donne des impressions fortes. […] Il a, outre sa grimace, un caractère et un tempérament ; il est gros, fort, rouge, brutal, sensuel ; la vigueur de son sang le rend audacieux ; son audace le rend calme ; son audace, son calme, sa promptitude de décision, son mépris des hommes font de lui un grand politique.

1058. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Assurément la tentation avait été forte… Quel visage triste ! […] Une tête brune et forte se pencha en dehors, et regarda les deux fenêtres l’une après l’autre. […] En l’endormant, son père lui racontait des histoires : … Et il riait très fort. […] Le Tsar est là tout entier : doux et fort, souriant et inébranlable. […] Je luy recommande mon cher fils, et je la prie fort de ne pas se déplacer pour luy.

1059. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Mme de Staël avait uni à des dons puissants d’imagination et de sensibilité un coup d’œil politique et philosophique fort étendu ; mais elle faisait exception dans son sexe, et, depuis elle, la prétention de nos femmes, même les plus distinguées, s’était restreinte à des chants suaves, à de délicates peintures, à une psychologie fine et tendre sous l’aile du christianisme. […] S’il en est de plus fortes, de plus puissantes d’essor, de plus orgueilleusement douées, sentant ainsi cette vie d’amour éteinte, elles doivent frémir de colère, se frapper, souvent la poitrine, redemander la flamme perdue à tous les êtres, et, dans leurs moments égarés, en vouloir aux hommes et à Dieu, à la société, à la création elle-même. […] Ce Trenmor signifie simplement qu’on se guérit à la longue des vices et des douleurs, si toutefois on est assez fort et assez, heureux pour s’en guérir.

1060. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Fiévée commence par nous parler de lui, de ses articles au Temps, et pourquoi il a cessé d’en faire, et pourquoi il pourra bien reprendre, toutes particularités fort curieuses et fort agréablement assaisonnées sans doute, mais qui tiennent d’assez loin en apparence aux questions politiques tranchées ou soulevées par les événements de juillet, il y a des gens d’esprit qui ont une manière de causer à eux ; ils débutent à leur façon, ils parlent d’eux-mêmes, ils ont peine à se dégager de leur personnalité ; avant de vous exposer les résultats de leurs réflexions, ils ont besoin d’établir où et comment ces réflexions leur sont venues. […] Lorsque cette cause est découverte, alors il est permis d’en prévoir les résultats, et nécessaire de les annoncer pour faire la part des hommes, et des choses qui sont plus fortes que les hommes, et afin que ces résultats ne soient pas troublés par des idées qui leur sont étrangères.

1061. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Nos beaux-esprits, pour la plupart, sont fort opposés à cette prétention. […] Elle est si forte que, pour la déraciciner & pour prévenir les innovations en ce genre, une feuille périodique qu’on feroit paroître ne seroit pas la moins utile. […] Mais, lui répond-on, les Bavius & les Mævius, les Pradon & les Cotin, ont vécu dans le même temps & sous le même climat que ces grands hommes, dont les productions sublimes ont si fort honoré leur patrie, & font un étonnant contraste avec celles de leurs imbécilles rivaux.

1062. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il a pris toute la mâle vigueur de ses modèles ; & ses expressions fortes & pittoresques donnent du corps aux pensées les plus légeres. […] Les bons livres de morale ont toujours beaucoup de succès ; c’est ce qui a si fort multiplié le nombre des mauvais ; c’est ce qui a fait tant d’imitateurs de la Bruyere, dont aucun n’a égalé ce célébre écrivain. […] Cet ouvrage est parsemé de réfléxions fort bonnes, qui dédommagent d’un grand nombre de moralités triviales, de pensées bassement exprimées.

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