Montesquieu était de force à concevoir tout seul la pensée de son livre. […] Pour la seconde, peu s’en faut qu’il ne l’ait développée, à l’enlever à jamais même aux esprits de la force de Montesquieu. […] Montesquieu nous fait plutôt des confidences à voix basse sur des choses supérieures, curieuses, rares, qu’il ne veut nous amener de force à des opinions contentieuses. […] un esprit de cette application et de cette force, si profond observateur et si fin, qui, par l’art de diriger son génie vers les études où il était le plus propre, sa vie vers le genre de bonheur dont il était le plus capable, a paru si bien prouver qu’il se connaissait, Montesquieu aurait ignoré quelque chose de l’homme ! […] Il s’agit de ce principe, non pas supérieur au principe de liberté, mais apparemment plus nécessaire aux nations, puisqu’il ne souffre pas d’interruption ; il s’agit de cette force protectrice des sociétés, qui se forme de leur consentement intelligent et qui pourrait être le dernier progrès de la liberté dans ceux qui obéissent.
Il avait dans l’esprit de la délicatesse et de la force, de la gaieté et de l’enjouement. […] Il avait le génie admirable, et particulièrement pour la guerre : le jour du combat, il était fort doux à ses amis, fier aux ennemis ; il avait une netteté d’esprit, une force de jugement et une facilité sans égale. […] Pour commenter en quelque sorte, et démontrer cette supériorité distinctive du talent de Turenne, qui consistait à tirer bon parti d’une affaire déjà compromise, et à la rétablir à force d’habileté de détail, de ténacité et de prudence, Bussy, dans ses Mémoires, se plaît à exposer en ce sens les opérations de la campagne de Flandre de 1656, pendant laquelle Turenne fit preuve de toutes ces qualités combinées qui caractérisent sa première manière militaire. […] Il pouvait avoir sa force et son cachet marqué de virilité dans l’observation et dans cette manière, qu’on a louée en lui, de laisser voir tout d’un coup sa pensée, et de ne laisser voir qu’elle uniquement ; mais il n’avait pas cette source vive de grâce et d’imagination qui rafraîchit et fertilise à jamais le fonds d’où elle sort. […] Il y a, dans chaque époque, des espèces de maladies morales et d’affections régnantes qui atteignent généralement les âmes : il faut une grande force et une grande santé d’esprit pour y résister.
Il me semble donc que M. de Tocqueville s’est privé d’une grande force en laissant de côté la question de droit, pour ne s’occuper que du fait. […] Il est très-vrai sans doute que la démocratie, en détruisant les pouvoirs moyens, les privilèges locaux, les corporations, les titres personnels, a laissé l’individu seul et désarmé en face de l’État ; mais en même temps qu’elle le prive des points d’appui, des forces artificielles de l’ancien régime, elle le protège à son tour par des libertés générales, qui, à la vérité, ne s’appliquent pas à tel individu en particulier, mais à tous. […] Ici, à la vérité, je me rencontre précisément sur le terrain où M. de Tocqueville croit sentir le plus clairement la main toute-puissante de l’État. — Le progrès de l’industrie, dit-il, amène le développement de la puissance publique de trois manières : d’abord l’industrie, en réunissant un grand nombre d’hommes dans des cités populeuses, appelle des lois de police, une surveillance compliquée et coûteuse, la crainte des révolutions et par conséquent l’augmentation de la force publique ; en second lieu, un pays où l’industrie prospère a besoin de routes, de ponts, de ports, de canaux : de là un immense déploiement des travaux publics, et par suite de la puissance de l’État. […] Aura-t-il la force de la défendre contre tout ce qui l’envahit et la menace ? […] « Une pareille doctrine, dit-il, est particulièrement dangereuse à l’époque où nous sommes : nos contemporains ne sont que trop enclins à douter du libre arbitre, parce que chacun d’eux se sent borné de tous côtés par sa faiblesse ; mais ils accordent encore volontiers de la force et de l’indépendance aux hommes réunis en corps social.
Et, si quelques traits de ce poëme furent le prétexte ou la cause de l’accusation de sacrilège intentée contre Eschyle et repoussée par son frère Aminyas, au nom de leurs blessures communes, jamais l’instinct de la conscience contre un culte faux, jamais le cri de l’humanité contre la force n’aura été plus poétique ni plus grand. […] Était-ce une apothéose du Pouvoir par la clémence, un triomphe du génie sur la force, l’inauguration d’un âge nouveau de la Grèce affranchie des invasions barbares et embellie de monuments immortels ? […] Par ses maximes sur l’éternelle justice, la providence divine, la pitié pour les faibles, la punition des méchants, Eschyle est, avec Pindare et Sophocle, le poëte le plus moral de l’antiquité, le poëte ami du droit et de la vertu contre la force et le vice. […] « Ô Reine de la ville de Pallas132, toi qui protèges cette terre sacrée supérieure à toutes, et par la guerre, et par les poëtes, et par la force, viens à nous ; et, ayant pris avec toi dans les camps et les batailles notre alliée, la victoire, qui se plaît à nos chansons et nous sert à mettre en fuite l’ennemi, apparais-nous ici ; car il faut que tu donnes la victoire à ces hommes aujourd’hui, si jamais. » Nulle part, on le sait, cette fantaisie lyrique du poëte comique d’Athènes n’a plus libre carrière que dans ses pièces fabuleuses, les Nuées, les Oiseaux. […] Nous a qui portons par derrière cette trompe aiguë, nous et sommes les seuls Attiques, les vrais nobles et les indigènes du pays, race belliqueuse et qui servit puissamment Athènes dans la guerre, quand vint le barbare, étouffant de fumée la ville et brûlant les campagnes, dans sa rage de nous enlever de force les rayons de la ruche.
Il n’y trouve que des gouttes de cette force, qui ne tueront personne : « Qui examinera les livres saints ? […] Eh bien, Diderot est aussi cynique que Rousseau ; il l’est même davantage, car il est plus matérialiste que le sentimental inconséquent qui se prit dans la glu de ce déisme mou dont il n’était pas de force à se tirer ! […] C’est sa force de critique qu’il nous faut juger. […] Il n’était pas de force à refaire d’ensemble ce qui avait été manqué en détail. […] … S’il en était mort, cela prouverait qu’il n’était bœuf que par la lenteur et non par la force, ce pauvre tardigrade d’Assézat !
Tantôt il me semble qu’une force irrésistible m’entraîne dans un gouffre sans fond ; tantôt je vois des taches noires devant mes yeux ; mais, pendant que je les examine, elles se croisent avec la rapidité de l’éclair, elles grossissent en s’approchant de moi, et bientôt ce sont des montagnes qui m’accablent de leur poids. D’autres fois aussi je vois des nuages sortir de la terre autour de moi, comme des flots qui s’enflent, qui s’amoncellent et menacent de m’engloutir ; et lorsque je veux me lever pour me distraire de ces idées, je me sens comme retenu par des liens invisibles qui m’ôtent les forces. […] l’envie se glissa pour la première fois dans mon cœur : jamais l’image du bonheur ne s’était présentée à moi avec tant de force. […] Ma sœur, ma compagne n’est plus, mais le ciel m’accordera la force de supporter courageusement la vie ; il me l’accordera, je l’espère, car je le prie dans la sincérité de mon cœur. […] Le manuscrit s’échappa de mes mains et je n’eus pas la force de le relever.
L’homme, pour être vraiment religieux, doit avoir à la fois le sentiment de sa faiblesse et de sa force, le sentiment de l’infini et du fini, de Dieu et de l’Humanité. […] A-t-il de la force, il résiste à cette effroyable tempête de scepticisme absolu ; mais il n’y résiste qu’en sortant religieux de la lutte. […] On voudrait à toute force voir le développement de l’Humanité, comme Bossuet, dans l’histoire hébraïque. […] Toujours abîmé dans la contemplation de la force divine, les êtres finis ne lui apparaissent que sous des traits peu arrêtés, comme des ondulations de la Vie générale. […] L’autre prend l’Humanité comme un spectacle varié et infini, comme un théâtre pour faire briller la force de son génie.
Le héros s’informe de la naissance de cet enfant dont la force rappelle l’Hercule indien Rustem. […] Les traditions ajoutent que le poète postérieur Valmiki, auteur ou compilateur du poème le Ramayana sur le même sujet, ayant découvert un jour ces fragments de poésie gravés sous les eaux sur les rochers, tomba dans une mélancolie mortelle, par le désespoir d’égaler jamais dans son poème, qu’il composait alors, la force et la beauté de ces fragments antiques. […] VIII Cette littérature a eu ses époques d’enfance robuste et inculte comme les nôtres ; puis de perfection, où la simplicité s’unit au goût, à la richesse et à la force ; puis de décadence, où l’ornement et la manière efféminent le sentiment ou l’idée. […] Je vais vous servir de guide… Le soleil, en ce moment, échauffe le ciel de ses rayons les plus ardents, et force à venir se réfugier sous l’ombrage les chantres silencieux de la clairière. […] » On voit, à ces pittoresques descriptions de la nature opulente et majestueuse de l’Inde, des arbres, des ondes, des animaux, que le sentiment du paysage dans la poésie, et de la mélancolie dans l’âme, ne sont point, comme on le dit, des inventions récentes de notre poésie, mais que la plus haute antiquité sentait et exprimait avec la même force l’œuvre de Dieu et le cœur de l’homme.
Point du tout ; s’il parle ainsi, ce n’est point par choix, c’est par force ; la métaphore n’est pas le caprice de sa volonté, mais la forme de sa pensée. […] Toutes les forces de son esprit se concentrent sur l’image ou sur l’idée présente. […] Car cette force de haïr, dans un grand cœur, est la même que la force d’aimer. […] Il les trouve en lui ; il ne se force pas, il n’a qu’à s’abandonner à lui-même. […] Ce que son imagination lui ôte, c’est le sang-froid et la force d’aller tranquillement et après réflexion mettre une épée dans une poitrine.
L’équilibre de ces deux forces fait la stabilité sociale. […] Ce n’est point par l’œuvre de sa force mouvante, mais par l’œuvre de sa force résistante. […] Puis il y faut mettre le pied, les genoux, les épaules, toutes les forces. […] Au règne de la force, le règne de la ruse a succédé ; un idéal se détériore, un autre se prépare. […] Il a eu la force de dire ce qu’il a vu.
La force de la routine est telle que Victor Hugo, qui se glorifiait de pouvoir dire : J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin, n’avait pas osé déplacer la césure. […] * * * Pour l’hiatus qui horripile force gens, il faut bien convenir qu’il n’est que le plus absurde des préjugés.
Leur nombre croissant pourrait faire craindre que le français fût en train de perdre son pouvoir d’assimilation, jadis si fort, si impérieux ; il n’en est rien, mais la demi-instruction, si malheureusement répandue, oppose à cette vieille force l’inertie de plusieurs sophismes. […] Ce n’est donc pas là un doublet véritable ; mais si le vieux français avait tiré un mot de unionem (unir), nous dirions, sans rire : L’oignon fait la force.
On ne reproche point à l’homme d’avoir manqué de génie ; on reproche à tous d’avoir manqué de force et de vertu. […] Mais l’être rare par excellence, c’est celui qui réunit la force qui fait agir et le génie qui fait dire grandement, celui à qui j’obéissais en remplissant cette tâche.
Une imagination qui a quelquefois l’éclat de celle d’Homère, des expressions de génie, de la force quand il peint, de la précision toutes les fois qu’il est sans images ; assez d’étendue dans ses tableaux, et surtout la plus grande richesse dans ses couleurs ; voilà ses beautés. Peu de goût, souvent une fausse grandeur, une majesté de sons trop monotone, et qui, à force d’être imposante, fatigue bientôt et assourdit l’oreille ; enfin trop peu d’idées, et surtout aucune de ces beautés douces qui reposent l’âme : voilà ses défauts.
La religion est une de ces forces, de ces influences. […] On peut l’expliquer par la supériorité de force et de sève de son génie. […] Ils l’animent, le font vivre et rebondir, y font circuler une force vive. […] La sûre manifestation de ce qu’il a de substance et de force véritables, d’aptitude à la durée, commence ici. […] Il attestait quelque chose d’étrange : la vigueur, une espèce de force écrasante dans l’infertilité.
Son imagination riche et intense évoquait avec une force supérieure. […] Et notez que si Stendhal était indifférent à la célébrité, Balzac y aspirait de toutes les forces de son âme. […] À force d’effiler la pointe du crayon, Flaubert la brisa. […] Sans doute elles changent : elles ne disparaissent jamais et s’imposent avec tant de force que je ne sache pas qu’aucun écrivain les ait jamais renversées. […] En Angleterre, la force sociale du roman est reconnue.
Il s’est élevé avec force contre toutes les mesures oppressives. […] C’est le seul moment où leur propre sûreté les force à reconnaître quelque subordination. […] Il est vrai qu’en général cette imagination a plus de force que de souplesse, et plus de grandeur que de grâce. […] Il recueille toutes les forces de son âme. […] Tout est poids et contrepoids, force et levier, action et réaction.
La moelle de chaque siècle, ajoutée à la leur, accroît leur force, leur puissance et leur joie. […] Il commença alors une vie de chef de bande, dans laquelle il finit par gagner, à force d’audace et de ruse, la souveraineté de Valence, où il mourut, à soixante-treize ans environ. […] Ces aveux que lui arrache la force de la vérité, malgré le vif désir qu’elle a de ne point déplaire au Cardinal, n’en ont que plus de prix. […] Mais, en revanche, le poète supplée par la grandeur des sentiments et la force des caractères à l’insuffisance de l’action. […] Malheureusement, il s’en faut de beaucoup qu’elle soit partout d’égale force.