Peut-être ferait-il mieux de concentrer toutes ses facultés sur une œuvre unique, et de ne pas quitter le poème commencé avant de l’avoir achevé. […] Mais il manque au chevalier, pour échapper à sa ruine, un auxiliaire indispensable, la faculté de se gouverner. Il est vrai que s’il possédait cette faculté précieuse, il abandonnerait Manon dès qu’elle s’avilit ; et, dès lors, le roman de Prévost deviendrait impossible. […] L’amour ainsi conçu touche de près à la folie, car il paralyse, il anéantit toutes les facultés. […] Hugo se laisse emporter par le respect de la rime bien au-delà de la vérité, car il attribue évidemment à la rime la faculté d’engendrer la pensée.
C’est une faculté naturelle. […] Il dépasse presque nos facultés d’admiration ; il va presque justifier Creuzer et Renan. […] Je n’insiste pas sur sa faculté de voler. […] L’orgueil s’incarne et se gonfle dans la faculté ou dans le sentiment qui nous est cher. […] La faculté de souffrir, comme celle de jouir du reste, est inégalement répartie entre les hommes.
Il ne s’agit pas d’une de ces maladies mentales qui jettent dans les facultés du malade une telle perturbation qu’elles entraînent son irresponsabilité. […] Elle n’est pas non plus orgueilleuse, car loin d’avoir la conscience de facultés supérieures, Senancour souffre du sentiment de son insuffisance. […] Toutefois l’altération maladive de nos facultés aimantes n’avait pas été directement étudiée avant l’apparition d’Adolphe. […] Il se drape dans sa tristesse et dit adieu aux affections humaines, comme s’il avait perdu sans retour la faculté d’aimer. […] Cléon est né avec des facultés qui donnaient de grandes espérances.
Adolphe Thiers alla, vers la fin de 1815, suivre les cours de droit à la faculté d’Aix. […] C’est bien le même qui, dix ans plus tard, dans un admirable article sur les Mémoires de Gouvion Saint-Cyr21, après avoir montré, à la louange des grands capitaines, que penser fortement, clairement, non pas au fond de son cabinet, mais au milieu des boulets, est, à coup sûr, l’exercice le plus complet des facultés humaines, c’est lui qui ajoutera en des termes tout à fait semblables : « Ceux qui ont rêvé la paix perpétuelle ne connaissaient ni l’homme ni sa destinée ici-bas. […] Mais, la part faite à ces observations et préoccupations libérales, ce petit écrit se recommande encore, après bien des années, par quelques pages plus durables : des descriptions lumineuses et faciles annoncent, dans le voyageur, l’habitude précoce et la faculté de voir géographiquement des ensembles, de décrire de haut et sans effort la configuration des lieux et des bassins qui se dessinent devant lui. […] Penser fortement, clairement, au fond de son cabinet, est bien bea sans contredit ; mais penser aussi fortement, aussi clairement, au milieu des boulets, est l’exercice le plus complet des facultés humaines. » Thomas, si l’on s’en souvient, en son Éloge de Duguay-Trouin et dans une page qu’on dit éloquente, a décrit les difficultés et les dangers des combats de mer, plus terribles que ceux de terre ; mais ici que le Thomas est loin !
« Nouvelle preuve que la législation ne doit nécessairement concerner que des individus égaux par leur naissance et par leurs facultés. […] On accordera de plus à chacun la faculté de vivre comme bon lui semble. […] La révolution n’a souvent pas d’autre motif que cette faculté laissée à chacun de vivre comme il lui convient, faculté dont Socrate attribue l’origine à un excès de liberté.
Pareillement, « la faculté maîtresse » explique tout dans l’œuvre d’un artiste, excepté la beauté. La « faculté maîtresse » peut, en effet, se rencontrer aussi bien chez un galfâtre que chez un homme de génie. […] Comme Taine a théorie du milieu, du moment et de la faculté maîtresse, M. […] D’où, chez le général, un malaise et une angoisse, le sentiment d’une disconvenance croissante entre sa personne et son emploi, entre ses facultés et le milieu où elles ont à s’exercer, entre son idéal de vie et l’état politique de la société où il est condamné à vieillir.
Admire qui voudra cette faculté qu’avait Voltaire à vingt-quatre ans de faire des tragédies, un poème épique et des affaires ! […] Mais Voltaire, en étant le dieu d’un tel monde et se modérant assez pour s’en contenter, se condamnant à mener cette vie de parfait galant homme, n’eût rien été qu’un Voiture accompli et un Hamilton supérieur : et il avait en lui une autre étoffe, bien d’autres facultés qui étaient à la fois son honneur et son danger.
. — Ce serait un bonhomme, disait-il encore, s’il n’était point si cupide de gloire et si jaloux de tous ceux qui en ont acquis par leurs ouvrages, surtout en fait de traduction. » Dans tous ces passages, et dans d’autres que je supprime, Chapelain n’a pas manqué de bien saisir et de noter cette faculté (dirai-je heureuse ?) […] À côté d’une faculté qui dévie et qui divague, il peut, dans le même homme, s’en rencontrer une autre où il excelle et où il mérite d’être considéré ; et tel qui le raille aisément pour des défauts qui sautent aux yeux, aurait tout profit d’aller à son école pour la qualité qu’il a.
… » C’est qu’en effet n’être rien n’est pas sa vocation ; ses facultés non occupées l’agitent, le dévorent, l’étouffent, lui causent un malaise indéfinissable ; le trop d’activité renfermée simule à ses yeux l’engourdissement et une sorte de paralysie morale ; « (1810)… Dis-moi sincèrement ce que tu penses de moi. […] Il n’y avait pas là de quoi captiver suffisamment son intérêt et occuper sa faculté d’éloquence.
Sa première carrière dramatique de vingt années ne put manquer toutefois de laisser en elle des impressions profondes, ineffaçables : en y aiguisant sa sensibilité, en y exerçant sur tant de sujets sa vive intelligence, elle y avait acquis une faculté douloureuse qui tenait à cette délicatesse même ; elle en avait gardé comme un pli d’humilité. […] C’est la douleur constante et son aiguillon, le travail aussi, l’avertissement de poètes plus mâles et à la grande aile, les exemples dont elle profita en émule et en sœur, un art caché qu’elle trouva moyen de mêler de plus en plus à ses pleurs et à sa voix, qui opérèrent cette transformation sensible vers 1834 environ, et qui l’amenèrent sinon à la perfection de l’œuvre, toujours s’échappant et fuyant par quelque côté, du moins au développement et à l’entier essor des facultés aimantes et brûlantes dont son âme était le foyer.
Sans doute ces aptitudes singulières, ces facultés merveilleuses reçues en naissant se coordonnent toujours tôt ou tard avec le siècle dans lequel elles sont jetées et en subissent dès inflexions durables. […] C’est en suivant Boileau dans sa solitude d’Auteuil qu’on apprend à le mieux connaître ; c’est en remarquant ce qu’il fit ou ne fit pas alors, durant près de trente ans, livré à lui-même, faible de corps, mais sain d’esprit, au milieu d’une campagne riante, qu’on peut juger avec plus de vérité et de certitude ses productions antérieures et assigner les limites de ses facultés.
Avant de prendre racine dans leur cervelle, toute idée doit devenir une légende, aussi absurde que simple, appropriée à leur expérience, à leurs facultés, à leurs craintes, à leurs espérances. […] Mais leur effet d’ensemble est plus pernicieux encore ; car, de tant de travailleurs qu’elles ruinent, elles font des mendiants qui ne veulent plus travailler, des fainéants dangereux qui vont quêtant ou extorquant leur pain chez des paysans qui n’en ont pas trop peur pour eux-mêmes. « Les vagabonds, dit Letrosne759, sont pour la campagne le fléau le plus terrible ; ce sont des troupes ennemies qui, répandues sur le territoire, y vivent à discrétion et y lèvent des contributions véritables… Ils rôdent continuellement dans les campagnes, ils examinent les approches des maisons et s’informent des personnes qui les habitent et des facultés du maître Malheur à ceux qui ont la réputation d’avoir quelque argent !
Celui-ci, s’il peut gagner passablement sa vie par une occupation quelconque, s’apercevra à peine qu’il a changé de condition ; tandis que celui-là, d’un ordre supérieur, regardera comme le plus grand des maux de se voir obligé de renoncer aux facultés de son âme, de faire sa compagnie de manœuvres, dont les idées sont confinées autour du bloc qu’ils scient, ou de passer ses jours, dans l’âge de la raison et de la pensée, à faire répéter des mots aux stupides enfants de son voisin. […] Le malheur nous est utile, sans lui les facultés aimantes de notre âme resteraient inactives : il la rend un instrument tout harmonie, dont, au moindre souffle, il sort des murmures inexprimables.
Ainsi Platon traçait sa république idéale sur le modèle des facultés de l’âme humaine. […] Mais il suffit d’un peu de réflexion pour voir que dans les deux cas, les mêmes facultés sont en jeu, et que leur mode d’opération est le même dans son fond.
Saint-Simon, au premier bruit de la rechute et de l’agonie, court donc chez la duchesse de Bourgogne, et y trouve tout Versailles rassemblé, les dames à demi habillées, les portes ouvertes, un pêle-mêle confus, et une des occasions les plus belles qu’il ait jamais rencontrées de lire à livre ouvert dans les physionomies des acteurs : « Ce spectacle, dit-il, attira toute l’attention que j’y pus donner parmi les divers mouvements de mon âme. » Et il se met à exercer sa faculté de dissection et d’analyse sur chaque visage en particulier, en commençant par les deux fils du moribond, par leurs épouses, et ainsi par degrés sur tous les intéressés : Tous les assistants, dit-il avec une jubilation de curieux qui ne se peut contenir, étaient des personnages vraiment expressifs ; il ne fallait qu’avoir des yeux, sans aucune connaissance de la Cour, pour distinguer les intérêts peints sur les visages, ou le néant de ceux qui n’étaient de rien ; ceux-ci tranquilles à eux-mêmes, les autres pénétrés de douleur, ou de gravité et d’attention sur eux-mêmes pour cacher leur élargissement et leur joie. […] Saint-Simon pourtant, dans son ensemble, n’était point un homme tout à fait supérieur, en ce sens qu’avec des portions et des facultés supérieures de l’esprit, avec des dons singuliers, il n’a point su gouverner, distribuer le tout, et donner à ses points de vue la proportion et l’harmonie qui remettent à leur place les vanités ou les préjugés, et qui laissent régner les lumières.
Je commence à croire qu’on a tort ; il est de ces natures qui n’auraient jamais poussé très-loin en élévation et en art sérieux ; en se dissipant comme follement sur la plus large surface, il a l’air de perdre des facultés qu’il ne fait après tout qu’employer et produire dans tous les sens, et il y gagne encore de faire croire à un mieux possible qu’il ne lui eût été donné dans aucun cas de réaliser20.
On est singulièrement frappé, en le lisant, de la longueur interminable des phrases ; Patin, qui professe avec distinction la poésie latine à la Faculté des Lettres, est un charmant et fluide improvisateur, mais il en porte trop les habitudes dans ce qu’il écrit.
Sa vie entière s’était consumée dans cette lutte subtile ; ses facultés s’y étaient resserrées ; et, grâce à tant de travail sur elle-même, nulle femme ne possédait à son égal l’entente profonde et déliée des tracas de salon ; c’était une gloire dans la société, mais, en même temps, un obstacle à l’intelligence des grandes affaires.