L’amour supplée aux longs souvenirs par une sorte de magie. » Mais il ne nous indique aucun de ces détails qui lui ont paru si charmants, ou il ne les indique que d’une façon très générale ; il aime mieux s’écrier : « L’amour n’est qu’un point lumineux, et néanmoins il semble s’emparer du temps, etc. » — Un jour il écrit à Ellénore, pour lui donner idée de ce qu’il souffre pendant les heures qu’il vit séparé d’elle : « … J’erre au hasard courbé sous le fardeau d’une existence que je ne sais comment supporter. […] Vous voyez, lui dis-je en lui donnant la main pour rentrer dans le salon, que vous disposez de toute mon existence ; que vous ai-je fait pour que vous trouviez du plaisir à la tourmenter ? […] Plein de passion et d’ardeur, dévoué, dans une existence partagée, au noble culte de l’art, il saura se donner cette plus large carrière ; il la médite et l’embrasse déjà.
« Loin que l’éducation ait pour objet unique ou principal l’individu et ses intérêts, elle est avant tout le moyen par lequel la société renouvelle perpétuellement les conditions de sa propre existence. […] Fages62 l’unité morale est si peu une condition sine qua non de l’existence des sociétés, qu’en fait, cette unité n’a été réalisée nulle part, à aucune époque. […] L’éducation intellectualiste repose sur le préjugé objectiviste qui consiste à admettre l’existence d’une vérité en soi qui doit s’imposer à tous les esprits, et cette vérité prend un caractère sacro-saint.
Nous sommes incapables d’examiner l’existence d’un monde matériel indépendant : cet acte en lui-même serait une contradiction. […] Par une illusion de langage, nous nous imaginons être capables de contempler un monde qui n’entre point dans notre propre existence mentale. […] Il nous dit encore dans une note de sa récente édition de James Mill175 : « Les termes opposés « sujet » et « objet » sont ceux qu’on peut le moins critiquer pour exprimer l’antithèse fondamentale de la conscience et de l’existence.
Ses explications de détail, soit qu’il cherche « l’origine de la connaissance », « l’origine du logique » ou toute autre genèse, font intervenir la sélection naturelle comme un agent dont personne n’oserait nier l’existence ou l’importance. […] Ou bien la courbe de l’existence s’efforce vraiment vers quelque noblesse entrevue à l’extrémité de son axe ou à l’un de ses foyers. […] Descartes guérit la folie théologique en nous faisant constater notre existence avant celle de Dieu.
L’existence de D. […] Et, quoique le mariage lui eût toujours paru incompatible avec son existence, il rêvait pourtant de trouver une femme. […] … Oui, deux cœurs s’unissaient dans un amour immense, mais l’existence d’un innocent était brisée ! […] Qui d’eux est parvenu à se créer une grande existence, à conquérir une influence sur la société ? […] Mon existence lui sera consacrée.
Mais on se les représente voyant passer la vie, comme ils regardent couler le ruisseau qui rafraîchit leur climat brûlant, et l’on finit presque par leur pardonner d’oublier la morale et la liberté, comme ils laissent échapper le temps et l’existence. […] Elles n’avaient point encore l’existence indépendante que leur assurent les lois modernes : mais reléguées avec les dieux pénates, elles inspiraient, comme ces divinités domestiques, quelques sentiments religieux.
Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher. Un certain degré de peine décourage et fatigue ; l’irritation du crime attache à l’existence par un mélange de crainte et de fureur ; elle devient une sorte de proie qu’on conserve pour la déchirer.
Si deux amis peuvent réussir à confondre leurs existences, à transporter l’un dans l’autre ce qu’il y a d’ardent dans la personnalité ; si chacun d’eux n’éprouve le bonheur ou la peine que par la destinée de son ami ; si se confiant mutuellement dans leurs sentiments réciproques, ils goûtent le repos que donne la certitude, et le charme des affections abandonnées, ils sont heureux ; mais que de douleurs peuvent naître de la poursuite de tels biens ! […] Il semble alors qu’il vaudrait mieux séparer entièrement l’amitié de tout ce qui n’est pas elle ; mais son plus grand charme serait perdu, si elle ne s’unissait pas à votre existence entière : ne sachant pas, comme l’amour, vivre d’elle-même, il faut qu’elle partage tout ce qui compose vos intérêts et vos sentiments, et c’est à la découverte, à la conservation de cet autre soi, que tant d’obstacles s’opposent.
Il part là-dessus avec une gravité de membre de l’Académie de médecine écrivant un rapport : « Une curieuse épidémie sévit depuis quelque temps sur les billets de cinq cents francs ; ils ne meurent pas tous, mais tous sont frappés d’un vague discrédit Le symptôme pathognomonique de la maladie est un épaississement accentué des tissus, avec complication de troubles dans le filigrane, etc… » Ou encore : « On vient de découvrir l’antisarcine ; comme son nom l’indique, ce médicament est destiné à combattre les effets du Francisque Sarcey qui sévit avec une si cruelle intensité sur la bourgeoisie moyenne. » Et alors il fait l’historique de la découverte ; il raconte que les études sur le virus sarcéyen ont démontré l’existence d’un microbe spécial qui a reçu le nom de Bacillus scenafairus (bacille de la scène à faire) ; que les premiers microbes ont été recueillis dans la bave d’un abonné du Temps, un malheureux qui « jetait du Scribe par les narines et délirait sur des airs du Caveau… et que son teint blafard (et Fulgence) désignait clairement comme un homme épris des choses du théâtre » ; que ces bacilles ont été recueillis, cultivés dans les « bouillons » du Temps et de la France, etc… Ce qui double encore l’effet de ces méthodiques extravagances, c’est le style, qui est d’un sérieux, d’une tenue et d’une impersonnalité effrayantes. […] … Voyons, tout à fait entre nous, vous n’avez jamais eu de ces aimables écarts qui embellissent l’existence d’une locomotive à l’âge des passions ?
Leur existence est un fait universel de linguistique et leur choix, de même qu’il n’a rien d’absolu pour tous les peuples, n’a rien d’arbitraire pour chacun d’eux. […] Prendre l’humanité à un point isolé de son existence, c’est se condamner à ne jamais la comprendre ; elle n’a de sens que dans son ensemble.
Des familles composées de serviteurs, antérieures à l’existence des cités, et sans lesquelles cette existence était impossible Au bout d’un laps de temps considérable, plusieurs des géants impies qui étaient restés dans la communauté des femmes et des biens, et dans les querelles qu’elle produisait, les hommes simples et débonnaires, dans le langage de Grotius, les abandonnés de Dieu dans celui de Pufendorf, furent contraints, pour échapper aux violents de Hobbes, de se réfugier aux autels des forts.
Dieu veut, en effet, l’existence des sociétés, à laquelle l’existence du pouvoir est nécessaire. […] Aucune loi ne lui est antérieure ; elle agit dans la première opération de l’entendement : par elle seule naissent toutes les existences. […] En effet en disant, « Je pense », il affirmait son existence avant d’affirmer sa pensée, puisqu’il commençait par poser en fait sa personne, Je ; c’était donc de son existence qu’il déduisait son existence. […] Ainsi, Malebranche ne voit qu’un motif de croire à l’existence de la matière : la révélation ; Locke, qu’un motif de croire à l’existence des esprits : la révélation. […] Quand toutes les existences sont en problème, quelle autorité reste-t-il aux rapports qui les unissent ?
L’illustre Sicilienne, dont le monument se voit à Palerme, entre celui d’Empédocle et celui d’Archimède, ignorait peut-être jusqu’à l’existence du futur auteur de la Vita Nuova. […] Il quitta le monde prématurément, sans avoir parcouru comme Gœthe toutes les phases de son existence. […] La nouvelle de sa mort fut pour notre poëte une commotion terrible. « Une des plus fortes racines de son existence était tranchée. » C’est lui qui parle ainsi. […] Plus d’une atteinte avait été portée au Sauveur des hommes ; son existence historique était mise en doute ; on avait nié, non plus seulement l’authenticité, mais la possibilité de ses miracles. […] Après deux années de l’existence à la fois la plus active et la plus paisible, la plus conforme à sa nature, dans le pays de ses prédilections, Gœthe rentre en Allemagne.
» Mais l’idéal infini que l’homme conçoit a-t-il une existence réelle, en dehors de notre esprit ? […] Cet infini éveille-t-il en nous l’idée d’essence, tandis que nous ne pouvons nous attribuer à nous-mêmes que l’idée d’existence ? […] Au lieu de dire : — Dieu est l’existence, la substance, dont les êtres expriment l’essence et sont les formes, — il dit : — Dieu est l’essence, l’essentiel, le formel, et nous ne pouvons nous attribuer à nous-mêmes que l’existence brute. […] L’absolu véritable est donc dans l’ordre de la qualité, non dans celui de l’existence. […] Même pour Descartes : — Il est difficile de douter de sa propre existence (cogito, ergo sum) ; Où aurions-nous pu prendre l’idée d’un être parfait s’il n’y avait en nous qu’imperfection ?
L’exil, il est vrai, lui laissait le génie et la gloire des lettres ; on ne pouvait exiler sa pensée ; mais la gloire des lettres n’était que la moitié de son existence. […] On y sent à chaque page l’amertume d’une âme qui aurait voulu réunir dans une seule vie ce qui illustre l’existence et ce qui la voile, mais qui combat contre la nature des choses et contre la véritable destinée de la femme, qui est vaincue par le bons sens ou par ce qu’elle appelle les préjugés de la société. […] Frappée inopinément dans sa sécurité, dans sa liberté, dans sa gloire, madame de Staël implora pour toute grâce une prolongation de huit jours pour se préparer à cette transplantation de son existence. […] « Madame de Staël, disait le préfet de Genève, s’est fait une existence agréable chez elle ; ses amis et les étrangers viennent la voir à Coppet ; l’empereur ne veut pas souffrir cela. » Et pourquoi me tourmentait-il ainsi ? […] La poésie est une possession momentanée de tout ce que notre âme souhaite ; le talent fait disparaître les bornes de l’existence et change en images brillantes le vague espoir des mortels.
Si nous revoyons la vie de ces deux musiciens, une transition naturelle nous apparaîtra de Haydn à Beethoven par Mozart dans la direction de l’existence extérieure. […] La vie de Mozart fut, au contraire, une lutte incessante pour une existence paisible et assurée, qui, toujours, devait lui être refusée… Son maître, à lui, était le grand public, qu’il avait, chaque jour, à charmer par quelque œuvre nouvelle : et ses compositions reçurent, de cette vie cruelle, leur caractère spécial d’improvisation rapide… … Si Beethoven avait disposé sa vie, d’après une conception théorique froide et réfléchie, il n’aurait pu la diriger plus sûrement, par rapport à la vie de ses deux grands prédécesseurs, qu’il fit, en vérité, d’après la seule impulsion de son naïf instinct naturel. […] Mais ces tendances natives de son âme apparaissent surtout, remarquables, dans les traits caractéristiques qui ont préservé Beethoven d’une existence misérable, comme celle de Mozart. […] Sans doute, ce grand bienfait ne devait point avoir, pour Beethoven, une durée constante et inaltérée ; il fonda pour lui, cependant, cette harmonie spéciale de la vie qui se révèle dans l’existence du Maître, lorsque cette existence lui a été assurée de si rare façon. […] Ce premier volume comprend les chapitres suivants : Avant-propos ; introduction (esthétique) ; 1° Education anarchique ; 2° Wagner devient artiste (les Fées, la Défense d’aimer) ; 3° Wagner chef d’orchestre en province (Rienzi) ; 4° Paris — lutte pour l’existence ; — 5° Révolte — Wagner critique ; 6° le Vaisseau Fantôme — Manfred ou Tànnhaeuser ; 7° Wagner chef d’orchestre à Dresde — Tannhaeuser ; 8° Première idée des Maîtres Chanteurs — Lohengrin ; 9° Dernière crise — Projet de réforme du théâtre ; 10° Dernier conflit — Formation de l’idéal ; 11° Forme du drame de Wagner — Révolution et exil, la Mort de Siegfried.
Usher n’ont eu, que l’on sache, d’existence réelle, même approximative. […] Poussé dès dix-huit ans dans une vie hasardeuse, il eut la soif d’aventures et d’horreur de Pym, des visions nostalgiques de naufrages, de famine, de morne désespoir, « d’une existence de larmes traînée sur quelque rocher gris dans un Océan inconnu. ». […] Ce que tu appelles Univers n’est que l’expansion présente de son existence. […] En un ensemble d’œuvres, les plus étranges de notre siècle, nous avons noté un ensemble de caractères d’abord externes, puis intérieurs Ces caractères associés selon leur similitude, analysés selon leur signification, nous ont permis de conclure chez celui dont ils marquent les écrits, à certaines propriétés mentales, dont l’existence et les modifications réciproques expliquent pourquoi l’œuvre de Poe est telle que nous l’avons vue. […] Mais grâce à la faculté primordiale de son âme, à ce rationalisme qui le fit ne ressentir d’émotions qu’en son existence inférieure et sauva l’artiste en perdant mieux l’homme, il conserva et déploya son génie, plus que tout autre écrivain moins constitutionnellement impassible.
Il y a de grands auteurs qui n’ont pas besoin du tout de leur biographie pour qu’ils soient expliqués ; on peut les comprendre tout entiers sans rien savoir de leur existence. […] Je vous ai raconté la vie de La Fontaine parce que je crois bien qu’il faut raconter même les existences dont le récit laisse une assez fâcheuse impression. […] Mais je suis sûr qu’il faut toujours finir par raconter l’existence des grands hommes de lettres. […] Ce qui en résulte ne nous regarde pas. » Je ne suis pas complètement convaincu de cela, mais ce dont je suis convaincu, c’est de ceci : c’est que c’était une erreur de nos professeurs, autrefois, que de s’arranger toujours de manière à nous présenter les existences les plus déplorables des grands hommes de lettres comme des existences parfaitement convenables et presque saintes.