/ 2563
741. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

L’enfant nouveau-né, qui exprime sa douleur par des cris, ne comprend pas encore la signification des cris chez un autre enfant. […] Un enfant qui est fort en thème ne l’est pas nécessairement en version, et réciproquement.

742. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Mais si, exclusivement à toute autre science, vous endoctrinez un enfant dans cette science qui donne peu d’idées, vous courez les risques de tarir la source des idées mêmes de cet enfant, de gâter le plus beau naturel, d’éteindre l’imagination la plus féconde, de rétrécir l’entendement le plus vaste. […] Mais on a répondu très ingénieusement et très solidement à la fois, que pour classer des idées, il fallait premièrement en avoir ; que prétendre arranger l’entendement d’un enfant, c’était vouloir arranger une chambre vide.

743. (1760) Réflexions sur la poésie

Celui qui le premier a peint l’amour sous les traits d’un enfant, avec des ailes, un bandeau, et des flèches, a montré beaucoup d’esprit : il n’y en a point à le répéter. […] Le poète qui n’est que peintre, traite ses lecteurs comme des enfants de beaucoup d’esprit ; le poète de sentiment, ou le poète philosophe, traite les siens comme des hommes. […] La Fontaine surtout, qu’on regarde assez mal à propos comme le poète des enfants, qui ne l’entendent guère, est à bien plus juste titre le poète chéri des vieillards : il l’est même plus que Racine.

744. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Qui sait si, hors de son livre, elle n’est pas aimable et bonne enfant, comme de grandes actrices le deviennent après la représentation ? […] Il n’y a d’empoisonné que son amour, de sorte que l’en voilà guérie, et que tout le monde sort en bonne santé de ce livre dont on peut dire, comme dans les lettres de faire-part : La mère et l’enfant se portent bien ! V Mais l’enfant mourra… et avant peu !

745. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Qu’elle se rappelle aussi qu’elle est une mère, et que la question posée ici est une question de mère de famille à enfants. […] Elles ressemblent aux enfants, dont la supériorité réelle apparaît moins à la classe qu’aux récréations. […] Demandez à l’Église si cette mêlée des enfants et des pères, dans des amusements au moins frivoles, n’affaiblit pas l’autorité parmi les uns et le respect parmi les autres ?

746. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Resté un enfant dans la vie, comme, du reste, cette promptitude à la colère le prouve bien, car il n’y a d’hommes forts que les sangs-froids ou les sangs-froidis, — à qui le monde appartient, disait Machiavel, — resté un enfant, comme un poète de métaphysique, par l’esprit, et un prêtre par le cœur et les habitudes (les prêtres sont toujours des enfants quand ils sont descendus de l’autel), Lamennais n’avait pas grand goût pour la réalité qui le blessait souvent, qui le faisait bondir de souffrance, cette sauvage hermine de Bretagne, et il s’en détournait, se retirant violemment en lui-même, les yeux retournés en dedans et attachés sur une idée, — une idée qui fut la vérité pendant une moitié de sa vie et une erreur pendant l’autre moitié, — mais qui, dans tous les temps, a suffi aux ardeurs et aux aspirations de cette âme désintéressée !

747. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Bien plus, elle l’aima à travers ses enfants qu’elle aimait, et qui ne furent point pour lui des bourreaux comme ils le sont presque toujours des cœurs assez insensés pour aimer des mères. […] « Ne va pas, — lui écrit-elle, — ne va pas me haïr, mon enfant, parce que je t’aime trop !  […] … Ses deux enfants, seuls, passent comme deux ombres de lumière rose sur la contemplation éternelle qui est le fond noir de sa vie.

748. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Il n’y a que nous, les enfants d’une révélation positive, qui puissions nous passer de construire une théorie de la connaissance pour donner de l’autorité à nos assertions. […] La Chute admise, le Progrès ne serait plus ï Les enfants verraient cela… Seulement, pour rendre son soufflet à l’histoire, il fallait rester dans la philosophie, nous donner, d’après la nature de l’homme et l’étude de ses instincts et de Ses facultés, la preuve philosophique de l’impossibilité radicale, humaine, de la chuté. […] … « Le jour où l’homme laissa les agneaux auprès de la brebis, il garda auprès de lui ses enfants, et la famille fut fondée. » C’est la phrase même de M. 

749. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Ces enfants gâtés du soleil et souvent terribles, M. de La Madelène les a fait vivre tels qu’ils sont, non pas seulement dans leur vie domestique et de foyer, mais dans leur vie collective, leur vie d’assemblée, d’émeute, de farandoles et de batailles, car le plein air, le dehors, la place publique, sont pour eux bien plus le foyer que le coin du feu de la maison ; il nous les a montrés en plein dix-neuvième siècle et à cette heure du dix-neuvième siècle, dominés par l’incoercible élément méridional, qui leur donne encore la physionomie des ancêtres ; par ce caractère héréditaire et local que la poussière humaine ne perd que le dernier, et qui se révolte avec tant d’énergie sous l’émiettant et l’aplanissant rouleau que la civilisation, cette Tarquine à la main douce, qui ne fait pas voler les têtes de pavot sous les coups de baguette, mais qui se contente de les coucher par terre en les caressant, promène par-dessus toutes choses, comme dans une allée de jardin ! […] IV Et il n’y avait d’ailleurs qu’un artiste enfant à son aurore, et charmant comme tous les enfants et comme toutes les aurores, qui pût naïvement s’encharmer, — et à ce point, — d’une tragédie de Voltaire ; et un initiateur de vocation, qui pût s’atteler à ce projet de la faire jouer, cette tragédie, dans son village, malgré l’indifférence, les railleries, les routines, l’inintelligence, les obstinations des circonstances et des hommes, toujours plus bêtes qu’elles… Pour que la donnée du livre de M. de La Madelène fût admissible, il fallait Espérit ; il fallait cette perle de poésie éveillée, d’enthousiasme, de candeur, de finesse, de douceur infatigable ; il fallait ce lunatique irrésistible qui finit par les emporter dans sa nuée, les plus récalcitrants, les plus lourds à soulever, les plus attachés à la terre, et qui fait jouer un jour, et qui qu’en grogne, sa tragédie devant dix villages rassemblés !

750. (1864) Études sur Shakespeare

William était, il y a lieu de le croire, le premier des enfants mâles, l’aîné des espérances de son père. […] Les femmes, les enfants, les vieillards, qui les a peints comme lui ? […] La passion du spectacle fournissait de l’emploi à des gens de tout étage, depuis ceux qu’on dressait aux combats de Tours jusqu’aux enfants de Saint-Paul et aux sociétaires de Black-Friars. […] Mais il pouvait attirer à Londres sa femme et ses enfants. […] Aucun enfant ne naquit de ces deux mariages, et ainsi s’éteignit à la seconde génération la postérité de Shakespeare.

751. (1876) Romanciers contemporains

Un laboureur, une jeune fille et un enfant. […] Il aime ses enfants, mais par instinct, sans avoir conscience ni de la dignité ni de l’élévation de l’autorité paternelle. […] — Approchez, mon enfant. […] Et cependant l’enfant s’éloignait. […] Si le devoir est seul, il produit l’insignifiant personnage du frère sage de l’Enfant prodigue.

752. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Il avait dix enfants ; le poète était l’aîné de cette belle et nombreuse famille, comme si la Providence l’avait prédestiné à être le patron et le second père de tant de sœurs et de tant de frères. […] Il était naturel qu’elle m’accueillît comme un enfant de la maison, quand mes parents, pour achever mon éducation, m’envoyèrent séjourner dans le pays qu’elle habitait maintenant elle-même ; aussi me reçut-elle avec le plus gracieux accueil à la ville dès que je me fus présenté à elle, à titre d’ancienne connaissance et d’ancienne familiarité en France. […] — Eh bien alors, reprit avec un fol enjouement Léna, laisse sécher tes yeux au vent de mer et ne songeons plus qu’à faire des bouquets. » En parlant ainsi, elle prit à deux mains la tête de la belle enfant, la posa de force à la renverse sur ses genoux, et, découvrant le front des tresses blondes qui tombaient sur les yeux de sa fille, elle lui tourna le visage vers le ciel bleu au-dessus de l’arbre, et vers la mer, plus bleue que le ciel ; puis, agitant légèrement l’air avec son éventail de papier vert, elle étancha en riant les larmes de l’enfant avec le double vent de la mer et de l’éventail. […] Elles continuèrent à jouer ainsi l’une avec l’autre devant moi, comme une jeune brebis avec son agneau devant un enfant qui les contemple. […] je vous retrouve pour pleurer : car, peu de jours après que j’eus quitté les collines euganéennes pour retraverser les Alpes, une maladie rapide comme celles des enfants, un vent glacé, tombant des Alpes sur la villa, emporta Thérésina au séjour des plus beaux fantômes, et il y a peu de jours qu’une lettre d’un inconnu, à cachet noir, m’apprit la mort de la comtesse Léna, qui s’était souvenue jusqu’au tombeau de nos belles jeunesses.

753. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Un génie apparut à sa nourrice, dit la rumeur antique, et lui prédit qu’elle allaitait, dans cet enfant, le salut de Rome, ce qui signifie que la physionomie et le regard de cet enfant répandaient dans le cœur de sa mère et de sa nourrice on ne sait quel pressentiment de grandeur et de vertu innées. […] La rapide et universelle intelligence de l’enfant fit une explosion plutôt que des progrès aux premières leçons qu’il reçut, en sortant du berceau, sous les yeux de sa mère. […] Les petits enfants, ses compagnons d’école, le proclamèrent d’eux-mêmes roi des écoliers ; ils racontaient à leurs parents, en rentrant des leçons, les prodiges de compréhension et de mémoire du fils d’Helvia, et ils lui faisaient d’eux-mêmes cortège jusqu’à la porte de sa maison, comme au patron de leur enfance. Quand la supériorité est démesurée parmi les enfants, elle ne suscite plus l’envie ; on la subit et on l’acclame comme un phénomène ; et, comme les phénomènes sont isolés et ne se renouvellent pas, ils n’humilient pas la jalousie parmi les hommes, ils l’étonnent. Tel était le sentiment qu’inspirait le jeune Cicéron aux enfants d’Arpinum.

754. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

« Ce n’est rien, maître, je donne seulement le signal de mon retour à ma femme et à mes enfants. » Une réponse du même genre, mais tremblante et plus douce, nous revint bientôt, prolongée entre les cimes des arbres. […] Enfin arriva le tour des enfants, et à cause de leur race on les porta à de hauts prix. […] Le fugitif eut la chance d’être adjugé à l’intendant de la plantation ; la femme fut achetée par un individu demeurant à environ cent milles de là ; et les enfants se virent dispersés en différents endroits, le long de la rivière. […] L’une des nuits suivantes, il gagna la résidence où l’on retenait sa femme, et la nuit d’après il l’emmenait ; puis, l’un après l’autre, il réussit à dérober ses enfants, jusqu’à ce qu’enfin furent réunis sous sa protection tous les objets de son amour. […] Je leur conseillai de prendre leurs enfants avec eux, et leur promis de les accompagner à la plantation de leur premier maître.

755. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Je ne reconnais plus ces enfants un peu indécis, d’une imagination chaste et gracieuse ; ce sont des personnages rassis et sans illusions, sortis d’un cerveau satirique. […] Ce sont là les vrais enfants de cet esprit si mordant et si positif ; le Roman de la Rose n’a pas de plus bel endroit. […] On trouva plus beau que le premier nom sur la liste de nos poëtes durables fût celui d’un prince du sang et non celui d’un enfant du peuple, et, il faut bien le dire, d’un échappé du gibet. […] je fuyois l’eschole Comme fait le mauvais enfant. […] Enfant du peuple, né dans la pauvreté, poussé au vice par le besoin, toujours dans quelque extrémité fâcheuse, il ne laisse voir dans sa vie que ce qui la rend intéressante pour tous.

756. (1894) Textes critiques

Et dans la salle voisine, par la vitre, le buste de Verlaine. — Trois Guiguet d’attention tous : enfant félin, femme qui tricote et surtout la femme au balcon entre le vol des fleurs vite posées, les yeux tout près, qui sait que le soleil se lève régulier au bâillement des maisons9. — Un d’Espagnat somptueux, balayant la route à l’ombre de sa barbe de fer. — Des Cuvelier aux fleurs de tapisserie, aurore ou crépuscule de toits charnus. […] Il fallait bien faire vides les chambres d’enfants pour la petite future princesse des promesses et ses réelles néphélococcygies. […] Jules Case ; — l’Elu de Hodler, avec les tiges des robes, chaume fendu déroulé soutenant le vol plané des vierges suisses, et l’Enfant nu devant un petit Christ de branches, qu’on catalogua selon le chiffre renversé d’un Armand Point, dans la même salle que l’immense décoration de Puvis de Chavannes ; — Locwood, le Bossu qui fume ; — les Meules nocturnes de Verstraete ; — le Camaieu d’Hawkins ; — le Nain d’Eibar de Zuloaga ; les Sommets suisses d’Albert Gos ; — Karbowski, le Repos ; des Guthrie. […] Du même, Panneau décoratif, portrait d’homme tel qu’un Memling, et portrait d’enfant. — De cette peinture minutieuse et plus géométrique, l’Aérostat dirigeable de Boisset. […] De par la différence des cerveaux, un enfant de quinze ans, si l’on le choisit intelligent (car on trouve que la majorité des femmes sont ordinaires, le plus grand nombre des jeunes garçons stupides, avec quelques exceptions supérieures), jouera adéquatement son rôle, exemple le jeune Baron dans la troupe de Molière, et toute cette époque du théâtre anglais (et tout le théâtre antique) où l’on n’aurait jamais osé confier un rôle à une femme.

757. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Que d’admirables vues sur les passions, sur la volupté et ses dégoûts (sermon de L’Enfant prodigue) ; sur l’ambition et ses convoitises (sermon de L’Emploi du temps) ; sur l’envie et ses tortuosités (sermon du Pardon des offenses) ; sur les misères même d’une tendresse criminelle heureuse, d’un engagement de passion agréé et partagé (sermon de La Pécheresse) : Quelles frayeurs que le mystère n’éclate ! […] Le Petit Carême, qui fut prêché en 1718 par Massillon déjà nommé évêque, devant Louis XV enfant, dans la chapelle particulière des Tuileries, est depuis les jeunes années dans toutes les mémoires. […] Ce merveilleux petit ouvrage, qu’il ne fut, dit-on, que six semaines à écrire, se compose de dix sermons dans lesquels, tout en se faisant petit par moments et en se mettant par quelques exhortations à la portée du roi enfant qu’il s’agissait d’instruire, Massillon s’adresse le plus souvent aux grands qui l’écoutent, et, tout en les enchantant, les morigène sur leurs vices, sur leurs excès et leurs endurcissements, sur leurs devoirs, sur les obligations chrétiennes qui sont imposées à la grandeur. […] Ce n’est point devant les Villeroi, les Fleury, les du Maine, devant ces vieillards et ces sages, et ces fidèles de l’ancien règne, tous ces tuteurs du royal enfant, qu’il se fût permis une pareille inconvenance ; mais, en parlant pour la paix contre les conquêtes, il exprimait le sentiment universel, celui que ces hommes prudents avaient été des premiers à partager avec tous.

758. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Santeul, le poète latin si fier de ses vers, si heureux de les réciter en tous lieux ou de les entendre de la bouche des autres, et qui aimait encore mieux qu’on dît du mal de lui que si l’on n’en avait rien dit du tout ; Santeul, qui dans une de ses plus grosses querelles écrivait à l’abbé Faydit, qui l’avait attaqué sur son épitaphe d’Arnauld : Je fais le fâché par politique, mais je vous suis redevable de ma gloire ; vous êtes cause qu’on parle de moi partout, et presque autant que du prince d’Orange ; vous avez rendu mes vers de l’épitaphe de mon ami plus fameux que l’omousion du concile de Nicée ; ceux des autres poètes sur le même sujet sont demeurés ensevelis avec le mort, faute d’avoir eu comme moi un Homère pour les prôner et les faire valoir ; — Santeul, qui était si fort de cette nature de poète et d’enfant qui tire vanité de tout, serait presque satisfait en ce moment. […] Il y avait dans Santeul plusieurs hommes, nous a dit l’excellent peintre de Théodas, — ou plutôt il y avait un grand talent possédé par un enfant. […] Santeul, né en 1630, était un enfant de Paris, d’une ancienne famille bourgeoise : son père était un riche marchand de fer de la rue Saint-Denis. […] Il y avait au premier abord chez Santeul un air de poète rabelaisien, de poète de carnaval ; mais quand on allait au fond, on voyait que, dans ce cœur d’enfant, la croyance et même une certaine innocence n’en étaient pas atteintes.

/ 2563