/ 2207
1178. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Telle, mais d’un effort certain, La prudente locomotive Vers le but encore lointain Ralentit sa force captive Et ne l’arrête pas soudain !

1179. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

— Les deuils se mesurent aux cœurs : Notre raffinement fait seul une souffrance Plus pitoyable, plus aiguë et plus intense Que l’effort incessant des plus durs travailleurs.

1180. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Et c’est pourquoi la connaissance des formes sociales qui concourent au progrès de l’égalitarisme n’interdit à personne de faire effort pour l’enrayer.

1181. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Mais l’on veille à ce que cette distraction ne devienne pas un effort. […] Aucune « volonté de puissance », aucune « volonté de domination » aussi formidable ; car tout effort est volonté et puissance. Mais où va cet effort ? […] Il ne faut pas que personne empiète, ou veuille empiéter, ce qui serait une pensée vaine et un dessein irréalisable et un effort inutile. […] Ces efforts divers de l’humanité ont des rapports avec la morale, mais ils n’en dépendent pas.

1182. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Elle fut plus ou moins fondée, à Alexandrie, par des bibliothécaires, dans une littérature dont l’effort se réduisait à peu près à conserver, à aménager, à inventorier, à reproduire. […] Les efforts des artistes et des journalistes pour exclure un Brunetière de la critique ressemblent aux efforts des critiques professionnels, et de Brunetière d’abord, pour exclure de l’art un Vallès, ou un Baudelaire. […] Ainsi, partis du plaisir, nous en arrivons, en matière de goût, à la discipline, c’est-à-dire à l’effort. […] Elle n’a été classique que parce qu’elle a dépassé Montaigne, surmonté Montaigne, par un puissant effort, par une mise hors la loi à la fois injuste et utile. […] Vient un moment où la critique des mœurs, affaire des moralistes, veut, sur son terrain, tenter un effort créateur, un effort de synthèse, et produire, elle aussi, des « caractères ».

1183. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Sardou n’a fait un aussi grand effort pour être simple, direct et vigoureux. […] Il nous faut faire effort pour y entrer, et ce sont là de mauvaises conditions au théâtre. […] Leconte de Lisle est présente dans son œuvre par l’effort même qu’il a fait pour l’en retirer. […] On n’a besoin d’aucun effort pour suivre et comprendre ce que dégoisent les artistes. […] Les caresses amollissantes de l’été éloignent de l’effort et disposent à l’indulgence.

1184. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

. — Et  au prix de quels efforts méritoires ! […] On lui enseignait l’effort ; on l’invite à un aimable abandon. […] C’étaient pour lui des « mouvements naturels » qui, ne coûtant aucun effort, étaient non des vertus, mais des bonheurs. […] Ce n’était point effort ou gageure ; c’était son naturel même. […] Elle est un effort vers le grand art qui aboutit plus qu’à moitié.

1185. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ils avaient planté leurs pieds dans le sol, et le chaos mouvant des choses croulantes s’était fixé par l’effort de leurs grands cœurs et de leurs bras. […] Les mouvements de son intelligence sont adroits et prompts comme ceux de ses membres ; du premier coup, et sans effort, il met la main sur son idée. […] C’est donc une littérature française qui en ce moment s’établit au-delà de la Manche99, et les conquérants font effort pour qu’elle soit bien française, bien purgée de tout alliage saxon. […] Les étrangers qui les voient sont étonnés de leur force de corps et de cœur, « des grandes pièces de bœuf » qui alimentent leurs muscles, de leurs habitudes militaires, de leur farouche obstination « de bêtes sauvages152. » Ils ressemblent à leurs bouledogues, race indomptable, qui, dans la folie de leur courage, « vont les yeux fermés se jeter dans la gueule d’un ours de Russie, et se font écraser la tête comme une pomme pourrie. » Cet étrange état d’une société militante, si plein de dangers et qui exige tant d’efforts, ne les effraye pas. […] Il a songé « qu’il était dans un désert,  — il ne put jamais savoir en quel endroit,  — et comme il regardait en l’air,  — du côté du soleil,  — il vit une tour sur une hauteur,  — royalement bâtie,  — une profonde vallée au-dessous,  — et là-dedans un donjon,  — avec de profonds fossés noirs,  — et terribles à voir. » Puis, entre les deux, une grande plaine remplie de monde, « d’hommes de toutes sortes,  — pauvres et riches,  — travaillant et s’agitent,  — comme le veut le monde ; — quelques-uns à la charrue — labouraient avec un grand effort,  — pour ensemencer et planter,  — et peinaient durement,  — gagnant ce que des prodigues venaient détruire et engloutir164. » Lugubre peinture du monde, pareille aux rêves formidables qui reviennent si souvent chez Albert Durer et chez Luther ; les premiers réformateurs sont persuadés que la terre est livrée au mal, que le diable y a son empire et ses officiers, que l’Antechrist, assis sur le trône de Rome, étale les pompes ecclésiastiques pour séduire les âmes et les précipiter dans le feu de l’enfer.

1186. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Mais Yégor eut beau me l’indiquer ; j’eus beau faire tous mes efforts pour la voir ; je ne pus jamais la découvrir, et ce fut Yégor qui dut l’abattre. […] la musique en était compliquée et d’une forme pénible ; on voyait que le compositeur avait fait tous ses efforts pour exprimer la passion et un sentiment profond, mais il n’en était rien sorti de bon. L’effort seul se faisait sentir. […] Autour d’eux, les grands joncs rougeâtres se balançaient doucement ; devant eux, la nappe d’eau brillait d’un doux éclat. — Ils causaient à voix basse. — Lise se tenait debout sur le radeau. — Lavretzky était assis sur le tronc incliné d’un cytise. — Lise portait une robe blanche avec une large ceinture de ruban blanc ; d’une main, elle tenait son chapeau de paille suspendu ; de l’autre, elle soutenait, avec un certain effort, sa ligne flexible. — Lavretzky considérait son profil pur et un peu sévère, — ses cheveux relevés derrière les oreilles, ses joues si délicates, légèrement hâlées comme chez un enfant, et, à part lui, il se disait : « Qu’elle est belle ainsi, planant sur un étang !  […] demanda Lavretzky avec effort.

1187. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Avant cela, je ne me doutais pas qu’il y eût, dans sa grâce, aucun effort. […] Ainsi, l’effort qu’il nous demande, cet écrivain le récompense. […] Elle souffre et elle se résigne : elle offre à Dieu l’effort de sa dure patience. […] Tout son effort, il le consacre à se garder en bel état pour les accueillir. […] Dans Les Cahiers d’André Walter, on aperçoit l’effort qu’il a fait pour se délivrer.

1188. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Un costume indique, à n’en pas douter, quelle est la classe, quels sont les goûts de celui qui le porte, et malgré tous ses efforts, tous ses déguisements on le verra toujours. […] Le lecteur se perd dans tous ces détails, il faut un grand effort de mémoire pour reconstruire un ensemble dont chaque partie est si distante l’une de l’autre. […] Que d’efforts, que de mots prétentieux pour n’arriver à rien ! […] Les amateurs de poésie tiennent à ce qu’on la vante toujours pour conserver le plaisir innocent de se réjouir de leur facilité à faire ces bouts-rimés, si estimés qu’ils sont regardés comme le suprême effort de l’esprit humain. […] Et moi, amoureux de la réalité, je suis plein de joie que la loi primordiale, nécessaire, absolue de l’art, soit l’effort vers cette précision qui consiste dans la plénitude des détails et qui s’appelle véracité, réalisme.

1189. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

. —  Et cependant il paraissait plus affairé qu’il n’était201. »  — Ses trois bourgeois, « pour la sagesse qu’ils ont, sont bien capables d’être aldermen, car ils ont force bétail et rentes  » ; et croyez que « leurs femmes y auraient bien consenti. »  — Le quêteur marche portant devant lui sa valise, « elle est pleine de pardons venus de Rome tout chauds. » La moquerie ici coule de source, à la française, sans effort, ni calcul, ni violence. […] Point de fruits, mais des fleurs passagères et frêles, beaucoup de branches inutiles, encore plus de branches mourantes ou mortes, voilà cette littérature : c’est qu’elle n’a plus de racine ; après trois cents ans d’efforts, un lourd instrument souterrain a fini par la couper. […] Il y a un dogme complet, minutieux, qui barre toutes les issues ; nul moyen d’échapper ; après cent tours et cent efforts, il faut venir tomber sous une formule. […] Sous cette contrainte on cesse de penser ; car qui dit pensée dit effort inventif, création personnelle, œuvre agissante.

1190. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Je suis tenté à un moment de m’écrier avec Bolingbroke lui-même, qui n’espérait plus de le revoir : « Adieu, cher Swift, je t’aime avec tous tes défauts ; fais un effort, et aime-moi avec tous les miens. » Mais si je n’y prends garde, je m’aperçois que je prêche pour mon saint, — la souplesse et une sympathie conciliante.

1191. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

De quelque manière qu’on veuille interpréter ces symptômes évidents, qu’on y voie, comme les plus illuminés semblent le croire, l’annonce de je ne sais quelle femme miraculeuse destinée à tout pacifier ; qu’on y voie simplement, comme certains esprits plus positifs, la nécessité de réformer trois ou quatre articles du Code civil, nous pensons qu’il doit y avoir sous ce singulier phénomène littéraire une indication sociale assez grave ; nous aimons surtout à y voir un noble effort de la femme pour entrer en partage intellectuel plus égal avec l’homme, pour manier toutes sortes d’idées et s’exprimer au besoin en sérieux langage.

1192. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Fiévée ; mais au fond il est essentiellement logique ; il pénètre dans les choses, et durant sa vie politique, déjà longue et passablement variée, il a eu occasion de faire en si grand nombre d’observations de détail fines et vraies, qu’en les rejoignait sans effort, il saisit parfaitement aujourd’hui l’ensemble et l’esprit de la révolution qui vient de s’achever.

1193. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Au reste c’est l’éternelle antinomie : l’exercice de la vertu suppose l’homme libre, et les doctrines qui marquent le plus haut degré de l’effort moral dans la vie de l’humanité, stoïcisme, calvinisme, jansénisme, sont celles qui théoriquement suppriment la liberté.

1194. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Et ainsi la disproportion entre votre effort et son résultat devient un peu comique.

1195. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Camille Mauclair À Pise, au Campo-Santo, attardé devant les fresques de Benozzo Gozzoli, si Shelley avait pu lire, au retour, les Poèmes anciens et romanesques, Tel qu’en songe ou les Contes à soi-même, il eût cru retrouver sa propre vision écrite là dans une nuit d’inconscience ; car, si le poète dont je parle présentement a, seul et sans effort dans notre époque d’art, recréé les grandes traditions décoratives de la pure beauté florentine, il n’y enclot pas une beauté froide, mais la souffrance passionnée de son âme d’outremer.

/ 2207