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251. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

« Si la nature n’avait allumé ces vastes fourneaux sur les rivages de l’Océan, ses eaux seraient couvertes d’huiles végétales et animales… La nature purge les eaux par les feux des volcans… Elle brûle sur les rivages les immondices de la mer. » Savez-vous pourquoi « la vache a quatre mamelles quoiqu’elle ne porte qu’un veau et bien rarement deux »?

252. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Le caneton court à l’eau en sortant de sa coquille ; le petit crocodile, éclos sans être couvé par ses parents, court à l’eau aussi, mord un bâton, si on le lui présente, etc., etc.

253. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Un chien qui est dans l’eau trouble l’eau, et ne saurait y voir l’ombre de sa proie.

254. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines. […] Quand un oiseau tombe à l’eau, les poissons s’étonnent probablement qu’il n’y puisse pas respirer. […] Mais… laissez couler l’eau ». […] Le bois manquait, les montagnes étaient nues ; on ne trouvait pas d’eau douce. […] Les plaines n’avaient point d’eau douce et le climat manquait de pluie au moment des semailles ; ils ont amené l’eau des montagnes dans des rigoles.

255. (1923) Paul Valéry

Monde intérieur, dont fait partie le corps éprouvé du dedans, et auquel le monde extérieur fournit des images comme l’eau à Narcisse renvoie la sienne. […] D’une grotte de crainte au fond de moi creusée Le sel mystérieux suinte muette l’eau. […] Vers d’une lenteur, d’une gravité, d’un poids qui mettent vraiment la goutte d’eau vivante en mouvement. […] Descente, descente profonde, sous le visage immatériel de ce souffle égal, comme une pierre dans l’eau sous les cercles de frissons élargis. Descente dans une eau, mais dans de l’être, — est-ce l’être ?

256. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

On peut les relire ; cela mord à froid, comme l’eau seconde, et cela laisse parfois dans la blessure le sous-entendu d’un venin très spirituel. […] On peut aller sans peur vers Max Elskamp et accepter la corbeille de fruits qu’il nous offre dorés « par un printemps très doux », et boire au puits qu’il a creusé et d’où jaillissent « des eaux heureuses », des eaux fraîches et pleines d’amour. […] Mallarmé, dans l’Eau du Fleuve, il se rend personnel le mode prosodique qui s’est imposé à lui. […] Sur la mousse à l’ombre d’aulnes et d’ormes Les pêcheurs paisibles dorment Tandis qu’en l’eau presque mourante un long fil plonge. […] Fontainas : l’eau calme, grave et tiède d’une anse où, parmi les roseaux, les nénuphars et les joncs, le fleuve, dans la sérénité du soir, se repose et s’endort.

257. (1902) La poésie nouvelle

L’eau était morte. […] Et le voilà, peu de temps après, à Aden, « un roc affreux, sans un brin d’herbe ni une goutte d’eau bonne ». […] Mais sa simplicité est pleine d’agrément, et les jeux combinés de la lumière et de l’eau la varient de mille manières. […] Ils ont jeté dans l’eau profonde leurs filets noirs sur le grouillement des mauvais sorts épars là, dans la vase. […] De cette façon, le passeur d’eau set transforma en un symbole de la lutte acharnée et vaine, mais embellie d’illusion.

258. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

C’est une grande source, et il le faut avouer ; mais c’est une source trouble et boueuse, une source où non seulement il y a moins d’eau que de limon, mais où l’ordure empêche de couler l’eau. […] Sus debout, allons voir l’herbelette perleuse, Et votre beau rosier de boutons couronné, Et vos œillets mignons, auxquels aviez donné, Hier au soir, de l’eau, d’une main si soigneuse. […] Alors, assis dans votre jardin, devant un parterre émaillé, ou bien en quelque lieu plus rustique, sous un ombrage, au bord d’une eau limpide, vous passerez des heures à rêver et à lire. […] Ainsi s’aimer est plus doux qu’eau de rose ; Souffrez-le donc, Phyllis ; car autrement, Loin de vos yeux je vais faire une pause ; Et c’est assez pour perdre votre amant. […] Racan comparait certaines épigrammes à un potage qui ne sent que l’eau.

259. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

— Garçon, de l’eau des mers ! […] N’est-il pas dit de Han d’Islande : « Il buvait l’eau des mers dans le crâne des morts » ? […] Ce bayeur aux corneilles, ce chasseur de papillons, ce souffleur de bulles, ce faiseur de ronds dans l’eau menait au contraire l’existence intellectuelle la plus active. […] Le reste du costume se composait d’un pantalon vert d’eau très pâle, bordé sur la couture d’une bande de velours noir, d’un habit noir à revers de velours largement renversés, et d’un ample pardessus gris doublé de satin vert. […] C’est une blancheur dans un rayon, un sillage d’argent sur un miroir limpide, un soupir parmi des fleurs d’eau et des feuillages pâles.

260. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Les sensations venues des organes internes et du corps entier ont une extensivité que l’école anglaise a excellemment décrite sous le nom de sensation volumineuse : qu’on vous jette un peu d’eau froide sur les mains, puis qu’on vous plonge tout entier dans l’eau froide, il y aura entre les deux sensations une différence d’intensité, mais l’une n’est-elle pas aussi plus volumineuse, plus massive que l’autre ? […] Mettez une seule main dans l’eau froide, vous éprouverez une certaine sensation. […] Maintenant, au lieu de mettre vos deux mains dans de l’eau froide, mettez-les dans de l’eau chaude ; vous aurez une sensation de qualité différente, mais de même extensivité. […] Nous apportons en naissant dans notre cerveau le trou de l’espace, héritage de l’espèce, et nous y plongeons, rangeons, mettons en ordre toutes choses, comme un poisson qui, n’ayant jamais atteint le fond ni la surface de la mer, ne pourrait rien se figurer qui ne fût dans l’eau de toutes parts.

261. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

               Chante, écouter… Entendre au pied du saule où l’eau murmure                L’eau murmurer ; Ne pas sentir, tant que ce rêve dure,                Le temps durer ; Mais n’apportant de passion profonde                Qu’à s’adorer, Sans nul souci des querelles du monde,                Les ignorer ; Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse,                Sans se lasser, Sentir l’amour, devant tout ce qui passe,                Ne point passer240 ! […] L’eau, le souffle, ou la flamme ? […] La poésie purement formelle ressemble à ces stalactites des grottes qui pendent comme des lianes de pierre, guirlandes délicates et fines, mais inanimées ; on y cherche vainement la fluidité de la vie : elle n’est que dans les gouttes d’eau qui tombent et pleurent, non dans ces fleurs pétrifiées et impassibles. […] Le vrai coupable est Celui qui a troublé le repos du néant pour en tirer le monde ; c’est cet Esprit flottant sur le chaos informe qui y a soufflé la vie et la forme : Emporté sur les eaux de la Nuit primitive, Au muet tourbillon d’un vain rêve pareil, Ai-je affermi l’abîme, allumé le soleil, Et pour penser : Je suis ! […] Au bord de l’eau. — Voyez encore Ici-bas.

262. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Le mouvement est souvent comme celui d’une eau, non pas d’une eau qui coule et descend, mais d’une eau qui s’élève et s’amoncelle avec murmure, comme l’eau du déluge, comme Moïse qui monte. […] Et si cela donnait idée de comparer aujourd’hui les deux poëtes dans leur forme actuelle de talent, on trouverait, ce me semble, que quand l’un, comme aux approches de l’embouchure, prolonge à nappes de plus en plus débordées une onde vaste, épanouie, inondante parfois l’autre au contraire distille de près une eau à qualités rares, chargée de sels précieux, et aussitôt cristallisée dans la fraîcheur de la grotte en aiguilles multiples, bigarrées, ingénieuses, étincelantes.

263. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Un capucin venait tous les matins, à l’aube du jour, dire la messe pour tous les prisonniers ; ils l’entendaient, à travers la porte ouverte, chacun, de sa lucarne ouvrant sous le cloître ; cela les consolait de voir et d’entendre qu’on priait du moins pour eux ; c’était moi qui servais la messe du capucin, armée d’une petite sonnette de cuivre qu’on m’avait appris à sonner à l’élévation ; c’était moi qui lui versais le vin et l’eau des burettes dans le calice. Quand il avait fini, on fermait la porte de l’oratoire en dehors avec de gros verrous et un cadenas ; moi seule, comme porte-clefs, je pouvais y entrer quelques moments avant la messe du lendemain pour allumer les deux petits cierges, remettre de l’huile dans la lampe, et du vin et de l’eau dans les burettes du vieux prêtre à moitié aveugle. […] CCXXII Quand tout fut rentré dans le silence ordinaire du cloître, et que le bargello en fut sorti avec le forgeron et les hommes noirs de la justice, j’y entrai sans bruit avec la provende et les cruches d’eau des prisonniers ; je ne fus pas lente, croyez-moi, à distribuer à chacun sa portion, à ouvrir et à refermer leurs grilles ; les pieds me brûlaient de courir au cachot de votre enfant. […] Ses yeux, en me regardant à la dérobée, pendant qu’elle pouvait être entrevue de nous en passant et repassant, étaient tellement voilés de larmes mal contenues, qu’on ne pouvait les voir que comme on voit une pervenche mouillée à travers les gouttes d’eau au bord de la source. […] Le bargello et sa femme ne s’étonnèrent pas de voir nos yeux rouges, eux qui sont habitués à entendre des sanglots du cœur dans leur puits, comme nous autres à entendre le sanglottement de l’eau dans les sources.

264. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

J’aurais mieux fait de passer ce temps à regarder les signes gravés sur l’obélisque de Louqsor ; car du moins l’obélisque est proche d’un fort beau jardin, et il est rose, d’un rose adorable, au soleil couchant… Si les vers que j’ai cités n’ont pas plus de sens que le bruit du vent dans les feuilles ou de l’eau sur le sable, fort bien. […] « Non, et les lieux inutiles reverront sa visite : les pierres nuées qui lui plurent, il les ordonnera négligemment en un parterre de mousse dont il garde le puéril souvenir : par son unique vouloir esseulées, hors de mille s’étrangeront là quelques ramures vertes virginalement sur de droits rêves, et perplexes quand sous elles il laissera qui prévalaient d’oiseaux tels rameaux morts gésir, et devinée mieux que vue aux dentelles des verdures amènera large et molle une rivière où des lis gigantesques : un torse nu de vierge en l’eau s’ornera d’une toison mêlée à l’heure d’un soleil saignant son or mourant. […] Elle est discrète, elle est légère : Un frisson d’eau sur de la mousse ! […] Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé, Bois-la. […] » Ici le poète ouvre et ferme, d’un air de malaise, sa bouche pâteuse  « Allons, bois un bon verre d’eau fraîche, et dors », Le reste va de soi.

265. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Quoique je me sois interdit tout rapprochement avec les auteurs français, je ne puis m’empêcher de transcrire la description d’un paysage semblable, que j’ai lue il y a quelques mois : « L’endroit était charmant ; le pré, doucement incliné vers l’eau, était tout parsemé de spirée-reine-des-prés, de grandes salicaires pourpres qui dépassaient princièrement la foule pressée des vulgaires plantes fourragères. […] Tout s’est prêté à son innocente fantaisie ; la berge s’est élargie, les iris et les argentines se sont approchés pour jouer avec l’eau, les aulnes se sont penchés pour l’ombrager, et l’homme, en établissant là un gué, lui a permis de s’étendre et de repartir sans effort. Il y a dans tout cela une mansuétude que l’on ne trouve pas dans la grande culture des plaines ou dans la lutte avec les grands cours d’eau. […] Quelquefois nous étions obligés d’attendre que l’eau fût moins haute ; souvent nous traversions à grand-peine, tandis que les roues jusqu’au moyeu et le plancher de la voiture étaient mouillés.

266. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Un autre Bernois du siècle passé, qui tenait au français par le pays de Vaud, avait fait, dans un poëme intitulé Vue d’Anet, ces vers dignes de Chaulieu : Quittons les bois et les montagnes ; Je vois couler la Broye6 à travers les roseaux ; Son onde, partagée en différents canaux, S’égare avec plaisir dans de vastes campagnes, Et forme dans la plaine un labyrinthe d’eaux. […] Ton eau silencieuse en son paisible cours Présente à mon esprit l’image de la vie : Elle semble immobile et s’écoule toujours. […] … Dans une pièce de vers qui obtint, il y a peu d’années, le prix à l’académie de Lausanne, je trouve ces beaux traits de nature ; il s’agit d’un voyageur : Il voit de là les monts neigeux Et les hauts vallons nuageux : Puis il entend les cornemuses Des chevriers libres et fiers, Perdus dans la pâleur des airs Par-dessus les plaines confuses ; et cette autre gracieuse peinture des ébats auxquels se plaisent les nains et les sylphes de la montagne : Sur les bords de l’eau claire, à l’ombre des mélèzes. […] La plante est là, entière, authentique et reconnaissable à un certain point ; mais où est sa couleur, son port, sa grâce, le souffle qui la balançait, le parfum qu’elle abandonnait au vent, l’eau qui répétait sa beauté, tout cet ensemble d’objets pour qui la nature la faisait vivre, et qui vivaient pour elle ?

267. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Un grand art de combinaison, un calcul exact d’agencement, une construction lente et successive, plutôt que cette force de conception, simple et féconde, qui agit simultanément et comme par voie de cristallisation autour de plusieurs centres dans les cerveaux naturellement dramatiques ; de la présence d’esprit dans les moindres détails ; une singulière adresse à ne dévider qu’un seul fil à la fois ; de l’habileté pour élaguer plutôt que la puissance pour étreindre ; une science ingénieuse d’introduire et d’éconduire ses personnages ; parfois la situation capitale éludée, soit par un récit pompeux, soit par l’absence motivée du témoin le plus embarrassant ; et de même dans les caractères, rien de divergent ni d’excentrique ; les parties accessoires, les antécédents peu commodes supprimés ; et pourtant rien de trop nu ni de trop monotone, mais deux ou trois nuances assorties sur un fond simple ; — puis, au milieu de tout cela, une passion qu’on n’a pas vue naître, dont le flot arrive déjà gonflé, mollement écumeux, et qui vous entraîne comme le courant blanchi d’une belle eau : voilà le drame de Racine. […] Britannicus est à table, on lui verse à boire ; quelqu’un de ses domestiques goûte le breuvage, comme c’est la coutume, tant on est en garde contre un crime : mais Néron a tout prévu ; le breuvage s’est trouvé trop chaud, il faut y verser de l’eau froide pour le rafraîchir, et c’est cette eau froide qu’on a eu le soin d’empoisonner. […] Dans Euripide, ce mouvement est beaucoup plus prolongé : Phèdre voudrait d’abord se désaltérer à l’eau pure des fontaines et s’étendre à l’ombre des peupliers ; puis elle s’écrie qu’on la conduise sur la montagne, dans les forêts de pins, où les chiens chassent le cerf, et qu’elle veut lancer le dard thessalien ; enfin elle désire l’arène sacrée de Limna, où s’exercent les coursiers rapides : et la nourrice qui, à chaque souhait, l’a interrompue, lui dit enfin : « Quelle est donc cette nouvelle fantaisie ?

268. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Jadis Pan et ses demi-dieux Y vinrent chercher du refuge Quand Jupiter ouvrit les cieux Pour nous envoyer le déluge, Et, se sauvant sur leurs rameaux, À peine virent-ils les eaux. […] Le nuage crève, l’eau tombe à larges et pesantes gouttes ; le bruit en résonne agréablement. […] Quant au poète, il fait ce qu’il fait toujours, et, pour mieux célébrer l’eau, il demande du vin.

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