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272. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Au treizième siècle, l’ange de l’école avait parcouru le cercle des connaissances humaines pour accorder les doctrines d’Aristote avec celles de l’Église. […] Toute science vient de Dieu, retourne à Dieu, est en Dieu4. » Et il se chargeait de prouver la fausseté de tout ce qui s’écarterait de cette doctrine. […] Cependant ces opuscules divers ne formaient pas un même corps de doctrine ; il entreprit de les fondre en un seul ouvrage qui parut, en 1725, sous le titre de : Principes d’une science nouvelle, relative à la nature commune des nations, au moyen desquels on découvre de nouveaux principes du droit naturel des gens. […] Ces deux doctrines isolent l’homme, et devraient s’appeler philosophies solitaires. […] Le dernier titre mérite une explication : les philosophes ne tirèrent point leurs systèmes d’Homère, quoiqu’ils cherchassent à les autoriser de ses fables ; mais ils y trouvèrent réellement une occasion de recherches, et une facilité de plus pour exposer et populariser leurs doctrines.

273. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Ernest Naville est d’ailleurs, jusqu’à un certain point, indépendant de l’opinion qu’on a des écrits philosophiques et de la doctrine particulière de Maine de Biran ; c’est l’histoire d’un espritet d’une âme. De même que bien des lecteurs qui ne sont ni théologiens ni convertis s’intéressent aux Confessions de saint Augustin, ou au drame intérieur qui se noue et se dénoue dans les Pensées de Pascal, de même, sans avoir pris de parti pour ou contre la doctrine psychologique de Maine de Biran, on s’intéressera aux aveux et au travail individuel de sa pensée. […] Dans le journal très intéressant, et qui ne va plus discontinuer depuis lors, de ses impressions et de ses pensées, on suit parfaitement, sans en rien perdre, les différents temps et presque les motifs de ses désirs, de ses troubles et de ses transformations de doctrine. […] Je vois que d’autres esprits distingués survenant à leur tour ne craignent pas de faire de Maine de Biran leur chef de file en philosophie et de le proclamer comme le fondateur d’une ferme doctrine qu’ils opposent à l’éclectisme désormais en retraite de l’école de M. 

274. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Ce bonhomme, qui semble tout fondant de chaleur dévote, et qu’on prendrait pour un doux illuminé, a le sens ferme et la conscience austère : ne prenez pas son tempérament pour sa doctrine, ni ses manières pour ses principes. […] Il a cru rédiger la Poétique de la Pléiade : mais, sans y songer, il a adouci, abaissé, réduit les prétentions et les doctrines de l’École : il en a laissé tomber les parties les plus choquantes, et il les tourne naturellement du côté du sens commun et de la vérité moyenne. […] Le désordre des mœurs, la difficulté des temps font embrasser ce que la Bible et l’antiquité ont de plus fort et de plus austère dans leurs doctrines morales. […] Comme il n’y a pas encore de goût public, et qu’il n’y a plus de doctrine d’école, chacun suit en liberté la pente de sa pensée et va où les nécessités de sa vie intellectuelle et morale le poussent.

275. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Pour la première fois, la doctrine de la Providence directrice est rejetée de l’histoire, et la raison des faits est cherchée dans les faits mêmes, dans le rapport des antécédents et des conséquents. […] Car il y avait dans la doctrine de l’Esprit des Lois de quoi inquiéter toutes les puissances. […] Cependant, en 1789, c’est la doctrine de Montesquieu qui la première a été mise à l’épreuve, et l’Esprit des Lois a fourni avant le Contrat Social le modèle de la France nouvelle. […] Depuis, toutes les tentatives d’organisation parlementaire qui ont été faites ont reposé sur les principes essentiels de sa doctrine.

276. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Mais, en dehors du fond de la doctrine, qui n’est point de notre ressort, il est une maîtrise, Monsieur, où notre pratique de l’esprit humain nous donne le droit d’émettre un avis. […] Vous avez fait des réserves, Monsieur, sur les doctrines philosophiques auxquelles M.  […] Nous ne patronnons pas les doctrines ; nous discernons le talent. […] Il est bien vrai aussi que, dans la tourmente morale qui s’ensuit, plusieurs, renonçant aux doctrines modernes, retournent au giron théologique.

277. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker avait compris quelque chose de l’immense danger social qui était prêt à sortir de toutes les doctrines irréligieuses du xviiie  siècle, et il venait montrer les avantages publics de la religion, l’appui efficace, l’achèvement qu’elle seule apporte à l’ordre général, en même temps qu’il parlait avec persuasion du bonheur intime et de la consolation intérieure qu’elle procure à chacun. […] Ce qu’on peut répondre à Rivarol, c’est que lui-même, quelques années après, éclairé par l’esprit encore plus que par le cœur, il prenait soin de se réfuter en rendant hommage à son tour aux doctrines religieuses et conservatrices. […] Necker, dans la teneur morale de sa vie, doit sembler plus d’accord avec ses doctrines religieuses que ne le fut avec les siennes le brillant et fragile auteur de tant d’écrits passionnés : mais l’idée du Génie du christianisme (je le prouverai un jour par une pièce décisive que j’ai été assez heureux pour rencontrer) fut sincère à l’origine et réellement conçue dans les larmes d’une pénitence ardente, bien que trop tôt distraite et dissipée. […] il me semble que ce n’est pas là tout à fait la doctrine de l’Évangile ; il me semble que l’apôtre et, depuis lui, saint Augustin, Bossuet et tous les grands chrétiens, ont noté précisément cette gloire et cette superbe de l’esprit comme un des périls les plus raffinés et les plus à craindre pour les hautes âmes.

278. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Cette explication est démentie en outre par la plus forte de toutes les raisons, par l’expérience, car on ne voit pas qu’il y ait une liaison nécessaire entre les doctrines et les mœurs, et l’on a vu trop souvent en philosophie de graves erreurs soutenues par des hommes d’une conduite irréprochable. […] Aujourd’hui encore nous voyons l’exemple des plus austères vertus donné par quelques-uns des hommes dont les doctrines sont le plus justement contredites. […] L’orgueil, dit-on, est la cause de toutes les mauvaises doctrines : c’est pour se distinguer des autres hommes que l’on se fait incrédule et libre penseur ; on est bien aise d’avoir montré ainsi qu’on a secoué le joug. […] S’il est vrai en effet que l’univers ne soit que le développement, l’évolution de l’idée, si l’idée, en sortant d’elle-même, devient la nature, et en revenant à elle-même devient l’esprit, si la plus haute forme de l’esprit est la philosophie, et si la plus haute forme de la philosophie est la doctrine hégélienne, on ne voit pas du tout pourquoi l’idée s’arrêterait là, et pourquoi on lui interdirait tout développement ultérieur.

279. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Pour peu qu’on eût le sens de voir et le courage de sa raison, qui fait conclure d’après ce que l’on a vu, quelque blessure que ce doive être pour ses convictions ou ses espérances, on conviendrait qu’on n’a pas le droit d’apporter, comme preuve de la vérité reconnue d’une doctrine, des circonstances sans gravité, accidentelles, éphémères, et qui n’ont avec cette doctrine aucun rapport de cause à effet. […] Or, les hommes médiocres pour les défendre sont le signe le plus certain que la fin des doctrines approche. […] cela ferait-il que toute fusion entre des doctrines rivales pût s’opérer à d’autres conditions que des concessions mutuelles ?

280. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Jamais Bossuet n’a été plus tendre, plus persuasif, plus invitant à entrer, jamais plus facile et plus large dans l’explication d’une parole qui est un scandale pour la nature, jamais d’une expansion plus charitable, ni d’une plus belle et plus désirable catholicité de doctrine. […] Mais ce Bossuet déserté dans sa chaire est une invention, une exagération du commentateur, l’abbé de Vauxcelles ; et voici, au contraire, comment l’abbé Ledieu nous montre Bossuet en chaire, une des dernières fois qu’il prêcha dans sa cathédrale : « Le 2 d’avril (1702), dimanche de la Passion, M. de Meaux a assisté à la grand’messe pour commencer le jubilé, et sur les deux heures il a fait un grand sermon dans sa cathédrale, qui n’a été que l’abrégé de la doctrine de ses deux Méditations, et il a tout réduit à ce principe : Cui minus dimittitur minus diligit ; que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion.

281. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

L’hostilité violente a disparu des doctrines ; la philosophie accepte, comprend, explique autant qu’elle peut ; l’histoire, sans aigreur ni colère, s’est accoutumée à étudier chaque peuple, chaque époque, selon ses conditions. […] Que dans un état de société si calme et sensé, au milieu d’une modération si profonde et d’une intelligence si impartiale, on vienne maintenant conseiller à ceux qui demandent haut les conséquences politiques des événements de juillet, de ne pas pousser à l’anarchie ; qu’on leur vienne parler à l’oreille du 10 août et des excès républicains ; que, s’ils persistent, on signale leurs doctrines comme imprudentes et pernicieuses : c’est presque une moquerie ; c’est faire une étrange confusion des choses et des temps.

282. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Parmi les citations manuscrites de notre dernier ouvrage, toutes n’ont pas évidemment la même importance ; il y en a de négligeables, que nous avons cru devoir donner cependant, pour être complet, par rigueur de doctrine, par excès de démonstration, en vertu de ce principe qu’on dépasse toujours un peu le but quand on veut prouver quelque chose. […] En fin de compte, quelle est la doctrine quels sont les principes de M. 

283. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

» Et tout ce train de poste et de course vers quelque chose qu’on n’atteint jamais, leur donnera peut-être, intellectuellement toujours, à nos descendants, le mal de cœur que donnent certains véhicules, et aussi l’envie de s’asseoir dans quelque doctrine fixe et reposante et de n’en plus bouger ! […] ce n’est point avec un esprit naturellement et exclusivement propre à l’analysent des doctrines philosophiques sans nouveauté et auxquelles on a deux cents fois répondu, qu’on peut faire sortir de sa tête une synthèse de la force d’une religion, progressive ou non progressive.

284. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Une tendance au pélagianisme est une des conditions de vie du catholicisme comme catholicisme, et le jour où les doctrines de Port-Royal seraient les doctrines officielles de l’Église, l’Église aurait cessé d’être. […] C’eût été de leur part un contresens que d’adopter les doctrines auxquelles plus tard s’attacha Port-Royal. […] Ce qui restait des doctrines de la grâce dans l’Église ne suffisait plus aux catholiques qui n’étaient pas seulement graves, mais sérieux. […] Un résumé, même fidèle et complet, des doctrines et des tendances de Port-Royal ne peut tenir lieu de son histoire. […] La doctrine ne fut pas le point de départ et le moyen de tous les essais de réforme.

285. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

D’une part, ce sont les anciennes doctrines philosophiques ou religieuses, les vieilles institutrices de l’humanité, menacées par ces conquérants nouveaux jusque dans les domaines jusqu’alors inviolables de l’absolu, contraintes à renouveler leurs arguments et leur défense, grandissant par cette contrainte même, brusquement réveillées de leur quiétude et rajeunies elles-mêmes dans leur commerce avec la science, dont elles acquièrent de plus en plus l’intelligence et le goût, et dans laquelle elles puisent, avec une conception plus étendue et plus précise de l’univers, des idées plus approfondies sur le vrai sens de la finalité et sur les grands aspects de l’ordre universel. […] Il faut une doctrine, une cause à défendre. C’est à cette condition seulement que des idées pures peuvent émouvoir, entraîner le lecteur, C’est par là que Lucrèce dompte les âmes rebelles : il embrasse dans sa croyance tous les principes et les détails de la doctrine de son maître Épicure ; il ne doute pas, il croit ; c’est plus qu’un disciple, c’est un fidèle, c’est un enthousiaste, et cela explique pourquoi sa pensée brûlante répand sa flamme dans les esprits ; même quand on résiste à la doctrine, quand on en a senti l’insuffisance, l’ardeur du poète est contagieuse, on est ému, non de la vérité qu’il exprime, mais de son émotion. — C’est cette foi aux doctrines naturalistes dont il est l’interprète qui manque à M.  […] Sully-Prudhomme le droit de nous révéler en vers les théories les plus récentes de la science positive et même ses hypothèses les plus contestables ; mais il y fallait plus de variété, plus de liberté, plus de mouvement, une forme plus sensible et plus concrète : il fallait mettre ces doctrines en tableaux au lieu de nous les offrir en raisonnements.

286. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

C’est qu’en effet, dans la doctrine théologique la moins mystique, il y a toujours une confusion, sinon de l’homme et de Dieu, tout au moins de l’action humaine et de l’action divine. […] Quelle foi et quelle force ne donne pas une pareille doctrine à l’agent de la puissance divine ? […] La conscience maintient la philosophie de l’unité dans la seule doctrine qui puisse satisfaire à la fois la raison et l’expérience, à savoir la coexistence des individus au sein de l’Être universel. […] La mauvaise physique et la mauvaise psychologie de l’école cartésienne ont conduit la philosophie de l’unité à cette doctrine de la nécessité universelle qui a fait une renommée si équivoque au plus puissant esprit des temps modernes. […] Un moment étourdie, humiliée sous les orgueilleux enseignements de la force et d’une science qui s’en est faite la complice, cette conscience se redressera, se redresse déjà contre de pareilles doctrines.

287. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Caërdal, qui réprouve les doctrines, s’échappe rarement de ses doctrines, moins changeantes qu’il ne le croit. […] La doctrine ésotérique, les initiés ne la divulguaient pas. […] Mais toutes ces doctrines, étant ésotériques, nous sont cachées. […] C’est une véritable doctrine que M.  […] André Gide a éprouvé le tourment des doctrines.

288. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il y a une méthode de travail, et, derrière cette méthode, une doctrine d’art. Cette doctrine d’art est justement celle que je viens d’essayer de dégager à propos de M.  […] C’est pour cela aussi que tant vaut la personne, tant vaut la doctrine d’esthétique. […] On s’en étonnera moins si l’on réfléchit que le pessimisme est rarement une doctrine raisonnée. […] Taine, d’où découle par voie de conséquence toute la doctrine de M. 

289. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

voilà ce que Goethe pensait réellement sur la nature de la poésie et de l’art ; bonne ou mauvaise, voilà sa doctrine littéraire. […] Vous comprenez sans doute maintenant comment des hommes doués de tels dons échappent à toute interprétation partielle, et pourquoi il ne se rencontrera jamais une secte ou une doctrine qui puisse les réclamer comme siens, à moins que cette secte ou cette doctrine n’ait pour objet l’univers entier. […] D’autres doctrines sont venues plus larges, plus séduisantes, et la pieuse doctrine, qui n’avait pour se recommander que son bon vouloir et sa piété, a été oubliée et délaissée. […] Il agissait comme il pensait, selon ses doctrines de l’heure présente et ses préoccupations morales du moment. Contrairement à la plupart des hommes qui ont les doctrines de leurs passions, lui il avait les passions de ses doctrines, c’est-à-dire que toute sa conduite, à tel ou tel moment de son existence, était la conséquence des doctrines qu’il avait passagèrement embrassées.

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