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370. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

On en a eu, à la fin du xviiie  siècle et au commencement du nôtre, de grands et sublimes exemples ; Lagrange, Laplace, Cuvier et tant d’autres à des rangs voisins, ont excellé dans cette faculté de trouver les rapports élevés et difficiles des choses cachées, de les poursuivre profondément, de les coordonner, de les rendre. […] Il se remit dès lors au latin, qu’il savait peu ; il se prit aux poëtes les plus difficiles, qu’il embrassa vivement. […] Rien n’est plus propre d’ailleurs à faire juger de ce que je puis faire en ce genre… Et encore : J’ai fait hier une importante découverte sur la théorie du jeu en parvenant à résoudre un nouveau problème plus difficile encore que le précédent, et que je travaille à insérer dans le même ouvrage, ce qui ne le grossira pas beaucoup, parce que j’ai fait un nouveau commencement plus court que l’ancien… Je suis sûr qu’il me vaudra, pourvu qu’il soit imprimé à temps, une place de lycée ; car, dans l’état où il est à présent, il n’y a guère de mathématiciens en France capables d’en faire un pareil : je te dis cela comme je le pense, pour que tu ne le dises à personne. […] Le grand Arnauld, par exemple, est tout aussi grand logicien que La Bruyère ; il trouve des vérités aussi difficiles, aussi rares, je le crois ; mais La Bruyère exprime d’un mot ce que l’autre étend. […] Ampère était plutôt en analyse un inventeur fécond, égal à tous en combinaisons difficiles, mais retardé par l’embarras de choisir ; il était moins décidément écrivain.

371. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Comme malgré les plus cruelles mutilations la pensée d’un ancien ne se laisse pas aisément ramener aux dogmes du catéchisme, comme malgré les plus adroites interprétations il est difficile de répéter le tour de force de cet oratorien150 qui retrouvait la Bible dans Homère, on en arrive peu à peu à vider l’œuvre qu’on étudie de son contenu d’idées, à concentrer l’attention des élèves sur les élégances de style, sur les beautés du langage, sur les figures et sur les mots. […] » C’est l’abbé Delille156 qui prononce ces paroles en pleine Académie et il est difficile de pousser plus loin l’hyperbole. […] Anatole France, Loti, Bourget, Lemaître, pour ne citer que les plus connus, y ont eu large part ; que beaucoup de travaux solides et utiles, mais peu susceptibles d’être goûtés par le commun des lecteurs, ont dû les moyens de s’achever à ces libéralités intelligentes ; qu’enfin, pour beaucoup d’écrivains novices, ces distinctions, accompagnées d’une petite somme d’argent ont été la vie, l’indépendance, le loisir de travailler assurés pour plusieurs mois, l’accès ouvert aux revues, aux journaux, aux théâtres, bref une aide précieuse aux jours difficiles des premiers pas vers la lumière. […] Il est difficile à des hommes qui se coudoient à chaque instant et délibèrent ensemble sur des objets moins passionnants que les intérêts vitaux d’un pays, de ne pas avoir entre eux des ménagements et presque [des coquetteries de courtoisie. […] Bien qu’en littérature le vieux proverbe : L’union fait la force soit le plus souvent menteur, les jeunes gens qui se groupent et se serrent autour d’un même drapeau forment un bataillon carré qu’il est difficile d’entamer et augmentent leurs chances de faire une trouée victorieuse.

372. (1739) Vie de Molière

Il est bien difficile de réussir avant cet âge dans le genre dramatique, qui exige la connaissance du monde et du cœur humain. […] Voiture avait été le premier en France qui avait écrit avec cette galanterie ingénieuse dans laquelle il est si difficile d’éviter la fadeur et l’affectation. […] Les mêmes spectateurs qui applaudissaient sans réserve à ces farces monstrueuses, se rendirent difficiles pour l’École des femmes, pièce d’un genre tout nouveau, laquelle, quoique toute en récits, est ménagée avec tant d’art, que tout paraît être en action. […] Il y a de la cruauté à vouloir avilir des hommes nécessaires à un État bien policé, qui exercent, sous les yeux des magistrats, un talent très difficile et très estimable. […] Il faut encore convenir que Molière, tout admirable qu’il est dans son genre, n’a ni des intrigues assez attachantes, ni des dénouements assez heureux, tant l’art dramatique est difficile.

373. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Je m’éloignai rapidement, le cœur plein d’une émotion difficile à décrire. […] « Je m’arrête, monsieur ; il est difficile de ne pas se laisser entraîner à quelque émotion quand on parle des souvenirs les plus doux et les plus mémorables de sa vie. » Notre siècle aime ces détails intimes, il n’en a jamais trop. […] Lorsqu’il avait à traverser des endroits plus difficiles, comme il en est dans la littérature du moyen âge, il redoublait de lenteur et marquait le pas au lieu de le doubler et de passer rapidement. Ce qui a fait dire à l’un de ses auditeurs d’alors dont j’ai le carnet sous les yeux (il n’est rien de tel que ces impressions du moment et de la minute) : « Quand Ampère à son cours est dans ses endroits difficiles, arides, dans ses défilés où il va pied à pied, oh ! […] Il est difficile de bien juger M. de Sénancour sans avoir entretenu avec lui, par les principaux ouvrages de sa jeunesse, un commerce intime et prolongé.

374. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bertrand, Aloysius (1807-1841) »

Par malheur, Bertrand ne composa pas en ce moment assez de vers de la même couleur et de la même saison pour les réunir en volume ; mécontent de lui et difficile, il retouchait perpétuellement ceux de la veille ; il se créait plus d’entraves peut-être que la poésie rimée n’en peut supporter.

375. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Croix, Camille de (1859-1915) »

Camille de Sainte-Croix, œuvre dont il n’est pas difficile de dégager la portée morale, de tirer tous les enseignements possibles.

376. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

Son pinceau vraiment tragique l’éleve au dessus de tous ceux qui ont cultivé, après lui, & même de son temps, ce genre de Poésie où il est si difficile de réussir.

377. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Pour y parvenir, il doit plaire, il doit prouver, il doit toucher ; car il ne peut rien obtenir de l’Auditeur ou du Lecteur, que par l’art de s’attirer sa bienveillance par la force des raisons, & par le trouble où il le jette : le dernier point, le plus difficile sans doute, mais le plus infaillible, & sans lequel il n’y a point de véritable éloquence évangélique, est précisément celui qui nous paroît manquer à M. l’Abbé Poule.

378. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Chardin » pp. 220-221

Mais peut-être la nature n’est-elle pas plus difficile à copier.

379. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Celui-ci vivant et les défendant, l’entreprise paraissait difficile, même téméraire. […] C’est alors que, voyant qu’il ne devait compter que sur lui-même et guettant l’occasion de sortir du pas difficile où il se trouvait, pressé qu’il était déjà entre deux armées, il livra aux troupes du comte de Stirum, près de Donawerth, la bataille d’Hochstett, qu’il gagna complètement (20 septembre 1703). […] Il serait pénible de discuter le degré des torts de Villars sur une matière aussi délicate que celle des deniers provenant des contributions forcées, et il serait certainement difficile de le justifier.

380. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il y a à distinguer deux choses dans cette réimpression qu’un savant professeur du Collège de France a dirigée et entourée de commentaires : premièrement, la réimpression même, qui est bonne en soi, qui remet sous les yeux des lecteurs studieux plusieurs écrits politiques, autrefois en vogue, sortis depuis longtemps de la circulation, et dont quelques-uns étaient difficiles à retrouver ; et, de plus, il y a l’esprit dans lequel ils sont reproduits, la pensée de résurrection qu’on y apporte et qui est à discuter. […] Cela eût été plus profitable, plus pratique, mais aussi d’une analyse plus délicate et plus difficile, que de venir nous proposer ce publiciste distingué, tout simplement comme le parfait professeur de toutes les vérités politiques, comme le promulgateur et le prophète complet des institutions futures. […] J’ai connu des philosophes de nos jours qui, dans les temps difficiles, mettaient leur philosophie à l’abri derrière le christianisme de Royer-Collard.

381. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Ses gestes ont tant de grâce, ils sont si naturels et si parfaitement d’accord avec ce qu’elle dit, qu’il est difficile de n’être pas entraîné à penser et à sentir comme elle. […] Comme rien n’est plus difficile que de faire l’histoire d’un salon et d’une personne qui n’a pas eu d’autre règne, parce que ces annales légères ne se fixent pas, que tout le monde les sait ou croit les savoir à un moment, et qu’ensuite, une ou deux générations disparues, on ne trouve plus rien que de vague et de fuyant dans le lointain, comme devant un pastel dont la poussière s’est envolée, je crois que le mieux, pour se faire aujourd’hui une idée précise de Mme de Luxembourg, serait de la prendre dans ses relations avec Jean-Jacques à Montmorency ; puis dans ses relations avec les Choiseul et avec Mme du Deffand ; ici, du moins, on a des témoignages écrits et qui ont de la suite. […] Mme du Deffand est la plus difficile à conquérir et à persuader ; on la dirait jalouse ; elle ne peut s’accoutumer à l’idée de voir Mme de Luxembourg sur un si bon pied à Chanteloup ; cette femme distinguée, cette grande dame, même par rapport à elle, cette intime de tout temps avec qui elle passe sa vie, et qui la comble de témoignages d’affection, elle la crible en arrière d’épigrammes : « La maréchale de Luxembourg ne sait que devenir.

382. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Difficile et insoluble question : sujet de méditation éternelle. […] Il pourra paraître jusqu’ici assez difficile de comprendre comment M.  […] Delécluze, et lui demanda si on ne faisait pas courir un trop grand risque à son neveu en lui confiant une restauration si difficile et si dangereuse.

383. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

La vérité est difficile à bien établir et à fixer en tout, et particulièrement en histoire. […] Jean-Bon sut remplir toutes les conditions de ce poste difficile. […] Le niveleur a disparu : il n’est plus de ceux qui fauchent, il est de ceux qui essayent de fonder et qui sentent combien toute fondation est difficile !

384. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

assez fâcheusement et abondamment de s’y introduire ; mais on s’y laisse moins prendre qu’ailleurs ; on l’y sent tout aussitôt sous les déguisements et les emprunts qu’il tente ; on le rejette avec dégoût, ou plutôt il va naturellement au fond ; et, tandis que, sous l’écorce de la prose, bien des talents équivoques en qualité surnagent, tandis qu’ils atteignent à une contrefaçon assez difficile à démêler, et qu’avec le travail, l’instruction, l’imitation de ce qu’on lit, la répétition assez bien débitée de ce qu’on entend, avec tous ces mérites surchargés, on parvient souvent à une sorte de compilation de fond ou de style, décente, et qui fait fort honnëte contenance, en poésie la qualité fondamentale se dénote aussitôt, la substance des esprits s’y fait toucher dans le plus fin de l’étoffe ; aussi très-peu suffit pour qu’on ait rang, sinon parmi les grands, du moins entre les délicats, et qu’on soit, comme tel, distingué de la muse, de cette muse intérieure qui console : ce qui, j’en conviens, n’empêche pas d’être parfaitement ignoré du vulgaire, comme disent les poëtes, c’est-à-dire du public. […] La beauté des derniers jours de l’automne favorise ce travail difficile, et diminue de quelque chose la fatigue des terrassiers, que, du reste, je n’entends jamais murmurer, ni se plaindre. […] Une distance assez longue les sépare de mon habitation ; des chemins toujours difficiles et souvent impraticables, qu’il faut reprendre le soir après de rudes fatigues.

385. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Il était consulté par ces hommes éminents sur les points difficiles. […] Les étrangers qui écrivent dans notre langue, même quand ils y réussissent le mieux, sont dans une position difficile ; le comble de leur gloire, par rapport au style, est de faire oublier qu’ils sont étrangers ; avec M. […] Comme il avait commencé jeune ses courses, les grands astres de la littérature présente n’étaient pas encore tous levés : mais de Loy n’était pas si difficile, il allait visiter le Gardon de Florian, en attendant les autres stations, depuis consacrées.

386. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Le même Florus en parlant des Samnites, dit que leurs villes furent tellement détruites, qu’il est difficile de trouver à-présent le sujet de vingt-quatre triomphes, ut non facile appareat materia quatuor & viginti triumphorum. […] Une des choses qui nous plaît le plus, c’est le naïf, mais c’est aussi le style le plus difficile à attraper ; la raison en est qu’il est precisément entre le noble & le bas ; & il est si près du bas, qu’il est très-difficile de le côtoyer toûjours sans y tomber. Les Musiciens ont reconnu que la Musique qui se chante le plus facilement, est la plus difficile à composer ; preuve certaine que nos plaisirs & l’art qui nous les donne, sont entre certaines limites.

387. (1890) L’avenir de la science « II »

Il me semble aussi difficile de comprendre le vrai point de vue de la science sans avoir étudié ces savants primitifs que d’avoir le haut sens de la poésie sans avoir étudié les poésies primitives. […] Et puis l’on est devenu difficile ; on ne veut pas s’être fatigué en pure perte. […] Ce serait bien plus difficile encore, car, lors même que le plan n’en serait pas perdu, les matériaux le seraient à jamais.

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