L’âme a besoin d’exaltation ; saisissez ce penchant, enflammez ce désir, et vous enlèverez l’opinion.
Aderer, avait une méthode plus précise et plus fine : il s’appliquait au détail et montrait du doigt, ou d’un clin d’œil, les généralités ; il excellait à sous-entendre, à suggérer, à donner le désir d’ajouter par une recherche personnelle à ce qu’il avait fait entrevoir.
Pourquoi détester chez un poète ce qu’il est permis d’aimer chez une femme : la coquetterie, le désir de plaire se traduisant soit par les petits airs de tête, soit par les indexions de voix câlines et à demi fausses, soit par l’arrangement symétrique et compliqué de petits objets, chiffons, rubans, oripeaux ?
Il est vrai que ce mysticisme simulé peut quelquefois redevenir sincère ; car la conscience de l’incurable inassouvissement du désir et de sa fatalité, le détraquement nerveux qui suit les expériences trop nombreuses et qui dispose aux sombres rêveries, tout cela peut faire naître chez le débauché l’idée d’une puissance mystérieuse à laquelle il serait en proie.
Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’étaient tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir ou la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe
Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs.
Les joies paisibles de la famille, les caresses naïves des enfants, les flatteries enivrées recueillies par les jeunes filles florissantes, et rapportées fidèlement au cœur de l’orgueilleuse mère, rien de tout cela ne m’appartiendra plus : la foule ignorante comptera mes regrets par ses désirs, et je triompherai de sa méprise.
Jouissant encore de peu d’autorité, et sans doute aussi poussé par le désir de voir un maître dont les enseignements avaient beaucoup de rapports avec ses propres idées, Jésus quitta la Galilée et se rendit avec sa petite école auprès de Jean 311.
Il y eut chez Simon le Lépreux 1046 un dîner où se réunirent beaucoup de personnes, attirées par le désir de le voir, et aussi de voir Lazare, dont on racontait tant de choses depuis quelques jours.
On voit d’ordinaire, dans notre activité traduite par nos mouvements et nos désirs, le résultat de quelque sensation ou connaissance antérieure ; mais avant celle-là il y a une activité spontanée, venant de nous-même, du dedans et non du dehors, qui agit d’elle-même et non par une réaction contre le monde extérieur.
« La forme de la volition où il y a motif, mais sans aptitude à l’accomplir, est le Désir », ch.
A cette objection, Gall répondait par une distinction très-juste et très-philosophique, par la distinction du désir et de la volonté.
De la beauté naît l’admiration ; de l’admiration, l’estime, le désir de posséder et l’amour.
Elle ressemblait un peu à cette reine Christine, avec qui elle vivait intimement à Rome : elle aussi subordonna tout à ses désirs et à ses passions ; elle franchit hardiment la dernière barrière qu’une société facile lui opposait encore.
Il ne suffit pas pour cela de la sévérité de son dialogue avec Alcée, tel que le cite Aristote69 : « Je veux », disait le hardi poëte, « te dire quelque chose ; mais la pudeur m’empêche. » Et Sapho de répondre : « Si tu avais le désir de choses nobles et belles, ni ta langue ne serait liée de peur de dire le mal, ni la pudeur ne retiendrait tes regards ; mais tu parlerais librement de ce qui est légitime. » Rien de mieux raisonné, sans doute ; mais tant d’autres témoignages nous la montrent différente !
Sa parole est toujours décente ; les désirs qu’elle excite l’effrayent et l’affligent ; elle s’y livre sans les partager, comme pour obéir à une loi sévère. […] Ses désirs sont des Chimères qui cherchent leur proie. […] Il faut l’entendre encore, après la mort du Téméraire, aspirer à la Bourgogne avec la flamme du désir. « Je n’ay autre paradis en mon imagination que celui-là. […] Il y a de la méchanceté dans l’hystérie de leur danse : on dirait que ces cruelles baladines s’amusent à irriter la passion et à torturer le désir. […] — Je sens le désir de la mort !
Dans Madame Bovary cependant, Homais n’ouvre pas la bouche qu’il n’en tombe quelque phrase marquée au coin de sa solennelle bêtise ; et le baron Hulot, dans la Cousine Bette, ne fait, pour ainsi dire, ni un pas, ni un geste qui ne courent à l’assouvissement de ses désirs. […] Vainement elle essaie de se retenir sur la pente ; le désir est trop fort, les circonstances trop puissantes, le milieu dans lequel elle s’agite plus disproportionné que jamais à la violence de ses rêves. […] Toute une psychologie subtile, — bien autrement complexe que sa psychologie physiologique, — la psychologie des forces intellectuelles et volontaires qui soutiennent le bon combat contre le choc de la sensation, et qui font échec aux assauts du désir, lui échappe entièrement. C’est pourquoi, ne lui parlez pas d’une liberté qui se détacherait en quelque façon du corps, qui le dominerait, et qui l’asservirait à des fins plus élevées que le satisfaction des désirs corporels : il ne vous entendrait pas. […] Évidemment, ses procédés matérialistes ne peuvent pas le conduire au-delà de cette région vague où le sentiment est encore engagé dans la sensation, où la volonté se confond avec le désir ; et tout un monde lui demeure fermé.
Des impatiences qu’il témoigne en rajustant sur le métier la vieille trame légendaire, des familiarités qu’il se permet avec les héros pour les faire parler, penser et sentir en petites gens, des licences qu’il prend pour intercaler au milieu d’un grand sujet tragique des épisodes romanesques et intimes que nous ferions rentrer dans le drame bourgeois, comme le mariage de la princesse Électre avec un campagnard, nous pouvons inférer que son plus grand désir est de s’évader du genre où la tradition l’enferme. […] Aussi l’amour qui s’empare de lui comme de la dame est-il une vraie fièvre : « Madame qui de ce nouvel jeu d’amour avait son cœur enflammé, toute nuit ne cessa de soi plaindre, gémir et soupirer tant désirant était de revoir Damp Abbez et à lui pouvoir deviser, et Damp Abbez, assailli de celles mêmes amours par les doux et amoureux semblans et regards qu’ils avaient l’un et l’autre faits, ne fut mie toute celle nuit à séjour (tranquille) : car soupirs et désirs de ses très enflammés amours le gardèrent bien de dormir. » Si violente qu’elle soit, cette passion sensuelle sait se contenir, ceux qui l’éprouvent étant gens de haut rang et de grande éducation ; et, comme ils sont de plus très raffinés, elle admet le plus singulier mélange d’impétueuses ardeurs et d’attentes calculées, de pratiques dévotieuses et de scepticisme mondain, tempéré d’onction doucereuse et ouaté en quelque sorte de mols patelinages. […] Il y a chez l’un comme chez l’autre un désir, légitime en son principe, mais dangereux en ses excès, de réagir en faveur de la précision qui est nécessaire pour arrêter le contour d’une œuvre ; de la consistance qui en assure la solidité ; de la réalité qui, dans une certaine mesure, lui donne la vie. […] Vous vous répondrez : Parce qu’il était écrit qu’il irait à Dresde, qu’il aurait la tête tournée par la flatterie, qu’il mettrait un uniforme polonais, qu’il subirait l’influence enivrante d’une belle matinée de juin, et, enfin, qu’il se laisserait emporter par la colère en présence de Kourakine d’abord, et de Balachow ensuite. » Au surplus, que peut une volonté sur les millions d’autres volontés qui toutes tendent à leur but particulier ; chacun ne fait-il pas avec ses vues propres la guerre soutenue en commun : Alexandre méditant de venger une offense, Barclay de Tolly voulant conquérir la réputation de grand capitaine, et Rostow, le jeune officier, se lançant à la poursuite des Français, parce qu’il ne peut résister au désir de faire un bon temps de galop sur une plaine unie ? […] Dans la conversation, c’est son instinct qui dispose de lui : « Pierre, éprouvant le désir de parler à son tour, fit un pas en avant, sans savoir lui-même au juste ce qu’il allait dire. » Au cours de la discussion, il se possède moins encore : « Pierre l’interrompit : il venait de trouver une issue à son agitation » ; aussi, « sans se rendre compte à l’avance de la portée de ses expressions, il se mit à parler avec une vivacité fébrile ».