Sur les traces de Colin, il courait au hasard après l’ombre de la comédie ; avec Molière, il en retrouve le corps et il se retrouve lui-même.
Ce sont ceux qui ont pour unique ambition de réaliser le désir exprimé par Wagner ; ce sont ceux qui ont senti « le penchant à l’aimer et le besoin de le comprendre » et qui, pour le satisfaire, ont étudié l’œuvre, comme elle veut l’être, ils n’ont pas voulu faire ce départ de l’artiste et de l’homme qui est aussi insensé que la séparation de l’âme et du corps » ; ils ont voulu connaître à fond cet artiste qu’« inconsciemment au moins et involontairement » ils aimaient comme homme ; ils ont étudié aussi bien ses écrits théoriques que ses œuvres d’art et aussi ce qui pouvait être connu de sa vie.
On ne conçoit pas comment un homme d’esprit, sans entendre un seul mot de grec, a pu former le projet de mettre l’Iliade en notre langue ; comment, dans l’idée de réduire ce poëme, d’en retrancher le gigantesque, le puérile & le superflu, il l’a rendu plus long & plus chargé d’inutilités ; comment, d’un corps plein d’embonpoint & de vie, il n’en a fait qu’un squelette aride & désagréable.
Sur tous les points du lit de la mer où il ne se fait aucun dépôt, partout où le sédiment ne s’accumule pas assez vite pour préserver les corps organisés de la désagrégation, aucun débris fossile ne se conservera.
Quoique d’une constitution résistante où la sécheresse marquait le nerf et le muscle, Audin, comme tous les grands travailleurs, avait un corps qui souffrait de l’activité de son âme.
XXXV Le corps de logis où se trouvaient les classes, fermait la cour d’un côté. […] Ces cris perçaient les murailles : tandis qu’agenouillées par terre, les coudes sur les bancs, nous essayions de suivre la prière que la mère Saint-Raphaël disait, en haussant la voix, le plus qu’elle pouvait, pour couvrir les cris ; mais nous les entendions, aussi aigus, aussi déchirants… Il n’y eut ni glas, ni office ; le corps de la pauvre jeune fille fut emporté la nuit. […] Il y en avait, parmi les plus grandes, qui faisaient déjà partie du corps de ballet, à l’Opéra, ce qui les rendait particulièrement maniérées et vaniteuses.
Il me trouva ayant une grande plaque d’argent à la main, pour le corps de mon Jupiter ; un autre faisait une jambe, un autre la tête ; de sorte que c’était un bruit épouvantable dans mon atelier.
Son portrait par Donat, qui a servi de point de départ à celui qu’on vient de lire par M. de Chateaubriand, peut se traduire plus légèrement peut-être, et s’expliquer comme il suit, en évitant tout ce qui pourrait charger : Virgile était grand de corps, de stature (je me le figure cependant un peu mince, un peu frêle, à cause de son estomac et de sa poitrine, quoiqu’on ne le dise pas) ; il avait gardé de sa première vie et de sa longue habitude aux champs le teint brun, hâlé, un certain air de village, un premier air de gaucherie ; enfin, il y avait dans sa personne quelque chose qui rappelait l’homme qui avait été élevé à la campagne.
Et l’âme de Tannhaeuser fléchit, et son corps succombe.
La psychologie est nulle : les personnages sont des néants, égarés en des corps très vivants, et parmi des lieux bien décrits.
Dire que nous imposons nos farines à l’Univers n’avance à rien, car rien n’oblige la matière de l’Univers à se mouler si docilement sui nos formes, ni le soleil à s’éclipser pour faire honneur aux formes de notre sensibilité, ni notre corps à mourir et à se décomposer selon les prévisions de la science, uniquement pour se conformer à notre intuition du temps. » Voir notre Introduction à la Genèse de l’idée de temps, p. 11 et suiv.
En entrant dans cette phase nouvelle et définitive de la Révolution, on était obligé de descendre plus bas que le dernier degré de l’échafaud, on était tenu de soulever plus infect que la boue des corps, mais la boue des âmes.
Dans les unes, des bras serrés auprès du corps, des pieds joints ensemble, une roideur, une absence de mouvement et de vie, enfin un aspect général qui contraste merveilleusement avec celui qu’offre d’abord cette admirable statue. […] Les draperies marquent sans recherche les différentes parties du corps ; on sent qu’un être vivant est dessous. […] Ce serait de votre part un idéalisme un peu extraordinaire ; j’imagine que vous croyez avec tout le monde que l’âme est distincte, mais non pas absolument indépendante du corps.
Monsieur Bhavabhouti, je suis tout à fait d’accord avec vous ; vos pensées sont à mon esprit ce que les sucs du santal sont à mon corps et la lune d’automne à mes regards ; et vous faites les délices de mon cœur. […] dont les boutons viennent de s’entrouvrir. » « Je sens le feu de la fièvre s’étendre et agiter tout mon corps ; une sorte de prostration m’ôte l’usage de mes sens. Sous l’empire d’une passion croissante, mon cœur égaré ne voit plus qu’elle, et brûle d’une flamme intérieure. » « Brises du vent qui, toutes chargées du parfum des sucs que distillent les pousses du jasmin, avez caressé cette délicate jeune fille aux yeux si vifs, venez, venez toucher mon corps. » Des contemplateurs et des voluptueux, des êtres tout sensitifs, voilà ce qu’ils sont. […] Que Montchrétien n’a pas su donner un corps à l’incertitude, que, depuis le milieu du troisième acte jusqu’au cinquième nous sommes à peu près sûrs que Marie Stuart sera décapitée, que nous ne pouvons compter que sur le droit de grâce et sur le souvenir des hésitations d’Élisabeth aux premier et second actes. […] L’effusion élégiaque, très sensible déjà dans Andromaque et dans Bérénice, prend corps ici et puissance, et devient lyrisme véritable.
Mesurez à l’étendue de ses desseins l’étendue de son courage ; quant à moi, plus je considère des actions si miraculeuses, moins je sais quelle opinion je dois avoir de leur auteur : d’un côté, je vois que son corps a la faiblesse de ceux qui άρώρας xαρπόν έδουσιν144 ; mais, de l’autre, je trouve en son esprit une force qui ne peut être que τϖν όλύμπια δώματ’145.
Mais son cœur est ému de pitié au souvenir de leurs combats, du prix dont ils payent les passagères douceurs de leurs espérances ; car, dans cet admirable ouvrage, la peine suit d’aussi près la faute que l’ombre suit le corps, et ces tristes cœurs ne goûtent pas un moment de joie qui soit pur de regret ou de crainte.
Rendez-moi comme vous me sentez, c’est-à-dire bien plus beau que je ne suis… » Et encore : « Moi, mon cher ami, je ne vous demande qu’une chose, comme à mon traducteur, c’est de ne pas l’être dans le sens ordinaire, mais dans le sens réel, c’est-à-dire de rendre l’âme et non pas le corps de mon ouvrage. […] Plusieurs historiens modernes ont attribué quelques avantages à ces invasions de races franchement barbares à travers les races latines corrompues ; ils en ont déduit des théories de renouvellement et comme de rajeunissement social moyennant cette espèce de brusque infusion d’un sang vierge dans un corps usé.
La noblesse du second ordre, en se séparant des hauts barons pour se placer à la tête des communes, rentra, pour ainsi dire, dans le corps de la nation, et s’unit à ses mœurs comme à ses droits. […] Il y a peu d’années qu’il se forma, contre le mur de l’église de Stratford, une excavation qui mit à découvert la fosse même où avait été déposé le corps ; le sacristain qui, pour empêcher les déprédations sacrilèges de la curiosité ou de l’admiration, fit la garde près de l’ouverture jusqu’à ce que la voûte fût réparée, ayant essayé de porter la vue au dedans de la tombe, n’y aperçut ni ossement ni cercueil, mais seulement de la poussière. « Il me sembla, ajoute le voyageur qui raconte le fait, que c’était quelque chose que d’avoir vu la poussière de Shakespeare. » Ce tombeau est aujourd’hui seul en possession des hommages qu’a longtemps partagés avec lui le mûrier de Shakespeare.