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1085. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Tout cela doit être considéré comme des dons de Dieu. » V Ce fut le moment où sa vie fut coupée par la nouvelle de la mort de l’ami de sa jeunesse, le grand-duc de Weimar. […] Goethe la considère comme une pure illusion. […] “Il m’est chaque année plus impossible de recevoir tous ces bienveillants hommages, écrit-il à Zelter ; les hommes se plaisent à considérer et à célébrer ma vie comme un ensemble harmonieux ; pour moi, au contraire, plus je vieillis, plus je trouve mon existence pleine de lacunes.”

1086. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Les jeunes gens qui le considèrent aujourd’hui comme un funeste bourgeois ne réfléchissent pas que Coppée, il y a vingt-cinq ou trente ans, parut un jeune poète très « avancé ». […] Mais tel qu’il est, et mutatis mutandis (relisez, je vous prie les lettres du prince de Caréan), je ne suis pas éloigné de considérer dès maintenant Paul Hervieu comme notre Laclos6. […] Il y a celles dont le viril esprit fut en si intime communion avec leur illustre époux que, de très bonne foi, elles considèrent sa gloire, non comme héritée par elles, mais comme acquise en commun avec lui.

1087. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Il a moins considéré ce Poëte comme le maître ou le précurseur de Virgile, que comme un Philosophe profond & sublime, qui déduit avec beaucoup d’art des principes qu’il a établis, l’explication des phénomènes de la nature. […] Gresset, plusieurs fois réimprimée avec ses poësies ; mais il faut que vous la considériez moins comme une version exacte, que comme une imitation hardie des Eglogues de Virgile. […] Il a considéré la Pharfale comme un arbre vigoureux & touffu, dont il y avoit à retrancher bien des branches infructueuses, & qu’il falloit émonder sans le tailler au ciseau.

1088. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Il en était venu à tout considérer et à tout comprendre. […] pourquoi tous nous considèrent-ils comme des dieux, et à quel titre, aux rives du Xanthe, possédons-nous notre grand domaine, riche en vergers et en terres fécondes ?

1089. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Quant au dehors, il me fut moins difficile de leur démontrer que l’Angleterre considérerait immédiatement ce pacte de famille en Espagne comme une déclaration de guerre à ses influences à Madrid ; que Louis-Philippe lui paraîtrait un transfuge de son alliance dans une alliance dynastique indépendante de l’Angleterre, et qu’à partir de cet acte (prise de possession de l’avenir en Espagne, pierre d’attente de l’union des deux monarchies, la France et l’Espagne), le cabinet de Londres abandonnerait le cabinet d’Orléans à l’animadversion des puissances du Nord, animadversion que l’Angleterre seule avait contenue jusqu’à ce jour. […] XXXII Il aurait commencé, sans doute, selon sa puissante méthode analytique, par considérer d’un coup d’œil et par caractériser sans illusion l’état de l’Europe, afin d’y faire prendre à la France la position juste, forte et pacifique, sur ce champ de manœuvre de la diplomatie ; il aurait cherché, en méprisant les préjugés populaires et les forfanteries soldatesques, quel était et où était le système d’alliance actuel le plus propre à assurer l’existence, la durée, la prépondérance légitime de la France, tout en maintenant le plus longtemps possible à l’Europe l’inappréciable bienfait de la paix.

1090. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

« Un soir que je considérais, comme à l’ordinaire, la voûte céleste dont l’aspect m’est si familier, je vis avec un étonnement indicible, près du zénith, dans Cassiopée, une étoile radieuse d’une grandeur extraordinaire. […] « On s’accoutume presque, dit ailleurs Humboldt, dans toute une partie de l’intérieur du nouveau continent, à considérer l’homme comme ne faisant point une partie essentielle de l’ordre de la création.

1091. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Tandis qu’il essayait de réaliser son rêve gigantesque de domination universelle, apparemment il songeait au passé et à l’avenir, il se comparait, il se « situait » dans l’histoire, il se considérait comme l’un des grands ouvriers du drame humain, et sa destinée était pour lui-même un mystère dont il frissonnait… Rien d’humain ne battait sous son épaisse armure. […] C’est lui, l’homme qui considère l’histoire comme un développement nécessaire de faits inévitables et qui a toujours goûté en artiste les manifestations de la force  c’est lui qui aujourd’hui se fond en pitié !

1092. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Ces réserves faites, je demeure partisan des prix littéraires, si je considère qu’ils permettent tout de même d’aider quelques écrivains, mais je suis moins ferme en mon parti quand j’examine les mœurs qu’ils ont introduits, ou développés et exaspérés, chez certains auteurs et certains éditeurs, quand je prévois quels instruments d’injustice fatale ils peuvent devenir pour ceux qui n’en ont point obtenu. […] En principe, je suis contre tous les prix, que je considère comme des primes à l’intrigue et des excitations à un désir fallacieux de gain… En réalité, il est absolument immoral pour la littérature que des écrivains publient dans l’espérance de diplômes, comme des fermiers candidats aux concours agricoles.

1093. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

A considérer l’ensemble des siècles, il semble bien que la science ait eu, en somme, l’avantage et obtenu des agrandissements définitifs ; mais ce n’est pas sans des reculs momentanés, sans des défaites partielles sur des points où elle s’était indûment avancée et où elle ne pourra jamais s’établir. […] Si nous considérons, au contraire, une époque où la première place appartient aux sciences concrètes, à la zoologie, à la botanique, aux sciences naturelles et médicales, nous pouvons deviner ce que seront dans leurs traits essentiels la philosophie et la littérature du temps.

1094. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Cette fatale représentation de Tannhjeuser à Paris en 1861 ne peut être considérée comme un commencement ; elle a été une plante sans racines, importée par l’ordre de l’empereur Napoléon, détruite par le Jockey-Clubr. […] En lui nous trouvons, si nous le considérons attentivement, l’art idéal animé, sous une forme sévère et classique, de la plus riche vie romantique ; car la vie romantique, cette âme joyeuse de la nature, qui ne peut et ne veut parler qu’artistiquement, n’est en son essence pas autre chose que la musique.

1095. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Mais déjà l’heure approche où les sons musicaux ne pourront plus produire l’émotion, s’ils sont directement entendus : leur caractère propre de sons empêchera l’âme de les considérer comme de purs signes d’émotions. […] D’ailleurs, rien qu’à considérer cette ville de Bayreuth que devant le monde entier j’élève à une telle importance, je vois que nous sommes en présence d’une création universellement bienfaisante, dont l’effet se répand immesurablement devant nous.

1096. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Considéré seulement comme versificateur, Émile Boissier a le métier le plus souple et le plus vivant, le plus savant et le plus naturel, Coppée et Heredia sont, auprès de lui, des ignorants et des maladroits. […] Ses strophes d’octosyllabes sont inférieures ; mais il sait user mieux que personne des diverses stances d’alexandrins, et je n’hésite pas à le considérer comme notre meilleur chanteur de vers libres.

1097. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

La publicité a fait de réels progrès et, sauf de rares circonstances, nos agents, très pratiques, considèrent comme perdue toute ligne qui n’est pas employée à louer. […] Quel intérêt offriront-elles quand, au lieu de venir d’un contemporain, elles sortiront d’un professeur, vague apparence qui n’appartient à aucun temps et qui ne saurait néanmoins sans s’évanouir, fantôme dispersé par la lumière, être considéré sous un aspect d’éternité ?

1098. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Que l’on ajoute encore à toutes ces scènes certains portraits pleins d’ombre et de réticence, dont le plus grand exemple est la silhouette bizarre, sacerdotale et scélérate du docteur Geestemunde, certains ensembles brouillés et confus, la perception subtile du trouble d’une société à la veille d’une émeute, de cet instant des batailles où tout oscille : La ligne de bataille flotte et serpente comme un fil, les traînées de sang ruissellent illogiquement, les fronts des armées ondoient, les régiments entrant ou sortant, font des caps ou des golfes, tous ces écueils remuent continuellement les uns devant les autres… les éclaircies se déplacent ; les plis sombres avancent et reculent ; une sorte de vent du sépulcre pousse, refoule, enfle et disperse ces multitudes tragiques… Enfin que l’on considère cette tendance poussée à bout, que l’on fasse l’énumération de tous ces poèmes douteux où M.  […] Cette nullité, cette simplification et ce grossissement du fond, sont unis aux propriétés caractéristiques de la forme non par des relations de causes à effets ou d’effets à cause, mais par un rapport indissoluble qui permet de considérer ces deux ordres de faits comme résultant à la fois d’une cause unique.

1099. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Mais de la conception d’Auguste Comte, ce qu’il faut pourtant retenir, c’est que, s’il appartient à quelqu’un d’approfondir et de préciser la notion de l’Inconnaissable, c’est à ceux qui font de la destinée de l’humanité le principal objet de leurs préoccupations ; qui ne sont curieux ni de l’art, ni de la science en soi, mais des services que l’art ou la science peuvent rendre à l’éducation morale de l’humanité ; et qui considèrent enfin que la sociabilité faisant le premier caractère de l’homme, c’est elle que notre perpétuel effort doit avoir pour ambition de développer, d’assurer, et de perfectionner. […] « Sous un tel ascendant, continue-t-il, nos diverses connaissances réelles pourront donc enfin former un vrai système, assujetti dans son entière étendue et dans son expansion graduelle, à une même hiérarchie et à une commune évolution, qui n’est certainement possible par aucune autre voie. » Et il conclut : « L’indispensable harmonie entre la spéculation et l’action est ainsi pleinement établie, puisque les diverses nécessités mentales, soit logiques, soit scientifiques, concourentà conférer la présidence philosophique aux conceptions que la raison publique a toujours considérées comme devant universellement prévaloir. » On remarquera que ces lignes, que j’extrais de la dernière leçon du Cours de philosophie positive, sont datées de 1842 ; elles appartiennent donc à la « première phase » de la philosophie d’Auguste Comte.

1100. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

« Aux savants seuls il appartient de fixer le rang qu’occupera Dübner dans l’histoire des progrès de la philologie et de la critique au xixe siècle : on devra toutefois considérer, en appréciant ses mérites, qu’il ne lui fut jamais donné de les développer en pleine liberté dans un travail tout à fait original et individuel ; il était toujours plus ou moins commandé par les conditions matérielles des publications auxquelles il s’employait.

1101. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Si je ne me trompe, il y aura un très prochain changement, et si mes forces physiques ne me font pas défaut, je ne résisterai pas à payer ce que je considère comme une dette et un devoir.

1102. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il n’a jamais eu pour les gouvernements une estime bien décidée ; il ne les a considérés à son premier point de vue que comme un canal possible de transmission, et, dans le cas où ils se refuseraient à transmettre la doctrine supérieure, il les a dénoncés comme un obstacle : on se rappelle les belles invectives du premier tome de l’Indifférence.

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