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357. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Mais cette forme de gouvernement n’est qu’un des nombreux moyens par lesquels les hommes associés peuvent garantir leurs droits ; des organisations politiques très différentes, variant avec les circonstances géographiques et historiques, sont capables de satisfaire aux mêmes exigences des consciences, et rien n’empêche a priori que, parmi les formes gouvernementales, il en soit qui s’accordent tant avec l’idéal démocratique qu’avec l’accroissement de la quantité sociale. […] La religion chrétienne, remarque Laboulaye, en émancipant les consciences, propageait le culte du for intérieur, ou encore, comme le note B.  […] À vrai dire, les voies et moyens de cette influence, il est souvent malaisé de les saisir ; mais que tout le monde ait de ses effets une conscience plus ou moins vague, les proverbes courants, les remarques banales, les conseils de la sagesse populaire suffiraient à le prouver. […] L’union de la ville et du monde, Urbis et Orbis, tel était le phénomène singulier qui conviait l’humanité à prendre, par Rome, une première conscience d’elle-même.

358. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Un talent précoce, incontestable, un travail opiniâtre et qui ne se fie pas à la seule nature, le culte des sérieuses traditions, un patriotisme ardent, une pureté de conscience inaltérable, et tout cela n’aboutissant qu’à une carrière manquée et à un douloureux avortement ! […] Il n’admettait à aucun degré les tentatives dites romantiques qui se faisaient dans les divers genres, et c’était pour lui une religion de conscience de tout repousser.

359. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

J’entendis là une leçon pénétrante, élevée, une éloquence de réflexion et de conscience. […] Vous semblez, monsieur, confesser les auteurs que vous critiquez ; et vos conseils ont quelque chose d’intime comme ceux de la conscience.

360. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Nous sommes en droit de dire que le même être est alternativement objet et sujet, conscient avec étendue et conscient sans étendue, et que sans la conscience douée d’étendue, celle qui n’a pas d’étendue n’existerait pas. Sans certains modes particuliers de l’étendue — le cerveau et le système nerveux — nous ne pourrions avoir ces moments d’extase, — nos plaisirs, nos souffrances, nos idées, — qui dans cette vie alternent par accès avec notre conscience étendue. » II Allant encore plus loin, M. 

361. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

En même temps, il faut demeurer d’accord que jamais principe de fascination plus puissant ne fut projeté dans les consciences, ni ne fut plus propre à détourner de leur propre voie des activités en formation. […] Bientôt le style jésuite va montrer dans toute leur difformité les œuvres d’une sensibilité qui a perdu conscience de ses propres manières d’être et se conçoit à l’imitation de modèles dont elle est impuissante à s’approprier l’âme secrète.

362. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Si l’impartialité est de rigueur pour l’historien tout le temps qu’il raconte les faits, scrute les causes et peint les caractères, une fois cette triple trame de l’histoire impassiblement déroulée, il reste la conclusion dernière, le jugement suprême à prononcer ; et cette conclusion et ce jugement ont toujours autant de chaleur, de passion et de vie, qu’il y en a dans la conscience et le sentiment moral de l’historien. Eh bien, c’est cette passion et cette vie, qui révèlent la force de la conscience, que je voudrais voir davantage dans ce livre !

363. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Le Dieu des déistes, puisqu’il n’est pas personnel, n’est plus que la Nature, et la Nature influe sur la conscience, — comme Dieu. […] La Nature fait de la conscience comme elle fait de la chair, comme elle fait du marbre, comme elle fait de tout, et vous revenez au Panthéisme par toutes les voies que vous prétendiez éviter.

364. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Plus passionné et plus sincère dans son admiration et dans ses sympathies pour l’Empire que les autres poètes ses contemporains, il n’est point de ceux-là chez lesquels l’inspiration, cette conscience d’un moment, vient donner un démenti à la conscience éternelle et à tous les sentiments de la vie.

365. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Car l’humanité redoute toujours un effort nouveau, je ne sais quel désir de repos, je ne sais quel sentiment de la quiétude existe profondément dans les consciences. […] C’est enfin le sens social, se développant dans la conscience des êtres pour aboutir à l’édification du foyer, des cités et des républiques. […] Cette haine, elle a pris naissance dans les profondeurs de notre conscience indignée… quoi ! […] Notre conscience ne nous a pas permis d’hésiter un seul instant, nous vous haïssons, et nous vous disons : Vous êtes le Grand Mensonge ! […] L’évolution poursuit son rythme fatal, nous attendons avec confiance l’heure qui viendra, l’heure attendue par l’homme depuis que la première injustice fut perçue par la première conscience.

366. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

. — La conscience religieuse et l’Art — Les idées de R.  […] Wagner : Kunst und Religion. — L’Art révélateur de la conscience morale d’une époque. […] C’est dans ce sens seulement qu’on pourrait dire de l’Art qu’il est une expression de la conscience morale ou religieuse d’une époque. […] Dans l’Art s’exprime et se révèle véritablement la conscience morale d’une époque et d’une race ; dans la religion, cette conscience se formule en préceptes, en règles de conduite non seulement personnelles mais encore sociales. […] Il est en quelque sorte l’incarnation divine du principium individuationis, c’est-à-dire du principe de l’individualité, de la conscience personnelle.

367. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il est une erreur, puisqu’il ne cadre pas avec cette réalité qu’est cette conscience. […] Mais ce code m’est donné en dehors de ma conscience. […] Il n’est pas vrai que la conscience ait le pouvoir de juger souverainement de la moralité. […] Du moment qu’elle peut produire la conscience et la personnalité, c’est qu’elle les enveloppait. […] Il y a donc une qualité dans le travail où la conscience trouve sa satisfaction.

368. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Cette justice rémunératoire que Dieu a placée dans nos actes mêmes comme une conscience plus sainte que la fatalité des anciens ne se manifesta jamais avec plus d’évidence ; jamais la loi morale ne se rendit à elle-même un plus éclatant témoignage et ne se vengea plus impitoyablement. […] Des annales ne sont pas de l’histoire : pour qu’elle mérite ce nom, il lui faut une conscience ; car elle devient plus tard celle du genre humain. […] Le peuple n’est pas une religion pour lui, c’est un instrument ; son dieu, à lui, c’est la gloire ; sa foi, c’est la postérité ; sa conscience n’est que dans son esprit ; le fanatisme de son idée est tout humain ; le froid matérialisme de son siècle enlève à son âme le mobile, la force et le but des choses impérissables. […] XVII En ce qui concerne à cette date la constitution civile du clergé, sorte de concordat populaire, aussi illogique et aussi oppressif qu’un concordat royal, je n’ai rien à rétracter de mon jugement ; ce fut une des grandes fautes de la Révolution ; en matière de conscience, son salut et son devoir étaient dans un peuple libre et dans une Église libre, se mouvant librement et respectueusement dans deux sphères indépendantes, la sphère civique et la sphère religieuse. Bien que je ne me dissimule rien des difficultés de cette séparation des deux autorités, elle triomphera un jour ; la religion en sera plus pure et plus efficace, plus morale, la conscience plus fière d’elle-même, l’État plus irresponsable des fureurs ou des persécutions des pouvoirs humains.

369. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

C’est l’homme considérant son semblable d’un regard désintéressé, au lieu de le gouverner d’une main tyrannique, ou de lui donner le change par d’amusantes folies ; cherchant à se démêler, et, comme dit Montaigne, « affamé de se cognoistre. » C’est l’homme à la fois observateur et sujet d’observation ; c’est enfin Montaigne lui-même, un des plus excellents esprits qui aient été, éprouvant à sa conscience, comme à une pierre de touche, tous les traits attribués à l’homme par toutes les philosophies et toutes les histoires. […] Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités. […] Le scepticisme de Montaigne proclame la liberté de la conscience, et conserve saine et sauve la moralité des actions. […] », question commode, pour les jours où notre conscience et notre passion se disputent à chances égales, ou plutôt quand la passion commence à prendre le dessus. […] Il m’a esté comme ma conscience, et m’a dicté à l’aureille beaucoup de bonnes honnestetés et maximes excellentes pour ma conduicte et pour le gouvernement de mes affaires.

370. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Enfin qu’il s’agisse de l’effronterie d’un gamin ou d’une vue d’ensemble sur la vie monastique, de la manie d’un ancien capitaine à pronostiquer le temps, ou d’une redoutable crise de conscience, du spectacle funèbre d’un pendu épouvantant ses commensaux ailés des soubresauts dont l’anime le vent dans la nuit sur une plage, ou d’une considération historique sur la Convention, de plaintes sur la mort ou d’exultations sur la vie, M.  […] A tous les tournants des drames ou des romans, se passent des coups de théâtre, de poignantes alternatives, des luttes de conscience entre deux devoirs, des ironies tragiques qui font dire ou faire à un personnage le contraire de ce qu’il veut de toute son âme. […] Les remords de conscience lui paraissent aussi anciens que le crime. […] De là ses romans allant de coups de théâtre en crises de conscience, de situations extrêmes, en soudaines catastrophes, sans que même les interstices soient comblés par des files de petits incidents médiocres et quotidiens, tels que les chroniques et les mémoires nous les montrent exister sous les plus grands remuements de l’histoire. […] Hugo porte dans sa conscience non plus des pensées, mais de purs mots ; tout deviendra clair.

371. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Et Jean-Jacques peut, en toute sûreté de conscience, continuer à faire de petites comédies et de petits opéras. […] Et si Jean-Jacques n’en avait que faiblement conscience, c’est donc bien, comme je le crois, qu’il était né avec « le coup de marteau ». […] Ma lumière, ici, c’est la conscience. […] Conscience ! […] La conscience « guide assuré

372. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Je n’admets donc pas que ce soit accepter un joug dont la délicatesse ou la fierté aient à souffrir, que d’arriver par notre influence à la Chambre, ni que ce fût trahir un engagement que de se séparer de nous plus tard sur une question où l’on ne pourrait, en conscience ou avec convictioni, nous soutenir. […] Il faut voir avec quelle anxiété, avec quelle conscience émue il aborde le moment, pour lui solennel, de la rédaction et de la mise à exécution, après que le plus gros de ses recherches est terminé. […] [1re éd.] en conscience et avec conviction j.

373. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Veuillot, pour un tel acte accompli dans le secret de la conscience, n’a besoin d’aucun garant, et il a donné, ce me semble, assez de gages publics et fait assez de sacrifices à sa cause pour que personne ne mette en doute sa sincérité quand il dit : Je crois. […] — Cet autre homme, lui, est chrétien ; il admet la divinité, une émanation plus ou moins directe de la divinité, une inspiration d’en haut dans la vie, dans les actes et les paroles du Christ : mais il se permet de rechercher quels ont été au vrai ces actes et ces paroles ; il étudie les témoignages écrits, les textes ; il les compare, il les critique, et il arrive par là à une foi chrétienne, mais non catholique comme la vôtre : homme pur d’ailleurs, de mœurs sévères, de paroles exemplaires : et cet homme-là, parce qu’il ne peut en conscience arriver à penser comme vous sur un certain arrangement, une certaine ordonnance, magnifique d’ailleurs et grandiose, qui s’est dessinée surtout depuis le ve siècle, vous l’insulterez, vous l’appellerez à première vue blafard en redingote marron ! […] Croyez qu’il n’y a point de Dieu ; mais il y a un journaliste, un gamin… car enfin je ne suis qu’un gamin… « Au fait, je ne sais pas jusqu’à quel point je vaux mieux qu’eux… Je fais un métier de bourreau, et je ne suis pas absolument sûr de le faire par conscience… Ils ont leurs passions, j’ai les miennes ; ils cherchent leurs plaisirs, et moi, en les tourmentant, je cherche le mien… » Voilà des aveux. — La fin du roman me déplaît et déplaira, je crois, à bien du monde ; le parti pris s’y faitsentir.

374. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

De toutes les pages qu’il a écrites depuis seize ans, il en est bien peu que je voudrais avoir sur la conscience. […] Ils font du journalisme démagogique avec la sécurité de conscience d’un employé qui va tous les jours à son ministère. […] Puis il songe que, si dans un ou plusieurs siècles, la forme actuelle de la société se trouve radicalement changée, à cette distance tous les révoltés d’aujourd’hui, pêle-mêle, passeront pour des précurseurs et sembleront avoir travaillé pour l’avènement de la justice… Décidément le rôle de révolutionnaire artiste comporte des plaisirs si distingués qu’on est presque excusable d’y sacrifier un peu de sa conscience.

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