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749. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Pas un mot de politique, ceci seulement : quand on est bien persuadé (et c’est peut-être fort triste) que l’art de gouverner les hommes n’a pas dû changer malgré nos grands progrès, et que, moyennant ou nonobstant les divers appareils plus ou moins représentatifs et soi-disant vrais, au fond cet art, ce grand art, et le premier de tous, de mener la société à bien, de la conserver d’abord, de l’améliorer et de l’agrandir s’il se peut, ne se pratique jamais directement avec succès qu’en vertu de certains résultats secrets d’expérience, très-rigoureux, très-sévères dans leur équité, très-peu optimistes enfin, on en vient à être, non pas indifférent, mais assez indulgent pour les oppositions de systèmes plus apparentes que réelles, et à accorder beaucoup, au moins quand on n’est que simple amateur, à la façon : je rentre, on le voit, en pleine littérature. […] Perrault, qui mettait les modernes si fort au-dessus des anciens, comptait parmi les plus beaux avantages de son siècle cette cérémonie académique dont il était le premier auteur : « On peut assurer, dit-il, que l’Académie changea de face à ce moment : de peu connue qu’elle étoit, elle devint si célèbre qu’elle faisoit le sujet des conversations ordinaires. » Les Grecs avaient les jeux olympiques, les Espagnols ont les combats de taureaux, la société française a les réceptions académiques.

750. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Pour les républiques populaires, il faut distinguer deux époques tout à fait différentes, celle qui a précédé l’imprimerie, et celle qui est contemporaine du plus grand développement possible de la liberté de la presse ; celle qui a précédé l’imprimerie devait être favorable à l’ascendant d’un homme sur les autres hommes, les lumières n’étant point disséminées ; celui qui avait reçu des talents supérieurs, une raison forte, avait de grands moyens d’agir sur la multitude ; le secret des causes n’était pas connu, l’analyse n’avait pas changé en science positive la magie de tous les effets. […] Eh bien, ils prennent ce silence pour le garant de leur supériorité, parce qu’il y a une bataille perdue, ils pensent qu’ils l’ont gagnée ; et les revers d’un grand homme se changent en palmes pour les sots.

751. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Aussitôt, tout changea de face : les Blancs, déclarés ennemis de la patrie, furent chassés ; et Dante, qui était soupçonné de leur être favorable, apprit à la fois son exil et la perte de tous ses biens. […] La croyance d’un purgatoire a bien donné le change à ces idées, en substituant le besoin des prières et des œuvres pies à celui des sacrifices ; mais elles ne laissent pas de subsister parmi le peuple.

752. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Tu sais combien mon âme attentive à ta voix S’échauffait au récit de ses nobles exploits… Le premier vers avait été un peu changé et, selon moi, gâté par le prince : il avait substitué le mot arrivé au lieu d’attaché. […] Le maréchal, qui, en vieillissant, avait gardé tout son feu, sa vivacité d’impression et d’intelligence, vécut assez pour apprendre et juger les derniers événements qui ont changé le régime de la France.

753. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Un système d’êtres un peu composé ne change pas tout à la fois. […] Encore lorsque ce contraste est sublime, la scène change, et l’oisif devient le sujet principal.

754. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Au milieu de tant de vicissitudes, l’esprit humain marche toujours ; car il faut qu’il marche même pour franchir des déserts, même pour sortir des lieux et des temps que l’ignorance ou la tyrannie changent en vastes solitudes. […] L’esprit humain survit aussi aux catastrophes qui viennent quelquefois changer la face du globe.

755. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Voyez, dans une même patrie, les gens de la plaine et ceux de la montagne, ceux qui communiquent, par tout leur être, avec le sol rocheux, l’air sec, avec les bruyères, avec les grands flamboiements de soleil sur des surfaces arides ; regardez à côté et étudiez ceux que la vie enferme dans l’ombre moite des forêts ; observez le visage des mêmes travailleurs qui change avec les saisons, la couleur de leurs paroles ou de leurs yeux qui varie plus d’une fois en un jour, et dites si nous ne sommes pas un peu les sujets de ce monde que nous dominons par la pensée ? […] Et si cet homme ne fait que traverser la forêt, mais surtout s’il apporte avec lui une émotion étrangère qui partage son attention, son regard en sera changé et sa vision ne sera plus la même.

756. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Mais venant après le 6 + 6 il change soudain la mesure, et comme on a le premier dans l’oreille, on scande involontairement : De la Thrace avec les | Naïades ses compagnes ce qui est horrible ! […] Il est certain qu’un s ou un x de plus ou de moins ne change pas le son d’une syllabe, dans les cas, cela s’entend, où il ne se heurte point, par suite d’un rapide rejet, à une voyelle du vers suivant.

757. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

— Le retour de l’Inde ne lui était compté que quinze sous : il fit l’observation à la préposée aux mathématiques ; cette dame lui répondit qu’elle ne pouvait prendre sur elle de changer les prix de la maison. […] En effet, les imprudentes baigneuses qui s’aventureraient dans les fonds de bois des écoles de natation seraient changées en une friture de naïades. […] Les pôles veulent changer de place. — Le Groënland veut devenir une serre chaude, et va se peupler de scorpions. […] S’il ne se retenait pas, il imiterait, dans son désespoir, ce poëte italien qui se suicida à cause d’une virgule changée de place dans la composition d’un de ses livres. […] Le bonheur forcé est si vif qu’on en voit qui changent de couleur.

758. (1900) Molière pp. -283

Mettez seulement, à la place de madame la Baillive ou de madame l’Élue, madame la Générale ou madame la Directrice de l’enregistrement, et il n’y aura rien à changer à ce tableau. […] On l’a dit, et je le sais bien : les passions sont ce qui change le moins dans l’homme. Oui, c’est vrai ; mais elles changent cependant ; non pas dans leur essence, qui est éternelle. […] Et non seulement nos passions peuvent changer d’attitude et de costume, mais elles subissent des modifications qui les altèrent dans leur essence. […] Les femmes, au contraire, ont une facilité merveilleuse à changer de costume et à s’approprier les mœurs les plus diverses.

759. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

Honoré sous la Restauration de l’amitié du duc d’Orléans, estimé de tous, poëte politique le plus en faveur dans les classes moyennes, il n’a rien pris pour lui au moment du triomphe ; il a continué de cultiver les lettres et n’a pas changé de théâtre.

760. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome III. »

Mais soudain, à la grande surprise du poëte, Catherine changea de visage, et, par une question tout à fait hors de propos, déplaça brusquement le sujet de la conversation.

761. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

Le milieu psycho-physiologique est le moins important pour nous dans l’ordre de recherches où nous nous engageons, puisqu’il change d’un individu à l’autre et que nous travaillons maintenant à déterminer les caractères généraux d’une époque.

762. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre II »

La filiation d’un mot, même du latin au français, n’est presque jamais immédiatement perceptible ; très souvent le mot français a une signification tout à fait différente de celle qu’il supportait en latin ; bien plus, à quelques siècles, et même à quelque cinquante ans de distance, un mot français change de sens, devient contradictoire à son étymologie, sans que nous nous en apercevions, sans que cela nous gêne dans l’expression de nos idées ; d’identiques sonorités expriment des objets entièrement différents, soit qu’elles aient une origine divergente, soit qu’un mot ait assumé à lui seul la représentetation d’images ou d’actes disparates10.

763. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VI »

Si, pour ne pas changer d’exemple, tous les sons en o étaient rendus par l’unique lettre o, outre que la langue perdrait un de ses caractères particuliers qui est de ne posséder aucune syllabe finale terminée par un o, il en résulterait une monotonie insupportable.

764. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Elle ajoute des choses dont il n’y a pas un mot dans le texte ; enfin elle supprime quelquefois les idées d’Homère, et les remplace par ses propres idées, et c’est ainsi qu’elle change ces vers charmants : Τὼ δ’ ἐπεὶ οὖυ φιλότητος ἐταρπήτην ἐρατεινῆς, Τερπέσθην μύθοισι πρὸς ἀλλήλους ἐνέποντε.

765. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

Ce n’est plus cet Hector, ce guerrier tutélaire, Qui, des armes d’Achille orgueilleux ravisseur, Dans les murs paternels revenoit en vainqueur, Ou, courant assiéger les vingt rois de la Grèce, Lançoit sur leurs vaisseaux la flamme vengeresse, Combien il est changé !

766. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

L’univers a changé ; arts, sciences, travaux, instruments, guerres, tout est perfectionné, ou du moins tout a pris une forme différente ; la vigueur du corps n’est plus rien, l’intelligence a trouvé l’art de se passer de la force.

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