Un jour que d’Aubigné à Lyon, en 1574, rencontre le vieux baron, qui alors avait changé de parti, il prend sur lui de lui adresser trois questions : 1º pourquoi il avait usé d’une cruauté si peu convenable à sa grande valeur ? […] Le vicomte de Turenne, depuis duc de Bouillon, opina le premier : c’était un homme de grands discours et habile à donner des infinités de raisons à l’appui des conclusions qu’il embrassait ; ayant été récemment accusé d’avoir été trop prompt à la dernière levée de boucliers, son point de départ, cette fois, fut qu’il fallait changer de méthode, mettre de son côté le droit et l’apparence, éviter avant tout l’odieux : « Si vous vous armez, disait-il, le roi (Henri III) vous craindra ; s’il vous craint, il vous haïra ; s’il vous hait, il vous attaquera ; s’il vous attaque, il vous détruira. » Par ces raisons subtilement déduites et enchaînées, il concluait qu’il fallait introduire, faire couler les gens de guerre dans les armées royales et servir de la sorte sans enseignes déployées : « Le roi devra sa délivrance à notre vertu, et sacrifiera sa haine passée à notre humilité. » Cet avis allait l’emporter, et la majorité semblait s’y ranger lorsqu’un mestre de camp, c’est-à-dire d’Aubigné, commandé de parler à son tour, s’exprima en sens contraire et changea la face de la délibération.
On avait pour moi de l’affection et des bontés touchantes ; ma douleur intéressa, et je réussis à ramener le calme. » Aussi, lorsque le lundi 25 mai, après un mois de séance et de secrétariat à l’Archevêché, Bailly se rendit dans la salle des États généraux à Versailles avec les autres députés de Paris, il sentit qu’il changeait de milieu et comme de climat : J’entrai dans cette salle avec un sentiment de respect et de vénération pour cette nation que je voyais réunie et assemblée pour la première fois ; j’éprouvai peut-être un sentiment de peine de m’y sentir étranger et inconnu. […] Mme Bailly, plus prudente, aurait autant aimé qu’il n’y allât point ; seulement, elle ne crut pas l’en devoir dissuader : J’étais curieux, nous dit Bailly, du spectacle de cette ville si tourmentée et si changée en deux jours ; peut-être aussi, il faut dire toutm, qu’après une présidence qui avait été applaudie, je n’étais pas fâché de me montrer à mes concitoyens. […] Son jugement sur les choses publiques en est affecté et va changer dès lors de point de vue : lui qui jusque-là considérait la Révolution comme une sorte de grand chemin uni où l’on n’avait qu’à marcher droit en se tenant, il croira, à dater de ce moment, à je ne sais quel moteur invisible et qu’il ne désigne pas ; il lui attribuera toutes les fausses nouvelles, les craintes, les défiances, ce qui corrompra et dénaturera désormais la liberté : « Pour avoir tissu et suivi ce plan abominable, il faut, disait-il, et un esprit profond et beaucoup d’argent.
La Bruyère, qui avait vu les Condé, les La Rochefoucauld, les Retz, les Rancé, tous ces convertis de la Fronde, disait en son temps : « Il ne faut pas vingtannées accomplies pour voir changer les hommes d’opinion sur les choses les plus sérieuses, comme sur celles qui leur ont paru les plus sûres et les plus vraies. » C’est l’épigraphe à mettre à la vie de Lamennais. […] Jugeant à chaque instant les choses si désespérées, les sentant si intolérables, il est d’une impatience de les voir changer que rien n’égale, et présageant le lendemain selon son désir, il annonce sans cesse une révolution, un bouleversement imminent et universel, cataclysme social, schisme, hérésie en religion, excès du mal, d’où naîtra le remède. […] Il reçut la visite du libraire, s’entendit avec lui, et partit en me laissant les soins de l’impression : « Vous êtes maître absolu, me dit-il ; vous changerez ce qu’il vous plaira. » C’était là une parole de confiance dont j’entendais bien ne pas user.
L’ancienne Académie française a si bien changé qu’elle a péri en 1792, et la nouvelle date de l’an III et de la loi qui déclare qu’il y aura pour toute la République « un Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences. » L’organisation de l’Institut vint ensuite en l’an IV et eut à subir depuis diverses modifications, notamment sous le Consulat (1803). […] Les mœurs publiques ont changé ; les luttes parlementaires ont montré aux prises, et parfois bien rudement, des athlètes politiques, qui se rencontraient l’instant d’après, et sans apparence de ressentiment, sur le terrain neutre de l’Académie. […] Dupin : « Dans vingt ans, vous aurez encore à l’Académie un discours doctrinaire » ; et cela quand tout change et marche autour de nous ; — je n’y tiens plus, et je ne suis pas le seul, plus d’un de mes confrères est comme moi ; c’est étouffant à la longue, c’est suffocant.
Il était d’une parfaite ignorance, d’un tempérament mélancolique, maladif, parlant peu, pensant encore moins, un de ces individus exemplaires marqués d’un signe, et au front desquels il est manifestement écrit : Comment les races royales finissent, tellement soumis à son confesseur, qu’il n’y avait pas moyen de lui faire prendre une détermination quelconque, sans que le confesseur en décidât : aussi ceux qui avaient intérêt à agir sur lui usaient-ils de ce secret ressort, qui ne manquait jamais son effet ; quand on voulait lui faire changer d’idée, on lui changeait son confesseur, et il en eut jusqu’à sept en cinq ans. […] » Quand on changea la camarera-mayor et que la reine à bout de patience eut pris sur elle de demander son éloignement au roi, celui-ci lui répondit d’abord : « Qu’on n’avait jamais fait dans le palais un pareil changement ; que cependant, si elle le souhaitait absolument, il trouvait bon qu’elle eût une autre camarera-mayor, mais qu’elle devait bien penser au choix qu’elle voulait faire, parce qu’après ce changement, il n’y aurait plus moyen d’en faire un second. » Cette sorte de stupidité d’un prince sur qui les raisons ne pouvaient rien se tournait en toute occasion contre la France.
Dans les discours familiers que le sieur de Verjus pourra avoir avec les députés bien intentionnés de la Diète, Sa Majesté a jugé avec beaucoup de raison qu’il serait bon qu’en même temps que ledit sieur de Verjus s’expliquerait avec la hauteur et la fermeté nécessaires pour faire connaître au corps de la Diète qu’elle n’est pas pour rien changer aux ordres qu’elle a donnés, il fut en état de faire connaître que Sa Majesté garde toute la modération et toute la justice que l’on peut raisonnablement désirer d’elle. » Louvois, en donnant ainsi des ordres à un envoyé diplomatique, empiétait d’ailleurs sans façon sur son collègue M. de Croissy, qui avait succédé lui-même au trop mou et trop modéré Pomponne dans le département des Affaires étrangères : il faisait acte de dictature diplomatique. […] Ces trésoriers avaient coutume d’envoyer les fonds nécessaires au moyen de lettres de change payables à Strasbourg, et ce n’était pas ici le compte, puisqu’on allait agir contre Strasbourg même. L’argent comptant en beaux louis d’or ou en pistoles d’Espagne (30,000 louis) s’expédia en six ballots soigneusement plombés à la douane et qu’on avait établis de la longueur d’un fusil on d’un mousquet : pour mieux donner le change, on avait fait peindre une de ces armes sur chaque ballot.
L’homme, comme toute chose vivante, change avec l’air qui le nourrit. […] De cent lieues en cent lieues le terrain change : ici, des montagnes brisées et toute la poésie de la nature sauvage ; plus loin, de longues colonnades d’arbres puissants qui enfoncent leur pied dans l’eau violente ; là-bas, de grandes plaines régulières et de nobles horizons disposés comme pour le plaisir des yeux ; ici la fourmilière bruyante des villes pressées, avec la beauté du travail fructueux et des arts utiles. […] Je parle, bien entendu, dans la supposition, qui est la vraie, que le cadre de la civilisation ne sera pas entièrement changé, que la tradition ne sera pas brisée tout entière, et qu’il y aura lieu, même dans des sociétés assez différentes, aux mêmes formes essentielles des esprits.
Ce que nous appelions progrès, il y a peu d’années encore, nous paraîtrait plutôt une déviation aujourd’hui, non pas peut-être qu’au dehors l’état de choses du talent ait beaucoup changé, mais parce que surtout nous le revoyons nous-mêmes avec moins de soleil. […] Mais c’est comme poëte uniquement qu’il se prend à la légère ; dès que la politique est en jeu, le ton change ; il semble que le trépied n’ait été qu’un marchepied : « Je sais bien qu’on me dit : Pourquoi partez-vous (de Saint-Point) ? […] Le fâcheux de l’innovation n’est pas seulement aujourd’hui dans ces mots singuliers et ces crudités matérielles qui jurent pour le fond avec la région épurée du poète spiritualiste ; le ton général est de plus changé, et la dureté de l’accent devient habituelle.
Changez ces chiffres, votre sympathie n’est plus excitée ; vous dites, vous, que cela n’est plus musical, que c’est une suite de sons incohérents. […] A-t-il donc changé de planète ? […] Peut-être en a-t-il plusieurs, peut-être son fonds le plus intime change-t-il réellement en changeant de séjour.
Ainsi quand saint Bernard dit, Non est talis tristitia hypocritarum non incorde, sect in fade est ; la langue française traduit « Telle ne n’est mies li tristèce des ypocrites ; car elle ne n’est mies el cuer, mais en la fazon. » Et plus loin, où le latin dit, Hypocrila ungit potius semetipsurn ut propriæ fragrantiarn opinionis respergat ; le français, à l’orthographe près qui changera, ne reste guère au-dessous de cette vérité rendue si vive par l’image « Li ypocrite oynt ainzois ley-inesmes, por espardre l’odor de sa propre noméie. » La langue est déjà constituée puisque voilà le tour qui marque le mouvement de la pensée, et le terme propre qui en est le signe définitif. Il ne reste plus qu’un certain travail d’orthographe qui changera espardre en répandre, et noméie en renommée. […] C’est le Faux-Semblant du Roman de la Rose, qui n’a fait que changer de nom.
C’est qu’ici nous avons changé les conditions d’existence de l’espèce et altéré son harmonie mentale. […] Toutes les influences qui assaillent notre moi et qui le pénètrent, y luttent, s’y contrarient et s’y transforment ; elles s’y exaltent ou s’y atténuent l’une l’autre, elles y changent de nature ou s’y combinent on des modes nouveaux. […] Bien souvent il n’arrive qu’à une transformation apparente, il a fait de l’humanité une sorte de théâtre aux décors conventionnels, qu’on rafraîchit de temps en temps ou que l’on change, mais qui restent toujours des décors, incapable de vaincre l’individu, il l’a déguisé plus qu’il ne l’a transformé en être social.
Les sentiments qu’ils inspirent doivent, par là-même, changer et s’adoucir. […] Le romantisme avait excité dans une quantité d’âmes une fièvre intense de voir du nouveau, de changer de vie en changeant de lieu, de se mettre en quête par le monde de sensations artistiques et imprévues. […] Ainsi s’établit cette vérité paradoxale que la littérature a contribué pour sa petite part à changer la face du monde qui nous environne.
Pour s’écrire, ils étaient réduits à changer de sexe. […] Pour expliquer une métamorphose si monstrueuse, il ne faudrait guère moins que cette baguette de la sorcière antique qui changeait ses amants en bêtes immondes. […] Sou attitude est si fière, que l’horreur qu’elle devrait inspirer se change en une sorte d’admiration stupéfaite.
« Je pris, ajoute Dangeau, la liberté de lui demander, comme il rentrait dans sa chambre, s’il était content de la princesse ; il me répondit qu’il l’était trop, et qu’il avait peine à contenir sa joie. » Un quart d’heure après, le roi revient la voir : « Il la fit causer, regarda sa taille, sa gorge, ses mains, et puis ajouta : Je ne voudrais pas la changer en quoi que ce soit au monde pour sa personne. […] Et dès qu’on lui a accordé ce rôle qu’elle désire, tout change, le point de vue a tourné en un instant ; ce sont là les coulisses de Saint-Cyr. […] Ceux qui l’ont jugée avec le plus de sévérité conviennent d’ailleurs qu’elle se corrigea avec l’âge, et que sa volonté, son rare esprit, le sentiment du rang qu’elle allait tenir, triomphèrent, sur la fin, de ses impétuosités premières et de ses pétulances : Trois ans avant sa mort (écrit la duchesse d’Orléans, mère du Régent, honnête et terrible femme qui dit crûment toute chose), la Dauphine s’était entièrement changée à son avantage ; elle ne faisait plus d’escapade, et ne buvait plus à l’excès.
Mais si la société a changé et s’est améliorée dans quelques-unes de ses conditions réelles, le caractère de la nation n’a point changé, et ce caractère a été parfaitement connu et décrit par Mallet du Pan, qui, en sa qualité d’étranger, était plus sensible qu’un autre aux légèretés, aux imprévoyances et aux inconstances françaises. […] Robespierre mort et la Convention délivrée d’une terreur inouïe ainsi que toute la France, le caractère de la Révolution change à l’instant ; Mallet n’hésite pas à marquer les signes nouveaux qui indiquent qu’elle vient de passer à une tout autre phase.
Le duc d’Anjou propose donc à sa sœur de changer sa manière de vie, d’être désormais assidue auprès de la reine leur mère à toutes les heures, à son lever, dans son cabinet tout le jour, à son coucher, et d’obtenir ainsi d’être traitée désormais non plus comme un enfant, mais comme une personne qui le représente pendant son absence. […] Au retour de la victoire de Moncontour, elle le trouva tout changé, méfiant, dominé par un favori, Du Gua, qui le possédait, comme depuis le possédèrent tant d’autres. […] Marguerite, devenue de reine aventurière, changea plusieurs fois de lieu, jusqu’à ce qu’elle trouvât dans le château d’Usson cet asile dont j’ai parlé et où elle ne demeura pas moins de dix-huit ans (1587-1605).
On ne devait pas être bien difficile dans le premier moment sur la vérification des preuves ; on voulait avant tout être délivré de Boris, sauf à voir ensuite, et quand on aurait changé de maître, si le Démétrius était de bon aloi. […] Des gentilshommes russes exilés, des débiteurs insolvables, « et ces hommes toujours prêts à se jeter dans les révolutions parce qu’ils ont de l’amertume au cœur, selon les paroles du Prophète », s’étaient réunis en Lituanie et lui faisaient une cour que le zèle belliqueux des Polonais allait bientôt changer en une armée. […] Boris mort, son fils détrôné et Démétrius installé au Kremlin, tout change de face, et l’inconstance du peuple s’en prend à Démétrius des qualités mêmes par lesquelles il diffère de Boris.
Glaucus et Dioméde, ayant renoué entr’eux l’alliance qui étoit entre leurs ancêtres, changent d’armes pour gage de leur amitié naissante. […] J’ai deux choses à répondre ; j’ai suivi de l’iliade, ce qui m’a paru devoir en être conservé, et j’ai pris la liberté de changer ce que j’y ai crû désagréable. […] Entend-t-on seulement que pour peu qu’on change l’original, on le défigure ? […] J’ai poussé souvent la hardiesse plus loin, j’ai retranché des livres entiers, j’ai changé la disposition des choses, j’ai osé même inventer : et c’est de cette conduite, si téméraire au premier aspect, qu’il me reste à rendre raison. […] Ainsi, j’ai changé sans scrupule toutes ces circonstances, pour rétablir la gloire des deux héros de l’iliade.