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921. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Ce sont là aussi des garanties, surtout, je le répète, quand le caractère d’ailleurs est bien connu, et qu’on a affaire à une personne d’esprit et de cœur, qui va tout à l’heure résister au Régent de France. […] qui n’aimerait pas cet homme, ce bon homme, ce grand homme, original dans ses ouvrages, dans son caractère, dans ses manières, et toujours ou digne d’admiration ou aimable !  […] Pourquoi lui avoir fait tenir un langage qui contraste visiblement avec son caractère ? […] On a toujours cru (et, sans doute, avec justice) que c’est par un choix très-éclairé que je vous aime plus que ma vie, et que la source de ma constance étoit beaucoup plus dans votre caractère que dans le mien. […] Le caractère apathique et nul de Louis XV ne paraît jamais plus méprisable que lorsqu’il lui mérite le mépris de Mme de Tencin.

922. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Son caractère l’est moins, et l’on se fait volontiers de sa personnalité une idée absolument fausse. […] Comme caractère moral : bonne fille, c’est ce qui domine tout. […] Le roman tout entier semble destiné seulement à aider au développement de ces deux caractères. […] Je répète que l’écrivain a des allures littéraires, qu’il a une bonne tenue de style, qu’il campe un personnage comme un maître, qu’il possède en un mot tous les caractères de surface du talent. […] Les caractères ont aussi subi de semblables métamorphoses.

923. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Le style oratoire est complété par le geste et la diction, qui y introduisent déjà les articulations et le rythme, deux caractères essentiels de la vie organisée. […] Mais le poétique du style n’est pas seulement dans les images, le rythme et l’accent : il est aussi, il est surtout dans le caractère expressif et suggestif des paroles. […] Le symbolisme est un caractère essentiel de la vraie poésie : ce qui ne signifie et ne représente pas autre chose que soimême n’est pas vraiment poétique. […] Pour leur donner ce caractère, il n’est besoin d’introduire dans le style ni l’allégorie précise des anciens, ni le vague de certains modernes qui croient qu’il suffit de tout obscurcir pour tout poétiser, ou de supprimer les idées pour avoir des symboles. […] La métaphore, au lieu de doter les objets d’une forme plus brillante, leur enlève alors, au contraire, quelque chose de leur forme pour leur donner le caractère profond du pur sentiment.

924. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Et tous ces caractères du théâtre de M.  […] Mais qui parle de caractère ? Les marionnettes ont-elles un caractère ? […] C’est que ces actions ne dépendent pas d’un caractère. […] Il est curieux des caractères et des sentiments.

925. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Mais, dans l’abstention qu’il observa là-dessus, il y a encore l’un des caractères de sa philosophie. […] Telle était la générosité de son caractère. […] Et puis, elle a, parmi toutes les guerres, un caractère singulier, presque drôle. […] Il veille, — autant qu’il le doit et comme il le doit, — à la ressemblance ; du moins constatons-nous qu’il n’ôte pas leur caractère individuel aux figures qu’il peint : il leur laisse leur caractère et il le marque nettement. […] C’est le caractère qu’on trouve d’abord à l’œuvre de Jules Lemaître.

926. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Il est plus saisi par la physionomie et le caractère de l’homme que par la signification de l’œuvre. […] Notre littérature française offre dans sa généralité un caractère complètement différent. […] De l’idée qu’on s’en fait dépend pour chacun la façon de peindre la nature et les caractères. […] Cherchez-vous un caractère ? […] Les caractères en sont soutenus comme des caractères de Molière ou de Shakespeare.

927. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

Mais la Révolution est proche ; les caractères deviennent plus virils, les tragédies plus austères, témoin les œuvres de Marie-Joseph Chénier ; aussitôt Corneille remonte dans l’opinion générale, pendant que Racine, considéré comme trop courtisan et trop délicat, y descend. […] De 1870 à 1885, la France a subi un certain affaissement des caractères ; on s’est accordé à signaler chez elle, durant cette époque, une maladie des volontés, une certaine veulerie efféminée.

928. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Ils sont si mauvais que c’est presque un des caractères d’un bon esprit que de ne pas les entendre. […] Mais, dites-moi, je vous prie, qui est cet homme maigre, ignoble, sans expression, sans caractère, couché sous cette tente. " c’est le roi Scilurus " .

929. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Un des inconvénients des romans par lettres, c’est de faire prendre tout de suite aux personnages un ton trop d’accord avec le caractère qu’on leur attribue. Dès la première lettre de Mathilde, il faut que son âpre et sec caractère se dessine ; la voilà toute roide de dévotion. […] que de sensibilité épanchée, et quelle pénétration subtile des caractères ! A propos de ces caractères, il était difficile dans le monde d’alors qu’on n’y cherchât pas des portraits. […] Cette autre moitié du caractère de M. de Lebensei se rapportait en effet à M. de Jaucourt.

930. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Qu’est-ce que les caractères ? […] Conçu à dix-huit ans, terminé à vingt-cinq ans, ce poème conservera le caractère de l’adolescence de son auteur : le vague, la fleur, l’étonnement, la puberté de l’âme. […] Le dessin des caractères n’est pas moins savant ; la férocité d’Argant est opposée à la générosité de Tancrède, la grandeur de Soliman à l’éclat de Renaud, la sagesse de Godefroi à la ruse d’Aladin ; il n’y a pas jusqu’à l’ermite Pierre, comme l’a remarqué Voltaire, qui ne fasse un beau contraste avec l’enchanteur Ismen. […] Le Tasse eût parcouru le cercle entier des caractères de femmes, s’il eût représenté la mère. […] « Sa manière d’être me rappelle souvent un mot de signor Ansaldo Cebà, qui pouvait, disait-il, deviner le caractère et les penchants secrets de quelqu’un par la simple lecture de ses vers.

931. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Une multitude de faits établissent que les individus de même espèce, nés à l’état sauvage, diffèrent extrêmement dans leur caractère et leurs dispositions instinctives. […] On pourrait citer un nombre infini d’exemples curieux et parfaitement authentiques de l’hérédité des goûts, des tempéraments et des caractères les plus divers, et même des façons d’agir ou des manières d’être les plus étranges, parfois associées avec certaines dispositions mentales ou avec certaines époques. […] Le Roy décrit un Chien qui avait pour arrière-grand-père un Loup, et qui n’avait hérité de cet ancêtre sauvage qu’une seule particularité de caractère : c’est qu’il ne venait jamais en droite ligne vers son maître, quand celui-ci l’appelait. […] Par la sélection longtemps continuée des parents féconds qui produisirent le plus de neutres ainsi avantageusement modifiés, tous les neutres arrivèrent par degrés à présenter le nouveau caractère acquis. […] De sorte que nous trouvons ici, dans un même nid, deux castes d’ouvrières stériles qui diffèrent, non seulement par leur taille, mais par leur organe visuel, et qui néanmoins sont reliées l’une à l’autre par quelques individus intermédiaires en caractères.

932. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Cette contradiction qu’on retrouve chez beaucoup d’auteurs entre leur caractère et leurs œuvres, n’est qu’apparente  L’homme est double — Homo duplex. […] J’allais observer les mœurs du faubourg, ses habitants et leurs caractères. […]  » — Le caractère lui plaisait plus que le style, et il préférait la physionomie à la beauté. […] Les caractères sont aussi poussés à outrance, comme il convient à des types ; si le baron Hulot est un libertin, il personnifie en outre la luxure, c’est un homme et un vice, une individualité et une abstraction ; il réunit en lui tous les traits épars du caractère. […] Il est impossible de mieux saisir le caractère et l’art d’une époque injustement dédaignée.

933. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Mais il y a aussi quantité d’œuvres qui sont mixtes, qui ont un caractère double. […] Tout ce qui a un caractère historique a bénéficié du grand courant scientifique qui s’est si puissamment épandu travers notre siècle. […] Il a été scientifique en appliquant le déterminisme au tracé des caractères, en rattachant les pensées, les sentiments et les actes des personnages à leurs antécédents, en remontant pour les expliquer aux trois milieux qui façonnent l’individu : milieu physique, milieu social, milieu psycho-physiologique. […] On peut à toute époque relever entre les caractères essentiels de la littérature régnante et le groupe de sciences qui prédomine une analogie d’où ressort cette vérité, aujourd’hui presque banale, qu’une société, à un moment donné de son existence, est un ensemble organisé dont les diverses parties sont en harmonie. […] S’il connaît une branche de la civilisation en un moment et en un pays donnés, il possède là de quoi prévoir et retrouver les caractères principaux des autres branches en ce moment et en ce pays.

934. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Ecoutez bien, entre autres, l’effet expressif et merveilleux de la tierce majeure des contrebasses, dont l’absence avait prêté un caractère si mystérieux aux premières mesures de la symphonie ! […] majeur dite par l’alto solo et accompagnée par la harpe dans le premier mouvement. — « Ainsi que dans la Fantastique, un thème principal (c’est Berlioz lui-même qui parle) se reproduit dans l’œuvre entière, mais avec cette différence que, là-bas, l’« Idée fixe » s’interpose obstinément, comme une idée passionnée épisodique, au milieu des scènes qui lui sont étrangères et leur fait diversion, tandis que le chant d’Harold se superpose aux autres thèmes de l’orchestre, avec lesquels il contraste par son mouvement et son caractère, sans en interrompre le développement. […] C’est encore par de nouvelles modifications de plus en plus spirituelles, et traitées de main de maître, avec un art consommé, qu’il a ramené ces motifs dans le Scherzo, consacré à la peinture du caractère de Méphistophélès. […] Les professeurs de piano recommandent quelques-unes de ses sonates — en raison de leur caractère inoffensif — aux jeunes demoiselles qui leur sont confiées. […] VII Le romantisme, amené dans tous les arts par les mêmes causes eut, dans tous les arts, les mêmes caractères.

935. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Le caractère est simple ; il est droit : rien dans l’ombre. […] Son intelligence, son esprit tient de son caractère ; il a de l’élévation et de la simplicité. […] Elle passe tour à tour de la copie des maîtres à des études vivantes, soit à celles de modèles à caractère, soit aux portraits de ses amis.

936. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

En essayant du nom de Drouot, je ne me trompais pas ; toutefois la physionomie de Drouot a un caractère un peu plus personnel que ce que je cherchais, sa nature se complique de singularités assez marquées, et d’ailleurs il appartenait à une arme savante, spéciale. […] D’une taille élevée, élégante, d’un bon et agréable caractère, studieux, il y devint promptement tout ce qu’on pouvait y devenir quand on n’était pas noble, ce qu’étaient les Hoche, les Lefebvre, ses camarades, c’est-à-dire grenadier, caporal, sous-officier instructeur : là était la borne qu’on ne franchissait plus. […] Quelques lettres du général Desaix à Friant, dans cette guerre de la Haute Égypte, en établissent bien le caractère et donnent le ton des généraux entre eux.

937. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

André Chénier, mort bien plus jeune que ce dernier, n’a pas été seulement un aimable et poétique génie, ç’a été un caractère. […] Il rend surtout témoignage du caractère et du talent de l’auteur, — un caractère ami du bien et jaloux du mieux, un de ces esprits comme il y en a peu, fixés et non arrêtés, défendus par des principes, et qui restent ouverts aux bonnes raisons ; un esprit qui a en soi son moule distinct, et qui imprime à tout ce qu’il traite ou ce qu’il touche un certain composé bien net de sagacité, de savoir, de moralité et de style —, qui y met sa marque enfin.

938. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Les Romains de la fin de la République avaient des institutions qui mettaient en jeu les mêmes facultés, les mêmes passions que nous avons vues à l’œuvre ; ils assistaient à des révolutions analogues ; les caractères soumis aux mêmes épreuves prenaient les mêmes formes ; et, en se transportant parmi eux au siècle de Cicéron, on pourrait, au premier abord, se croire encore parmi nous. […] Il saisit en philosophe le caractère des individus ; il ne sait pas s’inspirer de la philosophie d’une époque. […] On s’est longtemps accoutumé parmi nous à croire qu’il n’y a d’indépendance que dans les oppositions : il y en a ailleurs ; mais il faut quelquefois une véritable fermeté de raison et, qui plus est, de caractère pour soutenir la cause qui, à quelque temps de là, sera presque unanimement reconnue avoir été celle de la société et de la patrie.

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