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2006. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Mais le jugement d’Horace, mais la cour d’Auguste, et le caractère d’Auguste, et le caractère de Nicomède, et la chronologie d’Héraclius, et ce chimérique Flaminius si dextrement substitué au réel Flamininus pour amener une belle riposte, est-ce de l’histoire tout cela ? […] Mais la pièce dont l’ajustement fait le plus honneur au génie de Corneille, c’est Horace : pour tirer parti de la belle et ingrate matière qui lui fournissait Tite-Live, il a fallu que par un coup de génie il fit du meurtre, du crime, le point culminant du drame, que toute l’action y tendit, s’y adaptât, et tous les caractères. […] Même dans ses œuvres lyriques — il y a de belles choses dans son Imitation ou dans son Office de la Vierge — les qualités ordinaires du style lyrique, richesse des images, délicatesse des sonorités, ne se rencontrent guère : là encore les éléments concrets, sensibles, pittoresques font à peu près défaut. […] Saint-Genest (1646) et Venceslas (1647) sont deux belles choses : Saint-Genest 328, avec son mélange de scènes familières et de scènes pathétiques, peinture du monde du théâtre et de l’héroïsme chrétien, a des parties qui continuent dignement Polyeucte. […] Saint-Genest est à Rotrou comme le Cid à Corneille ; la crise morale de Ladislas est à lui, dans Venceslas ; et dans Laure persécutée, il a tiré d’une sèche indication de l’original un des plus beaux développements d’exaltation sentimentale qu’il y ait au théâtre.

2007. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Il a beau fulminer contre Ronsard ; il conserve la moitié de l’idéal de la Renaissance  ; il érige en principe l’imitation des auteurs de la Grèce et de Rome ; il maintient les genres littéraires créés par eux ; il prescrit l’emploi de la mythologie ; il en fait une condition vitale du poème épique ; il invite les faiseurs d’odes à prendre Pindare pour modèle et il abritera sous l’autorité du poète thébain les hardiesses prudentes (oh combien prudentes !) […] En ce temps-là, tel écrivain entre à l’Académie pour une traduction médiocre d’un médiocre auteur classique et tel autre est loué d’avoir su enchâsser dans son œuvre une belle sentence de Sénèque ou quelque délicate expression de Virgile. […] Quand vient à mourir un prince, une princesse, un homme de haut parage, on tapisse une église de tentures superbes ; on dresse au milieu de la nef un catafalque qui cache l’autel ; on expose des tableaux qui racontent les hauts faits du personnage et de sa famille ; on construit des estrades où s’entassent marquises, duchesses et grands seigneurs ; on fait en un mot de la cérémonie funéraire une pompe théâtrale capable d’effacer les plus belles décorations des ballets royaux. […] La majorité des écrivains a beau appartenir à la bourgeoisie ; elle dépend économiquement du roi et de la noblesse ; aussi est-ce à peine si les mœurs bourgeoises apparaissent ça et là par de brèves échappées chez Molière, chez La Fontaine, chez Furetière, chez Boileau ; quant à la foule inconnue qui travaille et végète dans les bas-fonds de la société, si l’on se fût avisé de la peindre, Louis XIV eût dit sans doute comme devant les scènes populaires de Téniers : « Tirez-moi ces magots !  […] L’ode se transforme en un effort de lyrisme factice, où l’émotion vraie est remplacée par « un beau désordre » qui n’est le plus souvent qu’« un effet de l’art ».

2008. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Il croyait tenir la clef du bonheur des hommes et des races futures ; il distribuait et prêtait volontiers cette clef à tous ; mais quand on a une telle confiance dans la justesse d’une seule de ses propres vues, qui embrasse l’avenir du monde, on peut être ensuite facile et sans trop de prétentions sur le reste : la vanité, sous un air de bienveillance, a en nous un assez bel et assez haut endroit où se loger. […] Jamais il ne s’est vu de délire plus éclairé en apparence et mieux enchaîné, de délire plus raisonneur : « Mais ces gens-là ont beau faire, disait quelqu’un assez gaiement, ils oublient toujours que les sept péchés capitaux subsistent, et que c’est eux, sous un nom ou sous un autre, qui mènent ou agitent le monde. » On était à la veille du 20 juin (1792) et de cette insurrection hideuse à laquelle les Girondins poussaient ou prêtaient les mains, afin de se ressaisir du pouvoir. […] Voltaire lui avait dit encore, en lui pronostiquant le plus bel avenir pour la philosophie : « Laissez faire, il est impossible d’empêcher de penser ; et plus on pensera, moins les hommes seront malheureux. Vous verrez de beaux jours, vous les ferez : cette idée égaie la fin des miens. […] De telles orgies de rationalisme amènent à leur suite des réactions en sens contraire, et Condorcet donne beau jeu, le lendemain, aux Bonald et aux de Maistre.

2009. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

répondirent les deux autres : le bel embarras ? […] Il faut l’entendre là-dessus parler avec autorité et conviction : Les grands sujets de cette belle et solide instruction chrétienne, si bien indiqués par l’Église dans l’ordre annuel et la distribution des Évangiles ; ces sujets si importants, si féconds, si riches pour l’éloquence, et sans lesquels la morale, dépourvue de l’appui d’une sanction divine et déshéritée de l’autorité vengeresse d’un Juge suprême, n’est plus qu’une théorie idéale et un système purement arbitraire qu’on adopte ou qu’on rejette à son gré ; ces sujets magnifiques, dis-je, furent plus ou moins mis à l’écart par les orateurs chrétiens qui composèrent malheureusement avec ce mauvais goût, et qui, en s’égarant dans ces nouvelles régions, renoncèrent d’eux-mêmes aux plus grands avantages et aux droits les plus légitimes de leur ministère. […] Il assigne à Bourdaloue son vrai rang pour l’admirable ordonnance des plans, pour la « belle et constante unité » des sujets, pour la parfaite et chrétienne justesse des développements toujours en vue de la sanctification de son auditoire. […] Presque tout ce talent, en effet, qu’il déploya dans cette seconde et brillante partie de sa carrière, toute cette verve, cette belle humeur provocatrice, ont péri. […] Ces sortes de ripostes, qui ne lui manquaient jamais, étaient souvent de pure belle humeur et tout simplement gaies, comme le jour où Mirabeau lui disant de la tribune, à propos de je ne sais quelle fausseté de raisonnement, qu’il allait l’enfermer dans un cercle vicieux : « Vous allez donc m’embrasser ? 

2010. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Le fond du Barbier est bien simple et pouvait sembler presque usé : une pupille ingénue et fine, un vieux tuteur amoureux et jaloux, un bel et noble amoureux au-dehors, un valet rusé, rompu aux stratagèmes, et qui introduit son maître dans la place, quoi de plus ordinaire au théâtre ? […] Et quelle plus belle preuve d’indépendance et de détachement que de protéger Figaro ! […] Cela semblait le seul beau rôle des gens comme il faut. […] Je ne sais si j’ai bien fait toucher du doigt au lecteur tous les points singuliers et les traits distinctifs de cette destinée et de cette fortune bizarre du Mariage de Figaro, une représentation arrachée, malgré le roi et les magistrats, par la Cour, par le public et par l’auteur, triomphante et déréglée, se tournant contre ses propres spectateurs, s’aidant tour à tour de tous les moyens auxiliaires de scandale, de sensibilité et de bienfaisance, et menant au plus beau moment son héros à Saint-Lazare ; traitement infamant et indigne, dont il se trouve toutefois presque consolé, puisqu’il en est sorti une ordonnance de comptant de deux millions cent cinquante mille livres. […] Son plus beau moment était passé.

2011. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Qu’on interroge les écrivains de génie sur les plus beaux endroits de leurs ouvrages, ils avoueront presque toujours que ces endroits sont ceux qui leur ont coûté le moins, parce qu’ils ont été comme inspirés en les produisant. […] Ces images, belles à la vérité, mais l’ouvrage de l’esprit qui cherche à peindre, et non du sentiment qui ne veut qu’exprimer, peuvent-elles être comparées à la simplicité touchante de l’Écriture, à la tristesse profonde et vraie avec laquelle le prince jeune et mourant se présente aux portes de la mort ? […] Allons plus loin ; comparons le poète à lui-même dans le même ouvrage ; et quelque belle que soit la strophe que nous venons de citer, nous ne balancerons point à lui préférer la suivante, par cette seule raison que l’expression y est plus naturelle et moins étudiée : Ainsi de cris et d’alarmes Mon mal semblait se nourrir ; Et mes yeux noyés de larmes Étaient lassés de s’ouvrir. […] Rien ne serait plus beau que cette strophe, si l’original ne l’était davantage, parce qu’il est plus simple : J’ai dit, je ne verrai plus mon peuple ; et mes yeux las de se tourner vers le ciel se sont fermés. […] L’affectation du style, toujours pénible et choquante, l’est principalement dans les matières philosophiques, qui doivent briller de leur propre beauté, ou l’ornement est le sujet même, et qui rejettent comme indigne d’elles toute parure empruntée d’ailleurs : c’est principalement à ces matières qu’on doit appliquer le beau passage de Pétrone : Grandis, et ut ita dicam, pudica oratio, naturali pulchritudine exurgit.

2012. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

Il a été le premier à mettre en saillie ce contraste d’un simple homme de lettres comme lui, succédant à un homme politique qui avait joué un si beau rôle. […] En applaudissant vivement à l’expression de ce reproche qui atteignait en partie la belle société, il est évident que le public académique prenait tout haut l’engagement de ne plus retomber dans pareille faute.

2013. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

Nous avons eu les fêtes de juillet ; c’est la plus belle illumination qu’on ait eue depuis quatorze ans. […] Jasmin est, ne l’oublions pas, un homme des plus estimés ; c’est un honnête homme, dans la vraie acception du mot ; et dans cette bouche de l’homme du peuple et du barbier d’Agen, les belles paroles, même gasconnes, ont toute leur valeur.

2014. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Je vis pendre d’une roche à droite les belles grappes roses de la bugrane glutineuse, que j’avais souvent vue dans les Alpes. […] Au fond de la barque était un groupe de femmes auprès desquelles se tenait un bel enfant blond, dont je me rappelle fort bien le costumé, la figure et surtout les cheveux bouclés. — Puis je me retrouvai à cheval de l’autre côté de l’eau, te guide marchait près de moi, et je le voyais.

2015. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

C’est ce qui fait aussi que la plus belle poésie puisse se contenter du langage de tout le monde et de tous les jours, et qu’« une douzaine de mots ordinaires, assemblés d’une façon ordinaire9 », puissent ravir l’âme et la pénétrer jusqu’au fond. […] Au lieu que les mots plus beaux des langues étrangères font obstacle à la pensée en lui imposant, quelle qu’elle soit, leur musique et leur teinte, le mot français, incolore, atone, ne garde qu’un sens net, où l’esprit aperçoit tous les effets, tous les usages dont il est capable ; il prend le relief, l’harmonie, la lumière, la chaleur, que l’idée réclame ; il s’amortit ou éclate, il prête ou emprunte sa flamme, infiniment souple et mobile, élastique et subtil comme le plus léger des gaz, malgré la précision rigoureuse de sa définition, qui, dans aucun emploi, ne s’altère ni ne s’obscurcit.

2016. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

On les aima quelquefois pour la douceur berceuse de leurs inflexions, on les écouta à cause de l’apaisement que cela donnait, à cause des beaux vers dont la musique imprécise charmait. […] On sait le rang qu’il s’était conquis par son talent et l’estime que lui avait méritée sa belle tenue littéraire.

2017. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

On y voit aussi la princesse de Condé, cette Charlotte de Montmorency, si belle dans sa jeunesse, et pour qui Henri IV fit les plus insignes folies de sa vie et les plus indignes de lui. […] « Adieu, monsieur, et pour nouvelle Les Thuileries sont fort belles.

2018. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 512-518

D’ailleurs, l’exposition des beaux morceaux ne contribue pas moins aux progrès de l’Art, que la critique des endroits défectueux. […] Denis a beau s’armer des terreurs de la tyrannie, ses Ouvrages n’en deviennent pas meilleurs ; & Philoxene, après les avoir lus, dira, plutôt que de les approuver, qu’on me remene aux Carrieres.

2019. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

On aura beau placer l’amante de Tithon sur un char, et la couvrir de fleurs et de rosée ; rien ne peut empêcher qu’elle ne paraisse disproportionnée, en promenant sa faible lumière dans ces cieux infinis que le christianisme a déroulés : qu’elle laisse donc le soin d’éclairer le monde à celui qui l’a fait. […] On en verra de beaux exemples, lorsque nous parlerons des Missions.

2020. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Il est beau d’abandonner au printems de l’age, au milieu des douces illusions de la grandeur, & dans le sein de l’abondance, les plaisirs des sens, pour vous livrer entiérement à ceux de l’esprit. […] M. l’Abbé Goujet pensoit différemment : aussi il lui a fallu dix volumes pour l’histoire des Rimailleurs qui ont précédé l’aurore de la belle Poésie en France ; & pour s’être trop appesanti sur les mauvais Poëtes, il s’est vu obligé par le dégoût du public, à abandonner ce qu’il auroit pu écrire sur les bons.

2021. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Un œil expérimenté reconnaîtra dans la femme du plus bel embonpoint les traces des muscles du corps de l’homme ; ces parties sont seulement plus coulantes dans la femme, et leurs limites plus fondues. […] Avec tous ces défauts, je ne serais point étonné qu’un peintre me dît : Le bel éloge que je ferais de toutes les beautés qui sont dans ce tableau et que vous n’y voyez pas !

2022. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

Elle va monter… mon cœur bat… La première fois que je la vis, la belle Grecque, c’était devant la mosquée de Bayézid : Je revenais de Montmartre… Qu’est-ce que je dis donc là ? […] Vers la tombée de la nuit, vingt barils de poudre ont été débarqués par les nôtres — clandestinement et sans bruit — sur le quai de la Corne d’Or… Ce sera un superbe incendie, presque aussi beau que les décors d’Herculanum.

2023. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais d’Alembert n’en a pas moins pris le beau rôle. […] Ce serait un beau sujet, dit à ce propos M.  […] La belle prose italienne est montée d’un ton plus haut que la belle prose française. […] le voilà, l’initiateur du public français à la connaissance du beau ! […] En présence d’une belle page, il s’écriera : « Quel tableau ! 

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