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349. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

La jeunesse et l’émotion font les minutes les plus exquises de l’artiste. […] Il sied de garder la mesure quand je veux avouer quel délice fut, imprimé pour un trop petit nombre d’élus par un artiste de Fontainebleau, À l’orée de la forêt, ce volume exquis entre tous ; et cependant, à ne point mentir, il faut affirmer que jamais, sauf par les compagnons de la Pléiade et André Chénier, Hellas ne revécut ainsi en syllabes françaises, avec son sourire et sa grâce « plus belle encor que la beauté ».

350. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Encore une fois, je ne me connais points en dessin ; et c’est toujours le côté par lequel l’artiste se défend contre le littérateur. […] Quand un artiste introduit dans une composition un saint embrasé de l’amour de Dieu et prêchant sa loi à des peuples et qu’il lui met un bonnet carré à la main, comme à un homme qui entre dans une compagnie et qui la salue poliment, je lui dirais volontiers, Vous vous mêlez d’un métier de génie et vous n’êtes qu’un butor.

351. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

le dîneur chez Lucas était un artiste, un employé supérieur de ministère, un officier en bourgeois, un gentilhomme de 6 000 livres de rente. […] Et quoi de plus artiste dans cette tête, aux dessous et aux plans précieusement modelés, que ces coups de ciseau qui ont gardé la rudesse de l’ébauche, et griffent cette tête des fortes rayures de la vie et des années ? […] Chenavard, une belle tête de philosophe antique empreinte de la tristesse des vieux artistes aux ambitions écroulées. […] Mais cette intelligence n’est-elle pas semblable au soleil purement artiste de Rome, qui ne fait que des fleurs et pas de légumes ? […] Aujourd’hui elle crache ses amertumes à propos de l’ingratitude des artistes, au sujet de X… et de Y…, qu’elle accuse d’avoir mené toute l’intrigue, pour empêcher la première médaille d’Hébert.

352. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Un véritable artiste, par exemple, peut rendre aujourd’hui, avec le vers de douze syllabes, à peu près ce qu’il lui plaît. […] L’artiste, en créant le fond, doit aussi créer la forme. […] L’artiste, en effet, est le reflet du milieu dans lequel il vit. […] Quand il est vraiment un artiste inspiré, il domine les hommes de toute sa hauteur. […] Je serai content ou mécontent, mais comment imposerai-je mes goûts à l’artiste ?

353. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il a éduqué, dressé, excité de sa noble passion d’artiste, des centaines de musiciens. […] L’artiste supprime ces superfluités ennuyeuses, cette laide bourre. […] … L’artiste doit y prendre garde. […] Et ils furent, les uns et l’autre, des artistes en qui le passé suscita de la nouveauté vive. […] D’autres artistes d’à présent réagissent aussi contre le vieil italianisme suranné.

354. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Pour analyser avec justesse un artiste, il importe d’examiner d’abord ce qui fut le mobile de son œuvre — le motif étant toujours un besoin irraisonné d’expansion dans les formes — et, pour un Poète, à quelle occasion il prit la décision redoutable de rompre le silence. […] Plus tard, — bientôt sans doute — cet enthousiasme sacré ne sera plus aussi spontané en son beau tumulte, mais le Poète le rappellera par volonté et, s’il a appris à fixer les images de la vie aussi bien qu’il les sentit palpiter, s’il est artiste autant qu’il fut poète, alors sera créée l’œuvre qui dira toute sa pensée. […] Vielé-Griffin et de Régnier ont dû s’éblouir tous les deux de cette magique surprise, mais chez celui-ci la maturité paraît s’être précocément montrée ; l’artiste a très vite contenu le poète, on l’aperçoit dès les livres du début, et dans les Sites déjà le vers est nombreux, ferme de lignes, enrichi d’élégantes images savamment serties qui annoncent l’harmonie des strophes futures.

355. (1890) L’avenir de la science « I »

La faiblesse de notre âge d’analyse ne permet pas cette haute unité ; la vie devient un métier, une profession ; il faut afficher le titre de poète, d’artiste ou de savant, se créer un petit monde où l’on vit à part, sans comprendre tout le reste et souvent en le niant. […] Mais ce qui pourra devenir possible dans une forme plus avancée de la culture intellectuelle, c’est que le sentiment qui donne la vie à la composition de l’artiste ou du poète, la pénétration du savant et du philosophe, le sens moral du grand caractère, se réunissent pour former une seule âme, sympathique à toutes les choses belles, bonnes et vraies, et pour constituer un type moral de l’humanité complète, un idéal qui, sans se réaliser dans tel ou tel, soit pour l’avenir ce que le Christ a été depuis dix-huit cents ans  un Christ qui ne représenterait plus seulement le côté moral à sa plus haute puissance, mais encore le côté esthétique et scientifique de l’humanité. […] C’est pour cela que le grand philosophe n’est pas sans être poète ; le grand artiste est souvent plus philosophe que ceux qui portent ce nom.

356. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Fragments d’une préface inédite d’un ouvrage en préparation Voici dans une vitrine un netzké en fer, signé par Shûraku (de Yedo), — un artiste vivant dans les premières années du xixe  siècle. […] Mais ouvertement il se présenta comme artiste, se fit appeler Shiyó dans la société de poésie, et fut ami de Kikakou, célèbre poète de ce temps. […] La date de la fabrication de l’objet, 1683, si elle est juste, — l’exécution du prince d’Akô ayant eu lieu en 1690, — semblerait indiquer que la petite écritoire fut exécutée, avant que Otaka fût ronin et marchand d’objets de bambou, mais ainsi qu’au Japon, les gens, qui ne font pas profession d’être artistes, sculptent des netzkés pour leur plaisir.

357. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Le rôle de ces suivantes serait ici d’une indécence insupportable, sans les physionomies ignobles, basses et malhonnêtes que l’artiste leur a données. […] Artistes, si vous êtes jaloux de la durée de vos ouvrages, je vous conseille de vous en tenir aux sujets honnêtes. […] — Est donc un artiste bien merveilleux ?

358. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ce serait un manuel à l’usage de tous les cœurs d’artiste, surtout des cœurs de femmes tendres et fiers, vaillants à la peine, souffrant sans merci et saignant jusqu’à la fin, sans jamais désespérer. […] Sous sa frêle enveloppe de quatorze ans, sa nature d’artiste se révélait. […] Il y avait en ce temps-là des amateurs de théâtre, des habitués d’orchestre, juges et conseillers des artistes. […] On en extrairait de piquants détails sur plus d’un artiste célèbre ou en vogue pour le moment66. […] Valmore, qui devait à tout jamais léguer un nom, que la Poésie a rendu glorieux, à cette respectable famille d’artistes.

359. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Ce peuple est artiste avant tout. […] Les artistes n’idéalisent même pas les empereurs les plus exigeants en fait de flatterie. […] Ce pourrait être sa devise et celle de beaucoup de ses contemporains, artistes et poètes. […] Hugo a tantôt des indifférences souveraines d’artiste, tantôt des sympathies émues de réformateur socialiste. […] quel abîme entre l’artiste et l’artisan !

360. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Wagner impose à la psychologie un des problèmes les plus curieux et les plus difficiles par le grand contraste entre son caractère et son génie, entre son tempérament d’homme et ses aspirations d’artiste. […] Comme artiste, Wagner ressemblait à un puissant magicien capable d’évoquer toutes les passions humaines par les incantations de la musique et le ressort du drame. […] On peut en discuter d’une façon tout individuelle, selon le goût, établir les relations entre les tendances de l’artiste et celles du critique, apprécier, approuver, dénigrer, sans que rien de supérieur intervienne dans ce débat aux opinions particulières de celui qui le suscite. […] L’idéal de la déclamation est la langue chantée du théâtre de Bayreuth : un artiste pénétré de sa beauté saura trouver le ton du drame parlé. […] Il nous donne l’admirable vue d’un Artiste, qui, seul entre les Artistes, a compris nécessaire l’union de toutes les curiosités artistiques.

361. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

C’est là une grande tentation et une périlleuse épreuve pour l’artiste qui se fait critique, s’il est artiste distingué mais incomplet. J’ai souvent pensé que le mieux pour le critique qui voudrait se réserver le plus de largeur de vues, ce serait de n’avoir aucune faculté d’artiste, de peur de porter ensuite dans ses divers jugements la secrète prédilection d’un père et d’un auteur intéressé. […] Artistes incomplets que nous sommes, ayons du moins l’intelligence plus large que notre talent, que notre œuvre (ce chef-d’œuvre fût-il Psyché).

362. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

« Allez dire à notre maître, répondit mélancoliquement l’artiste ami, qu’il n’y a plus de jeunes gens. […] Notre artiste, simple amateur et très-homme du monde, qu’une première maladresse a mis en position un peu fausse vis-à-vis d’elle, n’a d’ailleurs que de l’aversion pour cette petite personne très-inconséquente. […] L’intérêt qu’il ne fallait pas laisser échapper un moment est tout entier dans les rapports, à peine entamés, de l’artiste et de la jeune dame. […] Mais pendant le bal et dans cette scène si bien amenée, où la jeune femme, qui n’a rien de grave, après tout, à se reprocher, tout émue enfin de tendresse, et transformée par la passion, se déclare au jeune amateur artiste et en vient à lui offrir son cœur, sa vie, sa main, — car elle est veuve, — d’où vient cette austérité subite et non motivée, cette pruderie farouche du jeune homme, déjà touché lui-même, et qui n’a plus aucune raison de la repousser ?

363. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Jetez-vous dans ces drames, Artistes et songeurs ! […] Nous donnerons aussi une place importante au mouvement artistique contemporain, aux efforts des jeunes artistes qui cherchent leur formule dans la voie ouverte par le Maître. […] Il collabora lui aussi à de nombreuses revues dont le Courrier Français, L’Image, L’Art et les Artistes. […] Laurens, Les grands artistes, leur vie, leur œuvre (1910).

364. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Pour reconstituer le monde antique, en réintégrer le principe dans la civilisation moderne, il ne fallait pas un érudit, il fallait un artiste, un poète, une âme aimante angoissée par le présent. […] Vincenzo Monti, comme patriote, comme artiste et comme homme, caractérise précisément cette période de transition et de contradictions intimes. […] Sans doute, des artistes tels que D’Annunzio, Pascoli, Panzacchi, Graf relèvent surtout du lyrisme, mais ce sont là des épigones ; la floraison littéraire est celle du roman avec De Amicis, Fogazzaro, Farina, Verga, Mathilde Serao, Grazia Deledda. […] Quant à D’Annunzio, tempérament essentiellement lyrique, il violente et fausse son génie : dans une recherche effrénée du succès, il suit la mode, du roman d’abord, du théâtre ensuite, et aboutit, lui le grand artiste, à des œuvres informes31.

365. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

L’enfant, recueilli par un curé de village, marqua de bonne heure des dispositions d’artiste ; il avait rencontré par hasard une traduction de l’Iliade, il se mit à en figurer avec de l’argile et à en charbonner sur les murailles les dieux, les déesses et les héros. […] Ses progrès rapides promettaient un artiste de talent, lorsqu’une ophthalmie cruelle vint l’arrêter au plus fort de son travail, au plus beau de son rêve.

366. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Il est aussi artiste que le serait un homme exclusivement voué aux lettres, et de plus il est homme du monde. Il a la double aptitude, la double face, ce quelque chose d’hybride, — disent les pédants, — d’harmonieux et de fondu, — disent les artistes, — qui produit les œuvres d’ordre composite en littérature.

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