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909. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

La Vénus de Milo venait d’arriver de Grèce ; elle était au Louvre, et M.  […] Mais, tout à coup, cet homme épris de l’antique beauté se mit à courir en descendant la rue de la Harpe, pour arriver plus vite, et aussi de peur que quelque accident imprévu ne vînt, dans l’intervalle du trajet, lui dérober le chef-d’œuvre. […] S’il lui arrive, dans les commencements, de traiter quelque sujet politique et économique à l’ordre du jour, ce n’est que par acquit de conscience et par manière de passe-temps, et il compare avec une grâce toute chrétienne ce travail inutile à ces corbeilles que tressaient les solitaires de la Thébaïde pour occuper leurs loisirs, et qu’ils jetaient souvent au feu à la fin de la semaine, quand ils ne trouvaient pas à en faire usage. […] » Ce qu’il disait eu causant semble avoir été plus vif, comme il arrive d’ordinaire, que ce qu’il s’est permis en écrivant ; dans ce qu’il écrit il est plutôt encore subtil et ingénieux que spirituel.

910. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Un jour, dans un dîner où il s’était dit des propos de tout sel et de toute couleur comme il arrive entre jeunes gens, Carrel, qui avait laissé passer toutes ces grossièretés, se leva et se mit à débiter avec âme l’Ode sur le vaisseau Le Vengeur. […] Qu’aurait été Carrel à l’œuvre, et s’il lui avait été donné enfin d’agir et de se produire au grand soleil, comme cela serait arrivé s’il avait vécu douze années de plus ? […] Arrivé à Paris, il fut très vivement recommandé à M.  […] C’était l’homme d’action qui n’arrivait au style qu’après bien des fatigues et des marches.

911. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Lorsque sous la Restauration, à cette heure brillante des tentatives valeureuses et des espérances, de jeunes générations arrivèrent et essayèrent de renouveler les genres et les formes, d’étendre le cercle des idées et des comparaisons littéraires, elles trouvèrent de la résistance dans leurs devanciers ; des écrivains estimables, mais arrêtés, d’autres écrivains bien moins recommandables et qui eussent été de ceux que Boileau en son temps eût commencé par fustiger, mirent en avant le nom de ce législateur du Parnasse, et, sans entrer dans les différences des siècles, citèrent à tout propos ses vers comme les articles d’un code. […] Cet œil gris pétille d’une larme ; son vers est bien alors ce vers de la saine satire, et quelle épure aux rayons du bon sens ; car le bon sens chez lui arrive, à force de chaleur, au rayonnement et à la lumière. […] Voici l’une de ces anecdotes qui est toute neuve ; je la tire d’une lettre du père Quesnel à Arnauld ; les deux poètes ne sont point à l’armée cette fois, mais, simplement à Versailles, et il leur arrive néanmoins mésaventure : Mme de Montespan, écrit le père Quesnel (vers 1680), a deux ours qui vont et viennent comme bon leur semble. […] Sans Boileau, et sans Louis XIV qui reconnaissait Boileau comme son contrôleur général du Parnasse, que serait-il arrivé ?

912. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Vieux, arrivé au terme d’une existence jusque-là des plus favorisées et des plus également douces, l’abbé Barthélemy se vit tout d’un coup privé par la Révolution de la fortune, de l’aisance et de la liberté ; dans ces instants d’ennui et de retraite, il eut l’idée d’écrire des Mémoires sur sa vie, restés inachevés, mais suffisants, et qui sont la source où l’on apprend le mieux à le connaître. […] Arrivé à Paris et accueilli, comme je l’ai dit, par M. de Boze, qui se l’associa pour le Cabinet des médailles et le fit entrer à l’Académie des inscriptions, il dut s’assujettir, sous ce maître minutieux, à bien des soins exacts et pleins d’ennui ; mais rien ne rebute de ce qui est dans le sens d’une passion, et Barthélemy avait pour les médailles une passion véritable, quelque chose de ce feu sacré qui s’applique à tant d’objets différents, et qui est bien connu de tous ceux que possède une fois le goût des collections. […] Les détails où il faut entrer sans cesse, et qui recommencent chaque jour, ne le lassent point ; loin d’être jamais un ennui, ils lui paraissent une source de plaisirs : Consacrons à l’amitié, dit-il, les moments dont les autres devoirs nous permettent de disposer ; moments délicieux qui arrivent si lentement et qui s’écoulent si vite, où tout ce qu’on dit est sincère, et tout ce qu’on promet est durable ; moments où les cœurs à découvert et libres de contrainte savent donner tant d’importance aux plus petites choses, et se confient sans peine des secrets qui resserrent leurs liens ; moments enfin où le silence même prouve que les âmes peuvent être heureuses par la seule présence l’une de l’autre ; car ce silence n’opère ni le dégoût ni l’ennui. […] Lorsque, arrivé à l’âge de soixante-dix ans, on lui conseilla de ne plus différer de publier son Jeune Anacharsis, l’ouvrage de toute sa vie, il hésita longtemps, et, lorsqu’il se décida enfin à le laisser paraître, en décembre 1788, c’est-à-dire à la veille des États généraux, son espoir était que l’attention publique, occupée ailleurs, ne se porterait que peu à peu et insensiblement sur le livre, et qu’il n’y aurait lieu ainsi ni à un succès ni à une chute : « Je voulais, dit-il, qu’il se glissât en silence dans le monde. » En tout ce qui précède, je n’ai voulu présenter l’abbé Barthélemy que dans l’ensemble de son existence et dans la distinction tempérée de son caractère : il nous en sera plus facile de parler de l’ouvrage même.

913. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Cependant, au milieu de ces développements pleins d’éclat et de cette restitution opérée dans les dehors de la littérature, il restait beaucoup à faire au dedans pour les études positives, et chez un grand nombre d’esprits, comme il arrive si souvent en France, le sentiment allait plus vite que la connaissance et le labeur. […] Il y a plus : ces talents eux-mêmes qui l’honorent, arrivés à une certaine élévation, subissent chacun cette espèce de vent de dispersion qui circule ; ils versent d’un côté ou d’autre ; ils manquent à la loi de leur propre développement et à leur unité particulière. […] C’est ce qu’un autre savant écrivait à Wolf après l’avoir lu : « Tant que je vous lis, je suis d’accord avec vous ; dès que je pose le livre, tout cet assentiment s’évanouit. » Les philologues, les érudits positifs ont beau faire assez peu de cas des considérations générales et des raisons puisées dans le sens intime ; ici eux-mêmes sont forcés de raisonner pour étayer leur système, et ils n’arrivent à leurs résultats que par voie d’induction ; car, s’ils s’en tenaient purement au fait transmis, à l’opinion constamment exprimée par les Anciens, ils croiraient à Homère nonobstant les difficultés qu’après tout les Anciens aussi n’ont pas été sans se poser.

914. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Nous ne sommes pas même encore arrivés à cette suppression de l’entr’acte, que Beaumarchais tentait pour la continuité de l’illusion. […] Cette conclusion, où Mme du Deffand n’arrive que péniblement, par une affection sénile, Mlle de Lespinasse s’y réfugia de bonne heure. […] Or individualité, intensité, sincérité, distinction (au sens étymologique, et non au sens mondain), tout cela, c’est où l’on tend ; et, si l’on y arrive, ce sera la défaite, même la fin du « monde ».

915. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Mais il arriva que des affaires importantes obligèrent le capitaine de se rendre à Naples. […] Le rôle du capitan est, dans ce canevas, loin d’être grotesque, et cela, du reste, arrive fréquemment dans les pièces des Gelosi. […] il n’est pas rare qu’au dénouement, les Isabelle, les Flaminia, les Flavio et les Oratio arrivent sur le théâtre in camiscia.

916. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

On s’accorde assez à reconnaître, en théorie du moins, que la moyenne des Français se distingue de la moyenne des Espagnols ou des Allemands par la taille, la complexion, le visage, la constitution physique ou morale ; même dans la pratique, à qui de nous n’est-il pas arrivé, en présence d’un inconnu, de dire au premier abord, sans qu’il ait eu besoin d’ouvrir la bouche : « Cet homme est Italien ! […] Au reste, dans la formation du caractère national, si tant est qu’on arrive à le déterminer, quelle part attribuer à l’hérédité physiologique proprement dite ? […] Ou bien encore n’arrive-t-il jamais qu’à force de peindre des détraqués on aboutisse à en créer ?

917. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Et il nous arrive d’être ravis en leur présence. […] Et n’est-ce pas par leur entremise qu’il nous est aussi arrivé de faire oraison sur la terre à tout instant ? […] Ce que les physiciens observent sous le nom de polarité et d’attraction, les esthéticiens ont à l’étudier sous le nom de destin et de fatalité ; il est impossible de nier la morale, comme il est impossible de nier les sciences pratiques : « Il peut arriver, a écrit quelqu’un, que nous oubliions les lois de la terre, mais celles-ci ne nous perdent jamais vraiment de vue.

918. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

J’arriverais donc, comme il aime à le faire, aux modernes du jour, aux contemporains, à nous-mêmes, et je dirais : La critique semble, au premier coup d’œil, avoir fait beaucoup de progrès, en avoir fait autant que l’art en a fait peu ; elle semble avoir gagné ce que l’autre a perdu. […] Les choses qu’il dit sont fines, le plus souvent judicieuses, mais elles arrivent d’une manière scintillante. […] C’est ce qui arrive de presque toutes les maladies de l’esprit humain qu’on se flatte d’avoir guéries.

919. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Dans les choses tout à fait essentielles à l’État, si un accident imprévu cause une ruine, si une des poutres qui soutiennent l’édifice s’écroule, il vient un moment où le besoin absolu qui se fait sentir à tous peut amener une réparation ; mais dans l’ordre délicat, en ce qui touche les intérêts de l’esprit, les ruines une fois faites, par le temps qui court, ont grande chance de rester des ruines, et, quand la société a tant à lutter pour subvenir au strict nécessaire, il peut arriver que le jour de la réparation se fasse longtemps attendre pour le superflu. […] Les hommes, après quelques années de paix, oublient trop cette vérité ; ils arrivent à croire que la culture est chose innée, qu’elle est pour l’homme la même chose que la nature. […] La vie publique nous envahit ; des centaines d’hommes politiques arrivent chaque année des départements avec des qualités plus ou moins spéciales et des intentions que je crois excellentes, mais avec un langage et un accent plus ou moins mélangés.

920. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Par moments on imagine surprendre le phénomène de la transmission de l’idée, et il semble qu’on voit distinctement une main prendre le flambeau à celui qui s’en va pour le donner à celui qui arrive. 1642, par exemple, est une année étrange. […] qui prémédite les arrivées ? […] est-ce pour cela qu’elles nous arrivent avec tant d’intuitions ?

921. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

On ne sait pas où l’esprit humain a été chercher cela ; les routes pour arriver à ce sublime sont inconnues102. […] que vous est-il arrivé de funeste ! […] » Si vous emmenez encore celui-ci, et qu’il lui arrive quelque accident dans le chemin, vous accablerez ma vieillesse d’une affliction qui la conduira au tombeau.

922. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Il peut donc arriver que les neveux rejettent enfin comme une erreur des dogmes philosophiques, que leurs ancêtres auront regardez long-temps comme la verité, et qu’eux-mêmes ils avoient cru tels sur la parole de leurs maîtres. […] Qu’arrive-t-il ? […] Un peintre françois de vingt ans, qui arrive à Rome pour étudier, ne voit pas d’abord dans les ouvrages de Raphaël un mérite digne de leur réputation.

923. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Voilà un grand déchet quand même, ce qui n’arrive gueres, le traducteur auroit autant d’esprit et de génie que l’auteur qu’il traduit. […] Il peut encore arriver qu’elles n’aïent pas la même noblesse, quand elles auroient la même valeur. […] En second lieu, supposant que le traducteur soit venu à bout de rendre la figure latine dans toute sa force, il arrivera très-souvent que cette figure ne fera pas sur nous la même impression qu’elle faisoit sur les romains, pour qui le poëme a été composé.

924. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Bianchon arriva au rendez-vous, tout soucieux et se grattant l’oreille. […] s’il est arrivé, c’est par les protections et l’intrigue. » * *  * Les coteries de Paris ! […] Et quelle guerre ne feront-ils pas, — ces arrivés, — au naïf inconnu qui voudra monter sur la scène, à côté d’eux ?

925. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Il lui arrive cependant, comme à tout grand poète, d’atteindre à cette partie de l’art et il dira : Et la terre et le fleuve et leur flotte et le port Sont des champs de carnage où triomphe la mort. […] Dans cette récitation solitaire, il arrive de petites choses assez notables. […] Il arrive aussi, et cela est moins heureux, que l’on altère le texte.

926. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Les Bas-bleus (Blue stockings), ainsi nommés, à Londres, du temps de Pope, pour dire des femmes qui, de préoccupation intellectuelle, en étaient arrivées à ne plus faire leur toilette et qui portaient des bas comme tous les cuistres d’Angleterre, sont restés imperturbablement ce qu’ils étaient, du temps de Pope. […] Seulement le résultat de la chose, si elle arrivait, ne serait pas le même en France qu’en Amérique. […] Serions-nous donc arrivés à ce degré, d’effémination suprême, qui précède la disparition d’un peuple ou d’une race ?

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