La veille du jour où l’on apprit à Amboise la chute de Robespierre, Saint-Martin se sentit sollicité d’un ardent besoin de prier : Je repassais dans mon esprit les horreurs du règne où nous étions, et dont je pouvais à tout moment éprouver personnellement les cruels effets : je me résignais en conséquence à l’arrestation, à la fusillade, à la noyade, et je disais à Dieu que partout là je me trouverais bien, parce que je sentais et je croyais que j’y serais avec lui. Quand j’appris la nouvelle du lendemain, je tombai de surprise et d’admiration pour l’amour de ce Dieu envers moi ; car je vis qu’il avait pris de bon œil ce sacrifice que je lui avais fait, tandis que, lors même que je le lui offrais, il savait bien qu’il ne m’en coûterait rien. Il apprit ensuite qu’il y avait eu vers la fin un mandat d’arrêt lancé contre lui ; il ne le sut qu’un mois après et quand toute menace avait cessé.
Ce petit homme-là n’avait jamais eu quinze ans, n’avait jamais été amoureux comme les bergers, et n’avait jamais appris à jouer de la flûte auprès du divin Daphnis : Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre À souffler une haleine harmonieuse et pure ; Et ses savantes mains, prenant mes jeunes doigts, Les levaient, les baissaient, recommençaient vingt fois, Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore, À fermer tour à tour les trous du buis sonore. […] Ce n’est donc que quand le cours complet d’études tire sur sa fin, et que l’élève a appris ou passé en revue l’histoire, le théâtre et la littérature nationale, certains arts mécaniques, la logique, la physique, même la métaphysique, que le précepteur se dit : Mon disciple parle excellemment sa langue naturelle ; sa mémoire est ornée de tous nos meilleurs ouvrages, soit de prose, soit de poésie : cela est bon, mais cela ne lui suffit pas, nous allons apprendre la langue latine.
Il aurait apprécié de visu, ce qui est toujours mieux, cette légèreté, cette vivacité, ce bon sens un peu étourdi qu’il sentait très bien de loin, mais qu’il n’est que d’avoir éprouvé et observé de près ; lui-même, si attentif et si habile à profiter de tout, il y aurait appris peut-être à s’émouvoir un peu et à évertuer sa nature noble et digne. […] « Vous avez bien fait, disait un jour Gœthe à un étranger qui venait apprendre l’allemand à Weimar, de venir chez nous. Ici, où vous n’apprenez pas seulement la langue avec facilité et rapidité, mais où vous pouvez aussi voir sur quels éléments elle repose ; notre sol, notre climat, notre manière de vivre, nos mœurs, nos relations sociales, notre constitution, votre esprit emportera tout cela en Angleterre. » C’était à un Anglais qu’il parlait.
En ce qui est de Maurice, les Mémoires fournissent toutefois les premiers traits caractéristiques de sa physionomie ; « On me fit partir pour la Hollande ; j’avais pour gouverneur le baron de Lorme, et d’Alençon pour sous-gouverneur : mais j’étais si dissipé qu’il n’était pas possible de m’apprendre quelque chose. […] Je me souviens que mes deux gouverneurs se proposèrent un jour, l’un et l’autre, de faire faire une machine de fer pour me resserrer le crâne, assurant qu’il était entr’ouvert, et que c’était la cause physique de mon peu de conception. » On ne put jamais, dit-il, lui apprendre à lire. Tous les maîtres y échouèrent : « Je l’ai appris depuis tout seul, ajoute-t-il, et, pour ainsi dire, du jour au lendemain. » Quant à écrire, il ne le sut jamais : l’orthographe de ses lettres originales est inimaginable ; mais, quand on a une fois rétabli ce détail de manière que l’œil ne soit plus déconcerté, la langue en est courante, simple, franche, corsée, semée ou lardée de traits gais, gaillards, et même parfois grandioses.
Il vit son père arrêté, il l’allait visiter en bonnet tricolore dans la prison de Thiers, il salua sa délivrance inespérée avec bonheur : la leçon des choses prit le pas dans son esprit sur la lettre des livres ; et, quand son père, profitant d’un premier instant de calme, le conduisit à Paris vers la fin de 95 pour y achever des études commencées surtout par la conversation et dans la famille, le jeune homme avait déjà beaucoup appris. […] Il n’y avait rien là d’appris ni de répété des livres ; les idées étaient neuves ; la conversation et la discussion les avaient mûries. […] « Ce qu’il a appris le matin, il semble le savoir de toute éternité. » Le mot a été dit en effet.
Eynard croit qu’à une certaine heure Mme de Krüdner s’est soudainement convertie et corrigée ; pour moi, j’aurais encore plus de confiance dans la sainte, s’il ne m’avait appris si bien à connaître la mondaine. […] En voyant cette étrangère, belle encore et fort élégante, descendre de voiture, d’un air si sûr de son fait, pour demander les objets de fantaisie qu’elle inventait, les marchands se sentaient saisis d’une bienveillance inexprimable et d’un désir si vif de la contenter qu’il fallait bien qu’on parvînt à s’entendre… Grâce à ce manège, elle parvint à exciter dans le commerce une émulation si furieuse en l’honneur de Valérie, que pour huit jours au moins tout fut à la Valérie. » On est aux regrets d’apprendre de telles choses, si piquantes qu’elles soient. […] Malgré tout, c’est chez lui désormais, et nulle part ailleurs, qu’il faut apprendre à connaître la vie religieuse de Mme de Krüdner ; journaux manuscrits, correspondance intime, entretiens de vive voix avec les principaux personnages survivants, il a tout recherché et rassemblé avec zèle, et, dans la riche matière qu’il déroule à nos yeux, on ne pourrait se plaindre, par endroits, que du trop d’abondance.
Nous apprenons comment se jouait une partie de dés au xiiie siècle, de quels cris de joie ou de colère les joueurs saluaient le point qu’ils amenaient, et que le perdant jurait par le corps de Dieu ou des saints. Nous y apprenons qu’un marchand qui s’en allait aux foires chargeait ses marchandises sur des chariots et avait des garçons pour les conduire. Nous y apprenons que les vilains suspendaient aux poutres de leurs toits des jambons qu’ils comptaient manger.
Comment cette intelligence s’est formée et successivement enrichie, ses livres même nous l’apprennent. […] Il acheva d’y apprendre l’adoration de la beauté plastique. […] Anatole France écrit ; « C’est dans ce jardin que j’appris, en jouant, à connaître quelques parcelles de ce vieil univers.
… soyez enthousiastes, soyez romanesques tout à votre aise… Et, comme je serais flatté que les anges enviassent mes larmes, j’approuve tout à fait ces lignes du Journal d’une femme : Mais tu me restes, ma fille… J’écris ces dernières lignes auprès de ton berceau… J’espère mettre un jour ces pages dans ta corbeille de jeune femme, mon enfant ; elles te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque… Tu apprendras peut-être d’elle que la passion et le roman sont bons quelquefois avec l’aide de Dieu, qu’ils élèvent les cœurs, qu’ils leur enseignent les devoirs supérieurs, les grands sacrifices, les hautes joies de la vie.. […] Octave Feuillet — des hystériques, dirait quelque mal appris. […] Feuillet ne nous le dissimule point : c’est parce qu’elle n’a pas appris le catéchisme, parce qu’elle a reçu d’un vieux médecin une éducation purement scientifique et laïque, et qu’avec son intrépide logique de femme elle pousse à leurs dernières conséquences les théories de la philosophie positiviste.
On apprend en même temps ce qu’il peut y avoir quelquefois d’originalité intellectuelle et morale sous la misère et l’humilité des apparences. […] Cependant il n’y travailla pas seul ; l’écriture change souvent, et dans tout le volume il y a tant d’emprunts à l’antiquité et à la fable, une si grande abondance de figures de rhétorique, une telle variété de rythmes depuis l’hexamètre jusqu’à l’ode tricolos tétrastrophos, le tout mêlé à une si profonde horreur de l’hérésie, qu’on peut attribuer l’œuvre au corps enseignant de Bourges. » Puis le duc d’Anguien apprend la philosophie et tes sciences. « Toutes ces études furent poussées à fond. » Pousser à fond l’étude des sciences et de la philosophie entre onze et treize ans, cela est tout à fait remarquable. […] Au moins l’apprendrons-nous dans les volumes suivants ?
Sans parler des écrivains qui causent leurs livres avant de les écrire, ainsi que faisaient, par exemple, Mme de Staël et Alphonse Daudet, n’est-ce pas là qu’on apprend à tourner vivement cette conversation écrite que l’on appelle une lettre ? […] Ils enseignent à causer, mais ils accoutument à dire des riens ; ils développent le travers du commérage et là manie du bel esprit ; ils apprennent à préférer les bons mots au bon sens, la crème fouettée qui amuse le palais au mets substantiel qui nourrit l’estomac ; à force de redouter l’ennui, ils rendent les gens incapables de pénétrer tout ce qui réclame peine et attention. […] Qui sait si ce n’est pas dans ces foyers d’agitation philosophique que les écrivains du temps apprirent à se serrer les uns contre les autres, à former malgré leurs querelles un parti compact, à concentrer leurs forces éparpillées dans cette œuvre énorme et collective que fut l’Encyclopédie ?
Tous ceux qui ont parlé d’elle ont noté ce tour précis de son esprit et cette justesse dans le brillant : elle était de cette école de la fin du xviie siècle, à qui Mme de Maintenon avait appris que les longues phrases sont un défaut. […] Vous verrez cette enfant gâtée de soixante ans et plus, à qui l’expérience n’a rien appris, car l’expérience suppose une réflexion et un retour sur soi-même ; vous la verrez jusqu’à la fin appeler la foule et la presse autour d’elle ; et à ceux qui s’en étonnent elle répondra : « J’ai le malheur de ne pouvoir me passer des choses dont je n’ai que faire. » Il faut que chaque chambre de ce palais d’Armide soit remplie, n’importe comment et par qui ; on y craint, avant tout, le vide : Le désir d’être entourée augmente de jour en jour, écrivait Mme de Staal (de Launay) à Mme Du Deffand, et je prévois que, si vous tenez un appartement sans l’occuper, on aura grand regret à ce que vous ferez perdre, quoi que ce puisse être. […] On la voit apprendre avec indifférence la mort de ceux qui lui faisaient verser des larmes lorsqu’ils se trouvaient un quart d’heure trop tard à une partie de jeu ou de promenade.
Mme de La Vallière avait appris, par la confidence d’une amie, quelque chose des manèges de Madame et de son jeu avec le comte de Guiche ; elle ne le dit point au roi. […] Le roi fut hors de lui quand on lui dit qu’on ne savait ce qu’était devenue La Vallière ; il fit si bien qu’il apprit pourtant où elle était ; il courut à toute bride, lui quatrième, pour la ramener aussitôt, prêt à commander de brûler le couvent, si on ne la lui rendait. […] Il y avait eu, au mardi gras de 1671, un bal à la Cour, où elle ne parut point ; on apprit qu’elle était allée se réfugier dans le couvent de Sainte-Marie à Chaillot.
Je me suis mis en tête une fois d’apprendre l’anglais ; en trois mois j’entendis les prosateurs ; ensuite, ayant fait l’expérience que, dans une demi-heure, je ne lisais que douze pages anglaises de l’Histoire de Hume in-4º, tandis que, dans le même espace de temps, j’en lisais quarante en français, j’ai laissé là l’anglais. […] J’ai appris l’italien comme on apprend sa langue, en écoutant : je conversais avec tout le monde, je prêchais même hardiment dans mon diocèse ; mais je ne serais pas en état d’écrire une lettre.
On le dit, mais ce n’est pas lui qui nous l’apprend : jamais homme, jamais voyageur ne fut plus sobre et plus discret sur ses propres impressions que Volney. […] Arrivé en Orient, après quelque séjour en Égypte, il comprit qu’il ne ferait rien sans la langue, et il alla s’enfermer durant huit mois au monastère de Mar-Hanna dans le Liban pour apprendre l’arabe. […] quoi, vous qui parlez et qui venez de si loin pour apprendre, dites-vous, la vérité et pour rapporter la sagesse, n’êtes-vous point d’une famille, d’une patrie ?
Nous apprenons de Moïse que ce grand et sage architecte, diligent contemplateur de son propre ouvrage, à mesure qu’il bâtissait ce bel édifice du monde, en admirait toutes les parties215 : Vidit Deus lucem quod esset bona : « Dieu vit que la lumière était bonne » : qu’en ayant composé le tout, parce qu’en effet la beauté de l’architecture paraît dans le tout, et dans l’assemblage plus encore que dans les parties détachées, il avait encore enchéri et l’avait trouvé parfaitement beau216. […] c’est que Paul a des moyens pour persuader, que la Grèce n’enseigne pas, et que Rome n’a pas appris. […] Elle a renversé les idoles, établi à la croix de Jésus, persuadé à un million d’hommes de mourir pour en défendre la gloire : enfin, dans ses admirables épîtres elle a expliqué de si grands secrets, qu’on a vu les plus sublimes esprits, après s’être exercés longtemps dans les plus hautes spéculations où pouvait aller la philosophie, descendre de cette vaine hauteur où ils se croyaient élevés, pour apprendre à bégayer humblement dans l’école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul… » Note K, page 310.
Callimaque n’apprend la mort de celle qu’il aime qu’après qu’on l’a ensevelie. […] Elle apprit qu’un jeune disciple de M. […] Apprends-moi la manière Comment l’amour se fait. […] Schnoudi y apprit à parler et à écrire le copte. […] Nous apprîmes du docteur que les pythonisses traversent les âges avec une notable rapidité, ce qui explique le phénomène.
On apprit qu’il avait à Paris des amis puissants et des admirateurs : on admira aussi, sans bien comprendre. […] Apprends à jouir de la lumière et des aspects divers, toujours changeants, qu’elle donne aux objets qu’elle entoure. Apprends à écouter les harmonies de la nature. Apprends à goûter la douceur des nourritures qui te réconfortent. […] En un mot, apprends à vivre dans le présent, apprends à savourer la vie.