Pour moi, cette vie désordonnée et affichée de la mère de Mme de Lambert me dénote un autre genre d’influence qui s’est vue souvent en pareil cas, et qui peut s’appeler l’influence par les contraires. […] Ceux mêmes qui ne sont pas assez heureux pour croire comme ils doivent, se soumettent à la religion établie : ils savent que ce qui s’appelle préjugé tient un grand rang dans le monde, et qu’il faut le respecter. […] Elle veut qu’elle aussi, pour être heureuse, elle apprenne à penser sainement, à penser différemment du peuple sur ce qui s’appelle morale et bonheur de la vie : « J’appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément : la Cour en est remplie. » Ces réflexions philosophiques, qui, plus tard, passeront aisément à la déclamation et à l’excès, percent déjà à l’état d’analyse très distincte chez Mme de Lambert. […] On appelait cela du précieux et un retour à l’hôtel Rambouillet : on pourrait dire aussi bien que c’était déjà dans le sens et dans le goût du salon de Mme Necker. […] Les conseils que Mme de Lambert donne à sa fille sont remarquables surtout par une extrême intelligence de tous les côtés tendres et vulnérables du sexe, et par une crainte extrême qui lui fait appeler à son aide toutes les précautions et toutes les ressources.
Enfin Marmontel, avec ses faiblesses et un caractère qui n’avait ni une forte trempe, ni beaucoup d’élévation, était un honnête homme, ce qu’on appelle un bon naturel, et la vie du siècle, les mœurs faciles et les coteries littéraires où il s’était laissé aller plus que personne, ne l’avaient pas gâté. […] Cette jolie petite ville de Bort, située dans un fond, est dominée par des rochers volcaniques symétriquement disposés, qui rendent, quand le vent souffle, un son étrange, harmonieux, et qu’on a appelés pour cette raison les orgues de Bort. […] Nos galettes de sarrasin (cela s’appelle dans le langage du pays des tourtous), humectées, toutes brûlantes, de ce bon beurre du mont d’Or, étaient pour nous le plus friand régal. […] Marmontel s’était senti éloquent sur l’heure en parlant à M. de Choiseul, et il croyait l’être de nouveau en donnant de souvenir ce qu’il appelait une « esquisse légère » de son ancien discours, tandis qu’il n’en donnait qu’une charge. […] Cependant, tandis qu’il est à Toulouse, Marmontel, dont l’activité et le talent cherchent de tous côtés une voie à se produire, concourt pour les Jeux floraux ; il manque le prix la première fois, et, dans son dépit, il écrit à Voltaire en lui envoyant son ouvrage ; il en appelle à lui comme à l’arbitre souverain de la poésie.
La plume appelle la plume, et les amours-propres intéressés ont beaucoup de babil. […] Dans une Épître sur la bonne et la mauvaise plaisanterie, traçant la limite de ce qui est permis ou interdit en ce genre, il arrivait à prendre La Harpe pour exemple dans ce passage excellent, dont je n’ai cité l’autre jour que le début : De La Harpe, a-t-on dit, l’impertinent visage Appelle le soufflet. […] Mais une fois jeté en prison (avril 1794), détenu au Luxembourg, La Harpe, avec cette âpre personnalité qu’on lui connaît, s’étonna plus qu’un autre d’avoir été atteint ; l’idée de la mort lui apparut, son imagination lui fit tableau ; il fut en proie à un grand tumulte, et, dans ce bouleversement de tout son être, il sentit une révolution s’opérer en lui : il eut le coup de foudre, ce qu’on appelle le coup de la grâce, qui le renversa et le retourna. […] On en eut la preuve lorsqu’en 1804 on le vit publier les quatre volumes de la Correspondance secrète qu’il avait entretenue autrefois avec la cour de Russie, du temps de ce qu’il appelait ses erreurs. […] — « Qu’appelez-vous vrai ?
C’est ce qu’on peut appeler la synergie sociale. […] Pour bien comprendre un artiste, dit Guyau, il faut se mettre « en rapport » avec lui, selon le langage de l’hypnotisme ; et, pour bien saisir les qualités de l’œuvre d’art, il faut se pénétrer si profondément de l’idée qui la domine, qu’on aille jusqu’à l’âme de l’œuvre ou qu’on lui en prête une, « de manière à ce qu’elle acquière à nos veux une véritable individualité et constitue comme une autre vie debout à côté de la nôtre. » C’est là ce que Guyau appelle la vue intérieure de l’œuvre d’art, dont beaucoup d’observateurs superficiels demeurent incapables. […] L’écueil est de confondre le moyen avec le but ; or le réalisme, trop souvent, donne pour but à l’art ce que Guyau appelle « un idéal quantitatif », l’énorme remplaçant le correct et la beauté ordonnée. […] Un dernier danger auquel l’art est exposé par son évolution vers le réalisme, c’est ce que Guyau appelle le trivialisme. […] Tel sentiment est plus vraiment nous que ce qu’on est habitué à appeler notre personne ; il est le cœur qui anime nos membres, et ce qu’il faut avant tout sauver dans la vie, c’est son propre cœur12. » Voilà pourquoi le savant, par exemple, fait tout naturellement « la science humaine avec sa vie ».
Cet exilé s’appelle Eschyle, ce prisonnier s’appelle Ezéchiel. […] On appelle à l’aide les poètes, les prophètes, les philosophes, les inspirés, les penseurs. […] Si vous vous obstinez, on vous mène à un endroit nommé Westminster où il y a des rois, une foule de rois ; il y a aussi un coin qu’on appelle coin des poètes. […] Il aime et loue la France ; il l’appelle « le soldat de Dieu ». […] Lorsque Shakespeare, par la bouche d’Othello, appelle Desdemona whore, indignation générale, révolte unanime, scandale de fond en comble, qu’est-ce que c’est donc que ce Shakespeare ?
Là est ce que les Anglais appelleraient la particularité de son livre et sa propre originalité. […] Mais ce reproche à peine risqué, l’historien l’éteint bien vite dans ce qu’il appelle avec complaisance « la gloire du spiritualisme de M. […] Parti du royalisme pour s’élever jusqu’à la notion de la monarchie, Balzac, qu’on pourrait appeler autoritaire, est traité, dans l’histoire de M. […] Il raconte qu’un jour Balzac, traitant d’un feuilleton à la Gazette de France, osa demander à M. de Genoude ce qu’il préférait « de sa ménagerie » (il appelait ainsi ses romans dans ses quarts d’heure de misanthropie ou de modestie), mais M. […] Après cela, on comprend très bien que, jugé physiquement à travers des mots si effroyablement dissolus, Balzac dut avoir pour cette combinaison d’hermine et de lynx, qu’on appelle M.
Amédée Pommier, par cette mystérieuse intussusception qui fait les poètes, a dans l’âme un peu de ce sentiment formidable qu’on peut appeler la revanche de Dieu, et cela est bien plus puissant qu’une manière quelconque. […] Amédée Pommier, le poète chrétien, de tête du moins, doit être appelé matérialiste par les spiritualistes du Déisme et de la métempsychose, parce qu’il n’a pas craint de retracer, avec une énergie formidable, les douleurs de la damnation et les supplices de ces ténèbres extérieures où, selon notre foi et nos saints livres, il y aura des pleurs et des grincements de dents. […] Amédée Pommier se permette de n’être plus le poète de la forme autrefois si ferme, si droite et si sévère, le Boileau ardent qui s’était chauffé à ce Malherbe de flamme qu’on appelle Victor Hugo ? […] Mais aujourd’hui il s’est comme un peu détourné de lui-même ; il a plus songé à l’honneur de l’expression qu’à l’honneur de la pensée, ce vieux penseur, virtuose de l’expression aussi, et il a voulu montrer ce que la langue française, notre adorable langue française, insultée par des prosateurs qui l’appellent une gueuse fière parce qu’ils sont indigents, eux, et par des étrangers qui ne la savent pas, pouvait devenir dans les mains d’un homme qui la sait et qui l’aime. […] Froissés de toute chose avec audace écrite, Et de toute parole un peu rondement dite, Ils m’appelleront fou. — « Quel est ce vertigo ?
Devant cet assemblage dépourvu de sens, l’intelligence (qui continue à raisonner, quoi qu’on en ait dit) cherche une signification ; elle attribue l’incohérence à des lacunes qu’elle comble en évoquant d’autres souvenirs, lesquels, se présentant souvent dans le même désordre, appellent à leur tour une explication nouvelle, et ainsi de suite indéfiniment. […] C’est que je traite de la question du rêve et que je suis à l’Institut psychologique ; mon entourage et mon occupation, ce que je perçois et ce que je suis appelé à faire orientent dans une direction particulière l’activité de ma mémoire. […] De cette multitude d’appelés, quels seront les élus ? […] Car l’esprit continue à fonctionner pendant le sommeil ; il s’exerce — nous venons de le voir — sur des sensations, sur des souvenirs ; et soit qu’il dorme, soit qu’il veille, il combine la sensation avec le souvenir qu’elle appelle. […] Ce choix que tu effectues sans cesse, cette adaptation continuellement renouvelée, est la condition essentielle de ce qu’on appelle le bon sens.
Notre homme s’appelle Battaros. […] On l’appelait « l’abbé Mondory », du nom d’un comédien à la mode. […] Cette dame s’appelle la comtesse Magali. […] Cependant la grand’mère Maon, appelée au bureau de la marine, sort un moment. […] Ce monstre soupçonneux, cruel et farceur, s’appelle Tibère : mais il pourrait presque aussi bien s’appeler Domitien ou Néron.
C’était la première fois depuis la fondation qu’un membre du clergé régulier, un religieux, un moine, pour l’appeler par son nom, était appelé à siéger parmi les quarante. […] C’est avant ou après, et quand on est à l’abri du prestige de cette puissance trompeuse qui s’appelle l’éloquence, qu’on peut prendre véritablement la mesure de l’homme.
Cependant des boutades de franchise échappent parfois qui purent bien scandaliser ; on écrivit un jour ces téméraires paroles : « De quoi se mêlent ceux qu’on appelle jansénistes et le parti contraire, d’empêcher qu’on envoie à Rome des personnes qui soient ou ne soient pas dans leurs opinions ? […] Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre. […] On a beaucoup reproché à madame des Ursins ce qu’on appelle ses intrigues : les Mémoires de Saint-Simon ont accrédité surtout cette opinion ; mais une étude impartiale des faits et particulièrement la lecture de ces lettres détruisent la plupart des accusations imaginées par cet esprit systématique.
Il veut qu’à l’heure quelconque de cette délivrance qu’il espère, tous les soldats polonais, tous les pèlerins, comme il les appelle, forts de leurs souffrances, unis et frères, se retrouvent vêtus en tchamaras polonaises sur les genoux de leur douloureuse patrie. […] Et on appelle en polonais tchamara le costume dont on revêt un mourant. […] Mais qui sait comment s’appellent le roi de Naples et le roi de Sardaigne, quoiqu’ils soient vêtus de pourpre ?
Et d’abord ils appellent Christmas ce que nous appelons Noël. […] Il lui propose de souper dans une brasserie du quartier ; elle accepte docilement, l’appelle « Monsieur » et ne le tutoie pas.
J’en appelle à présent de ces idées à l’expérience. […] Qui est le grand peintre, ou de Raphael que vous allez chercher en Italie, et devant lequel vous passeriez sans le reconnaître, si l’on ne vous tirait pas par la manche, et qu’on ne vous dît pas Le voilà ; ou de Rembrand, du Titien, de Rubens, de Vandeick et de tel autre grand coloriste qui vous appelle de loin, et vous attache par une si forte, si frappante imitation de la nature que vous ne pouvez plus en arracher les yeux ? […] Et il y a sur la toile du peintre, deux, trois, quatre figures semblables ; elles y sont environnées d’une foule d’autres figures d’hommes d’un aussi beau caractère, toutes concourent de la manière la plus grande, la plus simple, la plus vraie, à une action extraordinaire, intéressante ; et rien ne m’appelle, rien ne me parle, rien ne m’arrête !
En effet, la machine humaine n’est gueres moins dépendante des qualitez de l’air d’un païs, des variations qui surviennent dans ces qualitez, en un mot, de tous les changemens qui peuvent embarasser ou favoriser ce qu’on appelle les operations de la nature, que le sont les fruits mêmes. […] Ces causes que j’appelle étrangeres, rendent l’air sujet à des vicissitudes de froid et de chaud, de sécheresse et d’humidité. […] Cette maladie qu’on appelle le hemvé en quelques païs et qui donne au malade un violent desir de retourner chez lui, cum notos… etc., est un instinct qui nous avertit que l’air où nous nous trouvons n’est pas aussi convenable à notre constitution que celui pour lequel un secret instinct nous fait soûpirer.
… De ces prétendues reines de la main gauche, de ce musée de vice-épouses, comme dirait lord Byron, que Gapefigue nous prépare, il nous détache Gabrielle d’Estrées, la plus fameuse et la plus insignifiante maîtresse d’Henri IV, de ce roi qu’on appelle le Vert-galant dans les vaudevilles. […] Mais il est indifférent à cette vérité comme un homme, un diplomate, sur le soir d’un beau jour, qui aurait pris enfin son parti sur la présence du vice dans les choses humaines, et qui même irait jusqu’à croire qu’il y entre comme un ingrédient… Tels sont, en somme, les qualités et les défauts de ce livre à double titre, qui s’appelle également Gabrielle d’Estrées ou la Politique de Henri IV, et dont le second titre pourrait bien être le premier dans la pensée de son auteur. […] Comme roi, Henri IV, pour toute initiative, reprit cette triste politique de Catherine de Médicis, qui consistait à réunir le parti catholique et le parti huguenot dans un centre commun et en s’éloignant des extrêmes, politique chétive, que les races et les générations se passent de la main à la main depuis des siècles, qu’on appelle fusion, conciliation, transaction, bascule, équilibre, tous mots vains !
Leopardi35 I Si son nom disait vrai, à celui-là, au lieu d’un triste-à-pattes, ce devrait être un terrible-à-griffes littéraire ; car il s’appelle Leopardi ! […] À ce nom, tous les rapports surgissent entre l’animal royal, sultanesque (Sultan Léopard, dit La Fontaine), tout-puissant, magnifique, cruel et gracieux, que ce nom exprime, et le génie du poète à qui le Hasard l’a donné, le Hasard, cet imbécille, qui n’en fait jamais d’autres, qui appelle Renard le franc, le joyeux, le généreux Fox, l’homme le moins vulpin qui ait certainement jamais existé ! […] C’était, en vérité, bien la peine de s’appeler du beau nom de Leopardi !
I Ces deux têtes dans un bonnet qu’on appelle d’un seul nom, fait avec les deux leurs, Erckmann-Chatrian, pour l’appeler comme ces deux têtes s’appellent, vient de publier de nouveaux Contes fantastiques.