/ 1456
564. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On y trouve une imagination plus forte qu’étendue, peu d’art, peu de liaison, nulle idée générale, nul de ces sentiments qui tiennent au progrès de l’esprit, et qui sont les résultats d’une âme exercée et d’une réflexion fine ; mais il y règne d’autres beautés, le fanatisme de la valeur, une âme nourrie de toutes les grandes images de la nature, une espèce de grandeur sauvage, semblable à celle des forêts et des montagnes qu’habitaient ces peuples, et surtout une teinte de mélancolie, tour à tour profonde et douce, telle que devaient l’avoir des hommes qui menaient souvent une vie solitaire et errante, et qui, ayant une âme plus susceptible de sentiment que d’analyse, conversaient avec la nature aux bords des lacs, sur les mers et dans les bois, attachant des idées superstitieuses aux tempêtes et au bruit des vents, trouvant tout inculte et ne polissant rien, peu attachés à la vie, bravant la mort, occupés des siècles qui s’étaient écoulés avant eux, et croyant voir sans cesse les images de leurs ancêtres, ou dans les nuages qu’ils contemplaient, ou dans les pierres grises qui, au milieu des bruyères, marquaient les tombeaux, et sur lesquelles le chasseur fatigué se reposait souvent.

565. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Cette personne, si distinguée par l’esprit et par l’âme, a laissé deux volumes de lettres passionnées, dans lesquelles il y a chaleur à la fois et analyse, mais pas une scène peinte, pas un tableau qu’on retienne. […] Si elles avaient paru dix ans plus tard, en 95 ou 96, les Études eussent trouvé la nouvelle science déjà constatée et régnante, l’analyse victorieuse de l’hypothèse ; en 84 elles purent obtenir, même par leur côté le plus faux, un succès de surprise et les honneurs d’une vive controverse. […] Le point de vue des causes finales n’est jamais fécond pour la science, et rentre tout entier dans la poésie, dans la morale, dans la religion ; ce ne peut être au plus que le moment de prière du savant, après quoi il faut qu’il se remette à l’examen, à l’analyse.

566. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Au moment où elle renversait l’idole, ses découvertes prouvaient au monde que l’idolâtrie de l’immobilité avait fait place au culte intelligent et fécond de l’observation et de l’analyse. […] Elle prétend découvrir les lois de l’enthousiasme par les mêmes méthodes qui ont découvert les lois de la chaleur et de la lumière, et ce qu’elle analyse elle croit le créer. […] L’esprit d’analyse appliqué aux lettres et aux arts produit, au lieu du vrai, quelque chose qui en usurpe pour un temps le crédit, je veux dire le spécieux.

567. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Par contre rien n’est plus profond qu’une analyse et une critique platonicienne, rien n’est plus profond qu’une analyse et une critique de Pascal. […] Dire que pour la passion tout le monde est bon est aussi faux et je dirai aussi sot et je dirai aussi scolaire et aussi vite dit que de dire : Pour la statuaire tout le monde est bon, ou : Pour l’analyse mathématique tout le monde est bon.

568. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Dans Gwendoline une moitié est sacrifiée (descriptions, divertissements, aubades) ; une moitié est un visible essai à l’analyse ; essai à suivre une série de sentiments, essai à dire une émotion, essai à faire de l’humain, — chétif et pauvre essai pour qui se rappelle vingt mesures de Parsifal ou de la Missa Solemnis, — mais admirable et superbe effort parmi l’affaissement, l’ignorance des théories, l’incuriosité de toute recherche, le croupissement d’insignifiante badauderie où se complaisent, à la suite de la musique mendelsohnnienne, compositeurs et public. […] Monet, avec une merveilleuse sincérité et le prestige d’une délicatesse visuelle incomparable, analyse le jeu mobile des nuances lumineuses. […] Un des plus importants est Frédéric Corder qui a traduit tous les poèmes du Maître en anglais et qui a écrit des analyses très lucides et très soignées de presque tous ses drames14.

569. (1890) Dramaturges et romanciers

Néanmoins ils ne manquent ni de finesse d’analyse ni d’exactitude. […] Ce n’est plus la passion ni l’émotion, c’est l’analyse de la passion et de l’émotion. […] Aussi ses récits sont-ils plutôt des analyses psychologiques et une esthétique dramatisée du genre fantastique que des contes fantastiques véritables. […] Daudet ne fait pas abus de l’analyse et de la psychologie. […] Nous n’avons pas à entrer dans l’analyse de cette œuvre, que tout Paris a vue à l’heure présente.

570. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Il avait déjà abordé dans ses essais un grand nombre de problèmes religieux et de questions de critique et d’exégèse sacrées, mais il ne voulait pas se borner à l’analyse et à la critique. […] Il essaya même d’écrire un roman, mais s’arrêta au bout de quatre-vingt-dix pages, s’apercevant que son roman n’était que de l’analyse psychologique personnelle. […] Pour lui, l’histoire n’est ni un récit, ni une analyse philosophique, c’est une résurrection. […] L’analyse psychologique de l’âme de l’enfant et l’étude des systèmes de pédagogie de Rousseau, Pestalozzi, Froebel, l’amènent au même résultat. […] Guizot une analyse.

571. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

C’est cette force que l’esprit doit reproduire en lui-même avec tous ses effets ; il faut qu’il la sente par contre-coup et par sympathie, qu’elle engendre en lui le groupe entier, qu’elle se développe en lui comme elle s’est développée hors de lui, que la série des idées intérieures imite la série des choses extérieures, que l’émotion s’ajoute à la conception, que la vision achève l’analyse, que l’esprit devienne créateur comme la nature. […] Quand ils dépassent la simple analyse, tout leur talent consiste à plaider éloquemment des thèses ; parmi les contemporains de Carlyle, Macaulay est le modèle le plus achevé de ce genre d’esprit. —  Les autres, après avoir fouillé violemment et confusément dans les détails du groupe, s’élancent d’un saut brusque dans l’idée mère. […] Ils ne savent marcher que pas à pas, en partant des idées sensibles, en s’élevant insensiblement aux idées abstraites, selon les méthodes progressives et l’analyse graduelle de Condillac et de Descartes. […] Car sitôt que vous créez, vous sentez en vous-même la force qui agit dans les objets que vous pensez ; votre sympathie vous révèle leur sens et leur lien ; l’intuition est une analyse achevée et vivante ; les poëtes et les prophètes, Shakspeare et Dante, saint Paul et Luther, ont été sans le vouloir des théoriciens systématiques, et leurs visions renferment des conceptions générales de l’homme et de l’univers. […] Expliquer une révolution, c’est faire un morceau de psychologie ; l’analyse des critiques et la divination des artistes sont les seuls instruments qui puissent l’atteindre ; si nous voulions l’avoir précise et profonde, il faudrait la demander à ceux qui, par métier ou par génie, sont connaisseurs de l’âme, à Shakspeare, à Saint-Simon, à Balzac, à Stendhal.

572. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Avec un homme sincère et qui dit tout, on peut aller très loin dans l’analyse qu’on en fait. Cette analyse pourtant va lui enlever le seul brillant aspect sous lequel de loin on se le figure : il ne gardera pas intacts les honneurs mêmes de Fontenoy ; mais laissons-le faire : À peine ai-je pensé peu de moments en ma vie à ma gloire particulière ; je n’ai cependant jamais manqué de sentir combien elle réclame dans le coeur et dans les sens.

573. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

J’essayerais vainement d’en donner l’analyse, car c’est une analyse déjà, mais dont chaque trait est groupé, rapporté à son lieu et serré dans une trame.

574. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Son Histoire a un peu l’inconvénient, presque inévitable, de toutes ces histoires contemporaines où l’on retrouve également, et à bien peu de différence près, l’analyse des mêmes débats parlementaires ; ce qui faisait dire à une femme d’esprit (la comtesse de Boigne) en fermant l’un de ces livres : « C’est bien, mais il me semble que je relis toujours mon Moniteur. » M. de Viel-Castel ne s’élève pas assez au-dessus de ses analyses pour envisager d’ensemble les situations et pour fixer les points de vue.

575. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Sera-ce du moins par une certaine forme d’art, par une certaine lumière vive et juste d’expression qu’il se fera jour et resplendira à travers l’analyse ? […] Un discours préliminaire expose l’état des sciences et des lettres dans les Gaules avant Jésus-Christ ; suivent par ordre de date, à partir de Pythéas, les divers savants et littérateurs ; on donne la biographie d’abord, puis la liste, l’analyse et la discussion des écrits.

576. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Les Allemands et les Anglais, avec leur caractère complexe d’analyse et de poésie, s’entendent et se plaisent fort à ces excellents livres. […] Or, ce que le statuaire ferait s’il le pouvait, le critique biographe, qui a sous la main toute la vie et tous les instants de son auteur, doit à plus forte raison le faire ; il doit réaliser par son analyse sagace et pénétrante ce que l’artiste figurerait divinement sous forme de symbole.

577. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Notez, du reste, qu’aucune de ces femmes ne pourrait guère être définie plus longuement que je n’ai fait : qu’aucune, par exemple, ne fournirait matière à une analyse comme celle que peuvent supporter Mme Bovary ou Mme de Raynal. […] Le premier besoin nous a valu les meilleures, on pourrait presque dire les seules analyses de sentiments que M. 

578. (1890) L’avenir de la science « II »

Mais qui vous dit que votre analyse est complète, que vous n’êtes point amené à nier ce que vous ne comprenez pas et qu’une philosophie plus avancée n’arrivera point à justifier l’œuvre spontanée de l’humanité ? […] C’est le XVIIIe siècle tout entier ; le contrôle de la nature et de ce qui est établi, l’analyse, la soif de clarté et de raison apparente.

579. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Augier, c’est l’ardeur du coeur et des sens, l’analyse profonde de la passion poussée jusqu’au vice, l’art de marcher sur la corruption sans s’y enfoncer, et des éclats presque tragiques de sentiments comprimés. […] C’est moins l’analyse que l’enquête de la comédie que nous allons faire.

580. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Elle analyse tout, elle disserte sur tout, sur les parfums, sur les plaisirs, sur les désirs, sur les qualités et les vertus ; une fois même, elle fera des observations presque en physicienne et en naturaliste sur la couleur des ailes et le vol des papillons. […] C’est par ce côté aussi que je la juge, et que, tout en lui reconnaissant beaucoup de distinction et d’ingénieuse sagacité d’analyse, beaucoup d’anatomie morale, j’ajoute que le tout est abstrait, subtil, d’un raisonnement excessif et qui sent la thèse, sans légèreté, sans lumière, sec au fond et désagréable.

581. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Le Génie analyse l’amour de soi dans toutes ses transformations, découvre que les maux des sociétés viennent des désirs effrénés, de la Cupidité, fille et compagne de l’Ignorance, etc. […] L’homme positif, pour s’être opiniâtré à ses procédés mécaniques d’analyse, est allé cette fois manifestement jusqu’à la chimère.

/ 1456