Tout au rebours en France. « J’y arrivai en 1774493, dit un gentilhomme anglais, sortant de la maison de mon père qui ne rentrait jamais du Parlement qu’à trois heures du matin, que je voyais occupé toute la matinée à corriger des épreuves de ses discours pour les journaux, et qui, après nous avoir embrassés à la hâte et d’un air distrait, courait à un dîner politique… En France, je trouvai les hommes de la plus haute naissance jouissant du plus beau loisir. […] La tragédie du temps n’en diffère presque pas, sauf en ceci qu’elle a toujours l’air solennel et ne se joue qu’au théâtre ; l’autre prend toutes les physionomies et se trouve partout, puisque la conversation est partout. […] Nos gens de bel air adopteront sans difficulté une théorie qui justifie leur pratique.
L’homme a été créé par Dieu un être essentiellement sociable, tellement sociable que, s’il cesse un moment d’être sociable, il cesse d’exister ; l’état de société lui est aussi nécessaire pour exister que l’air qu’il respire ou que la nourriture qui soutient sa vie. […] Il s’approprie, par l’acte même de la respiration, l’air nécessaire au jeu de ses poumons et à la circulation de son sang, et, si on l’en dépossède, il étouffe, il meurt exproprié de sa part d’air respirable.
Ajoutez-y la fertilité de ce vaste plateau, la sérénité de l’air, le calme habituel des flots endormis dans la baie, les oiseaux, les poissons, les fruits exquis qui semblent rivaliser de saveur, d’abondance et de variété pour la table de l’homme ; et, certainement, quand on considère la réunion de tant de beautés et de tant d’avantages dans un tel site, l’œil et l’esprit sont forcés de convenir que Sorrente est un vaste et miraculeux jardin, tracé par la nature avec une admirable prodigalité de soins, et perfectionné par l’art avec une diligente assiduité de travail. […] Le Tasse suivit sous ses yeux le traitement que ces hommes de l’art appliquaient au soulagement de la mélancolie, traitement conforme à celui qu’il avait suivi à Ferrare, mais secondé ici par l’air natal, la sécurité, la sollicitude d’une sœur. » La force revint avec la santé ; mais l’inquiétude d’esprit revint avec la force. […] Il se tourna du côté de son fils aîné et lui dit d’un air gracieux : D’où nous vient cet hôte ?
La reine d’Écosse, par leur conseil, laissa sa fille enfant au château de Saint-Germain, sous leur protection, pour y grandir dans l’air de la France, sur laquelle elle était destinée à régner un jour. « Votre fille est crûe et croît tous les jours en bonté, beauté et vertus, écrit le cardinal de Lorraine, son oncle, à la reine d’Écosse, après son retour d’Édimbourg ; le roi passe bien son temps à deviser avec elle. […] À son retour en France, l’ambassadeur avait amené Rizzio avec lui, à la cour de François II ; attaché à un des seigneurs français qui avait escorté Marie Stuart en Écosse, la jeune reine l’avait demandé à ce seigneur pour conserver auprès d’elle, dans ce royaume où elle se sentait moins reine qu’exilée, un souvenir vivant des arts, des loisirs et des délices de la France et de l’Italie, pays de son âme ; musicienne elle-même autant que poëte, charmant souvent ses tristesses par la composition des paroles et des airs dans lesquels elle exhalait ses soupirs, la société du musicien piémontais lui était devenue habituelle et chère. […] La musique a de plus, pour le musicien ou pour le chanteur, une autre séduction toute-puissante non-seulement sur les sens, mais sur l’âme même des femmes supérieures, c’est qu’elles attribuent naturellement à celui qu’elles écoutent les sentiments exprimés par la musique elle-même ; ces notes délicieuses, passionnées, héroïques de la voix ou de l’instrument leur paraissent contenir une âme ; à l’émission de ces sublimes ou touchants accords, elles ne peuvent séparer la musique du musicien, et la magie de l’air, de la voix ou de l’instrument se confond dans leur impression avec la magie de l’homme.
Des maîtres admirables, aux yeux doués d’une rare sensibilité, habituèrent les artistes à voir les choses dans l’air qui les baignait. […] Il avait apporté une vision originale : la vie manquait, et l’air, à ses sites de banlieue ; mais la description avait un charme de franchise personnelle. […] Ils ne se contentent pas d’employer tout ce que Wagner a pu leur apprendre, de prendre son système pour point de départ et de l’adapter à des formes et des mélodies anglaises, mais ils forcent leur muse à entrer en des formules Wagnériennes — ce qui est autre chose ; ainsi nous trouvons dans leurs œuvres des Leitmotifs qui ont presque l’air d’avoir été pris dans quelque drame de Wagner.
Entre lui et le reste des hommes, rien de commun que l’air du ciel. […] Il nous a peint, en traits de feu, l’ensorcellement matériel d’une fille, ingénue comme une sauvage, qui, retirée de l’enfer, regrette machinalement son climat de braise, et se meurt de ne plus respirer son air empesté. […] Ainsi fourvoyée au milieu des guivres et des licornes habillées du blason, respirant un air chargé de vieillesse et d’antiquité, cernée par les yeux scrutateurs et les commérages austères d’une petite société à demi claustrale, j’aurais compris que cette fille du quartier Bréda sentît son sang de lorette bouillir dans ses veines, que le ranz de Mabille et de Musard l’eût plongée dans des rêveries mortelles, et que du giron moisi de cette famille antique et gothique elle eût désespérément regretté le petit tralala vulgaire et vicieux de sa vie passée.
Puis tout alla s’aggravant, Et l’éther devint l’air, et l’air devint le vent ! […] Hugo n’est qu’une imposture, et que son air effaré, qu’il croit inspiré, n’est qu’une odieuse grimace devant un miroir.
Cela donne à cette « farce » je ne sais quel air de « moralité ». […] Ils ont un air que n’ont pas les cuistres, et précisément un air anticuistre qui est souverain auprès des femmes, même les plus raisonnables. […] C’était un très honnête homme, très bon et brave citoyen et très intelligent ; c’était un sage, et il en a gardé « l’air », comme dit sa servante, l’air seulement. […] Quand Orgon dit : « Contes en l’air ! […] J’ai fait causer cinq personnages pendant deux heures dans un salon de douze pieds carrés, entre deux rangées d’hommes du bel air, et l’on a appelé cela une tragédie.
Des bombardements lointains, vers Pont-à-Mousson et Nomény, expiraient sourdement dans l’air léger. […] Quand la bulle d’air fut en place, il annonça : « Prêt ! […] Ils demandent de l’air. […] Le soleil que nous voyons éclaire l’eau, l’air et la terre d’un même rayon. […] Mais il n’est rien de plus capricieux ou complaisant que la logique, avec son air d’austérité, avec sa réelle facilité.
Ils ont tous l’air de faire, suivant l’expression de l’un d’eux, des essais de bonne foi sur eux-mêmes. […] Anatole France coule en douceur d’un air de chattemite ? […] Une ironie nonchalante, un détachement poli et dédaigneux, un air de dire aux gens : — Si vous saviez comme tout m’est égal ! […] L’idée était dans l’air. […] Tout à coup c’est une envolée dans l’air libre et le soleil, une flambée de poésie, une échappée dans le rêve.
Je n’en persistai pas moins, par convenance, dans la vie que j’avais choisie. » Je pense que Renan, sous des airs fuyants, fut toujours d’une grande sincérité et, sous des airs souriants, très grave. […] Elle a la pureté de l’air des sommets ; elle augmente la force vitale. […] Degas peint comme en plein relief ; l’air circule autour de ses bonshommes ; on en ferait le tour. […] De plus, comme on l’a déjà fait observer, les dérivés féminin, efféminé, etc., se trouveraient en l’air. […] Saint Vit, il est vrai, a pris en certains endroits un air des plus innocents, ou papelards.
Il a composé son récit en plein air. […] Ils ont mieux aimé se donner de l’air. […] L’air salubre des grands espaces leur a nettoyé l’âme et les a prédisposés à des occupations dignes de leur âge. […] Ils se séparent de leurs enfants, afin que la colonie ne perde pas le souvenir de ses origines et que chaque génération soit retrempée dans l’air natal. […] Celle-ci est aussitôt portée en palanquin jusqu’au seuil de la chambre du maître, vers qui elle doit, selon le rite, se traîner d’un air respectueux.
Elle s’admire dans les œuvres qui flattent ses goûts, comme le fat devant un miroir qui reflète son air à la mode. […] Les femmes qui veulent plaire n’ajustent-elles pas leurs toilettes à l’air de leur visage ? […] La première condition de tel costume est de donner à celui qui le porte un air majestueux, et non d’être a priori de telle forme et de telle couleur. […] Si l’un d’eux doit représenter une scène de folie, ira-t-il à Bicêtre étudier un fou particulier dont il s’efforcera de reproduire identiquement les airs, les gestes et toutes les manies ? […] Cet air est représentatif, par son caractère, de l’humeur enjouée de la jeune femme et de la gaieté du nouveau ménage.
Je ne prétends pas qu’ils manquent d’ingéniosité, mais on les croit plus ingénieux qu’ils ne sont, sur la foi de l’air de méthode qu’on y trouve. […] Je vois une grande merveille ronde roulant dans l’air. […] Mais la vie à l’air libre était décidément trop dure : il se résigna à reprendre le chemin des villes. […] Jamais n’y pénétrait un rayon de soleil ; et la fumée d’un poêle contribuait encore à empester l’air. […] Inglesant avait connu dans sa première enfance un maître d’école dont l’air doux et bon l’avait frappé.
L’air était imprégné d’une fine odeur d’encens et d’essence de rose à laquelle se mêlait le parfum léger du tabac. […] Sur le visage à la fois rude et bon était répandu un air de grandeur et de politesse et, comme je le regardais, mon battement de cœur redoublait. […] La maison, avec ses volets fermés, son aspect minable et déjeté de construction éphémère, avait un air de si pauvre mélancolie que nous ne poussâmes pas plus avant notre enquête. […] Vous en avez dessiné malicieusement quelques-uns, ne fût-ce que ce Doge Pisani avec sa petite perruque « bardachine » et son air de fausse jeunesse. […] Je ne sais, mais mon pied foule la dalle d’un campo, je respire l’odeur marine de l’air vénitien, mes yeux reconnaissent telle église et tel palais.
Mais nos idées, nos vertus, nos rêves et nos espoirs passent comme tout le reste : Nous sommes ce que l’air chasse au vent de son aile . […] Tout parle ; l’air qui passe et l’alcyon qui vogue, Le brin d’herbe, la fleur, le germe, l’élément. […] Brunetière, Victor Hugo, fils d’un soldat, Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole, traîné de ville en ville dans les bagages de son père, a pu chanter indifféremment ses « Espagnes », ou plus tard la maison de la rue des Feuillantines ; il n’a pas eu de « patrie locale, et à peine un foyer domestique. » Hugo n’a vu la Nature « qu’avec les yeux du corps, en touriste ou en passant ; l’on peut, même douter s’il l’a comprise et aimée, autrement qu’en artiste. » Lamartine, au contraire, « l’a vue avec les yeux, de l’âme, l’a aimée jusqu’à s’y confondre, quelquefois même jusqu’à s’y perdre, et l’a aimée tout entière. » Lamartine est donc chez nous « le poète de la nature, le seul peut-être que nous ayons, en tout cas le plus grand, et il l’est pour n’avoir pas appris à décrire la nature, mais pour avoir commencé par la sentir. » — Ainsi Hugo, n’ayant pas été élevé dans une maison de campagne, n’a pas dû sentir la nature ! […] Mais, pour réaliser cet idéal, Hugo n’a foi ni dans le communisme, ni dans le nihilisme contemporain, dont il avait mis, dès 1862, une formule frappante dans la bouche du bandit Thénardier : « L’on devrait prendre la société par les quatre coins de la nappe et tout jeter en l’air ! […] J’aime autant de grands marais troubles et profonds par places que ces deux verres d’eau claire que le génie français lance en l’air avec une certaine force, se flattant d’aller aussi haut que la nature des choses.
3º Le moyen le plus efficace de préserver les vivants de la contagion de la mort par les exhalaisons des cadavres, par l’assimilation de l’air, des eaux et des plantes aux principes putrides de ces dissolutions. […] — On se promène et on travaille dehors tant que le jour dure, lui dit-elle, et, à force d’avaler de l’air, on est un peu grisé et somnolent quand on rentre au salon. […] Notre puissance ne peut évoquer ni les génies de l’air, ni les esprits de la terre. […] Il eût consenti à mourir pour en savoir davantage : Un char de feu plane dans l’air, et ses ailes rapides s’abattent près de moi. […] Il avait une voix douce et pénétrante, une prononciation aristocratique et distincte, un air à la fois caressant et railleur.
Ils achetaient son portrait ; ils faisaient collection de ses moindres reliques ; ils apprenaient par cœur ses poèmes ; ils faisaient les plus grands efforts pour écrire comme lui et pour se donner les mêmes airs que lui. […] Dans cette terre de Milly, qu’il a plus d’une fois célébrée avec une émotion vraie, il jouissait avec bonheur de l’air pur de la liberté. […] Qui ne se sentirait surtout saisi d’émotion en face de ce tableau où le jeune prince contemple le crâne d’Yorick d’un air indécis, qui tient le milieu entre les apparences de la méditation philosophique et celles de la folie ? […] Ils se présentent seulement avec des traits moins contractés, un sourire moins amer, un air plus aimable. […] Pour son scepticisme intermittent, la chose est certaine ; il l’a puisé dans l’air qu’il respirait.