Chacun de nous a éprouvé, les romanciers ont souvent décrit l’émotion profonde que peut faire ressentir le plus léger contact d’un être aimé. […] Il faut être déjà poète en soi-même pour aimer la nature : les larmes des choses, les lacrymae, rerum, sont nos propres larmes. […] Vous ne savez point ce que c’est que d’aimer, l’artiste vous forcera à éprouver toutes les émotions de l’amour ; comment ? en vous montrant un être qui aime. Vous regarderez, vous écouterez, et, dans la mesure du possible, vous-même vous aimerez.
Lorsque l’auteur des Contemporains déclare préférer à Bossuet « cette littérature de la seconde moitié du xixe siècle, si intelligente, si inquiète, si folle, si morose, si détraquée, si subtile » et l’aimer « jusque dans ses affectations », le trop intelligent critique justifie les erreurs qu’il condamnera bientôt. […] Ils ont aimé les fleurs vénéneuses, les ténèbres et les fantômes et ils furent d’incohérents spiritualistes. […] D’ailleurs, qu’on les appelle, si l’on préfère renaissants classiques, ou même naturistes, ce qui importe, c’est moins un nom, que de réunir des individus faits pour se comprendre, s’aimer… Cette école en suscita, par antithèse, une autre. […] Car il y a deux sens au mot classique, ainsi que l’a marqué Sainte-Beuve : « Le mot classicus se trouve employé dans Aulu-Gelle et appliqué aux écrivains ; un écrivain de valeur et de marque, classicus assiduusque scriptor, un écrivain qui compte, qui a du bien au soleil… Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle… qui a rendu sa pensée, ou son observation, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi, qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Une partie du public en est venue à préférer l’ébauche au travail achevé, à aimer les œuvres informes, mal composées, sous prétexte qu’elles sont plus proches de la vérité.
Mais le plus souvent le critique s’adresse à celui qui a lu le livre et écouté la pièce, et c’est à ce spectateur, à ce lecteur qu’il doit donner de nouvelles raisons d’aimer ou de dédaigner l’ouvrage que tous les deux, connaissent de façon inégale. […] Remy de Gourmont prend à tâche de nous faire aimer tout ce avec quoi les pédants nous brouillèrent. […] Ernest-Charles. — Lui aussi n’aime pas les romantiques, mais jusqu’à présent il s’est gardé de tout didactisme et il serait bien difficile de reconnaître un dogme précis dans ses critiques. […] Il aime la précision, la clarté, l’ouvrage bien fait. […] Il a marqué ce que pouvait être le bon goût et ce qu’on devait aimer avec mesure et dans quelle mesure.
J’aime toutes les victimes, et j’allais inventer quelque hommage ou quelque diversion à celle-ci, lorsqu’une explosion nouvelle de la dame agressive nous cloua l’un en face de l’autre, atterrés. « Vous allez en faire de la littérature ? […] Jusqu’à douze ans j’allais à l’école, je devins Robinson, je vécus cinq ans en Orient et depuis je végète. » Karl Ottenaf : « J’avoue que je n’ai jamais aimé les Allemands, et que je ne hais rien plus au monde que le bourgeois allemand depuis que je sais penser. Et depuis ce temps aussi j’aime la Russie et ce qu’en premier lieu je demande de chaque poète révolutionnaire, c’est qu’il partage cet amour. […] Nous aimons varier notre étonnante gymnastique sur les invisibles trapèzes de l’atmosphère pour former avec nos aéroplanes une grande girandole aérienne. […] Comme le rappelle par exemple André Billy (« Apollinaire vivant », Les Écrits nouveaux, 3e année, n° 11, novembre 1920, p. 8), Apollinaire aimait à laisser croire que son père était un prélat.
Malgré les malheurs arrivés aux vers, il a été assez héroïque pour leur rester fidèle, et après vingt ans vous le retrouvez l’homme aussi de la dernière heure, car personne, parmi ceux qui les aiment, les vers, — comme les femmes veulent être aimées, — pour eux-mêmes, — ni M. […] Mais aujourd’hui il s’est comme un peu détourné de lui-même ; il a plus songé à l’honneur de l’expression qu’à l’honneur de la pensée, ce vieux penseur, virtuose de l’expression aussi, et il a voulu montrer ce que la langue française, notre adorable langue française, insultée par des prosateurs qui l’appellent une gueuse fière parce qu’ils sont indigents, eux, et par des étrangers qui ne la savent pas, pouvait devenir dans les mains d’un homme qui la sait et qui l’aime. […] Mais pour l’auteur des Colifichets, ce vainqueur de difficultés, la difficulté qu’il aime à vaincre, il lui communique une ampleur immense, et il la décuple de cette ampleur. […] Et Alfred de Musset, ce Mignon de la Muse, n’avait-il pas joué à ce jeu de la rime amoureuse d’elle-même et qui, plus elle s’aime, plus elle se détache de la pensée ? […] Oui, c’est la langue, la langue poétique qui donne à ceux qui l’aiment une fête splendide !
Albalat aime à lire ; il n’aime pas les livres. […] Il aime et il admire, et l’avoue. […] Amare donna en français amèr, puis aimèr, puis aimer prononcé aimé. […] Quoi de plus étrange que j’aimerai, qui représente je aimer ai, j’ai à aimer ? […] Hé quoi tout ce que j’aime !
Ce n’est pas que je n’aime aussi à répandre le peu que je sais. […] S’il eût été sage, je ne l’aurais pas aimé ; je ne l’aurais pas aimé, s’il eût été fou : il me le fallait sage ou fou de cette manière. […] Sa vertu me le fait respecter ; la modestie de ses aveux me le fait aimer. […] A ce prix, je ne voudrais pas même être aimé. » (Livre I, chap. […] « Lucilius, vous m’aviez souvent entendu dire que Gallion, mon frère, qu’on aime trop peu quand on l’aime autant qu’on peut aimer, et qui ne connaissait pas les autres vices, avait en horreur la flatterie.
Ils aiment assez qu’on s’évanouisse devant eux. […] Hugo m’aimait assez et me laissait asseoir comme un page familier sur les marches de son trône féodal. […] S’il fut aimé comme il le souhaitait dans ses rêves de jeunesse, le monde n’en sut rien. […] Le mystère s’expliqua bientôt par le mariage de Balzac avec la femme qu’il aimait depuis longtemps. […] Ses blessures aiment leur épine et ne voudraient pas guérir.
L’élection du père Lacordaire promettait depuis un an à la société parisienne ce qu’elle aime le plus, un spectacle et une singularité. […] L’orateur a été mieux inspiré, quand il nous a dit tout ce qu’aimait M. de Tocqueville, quand il nous l’a peint surtout dans sa retraite, dans la vie privée, dans l’union domestique, où il ne fut trompé que dans la mesure de bonheur qui surpassa encore son espoir et son vœu. […] Je saurais bien que dire là-dessus tout comme un autre, mais il me semble que ce n’est vraiment pas le lieu, et que, même à l’Académie, c’était beaucoup trop comme cela. — J’aime mieux suivre M.
-B. m’aime et m’estime, mais me connaît à peine et s’est trompé en voulant entrer dans les secrets de ma manière de produire… Il ne faut disséquer que les morts… Dieu seul et le poète savent comment naît et se forme la pensée. […] Ratisbonne, dans une note qu’il ajoute de son chef, paraît tenir à me mettre en contradiction avec moi-même : il insinue qu’ayant aimé et admiré autrefois M. de Vigny, j’ai cessé de l’aimer.
Louis XIV, qui n’aimait pas les apparences de l’intrigue, bien qu’à cette heure sa propre cour en fût infestée, rappela madame des Ursins en France ; mais, la voyant de plus près, il l’apprécia mieux. […] Accablée de dettes elle-même, « en vérité, disait-elle encore, je croirais voler sur l’autel si je recevais du roi d’Espagne. » Qu’on ne l’accuse pourtant pas d’être meilleure Espagnole que Française ; elle vous répondra « qu’elle n’oublie pas sa nation, mais qu’elle a horreur de la voir avilir ; elle aime la France, mais comme une bonne mère fait de sa fille, qui ne la flatte pas sur ses défauts. » Aussi, tout en s’apitoyant de fort bonne grâce sur ce pauvre M. de Villeroy et sur ce bon M. […] Je prends la liberté, Madame, de vous demander là-dessus une explication un peu plus intelligible, pourvu néanmoins que vous le puissiez faire. » Et comme on lui répond discrètement qu’en France on n’aime pas que les femmes parlent d’affaires, « tant mieux alors, s’écrie-t-elle avec l’orgueil de son sexe ; nous aurons bien des choses à reprocher aux hommes, puisque nous n’y aurons point eu de part. » Philippe et sa cour furent obligés d’abandonner Madrid pour la seconde fois devant les armes de l’archiduc.
Un âge aride, que la gloire et la vertu pouvaient honorer, mais qui ne devait plus être ranimé par les émotions du cœur, la vieillesse s’est enrichie de toutes les pensées de la mélancolie ; il lui a été donné de se ressouvenir, de regretter, d’aimer encore ce qu’elle avait aimé. […] Une sensibilité rêveuse et profonde est un des plus grands charmes de quelques ouvrages modernes ; et ce sont les femmes qui, ne connaissant de la vie que la faculté d’aimer, ont fait passer la douceur de leurs impressions dans le style de quelques écrivains.
Que l’on vous demande si vous aimez de même façon votre mère, votre chien, votre bel habit, et votre poète favori, vous direz non sans doute : mais quant à dire la différence de ces affections et de ces goûts, quant à en distinguer la nuance et la portée, vous en seriez bien empêché, n’est-il pas vrai ? […] Mais il est des natures sobres, réservées, qui ne peuvent pas ouvrir leur intime pensée et qui aiment en silence, toutes concentrées dans leur profondeur : que ceux-là ne se donnent pas une forme de sensibilité qui ne pourrait être en eux qu’un mensonge. Ils sauront, sans effusions, peindre l’énergie de leurs sentiments, et, sans confidences, se confier à ceux qu’ils aiment.
Il aime regarder les yeux fermés et deviner les fleurs à leurs parfums… Et c’est cela qui a élargi son panthéisme en une intense et compréhensive affection pour toute chose. […] Et comme on est heureux de l’aimer ! […] Francis Vielé-Griffin, je l’aime sans jamais l’avoir vu, parce qu’il est tout entier dans ses chants.
« J’aime le groupe des talents nouveaux. […] Ce qu’on aime, c’est la ciselure, le relief, la couleur, la sonorité du vers. […] On reprend le mot sceptique de Voltaire : « Quand on est aimé d’une jolie femme, on se tire toujours d’affaire », mais on épingle à côté cette pensée de Joubert qui va devenir l’évangile symboliste : « Les beaux vers sont ceux qui s’exhalent comme des sons ou des parfums. » La querelle des idéalistes et des réalistes s’y poursuit.
J’aime mieux la rose, quoiqu’elle ait un défaut, c’est de se faner un peu vite. […] On est toujours bien éloquent auprès d’une mère qu’on aime. […] Mais il y a une chose sûre, c’est que, dans tous les états sociaux que vous pourrez traverser, il y aura du bien à faire, du vrai à chercher, une patrie à servir et à aimer.
Il aime à dire que ce sera la question du xxe siècle, et peut-être, dans son for intérieur, ce fin penseur la renvoie-t-il encore plus loin. Néanmoins les philosophes ont précisément la faiblesse d’aimer les questions qui sont encore à l’état de nébuleuses ; ils aiment ces problèmes où il y a du pour et du contre, comme donnant plus à faire à l’activité propre de l’esprit ; je soupçonne même qu’on les contrarierait, si des démonstrations irrésistibles les privaient du plaisir de la controverse et de la dispute.
Mon ami, aimons notre patrie ; aimons nos contemporains ; soumettons-nous à un ordre de choses qui pourrait par hasard être meilleur ou plus mauvais ; jouissons des avantages de notre condition. […] Pourquoi des enfants aimeraient-ils, respecteraient-ils pendant leur vie, pleureraient-ils quand ils sont morts, des pères, des parents, des frères, des proches, des amis qui ont tout fait pour leur bien-être propre, rien pour le leur ?