/ 1703
354. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Sans pousser la règle à l’absolu et sans requérir le secours précaire des comparaisons, on dira plus nettement que la phrase est une suite de mots liés entre eux par un rapport logique. […] Ce cerveau anonyme est pourtant doué de deux ou trois qualités ou affections particulières : d’une mémoire spéciale, très étendue ; d’une faculté abstractive qui semble en corrélation avec une cécité cérébrale presque absolue. […] Le nombre des combinaisons possibles (il y a peut-être cent mille clichés dans Goyer-Linguet) touche à l’infini dans l’absolu ; elles sont toutes mauvaises, et le jeu est dangereux qui habitue l’esprit à recevoir, sans travail et sans lutte, la becquée.

355. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

L’entrevue a lieu enfin, après trois mois de tentatives vaines pour approcher de l’être redoutable enseveli au fond du Vatican : l’échec absolu de l’abbé Pierre auprès du pape, fermé par nécessité et par principe à tout élan d’humanité, uniquement conduit par le froid calcul des intérêts de l’Église, marque l’écroulement de son rêve. « C’était l’arrachement final, la dernière croyance arrachée de son cerveau, de son cœur saignants. […] Il s’agit plus que jamais en effet d’établir nettement pour quels motifs il y a incompatibilité absolue entre la vie sacerdotale et la vie réelle, à quel titre la prétendue supériorité du prêtre sur l’homme n’est qu’une totale infériorité, pourquoi, en un mot, le prêtre n’a plus de raison d’être. […] S’il demeure en toute tranquillité de conscience le ministre d’une religion, qui a érigé l’ignorance en principe moteur universel, il ne peut prétendre en imposer à d’autres qu’aux pauvres d’esprit : s’il n’a pas une absolue confiance dans la « vérité » de l’absurde qu’il prêche, il n’est plus alors qu’un comédien cynique.‌

356. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Revue littéraire. Victor Hugo. — M. Molé. — Les Guêpes »

Nous n’en voulons que tirer une conclusion, c’est que, si isolé qu’on se fasse, si désintéressé de tout et si moqueur absolu, on tient toujours à quelque chose ou à quelqu’un, ce qui est heureux, mais ce qui gêne le métier.

357. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Arène, Paul (1843-1896) »

Ce qui le distingue, au même point, sous les deux aspects différents, c’est l’absence absolue de cette chose odieuse qu’est le métier.

358. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

Rebell s’est épris de l’individualisme absolu de Nietzsche et est allé vers une aristocratie cruelle, un paganisme esthétique et violent, un matérialisme jouisseur qui l’entraîne de plus en plus.

359. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

J’incline à croire à l’absolue sincérité du poète. […] La profondeur de son regret ne doit pas nous tromper sur l’élévation de sa morale : mais ce matérialisme même, dans son plus vif repentir, nous en garantit l’absolue vérité. […] Il a bien vu, avant Bossuet, au moment même où le monde féodal s’écroule et où naît la royauté absolue, il a eu le grand mérite de voir que l’unique frein et contrepoids de cet absolu pouvoir, l’unique garantie contre les accidents de l’individualité dans la personne royale, était le sentiment religieux, amour de Dieu, ou peur de l’enfer137.

360. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Ce n’est point chez eux une loi absolue que le principal repos soit après la sixième syllabe : il leur suffit souvent que cette syllabe soit nettement accentuée. […] Bajazet veut bien mentir jusqu’à un certain point, mais non au-delà ; il ne veut pas épouser une esclave par force ; il a le mépris absolu de la mort : tout cela fait un mélange intéressant, très humain, très oriental aussi si l’on vent ; mais il faut le vouloir. […] Quand j’irais, comme Voltaire un jour, jusqu’à préférer secrètement la vieille Athalie, cette Elisabeth, cette Catherine, cette terrible femme qui porte si fièrement ses vengeances politiques et qui a, du reste, des retours de faiblesse féminine et presque de tendresse, je n’en serais peut-être pas moins subjugué par la grande allure de Joad, par sa foi absolue, par son impérieux et héroïque dévouement à cette foi. […] les personnages d’Andromaque et d’Iphigénie et de Phèdre ne sont point des gens des temps héroïques ; non, Mithridate ni Assuérus ne sont point des rois d’Orient, et les Romains de Bérénice ou même de Britannicus sont Français plus qu’à demi, et, en admettant que ce soit une nécessité absolue du drame que les personnages anciens y soient toujours en partie modernisés, ils le sont ici jusqu’à l’excès.

361. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

C’est, dans le mariage, l’union parfaite des âmes, union qui ne saurait reposer que sur la liberté et l’absolue sincérité des deux époux et sur l’entière connaissance et intelligence qu’ils ont l’un de l’autre. […] Je laisse les maladifs Goncourt, chez qui la sensation littéraire semble déjà, elle-même, une souffrance, et qui, ne fussent-ils pas torturés comme hommes, le seraient déjà comme artistes ; je n’alléguerai pas le calvaire de leur Germinie, à la fois héroïque et infâme, qui, parmi les hontes et la folie de son corps, garde un si grand coeur et, dans ses « ténèbres », pour parler comme Tolstoï, la pure flamme d’un absolu dévouement. […] Les misérables et les humbles de nos romans sont généralement moins religieux ; ils n’ont souvent, comme l’héroïque Dussardier, d’autre religion que le culte ingénument philosophique de la justice absolue. […] C’est seulement où sont les défenses radicales que les scissions peuvent être absolues.

362. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Je sais bien que lord Chesterfield, ce vieux damoiseau du xviiie  siècle, avec sa manière de concevoir la vie élégante de son temps (car il n’y a pas de vie élégante absolue), a fait plus d’une fois sourire la race orgueilleuse de ces « Beaux » de l’époque du prince de Galles et de Brummell, qui cherchèrent et trouvèrent leur expression littéraire dans les premiers romans de Bulwer. […] c’est le don le plus rare et le plus exquis que de grands génies, et de très grands, n’ont pas toujours trouvé dans leur talent et n’ont pas déposé dans leurs œuvres : je veux dire la naïveté, sans laquelle il n’y a pas de grâce toute-puissante et absolue dans les petites choses, et la bonhomie, sans laquelle, dans les grandes, il n’y a pas de complète grandeur. […] … Et cette règle, qui ne peut souffrir d’exception, cette règle absolue, les éditeurs de la nouvelle édition de Balzac ont commencé par y manquer. […] La nécessité de cette introduction était — je n’en démordrai pas — absolue.

363. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Pourtant, Messieurs, je ne veux rien exagérer, l’absolu n’est pas de ce monde-ci, notre liberté n’est pas absolue.

364. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Ces pièces de vers, d’une saveur si exquisément étrange, renfermés dans des flacons si bien ciselés, ne lui coûtaient pas plus qu’à d’autres un lieu commun mal rimé… Avec ces idées, on pense bien que Baudelaire était pour l’autonomie absolue de l’art et qu’il n’admettait pas que la poésie eût d’autre but qu’elle-même et d’autre mission à remplir que d’exciter dans l’âme du lecteur la sensation du beau, dans le sens absolu du terme.

365. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

598 Son spiritualisme absolu et son opinion arrêtée que la figure du vieux monde allait passer ne lui laissaient de goût que pour les choses du cœur. […] L’abolition des sacrifices qui lui avaient causé tant de dégoût, la suppression d’un sacerdoce impie et hautain, et dans un sens général l’abrogation de la Loi lui parurent d’une absolue nécessité.

366. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Nous venons de signaler les théoriciens, quelques-uns d’ailleurs droits et sincères, qui, à force de craindre la dispersion des activités et des énergies et ce qu’ils nomment « l’anarchie », en sont venus à une acceptation presque chinoise de la concentration sociale absolue. […] Les principes combinés avec la science, toute la quantité possible d’absolu introduite par degrés dans le fait, l’utopie traitée successivement par tous les modes de réalisation, par l’économie politique, par la philosophie, par la physique, par la chimie, par la dynamique, par la logique, par l’art ; l’union remplaçant peu à peu l’antagonisme et l’unité remplaçant l’union, pour religion Dieu, pour prêtre le père, pour prière la vertu, pour champ la terre, pour langue le verbe, pour loi le droit, pour moteur le devoir, pour hygiène le travail, pour économie la paix, pour canevas la vie, pour but le progrès, pour autorité la liberté, pour peuple l’homme, telle est la simplification.

367. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Elle tend vers toutes les possibilités de l’affirmation, c’est-à-dire vers l’absolu, mais c’est par transcendance, et par les voies du sentiment que son charme opère. […] Or, la vérité, dans l’absolu, est une.

368. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Il vaut mieux savoir peu et bien, même ignorer, que de savoir mal ; la fausse science fait les entêtés et les confiants ; l’ignorance absolue dicte la circonspection et inspire la docilité. […] Point d’autre inspecteur absolu de l’éducation publique que l’État ; c’est à l’État à nommer, continuer ou changer le recteur et les principaux, à déposer les professeurs, à chasser les répétiteurs ou maîtres de quartier, et à exclure des écoles les enfants ineptes ou vicieux.

369. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Il y a toutes les vertus du prêtre, la sainteté, la doctrine, la science, la fermeté de l’esprit qui s’appuie sur la fermeté du caractère, base de tout, et qui, réunies, donnent la force absolue, dans son intégrale et irrésistible beauté. […] Les États, plus ou moins révoltés, s’insurgeaient contre le Saint-Siège, mais ce n’était pas l’État en soi, dans sa généralité absolue, ce n’était pas le principe même de l’État se posant métaphysiquement et politiquement contre l’Église pour la dévorer.

370. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

M. l’abbé Mitraud est un de ces esprits qui croient au développement futur ou possible sur la terre d’une justice et d’une liberté absolues, et qui commencent par oublier les conditions de la nature de l’homme et les idées qu’il faut avoir de la liberté et de la justice, car la liberté a ses trois limites de nombre, de mesure et de poids qu’aucune théorie ne saurait briser, et la Justice a son glaive à côté de sa balance, le glaive qui, par la rigueur du retranchement, rétablit l’égalité des proportions ! […] Hors le christianisme, y a-t-il un idéal de société, en d’autres termes, une société digne de ce nom, dans son sens absolu et métaphysique, et, s’il n’y en a pas d’autre, cette unique société est-elle soumise ou ne l’est-elle pas à la loi du progrès indéfini, comme les philosophes la comprennent ?

371. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Dans ce livre, à oligarchie de héros, de Gobineau, tous les héros ne sont pas des chevaliers Grandisson ou des Washington, — ce chevalier Grandisson de l’histoire, — mais s’ils ne sont pas tous des perfections absolues, au moins ils y sont des distinctions très grandes. […] Le misanthrope que voici n’est ni d’une caste, ni d’un salon, ni d’une cuisine, ni d’une bâtardise, ni d’une vieillesse, ni d’une laideur, ni d’une infirmité, ni d’une humeur quelconque, ni de tout ce qui fait d’ordinaire les misanthropies, même les plus farouches et les plus sauvages, mais c’est le misanthrope désintéressé, le misanthrope absolu, le misanthrope de l’Histoire !

/ 1703