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129. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Un certain article intitulé la Vie de Molière pourrait être un des petits papiers délicieux échappés à un bon quart d’heure de Diderot. […] Sur Molière et sur Corneille, je ne saurais qu’adopter tout ce que dit d’admiratif, d’explicatif et de profondément senti, l’excellent critique. […] Mais cette dernière erreur, si erreur il y a, ne me paraît pas comparable en témérité et en déviation à l’idée de faire de Racine un Molière ou un Aristophane manqué.

130. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXI » pp. 87-90

Villemain qualifie Molière le grand honnête homme ; de même que Molière, moins oratoirement, avait dit à Bossuet, dans le drame d’Adolphe Dumas : Vous êtes un brave homme.

131. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

. — Molière à Auteuil, en collaboration avec Léon Valade (1876). — Le Barbier de Pézenas, comédie en un acte et en vers (1877). — Portraits sans modèle (1879). — La Prise de la Bastille (1879). — Le Jardin enchanté (1882). — Le Livre d’or de Victor Hugo (1883). — Poèmes de Chine (1887). — Roger de Naples, drame en 5 actes et en vers (1888). — La Raison du moins fort (1889). — Les Pommiers fleuris (1891). — Alphabet symbolique (1895). — La Belle Aventure, vers d’amourette et d’amour (1895). — A. Watteau (1896). — La Soubrette de Molière, à-propos en un acte, en vers (1897).

132. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Peut-être va-t-on essayer de me fermer la bouche avec ces mots : — Et Molière ? […] — Je m’y attendais et j’avais préparé ma réponse : Molière La comédie de Molière, c’est le génie de Molière. […] On ne saurait se dissimuler que Molière « auteur dramatique », échappe de jour en jour à l’admiration du plus grand nombre. […] Puisque le théâtre de Molière a pu vieillir et Molière rester éternel, il faut en conclure que ce grand homme a écrit autre chose que des pièces de théâtre. […] L’art dramatique, ne le cherchez ni au théâtre de Molière ni parmi ceux qui poursuivent la chimère de succéder à Molière.

133. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLI » pp. 167-171

— On va inaugurer le monument de Molière rue Richelieu, en face du n° 34 où il habitait. […] Dupaty, a fait une motion afin de se mettre d’autant plus en avant pour Molière, lequel, en son temps, n’était pas de l’Académie.

134. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Il y a, à la vérité, un signe où elle reconnaît les grands hommes, et il n’est peut-être pas bien exact de dire que tous les objets soient égaux devant l’indifférence de sa curiosité ; Molière est mille fois plus intéressant à ses yeux que Cyrano de Bergerac, Pradon ou Boursault : « Plus un poète est parfait, dit-elle, plus il est national ; plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race ; la hauteur de l’arbre indique la profondeur des racines465. » Quoi qu’il en soit, l’école historique, je dis l’école historique idéale, à la considérer dans l’unité et la pureté de sa doctrine, annule la critique littéraire au sens où le langage a toujours entendu le mot de critique, puisqu’elle ne juge pas, ne blâme ni ne loue. […] Nous savons que si Corneille est inégal, c’est qu’il est souvent sublime ; nous savons que si l’imagination de Molière n’est pas riche en fantaisies comme celle de Shakespeare, c’est qu’il peint la réalité comique plus fidèlement. […] Elle a si peur de n’être pas tout intelligence, de conserver la moindre apparence d’âme, de partialité, d’enthousiasme ; elle s’applique avec un dépouillement si entier, si farouche, à se faire toute à tous, à être anglaise avec les Anglais, allemande avec les Allemands, française avec les Français, qu’elle méconnaît une chose : c’est que les Anglais, les Allemands, les Français sont des hommes, et que dans Molière, dans Shakespeare, dans tous les grands poètes il y a, sous les différences de temps et de lieux, un pathétique capable de faire battre toute poitrine humaine, sans distinction de nationalités.

135. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Riccoboni nous apprend, par exemple, que la Emilia, de Luigi Groto, surnommé l’aveugle d’Adria, cette pièce qui a fourni à Molière plusieurs des caractères et des situations de L’Étourdi, servait fréquemment de canevas aux acteurs de la comédie improvisée19. […] Molière fit, avec cette étrange scène, un intermède du Malade imaginaire, mais il en atténua beaucoup les détails et substitua au pédant le vieil usurier Polichinelle, qui, après avoir essayé des croquignoles et des coups de bâton, finit par payer aux archers les six pistoles. […] Les valets balourds et poltrons en arrivent de bonne heure à se ressembler sur les deux scènes comiques : ainsi le Zucca de L’Interesse (l’Intérêt ou la Cupidité), comédie régulière de Nicolo Secchi, Zucca qui est devenu le Mascarille du Dépit amoureux, était un véritable Arlequin poltron et balourd dont Molière n’a pas complètement effacé les traits, tandis que le Mascarille de L’Étourdi n’était autre, comme on le verra plus loin, que le rusé Scappino, le Scapin-modèle emprunté à Beltrame, l’un des plus fameux artistes et écrivains de la commedia dell’arte.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Il donna l’exclusion à la comédie, bien qu’il fît des œuvres immortelles de Molière le cas qu’elles méritent ; mais, disait-il, on ne les comprend pas en Allemagne. Il faut montrer aux Allemands la beauté, la grandeur de notre scène tragique ; ils sont plus capables de les saisir que de pénétrer la profondeur de Molière. Ce fut là une raison sans doute suffisante pour donner l’exclusion à Molière ; mais n’y aurait-il pas eu une autre raison encore ? C’est que ces sortes de gens qu’on nomme Molière ou Shakespeare ont de temps en temps de ces mots qui percent à fond tout l’homme et qui démasquent à l’improviste la comédie humaine. […] Littérairement, Bossuet, Molière et Racine sont ses dieux, et, en cela, il a la religion du grand nombre ; mais il a plus que personne ses préférences et ses exclusions : il est pour Racine presque contre Corneille, pour Voltaire décidément contre Jean-Jacques.

137. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Nous trouvons ces deux écoles en opposition déjà et en guerre au début de notre théâtre, la troupe de Molière aux prises avec celle de l’hôtel de Bourgogne. […] Molière veut que, même dans la tragédie, on parle naturellement, humainement ; la difficulté est de concilier avec la parfaite dignité et la noblesse ce naturel qui ne peut être ici qu’un naturel très travaillé et très savant. Molière, pour son compte, n’y réussit qu’imparfaitement dans les rôles tragiques, auxquels la nature ne l’avait pas destiné. […] Mlle Le Couvreur avait vu Baron lorsque, vieux et toujours excellent, il rentra au théâtre en 1720 ; mais elle ne l’avait pas attendu pour réaliser à sa façon la poétique de Molière et pour réunir en elle les qualités à la fois élevées, touchantes et naturelles de la parfaite actrice tragique. […] Molière, à force de génie et d’esprit, Baron, par son talent aidé de sa fatuité même, avaient relevé l’état de comédien dans le monde, et s’y étaient maintenus sur un pied respectable.

138. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Rabelais, Calvin, Montaigne, Malherbe, Corneille, Descartes, Pascal, Racine et Boileau, Molière et La Fontaine, Bossuet et Fénelon, Voltaire et Montesquieu, sont l’un après l’autre les divers oracles par lesquels s’exprime ce dieu caché, ce dieu interne qui est l’esprit humain, sous la forme de l’esprit français. […] Il a défendu Molière contre les courtisans : c’est là littérairement son plus beau titre de gloire ; mais a-t-il eu la moindre influence sur ce génie populaire et hardi, si grand et si simple, si profond et si familier, si français et si humain ? […] Chapelain, Conrart et tant d’autres oubliés auraient provoqué et dirigé les comédies de Molière et les tragédies de Racine ? […] Lorsque je vois Boileau s’échauffer contre les mauvais ouvrages, comme si c’étaient de mauvaises actions, louer et célébrer avec foi et passion et avec une admiration désintéressée Racine et Molière, lorsque j’entends sa voix mâle et émue demander au poëte l’honnêteté, la dignité, la fierté du cœur, je l’aime et je l’admire avec M.  […] Sa dureté à l’égard de Fénelon et de Malebranche pour des opinions toutes spéculatives, son allusion barbare à la mort de Molière, qui mourut, comme on sait, dans un dernier acte de dévouement pour ses pauvres compagnons de scène, le ton perpétuel d’autorité impérieuse avec lequel il décrète et promulgue ses pensées comme des lois et des dogmes, tout cela, dis-je, est-il absolument exempt de tout orgueil humain, et la vérité est-elle si hautaine et si insolente ?

139. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il connaît l’homme comme Molière, la société comme Saint-Simon. […] Comme Molière, il a refusé de s’enfermer dans le langage académique et dans l’usage mondain : mettant en scène toute condition et tout caractère, il lui faut des mots de toute couleur et de toute dignité. […] L’idéal du poète est un idéal de vie facile, naturelle, instinctive ; c’est quelque chose d’intermédiaire entre Montaigne et Voltaire ; c’est quelque chose d’analogue à la morale de Molière, avec moins de réflexion, de sens pratique et d’honnêteté bourgeoise, avec plus de naïveté, de sensibilité et de sensualité tout à la fois. […] La Fontaine, avec Molière, représente dans la littérature classique une tradition libertine, qui subsiste entre la tradition chrétienne et la doctrine cartésienne.

140. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

Les sociétés formées des débris de l’hôtel Rambouillet, les femmes de bonne compagnie, voient sans déplaisir Molière ramener au naturel les affectations de pruderie et de bel esprit ; mais elles continuent à mettre en honneur l’honnêteté, la décence des mœurs, la pureté et l’élégance du langage, et elles parviennent à en assurer le triomphe. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?

141. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Ces difficultés, Molière les connaît. […] En cela encore Molière est si Français ! […] Qu’était Molière ? […] À l’occasion du tricentenaire de Molière. […] Voir p  13 et 14 un développement plus complet de cette thèse à propos de Molière [« Molière et le génie français », § 4].

142. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Shakespeare et Molière n’ont pas chicané non plus avec le détail révoltant et l’expression quand ils ont peint l’un, son Iago, l’autre, son Tartufe. […] Un jour même (l’anecdote est connue), Molière le rappela à la marge de son Tartufe, en regard d’un vers par trop odieux, et M. Baudelaire a eu la faiblesse… ou la précaution de Molière.

143. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Celle-ci : Molière défenseur de la nature contre la convention. […] Il en est chez Molière de l’autorité paternelle comme de l’argent. […] Il est certain que le théâtre de Molière, bien ou mal compris, a agi sur la mentalité française. […] Jourdain, mais admirons Molière d’avoir créé en poète M.  […] Molière médecin !

144. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Et c’est ainsi qu’il fit la connaissance de Molière et de Mlle du Parc. […] Corneille a cinquante-trois ans, Molière en a trente-six. […] La farce de Molière est donc fort innocente. […] C’est, parmi les farces de Molière, une des plus savoureusement écrites. […] Molière est tout plein de ces germes.

145. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Ma remarque pourra paraître minutieuse, mais ce n’est pas une petite chose pour un poète de savoir donner à son héroïne un nom qui aille à son caractère comme une guirlande à son front. « S’il te naît une fille, — disent les livres sacrés de l’Inde, — donne-lui un nom doux, facile à prononcer, et qui résonne harmonieusement à l’oreille. » Molière, Shakespeare, et tous les grands poètes ont suivi, sans le savoir, le conseil des brahmes ; Shakespeare surtout, qui, pour parer ses filles de prédilection, va cueillir on ne sait où, dans la lune, sur les nuées, des noms inouïs, éthérés, célestes, des auréoles de pudeur, des étoiles de couronnement. […] Emile Augier n’a ni originalité, ni manière ; il vague de la copie de Molière à l’imitation d’Alfred de Musset, avec l’indécision du pastiche en quête. […] Ainsi toute la gentilhommière de Philiberte parle de son mieux la langue forte en gueule des farces de Molière, mêlée au mièvre jargon des petits-maîtres. […] Il serait injuste de lui refuser l’agilité de l’allure et la souplesse du tour, mais, en revanche, quelle disparate dans sa facture ; de quelles nuances, incohérentes et criardes, est plaquée cette mosaïque de procédés et de centons, ou les tournures de Molière s’embarrassent dans les enjambements de la poésie moderne et coudoient les pointes de Dorat et de Marivaux ? […] Et pourtant celle-là était la fille légitime, celle-ci n’est que la bâtarde de Molière.

146. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Mais cette délicatesse de goût, cette philosophie supérieure, que Molière a montrée dans ses comédies, il faut des siècles pour y amener l’esprit humain ; et quand un génie égal à celui de Molière eût vécu dans Athènes, il n’aurait pu deviner la bonne comédie.

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