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516. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Surtout quel théâtre, quel champ d’observations que cet hôtel de Condé, que ce Chantilly, où tout ce qui comptait en France défilait devant les yeux du philosophe et du peintre ! […] Mais les Dialogues des morts ont surtout un intérêt historique et politique : Fénelon juge les rois de France, et parfois rudement. […] Mais Bossuet, naïvement, publie tous ses écrits en France : Fénelon, plus malin, fait parvenir sans bruit ses défenses à Rome. Il les supprime en France, si bien que Bossuet a l’air de s’acharner sur un adversaire désarmé. […] De là ses excès et ses aveuglements : il achèterait la ruine du jansénisme de la ruine de la France.

517. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Le grand scepticisme a toujours été peu caractérisé en France ; à commencer par Montaigne et Pascal, nos sceptiques ont été, ou des gens d’esprit, ou des croyants, deux scepticismes très voisins l’un de l’autre et qui s’appuient réciproquement. […] En France, on à peine à concevoir un milieu entre la lourde érudition du XVIIe siècle et la spirituelle et sceptique manière des critiques modernes 195. […] Le bon esprit étroit est en France très dangereux, par le soupçon qu’il fait naître et qu’on ne manque pas d’étendre à tout ce qui est dogmatique et moral. Ce dont on a le plus horreur en France, c’est d’être dupe. […] La France serait-elle si bien la France, si elle n’avait pour exalter sa personnalité l’antithèse de l’Angleterre ?

518. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

De cette folie générale, de cette manie partout répandue dans le bas de la société de jeter ses enfants par-dessus soi, de les porter au-dessus de son niveau, comme on porte les enfants au feu d’artifice, il s’élève une France de plumitifs, d’hommes de lettres et de bureau, une France où l’ouvrier ne sortant plus de l’ouvrier, le laboureur du laboureur, il n’y aura bientôt plus de bras pour les gros ouvrages d’une patrie. […] En France, la chambre d’auberge n’est jamais conjugale. […] Tenez, il y a un monsieur qui m’envoie de Batignolles, presque tous les quinze jours, une pièce de vers, en l’honneur du chantre de Lisette, on voit que c’est chez lui une idée fixe… Ce sont des veines et des déveines comme cela en France…. […] * * * — Il est permis en France de scandaliser en histoire. […] * * * — La France a un tel besoin de gloire militaire, que le roi de la paix a été obligé de lui donner cette gloire à Versailles, — en effigie.

519. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

De 1791 à 1814, la France seule, luttant contre l’Europe coalisée par l’Angleterre, la France contrainte et forcée, a dépensé en boucheries pour la gloire militaire, et aussi, ajoutons-le, pour la défense du territoire, cinq millions d’hommes, c’est-à-dire six cents hommes par jour. L’Europe, en y comprenant le chiffre de la France, a dépensé seize millions six cent mille hommes, c’est-à-dire deux mille morts par jour pendant vingt-trois ans. […] De 1791 à 1814, l’Angleterre, pour faire terrasser la France par l’Europe, s’est endettée de vingt milliards trois cent seize millions quatre cent soixante mille cinquante-trois francs. […] Madame Du Barry, plagiaire de Louis XIV, appelle Louis XV la France, et le mot pompeusement hautain du grand roi asiatique de Versailles aboutit à : La France, ton café f… le camp. […] L’admirable, c’est d’être payé successivement par Pour et par Contre, et, comme Fontanes, d’être fait sénateur par l’idolâtrie et pair de France par le crachat sur l’idole.

520. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Mais en fait, « s’il fallait poursuivre et dissoudre toutes les associations qui fonctionnent sans autorisation, la moitié de la France serait condamnée160 » Les mœurs font la loi aux lois. […] En France, la jurisprudence corrige la sévérité du code. […] Strabon, cité par Levasseur, Histoire des classes ouvrières en France, I, 21. […] Giraud, Droit français au moyen âge, p. 190. — Flach, Origines de l’ancienne France, II, p. 35. […] Flach, Origines de l’ancienne France, tome I, passim.

521. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Des documents récents, sortis des Archives du Vatican, viennent de jeter du jour sur la seconde moitié de sa carrière, lorsqu’il était ambassadeur de France à Rome. […] Le sort ne lui a pas laissé le temps de réparer ses fautes ni de corriger ses hasardeuses entreprises ; mais Bernis sera un excellent ambassadeur : il a l’insinuation, la conciliation, la politesse ; il représente avec goût et magnificence ; il sera le modèle d’un ambassadeur de France à Rome pendant plus de vingt ans. […] Ce fut le moment où l’alliance se noua étroitement entre la France et l’Autriche, et où se conçut et se discuta secrètement le traité de Versailles. […] Turgot, dans des vers satiriques anonymes qui coururent tout Paris, et qui étalaient au vif les désastres flétrissants dont la guerre de Sept Ans affligeait la France, s’écriait :         Bernis, est-ce assez de victimes ? […] Algarotti, qui l’avait connu ambassadeur à Venise, écrivait au roi de Prusse (11 janvier 1754) : Je vois assez souvent M. l’ambassadeur de France, qui est bien fait pour représenter la plus aimable nation du monde.

522. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Nous pouvons aujourd’hui, à la faveur de la publication nouvelle, et en nous aidant aussi de celle de Genève, parler à notre tour, et en toute familiarité, de ce personnage excellent, de cet écrivain savant et utile, d’un ami de la France et de l’humanité. Je dis un ami de la France, et j’insiste sur le mot. […] En 1830, la révolution qui nous affranchit d’un régime rétrograde l’exalte et le transporte comme un jeune homme : « La France, s’écrie-t-il, a relevé l’humanité à mes yeux. » Il croit voir s’ouvrir une ère nouvelle ; et les mécomptes du lendemain aussi, il les ressent presque comme l’un des nôtres. S’il croit apercevoir chez nous, vers la fin de sa vie (1842), corruption et décadence, il s’en attriste ; il a beau être redevenu Genevois ou cosmopolite, la France, à ses yeux, est comme le cœur de l’humanité. […] sans doute », reprend Voigt avec un air convaincu. » En cherchant bien, nous verrions peut-être qu’en France, il n’y a pas bien longtemps encore, nous avons eu des commencements et des symptômes de ces excentricités et de ces ridicules folies.

523. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Teulet, ce modèle de l’éditeur historique consciencieux et grave, nous apportera des séries complètes et suivies des relations de la France et de l’Écosse au xvie  siècle. […] Il semble vraiment que, comme Alexandre fit pour la bourgeoisie de Corinthe, il n’ait accepté lui-même la mairie de Bordeaux que quand il connut que des maréchaux de France ne l’avaient pas dédaignée. […] Ces prérogatives et privilèges, maintenus et respectés par les rois d’Angleterre pendant leur domination en Guienne, ne le furent pas autant par les rois de France, malgré leur première promesse. […] Henri IV était bien le roi que Montaigne prévoyait de loin et souhaitait de tout point à la France. […] Teulet : Relations politiques de la France et de l’Espagne avec l’Écosse au XVIe siècle (5 volumes in-8° ; chez Mme veuve Jules Renouard, rue de Tour-non, 6).

524. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Si la constitution de France est libre, et si ses institutions sont philosophiques, les plaisanteries sur le gouvernement n’ayant plus d’utilité, n’auront plus d’intérêt. […] Ce qui pervertit la moralité en France, c’est le besoin de faire effet d’une manière quelconque, et surtout par son esprit. […] Mais en France, la puissance de l’amour-propre conserve une telle activité, qu’elle fournira pendant longtemps encore aux combinaisons des comédies. […] Je ne conseille pas cependant d’essayer en France des tragédies en prose, l’oreille aurait de la peine à s’y accoutumer ; mais il faut perfectionner l’art des vers simples, et tellement naturels, qu’ils ne détournent point, même par des beautés poétiques, de l’émotion profonde qui doit absorber toute autre idée. […] Plus les mœurs de France sont dépravées maintenant, plus on est près d’être lassé du vice, d’être irrité contre les interminables malheurs attachés à l’immoralité.

525. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

On le peignait, lui, le plus accusé des guerriers de ce temps, comme l’un des plus vifs précisément sur l’honneur, sur le sentiment de gloire et de patrie, sur le dévouement à la France, brillant, généreux, plein de chaleur et fidèle aux religions de sa jeunesse, enflammé comme à vingt ans, pour tout dire, et tricolore. […] Revenu d’Égypte en France avec Bonaparte, Marmont, après le 18 Brumaire, devint conseiller d’État pour la section de la guerre et présida à une nouvelle organisation de l’artillerie. […] Marmont reçut le bâton de maréchal de France à Znaïm (juillet 1809) ; il avait trente-cinq ans. […] En 1810, il fit envoyer en France deux cents jeunes Croates pour y être élevés aux frais du gouvernement dans les écoles militaires ou dans celles des arts et métiers : il en retrouva plus tard bon nombre encore remplis de reconnaissance, dans les longs voyages de son exil. […] Au sortir de Leipzig où il soutint le poids de la défaite, et où une nouvelle blessure le frappa à la seule main dont il pût manier l’épée, Marmont, après quelque pause à Mayence, rentra en France, et, à la tête du 6e corps si réduit, il prit la part la plus active à l’immortelle campagne de 1814.

526. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Tombé cette fois devant l’Assemblée constituante et devant Mirabeau, il s’écrie encore, en revenant sur les moyens termes qu’il avait imaginés pour procurer le salut de la France, et en les opposant à ce qui a prévalu : Quels moyens on a préférés ! tandis qu’avec un peu de retenue dans ses systèmes, avec un peu d’égards envers les opprimés, avec un peu de ménagement pour les antiques opinions, surtout avec un peu d’amour et de bonté, c’est par des liens de soie qu’on eût conduit au bonheur toute la France. […] Sa rentrée en France fut un triomphe. […] À dater de sa rentrée en France, à la fin de juillet 1789, le crédit de M.  […] Lorsqu’il quitta le ministère, en septembre 1790, et qu’il sortit définitivement de France, un peu plus d’un an après son insigne triomphe, M. 

527. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

À l’entrée du carême suivant (1200), Baudouin, comte de Flandre, et la comtesse sa femme, se croisèrent à Bruges : deux des plus hauts barons de France, Simon de Montfort et Renauld de Montmirail, prirent aussi la croix, et le bruit s’en répandit avant dans les terres. […] Le quatrième jour donc, qui leur avait été assigné, ils se rendirent au magnifique palais du doge, où ils le trouvèrent réuni à son Conseil, et là ils lui exposèrent leur demande : Sire duc, nous sommes à vous venus de par les barons de France qui ont pris le signe de la croix pour venger la honte de Jésus-Christ et pour conquérir Jérusalem si Notre-Seigneur y veut consentir ; et parce qu’ils savent certainement que nulle nation n’a si grand pouvoir par mer comme vous avez, vous prient-ils que vous vouliez vous occuper comment ils pourront avoir des vaisseaux pour accomplir leur pèlerinage, en toutes les manières et conditions que vous leur saurez indiquer et proposer, pourvu qu’ils les puissent tenir85. […] à quelques pas de là, Commynes, mandé par le doge de bon matin, voit en entrant tous ces mêmes visages non plus abattus, mais fiers et radieux ; on lui signifie le traité conclu, hostile à la France, et le nom des puissances confédérées : c’est à lui, à son tour, tout avisé qu’il est, d’avoir le cœur serré et le visage défait, car il n’avait eu vent de rien de précis jusqu’à cette heure, le secret avait été rigoureusement observé ; à force de voir traîner les choses en longueur, il avait fini par les croire échouées : en descendant les degrés du palais, il trahissait aux yeux de tous son étonnement manifeste et sa perte de contenance. […] Les députés étant retournés en France, il survint dès l’abord maint obstacle et de graves mésaventures. […] [NdA] Je suis de préférence le texte publié pour la Société de l’histoire de France, par M. 

528. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il connaissait sa carte de France « comme le parc de Versailles. » Tout cela, avec bien d’autres particularités que j’omets, est fait pour intéresser, et prouve qu’on a affaire ici à un enfant précoce, à un enfant célèbre. […] Dans ce court espace, les projets politiques, les plans de réformé de l’État abondèrent autour de lui ; il les avait depuis longtemps provoqués, par des questions adressées en son nom à tous les intendants du royaume pour connaître par eux le détail de leurs généralités et s’en former un tableau de toute la France. […] Quand celui qui se trouve appelé à gouverner un pays comme la France en est à ces cas de conscience et à ces petitesses, ce n’est pas de lui qu’on peut attendre qu’il rétablira puissamment ni qu’il restaurera ce grand empire. […] Michelet, et si hérissé, si difficile à suivre dans son Bétail de la France ! […] Mais quand j’ai payé ces hommages aux individus et aux personnes, je me hâte d’ajouter que, eût-on réussi pour un temps en quelqu’un de ces biais et de ces remèdes palliatifs de l’ancien régime, on ne serait parvenu après tout qu’à faire ce qu’on appelle une cote mal taillée, rien de nettement tranché ni de décisif, et qu’il est mieux (puisqu’enfin les choses sont accomplies et consommées) qu’on en soit venu à cette extrémité dernière de n’avoir eu qu’un seul et grand parti à prendre, le parti à la Mirabeau et à la Sieyès : la France, en un mot, n’a pas perdu pour attendre ; et quand tout récemment, dans le compte rendu des séances du Sénat, je lisais ces déclarations spontanées d’un duc de La Force et d’un cardinal Donnet, si empressés à se replacer dans les rangs de tous, lorsqu’une parole inexacte avait paru un moment les en vouloir séparer, je pensais qu’au milieu de nos divisions mêmes d’opinions, il était consolant qu’on en fût venu à ce grand et magnifique résultat, aussi clair que le jour, à savoir qu’il n’y a plus en France qu’un seul ordre, une seule classe, un seul peuple.

529. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Mais, au milieu de ces études paisibles, de ces méditations solitaires, de ces reproductions naïves des anciens chefs-d’œuvre, survint l’invasion de 1815, qui brisa le cœur du jeune poëte comme celui de tous les amis de la France. Arraché par le bruit des armes étrangères au silence des bois, aux ombrages profonds du Taygète et de l’Hémus, sous lesquels s’égarait son imagination riante et sensible, il eut un cri sublime de douleur auquel la France entière répondit comme un seul écho. […] Dans cette sorte de tumulte factice, la pureté même du vers pris isolément n’est pas toujours respectée : Et d’un de ses deux bras qui nous donna des fers Appuyé sur la France, il enchaînait de l’autre Ce qui restait de l’univers. […] Le verrai-je ce jour où sans intolérance Son culte relevé protégera la France ? […] En France, on a eu Figaro à la veille de la Révolution, Pinto à la veille de l’Empire.

530. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Les Suisses, en contact avec la France, avec l’Italie, avec l’Allemagne, qui les conduit à l’Angleterre, semblent avoir des facilités et des aptitudes particulières pour comprendre les formes d’esprit de ces quatre nations : ils ont l’intelligence naturellement cosmopolite. […] Sa souple intelligence est comme paralysée par ses sympathies et ses ambitions : elle qui comprenait si bien et si vite tous les peuples, elle ne comprend pas la France révolutionnaire. […] Mais je ne sais ce qui a offusqué son clair esprit, retenu son âme affectueuse : elle qui savait, dans la Russie de 1812, deviner, aimer le moujik, elle n’a regardé, compté en France que les classes supérieures. […] Dans cette peinture de l’Allemagne, elle insiste beaucoup sur un caractère dont l’importance est de premier ordre pour la littérature : en France, la vie de société absorbe tout l’homme ; l’Allemand n’est pas homme du monde, pense plus qu’il ne cause, et préserve son originalité. Puisque le rapport est étroit entre la littérature et les mœurs, cette différence devra produire en Allemagne et en France des littératures tout à fait dissemblables.

531. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Je tiens pourtant à montrer le philosophe et le politique américain dans ses conditions antérieures, avec son existence déjà si remplie avant son arrivée et sa faveur en France, avant qu’il embrasse Voltaire. […] Franklin avait près de soixante et onze ans quand il vint en France à la fin de 1776. […] On raconte que, présenté à la cour de France quatre années plus tard, et dans l’une des premières circonstances solennelles de sa négociation heureuse et honorée, il mit à dessein ce même habit de cérémonie, afin de le venger et de le laver en quelque sorte de l’insulte de M.  […] Après plus d’une année passée dans les travaux les plus actifs et les missions les plus fatigantes, après avoir été envoyé, au sortir à peine de l’hiver, pour tenter d’insurger le Canada, il est choisi pour aller traiter auprès de la cour de France et pour s’efforcer de la rallier à la cause américaine. […] [NdA] Le docteur Priestley, qui tenait le fait d’un témoin, dit positivement que Franklin mit à dessein cet habit le jour où il signa à Paris le traité entre la France et l’Amérique, c’est-à-dire le 6 février 1778.

532. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Dans un appendice à son second tome, il se plaint de n’avoir point reçu tous les renseignements et mémoires qu’il espérait, « quoiqu’il n’y ait province en France, dit-il, où nous n’ayons fait voyager ». […] J’aurai, parmi les catholiques, ceux qui aiment la France et l’honneur. » Givry entre sur cette conclusion, ajoute d’Aubigné, et avec son agréable façon prit la jambe du roi, et puis sa main, dit tout haut : « Je viens de voir la fleur de votre brave noblesse, Sire, qui réservent à pleurer leur roi mort quand ils l’auront vengé ; ils attendent avec impatience les commandements absolus du vivant : vous êtes le roi des braves, et ne serez abandonné que des poltrons. » Cette brusque arrivée et la nouvelle que les Suisses venaient prêter leur serment mirent fin aux fâcheuses paroles, et Henri IV, coupant court à ceux qui hésitaient, n’eut plus qu’à faire acte de roi de France. […] Ayant pris part à toutes les menées et révoltes du parti qui signalèrent les premières années du règne de Louis XIII, mécontent des siens pour le moins autant que de la Cour, il jugea prudent à un moment de sortir de France et de se réfugier à Genève. […] Dans le temps même où il traitait de cette union, il recevait avis qu’il y avait sentence de mort portée contre lui en France ; ce lui fut une occasion d’éprouver sa fiancée, qui répondit en femme des anciens jours : « Je suis bien heureuse d’avoir part avec vous à la querelle de Dieu ; ce que Dieu a conjoint, l’homme ne le séparera point. » Il continua de vieillir en écrivant, en discutant ou raillant, en payant l’hospitalité des Suisses par des conseils d’ingénieur et de vieux soldat. […] D’Aubigné, qui n’était à sa place nulle part, se trouvait un réformé trop intraitable pour la France, trop libertin pour Genève.

533. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

II Vers la fin de 1854, au milieu des préoccupations inquiètes de l’Europe, à peine rassise des coups terribles que lui avaient portés les révolutions, on apprit qu’un Français venait d’être fusillé, comme un pirate, par le gouvernement mexicain, et que ce Français, ce jeune homme, qu’on appelait au Mexique le vainqueur d’Hermosillo, du nom de sa première bataille, gagnée avec deux cent cinquante hommes contre une armée et contre une ville, avait été jusqu’au dernier moment l’honneur de la France et avait donné d’elle la grande idée qu’elle n’a pas cessé de donner au monde quand, se détournant de ses misères intérieures, elle s’est retournée vers les autres nations et leur a montré un bout d’épée. […] En France, qui n’est pas de grande race militaire ? […] Ruiné en très peu de temps par le train d’une vie que ne comporte plus en France la médiocrité des fortunes, il ne s’appliqua pas sur le front le pistolet qui fit long feu quatre fois sur le front prédestiné de Clive. […] — ajoute-t-il. — La légation de France a été jouée comme moi par le général Santa-Anna. […] Vus de cette hauteur, de ces cinq années passées à chercher une fortune pour la France et pour lui, les autres détails de cette biographie paraissent insignifiants, si attachants, si curieux qu’ils puissent être, et tant on est enlevé dans une sphère supérieure à ces détails !

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