« Robespierre, dit-il, ailleurs, avait du prêtre dans sa nature… Né dans une ville de prêtres, élevé par les prêtres, qui même dès qu’il fut homme le prirent encore à eux et le firent juge d’église… dépassé par la Commune dans la question religieuse (la Commune, c’étaient Chaumette et la fête de la Raison), il devint l’homme d’Arras et de ses tristes précédents. […] « L’église de Saint-Vincent, dit-il, achetée par Chaux (un sans-culotte du temps) pour la société des Jacobins de Nantes, devint une vraie église où vinrent jurer les martyrs. » Traduisons cela. La vraie église était un club et les républicains qui partaient pour la Vendée y venaient chanter la Marseillaise devant un sanhédrin de bonnets rouges ! […] Dans ses Femmes de la Révolution, il a retrouvé tout entière son ancienne rage contre le prêtre à propos des femmes, près desquelles il le voit toujours, et qui furent hostiles à la confiscation des biens de l’Église, à la boucherie de l’échafaud ! […] Ses Femmes chrétiennes sont les femmes de l’Évangile, la Chananéenne, la femme malade, la fille de Jaïre, la femme adultère, la veuve de Naïm, la Samaritaine, Madeleine, Marthe, Marie, les saintes femmes au tombeau, etc., créatures de grâce ou de conversion, d’humilité et de repentance, ces perles dont l’écorce était l’amour de Dieu, les premières que l’Église propose à nos imitations !
Il ne se cachait pas du penchant qu’il avait pour cette profession, même parmi nous, jeunes gens très-profanes, et cela le faisait accepter par les hautes notabilités de Paris comme un futur ministre de l’Église. […] Il n’était rien moins que partisan de l’Église gallicane à cette date de sa vie ; car, en 1820, quelques jours avant mon départ pour Naples, il me fit prier par M. de Genoude de me rendre à une conférence secrète qui devait avoir lieu chez M. de Bonald pour fonder une Revue littéraire. Le but était de m’offrir des articles purement politiques à rédiger ; mais le sens principal de cette Revue était de combattre les principes de l’Église gallicane comme attentatoires à la liberté du souverain pontife et à la spontanéité de la foi catholique en France. […] Le pape déclina tout pacte avec ces hommes de talent, qui pouvaient compromettre l’Église dans des factions humaines. […] C’était le signal de sa rupture avec l’Église.
Le cardinal Jean De Medicis, qui ne vieillit point sous le chapeau, puisqu’il fut fait pape à trente-sept ans, renouvella la décoration de l’église de saint Pierre In Montorio, et il commença d’y faire travailler peu de temps après qu’il eut reçû la pourpre. […] La premiere en entrant dans l’église est peinte par Fra Sebastien Del Piombo . […] Les deux arcs de triomphe qui furent élevez à Severe son pere, les chapiteaux des colomnes qui étoient au septizonne qu’on a transportées en differentes églises lorsqu’il fut abbatu, et les statuës connuës pour être faites dans ce temps-là et qui nous sont demeurées, montrent que la sculpture et l’architecture étoient déja déchuës sous le regne de ce prince et de ses enfans. […] Une salle de cet édifice fait aujourd’hui l’église des chartreux de Rome. Une des loges des portiers fait une autre église.
Son père était dans l’Église et recteur à Berkhamstead lorsque William y vint au monde. […] Ses facultés étaient revenues assez au complet dès le huitième mois, depuis une visite qu’il reçut de son frère le révérend John Cowper, homme d’église, savant et régulier, et qui était venu de Cambridge pour le voir, en juillet 1764. […] Un matin, en sortant de l’église, le jeune Unwin, fils d’un ministre du lieu, aimable jeune homme de vingt et un ans, s’était approché de Cowper qui allait se promener mélancoliquement seul sous une rangée d’arbres ; il lui avait fait des prévenances et s’était invité lui-même à prendre le thé avec lui pour l’après midi. […] Une pensée se présente naturellement dans l’étude de cette maladie religieuse de Cowper : c’est qu’il eût été à souhaiter pour lui qu’entre un Dieu si puissant et si mystérieux jusque dans ses miséricordes et la créature si prosternée, il eût su voir encore, et se donner quelques points d’appui rassurants, soit dans une Église visible ayant pour cela autorité et pouvoir, soit dans des intercesseurs amis comme le sont pour des âmes pieuses la Vierge et les saints ; mais, lancé seul, comme il l’était, sur cet océan insondable des tempêtes et des volontés divines, le vertige le prenait malgré lui, et il avait beau adorer l’arbre du salut, il ne pouvait croire, pilote tremblant et timide, qu’il ne fût point voué à un inévitable naufrage.
On a beau suivre et étudier de près le récit que M. de Rohan a fait des guerres civiles religieuses sous Louis XIII, et le rôle si considérable qu’il y joua, on ne peut, même en se plaçant au point de vue le plus neutre et en évitant d’entrer dans les questions d’Église, s’intéresser fortement à lui et désirer à aucun moment son succès et le triomphe de ses armes. […] Sans parler de sa mère, femme forte, de vieille roche, l’inspiratrice et l’âme des résistances, et sur laquelle nous aurons tout à l’heure à revenir ; sans parler de sa femme, de cette fille de Sully, beauté toute jolie et mignonne, épouse des plus légères, mais fidèle politiquement et auxiliaire active et dévouée, Rohan avait pour second son frère : ce cadet, Benjamin de Rohan, connu sous le nom de Soubise, était l’homme de mer, l’amiral des Églises, de même que Rohan en était le généralissime sur terre et dans les montagnes. […] Il prétend, à travers tout, être resté un bon Français ; il a toujours l’air de ne prendre les armes que malgré lui, à son corps défendant, et parce qu’il ne peut en honneur s’en empêcher sans manquer à son devoir et au bien des Églises. […] Rohan, qui était d’accord de tout avec lui, mais qui n’avait pas voulu prendre les armes jusque-là, et qui même s’était prêté à un semblant de négociation avec la Cour, commence à se déclarer, « contraint de le faire, dit-il, pour montrer que ce n’était son impuissance, comme on se figurait, qui l’en avait empêché, mais bien le désir de pacifier toutes choses. » Il avait déjà parcouru bien des villes, accompagné d’un grand nombre de ministres, haranguant, disant des prières, faisant porter une Bible devant lui, fidèle à son double rôle de capitaine et de serviteur des Églises.
Quand la poésie lyrique s’est-elle réveillée dans le midi de l’Europe, en dehors de la langue et de l’Église romaines ? […] À elle appartenait ce premier âge des troubadours, qui sécularisa l’esprit en Europe, suscita devant l’Église une autre puissance d’opinion, commença le débat de la pensée libre contre le plus fort, et forma dans le midi de la France une race de chanteurs hardis et de poëtes populaires. […] Mais le génie lyrique dans son ardeur, dans sa passion, lui arrivait avec la parole sainte et les prières de l’Église : c’est là qu’il trouvait à la fois le surnaturel et l’enthousiasme. […] Un siècle et demi avant le Dante, quand l’italien à peine naissant ne s’écrivait pas encore, quand la prédication et la poésie étaient encore toutes latines en Italie, un des grands hommes de l’Église, Pierre Damien, ce pur et austère génie, parfois en lutte même contre Grégoire VII, et osant le nommer mon saint tentateur, mon saint satan, avait chanté dans un hymne la gloire du paradis.
Mais ce Bossuet déserté dans sa chaire est une invention, une exagération du commentateur, l’abbé de Vauxcelles ; et voici, au contraire, comment l’abbé Ledieu nous montre Bossuet en chaire, une des dernières fois qu’il prêcha dans sa cathédrale : « Le 2 d’avril (1702), dimanche de la Passion, M. de Meaux a assisté à la grand’messe pour commencer le jubilé, et sur les deux heures il a fait un grand sermon dans sa cathédrale, qui n’a été que l’abrégé de la doctrine de ses deux Méditations, et il a tout réduit à ce principe : Cui minus dimittitur minus diligit ; que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion. Ce discours était très tendre et très édifiant, et M. de Meaux l’a prononcé avec toutes ses grâces, et aussi avec une voix nette, forte, sans tousser ni cracher d’un bout à l’autre du sermon : en sorte qu’on l’a très aisément entendu jusqu’aux portes de l’église, chacun se réjouissant de lui voir reprendre sa première vigueur.
Dévouée, jusqu’à la superstition, à la volonté de Louis XIV, elle n’osait se commettre en rien, de peur de lui déplaire ; un mot de sa bouche eût sauvé Racine, et elle se garda de le risquer ; malgré sa prédilection pour le maréchal de Villeroi, elle en était venue à refuser sa protection à l’abbé de Villeroi pour l’archevêché de Lyon : « Je ne le connais pas assez, écrit-elle, pour me mêler de son établissement ; les places dans l’Église intéressent un peu la conscience de ceux qui les donnent, et l’on a bien assez de ses péchés sans avoir à répondre de ceux des autres. […] C’est moi qui ai désiré ardemment l’archevêché de Paris : quelles terribles affaires avons-nous contre un prélat (le cardinal de Noailles) qui, étant irréprochable dans ses mœurs, tolère le plus dangereux parti qui pût s’élever dans l’Église ; qui désole sa famille, et afflige sensiblement le roi dans un temps où sa conservation est si nécessaire. » Il faut le dire, cependant, cette vénération excessive pour la personne du vieux monarque n’est souvent qu’un devoir d’épouse qui honore madame de Maintenon ; il semble que ce soit le seul sentiment capable d’enlever cette âme froide à elle-même, et d’en tirer des accents de véritable émotion.
Bossuet n’a-t-il pas été jusqu’à vouloir réunir l’Église protestante à l’Église romaine ?
L’éloquence des docteurs de l’Église a quelque chose d’imposant, de fort, de royal, pour ainsi parler, et dont l’autorité vous confond et vous subjugue. […] « Le style de Tertullien est de fer, disait Balzac, mais avouons qu’avec ce fer il a forgé d’excellentes armes. » Selon Lactance, surnommé le Cicéron chrétien, saint Cyprien est le premier Père éloquent de l’Église latine .
Comme le solitaire de Bethléem, il avait assisté aux révolutions des empires ; il avait vu tomber Versailles et persécuter le Christianisme ; comme lui, victime d’une mélancolie native que les événements du monde avaient nourrie, il avait cherché dans de lointains exils le remède de ses douloureuses contemplations ; la foi lui était venue de ses larmes, et, purifiant tout à coup son génie jusque-là sans règle, elle lui avait inspiré, sur les ruines de l’Église et de la monarchie, les premières pages qui eussent consolé le sang des martyrs et les tombes de Saint-Denis. […] sont-ce ses Contes, son Dictionnaire philosophique, son Essai sur les Mœurs des Nations, et cette multitude de pamphlets sans nom lancés à tout propos contre l’Évangile et l’Église ? […] Qu’elle est donc loin de nous et à jamais disparue cette école française sévère, cette Église gallicane prudente qui se défendait le plus possible de traiter la religion comme une mythologie !
Ce n’est peut-être pas le christianisme de l’Église primitive ; mais c’est celui du XVIIe siècle. […] Jules Barbier n’est point une aventure particulière, mais la tragique et sanglante et merveilleuse histoire de l’Église de Lyon dans la dix-septième année du règne de Marc-Antonin ; que son dessein est de nous peindre des phénomènes moraux collectifs, de nous montrer, dans tout un groupe de chrétiens, la contagion de la foi et de l’héroïsme, la sublime émulation et, proprement, l’ivresse du martyre ; et, si vous voulez, de donner une forme dramatique au dix-neuvième chapitre du Marc-Aurèle d’Ernest Renan. […] Ç’a été une « opinion distinguée », du moins parmi les journalistes, et c’est devenu un lieu commun, de rapprocher nos révolutionnaires les plus emportés, et spécialement nos anarchistes, des chrétiens de la primitive Église, et d’affirmer qu’ils se ressemblent comme des frères.
Ce n’était pas le festin rituel de la pâque, comme on l’a supposé plus tard, en commettant une erreur d’un jour 1074 ; mais pour l’Église primitive, le souper du jeudi fut la vraie pâque, le sceau de l’alliance nouvelle. […] Nul doute, en effet, que l’amour tendre dont le cœur de Jésus était rempli pour la petite église qui l’entourait n’ait débordé à ce moment 1075. […] C’est toujours l’unité de son Église, constituée par lui ou par son esprit, qui est l’âme des symboles et des discours que la tradition chrétienne fit remonter à ce moment sacré : « Je vous donne un commandement nouveau, disait-il : c’est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il y a bien l’aversion de l’Église, mais cette aversion n’est pas la haine de Luther, ni celle de Calvin, ni celle de Voltaire, ni celle de Lamennais, ni même celle de M. […] N’y a-t-il pas dans celle histoire du plus loyal des libres penseurs que la Saint-Barthélemy n’est imputable matériellement ni à l’Église ni à l’Espagne ? Or l’Église seule nous suffisait.
Souvenez-vous de ce qui se passa lorsqu’on établit l’Église constitutionnelle. […] N. se moque de l’Église constitutionnelle, ce n’est pas l’embarras ; le mal est qu’elle déteste la nôtre et qu’elle n’en veut point. […] Est-ce agir rondement de promettre une Église catholique, et de bannir les prêtres catholiques ? […] On cite son mot presque affreux à Mme de Staël, qui le voyant à Saint-Pétersbourg, le voulut mettre sur l’Église anglicane et sur ses beautés : « Eh bien, oui, madame, je conviendrai qu’elle est parmi les Églises protestantes ce qu’est l’orang-outang parmi les singes. » Ce qui doit choquer dans ce mot n’est pas ce qui tombe sur l’Église anglicane, laquelle cumule en effet toutes les cupidités et les hypocrisies. […] Les Soirées de Saint-Pétersbourg suivirent de près l’Église gallicane, et parurent la même année (1821).
Ce temple nu des dissidents, cet office et cette église simple des anglicans, les laissent tout entiers à l’impression de ce qu’ils lisent et de ce qu’ils entendent. […] Voilà le sentiment profond qui, le dimanche, ferme les théâtres, interdit les plaisirs, remplit les églises ; c’est lui qui perce la cuirasse de l’esprit positif et de la lourdeur corporelle. […] Ils l’aiment ; on le voit aux clameurs d’émeute qui montent comme un tonnerre sitôt qu’un imprudent touche ou semble toucher à l’église. […] Nous sommes décidés à garder une Église établie, une monarchie établie, une aristocratie établie, une démocratie établie, chacune au degré où elle existe et non à un plus grand. » Nous révérons la propriété partout, celle des corporations comme celle des individus, celle de l’Église comme celle du laïque. […] L’Église et l’État sont dans nos esprits deux idées inséparables. » Nous asseyons notre établissement sur le sentiment du droit, et le sentiment du droit sur le respect de Dieu.
Étant donné cet élément clérical, on a peine à comprendre comment les clercs, qui nous ont conservé Saint-Alexis, ne nous auraient pas conservé au moins deux ou trois de ces anciens et nombreux poèmes admis par hypothèse, où les preux mettaient leur épée au service de l’Église et couronnaient leur vie héroïque par un édifiant moniage. […] La « douce France » s’affirme à la fois comme la première nation européenne (la première en date, la plus consciente et la plus puissante), et comme la fille aînée de l’Église. […] L’Église s’est accommodée à la réalité, mettant son autorité au service de la royauté, moyennant quoi elle règne dans l’enseignement, dans la vie intellectuelle, où elle crée par saint Thomas d’Aquin un système qu’il est permis aujourd’hui de combattre à outrance sans en méconnaître la grandeur géniale. […] Née autour d’un sanctuaire, le long des routes de pèlerinage, l’épopée manifeste l’union intime de l’Église et de la royauté. […] On retrouve l’esprit bourgeois, la satire contre la féodalité, contre l’Église et la femme dans les Cent nouvelles nouvelles, et chez Antoine de la Salle ; l’esprit dramatique y perce à chaque instant sous la forme épique.
C’est une copie, conservée aussi à la Bibliothèque de la Faculté de l’Église libre du canton de Vaud, qui porte la date, ou date incomplète, citée plus haut. […] Une tendance au pélagianisme est une des conditions de vie du catholicisme comme catholicisme, et le jour où les doctrines de Port-Royal seraient les doctrines officielles de l’Église, l’Église aurait cessé d’être. […] Ce qui restait des doctrines de la grâce dans l’Église ne suffisait plus aux catholiques qui n’étaient pas seulement graves, mais sérieux. […] On reconnaît même ici quelque chose de plus que l’idée catholique ordinaire ; Port-Royal enchérit sur le système de l’Église, ou plutôt (car au fond cela n’est pas possible), il l’accentue avec énergie, il y revient souvent, il y ramène sans cesse. […] Derrière Bossuet, je vois l’Église ; derrière Saint-Cyran, je ne vois rien, rien que la vérité.