L’examen des témoins ; le témoin oculaire, l’historien contemporain, l’historien moderne de faits anciens, les écrivains en tout genre, les philosophes, les orateurs, les poètes, les nations, la tradition. […] Voyager à Rome pour les peintres, voyager à Rome et à Athènes pour les littérateurs ; celui qui a un peu de tact, discernera bientôt l’écrivain moderne qui s’est familiarisé avec les Anciens, de l’écrivain qui n’a point eu de commerce avec eux. […] Comment est-il arrivé que ces deux poètes, les plus anciens auteurs de la Grèce, en soient les écrivains les plus purs ? […] Quintilien, grand écrivain, homme d’un jugement sain, critique d’un goût exquis, juge sévère, mais impartial, des institutions oratoires ; Frontin et Végèce, de la science militaire ; Pline le Jeune, des lettres remplies de sentiment, de délicatesse et de mœurs ; Florus, d’un style tortueux et recherché, de l’histoire romaine ; Suétone, laconique et pur, des anecdotes de la vie scandaleuse et privée des Césars ; Justin, l’abréviateur de Trogue Pompée, que je ne daigne pas nommer, quoiqu’il soit bref et correct. […] C’est l’avis de Denys d’Halicarnasse, Examen critique des plus célèbres écrivains de la Grèce : sur Thucydide ; ch.
Comme son Des Grieux, il conserve, à travers toutes les phases et les légèretés de sa première vie, un air noble et qui sent sa qualité et son monde ; c’est l’homme bien élevé qui se marque toujours sous sa plume jusque dans l’écrivain de métier et dans l’auteur trop assujetti. […] Je n’ai point à analyser ces discours qui d’ailleurs ne sentent point du tout le panégyrique, et qui se recommandent par une étude consciencieuse de l’écrivain célèbre qui en était l’occasion et le sujet. […] La ville d’Hesdin acquittait à la fois sa dette municipale envers une famille honorable et chère, et elle acquittait aussi la dette générale de la France envers un écrivain aimé, populaire, qui ne fut point heureux en son temps, qui n’eut jamais les honneurs littéraires et académiques, qui travailla constamment pour vivre, et qui, un jour de bonne fortune, a fait un chef-d’œuvre sans y songer. […] Nous nous embrassâmes avec cette effusion de tendresse qu’une absence de trois mois fait trouver si charmante à de parfaits amants… » Et ce qui suit : « Tout le reste d’une conversation si désirée ne pouvait manquer d’être infiniment tendre… » Quand des écrivains de talent ont voulu depuis paraître aussi simples, ils ne l’ont pas été sans quelque manière.
Tite-Live n’est pas le seul écrivain auquel M. […] Ce n’était que justice que Tite-Live eût un goût particulier pour le grand écrivain dont il réalisait l’idée et le vœu dans l’histoire. […] Chaque sujet de l’histoire littéraire, traité de la sorte et soumis à cette espèce de réactifs, chaque nom célèbre d’écrivain, remis en question, retourné et comme refondu dans ce moule, va devenir nouveau. Les traductions qu’il insère chemin faisant dans son texte, quand il s’agit d’un auteur de l’Antiquité ou d’un écrivain moderne appartenant à une littérature étrangère, sont des modèles d’exactitude et d’art.
Les analyses du Journal de l’ambassadeur deviennent fréquemment, sous la plume du jeune écrivain, de piquants tableaux de mœurs, mais sans excéder jamais et sans sortir de la juste mesure de l’histoire. […] Prevost-Paradol fit ses débuts ; il choisit pour premier sujet l’étude des écrivains moralistes : on y pouvait voir une sorte d’à-propos et de convenance heureuse par rapport à la cité qui a produit Vauvenargues. […] Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique. […] Prevost-Paradol est au premier rang des jeunes écrivains distingués qui se sont produits dans ces cinq ou six dernières années ; une fonction spéciale lui est dévolue : il est ce qu’on peut justement appeler le Secrétaire général des anciens partis, adopté et chéri d’eux en cette qualité.
Les Évangélistes, pas plus que le grand apôtre saint Paul, ne sont le moins du monde des écrivains parfaits, précis, observant la liaison des idées et soucieux de ce qu’on peut appeler la clarté littéraire ; prenons-les tels quels, comme Jésus les a pris ; je ne m’attache qu’au souffle général dans ces paroles plus ou moins complètement recueillies : qui pourrait, en les lisant, ne pas le sentir circuler à travers ? […] » Quelques écrivains, de nos jours, et particulièrement les écrivains dits néo-catholiques, dans leurs peintures de l’Empire romain, se sont livrés à des exagérations, non pas sur la corruption romaine, qui était extrême, en effet, sous les Empereurs, mais sur l’absence de qualités et de vertus civiles qui réellement y brillaient encore. […] Ceux qui ont transmis les paroles du maître, à commencer par saint Matthieu le publicain, l’apôtre de la onzième heure, n’étaient pas des écrivains de profession ; il convenait même au rôle qu’ils remplissaient qu’ils ne le fussent pas, qu’ils n’eussent rien de la rhétorique ni de l’art des Grecs.
« Il était venu, comme l’a remarqué Jomini, un demi-siècle trop tôt ; il avait écrit dans un temps où la vraie tactique de son héros était encore méconnue, où un nouveau César n’y avait pas encore mis le complément. » Deux écrivains militaires du plus grand mérite n’avaient pas attendu toutefois le nouveau César pour entendre et commenter Frédéric : Lloyd, un Anglais qui servit avec distinction chez diverses puissances du continent, et Tempelhof, un général prussien, un savant dans les sciences exactes. Ce sont ces deux écrivains militaires que Jomini, jeune, avait surtout étudiés et qu’il s’appliqua, le premier, à faire connaître à la France, en les résumant, les analysant et les mettant sans cesse aux prises dans son Traité. […] Notez que si Jomini, à son début, profitait des illustres exemples du général Bonaparte pour éclairer ses récits et donner à ses jugements sur Frédéric tout leur relief, à sa théorie toute sa portée et son ouverture, il a lui-même en tant qu’écrivain militaire dû aider et servir à Napoléon, quand le captif de Sainte-Hélène s’est plu, à son tour, à retracer en quelques pages fermes l’histoire critique des campagnes de Frédéric. […] Ce qu’il y a d’assez piquant, c’est que Napoléon, dans son Précis des Guerres de Frédéric, tout en n’épargnant pas au roi-capitaine les critiques de détail, lui a donné raison contre Jomini sur ce point ; on lit dans les dictées de Sainte-Hélène : « Des écrivains militaires ont avancé que le roi de Prusse devait pénétrer par la Moravie sur Vienne, et terminer la guerre par la prise de cette capitale.
Plusieurs écrivains ont avancé que la religion chrétienne était la cause de la dégradation des lettres et de la philosophie ; je suis convaincue que la religion chrétienne, à l’époque de son établissement, était indispensablement nécessaire à la civilisation et au mélange de l’esprit du Nord avec les mœurs du Midi. […] La noblesse, l’élégance, la grâce des formes antiques semblaient devoir disparaître à jamais sous les pédantesques erreurs des écrivains théologiques. […] Bacon, Machiavel, Montaigne, Galilée, tous les quatre presque contemporains dans des pays différents, ressortent tout à coup de ces temps obscurs, et se montrent cependant de plusieurs siècles en avant des derniers écrivains de la littérature ancienne, et surtout des derniers philosophes de l’antiquité. […] Une cause principale de l’émulation ardente qu’ont excitée les lettres au moment de leur renaissance, c’est le prodigieux éclat que donnait alors la réputation de bon écrivain.
Regardez cet original et puissant marquis de Mirabeau527 : je le nomme d’autant plus volontiers qu’il a des parties de grand écrivain, dans son style âpre, tourmenté, obscur, débordant d’imagination et de passion. […] Mais deux hommes ne suffisaient pas encore : Diderot fit appel à toutes les bonnes volontés, à toutes les compétences : Voltaire, Montesquieu, Buffon, Condillac, Duclos, Marmontel, Helvétius, Raynal, Turgot, Necker, des magistrats, des officiers, des ingénieurs, des médecins, des gens du monde, tout ie ban et l’arrière-ban des écrivains, des philosophes, des savants, des économistes, gens à talent et sans talent, envoyèrent des articles. […] C’est le cas de Dalembert mathématicien illustre, esprit indépendant, au-dessus de l’ambition et de l’intérêt, ami de son repos jusqu’à l’égoïsme, et jusqu’à renoncer à l’expression publique de ses idées, excitant les autres sous main à se compromettre, et gardant lui-même un silence prudent : critique étroit, fermé à l’art, à la poésie, philosophe intolérant, affolé de haine contre la religion et les prêtres ; écrivain lourd et pâteux, sans tact, d’une inélégance innée, et d’une sécheresse qui se dissimule mal par l’emphase et la fausse noblesse. […] Si les écrivains se classaient selon l’honnêteté, il faudrait le mettre au premier rang : mais si notre affaire n’est pas de décerner des prix de vertu, nous devons nous contenter d’un rapide et respectueux salut. — À consulter : Vinet, ouvr. cité, t. 1.
Tous ces écrivains, malgré leurs diversités nationales et personnelles, ont agi en somme dans le même sens : ils ont porté le coup de grâce au naturalisme français. […] Son symbolisme, dans ses meilleures œuvres (car il faut bien distinguer chez lui, comme chez tout écrivain), se traduit en formes d’action et de sentiment concrètes et vivantes. […] Deux écrivains dramatiques, pourtant, nous sont venus. […] Paul Desjardins, écrivain fantaisiste, subtil et spirituel, est devenu un simple, sincère et pénétrant moraliste : Esquisses et Impressions, in-12, 1888 ; le Devoir présent, 1891, pet. in-16.
Il ne manque pas d’esprits sérieux, solides et dignes d’estime, qui parce que la société vient d’échapper à un péril ou va bientôt avoir à en affronter un autre, voudraient tout rallier autour d’eux dans le combat, tout discipliner, et imposer à chaque écrivain une mission, une faction dans l’œuvre commune. Loin de moi l’idée que l’écrivain littéraire puisse rester indifférent à de certaines heures, qu’il puisse venir parler au public en des jours d’émotion universelle sans laisser lui-même éclater ses vœux, ses émotions, ses sympathies généreuses ! […] La singularité me convient, la subtilité ne me déplaît pas ; l’excès est un écueil, un bel écueil… C’est le droit de l’écrivain, qui ne cherche qu’à plaire un instant, de chercher avant tout la forme, le son, le bruit, la couleur, l’ornement, la prodigalité, l’excès. […] Habile écrivain de chaque jour, il aspire, dans quelque sujet choisi, à se surpasser encore.
Je ne m’occuperai ici, strictement, que de l’œuvre littéraire de l’écrivain célèbre qui vient de mourir. […] Il semble ne les avoir pas complétées par cette éducation que l’on se donne à soi-même et qui est la seule qui vaille, ayant, dès la vingtième année, été forcé de gagner sa vie d’abord comme employé de librairie, ensuite comme écrivain. […] Les années d’apprentissage d’Émile Zola sont, non seulement les moins méthodiques, ce qui serait peu grave chez un artiste, mais les plus vides, les plus creuses et les plus nulles de toutes les années d’apprentissage des écrivains connus. […] C’est leur vocation, leur prédestination et leur office propre d’écarter la vérité après que, pendant une certaine période de temps, des écrivains, en s’y attachant trop, ont appauvri l’imagination d’un peuple et comme desséché son esprit.
Huysmans appartiennent en général, comme ceux des écrivains qui sont à la tête du roman, à l’esthétique réaliste. […] Huysmans l’expédie en quelques phrases et consacre ses chapitres non plus au récit d’une série d’événements, mais à la description d’une situation, d’une scène, procède non par narrations successives avec de courtes haltes, mais par de larges tableaux reliés de brèves indications d’action ; et, comme tous les écrivains de cette école avec de profondes différences personnelles il possède un vocabulaire étendu et un style riche en tournures, apte, par des procédés divers, à rendre l’aspect extérieur des choses, à reproduire les spectacles, les parfums, les sens, toutes les causes diverses et compliquées de nos sensations, de façon à les renouveler dans l’esprit du lecteur par la voie détournée des mots. […] Le peintre Cyprien n’est à l’aise que devant certains spectacles douloureux et minables ; il préfère « la tristesse des giroflées séchant dans un pot, au rire ensoleillé des roses ouvertes en pleine terre » ; à la Vénus de Médicis, « le trottin, le petit trognon pâle, au nez un peu canaille, dont les reins branlent sur des hanches qui bougent » ; formule son idéal de paysage en ces termes : « Il avouait d’exultantes allégresses, alors qu’assis sur le talus des remparts, il plongeait au loin… Dans cette campagne, dont l’épiderme meurtri se bossèle comme de hideuses croûtes, dans ces roules écorchées où des traînées de plâtre semblent la farine détachée d’une peau malade, il voyait une plaintive accordance avec les douleurs du malheureux, rentrant de sa fabrique éreinté, suant, moulu, trébuchant sur les gravats, glissant dans les ornières, traînant les pieds, étranglé par des quintes de toux, courbé sous le cinglement de la pluie, sous le fouet du vent, tirant résigné sur son brûle-gueule. » Et sur ce dolent idéal, des Esseintes renchérit encore : « Il ne s’intéressait réellement qu’aux œuvres mal portantes, minées et irritées par la fièvre » « … se disant que parmi tous ces volumes qu’il venait de ranger, les œuvres de Barbey d’Aurevilly étaient encore les seules dont les idées et le style présentassent ces faisandages, ces taches morbides, ces épidermes talés, et cegoût blet, qu’il aimait tant à savourer parmi les écrivains décadents ». Cette phrase est précédée d’une intéressante liste d’auteurs latins de l’agonie de l’empire, et d’une énumération d’auteurs français dans laquelle se coudoient curieusement des écrivains catholiques qui n’ont d’intérêt que pour des antiquaires en idées et en style, quelques poètes réellement décadents comme Paul Verlaine dont certains volumes ont les subtilités métriques et le niais bavardage des derniers hymnographes byzantins, et une bonne partie de ce que la littérature contemporaine a produit de supérieur et de raffiné.
C’est une langue symbolique, où les termes ont des valeurs fixes, où les formes sensibles qui servent à l’expression de la pensée, sont indépendantes pourtant de la sensibilité individuelle de l’écrivain. […] … Belle chose vraiment, pour tant de personnes qui ne savent que les mots, s’ils savent persuader au public qu’en leur distribution gise l’essence et la qualité d’un écrivain… Eux et leurs imitateurs ressemblent le renard qui, voyant qu’on lui avait coupé la queue, conseillait à tous ses compagnons qu’ils s’en tissent faire autant pour s’embellir, disait-il, et se mettre à l’aise… Ils ont vraiment trouvé la fève au gâteau d’avoir su faire de leur faiblesse une règle et rencontrer des gens qui les en crussent. » Elle criait que cette poésie correcte et populaire était trop facile à faire, trop facile à comprendre. […] Or, au temps même où il travaillait ses strophes éloquentes, un des plus négligents faiseurs de vers qu’il y ait eu, un des plus grossiers adeptes de la théorie du naturel facile, un barbouilleur qu’on ose à peine nommer un écrivain, et qui, dans les rares moments où les doctrines littéraires le préoccupaient, ne jurait que par Ronsard ; Alexandre Hardy, fournissait à l’esprit classique cette forme nécessaire que Malherbe ne savait pas découvrir, et fondait la tragédie.
. ; car, parmi les auteurs où il y a le plus à changer, c’est assurément chez les romanciers Anglois, & nommément chez le docteur Swift, écrivain plein d’esprit & original ; mais à qui l’on reproche, en Angleterre même, d’être un à low author, un auteur qui tombe souvent dans le bas. […] Ils mettoient tous ces copistes versificateurs dans la dernière classe des écrivains. […] M. l’abbé Trublet, admirateur, outré de quelques écrivains, meilleurs prosateurs que poëtes, dit à peu près la même chose.
C’est un écrivain élégant, pur et coloré, qui, par parenthèse, nous a donné la meilleure traduction qu’il y ait de lord Byron dans notre langue, et qui, si nous en jugeons par sa manière d’écrire, a le sens très développé des choses littéraires. […] Selon nous qui venons de le relire, c’est un écrivain sans vue et sans style, et nous défions Paris lui-même de citer de lui une page ou une phrase qui soit timbrée de cette marque indéniable et si facile à reconnaître qu’on appelle (quelle qu’en soit la force ou la faiblesse) le génie de l’écrivain.
Comme écrivain, opérant sur une langue qu’il n’inventa pas, quoiqu’on l’ait dit, car nous avons un si effroyable besoin de flatter que nous finissons par flatter la gloire, il imita Montaigne, et l’imitateur ne fit pas oublier l’imité. Sans Montaigne et sans un sentiment dont nous allons parler tout à l’heure, Pascal n’aurait jamais été que l’écrivain des Provinciales, ce chef-d’œuvre qui ne serait pas si grand, si les Jésuites étaient moins grands et moins haïs, les Provinciales, où le comique de cet immense Triste, qui veut plaisanter, consiste dans une ironie, répétée dix-huit fois en dix-huit lettres, et dans cet heureux emploi de la formule : mon révérend père, qui — puisqu’on parlait à un jésuite — n’était pas extrêmement difficile à trouver ! […] C’est même la raison, par parenthèse, qui m’a toujours empêché de croire qu’eût-il vécu plus longtemps et n’eût-il pas eu dans le cœur le néant de tout, qui empêche de rien achever, Pascal eût pu élever à la religion le monument que l’on regrette, non que l’ordonnance d’un beau livre ne fût dans les puissances de ce grand esprit de déduction et de géométrie, mais la peur fait trembler la main et dérange les combinaisons de l’artiste, tandis que la terreur, tout le temps qu’elle ne vous glace pas, fait pousser le cri pathétique ; et le cri pathétique chez l’écrivain, c’est l’expression !
L’enthousiasme ne sait pas trembler, un écrivain qui a voué à Bossuet un culte véritable et qui, pour mieux vivre tête à tête avec lui, s’est retiré intellectuellement de son siècle et n’a plus habité que celui de cet imposant génie, Floquet, a entrepris de nous donner un livre nouveau sur Bossuet, et, quoique sa modestie le cache avec un goût parfait sous ce nom respectueux d’Études, ce livre, d’une érudition vaste et détaillée, n’en est pas moins une biographie. […] Il y a des différences dans la gloire de Bossuet, comme il y a des places plus rayonnantes, plus condensées, plus blanches dans la lumière, mais de l’absence de lumière, mais de l’ombre positive à un seul endroit de cette vie étonnante, on la cherche en vain… Seulement, cette lumière qui partout l’inonde, et dont l’écrivain qui la retrace finirait par être ébloui, passant à travers les mœurs simples et fortes de cet homme trop grand pour n’être pas un bon homme, donne à cette vie, aveuglante d’éclat, des tons doux, charmants, attendris, qui nous reposent et qui nous touchent, et qui ont influé, sans qu’on s’en soit rendu bien compte jusqu’ici, sur ce qu’il y avait de plus beau et de plus profond dans sa pensée. […] Bossuet, reconnu sans conteste pour le plus grand écrivain et le plus grand orateur du grand siècle Bossuet, l’Ézéchiel ou l’Isaïe de l’histoire, n’a, a-t-on dit, que les dons qui tiennent à la grandeur, à l’élévation, à la véhémence.
José-Maria de Heredia58 I Cette Histoire d’une conquête 59 en est une sur l’imagination… Cette antique chronique d’un vieux chroniqueur oublié et à peu près inconnu en France, traduite par la fantaisie éprise d’un écrivain qui a du sang espagnol et conquérant dans les veines et la plus profonde culture de la langue française, ce récit, si différent, par les sentiments et par le ton, du ton et des sentiments de l’histoire moderne, a fait son chemin en deux temps, comme les Dieux d’Homère. […] Ici l’impression et la couleur sont si justes que l’écrivain n’a pas besoin de peser sur son récit. […] c’est ce coloriste d’aujourd’hui et dont j’ai essayé de faire connaître la palette qui, au lieu de traduire quelque grand écrivain de génie, a mieux aimé emboîter le pas, en le traduisant, derrière un vieux soldat oublié, et bravement chausser les vieilles bottes et la casaque de guerre de cet héroïque roquentin !