Montaigne profita de la permission, dans les intervalles du temps où il écrivait les deux premiers livres des Essais, et plus d’un passage fait allusion au spectacle qu’il y avait eu sous les yeux. […] Mais, écrire est toujours périlleux. […] Le maréchal de Matignon, au lieu d’écrire, aima mieux communiquer verbalement les nouvelles, et Montaigne fut chargé de les porter en personne à Bergerac où se trouvait alors Henri. […] La lettre mémorable de Montaigne, écrite au maréchal de Matignon et datée de la nuit du 22 mai, est déjà connue depuis une quinzaine d’années ; elle a été amplement discutée et commentée par plus d’un et par moi-même. Elle fait le plus grand honneur à celui qui l’a écrite.
Les Formes sont le verbe de l’être qui écrivit avec des mondes sa pensée ou lui-même. […] Pour arriver à mieux, il renie la maternelle nature : le peintre agence des lignes qui n’obéissent plus à la divine concordance ; le littérateur écrit « la Justice » et paraît oublier que le vers est rythme et image. […] Mais le Poète doit chercher moins à conclure qu’à donner à penser, de telle sorte que le lecteur, collaborant par ce qu’il devine, achève en lui-même les paroles écrites. […] » J’écrivais tantôt : le symbole existe par la cohésion soudaine des formes, qui les montre désormais nécessairement unies et exprime implicitement leur unité idéale. […] J’écrivais plus haut : l’emblème est l’image conventionnelle d’une idée.
Gide, qui parlera plus tard de Nietzsche avec ferveur, l’ignorait encore lorsqu’il écrivit Walter. […] Il écrivit les Caves du Vatican. […] Comme je l’ai écrit à M. […] « Un bon roman s’écrit plus naïvement que cela », dit Bernard. […] André Gide écrit des choses fort piquantes, quoique souvent bien injustes.
Tous les trois, doués ainsi diversement, mais au plus haut degré, du talent de la parole, ils ont possédé moins également celui d’écrire. […] Guizot, au début, l’avait aussi peu que possible, eu égard à sa distinction ; il a écrit peut-être quelques-unes des plus mauvaises pages qu’on ait lues en français (dans sa notice en tête de la traduction de Shakspeare) ; il s’est formé depuis au style écrit par l’habitude de la parole, et l’usage, le maniement si continuel et si décisif qu’il a eu de celle-ci, l’a conduit à porter dans tout ce qu’il écrit la netteté inséparable de sa pensée. — Cousin est peut-être celui des trois qui, sans effort, atteindrait le mieux au grand style d’autrefois et qui jouerait le plus spécieusement, plume ou parole en main, la majestueuse simplicité du siècle de Louis XIV. — Pour Villemain, par l’éclat même et les élégantes sinuosités de sa recherche, il trahit un âge un peu postérieur ; il enchérit à quelques égards sur le xviiie siècle, en même temps qu’il le rafraîchit, qu’il l’embellit avec charme et qu’il l’épure.
Dévouée, jusqu’à la superstition, à la volonté de Louis XIV, elle n’osait se commettre en rien, de peur de lui déplaire ; un mot de sa bouche eût sauvé Racine, et elle se garda de le risquer ; malgré sa prédilection pour le maréchal de Villeroi, elle en était venue à refuser sa protection à l’abbé de Villeroi pour l’archevêché de Lyon : « Je ne le connais pas assez, écrit-elle, pour me mêler de son établissement ; les places dans l’Église intéressent un peu la conscience de ceux qui les donnent, et l’on a bien assez de ses péchés sans avoir à répondre de ceux des autres. […] Dans tout ce qu’elle écrit se mêle la pensée de Louis XIV ; elle en est absorbée ; sa sollicitude n’omet aucune circonstance sur la santé défaillante du vieillard ; une garde-malade n’en dit pas plus ; elle omettrait plutôt un succès de Villars qu’une prescription du médecin Fagon, et chaque fois que le roi prend sa médecine de précaution, madame des Ursins en est informée. […] Le même besoin de condoléance et de chuchotage la rapprochait de Villeroi : « Notre maréchal de Villeroi et moi, écrit-elle avec une sorte de satisfaction chagrine, déplorons souvent nos pertes et critiquons tout ce qui se passe. » Le vieux favori mécontent compatissait de grand cœur, comme on peut croire, aux plaintes éternelles de sa désolée confidente, et tous deux se consolaient à l’envi dans ces épanchements lamentables. […] « Votre politesse, écrit-elle à madame des Ursins, veut donc aller jusqu’à m’en demander des nouvelles, connaissant la faiblesse des mères. » Elle avait fini par y passer toutes ses journées, et n’allait plus qu’au soir à Versailles.
Je remplace mes premiers ouvriers par le chiffre quatre, leur premier travail par le chiffre douze, tous mes ouvriers ensemble par le chiffre dix, l’ouvrage inconnu qu’ils me feront par le signe X, et j’écris la proportion suivante : À partir d’aujourd’hui, sauf accident ou ivrognerie, si les nouveaux ouvriers travaillent comme les anciens, si tous ensemble travaillent comme les premiers ont travaillé d’abord, mes dix ouvriers feront chaque jour trente mètres de mon mur. — Rien de plus commun qu’une pareille opération ; tous les calculs pratiques se font de même. […] Après avoir fait plusieurs opérations comme la précédente, je puis remarquer que, dans tous les cas semblables, la proportion s’écrit de la même façon, que toujours le premier chiffre remplace les premiers ouvriers, que toujours le second remplace leur ouvrage, que toujours le troisième remplace tous les ouvriers pris ensemble, que toujours le quatrième remplace l’ouvrage inconnu. […] Dorénavant je remplace le premier chiffre par A, le second par B, le troisième par C, et j’écris la proportion suivante : Et je vois que dans tout cas semblable, pour savoir l’ouvrage total, il me suffira de multiplier le nombre des ouvriers réunis par le chiffre de l’ouvrage des premiers, puis de diviser le produit par le nombre de ces premiers. Au lieu de ce cas si réduit, considérez le travail d’un algébriste qui écrit des équations sur un tableau pendant une heure.
Je n’ai point la prétention, dans un article de journal, vite écrit pour être lu cent fois plus vite encore, de parler dignement d’un tel livre. […] Le plus distingué d’entre eux écrivait dernièrement : « Oh ! […] Or, je le répète, cet esprit de foi éclate dans le premier livre écrit par M. […] C’est une des plus notables singularités de son génie. « … Comme Hégel, écrit-il, j’avais le tort d’attribuer trop affirmativement à l’humanité un rôle central dans l’univers.
Les Philosophes, dont il a été l’Eleve, l’Explorateur & le Héraut, se sont efforcés d’en faire un Grand Homme, & leurs efforts n’ont abouti qu’à le rendre ridicule : ses Adversaires, indisposés sans doute par le ton de suffisance, qui se manifeste dans ses moindres Ecrits, en ont fait un Nain, un Pygmée, un Lilliputien, & il faut convenir qu’ils l’ont un peu trop raccourci. […] Ce n’est pas qu’ils soient tout-à-fait dépourvus de mérite : ils annoncent des connoissances, des lumieres, un esprit cultivé, & sont écrits avec assez de correction ; mais ils manquent tous de cette chaleur qui anime & passionne le Lecteur, qui le fait entrer dans les sentimens du Panégyriste, & sans laquelle il n’existe pas de vrai talent. […] Nous n’ignorons pas que M. de Voltaire a dit hardiment qu’il ne connoissoit pas de Piece mieux écrite que Mélanie ; mais personne n’ignore non plus combien M. de Voltaire étoit prodigue d’éloges à l’égard de ses adulateurs. Quand il seroit vrai que Phédre ne fùt pas mieux écrite que Mélanie, s’ensuit-il que celle-ci soit une bonne Piece ?
D’autres enfin s’écrivent en anglais et se prononcent en français : club, cottage, tunnel, jockey, dogcart ; il est très probable qu’ils auraient fini par devenir clube 73, cotage, tunel, joquet, docart, si la Demi-Science et le Respect n’étaient d’accord pour s’opposer à leur déformation. […] Il est inadmissible qu’on me demande de prononcer prouffe un mot écrit proof. […] La langue de la marine s’est fort gâtée en ces derniers temps, j’entends la langue écrite par certains romanciers, car la langue orale a dû se maintenir intacte. […] Snob (qui devrait s’écrire snobe) et snobisme sont assez bien naturalisés.
Un poète a écrit le Paradis perdu ; un autre poète a écrit les Ténèbres. […] Et ce que ferait ainsi, dans l’ensemble de son œuvre, avec tous ses drames, avec toutes ses poésies, avec toutes ses pensées amoncelées, ce poëte, ce philosophe, cet esprit, ce serait, disons-le ici, la grande épopée mystérieuse dont nous avons tous chacun un chant en nous-mêmes, dont Milton a écrit le prologue et Byron l’épilogue : le Poëme de l’Homme. […] Les personnes qui veulent bien lire ce qu’il écrit savent depuis longtemps que, s’il admet quelquefois, en de certains cas, le vague et le demi-jour dans la pensée, il les admet plus rarement dans l’expression.
Remarquez, au contraire, comment l’impiété et le génie de Voltaire se décèlent à la fois dans ses écrits, par un mélange de choses exquises et de choses odieuses. […] La religion est le plus puissant motif de l’amour de la patrie ; les écrivains pieux ont toujours répandu ce noble sentiment dans leurs écrits. […] Rousseau, s’attachant au fond, et rejetant les formes du culte, montre dans ses écrits la tendresse de la religion avec le mauvais ton du sophiste ; Buffon, par la raison contraire, a la sécheresse de la philosophie, avec les bienséances de la religion. […] L’Esprit des Lois et les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains, et de leur décadence, vivront aussi longtemps que la langue dans laquelle ils sont écrits.
Telles étaient les dispositions dans lesquelles j’écrivais, et telles sont les dispositions dans lesquelles il serait à souhaiter qu’on me lût. Chaque âge écrit et lit à sa manière : la jeunesse aime les événements ; la vieillesse, les réflexions. […] quels sujets à traiter, si j’avais su faire pour l’innocence du philosophe ce que vous avez fait pour l’intelligence de ses écrits ! […] Si nous interrogions Sénèque, et qu’il pût nous répondre, il nous dirait : « Voilà la vraie manière de louer mes écrits, et d’honorer ma mémoire. » 9.
Quant aux autres auteurs qui n’offrent pas, selon nous, un « profit immédiat », loin d’en avoir dédaigné la lecture, nous avons dit en propres termes : « On trouvera chez eux (les auteurs sans procédés) tout ce qui se transmet par instinct, tout ce que fournît l’inspiration tranquille, l’ensemble des qualités de bon sens, de clarté, de finesse, d’équilibre qui font un ton général. » (Art d’écrire, p. 298.) […] Il sentira naître en lui une facilité nouvelle, le don d’écrire aisément et limpidement, « Nous avons, on le voit, exactement dit le contraire de ce que M. de Gourmont voudrait nous faire dire. […] Le style est un produit physiologique, ce qui signifie sans doute que chacun écrit avec son tempérament, vérité qui n’est pas précisément très neuve et dont on se serait moqué, si c’était moi qui l’eusse découverte. […] Je voudrais savoir ce qu’écrirait un homme qui n’aurait jamais rien lu de sa vie.
Il y a des objections de détails, des divergences, des restrictions ; mais, en principe, nous sommes d’accord : « On ne saurait dire trop, ni même assez, écrit M. […] Faguet pense avec raison « qu’il serait excessif de conseiller à tout le monde de refaire sa page autant de fois que Flaubert refaisait les siennes », parce que tout le monde, en effet, ne se trouve pas entravé par les difficultés initiales, le bégaiement écrit, la puérilité des premiers jets de Flaubert. […] Parmi ces derniers, il nomme Stendhal. « Il écrivait mal, dit-il, et il n’aurait rien gagné à essayer de s’amender. […] Chateaubriand, par exemple, avait d’abord écrit : « Le vent de la mer et les tempêtes de Noël ébranlaient les vitraux de l’église. » II corrige par cette phrase : « Les rafales de Noël frôlaient les vitraux de la basilique et ébranlaient les voûtes de la nef. » — « Ainsi, dit M.
Cordemoi annonce par-tout des idées saines sur la maniere d’écrire l’Histoire, & celle de France en particulier ; on peut en juger par quelques-unes de ses réflexions. « Il faut, dit-il, marquer, autant qu’on le peut, les temps & les lieux, la maniere dont on vivoit dans chacun des pays qu’on parcourt dans le récit ; ne raconter que les grands événemens, & n’écrire en détail que les causes des grands changemens. […] Il n’est permis de suivre toutes les années d’un Prince, & toutes ses actions en détail, que quand on entreprend d’écrire sa Vie en particulier ; alors on peut ne parler des affaires, que pour le faire paroître tel qu’il a été : mais en écrivant l’Histoire d’une Nation, il ne faut parler des Princes, que pour faire paroître quels ont été les différens ressorts de l’Etat.
Il importe peu aux siecles suivans qu’un Auteur ait connu parfaitement sa langue, qu’il l’ait parlée purement & avec facilité, qu’il ait eu du goût & des connoissances, que les grands Poëtes de son temps l’aient célébré : s’il n’a laissé des Ecrits qui le rendent digne de se survivre à lui-même, on le met bientôt au rang des Auteurs oubliés. […] Malgré la pureté du langage, qui constitue le mérite de ses Plaidoyers & de ses Lettres, faute de cette chaleur & de cette raison qui donnent la vie aux Ecrits, on ne s’empresse plus de les lire, & son nom seul est resté dans notre souvenir. […] On commence à connoître que quelques traits de Morale & de Littérature, dont les uns sont communs & les autres hasardés ; que des pensées & des réflexions détachées ; que des lambeaux de traduction secs & froids ; que des Eloges écrits d’un style plus imposant & plus maniéré, que solide & vigoureux ; que des Essais sans dessein, sans méthode, sans profondeur, sans vûes, sont de foibles titres pour une célébrité durable.
Ce qu’on ne savait pas, c’était l’importance que trois pédants colossaux devaient retrouver, dans ce temps, aux yeux du moins de l’écrivain qui se dévouait à écrire leur vie oubliée. […] Or, quelle biographie utile, enseignante et féconde, y avait-il de possible quand il s’agit d’hommes qui, hors leurs écrits, ont à peine vécu ? […] Nisard, qui pourrait faire un bon glossaire, n’a écrit qu’un livre ennuyeux.
Canning, qui avait écrit dans sa jeunesse l’Antijacobin, élève de Pitt, ami de Burke, avait changé en avançant en âge, comme M. de Chateaubriand devait bientôt changer lui-même. […] À cela près, nous ne connaissons pas un recueil de dépêches mieux senti, mieux écrit, présentant au lecteur sérieux, dans un meilleur style, plus de lumière et plus d’agrément. […] Alors j’écrivis au chef dont l’influence domine dans la montagne en lui envoyant une superbe paire de pistolets : « Abba Mehhemed, je t’arme chevalier. […] « J’ai une lettre qu’Ali-Bey m’écrivit peu d’heures avant de mourir. […] Lady Stanhope alla chercher un petit paquet enveloppé de papier qu’elle me donna ; elle me dicta deux lignes, que par ses ordres j’écrivis sur la lettre même.