On sait peu de chose de la vie de Théocrite. […] La plénitude de la vie, la fraîcheur des amitiés premières, l’essor des espérances poétiques qu’anime et couronne déjà le premier rayon de la gloire, ces vives sources d’inspiration s’y jouent au sein d’une nature radieuse et féconde dont l’hymne grandiose finit par tout dominer. On sait bien peu de la vie de Théocrite ; mais cette pièce en dit beaucoup sur ses impressions et ses sentiments. […] » Il s’exhale de tout ce passage un sentiment de tendre respect et comme d’adoration enthousiaste pour les choses enchanteresses et désintéressées de la vie humaine ; chaque accent s’élance d’un cœur que pénètre le culte du talent, de la poésie et des grâces. […] Un critique allemand a eu raison de dire que, lors même qu’on n’aurait aujourd’hui que cette seule pièce de Théocrite, on serait encore fondé à le placer au rang des maîtres qui ont excellé à peindre la vie.
Ceux qui vont les yeux baissés vers la terre dénombrent les lessives, tartines beurrées, pour eux réminiscences zoliques, inexpérients que l’Idéalisme s’exhausse plus aisément sur le marchepied du Réel qu’il ne se suspend à la Cardan en un nimbe ; et que platoniciennement il fut défini d’un mode très large la Vie des Idées. […] L’une chez Johannes s’échancre et s’irrite à l’intrusion de Kaethe : les Pensées que son front exsude, ainsi taisant acte de Vie, s’interrompent en éparpillement effrité : du choc de l’intellectuelle existence et de la vie pratique, le néant, comme un serpent de sulfocyanure à sa naissance flamboyante rentrant ses cornes oculaires sous le dôme tombant d’un doigt. […] Les Idées ; volent et sautèlent de leurs pieds feutrés, animant des acteurs exactement adéquats à l’œuvre signifiée, dans le demi-deuil autour de la Lampe verte sur tes tables rouges, où Vuillard a allumé la vie végétative qui fait si pâles les mains de Kaethe. […] L’inanimé, simple parce que mouvement est différenciation (autres synonymes : vie, non-existence. tendance à l’humanité), repose eu cette beauté et harmonie. […] Et pour un laps de vie Dieu lui a cédé sa place de Synthèse.
Nous avons eu toutes les défaites, tous les chagrins, tous les désespoirs, toutes les injures amères de la vie littéraire. […] Puis vraiment, n’y aurait-il pas de grosses ficelles dans l’agencement de la vie humaine, de la véritable, de celle que nous vivons ? […] vraiment, on me fait un crime de bien des choses, de choses que me donne en spectacle, tous les jours, la vie du monde. […] Si Henriette Maréchal n’étale pas absolument sur les planches des morceaux de notre vie, elle y apporte, tout le temps, les attitudes morales des deux frères, quand le jeune tombait amoureux. […] Enfin, puisque le théâtre n’est pas encore mort et qu’il a peut-être devant lui la durée cahin-caha, qu’on prête à cette heure à la religion catholique, moi qui ne crois pas au théâtre naturaliste, au transbordement, dans le temple de carton de la convention, des faits, des événements, des situations de la vraie vie humaine : voici ma conviction.
VIe entretien. […] Vous me rendez la vie. […] « Qu’est-ce que la vie maintenant ? […] Il vient d’accomplir un de ses généreux exploits en sauvant la vie au fils d’un brahmane. […] Je n’ose pas non plus éteindre en moi cette étincelle de vie ; car l’enfer le plus profond, où ne brille jamais le soleil, attend le misérable qui porte sur lui une main homicide.
Ils donnent suivant l’ordre des tems les vies des plus célébres Poëtes dramatiques, des extraits exacts & un catalogue raisonné de leurs piéces, accompagné de notes. […] L’auteur de ce monument en a donné une description in-folio, dans laquelle il a fait entrer la vie des hommes illustres, à la mémoire desquels il l’a consacré. […] On désireroit aussi que ces hardiesses d’enthousiasme que trop de correction affoiblit, ce premier coup de pinceau, qui donne la vie au tableau, se rencontrassent plus souvent chez lui. […] Villon parut ensuite, mais il déshonora plus la Littérature par sa vie scandaleuse, qu’il ne perfectionna la poésie par ses talens. […] Un homme illustre dans l’Europe par les belles actions dont sa vie est ornée, l’est encore par les beaux vers que sa Muse a produits.
Ceux qui condamnent si sévèrement les fautes et les inconséquences de sa vie, devraient songer que le monde les eût ignorées, s’il ne s’en fut accusé lui-même. […] Celui-là n’introduit sous les yeux que les chances ordinaires de la vie, en des hommes nos semblables ; il nous instruit d’autant mieux que leur sort est le nôtre, et que nos passions sont les leurs. […] Une certaine chaleur inspiratrice, un je ne sais quoi d’enflammé, en est la vie ; cause indéfinissable, inconnue, que je n’ai pas la prétention de sonder. […] Aussi le talent qu’il déploya se ressent-il partout du noble et utile emploi de sa vie. […] « La crainte non corrigée, non épurée, nous fait regarder comme des maux insupportables les événements fâcheux de la vie, les disgrâces imprévues, la douleur, l’exil, la perte des biens, des amis, des parents, des couronnes, de la liberté, et de la vie.
Il ne faut point passer en ce monde sans faire quelque chose de sa vie sur la terre. Cette noble idée de gloire se confondait chez Villehardouin, et chez les plus généreux des croisés, avec celle de gagner le bonheur dans l’autre vie par le juste et pieux emploi de leur force ici-bas. […] Villehardouin, au moment du départ, est un homme mûr et qui a passé le milieu de la vie ; la ride s’est faite à son front ; il sait le poids des choses et les difficultés de tout genre ; il est dans le conseil des chefs, et l’un des plus prudents à prévoir ; il a peu d’illusions, comme nous dirions aujourd’hui. […] Ils le font au risque de leur vie, et sont en danger d’être massacrés sur place en sortant.
Dans son Éloge de Gaubius, médecin et professeur de Leyde, il nous le montre survivant à ses autres collègues contemporains, et, jusque dans les chaires voisines de la sienne, n’étant plus entouré que de disciples, réunissant enfin toutes les jouissances d’une vieillesse robuste, savante et respectée ; et il continue par cette réflexion pleine de charme : Il est donc dans les différents âges de la vie des consolations et des récompenses pour ces hommes courageux qui se dévouent tout entiers au travail et à l’étude. […] On peut se demander (et il le faut même pour avoir une idée précise de l’homme) quels étaient les sentiments philosophiques de Vicq d’Azyr sur la mort, sur la vie, sur Dieu, sur la Providence, toutes questions que les hommes de son temps étaient si prompts et si décisifs à trancher. […] Ce jour, pour Vicq d’Azyr, fut peut-être le plus beau de sa vie, et ce fut une des dernières fêtes brillantes de l’ancienne société française. […] Toute la fin de ce discours sur Buffon était consacrée à la louange des amis dont le grand naturaliste s’était entouré dans la dernière année de sa vie, c’est-à-dire de Mme Necker, de M.
L’existence de Mme Récamier, si brillante, si entourée, si entrelacée de toutes parts, n’a point cependant de mystères, ou ces mystères, s’il y en a (et il y en a dans la vie de toute femme), sont assez simples et n’ont rien d’effrayant : ce ne sont pas des profondeurs. […] Loyales et galantes natures qui, nées et nourries dans les sphères oisives, s’appliquaient du moins à donner de nobles cadres à leur vie ! […] Au fond, trop poète toujours pour la politique, il est désormais trop homme d’État et trop politique pour la retraite, pour l’innocent et studieux loisir du poète : il porte en lui l’inconciliable. — Lorsqu’il est renvoyé du ministère, en cette crise violente et décisive qui déchira en deux sa vie de royaliste, ses lettres à Mme Récamier manquent et font défaut ; elles n’ont pas été retrouvées, nous dit-on, avec les autres papiers ; elles devaient renfermer trop d’éclats de colère et de haine vengeresse, ce qui sans doute les aura fait dès longtemps supprimer. […] J’aime jusqu’à ces cierges dont la lumière étouffée laissait échapper une fumée blanche, image d’une vie subitement éteinte.
Thiers a commencé d’élever il y a quinze ans, qu’il n’a cessé d’édifier depuis avec ardeur et constance, à travers les vicissitudes de sa vie publique, comme dans sa retraite si noblement remplie, peut être considéré comme terminé. […] De même dans la vie et la destinée des hommes, — des grands hommes —, quand les circonstances y prêtent, il est de ces heures où ils paraissent tout d’un coup se retrouver tels qu’au début pour les qualités les plus vives, pour celles même que l’âge et la fatigue avaient nécessairement diminuées. 1814 fut pour Napoléon général une de ces merveilleuses saisons de rajeunissement. […] C’est le même sentiment d’honneur héroïque et royal, et du noble orgueil invincible qu’on n’en saurait séparer, qui faisait dire au grand Frédéric, au moment le plus désespéré de la guerre de Sept Ans et dans les heures terribles où il songeait à se donner la mort, plutôt que de signer son déshonneur et celui de sa patrie (juillet-octobre 1757) : J’ai cru qu’étant roi, il me convenait de penser en souverain, et j’ai pris pour principe que la réputation d’un prince devait lui être plus chère que la vie… Je suis très résolu de lutter encore contre l’infortune ; mais en même temps suis-je aussi résolu de ne pas signer ma honte et l’opprobre de ma maison… Si vous prenez la résolution que j’ai prise (la sœur généreuse à laquelle il écrit, la margrave de Baireuth, avait résolu de mourir en même temps que lui), nous finissons ensemble nos malheurs et notre infortune, et c’est à ceux qui restent au monde à pourvoir aux soins dont ils seront chargés, et à porter le poids que nous avons soutenu si longtemps. […] Thiers dès l’origine, dans ce qu’il écrivait sur la Révolution française, sur la Convention, ne s’est point amollie ni usée chez lui avec les années, et elle donne à ce dernier volume de son Histoire de l’Empire, au milieu de ses autres mérites, une vie singulière.
Qu’il y ait eu un peu de faiblesse physique, de la mauvaise santé dans cette disposition à se méfier de soi-même, je le crois ; mais il y a autre chose encore ; on est obligé d’y voir un trait essentiel de son caractère qui reparaîtra en toute occasion décisive de sa vie, et que Saint-Cyr nous a révélée s’accusant et redoublant avec une persistance étrange dans la nuit de perplexité qui précéda la glorieuse mort du jeune général. Joubert se rendait compte mieux que personne de la responsabilité d’un chef de troupe, et dans un de ses purs d’inquiétude il la résumait ainsi : À chaque heure répondre de la vie de plusieurs milliers d’hommes ; hasarder à propos la vie de ses soldats pour la leur sauver ; ne négliger aucune précaution pour se défendre des embuscades et des surprises de nuit ; voir dans cette lutte continuelle succomber ses amis, ses connaissances, par les blessures ou les maladies : il y a là de quoi tourmenter un homme. […] Superstition du guerrier si naturelle, si nécessaire, au milieu de cette vie de hasards !
Je ne saurais non plus admettre que les Romains, dès le siècle de Cicéron, et plus tard au temps de Virgile, de Sénèque, de Pline, à cette grande époque de l’unité de l’Empire et de la paix romaine, n’aient pas eu une pleine et vive conscience de ce que nous appelons civilisation, curiosité élevée, progrès des sciences, amélioration de la vie dans tous les sens ; vita, comme ils disaient. […] « Ce qui constitue la qualité d’être civilisé, ce ne sont pas les délicatesses du goût, les ornements de l’esprit, le train de vie que l’on mène ; ce sont les actes, c’est la conduite, c’est le caractère. […] Beaucoup vont même hasarder leur vie. […] Les chrétiens, ne l’oublions jamais, ont pour mobile un principe surnaturel, et en perspective, après la vie, une éternité de récompenses.
Un des épisodes de cette vie de Berny, et qui nous en apprend long sur les mœurs du temps et du lieu, est celui du petit comte de Billy. […] Et osera-t-on bien comparer aussi, du plus loin qu’on veuille s’y prendre, à cette dame plus que vulgaire de Tourvoie, Mme de Montesson, qui tenait dans les dernières années la Cour du duc d’Orléans et qui réussit à être épousée ; celle-ci, une vraie madame de Maintenon en diminutif, un parfait modèle de maîtresse de maison dans la plus haute société, faible auteur de comédies sans doute, mais actrice de salon excellente, ingénieuse dans l’art de la vie et dans la dispensation d’une fortune princière, personne « de justesse, de patience et de raison », qui ne pouvant, sur le refus du roi, être reconnue pour femme légitime, sut par son tact sauver une position équivoque, éviter le ridicule et désarmer l’envie, saisir et observer, en présence d’un monde malin et sensible aux moindres nuances, le maintien si délicat d’une épouse sans titre ? […] Ce descendant des Condé (ne marchandons pas les mots), en s’associant pour la vie une telle compagne, avait, donc mis la tête sous un joug avilissant. […] Il est bien dommage que cette réputation de chevaleresque fût bornée à la bravoure un jour d’action, et qu’elle se crût compatible avec des actes si vilains dans la conduite ordinaire de la vie.
Rien ne me touche plus que de savoir ce qu’ont été mes pères lointains, ce qu’ils ont dit, ce qu’ils ont écrit, ce qu’ils ont pensé, ce qu’ils ont souffert, comment ils ont songé le songe de la vie — et de retrouver leur âme en moi. […] Au contraire, le rêve du passé est plein de charmes secrets : il prolonge ma vie par-delà le berceau, il éveille en moi l’imagination pittoresque et il me fait éprouver que j’ai un bon cœur. […] Je vous recommande son admirable leçon sur la Poésie du moyen âge, sur la poésie de sa religion, de sa science, de sa vie entière. […] Il n’a point les ardeurs naïves, les admirations intolérantes de tel romanisant qui, parce qu’il a consacré sa vie à cette littérature, ne voit rien au monde de plus beau et, pour peu qu’on le pousse, vous met la Chanson de Roland au-dessus de l’Iliade et le Mystère de la Passion au-dessus des tragédies de Racine.
La vie de l’homme était alors sacrifiée bien légèrement ; sans doute les membres du sanhédrin ne songèrent pas que leurs fils rendraient compte à une postérité irritée de l’arrêt prononcé avec un si insouciant dédain. […] Le procurateur n’était pas investi comme le légat impérial du droit de vie et de mort. […] La Loi enserrait la vie à tel point qu’elle s’opposait à tout changement et à toute amélioration. […] Virg., Æn., XII, 421 ; Martial, Épigr., I, XXXII ; X, XLVIII ; Plutarque, Vie de Romulus, 29.
Non content de délivrer l’individu de « l’instinct de troupeau », il le libère de toute préoccupation d’harmonie dans sa vie et dans sa pensée. […] Il voit, lui, darwiniste allemand, darwiniste d’un pays victorieux et d’une période glorieusement expansive, la lutte se livrer « partout autour de la prépondérance, de la croissance, du développement de la puissance, conformément à la volonté de puissance qui est précisément la volonté de vie ». […] En réalité, il est aidé par Hegel et Darwin, seuls survivants apparents de l’intense lutte pour la vie que se sont livrée en lui les doctrines. […] Voici pourtant un critique — dont j’ignore la vie extérieure et s’il parle du haut d’une chaire — qui débute quelquefois par de la pensée ; mais il continue toujours par de la prudence et de la naïveté professorales.
Il a fort connu dans sa jeunesse Bernardin de Saint-Pierre, dont il a publié la vie et les écrits, dont il a même épousé la veuve. […] La plupart des écrivains les plus lus, les plus connus du public, ceux que les lecteurs qu’ils ont si souvent charmés ou amusés nommeraient d’emblée et tout naturellement aux honneurs littéraires, manquent par malheur dans leur vie de cette considération et de cette consistance qui font qu’on soit à sa place partout.
Campenon avait été sobre et avait gardé toute sa vie un silence prudent. […] La morale elle-même, qu’il affecte, est chez lui une forme plutôt qu’un but, ou du moins il vise non pas tant à atteindre les vrais ressorts de l’homme qu’à user et à jouer de ces ressorts pour l’art de la vie.
Le mérite négatif ne peut donner aucune jouissance ; mais beaucoup de gens ne demandent à la vie que l’absence de peines, aux écrits que l’absence de fautes, à tout que des absences. […] Quand vous rappelez des objets dégoûtants, vous excitez une impression fâcheuse, qu’on fuirait avec soin dans la réalité ; quand vous changez la terreur morale en effroi physique, par la représentation de scènes horribles en elles-mêmes, vous perdez tout le charme de l’imitation, vous ne donnez qu’une commotion nerveuse, et vous pouvez manquer jusqu’à ce pénible effet, si vous avez voulu le pousser trop loin : car au théâtre, comme dans la vie, quand l’exagération est aperçue, on ne tient plus compte même du vrai.
Je n’ai jamais lu (sauf peut-être Daniel Valgraive… le Lys rouge… l’Arche… les Antibel…) de livre aussi frissonnant, aussi pénétrant, ni qui nous donne un contact plus direct avec la réalité de la vie. […] Remy de Gourmont Il y a, dans ce livre de l’enfance (La Chambre blanche), toute une philosophie de la vie : un regret mélancolique du passé, une peur fière de l’avenir.
Paterne Berrichon Dans Charleville, un ou deux mois après son retour, il concevra et rimera ce Bateau ivre, visionnaire déjà et prophétique totalement ; chef-d’œuvre orageux, terrible aussi et doux et tout, qui forme comme le symbole de la vie même du poète. [La Vie de Jean-Arthur Rimbaud (1898).]
Ils sont pleins de vie, de santé et de belle humeur. […] Comme son confrère et ami Maurice Bouchor, il se rue en cuisine… [La Vie littéraire (1891).]
Louis se permettra de fréquentes distractions dans la vie conjugale, mais il repoussera les mœurs équivoques, les mœurs de rigidité affectée. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?
Ces découvertes capitales qui ont ouvert sur la Mythologie des points de vue si nouveaux, j’ai lâché de les amener en partie de l’érudition à la vie de l’art, en les introduisant dans le théâtre d’Athènes, par les personnes divines ou héroïques qui y jouent un rôle. […] Il m’a rapatrié dans le monde antique, il m’a ramené aux sources sacrées ; j’y ai puisé les plus pures joies qui puissent rafraîchir et ravir l’esprit. « Les Grecs » — a dit Goethe dans un mot célèbre — « ont fait le plus beau songe de la vie. » Ce songe, je l’ai refait avec eux ; et il me semble que je m’en réveille en écrivant les dernières lignes de ces pages pleines de leur gloire et de leur génie.
C’est parmi cet écoulement du temps que toutes les choses, objets et sujets tour à tour les unes pour les autres, se rencontrent et se considèrent, ardentes à assouvir le désir de connaissance intégrale dont on a fait le principe de la vie phénoménale. […] C’est par l’entremise de ce principe d’arrêt et de concentration que s’érigent, au-dessus de l’écoulement de la substance phénoménale, ces observatoires où la vie prend conscience d’elle-même dans l’illusion de l’individualité et de la personne.
Agamemnon, il est vrai, exige d’Iphigénie le double sacrifice de son amour et de sa vie, et Lusignan ne demande à Zaïre que d’oublier son amour ; mais pour une femme passionnée, vivre, et renoncer à l’objet de ses vœux, c’est peut-être une condition plus douloureuse que la mort. […] La fille d’Agamemnon, étouffant sa passion et l’amour de la vie, intéresse bien davantage qu’Iphigénie pleurant son trépas.
C’est pourquoi les poètes ont mieux réussi dans la description des enfers ; du moins l’humanité est ici, et les tourments des coupables nous rappellent les chagrins de notre vie ; nous nous attendrissons sur les infortunes des autres, comme les esclaves d’Achille, qui, en répandant beaucoup de larmes sur la mort de Patrocle, pleuraient secrètement leurs propres malheurs. […] Mais voulez-vous du merveilleux plus sublime, contemplez la vie et les douleurs du Christ, et souvenez-vous que votre Dieu s’est appelé le Fils de l’Homme !
« Ce fut après le déluge que parurent ces ravageurs de provinces que l’on a nommés conquérants, qui, poussés par la seule gloire du commandement, ont exterminé tant d’innocents… Depuis ce temps, l’ambition s’est jouée, sans aucune borne, de la vie des hommes ; ils en sont venus à ce point de s’entretuer sans se haïr : le comble de la gloire, et le plus beau de tous les arts a été de se tuer les uns les autres179. » Il est difficile de s’empêcher d’adorer une religion qui met une telle différence entre la morale d’un Bossuet et d’un Tacite. L’historien romain, après avoir raconté que Thrasylle avait prédit l’empire à Tibère, ajoute : « D’après ces faits, et quelques autres, je ne sais si les choses de la vie sont… assujetties aux lois d’une immuable nécessité, ou si elles ne dépendent que du hasard180. » Suivent les opinions des philosophes que Tacite rapporte gravement, donnant assez à entendre qu’il croit aux prédictions des astrologues.
Ainsi, par exemple, quel illuminé était-ce donc que cet aventurier d’abbé de Bucquoy dont Gérard de Nerval nous raconte la vie, que ce païen Quintus Aucler, plus Grec et plus Romain, à lui seul, que tous les révolutionnaires, et qui voulait, dans un pays chrétien de tradition séculaire, rétablir officiellement le culte de Jupiter ? […] La vie seule de Raimond Lulle est un sujet magnifique, où tout ce qui concerne cette question, obscure et brillante tout à la fois, de l’illuminisme, que la science n’a pas encore osé poser, mais qui attire et qui tourmente l’imagination moderne, trouverait aisément sa place.
À cette époque, il est vrai, l’Amérique n’avait pas encore publié la Case de l’Oncle Tom, mais cet ouvrage, qui est moins un livre qu’autre chose, serait-il même un livre grand comme sa renommée, qu’un livre isolé ne prouve rien de plus que la force individuelle de celui qui l’a écrit, et la littérature américaine n’en resterait pas moins une littérature d’avortement, l’amas confus d’organes ébauchés qui ne constituent pas la vie. […] Hasard heureux quand ces formes sont reproduites avec le double sentiment de l’exactitude et de la vie, et quand ces ouvrages qu’on réimprime sont choisis avec discernement !
Comme on lui demande la sensation d’amour la plus vive, qu’il ait éprouvée dans sa vie, il cherche quelque temps ; puis il dit : « J’étais tout jeunet, j’étais vierge, avec les désirs qu’on a, lors de ses quinze ans. […] Puis la petite maison aux chambres, grandes comme les chambres de Pompéi, vous fait toucher le cadre étroit, où se joue la vie de ce petit peuple. […] Jeudi 8 août Voici la vie de l’aristocratie de cette petite ville. […] Il a une bonne gaîté et un rire d’enfant qui sont contagieux, et dans le contact de la vie de tous les jours, se développe, en lui, une grosse affectuosité, qui n’est pas sans charme. […] Samedi 12 octobre Vaguant dans les rues campagnardes de Montmorency, en sa belle santé, la princesse appuyée sur mon bras, et souriant au beau soleil de la journée, au bonheur de son heureuse vie entourée de l’affection d’une petite société amie, me dit, s’arrêtant soudainement : « Oui, ce serait bien dur de m’en aller, je l’avoue, je trouve la vie bonne !
Les moments sont pour beaucoup dans la vie des peuples et dans le succès des entreprises. […] Lecteurs, vous les jugez prospères d’après leur rédaction souvent pleine de vie et de talent : ils ont leur plaie au cœur, le déficit. […] « La vie privée des fonctionnaires, disait à ce sujet le garde des sceaux de 1819, n’appartient, comme celle des autres citoyens, qu’à eux-mêmes ; leur vie publique appartient à tous : c’est le droit, c’est souvent le devoir de chacun de leurs concitoyens de leur reprocher publiquement leurs torts ou leurs fautes publiques. […] À cette objection tacite, mais qui nécessairement s’élève dans beaucoup d’esprits, je répondrai d’un mot et sincèrement (car je me pique d’être aussi sincère, à ma manière, que M. le comte de Ségur d’Aguesseau). — Cache ta vie est le précepte du sage. […] J’ai eu affaire dans ma vie à bien des familles pour des notices biographiques.
La certitude de cet événement, lointain encore, qui s’annonçait, il y a quarante ans, par des coups obscurs, comme la vie de l’enfant s’annonce dans le sein de la mère, enivrait de joie la pensée divinement avertie du grand apologiste de la papauté. […] Tous — même ceux qui n’ont ni le respect, ni la foi que le catholicisme inspire, c’est-à-dire ceux-là qui n’ont pas la science du catholicisme, — proclament que l’unité et l’universalité sont le but suprême de la vie sociale, et que hors d’elles il n’y a que gouvernements imparfaits, absence de justice et d’harmonie. […] Comme Napoléon, — mort de cela et qui l’a avoué, — elle a choqué les peuples, et peut-être elle aussi, quoiqu’un État ait la vie plus dure qu’un homme, finirait-elle par en mourir. […] Les hommes comme Newman et Pusey ont, par leurs travaux théologiques, diminué les préjugés anglicans, et ils les diminuent encore : l’un par le magnifique exemple de sa conversion, l’autre par la pureté et la vertu de toute sa vie. […] Il défendait l’unité de sa vie intellectuelle et religieuse ; car, en 1841, il avait publié une brochure sur le fameux Traité XCe , — Tract XC historically examined, — dans lequel il soutenait les mêmes opinions que Ward sur les XXXIX articles.
Le grand nombre, l’extrême division, la courte durée des fonctions publiques dans la Commune, créent au sein de chacun de ces petits mondes un mouvement continu où trouvent à s’exercer, d’accord avec les relations ordinaires de la vie, le désir de l’estime, le goût du bruit et du pouvoir. […] La centralisation administrative, qui certainement ajoute de la force à l’autre, mais aux dépens de la vie même de chacun des membres de la nation, existe en France plus absolue aujourd’hui que jamais, plus entière que sous Louis XIV, qui, tout en disant avec raison : l’État, c’est moi, le pouvait dire à titre de gouvernement bien plutôt qu’à titre d’administration. […] S’il devait arriver en France que la monarchie ou la république (peu importe), en s’armant de ce mot de centralisation mal entendu, fissent prévaloir, constamment la régularité administrative, soit douce, soit rigoureuse, sur la vie réelle, morale, animée de chaque point du pays ; si l’on ne parvenait enfin à introduire et à fonder parmi nous les institutions démocratiques en ce qu’elles ont d’essentiel, d’élémentaire et de vivace, c’est-à-dire l’existence communale, M. de Tocqueville paraît craindre qu’une des chances naturelles de cette égalité croissante ne fût un jour, tôt ou tard, l’assujettissement de tous par un seul, du moment qu’on n’aurait plus à espérer le gouvernement de tous par eux-mêmes.
Mais fabriquer un personnage comme Fier-en-Fat, ce n’est pas peindre les faiblesses du cœur humain, c’est tout simplement faire réciter, à la première personne, les phrases burlesques d’un pamphlet, et leur donner la vie. […] Un homme, dans la comédie ou dans la vie réelle, qui se fût avisé de suivre librement, et sans songer à rien, les élans d’une imagination folle, au lieu de faire rire la société de 1670, eût passé pour fou2. […] Nos cours de littérature nous ont dit au collège que l’on rit à Molière, et nous le croyons, parce que nous restons toute notre vie, en France, des hommes de collège pour la littérature.
Enfin Turenne n’était pas un vain nom pour elle : elle avait vu l’homme familièrement, et le héros ôtait dans son esprit avec une physionomie, des gestes, une vie individuelle. […] Le roman suit dans la vie d’un homme la trace de causes multiples, extérieures ou intimes, immédiates ou lointaines, et fait voir dans les passions, les vices et les misères de l’individu les effets que doit donner, dans un certain milieu, un tempérament préparé de longue date par des ancêtres, qui furent eux-mêmes le produit fatal de la combinaison d’autres tempéraments avec d’autres milieux. […] L’histoire, la vie, le monde présentent à chaque moment des problèmes qui, dans l’état actuel de nos connaissances, ne peuvent être résolus : il faut avoir le tact de le comprendre et la modestie de s’abstenir.
Elle a pour image l’être organisé, qui dans l’unité de son individu assemble des parties dissemblables, accomplissant des fonctions dissemblables, mais qui, soumises les unes aux autres, concourent toutes également à l’entretien de sa vie et à la poursuite de la fin marquée par la nature à son activité. […] Encadrées entre la malédiction de Marguerite et la vision du roi, toutes ces scènes, où se distribuent les événements de tout un règne, vivent d’une même vie et s’éclairent d’un même jour, sinistre et effrayant. […] Quand il y a dans le discours un véritable mouvement, nulle part on n’aperçoit de solution de continuité : le développement s’achemine tout d’une suite à son but, comme, dans l’être vivant, chaque état du corps, chaque moment de la vie plongent dans l’état et dans le moment qui précèdent, et ne sauraient s’en distinguer : l’enfant devient homme insensiblement, et change en restant le même.
Les Ninivites s’élèveront au jour du jugement contre cette génération et la condamneront, parce qu’ils firent pénitence à la prédication de Jonas ; or il y a ici plus que Jonas 913. » Sa vie vagabonde, d’abord pour lui pleine de charme, commençait aussi a lui peser. « Les renards, disait-il, ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête 914. » L’amertume et le reproche se faisaient de plus en plus jour en son cœur. […] Cet homme, qui était, dans le commerce de la vie d’une grande bonté, devenait intraitable jusqu’à la folie pour ceux qui ne pensaient pas comme lui. […] Mais il était juste aussi que ce grand maître en ironie payât de la vie son triomphe.
Josèphe en parle avec la même admiration que de la Galilée, et l’appelle comme cette dernière province un « pays divin 1010. » Jésus, après avoir accompli cette espèce de pèlerinage aux lieux de sa première activité prophétique, revint à son séjour chéri de Béthanie, où se passa un fait singulier qui semble avoir eu sur la fin de sa vie des conséquences décisives 1011. […] La joie de son arrivée put ramener Lazare à la vie. […] Les synoptiques paraissent peu renseignés sur la période de la vie de Jésus qui précède la Passion.
« Elle aime toujours son cher Philadelphe ; il est vrai qu’afin de faire vie qui dure, ils ne se voient pas si souvent : au lieu de douze heures, par exemple, il n’en passe plus chez elle que sept ou huit. […] Mais enfin, sans querelle, sans reproche, sans éclat, sans le chasser, sans éclaircissement, sans vouloir le confondre, elle s’est éclipsée elle-même ; et, sans quitter sa maison, où elle retourne encore quelquefois, sans avoir dit qu’elle renonçait à tout, elle se trouve si bien aux Incurables, qu’elle y passe quasi toute sa vie, sentant avec plaisir que son mal n’était pas comme celui des malades qu’elle sert. […] Les murs auraient amplement contenu Toute sa vie…………………………… Au fond du temple on eût vu son image, Avec ses traits, son souris, ses appas, Son art de plaire et de n’y penser pas… J’aurais fait voir à ses pieds, des mortels, Et des héros, des demi-dieux encore, Même des dieux : ce que le monde adore Vient quelquefois parfumer ses autels.
Eh bien, cette idée immense, utopique ou fausse si vous voulez, mais sublime, de la souveraineté, n’a pas régné que sur la pensée de Joseph de Maistre, elle a régné aussi sur tous les actes de sa vie, et elle a communiqué au royalisme de ce pauvre gentilhomme de Savoie, pour lequel le roi qu’il servait eut toutes les royales ingratitudes et toutes les royales indifférences, quelque chose de si continûment et de si obscurément héroïque, que le héros ressemble, ma foi ! […] car Joseph de Maistre est certainement le seul homme au monde qui ait fait passer tous les sentiments de la vie, les plus offensés et les plus résistants, à travers la réalité d’un respect qui ne se démentit jamais, quand tout aurait dû, à ce qu’il semble, le faire éclater. […] C’était quelque chose d’incomparable, — une sensibilité, une fierté, une conscience de soi, justement révoltées, et qui, armées de toutes les puissances de l’esprit, savaient s’en servir d’une manière charmante ou poignante, sans blesser une seule fois ce respect dans lequel de Maistre avait mis l’honneur de sa vie !
Ce livre, qui attendait et qui pouvait attendre, parce qu’il avait la vie dure de la vérité, trouva ce jour-là son moment, qu’il ne cherchait pas. […] Il fait voir les progrès successifs de cette Constitution, nécessaires comme la croissance l’est à la vie de l’enfant. […] Il n’est pas, dans l’Histoire, la vie dramatique ; il y est l’information.
Grenier À travers l’Antiquité : la vie joyeuse au pays latin. […] Grenier, l’auteur de ce livre, fut un professeur, et il nous l’a dit : « C’est dans dix années de douce vie provinciale et « collégiale qu’il lut tous les auteurs anciens », et qu’il forgea et aiguisa la petite sagette que voici. […] Il en fait honneur à Renan, qui jamais n’a rien inventé de sa vie ; car pour inventer il faut croire à quelque chose, ne fût-ce qu’à ce qu’on invente !
Pour qui la lit, en effet, avec le genre d’esprit et d’attention qui pénètre les livres, celui-ci, pâle, exsangue, d’un amour exténué, avec son expression bien plus métaphysique que vivante, s’adresse formellement et essentiellement à des moines, tournant le dos au monde proprement dit ; voulant rendre le correct plus correct, proposant — et il ne faut pas s’y tromper, car la méprise serait grossière — la vie parfaite et de conseil, et non pas la vie de précepte. […] C’est si haut, que c’est impossible, et l’on se rassied dans la vie commode, en jetant à l’idéal intangible le regard le plus tranquillement résigné… à la perte de cet idéal.
Les quelques pauvres bénédictins dont Mgr Salvado (l’un d’entre eux) a écrit l’histoire, et qui, partis pour l’Australie en 1844, y fondent une mission en pleine forêt vierge, appellent les sauvages à la lumière et leur apprennent la vie sociale, ces moines obscurs qu’on veut bien estimer encore, mais dont l’héroïsme et la charité n’étonnent plus, ont répété exactement le même mot que tous les missionnaires catholiques, que toute cette volée d’aigles de la Bonne Nouvelle lâchée par Rome sur l’univers pendant dix-huit-cents ans d’apostolat ! […] Mais ce qu’on sait moins, ce qu’on n’explique pas et ce que le livre de Mgr Salvado nous montre avec une évidence nouvelle sur laquelle nous croyons utile d’insister, c’est que l’apport de la vie sociale aux brutes de la horde humaine n’est jamais que le fait du prêtre catholique, et qu’en dehors du prêtre catholique rien n’est possible, même aux gouvernements les plus forts qui veulent créer des sociétés à leur image et les frapper à leur effigie, sous le coup de balancier de leurs colonisations ! […] Seulement, sans rien préjuger sur la conclusion qui doit briller pour l’Angleterre à travers les faits que le livre de Mgr Salvado expose, est-il téméraire d’affirmer qu’indépendamment de l’état sans vie et sans réelle efficacité de ses missions protestantes, elle souffre au plus profond de son intérêt colonial, du principe religieux qu’elle représente et qu’elle s’efforce de propager ?
Et si vous ajoutez à ces difficultés absolues et premières, à ces incompatibilités dirimantes, la situation que le temps nous a faite, à nous tous, fils de la Bible, élevés avec la Bible, pour qui la Bible a été la première impression de la vie, vous vous étonnerez qu’un homme ait eu la pensée de lutter contre une impossibilité de réussir aussi colossalement manifeste, et comme s’il ne l’avait pas aperçue. La première impression de la vie, la première image qui se soit incrustée dans nos yeux d’enfant, ces yeux qui grandissent tout ce qu’ils regardent, quand nos yeux d’homme le diminuent et finissent, de désabusement ou de mépris, par ne plus le voir ! le moyen pour un artiste, fût-il le plus grand et le plus sorcier des artistes, de lutter victorieusement contre cela, contre cette première impression de la vie qui nous est restée vivante, flambante, idéale, et qui fait pâlir toute impression présente devant cette force du souvenir qui, elle aussi, a pour loi de se multiplier par la distance !
Les petits messieurs seraient, du reste, autorisés à cela par l’exemple d’un grand… Cousin, qui fut un grand monsieur dans la littérature de son temps, mais qui, sur le tard de sa vie, affolé de princesses, De qui jamais n’approcha sa misère ! […] c’est le fils de l’occasion et d’un de ces hasards de la vie qui pouvaient n’être pas, et qui, alors, auraient supprimé le génie… Pascal, par exemple, le prodigieux Pascal, le divinateur d’Euclide, qui, sans avoir appris les mathématiques, trouva, en maniant des jetons dans le grenier de son père, les trois premiers livres de la géométrie ; Pascal, qui dans l’ordre des idées a une profondeur qui donne le vertige et qui même le lui a donné, ne serait plus, selon ces théories interprétatrices, le Pascal connu, le grand Pascal, s’il n’avait pas été janséniste ! […] — Après la glose de Gautier, qui ne charme pas du Boulan, il y a celle de Loiseleur, l’historien des Points obscurs de la vie de Molière, qui le charme davantage.
Balzac, toute sa vie, fut fasciné par cette grande chose qu’on appelle le Prêtre. […] L’auteur du Tigrane a dû vivre parmi les prêtres à quelque époque que ce soit de sa vie, car il en parle tous les langages comme s’il les avait appris, et il en exprime les faiblesses — plus ou moins honteuses — comme s’il les avait vues de ses propres yeux… Assurément, il a le mépris intelligent du clergé français assez médiocre dans sa masse flottante, ne croyant, là comme ailleurs, qu’à l’individualité et qu’à l’exception ; mais pourtant il ne hait point le prêtre comme un autre observateur et un autre artiste, Stendhal, qui fut aussi toute sa vie magnétisé par le sublime type du prêtre, la seule grande poésie, avec le soldat, qui soit restée à notre misérable temps.
Pindare, après une longue vie de triomphes, entre les fêtes sacrées et les jeux guerriers de la Grèce, s’éteignit, sans rival dans son art. […] « Vertu139, laborieuse épreuve de la race humaine, toi, la plus noble poursuite de la vie ! […] « Ainsi, tu as partout harmonisé le bien au mal, de sorte qu’il existe pour tous une seule loi, toujours la même, que désertent par leur fuite tous ceux des mortels qui deviennent méchants ; infortunés qui, désirant toujours la possession des biens, n’aperçoivent pas la loi générale de Dieu, n’écoutent pas cette loi, à laquelle s’ils obéissaient, ils auraient, avec l’intelligence, le bonheur et la vie !
Ma vie n’en est qu’un tissu ; je ne dirai pas que j’aie comblé de biens certaines gens, mais j’ai rendu des services gratuits ; je me suis acquis quelques amis par là, mais je n’y ai jamais compté ; je n’ai compté que sur ceux avec qui la sympathie et le cœur m’ont lié, mais non les bienfaits, et de ceux-là il est prodigieux quels mauvais offices j’en ai souvent tirés. […] du seul archevêque de Bordeaux, mon oncle, lequel était un petit esprit, taquin et triste, grand économe, homme à vues bourgeoises, aimant sa maison avec orgueil, mais sans générosité, plein de lui et vide des autres, dur et sec, haïssable, et échappant seulement à la haine publique par son économie ; mais mon père et mes aïeux ont toujours passé dans leur temps pour gens francs, nobles, courageux et dignes de l’ancienne Rome, surtout de nulle intrigue à la Cour ; aimant la vie de province, ce qui est la vraie vie de la province ; riches ou pauvres, et cependant s’y faisant d’abord distinguer par les lumières de leur esprit et la bonté de leur cœur. […] C’était du moins la vie au prix du néant.. […] [NdA] Dans les derniers temps de sa vie, M. d’Argenson était devenu plus sévère pour M. de Chauvelin, et je trouve dans ses cahiers la note suivante, sous le titre de Véritables causes de la guerre de 1733 : Je n’ai jamais été si surpris que causant avec M. de Chauvelin, ancien garde des sceaux de France, et lui ayant dit que la guerre de 1733 avait pu être causée pour réhabiliter la France, dont le cardinal de Fleury avait flétri la réputation en se montrant pacifique jusqu’à l’excès, cet ancien ministre me répondit que ce n’était point cela, mais que le roi ayant épousé la fille du roi Stanislas qui n’avait été reconnu roi par aucune puissance de l’Europe, Sa Majesté se trouvait ainsi n’avoir épousé qu’une simple demoiselle ; qu’il était donc devenu nécessaire que la reine fût fille d’un roi, quoquo modo, et que c’élait à cela qu’il avait travaillé heureusement.
Le récit qu’il fait de la campagne de Russie où il eut une si belle conduite sous les ordres de Ney à l’arrière-garde de la retraite, commence par un aveu d’une effusion extrême, et qui exprime bien le genre d’intérêt religieux que ces militaires esclaves du devoir et de l’honneur attachent à la consécration des souvenirs : L’un des grands regrets que je puisse éprouver aujourd’hui, écrivait Pelleport dans les dernières années de sa vie, c’est de penser qu’il me faudra peut-être mourir sans avoir pu lire dans Thiers l’histoire de notre immortelle campagne de Russie. […] J’ai toujours la consolation d’avoir rempli, en cette circonstance, mon devoir en chef de famille responsable, devant Dieu et l’empereur, de la vie de mes soldats. C’est ce sentiment-là, répandu dans ces pages et inspirant toute une vie, qui est fait pour toucher et pour donner à des générations bien différentes l’idée de toute une race d’hommes, laquelle, il faut l’espérer, n’est point perdue. […] C’est une vie une, simple et droite, utile au pays, une vie-modèle de courage, d’intégrité, de rectitude. […] Thiers nous a montré ce modèle accompli des modestes et fortes vertus guerrières, au tome xiv, p. 168 de son Histoire de l’Empire. — Voir aussi la Vie militaire du comte Friant, publiée par son fils (un vol, 1857), et un article au tome xv de ces Causeries.
Le premier auteur sensible, passionné, qu’une femme lit à quinze ans et pour lequel elle s’affole ou s’attendrit, la désigne, lui met pour toute la vie un pli au cœur, lui met parfois la cocarde à l’oreille autant et plus que son premier bal. […] De là, sous leur plume, une vie, un relief, un parlant qui renouvelle à tout instant les portraits et les images. […] Elle acquiert la légèreté, l’animation, la vie spirituelle que la pensée ou l’impression attribuent à l’air du visage. […] On dit pourtant qu’en apprenant la nouvelle de la disgrâce de M. de Maurepas (avril 1749), son premier mouvement fut de s’écrier : « Voilà donc enfin la vie de Mme de Pompadour en sûreté ! […] Mme du Deffand est la plus difficile à conquérir et à persuader ; on la dirait jalouse ; elle ne peut s’accoutumer à l’idée de voir Mme de Luxembourg sur un si bon pied à Chanteloup ; cette femme distinguée, cette grande dame, même par rapport à elle, cette intime de tout temps avec qui elle passe sa vie, et qui la comble de témoignages d’affection, elle la crible en arrière d’épigrammes : « La maréchale de Luxembourg ne sait que devenir.
Le volume se compose de deux parties : la principale, qui est la négociation du mariage de la princesse de Saxe, nièce du maréchal, avec le dauphin de France, père de Louis XVI, forme tout un ensemble, et peut être considérée comme un épisode entièrement neuf de la vie du héros, Français de gloire, Saxon de cœur, et qui sut concilier en cette circonstance les intérêts de ses deux patries. […] Voilà d’où je compte le commencement de ma vie, et d’où j’en commence ce journal, le reste étant des puérilités que je ne toucherai qu’en général. » S’il ne prend sa vie qu’à partir de l’âge de onze ou douze ans, il est fâcheux que les Mémoires s’arrêtent au moment de ses débuts en Flandre et avant la bataille de Malplaquet à laquelle il assista, c’est-à-dire avant qu’il eut accompli sa treizième année. […] Parlant du chevalier de Folard, qu’il voudrait bien emmener avec lui en Saxe pour le faire causer sur ses systèmes de fortification et de tactique que le brave et digne officier mêlait dans les dernières années de sa vie avec sa dévotion janséniste convulsionnaire : « Enfin, disait-il, je compte qu’il amusera Votre Majesté sur toute sorte de métiers. […] Je vous le garantis plein de vie et de santé.
Mais, pour ne pas trop prêter notre idée générale, et, comme on dit aujourd’hui, notre formule, à celui qui a été surtout plein de liberté et de vie, prenons l’homme d’un peu plus près et suivons-le dans ses caprices mêmes ; car nul ne fut moins régulier, plus hardi d’élan et plus excentrique de rayons, que cet excellent homme de goût. La vie de M. […] « D’autres au règne végétal ; ils ont de la sève. « D’autres enfin appartiennent au règne animal ou animé, et ils ont de la vie. […] Mais procurez-vous un peu Vairon, Maculphi Formulæ (ce Marculphe était un vieux moine, comme il le dit dans sa préface dont vous pourrez vous contenter) ; Cornaro, de la Vie sobre. […] Notre intelligence est blessée ; il nous pardonnera, si nous lui donnons tout entier ce qui peut nous rester de sain. » Il comprenait la piété, le plus beau et le plus délié de tous les sentiments, comme on a vu qu’il entendait la poésie ; il y voyait des harmonies touchantes avec le dernier âge de la vie : « Il n’y a d’heureux par la vieillesse que le vieux prêtre et ceux qui lui ressemblent. » Il s’élevait et cheminait dans ce bonheur en avançant ; la vieillesse lui apparaissait comme purifiée du corps et voisine des Dieux.
Représentez-vous sa vie, et vous concevrez de quelles sensations premières était faite l’étoffe où il taillait ses ouvrages. […] Ces chantres agenouillés qui enragent, ou fuyant éperdus la main qui les bénit, cela est vrai d’une vérité si spéciale et si propre, que notre meilleur peintre de la vie ecclésiastique l’a repris dans un de ses chefs-d’œuvre : rappelez-vous l’abbé Tigrane en présence de son évêque. […] Au lieu de faire de courtes pièces sans titre, au lieu de proposer chacun à part comme valant par soi ces petits cuadros (comme disait Chénier), où dans des proportions très réduites étaient ramassés des types et des aspects de la vie commune, il s’ingénie à en faire les pièces d’un tout, les épisodes d’un récit, les scènes d’une comédie, les arguments d’un discours : lui qui n’eut de sa vie ni le sens de l’action, ni le don du dialogue, ni le souffle oratoire. […] Si la poésie vient du cœur, comment ne serait-il pas poète en parlant des lettres, la seule passion ardente de sa vie, et qui l’emplit tout entière ?
Orphelin de père, astreint de bonne heure, pour gagner sa vie, à un métier dur et pénible, c’est sur ses heures de sommeil qu’il avait économisé le temps de s’instruire. […] « Consciencieux, il voulut, avant d’aller plus loin, étudier mieux la vie, observer l’humanité. […] Paul Bourget continue dans la Vie parisienne la série de ses « naïvetés psychologiques ». […] Sa vie peu connue restait enveloppée de légendes. […] Paterne Berrichon, projetant des rais de lumière crue sur cette vie aventureuse, la dépouillait de son mystère.
Ce n’est pas sa vie que j’ai à raconter, et elle-même dans ses Souvenirs n’a parlé qu’à peine de ce qui a trait à elle. […] Louis XIV est peint par des traits justes et nets qui le montrent sans exagération et avec tous ses avantages dans la vie habituelle : on y sent bien le roi digne de cette grande époque où l’on pensait et où l’on parlait si bien. […] Puis, avec l’usage et le temps, il en vint à exprimer plus encore, et à ne pas signifier seulement une qualité du langage et de l’esprit, mais aussi une sorte de vertu et de qualité sociale et morale qui rend un homme aimable aux autres, qui embellit et assure le commerce de la vie. […] elle se présente sans hypocrisie, mais par son aspect le plus uniforme et le plus rangé : elle ne laisse voir sans doute que la moitié de sa vie. […] Mme de Caylus, y faisant allusion, dira ailleurs, dans une image pleine de pensée : Je suis fort bien ici, je ne perds pas un rayon du soleil, ni un mot des vêpres d’un séminaire (Saint-Sulpice) où les femmes n’entrent point ; c’est ainsi que toute la vie est mêlée : d’un côté, ce palais (le Luxembourg), et de l’autre, les louanges de Dieu !
Pour moi, cette vie désordonnée et affichée de la mère de Mme de Lambert me dénote un autre genre d’influence qui s’est vue souvent en pareil cas, et qui peut s’appeler l’influence par les contraires. […] Mme de Lambert, toute sa vie, se fit une loi de respecter d’autant plus la bienséance, qu’elle l’avait vue offensée davantage autour d’elle dans son enfance ; elle se proposa pour objet principal et pour but de toute sa conduite la considération et l’honneur. […] Elle veut qu’elle aussi, pour être heureuse, elle apprenne à penser sainement, à penser différemment du peuple sur ce qui s’appelle morale et bonheur de la vie : « J’appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément : la Cour en est remplie. » Ces réflexions philosophiques, qui, plus tard, passeront aisément à la déclamation et à l’excès, percent déjà à l’état d’analyse très distincte chez Mme de Lambert. […] Elle répondait fièrement : « Je n’ai jamais eu besoin d’en faire. » On ajoutait qu’elle avait trahi par là une âme tendre et sensible : « Je ne m’en défends pas, répondait-elle ; il n’est plus question que de savoir l’usage que j’en ai su faire. » Cet usage est assez indiqué par ces conseils mêmes, si finement démêlés et si fermement définis : elle éleva son cœur, elle prémunit sa raison, elle évita les occasions et les périls ; elle ménagea ses goûts, et prit sur sa sensibilité pour la rendre durable et aussi longue que la plus longue vie : Quand nous avons le cœur sain, pensait-elle, nous tirons parti de tout, et tout se tourne en plaisirs… On se gâte le goût par les divertissements ; on s’accoutume tellement aux plaisirs ardents qu’on ne peut se rabattre sur les simples. […] La voici, telle qu’on la trouve à la fin de la Vie de l’abbé de Rancé, par Marsollier : « Les choses sont en repos lorsqu’elles sont dans leur place et dans leur situation naturelle ; celle de notre cœur est le cœur de Dieu, et lorsque nous sommes dans sa main et que notre volonté est soumise à la sienne, il faut par nécessité que nos inquiétudes cessent, que ses agitations soient fixées, et qu’elle se trouve dans une paix entière et dans une tranquillité parfaite. » 27.
On y voit tout d’abord que la vie de l’archevêque de Cambrai réunit tout ce qui peut intéresser un « cœur sensible », des talents, des vertus et des « malheurs » ! […] Un jour qu’il le questionnait un peu trop sur sa vie et sur les circonstances de son passé, l’abbé de Boismont lui dit : « L’abbé, vous me prenez la mesure d’un éloge. » Ce ne fut pourtant point à l’abbé de Boismont, mais à Le Franc de Pompignan, que succéda Maury. On loua quelques parties de son discours de réception ; mais ce qui parut à tout le monde un néologisme intolérable et une énormité du plus mauvais goût, ce fut d’avoir osé dire, en résumant les principaux écrits et les événements de la vie de son prédécesseur : « Tel est, messieurs, le tableau que présente la vie de l’écrivain justement célèbre qui entre aujourd’hui dans la postérité ! […] Mais, tandis que le traité du cardinal Maury nous recommande ces choses excellentes, faut-il donc que sa vie et son exemple nous répètent encore plus haut que, pour être éloquent jusqu’au bout, pour l’être de près comme de loin, pour avoir autorité, même avec un talent moindre, pour se faire écouter dans ce qu’on dit de grand, d’éclatant ou même de simplement utile, il n’est rien de tel que de mettre en parfait accord l’homme et l’orateur, l’homme et l’auteur, et, si vous préférez à tout la parole de Bourdaloue, d’y joindre ce qui en est le principe et la source première, je veux dire les mœurs de Bourdaloue !
En un mot, nous n’avons jamais deux fois la même représentation interne, parce que nous ne repassons jamais deux fois par le même état de la conscience, par le même sentier de la vie. […] Au contraire, mes volitions m’apparaissent comme des parties intégrantes et des développements de ma vie interne, combinée d’ailleurs avec les influences du dehors, réfractée et réfléchie en perceptions de toutes sortes. […] Notre vie est une seule et même histoire interne, variée par tous les concours ou conflits extérieurs qu’elle rencontre. Ou la volonté n’est nulle part, ou elle est partout en nous ; nous sommes partout en action et en mouvement : c’est là la vie, et la volonté ne cesse qu’avec la vie.
Je ne veux plus d’autre étude que celle qui peut rendre la société plus agréable, et le déclin de la vie plus doux. […] Son ministère consistait-il à consoler les malheureux par l’espoir d’une autre vie, à inviter le pauvre à la vertu, le riche à la charité ? […] Souvent las d’être esclave et de boire la lie, De ce calice amer que l’on nomme la vie ; Las du mépris des sots qui suit la pauvreté, Je regarde la tombe, asile souhaité ; Je souris à la mort volontaire et prochaine ; Je me prie, en pleurant, d’oser rompre ma chaîne. […] À quelque noir destin qu’elle soit asservie, D’une étreinte invincible il embrasse la vie, Et va chercher bien loin, plutôt que de mourir, Quelque prétexte ami pour vivre et pour souffrir. […] » Et premièrement, chrétiens, si vous regardez son extérieur, il avoue lui-même que sa mine n’est pas relevée221 : Præsentia corporis infirma ; et si vous considérez sa condition, il est méprisable, et réduit à gagner sa vie par l’exercice d’un art mécanique.
. — Ailleurs, et au hasard, veut-on un autre exemple : Voici le vrai texte : J’ai cherché d’où j’aimais Don Quichotte et à le relire vingt fois dans ma vie, ainsi que plusieurs autres romans : c’est que j’aime les mœurs qu’ils dépeignent. […] J’ai relu Don Quichotte vingt fois dans ma vie.
Alors le malheur est long comme la vie, il se compose de vos fautes et du sort, il vous humilie et vous déchire. […] La souffrance est alors le centre de toutes les pensées, elle devient le principe unique de la vie, on ne se reconnaît que par sa douleur.
. — L’Auberge de la vie (1869). — Les Dents du Dragon (1869). — Les Gaietés romaines (1870). — La Maison close (1871). — La Queue d’or (1872) […] bien découvert aux extrémités sous une chevelure drue, noire comme l’Érèbe et tondue de près, les yeux non démesurément ouverts, mais lumineux, sagaces, avec une étincelle de flamme et bien abrités sous leurs sourcils presque droits, le nez osseux, torturé, à l’arête large, aux narines coupées très hardiment, et s’enflant un peu au bout comme celui des grands penseurs, les joues solides, halées par le soleil et le vent de la mer, accusaient une énergie invincible, et la bouche ironique, bienveillante, sensuelle, aux lèvres pourprées, éclatait de vie dans une longue barbe ondoyante et tortueuse comme celle de Clément Marot.
. — La Vie héroïque des aventuriers, des poètes, des rots et des artisans. […] Un souffle a passé, un besoin de bâter la justice, de vivre la vie vraie, pour réaliser le plus de bonheur possible.
Une langue n’a pas d’autre raison de vie que son utilité. Diminuer l’utilité d’une langue, c’est diminuer ses droits à la vie.
S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand !
Les vains simulacres attachés aux êtres insensibles s’évanouirent, et les rochers furent bien plus réellement animés, les chênes rendirent des oracles bien plus certains, les vents et les ondes élevèrent des voix bien plus touchantes, quand l’homme eut puisé dans son propre cœur la vie, les oracles et les voix de la nature. […] Les Religieux qui publièrent la vie des Pères du désert furent à leur tour obligés de faire le tableau des retraites où ces illustres inconnus avaient caché leur gloire.
Et ce Temps revenu sur ses pas pour rendre Euridice à la vie et à son époux, n’est-il pas d’une belle poésie ? […] Revenez à la vie.
Sans un pareil motif l’homme, qui n’aime pas le jeu, plaindra seulement le joüeur d’avoir contracté l’habitude dangereuse de mettre à la disposition des cartes ou des dez la douceur de son humeur et la tranquillité de sa vie ; c’est parmi ceux qui sont tourmentez de maux pareils aux nôtres que l’instinct nous fait chercher des gens qui partagent nos peines, et qui nous consolent en s’affligeant avec nous. […] Or de toutes les passions celle de l’amour est la plus generale : il n’est presque personne qui n’ait eu le malheur de la sentir du moins une fois en sa vie.
A un certain degré de violence, elle empêche toute action, elle s’oppose à tout emploi énergique de la vie. […] Il avait été attiré à Paris pour deux raisons : parce que, disait-il, c’est la seule ville où la vie intellectuelle et artistique soit à très bon marché ; et parce que c’est la seule ville où l’on vous permette de ne pas appartenir à un parti politique ; et parce que, en conséquence, Paris est la ville des pauvres et des gens tranquilles.
Ignorant, mal élevé, sans méthode, attelé avec l’ardeur d’un étalon à une production forcenée, d’une passion qui s’étendait à tout et qui le tua d’un anévrisme (car ce cœur qui battait trop fort fut le marteau qui brisa sa vie !) […] Les grands artistes étudieront Soulié comme on étudie certains torses, certains raccourcis, certains écorchés, toutes ces choses qui ne sont en elles-mêmes que des fragments tourmentés de la vie et de la nature, mais qui servent à les exprimer !
Ainsi Achille reçoit dans sa tente l’infortuné Priam, qui est venu seul pendant la nuit à travers le camp des Grecs, pour racheter le cadavre d’Hector ; il l’admet à sa table, et pour un mot que lui arrache le regret d’avoir perdu un si digne fils, Achille oublie les saintes lois de l’hospitalité, les droits d’une confiance généreuse, le respect dû à l’âge et au malheur ; et dans le transport d’une fureur aveugle, il menace le vieillard de lui arracher la vie. […] La vie de Rienzi par un auteur contemporain nous représente au naturel les mœurs héroïques de la Grèce, telles qu’elles sont peintes dans Homère.
. — Concordance de sa vie et de son talent. […] Mérites de ce drame. — Personnages d’Antoine et de don Sébastien. — Otway. — Sa vie. — Ses œuvres. — L’Orpheline, Venise sauvée. […] Cette lutte préalable et cette transformation progressive composent la vie de Dryden, et expliquent son impuissance et ses chutes, son talent et son succès. […] Il y a bien loin de cette vie militante et raisonneuse aux rêveries et au détachement d’un vrai poëte. […] Il peint la vie d’un squire rural qui est l’arbitre de ses voisins, qui évite les procès et les médecins de la ville, qui se maintient en santé par la chasse et l’exercice.
Le colonel Mignon n’a pas plus hésité devant les désastres civils que jadis, en 1812, il n’avait cédé aux malheurs de la vie militaire. […] La position est difficile, on en conviendra, et si l’on aimait comme cela dans la vie, il semble qu’on n’aimerait ni beaucoup ni souvent. […] Au lieu d’un favori de la muse, avoir pour amant mystérieux, un référendaire à la Cour des Comptes, c’est à désespérer de la vie. […] Alfred de Musset ont été des plus remarquées et cela avec justice car nous ne craignons pas d’affirmer, dès l’abord, que longue vie est assurée au moins à une partie de ce qu’elles contiennent. […] Brutus pour conserver sa vie ne faisait pas d’actions indignes ; il se contentait de rester mélancolique, silencieux et de soutenir une réputation de maniaque.
Enseignez-moi qui m’a dérobé mon âme, ma vie, mon cœur et toute mon espérance ? […] Quel est ce cruel qui tout à coup m’a ravi mes biens, mon honneur et ma vie ? […] Son drame embrassait souvent la vie d’un homme. […] La vie est une mer qui n’a point de reflux. […] Si, pendant sa vie, on l’avait traité en fou, il serait venu plus sage ici.
Parce que Titus et Bérénice ne perdent ni la vie ni la raison ? […] parce qu’il s’agit ici pour Bajazet de la vie et du trône, Atalide doit étouffer son amour, Bajazet ne doit plus être sensible qu’à l’ambition ! […] Prêt à périr victime d’une jalousie barbare, il ne se venge d’un père dénaturé qu’en exposant sa vie pour le sauver des mains de ses ennemis. […] Esther, la faible et timide Esther ne risque-t-elle pas sa vie pour le salut de sa nation, en paraissant devant Assuérus sans être mandée ? […] Bernadille parodie les stances du Cid ; il est entre l’honneur et la vie.
Les contrastes abondent dans sa vie et dans son œuvre. […] Ce commensal habituel des rois et des ducs a peint la vie bourgeoise avec une minutie, une exactitude et un relief surprenants. […] C’est un homme religieux, de vie sainte ; ses paroles sont rares et circonspectes ; il ne parle que quand des évêques et des personnes religieuses le lui demandent. […] Il prétendait faire croire que son héros avait été vu récemment en Allemagne, et signaler des lieux où on l’avait rencontré ; il ne pouvait rendre cette histoire admissible qu’en ajoutant qu’il n’avait fait que passer dans chacun de ces lieux ; il était donc indiqué de substituer à la vie paisible et retirée de Cartaphilus la vie agitée et vagabonde d’Ahasvérus. […] Ahasvérus s’y donne comme étant fils d’un charpentier, de la tribu de Nephthali, et comme ayant assisté à plusieurs scènes antérieures de la vie du Christ.
Quelle vie, quelle animation ! […] Je suis faite si étrangement, que je regarde ma vie comme une chose qui m’est étrangère et j’ai mis dans cette vie tout mon bonheur et tout mon orgueil ; si ce n’était cela, je serais à ne me soucier de rien. […] si vous saviez comme je suis fatiguée de cette vie de tristesse ! […] Les jours se suivent, le temps passe, la vie s’en va. […] On perdrait sa vie à convaincre les gens.
Les cieux, les limbes, les purgatoires, les enfers, dans toutes les religions, sont les noms divers des conséquences de la vie matérielle que nous retrouvons dans la vie immatérielle, après ce monde, pour nous purifier, nous punir, nous récompenser dans un autre monde. […] Les rhéteurs n’ont jamais pu l’enseigner ni le surprendre, pas plus que les chimistes n’ont pu saisir le principe de vie qui fuit sous leurs doigts dans les éléments qu’ils élaborent : on sait ce qu’il produit, on ne sait pas ce qu’il est. […] Son livre n’est pas un livre, c’est une vie. […] « Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine ! […] Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant, je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte ; heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint. » XXX La langue française prit dans cette bouche un accent qu’elle ne retrouva pas après lui ; mais il en reste un certain écho dans la voix des grands orateurs de la chaire qui lui succèdent sans l’égaler.
Le jour de cette représentation royale d’Athalie fut pour moi une de ces commotions de l’âme qui se répercutent sur toute une vie. […] Je remis ma lettre d’une main toute tremblante dans la loge du portier de Talma, et je rentrai dans mon hôtel pour y attendre ou le silence de mort, ou la réponse de vie du grand tragédien. […] Le lendemain je croyais livrer la bataille de ma vie. […] J’ai fait de bonnes études chez les jésuites ; j’ai servi quelque temps comme mon père dans la maison militaire du roi ; cette vie monotone, sans guerre et sans gloire, m’a dégoûté. […] Je n’y songeais déjà plus ; ma vie avait pris un autre cours : j’aspirais à entrer dans la diplomatie.
L’esprit commun qui unit entre elles ces nombreuses populations est d’aimer la vie intérieure, celle de l’imagination, du sentiment ou de la pensée solitaire comme celle de la famille, de préférer ou de mêler la rêverie à l’action, et d’emprunter à l’ame, à quelque chose d’idéal et d’invisible, la direction de la vie extérieure, le gouvernement de la réalité. […] Accoutumées à une vie errante, toujours combattues par les Romains, jamais domptées, nous les voyons attendre dans leurs forêts que l’heure soit venue de refouler chez eux les conquérans, et d’attaquer leurs agresseurs. […] Ils ont beau s’agiter dans le monde extérieur, ils le revêtent toujours de formes empruntées à la vie intime. […] Leibnitz, dont on ne peut trop admirer le génie, Leibnitz lui-même est un disciple de Descartes, disciple, il est vrai, qui a surpassé son maître, mais qui, malheureusement entraîné par une curiosité universelle, la passion de toutes les gloires et les distractions de la vie politique, n’a jeté que d’admirables vues, sans fonder un système net et précis. […] De là Dieu et une autre vie.
Que diriez-vous du propriétaire d’un palais immense qui emploierait toute sa vie à monter et à descendre des caves aux greniers, des greniers aux caves, au lieu de s’asseoir tranquillement au centre de sa famille ? […] C’est qu’il y a plus de vie et moins de formes. à mesure qu’on introduit les formes la vie disparaît. Dans l’animal mort, objet hideux à la vue, les formes y sont, la vie n’y est plus. Dans les jeunes oiseaux, les petits chats, plusieurs autres animaux, les formes sont encore envelopées, et il y a tout plein de vie ; aussi nous plaisent-ils beaucoup. […] Qui est-ce qui sait ce que nature même semble ignorer, introduire les formes de l’âge avancé et conserver la vie de la jeunesse ?
« Pardon, si je fais des pointes ; je viens de lire deux pages de La Vie de Marianne », écrivait Voltaire à M. de Mairan. […] On ajoute que, dans la vie, sa conduite fut toujours sans tache, et qu’elle ne voulut que des amis, jamais des amants. […] Et le tout finit par un double mariage, qui est l’inverse de celui qu’on avait prévu d’abord : tant il est vrai que dans la vie il faut un peu de flatterie, même pour s’aimer avec amour et se plaire avec quelque passion. […] La vie de Marivaux ressemble assez à ce qu’on peut s’en figurer par ses ouvrages.
Lorsqu’on y revient aujourd’hui toutefois, il est certains de ses écrits qui plaisent, qui instruisent et font penser ceux qui ont l’expérience de la vie. […] « Je n’ai guère reçu, monsieur, en ma vie ni de lettres plus agréables que celle dont vous m’avez honoré, ni de plus jolis vers que les vôtres. […] Il semble se corriger ici de ce lieu commun d’un faux Sully, qu’il avait caressé dans le précédent ouvrage. — Il observe très bien que de son temps les conditions de la société se sont tellement mêlées et confondues, et avec un frottement si continuel, que ce qu’on appelle les gens du monde n’ont plus ni état ni âge, ni rien qui marque l’individualité de la personne : La vie intérieure et domestique, dit-il, n’a plus été le partage que des états obscurs et des gens sans fortune. […] On ne s’en serait pas douté à la vie qu’il menait.
Comment peut-on encore ignorer quelque part que les recherches les plus profondes, la lecture la plus assidue, ne sont que des moyens d’instruction dont l’application seule fait le mérite, et que se tourmenter pour devenir érudit, sans avoir d’autre talent et sans se proposer d’autres vues, c’est passer sa vie à aiguiser une arme dont on ne doit jamais se servir ? […] Les collèges et les académies occupent donc le cercle entier de la vie humaine, où ils se touchent sans se confondre, parce que leur objet est différent. […] Il y a bien des années que, lisant de suite ce recueil des notices historiques de Vicq d’Azyr, simple étudiant alors et en chemin d’être médecin moi-même, mais hésitant encore entre plusieurs velléités ou vocations, il m’a été donné d’en saisir le doux intérêt et le charme ; en passant de l’un à l’autre de ces personnages, je sentais varier mes propres désirs ; chacun d’eux me disait quelque chose ; l’idée dominante que l’auteur avait en vue et qu’il exprimait dans la vie de chacun de ces savants m’apparaissait tour à tour et venait me tenter, même lorsque cette idée dominante n’était que des plus modestes : car il y a cela de particulier dans la touche de Vicq d’Azyr, qu’une sorte de sympathie y respire et que le coloris léger n’y dérobe jamais le fonds humain. […] Il le montre jeune à Leyde, suivant les leçons de Boerhaave et d’Albinus : Mais ce qui lui inspira surtout, dit-il, le goût de l’anatomie et la passion du travail, ce fut la vue du superbe cabinet de Ruysch, où, au milieu de tant d’organes préparés d’une manière surprenante, au milieu de sujets qui y avaient, en quelque sorte, recouvré une nouvelle vie, il aperçut un vieillard nonagénaire, desséché par les ans, mais toujours laborieux et actif, qui, paraissant comme un Enchanteur au milieu de ces merveilles, semblait avoir joint au secret de les conserver celui de s’immortaliser lui-même.
Le grand Arnauld ne l’avait jamais lu, je pense, et ce qu’il savait de grec, vers la fin de sa vie il l’avait oublié. […] Ronsard, à son tour, dans une pièce adressée au cardinal de Châtillon, traduit et encadre cet éloge de la vie rurale d’après Claudien ; il suit son texte de plus près, et il y ajoute un joli vers : Il dort au bord de l’eau qui court parmi les prées. […] Il a publié, dans son élégant volume, la vie de Ronsard par Guillaume Colletet, qui fait partie de l’histoire des poètes français appartenant à la bibliothèque du Louvre. […] Blanchemain, à la suite de la vie du poète, a donné quelques vers extraits des manuscrits de la Bibliothèque impériale, et qui paraissent inédits, et d’autres qui avaient été retranchés dans les éditions dernières.
Saint-Amant, de petite noblesse, né à Rouen vers 1594, avait pour père un marin commandant d’escadre ; Il eut des frères navigateurs ou militaires, et lui-même il s’adonna dès sa jeunesse à la vie mondaine, aventureuse. […] Le jour, je me promène sous des hêtres pareils à ceux que Saint-Amant dépeint dans sa Solitude ; et depuis six heures du soir que la nuit vient, jusqu’à minuit qui est l’heure où je me couche, je suis tout seul dans une grosse tour, à plus de deux cents pas d’aucune créature vivante : je crois que vous aurez peur des esprits en lisant seulement cette peinture de la vie que je mène. […] C’était un homme précieux à bord d’une escadre, et un bon compagnon dans l’ennui d’une traversée ; à terre, il était dépaysé, s’il ne menait même train et ne faisait vie qui dure. […] Les tableaux de l’histoire des Hébreux ou de la vie de Moïse ne s’y trouvent présentés qu’en récit ou en songe.
Il n’y a d’un peu engageant vraiment que le début ; il y montre avec esprit (ce n’est pas ce qui y manque), et en se faisant plus neuf, plus ingénu qu’il ne l’a jamais été, ses étonnements, ses premiers faux pas dès son entrée dans la vie parisienne sous les auspices de M. […] De quel droit relèvera-t-il les misères, les versatilités, les scandales de la vie littéraire, lui qui a fait un livre en partie spirituel, je le veux, mais tout au point de vue de l’amour-propre et qui n’est, à le bien prendre, qu’une gaminerie immense. […] Tout le reste du volume qui se rapporte à la vie de province et aux tribulations qu’il y rencontre est souverainement ennuyeux. […] Ville heureuse où l’on est dispensé d’avoir du bonheur, où il suffit d’être et de se sentir habiter ; qui fait plaisir, comme on le disait autrefois d’Athènes, rien qu’à regarder ; où l’on voit juste plus naturellement qu’ailleurs, où l’on ne s’exagère rien, où l’on ne se fait des monstres de rien ; où l’on respire, pour ainsi dire, avec l’air, même ce qu’on ne sait pas, où l’on n’est pas étranger même à ce qu’on ignore ; centre unique de ressources et de liberté, où la solitude est possible, où la société est commode et toujours voisine, où l’on est à cent lieues ou à deux pas ; où une seule matinée embrasse et satisfait toutes les curiosités, toutes les variétés de désirs ; où le plus sauvage, s’il est repris du besoin des hommes, n’a qu’à traverser les ponts, à parcourir cette zone brillante qui s’étend de la Madeleine au Gymnase ; et là, en quelques instants, il a tout retrouvé, il a tout vu, il s’est retrempé en plein courant, il a ressenti les plus vifs stimulants de la vie, il a compris la vraie philosophie parisienne, cette facilité, cette grâce à vivre, même au milieu du travail, cette sagesse rapide qui consiste à savoir profiter d’une heure de soleil !
faut-il que celles que l’on a le plus admirées et plaintes, le plus exaltées et célébrées, nous fassent faute à quelques années de là, nous donnent le regret, la confusion et presque le remords de nos espérances, et que cette misérable vie qui, passé une certaine heure, se compose pour nous d’une suite d’affronts secrets et d’échecs individuels, ne puisse s’achever sans que nous ayons vu coucher l’un après l’autre tous nos soleils, s’abîmer dans l’Océan toutes nos constellations, pâlir au fond du cœur toutes nos lumières ? […] Moi-même, si parva licet…, si j’ose, en présence de tant de noms et d’œuvres d’alors, me rappeler tout bas ce premier souvenir de ma vie littéraire, lorsqu’en 1824 j’entrais comme apprenti rédacteur au Globe, que me demandait comme échantillon, comme premier essai de ma plume, mon ancien maître M. […] On sort d’une telle lecture tout enfiévré, mais cette fièvre est celle de la vie ; elle donne le désir. […] La Grèce, telle qu’elle est aujourd’hui, a un trop gros cerveau ; c’est « une tête énorme sur un petit corps. » Ajoutez les habitudes invétérées d’une trop longue décadence, d’une société longtemps relâchée, décousue et dissoute ; les héros à pied et en disponibilité qui n’ont de ressource que de se faire brigands ; peu de respect pour la vie humaine ; pas d’idée bien nette du tien et du mien ; le vol sous toutes ses formes, la corruption et la vénalité faciles et courantes, comme l’admet trop aisément la moralité restée ou redevenue trop primitive.
Don Quichotte relu tout naturellement, lorsqu’on vient de lire une notice exacte de la vie de l’auteur, ne laisse guère de difficulté dans l’esprit. […] Il est arrivé en grand à Cervantes pour son Don Quichotte, ce qui est arrivé à La Fontaine avec ses Fables, entreprises d’abord pour un but particulier ; à mesure qu’il avançait, il a insensiblement, non pas perdu de vue, mais agrandi, étendu et serré de moins près son premier objet ; il a fait entrer toute la vie humaine dans son cadre et nous a rendu cette vaste comédie « aux cents actes divers. » Le plan de Don Quichotte n’a rien d’exact, et il a varié sensiblement dans le cours de l’exécution. […] Les hommes d’une âme élevée se proposent, dans la vie, d’être les défenseurs des faibles, l’appui des opprimés, les champions de la justice et de l’innocence. […] La religion et les matières d’État sont absentes de son livre, et tel qu’on le connaît, dans l’habitude de la vie, il ne s’en occupait pas.
Je voudrais être assez initié à ces choses d’État pour pouvoir faire en regard une esquisse de l’humble rédacteur ou publiciste des Relations extérieures, de celui dont le nom ne se prononçait jamais et dont toute la vie se passait devant des cartons verts, dans les bureaux ou les corridors : Nourri dans le sérail, j’en connais les détours. […] Si, par un hasard qui n’en était pas un et qui devait assez souvent se produire, quelque pièce dont ils étaient les premiers auteurs et rédacteurs sortait au jour, si quelque combinaison dont ils avaient suggéré le plan prenait corps et vie et devenait manifeste, ils se gardaient bien de dire : Elle est de moi, ou même de le penser seulement. […] Frappé au mois de juin 1862, à l’âge de soixante-deux ans, d’un accident soudain qui le saisit et le paralysa dans toute la force de la pensée, il ne se releva pas, assista deux années durant à sa lente destruction, et succomba le 1er septembre 1864, avant d’avoir pu terminer l’Histoire des Cabinets de l’Europe, « cette œuvre, tourment et bonheur à la fois de sa vie. » Je dis tourment, et on va le comprendre. […] Mais, on le conçoit, et même chez un esprit que les succès littéraires ne préoccupaient point, même pour le seul penseur, il y eut, il dut y avoir des tristesses intimes et profondes, de grandes défaillances morales, de voir ainsi l’œuvre de sa vie compromise et découronnée, de se sentir arriver au public tout haché et morcelé, lui qui précisément avait la conception une et entière ; d’assister au développement et au plein succès d’une autre vue que la sienne, et que naturellement il estimait moins exacte et moins vraie, sur cette grande époque et sur l’homme étonnant qui la personnifie.
Lauréat des académies, et en particulier de l’Académie française en 1837 pour son Ode de l’Arc de triomphe de l’Étoile, cette date marquée d’un clou d’or dans sa vie avait été son plus brillant moment. […] Ame simple et droite, sans un repli, avec les instincts les plus loyaux, mais toujours un peu de chimère, aucun des intérêts, aucune des ambitions qui d’ordinaire saisissent les hommes dans la seconde moitié de la vie n’eurent jamais sur lui action ni prise ; il y resta constamment étranger, innocent de toute compétition, de toute jalousie, ne se comparant pas, ne se plaignant pas, satisfait dans son coin, s’y tenant coi comme dans son nid, le même après comme avant l’orage, d’abord et toujours jusqu’à la fin l’homme de la muse, du rêve, de la rime, de la bagatelle enchantée. […] Élie Mariaker est le nom de l’auteur censé mort, dont on nous donne la vie, la pensée et les vers. […] Boulay-Paty, nous te saluons une dernière fois, brave et digne poëte, fidèle jusqu’à la fin au vœu de toute ta vie, qui as eu, même en expirant, le rêve et l’illusion de la postérité, comme si cette postérité avait le temps de s’arrêter un moment, de se retourner, de regarder quiconque ne la suit point au pas de course ou ne la précède pas !
Toutefois encore, on put remarquer dans le langage éloquent de cette muse éplorée les habitudes de sa vie première et la force de ses inclinations chéries. […] Comment nous montre-t-il ce navigateur héroïque, dévoué aux pures convictions de la science, ce rival, non pas des Pizarre et des Cortez, mais des Copernic et des Galilée, qui, sur la foi d’une conclusion logique, aventure sa vie au milieu de l’Océan ? […] En un mot, un peu de Caverly répandu çà et là, à diverses doses, sur tous ces personnages, ne ferait pas mal : c’est ainsi dans la vie. […] Au reste, nous demandons peut-être là quelque chose de contraire à la construction habituelle de ce genre de comédie, qui, à l’aide de personnages calqués à distance sur la vie et plus ou moins artificiellement découpés, tient surtout à produire des effets de réflexion, des développements moraux, des observations spirituelles ou de nobles leçons exprimées en beaux vers.
Ce que la fondatrice voulait établir, ce n’était pas un ordre religieux ni un cloître austère ; c’était quelque chose d’intermédiaire entre la retraite et le monde, un asile en faveur des filles qui n’auraient point de vocation pour le mariage ni pour le couvent proprement dit, et qui voudraient concilier l’éloignement du siècle avec une vie exempte de clôture et affranchie de la solennité des vœux. […] Elles vivaient néanmoins en commun, mais sans autres pratiques extérieures que celles que doivent observer toutes les personnes de leur sexe qui renoncent au mariage, et qui veulent mener une vie modeste et chrétienne. […] Pavillon ; il s’y opposa autant qu’il le put, mais inutilement : « Les communautés, disait-il, dégénèrent toujours et ne conservent pas longtemps l’esprit de leur institut. » (Vie de M. […] Ier, p. 166.) — à bien regarder ce passage de la Vie de M.
On a fort discuté sur la vie et sur le caractère réel de Rabelais. […] En lisant ces descriptions, comme on sent bien le dégoût que Rabelais dut éprouver de cette ignoble vie quand il était cordelier ! […] Le caractère tout nouveau de cette éducation est dans le mélange du jeu et de l’étude, dans ce soin de s’instruire de chaque matière en s’en servant, de faire aller de pair les livres et les choses de la vie, la théorie et la pratique, le corps et l’esprit, la gymnastique et la musique, comme chez les Grecs, mais sans se modeler avec idolâtrie sur le passé, et en ayant égard sans cesse au temps présent et à l’avenir. […] Dans celle-ci en effet, et à mesure qu’on avance dans la vie ; que de fatigues, que de luttes et de peines n’a-t-on pas à supporter !
Pour peu que le nombre de ces phénomènes mentaux ait été considérable, ils ont du former une grosse part de la vie psychique de l’artiste. […] Une composition parfaite, de celle des parties à celle de toute l’œuvre, permettra de penser que chez l’artiste qui la pratique, la cohésion des idées est étroite et suivie, c’est-à-dire qu’entre les phénomènes de sa vie mentale, le jeu des lois de similarité et de contiguïté est parfait. […] La réponse à ce problème donnera, avec une vraisemblance considérable, une notion exacte, complète et définie de l’âme de l’artiste que l’on veut connaître, prise en pleine existence, en pleine activité, dans l’exercice même de ses facultés, saisie eu son ensemble avec tout ce qu’y auront déposé l’hérédité, l’éducation, le milieu, les hasards de la carrière, l’imitation, figurée en un mot, non pas comme une abstraction factice et après soustraction de certains éléments qu’on aurait tort de prétendre étrangers, mais en sa vie propre et dans l’ensemble des conditions qui l’ont constituée. […] On sait que Lombroso, proche des théories de Max Nordau sur la « dégénérescence » (Dégénérescence est précédé d’une lettre-préface adressée à l’auteur de L’Homme criminel), héritées des travaux du médecin Bénédict-Auguste Morel, tenta de fonder scientifiquement une vision raciste, sexiste et antisémite de la vie sociale.
Sa vie et sa correspondance (suite et fin.) […] Remarquez que Lamartine ne connaissait qu’à peine et de loin seulement Mme Valmore ; mais la divination du génie est comme une seconde vue, et du premier coup d’œil il avait tout compris de cette existence, il avait tout exprimé en images vivantes et dans un tableau immortel : Ils n’ont, disais-je, dans la vie Que cette tente et ces trésors ; Ces trois planches sont leur patrie. […] Le talent est comme le pommier : le poète, pour porter tous ses fruits, a besoin d’avoir reçu aux racines de la vie sa blessure.
Ainsi Tacite, s’imposant la loi de faire l’histoire du monde romain année par année, raconte d’abord l’histoire extérieure, les campagnes, les guerres, les révoltes, puis l’histoire intérieure, les événements du palais impérial, et les affaires du sénat, enfin les menus incidents, les singularités, les circonstances secondaires, ce qu’on peut appeler les faits-divers de la vie romaine : et dans tous ces morceaux juxtaposés, il n’empiète guère d’une année sur l’autre. […] D’autre part, à lire Voltaire, on saisit bien l’ensemble des guerres, ou l’ensemble de l’administration financière : mais les rapports de ces parties entre elles, l’action et la réaction réciproques de la politique extérieure, de la politique intérieure, des guerres, de l’administration, de la vie de la cour, comment la situation de la France à chaque année du règne et le développement ultérieur de chaque partie de l’histoire dépendent du développement antérieur de toutes les parties, comment tout vient de tout et aboutit à tout, voilà ce qu’on ignore. […] Le dialogue que demandent la logique des événements et la nature intime des individus, n’est pas celui que composent dans le monde les circonstances, les convenances et l’intérêt : ce qui est philosophique et vrai n’a guère l’air de la vie et de la réalité.
L’amour de ce jeune homme pour cet enfant est désintéressé ; seulement c’est faute de l’argent nécessaire à l’enlèvement qu’il ne peut conduire sa vie comme il le voudrait. […] Camille Lemonnier, dans L’Arche, avait déjà écrit le roman de braves gens heurtés par la vie. […] On ferait à la rigueur une honorable conférence sur Scarron, en racontant sa vie et en soulignant les renseignements que sa manière et sa matière nous donnent sur le mouvement littéraire et sur la société de son temps.
Son bannissement fit le tourment de sa vie. […] Une chose bien extraordinaire, c’est que ceux qu’il charge d’avoir fait les couplets, ont toute leur vie protesté la même chose. […] Voici l’abrégé de sa vie, Qui fut trop longue de moitié.
Aujourd’hui, nous avons à mettre en regard avec le premier le second mérite de Mme de Girardin et à examiner les deux volumes où la femme d’esprit apparaît avec un tel mouvement, un tel étincellement, une telle vie, qu’elle emporte tout, comme l’hirondelle « Emporta toile et tout, « Et l’animal pendant au bout ! […] Mme de Staël, ce Diderot-femme et qui, parce qu’elle était femme, valait mieux que Diderot, a, offert le même spectacle que Diderot, dont Mme Necker disait, sans regarder sa fille : « Il n’eût pas été si naturel, s’il n’avait pas été si exagéré. » Mlle Delphine Gay, qui a presque failli être Corinne Gay, mais que l’esprit, l’esprit grandi et trempé, comme un acier, dans la vie, a sauvé du vertige, au bord du ridicule, Mlle Delphine Gay, cette de Staël, blonde et belle, et qui faisait des vers, trois supériorités qui eussent passionné, jusqu’à la petitesse de la jalousie, la grande âme de Mme de Staël, mais qui n’en restera pas moins inférieure à Mme de Staël, malgré ces trois supériorités, Mlle Gay, née à Aix-la-Chapelle, fut baptisée, dit-on, sur le tombeau de Charlemagne et élevée à l’ombre de ce cap Misène, peint par Gérard, qui, alors, projetait sa cime lumineuse sur toutes les imaginations. […] C’est de la causerie qui passe par les yeux au lieu de passer par les oreilles, mais c’est toujours de la causerie, et voilà pourquoi des lettres sont toujours, plus que les livres, la vie vraie de l’esprit, son jaillissement de source, sa veine ouverte !
Craven raconte bien moins la vie des siens qu’ils ne la vivent et ne la parlent eux-mêmes devant nous. […] Mme Craven avait dans sa vie un deuil plus beau que celui de la gloire. […] … Et d’ailleurs, puisque de sœur et de fille, enterrant pieusement les siens comme Antigone — une Antigone plus grande que l’autre, puisqu’elle est chrétienne — elle a voulu passer femme de lettres, elle a voulu se ravaler à la vie du bas-bleu, au travail et à l’ambition du bas-bleu, ce n’est pas le roman qu’elle aurait dû écrire ; ce n’est pas au roman qu’elle aurait dû se brûler les doigts.
Pour un esprit comme le sien, pour un esprit jeune alors, animé, plein de sève, et par-dessus tout cela poétique (il venait de publier un volume de vers), c’était une charge, mais non une charge d’âme, que de continuer Sismondi, — Sismondi, l’historien érudit, si l’on veut, mais l’historien sans vie réelle, sans mouvement, sans chaleur, et l’un des écrivains de cette belle école grise de Genève qui, pour le gris, le pesant et le froid, a remplacé avantageusement Port-Royal ! […] Le plus souvent on a besoin, pour en expliquer les catastrophes et les infortunes, de recourir aux idées des hommes désorientés par le malheur suprême, à ces idées qui sont comme les planches de salut qu’ils saisissent quand ils ne comprennent plus rien aux faits de la vie dans le naufrage de leur raison : logique des événements, justice de Dieu, Providence ou hasard, lois mystérieuses qui régissent le monde ! […] Dans son journal, les chasses figurent comme les fastes de sa vie ; le jour où le roi n’avait pas chassé s’y trouve noté avec le mot : Rien.
Que peut-on croire, en effet, de la vérité de ses conclusions historiques quand on se rappelle qu’entre dans des idées nouvelles au moment où il allait sortir de la vie, il se proposait de reconstruire, de fond en comble, l’édifice qu’on nous avait donné, depuis tant d’années, comme un monument inébranlable ? […] C’était si bien la vie normale et non exceptionnelle, que le mouvement si spontané des croisades, régulières et organiques, en est sorti. […] Idée vulgaire et fausse que Thierry a traînée toute sa vie à la queue de son beau talent, et qu’il en aurait détachée pour la fouler à ses pieds s’il avait vécu davantage.
… « Madame de Condorcet — dit Michelet — avait la mélancolie d’un jeune cœur auquel quelque chose a manqué… L’enfant, le seul enfant qu’elle eut, naquit neuf mois après la prise de la Bastille… Ce fut elle qui donna à Condorcet le sublime conseil de… terminer l’Esquisse des progrès de l’esprit humain. » Tels sont les seuls et singuliers mérites de Sophie Condorcet que Michelet a pu trier dans toute sa vie, et c’est sur ce triple mérite que l’hagiographe exécute l’assomption de cette glorieuse sainte. […] La vie de cette femme est percée à jour. […] » Ainsi, encore, ces intéressantes mesdemoiselles Duplay, dont la vie se passait « à dérider le front soucieux de Robespierre » : les Vestales de ce feu sacré !
, — méconnaissant l’idéal ou le rapetissant jusqu’à n’être que la photographie exacte des formes extérieures de la vie. […] III Franchement, c’était prestigieux d’exécution et curieux d’érudition, de mots recueillis, de citations et d’anecdotes, et il y avait là une vie d’impression, d’imagination et d’âme, très intense, que ne connurent pas, depuis, les romans de MM. de Goncourt. […] Et, chose dont il faut leur tenir compte encore plus que de l’enthousiasme et de la vie dont ce livre déborde par-dessus les frivolités dont il est plein, c’est le sentiment moral opposé bien souvent à l’enthousiasme que le xviiie siècle leur inspire, et créant même, à certains moments, un enthousiasme contraire.
Il avait montré, au début de sa vie intellectuelle, des facultés qui devaient l’élever bien au-dessus du métier qu’il fait actuellement et auquel il ne pourrait plus, quand il le voudrait, s’arracher. […] Il a l’unité dans la vie, la pérennité dans les opinions. […] Triste gloire, du reste, que de pocher une biographie avec la vie la plus digne, la plus fière et la plus translucide de pureté, pour la servir à un public républicain et libre-penseur !
Comme tous les ouvrages qui doivent nous montrer en dedans et sous la peau, intus et in cute, un homme célèbre, comme tout ce qui nous entr’ouvre son cœur et son cerveau et nous livre ses procédés, c’est-à-dire les points d’appui et les leviers de sa vie intellectuelle, cette publication est en soi très intéressante et très utile. […] Hoffmann resta toute sa vie dans l’entre-deux, entre cette foi au surnaturel sans laquelle il ne saurait y avoir de vrai fantastique, et cette comédie de terreur qu’Anne Radcliffe nous a jouée en maître. […] … Champfleury s’est beaucoup débattu pour répondre à ceux qui prétendent qu’Hoffmann n’a pas le sens humain, et, par une confusion que nous voulons bien croire sincère, le dévoué raisonneur a cité les lettres plus ou moins sentimentales de l’auteur allemand à ses amis, comme s’il s’agissait de la moralité de la vie et non pas de la nature du talent !
Qu’elles appartinssent donc à lui ou à d’autres, les opinions qui donnent la vie à son Étude sur Pascal, et qui n’ont été jusqu’ici dépassées par aucune vue nouvelle, méritaient l’attention d’une Critique, qui a bien le droit de se demander si ce sont là les derniers mots qu’on puisse dire sur Pascal, et s’il y aura même jamais un dernier mot à dire sur cet homme qui fait l’effet d’un infini, à lui seul ! […] Sainte-Beuve, meilleur à imiter cependant, car, du moins, celui-là est humain sous sa littérature et recherche les influences de la vie dans les révélations de la pensée ! […] Devant la Postérité et cette partie de la Postérité qui aime les grands poëtes, Voltaire n’aura jamais l’honneur d’avoir été, en toute sa vie, une seule minute, fou comme Pascal !
Depuis eux, il est venu un médecin à facultés puissantes, qui a posé vigoureusement que la volonté, c’était la vie. […] Sans doute, la modération dans les désirs, quand on a le moyen de se modérer, la résignation qui souffre la vie pour moins souffrir de la vie, le calme de l’intelligence qui comprend la nécessité, sont des conditions de santé jusqu’à un certain point, ce qui ne veut absolument rien dire puisque ces conditions sont sans solidité, éternellement menacées par l’imprévu, et peuvent être renversées… par le premier vent-coulis, qui plante un point de côté à Goethe ou à Kant, par exemple, et les emporte, malgré la défense ou le remède de « leurs grandes pensées » !
Si travaillés, si fouillés et ciselés qu’ils puissent être, ces vers ont le destin de la pierre, même précieuse ; et ils ne s’enlèvent pas aussi légèrement que cette prose, qui a plus d’ailes, parce qu’elle a plus d’âme, et, parce qu’elle a plus d’âme, qui a plus de vie et plus de couleur ! […] Ces rues tortueuses, les taudis qui les bordent, s’animent, après le coucher du soleil, d’une vie étrange. […] Mais le grand historien va peut-être surgir et éclater à son tour… José-Maria de Heredia nous annonce non plus des tableaux historiques, mais une histoire complète de la conquête du Mexique, et l’historien, qui est fait de hauteur de vue et de moralité, va-t-il planer ici sur la vie de sa couleur, et s’y dresser dans l’auguste attitude de cette double force nouvelle ?
On l’a loué, et je le loue aussi, d’avoir passé sa vie dans la noble préoccupation du travail, dans le chaste recueillement de l’étude, et de n’avoir jamais demandé qu’à la littérature cette tasse de lait qui manque à tant de soifs, et qui, pour lui, Dieu merci ! […] et qui nous tue plutôt, et qu’on traîne à la tombe, la passion, qui n’eut dans ses écrits qu’une seule page, qui s’appelle Mariana, n’eut peut-être aussi qu’une page dans sa vie. […] C’est la fierté des grandes races tombées et qui meurent comme le Gladiateur antique, sur la poussière de tout, mais dans la splendeur de l’attitude ; c’est le dévouement à la famille féodale dans un cœur simple et religieux demeuré fidèle ; c’est l’amour de l’épouse qui résiste à la puissance maternelle en lui demandant pardon de lui résister ; et, par-dessus toutes ces noblesses, qui s’opposent les unes aux autres et par leur collision produisent le mal de la vie, l’innocence de l’enfance, et son charme, venant à bout du stoïcisme le plus altier.
Ernest Charrière, qui nous avait déjà traduit, et très-souplement, les Mémoires d’un seigneur russe, par Tourgueniev, nous assure que cet impitoyable réaliste de Gogol, qui n’a que le nom de barbare, a débuté par le plus pur idéal dans sa vie littéraire. […] Écoutez cette plainte fatiguée : « Toutes les personnes, écrit Gogol à un de ses amis, toutes les personnes qui lisent, en Russie, sont persuadées que l’emploi que je fais de ma vie est de me moquer de tout homme que je regarde et d’en faire la caricature… » Bientôt cette société qu’il avait blessée par cette suite de caricatures qui forment les divers Chants de son poème des Ames mortes, les fonctionnaires de cette Chine de fonctionnaires, dont il avait dit les bassesses les petitesses, le néant, l’aristocratie puérile, les femmes, les prêtres, tout se souleva contre lui. […] Triste vie, triste fin, — plus triste livre encore !
Ces trois romans : Un début à l’Opéra, M. de Saint-Bertrand et le Mari de la Danseuse, qui ne font, comme je l’ai dit, qu’un seul livre, malgré leur triple étiquette, et qui devraient seulement s’appeler M. de Saint-Bertrand, ne sont que la vie de ce beau fils aimé d’une danseuse, homme entretenu (il faut dire exactement le mot), qui, pour jouer et bambocher, vend tout, se vend lui-même d’abord, puis vend sa maîtresse, puis sa femme, puis, quand sa femme n’est plus, son cadavre ! […] Restent donc les faits, les événements, les aventures, toute cette danse macabre des faits qui sont la vie même du roman-feuilleton… Eh bien, ces faits, — la seule ressource qui restât à Feydeau dans sa pénurie d’idées, de sentiment, de conception quelconque ! […] que les événements de la vie, et qui donnent à l’œuvre de l’art tout le décousu de la réalité.
Huet en a profité d’avance ; dans sa manière d’envisager et de peindre la nature, il serait tombé tout à fait d’accord avec Hoffmann et avec le petit Maltais ; voici le passage : « Saisir la nature dans l’expression la plus profonde, dans le sens le plus intime, dans cette pensée qui élève tous les êtres vers une vie plus sublime, c’est la sainte mission de tous les arts. […] J’ai toujours paru ne me préoccuper d’art qu’incidemment ; j’en ai rarement écrit, bien persuadé que, pour être tout à fait compétent en ces matières, il faut y passer sa vie ; mais je n’ai cessé tant que j’ai pu de voir et de regarder, et je n’ai pas laissé l’occasion de dire mon mot et de donner mon coup de collier à ma manière.
Mais sans analyser les résultats de ce temps horrible qu’il faut considérer comme tout à fait en dehors du cercle que parcourent les événements de la vie, comme un phénomène monstrueux que rien de régulier n’explique ni ne produit, il est dans la nature même de la révolution d’arrêter, pendant quelques années, les progrès des lumières, et de leur donner ensuite une impulsion nouvelle. […] Ce que la morale commande dans les actions n’est jamais douteux ; mais souvent on hésite, souvent on se repent de ses opinions même, lorsque des hommes odieux s’en saisissent pour les faire servir de prétexte à leurs forfaits ; et la vacillante lumière de la raison ne rassure point encore assez dans les tourmentes de la vie.
Jamais de la vie ! […] » Oui, je sais, il y a comme cela des gens qui se sont donné pour tâche d’expliquer, et, par suite, d’aimer toutes les manifestations, quelles qu’elles soient, de la vie et de l’art humain à travers les pays et les âges.
Il avait un génie rustique qui s’accordait mal avec la vie bruyante des villes. […] Son panthéisme ingénu, sa botanique de berger chercheur de simples, sa divination de Sylvain initié au langage des bêtes, nous font entrevoir, mieux que tous les livres, le mystère de l’immense vie qui circule autour de notre conscience éperdue.
Voilà qui est assez peu logique pour un homme de tant de bon sens : on peut écrire en métaphores très rassises, on peut ne pas hanter la Place-Royale, et n’en pas moins refuser son suffrage à son Agnès qui n’a point succombé, comme il le voudrait établir, sous les attaques intolérables de l’école nouvelle, mais qui a péri très justement par l’absence des qualités qui donnent la vie et font la gloire. […] Ses vers, assez souvent gauches et gris, surtout quand il s’agit d’exprimer les détails de la vie extérieure, s’affermissent singulièrement pour traduire les beaux lieux communs de la morale, les sentiments généreux ou les généreuses pensées.
Au spectacle de cette période de terreur, c’est, je pense, une consolation de voir s’élever une autre grandeur que la grandeur de la cour, une autre autorité d’exemple et d’opinion, un autre modèle de société, une autre source de mœurs, d’idées, de principes ; c’est surtout un besoin pour les âmes douces et nobles, au milieu des tourments politiques qui les épuisent, d’entrevoir dans une société nouvelle un asile fermé à l’esprit de faction, et où se retrouvent les principales aménités de la vie civilisée. […] Mais à peu près dans le même temps elle reçut Pierre Corneille, dont la vie poétique commença en 1625 par la comédie de Mélite dont nous avons parlé.
La course à la mort Vie moderne, 25 juillet 1851. […] Il oscille et hésite ; il est des heures où les dernières ondes de son sang, les regards profonds de celle qui passe dans sa vie, lui font pressentir l’éclosion d’une forte et douloureuse passion ; puis ce qui tressaille en lui s’apaise, il se dissèque, il analyse en lui les derniers frémissements de son âme et la voit se calmer sous son introspection ; puis des paroles ordinaires de Cécile N…, un geste disgracieux le repoussent et, se souvenant de l’ancienne théorie de Schopenhauer sur l’amour, il pénètre à cette vue profonde et clairement conçue que c’est l’hostilité et non l’attrait qui règne entre les sexes.
Enfin notre molesse vient-elle de notre genre de vie, ou bien est-ce parce que nous naissons plus foibles par l’estomac et par les visceres que nos ayeux, que chacun dans sa condition cherche de nouvelles préparations d’alimens, des nourritures plus aisées, et que les abstinences que ces ayeux observoient sans peine, sont aujourd’hui réellement impraticables au tiers du monde. […] Je crois donc que le genre de vie, que la mode de se vêtir plus ou moins en certaines saisons qui a lieu successivement dans le même païs, dépend de la vigueur des corps qui les fait souffrir principalement du froid, plus ou moins, suivant qu’ils sont plus ou moins robustes.
Très jeune encore, quoique sa Croisade 8 ne soit pas son début dans la vie littéraire, Bouniol, dont nous ne connaissons que ce volume, n’a aucune des pentes contemporaines dans l’expression ou dans la pensée. […] Le genre du talent de Bouniol est là tout entier, dans ces quelques vers où de la vulgarité du détail sort tout à coup la grandeur de la réflexion, comme dans la vie.
C’est ainsi que nous usons de la Vie d’Henriette Renan, et très souvent j’ai admiré la parfaite délicatesse littéraire des journaux français qui tous ont écarté l’idée, assurément fort tentante, de donner à leur public ces pages fameuses. […] A une époque où les renommées littéraires se font et s’entretiennent par d’habiles réclames, où nous voyons avec tristesse des hommes que leur talent seul suffirait à rendre glorieux, pris de la rage de s’exhiber en public, eux, leur famille et leurs animaux domestiques, — c’était un spectacle salutaire que celui de ce philosophe sans cesse occupé à dérober aux regards des marchands de publicité sa vie de labeur et d’étude. » Voilà qui est parfaitement dit ; je me hâte d’y souscrire, pour reprendre bien vite le droit de présenter quelques objections.
c’était là que les Grecs apprenaient à vaincre les Perses ; là ils apprenaient à mesurer le danger, à le prévoir, à user tour à tour de force ou d’adresse, à terrasser, à se relever, à lancer des poids énormes, à franchir des barrières, à parcourir rapidement de vastes espaces, à supporter les impressions de l’air, l’ardeur du soleil, les longs travaux, à voir couler leur sueur avec leur sang ; enfin à préférer la fatigue à la mollesse, et l’honneur à la vie. […] Cependant il a passé sa vie à célébrer des athlètes, mais toujours plein d’enthousiasme pour la victoire et froid pour le vainqueur ; à peu près comme ces hommes qui, ayant le besoin ou l’intérêt de louer, admirent comme ils peuvent, méprisent la personne, et flattent le rang.
Chez les nations les plus sauvages et les plus barbares, nul acte de la vie n’est entouré de cérémonies plus augustes, de solennités plus saintes, que ceux qui ont rapport à la religion, aux mariages, aux sépultures. […] Celles des Hébreux et des Chrétiens qui attribuent à la Divinité un esprit libre et infini ; celle des idolâtres qui la partagent entre plusieurs dieux composés d’un corps et d’un esprit libre ; enfin celle des Mahométans, pour lesquels Dieu est un esprit infini et libre dans un corps infini ; ce qui fait qu’ils placent les récompenses de l’autre vie dans les plaisirs des sens.
Diane est le symbole de la vie plus pure que menèrent les premiers hommes depuis l’institution des mariages solennels. […] Apollon poursuit Daphné, symbole de l’humanité encore errante, mais c’est pour l’amener à la vie sédentaire et à la civilisation ; elle implore l’aide des dieux (qui président aux auspices et à l’hyménée).
Celle qui paya de sa vie la délivrance de son pays, méritait-elle qu’une maligne satire immolât sa mémoire ? […] Médor, fidèle à la reconnaissance envers son prince et plein du regret de sa perte, veut lui rendre des devoirs au-delà même de la vie, et se résout à exposer la sienne pour lui donner la sépulture. […] Il faut, en un mot, qu’un poème épique ressemble à la vie qui est pleine d’incidents et de sensations, par lesquels nous passons continuellement du plaisir à la douleur, et de l’agitation au repos. […] Le tableau de la vie des humbles pêcheurs quittant leurs filets pour le suivre, n’aurait-il pas contrasté par ses charmes avec la vie somptueuse des pharisiens et des princes des prêtres ? […] La vie du poète est écrite avec ordre, naturel, simplicité, sans autre ornement que ce qu’exige le bon goût, et sans autre appareil que le vrai nettement constaté.
Sa maison est l’image de son esprit et de sa vie, par ses disparates, sa mesquinerie et sa prétention. […] Leur vie animale les réduit le plus souvent aux instincts de l’animal. […] On s’en aperçoit à leurs fêtes et à leurs noces ; ils s’emplissent et mangent en une journée le gain d’un mois ; ils se disent qu’il faut jouir au moins une fois dans la vie. […] Quelqu’un a-t-il parlé des hommes avec plus de compassion, et de la vie avec plus de tristesse, que « le prince des moqueurs », Voltaire ? […] Mais, quand ils pensent, que peuvent-ils voir dans toute leur vie, sinon ce qu’a décrit La Fontaine ?
Je te donne sa charge et ce que tu voudras de ses biens. » Saroutaki était alors dans la treizième année de son ministère et dans la quatre-vingtième de sa vie. […] À cent pas de là sont les offices, les cuisines, les bains, divers magasins, et tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie. […] Au contraire, tout le monde s’élèvera contre vous pour soutenir le parti de l’héritier légitime ; et quand il ne le ferait pas, vous serez chargés de malédictions et toujours regardés comme les auteurs d’un attentat exécrable ; vous en rougirez de honte toute votre vie et en aurez un regret perpétuel dans l’âme. […] Je m’assure qu’il vous punira, et que le moindre châtiment que vous en devez attendre est d’être envoyés nus en quelque désert, prier Dieu pour lui de ce qu’il vous aura laissé la vie. » Là-dessus, il s’arrêta tout court, le visage un peu ému ; puis reprenant la parole au même instant avec une exclamation subite: « Hamzeh-Mirza, s’écria-t-il, Hamzeh-Mirza ! […] La condition de ces seigneurs les rend naturellement timides ; tout illustres et tout princes qu’ils paraissent, ils ne sont en effet que des esclaves: leur vie, leur liberté, leur honneur et leurs biens dépendent absolument du souverain.
Ce n’était pas seulement une candide princesse que cette vertueuse Conti, et sa vie, bien que revêtue d’une teinte sévère, n’a rien de voilé ; on peut l’étudier à fond aux sources de Port-Royal, dans le Nécrologe et le Supplément au Nécrologe ; elle y a sa place comme bienfaitrice et amie. […] Leur roi (Louis XV) est la taciturnité même, Mirepoix est une momie ambulante, Nivernais a autant de vie à peu près qu’un enfant gâté malade… Si j’ai la goutte l’année prochaine, et qu’elle me mette tout à fait à bas encore une fois, j’irai à Paris pour être à leur niveau ; quant à présent, je suis trop fou pour leur tenir compagnie. » Prenez ces paroles pour ce qu'elles sont, pour une boutade, mais retenons-en quelque chose. […] Il commença par payer un tribut à l’amitié en donnant un élégant Essai sur la vie de Barthélemy, l’auteur d’Anacharsis (1795). […] [NdA] Pour tous les détails essentiels et les différents temps de la conversion du prince et de la princesse de Conti, il faut lire la Vie de M. […] Je suis bien fâché de ne l’avoir pas pu posséder plus longtemps ; je lui ai escamoté deux soupers, dans lesquels il a été aussi aimable que l’homme du plus d’esprit qui soupe toute sa vie. » — Je crois pourtant devoir avertir que les lettres de Frédéric à Maupertuis, telles qu’on les a publiées, sont fort sujettes à caution, et qu’une nouvelle édition est nécessaire pour établir l’authenticité du texte.
Il suit dans son étude les progrès de l’œil, dont il a défini plus haut la fonction artistique ; par suite les arts représentatifs viendront les premiers, et avec eux les décors qu’il faut donner au drame : « La peinture, dit-il, représentera (dans le théâtre) le paysage, qui, vivant, sera comme le fond devant lequel se manifestera l’homme vivant ; la scène, qui doit représenter l’image de la vie humaine, doit pouvoir contenir l’image de la nature pour la pleine compréhension de la vie, dans laquelle l’homme se meut (III, 73). » Ainsi, Wagner donnait au décor une signification très importante pour l’action du drame, et lui attribuait même une vie active. […] Pendant le récit de sa possession, elle semble repasser par toute cette vie désespérée (Fluch) ; sa colère mélangée de supplication, va grandissante jusqu’à l’explosion finale, où elle appelle à son secours le magicien. […] Pendant le récit de la mort de sa mère, il reprend possession de sa vie passée, et il n’a plus rien du désespoir bestial, quand il pleure, agenouillé près de Kundry ; il est devenu homme. […] Une vie nouvelle semble violemment prendre possession de lui, et il se lève comme transfiguré par ce bain de prière et de souvenir. […] En Belgique, comme en France, les revues ont tenu un rôle extrêmement important pour la vie littéraire et musicale, autant que pour la constitution du mouvement symboliste dont le wagnérisme est un élément fondateur.
La célébrité pendant la vie est un but honnête, & le plus digne prix des bons Ouvrages. […] L’Abrégé historique de la Vie de Charles-Emmanuel n’exposera donc à vos yeux que la peinture de ce que vous pouviez désirer d’être, & de ce que vous êtes en effet. […] Ce Tableau offrira à la Postérité l’Abrégé d’une Vie non seulement très-intéressante, mais encore la plus digne d’être proposée pour modele à tous les Souverains. […] L’Abrégé de leur Vie, que je mets sous les yeux de Votre Altesse Royale, a été composé pour être inséré dans la Galerie des Personnes célebres actuellement vivantes chez toutes les Nations. […] Je dois à se Ecrits les plus heureux momens de ma vie.
ne cherche-t-elle en eux que des causes de mortalité, et non des sources de vie ? […] Le peu que nous savons de la vie d’Homère nous le montre luttant partout avec le malheur. […] « Ta vie était liée au long tissu des maux « Que la Parque aux humains file sur ses fuseaux. […] Mais le récit d’une action n’est pas celui d’une vie. […] Ainsi leur âme, leur propre vie, passe dans les plantes, dans les rochers, dans les eaux, dans les airs, et jusques dans les cendres de leur dépouille mortelle.
Notre vie intérieure dépendra bien encore de nous jusqu’à un certain point ; mais, pour un observateur placé au dehors, rien ne distinguera notre activité, d’un automatisme absolu. […] Mais il n’en est pas de même dans le domaine de la vie. […] Elles constituent, réunies, le substrat de notre activité libre, et jouent vis-à-vis de cette activité le même rôle que nos fonctions organiques par rapport à l’ensemble de notre vie consciente. […] Aussi a-t-on eu tort, pour prouver que l’homme est capable de choisir sans motif, d’aller chercher des exemples dans les circonstances ordinaires et même indifférentes de la vie. […] Vous avez commencé par juxtaposer dans un espace idéal les états de conscience qui se sont succédé dans l’âme de Pierre, et vous apercevez la vie de ce personnage sous forme d’une trajectoire MOXY dessinée par un mobile M dans l’espace.
C’est que ce mot est comme le pivot autour duquel tourne la vie d’Arnolphe. […] Il est certain que, dans la vie réelle, elle ne se serait jamais passée ainsi. […] Supposez la situation de don Juan dans la vie réelle. […] Molière ne l’a mis aux prises qu’avec les détails un peu mesquins de la vie des cours. […] Est-ce que ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans la vie ?
Maintenant, ils vont vivre chacun de sa vie personnelle. […] Et si le langage fait assurément l’un des liens les plus étroits et les plus forts des sociétés humaines, peut-on séparer l’art d’avec la vie sociale ? […] De ce que nous connaissons, par exemple, les lois, quelques-unes au moins des lois de la vie, il n’en résulte pas, vous le savez, que nous puissions créer la vie même. […] Cette vie est à tous, et celle que je mène, Quand le diable y serait, est une vie humaine ! […] Aurions-nous les Pensées, si la vie n’avait pas été pour Pascal la méditation de la mort, et la mort « le roi des épouvantements » ?
Le romancier gracieux, qui a si souvent introduit dans ses ouvrages des figures de personnages aristocratiques en y mêlant une fine pointe d’ironie, n’a eu cette fois qu’à imaginer un personnage de plus, celui d’un homme de lettres né dans les rangs du peuple, aussi peu né que possible, mais avec des goûts distingués et une vocation d’homme de qualité, qui eût été abbé dans l’ancien régime, qui eût été toute sa vie le gentil abbé de l’hôtel d’Uzès et à qui il n’a manqué de nos jours, pour remplir cette destinée d’autrefois, que le titre et le petit collet. […] Il se laissa faire ; il s’y choisit un genre de vie délicieux, mais énervant, qui rappelait, en très petit, l’existence quasi mythologique d’un Voiture ou plutôt d’un Benserade.
» Chez les morts, sans cérémonie, On se parle ainsi brusquement, Et dès qu’on sort de cette vie On ne fait plus de compliment. […] Tel la prêche les jours entiers Sur les doux plaisirs de la vie, Et tel autre lui sacrifie Toutes les belles de Poitiers.
Ce fut là tout son art, toute sa préoccupation ; elle était grande : « Ma vie s’écriait-elle, est comme celle du chrétien, un combat perpétuel. » La petite maréchale de Mirepoix lui disait : « C’est votre escalier que le roi aime, il est habitué à le monter et à le descendre ; mais s’il trouvait une autre femme à qui il parlerait de sa chasse et de ses affaires, cela lui serait égal au « bout de trois jours. » Aussi, quand l’éclat de ses charmes baissa et que l’âge commença de les glacer, quand on en fut réduit aux pauvres expédients, au chocolat à triple vanille et au régime du docteur Quesnay, quand enfin il fallut opter entre des rivales ou des suppléantes, la noble amante n’hésita pas : sa tendresse désintéressée n’en voulait qu’au cœur du roi ; en le conservant, elle lui remit tout le reste ; elle fit mieux, et, dans son abnégation platonique, elle ne dédaigna pas de condescendre aux soins les plus prévoyants et les plus intimes. […] Représentant de toute cette partie immorale et dépravée du règne de Louis XV, et, même sous le roi honnête homme et citoyen qui lui succéda, opiniâtrement fidèle à la corruption du passé, le maréchal de Richelieu s’occupait encore aux approches de 89 à publier les scandales de sa longue vie, et les confessions cyniques que balbutiait le courtisan en cheveux blancs se perdaient dans les acclamations solennelles dont un peuple rajeuni saluait déjà sa nouvelle aurore.
Mais ces chants, nés trop tard, n’étaient que des souvenirs d’autrefois, décolorés et sans vie, comme des souvenirs. […] Le xvie siècle ne fut pas seulement un temps de fortes études, il fut un temps de création en tous genres ; son énergie originale ne fut point étouffée par son immense labeur d’érudition, et il n’eut pas moins de vie que de science.
D’une puissante originalité, d’un esprit profondément imbu des plus hautes pensées, il chante les désenchantements de la vie, les horreurs de la mort, la paix du sépulcre, les espérances futures, les déchirements du remords. […] Comme on le voit, c’est le côté noir de la vie, réfléchi dans l’âme d’un poète qui l’assombrit encore.
Confiance superbe, orgueil louable d’un jeune homme qui ne s’éperd pas en de vaines lamentations, mais aime la vie parce qu’il se sent de force à l’incarner toute un jour. […] Emmanuel Signoret égalent en fougue harmonieuse toutes celles qu’il chanta jamais ; et c’est une grande tristesse de penser que la vie est dure à ce poète épris de lumière et de beauté qui, dans la pire détresse matérielle, invente encore, pour notre joie, des formes magnifiques et charmantes.
Celle-ci, pratiquée patiemment, a apporté une unité à sa vie, et une unité non limitée, car dans la science rien ne se perd, et, dans l’effort heureux, on a conscience de continuer, de couronner les efforts du passé, de capitaliser en même temps pour l’avenir. […] L’apostasie loyale de Renan, le succès de la Vie de Jésus parmi les pharmaciens de province l’ont choqué.
La critique est à l’histoire de la littérature ce que la politique est à la sociologie, la médecine à la physiologie ; l’une applique ce que l’autre a trouvé et prouvé ; l’une veut agir immédiatement sur les hommes et les choses ; l’autre porte dans l’étude des lois de la vie un désintéressement absolu et une sérénité toute scientifique. […] Il faut bon gré mal gré qu’il se prononce, qu’il prenne parti, qu’il choisisse entre les diverses façons de concevoir l’art et la vie, sous peine de se décerner à lui-même un brevet de parfaite insignifiance.
Ce Recueil avoit été précédé par un Mémoire très-instructif sur la vie & les Ouvrages de M. […] Nous nous bornerons à donner quelques détails sur sa Vie, plus singuliere, sans contredit, qu’aucune de celles dont l’Histoire ait fait mention.
Cependant il y a aujourd’hui dans la jeunesse artiste tant de vie, de puissance et pour ainsi dire de prédestination, que, dans nos écoles d’architecture en particulier, à l’heure qu’il est, les professeurs, qui sont détestables, font, non seulement à leur insu, mais même tout à fait malgré eux, des élèves qui sont excellents ; tout au rebours de ce potier dont parle Horace, lequel méditait des amphores et produisait des marmites. […] C’est là, l’auteur le déclare, un des buts principaux de ce livre ; c’est là un des buts principaux de sa vie.
Je n’ai fait toute ma vie que des raisonnements, je suis habitué aux abstractions ; il faut que je sorte de moi-même, que je change toutes les allures de ma pensée, que j’apprenne le style descriptif23. » La question est donc tranchée, Taine lui-même nous le dit : son évolution a été réfléchie ; il a changé volontairement sa manière : cet effort lui a coûté ; il a peiné, travaillé, persisté, et le labeur a fini par développer ses dispositions naturelles, et c’est ainsi qu’il s’est assimilé le style descriptif, où il a, d’ailleurs, excellé. […] D’autres l’ont pu… Elle le peut aussi, j’en suis certain et je le lui affirme loyalement, sans flatterie, ni arrière-pensée… Un plan de travail et de vie, un ordre systématique d’études, de recherches, saisit l’esprit comme un engrenage.
En effet la Motte ne fit d’un corps plein d’embonpoint & de vie, qu’un squelette aride & désagréable. […] c’est à cause de leurs belles descriptions, de leur saine morale, de leurs tableaux admirables de la vie humaine. […] Il se fâche dans sa préface contre le métier de traducteur qu’il avoit fait presque toute sa vie, le regardant comme peu honorable, parce qu’il l’avoit peu honoré. […] Le goût romanesque qui regne dans l’ouvrage de la Chapelle caractèrise aussi, à peu de chose près, la vie de Tibulle tirée de ses écrits, publiée à Paris 1743. en deux vol. […] Le même Auteur, après nous avoir donné la vie de Tibulle, publia celle de Properce.
Vitet en tête) inauguraient une théorie des arts, une esthétique, comme on disait déjà, chaleureuse, éloquente, compréhensive, curieuse des monuments et de toutes les manifestations de la beauté ou de la vie dans tous les ordres et dans tous les âges. […] Magnin, au Globe, eut son rôle et fit également sa partie dans cette espèce de concert où les productions des littératures étrangères étaient pour la première fois soumises à l’examen impartial du public français ; le Portugal était proprement son domaine, et il préludait ainsi par des articles, en quelque sorte préparatoires, à son morceau capital de la Revue sur la vie de Camoens101. […] Il y avait, en ce temps-là, de sourdes et profondes divisions à la Bibliothèque, et l’on sait qu’il n’est rien de tel ni de plus aigre en son genre que les haines de bibliothécaires, c’est-à-dire de gens qui se voient tous les jours, qui sont assis presque en face, qui se détestent d’une table à l’autre, et qui passent leur vie à accumuler des fluides contraires. […] Magnin, tel que je l’ai connu avant que la maladie fût venue l’affaiblir et attrister ses dernières années ; j’ai besoin de rassembler en quelques mots les impressions que m’a laissées sa personne en des saisons meilleures, et de fixer aux yeux de tous comme aux miens l’idée de sa vie, de ses mœurs, de son habitude studieuse, réfléchie, une sensible et parlante image qui ne puisse se confondre avec nulle autre. […] Je ne le plaindrai point d’avoir tant dépensé pour si peu, je l’envierai plutôt : il a joui de lui-même pendant de longues heures, il a pratiqué le précepte du sage : Cache ta vie ; il a fait d’une toute petite santé un long et ingénieux usage ; il a souri dans la solitude à d’innocentes pensées et s’est égaré à loisir dans les sentiers qu’il préférait ; enfin, lettré par vocation et qui n’était que cela, il a réalisé, selon ses forces et dans sa mesure, un rêve pacifique et doux103.
D’autre part, toute œuvre durable comporte une difficulté vaincue ; cette victoire souvent lente, exige la volonté de travail, la discipline, l’obstination dans l’effort, vertus qui ne sont pas, dit-on, caractéristiques des races du Midi et que, d’ailleurs, les conditions de vie trop facile, dissolvent. […] Les chocs de la vie le font rentrer en lui-même — comme un escargot ; cependant que la félicité le ferait se dilater comme un ballon rouge au soleil. […] Il faut donc voir dans la vie plus fiévreuse, plus incertaine, plus dangereuse, que connaissent les hommes du Nord, la source merveilleuse du flot poétique. […] Son âme, comprimée par les doigts de la vie, laisse jaillir des rêves comme des jets d’eau vers l’azur. […] Decalandre, c’est à vous entendre, la nature rebelle, la vie âpre qui forment les poètes.
Les articles publiés dans la Revue et Gazette musicale de Paris tout en faisant connaître les diverses circonstances de la vie de Wagner, ignorées jusqu’alors, ne sont autre chose qu’un procès de tendance dirigé contre l’homme et l’artiste. […] Jullien n’a pas cru devoir se contenter de juger l’homme, après l’artiste : il a porté des jugements sur quelques personnes tout en dehors de la vie publique qui eurent leur existence mêlée à celle de Wagner, et qui vivent encore. […] Jullien déclare qu’il veut « raconter la vie de Wagner, juger ses actes et ses œuvres … » Ainsi ce livre, qui eût pu être un précieux et unique recueil de documents, devient un exposé d’opinions personnelles. […] — (Suite,) Esquisse de la vie de Wagner depuis l’achèvement de Tristan jusqu’à celui de Parsifal. — Analyse de Parsifal au point de vue éthique ; ses rapports avec les conceptions de Schopenhauer. […] Ce rapport devient insensiblement un pamphlet contre la science en général, que l’auteur accuse de violer grossièrement les plus sacrés mystères de la nature et d’offenser le sentiment du beau en observant la vie dans sa pleine activité et dans son développement.
Mais ce passage, fut-il nécessaire, n’explique pas pourquoi un mécanisme, en devenant plus hétérogène, se trouve contribuer à la conservation de la vie : nécessité et hétérogénéité ne sont pas utilité. […] En résumé, c’est la coïncidence primitive de la causalité et de la finalité qui caractérise la volonté, identique à la vie même. […] Dans son fond, elle est d’une nature toujours identique à soi-même, sinon d’une intensité toujours égale, puisqu’elle est la tendance de l’être au plus grand bien-être, à la conservation et à l’expansion de la vie. […] Ce qu’on peut dire, c’est que, comme la vie a son déterminisme, si compliqué qu’il soit, de même la volonté a le sien, plus compliqué encore. […] On a dit avec raison que la vie psychique est caractérisée par la continuité de ses états successifs, qui ne sont point extérieurs l’un à l’autre de la même manière que les parties séparées de l’espace ; mais ce qui résulte de cette continuité, c’est précisément le déterminisme.
Mais cet avantage n’a pas duré aussi longtemps que ma vie. […] Oui, vous me pardonnerez quand vous saurez que celui qui vous écrit avait placé tout le charme de sa vie sur la splendeur de ce grand théâtre. […] Dans le cours de toute ma vie, je suis certain de n’avoir nui à aucun de mes confrères, et les succès que je puis avoir obtenus sont reconnus par eux bien légitimes. […] Trop heureux si ces pauvres partisans de la vieille méthode peuvent échapper la vie sauve à la griffe des démons barbus qui les poursuivent de leurs grincements de dents et de leurs hurlements. […] Ce mépris de ce grand homme est si bien répandu parmi les sectaires du romantisme, que j’ai entendu leur chef dire devant moi que Voltaire n’avait pas fait dix bons vers dans sa vie.
Considérez, je vous prie, l’utilité que ce vous serait si, en badinant, je vous avais accoutumée à l’histoire, soit des lieux, soit des personnes ; vous auriez de quoi vous désennuyer toute votre vie, pourvu que ce soit sans intention de rien retenir, moins encore de rien citer. […] La Fontaine, qui ne s’occupe guère de son fils, comme vous savez, qui n’en a parlé que deux ou trois fois peut-être dans toute sa vie, en parle dans ces lettres à sa femme, et il en parle même gentiment. […] La Fontaine regarde la Loire du haut du pont d’Orléans : « Les voiles des bateaux sont fort amples, cela leur donne une majesté, de la vie, et je m’imaginai voir le port de Constantinople en petit. […] Je lui trouvai la mine d’un matois ; Aussi l’était ce prince, dont la vie Doit rarement servir d’exemple aux rois, Et pourrait être en quelques points suivie. […] Je ne sais comment le statuaire n’y a point mis le prévôt Tristan [car, en vérité, il y a mis tout ce qui l’entourait pendant sa vie].
Depuis nos éditions précédentes, beaucoup de travaux ont été continués ou entrepris sur la vie de Molière. […] Nous mentionnerons d’abord les Notes historiques sur la vie de Molière, par M. […] Le caractère naturellement ardent du jeune Poquelin ne pouvait se plier longtemps à une semblable vie. […] Ce fut, comme l’a dit Chamfort, la seule action blâmable de sa vie. […] Il est triste de penser qu’on rencontre plus d’une page semblable dans la vie de l’auteur d’Athalie.
La taille moyenne paraît grande, parce quelle est souple et proportionnée ; la démarche révèle la race : on y sent je ne sais quoi de souverain et la femme en pleine possession de la vie. […] Elle ne porte dans aucune de ces deux vies si distinctes ni regret, ni fatigue, ni ennui de l’autre. […] Comprendre ainsi la vie, quand on est des privilégiés du sort, accorder le moins possible aux opinions vaines, s’en remettre à l’impression vraie, à la lumière naturelle ; distribuer ce qui vous est donné en surcroît ; remplir sa part d’un rôle auguste, et mener une existence ornée, mais simple ; jouir des arts, des élégances, de la nature aussi et de l’amitié, ce n’est pas seulement avoir un beau lot, ce n’est pas seulement savoir être heureuse, c’est répandre le bonheur et cultiver l’affection autour de soi.
Ce livre anathématisé par eux a eu la vogue, et il l’a due en grande partie, j’aime à le croire, à une situation vraie, poignante, saisie sur le vif, — oui, à la vie qui y palpitait et au sang qui circulait dans ses veines. […] Cette histoire, où l’on ne sent pas seulement la fidèle observation des lieux, mais où perce aussi une vérité de fond et de récit, cette histoire commencée et finie au son du merveilleux carillon de Bruges, et où se déroule toute la vie d’enfance et de jeunesse de Catherine, de cette pauvre enfant « si cruellement meurtrie et de si bonne heure », intéressera. L’aventure ne finit point trop tristement cette fois, ni par un dénouement tout heureux à la manière des romans ; elle se termine, comme il arrive le plus souvent dans la vie, par un malheur lentement consolé.
Si un seul conquérant use plusieurs générations de braves, une vie de grand poëte use aussi, en quelque sorte, plusieurs générations d’admirateurs ; il se fait presque toujours de lustre en lustre comme un renouvellement autour de sa gloire. […] Cette comparaison de la muse à ces deux saisons, qu’un été si brûlant sépare, est pleine d’enseignements sur la vie. […] L’autre vie, celle qui suit la tombe, est redevenue un crépuscule nébuleux, boréal, sans soleil ni lune, pareil aux limbes hébraïques ou à ce cercle de l’enfer où souffle une perpétuelle tempête ; des faces mornes y passent et repassent dans le brouillard, et l’on sent à leur souffle ce frisson qui hérisse le poil ; les ailes d’or qui viennent ensuite et les âmes comparées aux hirondelles ne peuvent corriger ce premier effroi de la vision.
Si ce volume, qui ne doit pas contenir moins de six mille vers, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les vers, et ceux d’amour en particulier ; si, d’après la façon austère et assez farouche qui essaye de s’introduire, on se mettait aussitôt à morigéner l’auteur sur cet emploi de sa vie et de ses heures, à lui demander compte, au nom de l’humanité entière, des huit ou dix ans de passion et de souffrance personnelle que résument ces poëmes, et à lui reprocher tout ce qu’il n’a pas fait, durant ce temps, en philosophie sociale, en polémique quotidienne, en projets de révolution ou de révélation future, l’auteur aurait à répondre d’un mot : qu’attaché sincèrement à la cause nationale, à celle des peuples immolés, il l’a servie sans doute bien moins qu’il ne l’aurait voulu ; que des études diverses, des passions impérieuses, l’ont jeté et tenu en dehors de ce grand travail où la majorité des esprits actifs se pousse aujourd’hui ; qu’il s’est borné d’abord à des chants pour l’Italie, pour la Grèce ; mais qu’enfin, grâce à ces passions mêmes qu’on accuse d’égoïsme, et puisant de la force dans ses douleurs, en un moment où tant de voix parlaient et pleuraient pour la Pologne, lui, il y est allé ; qu’il s’y est battu et fait distinguer par son courage ; que, s’il n’y a pas trouvé la mort, la faute n’en est pas à lui ; qu’ainsi donc il a payé une portion de sa dette à la cause de tous, assez du moins pour ne pas être chicané sur l’utilité ou l’inutilité sociale de ses vers. […] Je m’étais fait d’un rêve une vague patrie, Et je ne vivais pas : je préparais la vie. […] Ce poëte distingué, et qui ne put jamais complétement percer, avait eu dans sa vie des phases successives où l’on reconnaîtrait à peine le même homme.
Mais, malgré ces différences profondes, et qui intéressent surtout notre avenir et notre destinée (car il s’ensuit que la décadence dont on nous menace par analogie n’est nullement nécessaire), malgré cet élément essentiellement nouveau d’une industrie libre marchant au flambeau de la science, et travaillant non pas à corrompre, mais à améliorer la vie, il y a des ressemblances frappantes dans l’ordre politique. […] Elle consacre le droit de vie et de mort du créancier sur le débiteur ; elle pousse l’injure contre les plébéiens jusqu’à leur refuser le droit de mariage avec les patriciens. […] Il s’agit dans un dernier chapitre de juger le meurtre de César et d’en apprécier la moralité : « Certes César, s’écrie l’historien comme s’il ne pouvait plus se contenir, avait trop bien mérité les vingt-trois coups de poignard qui l’étendirent sans vie aux pieds de la statue de Pompée et du Sénat asservi par lui.
Lorsque Bossuet dit cette superbe phrase : Averti par mes cheveux blancs de consacrer au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint , il s’est trouvé sûrement quelques malheureux critiques qui ont demandé ce que c’était que les restes d’une voix et d’une ardeur, ce que c’était que des cheveux qui avertissent. […] Turgot l’a professé sous le gouvernement arbitraire, mais modéré du dernier règne ; et Condorcet, dans la proscription où l’avait jeté la sanguinaire tyrannie qui devait le faire désespérer de la république, Condorcet, au comble de l’infortune, écrivait encore en faveur de la perfectibilité de l’espèce humaine, tant les esprits penseurs ont attaché d’importance à ce système, qui promet aux hommes sur cette terre quelques-uns des bienfaits d’une vie immortelle, un avenir sans bornes, une continuité sans interruption7. […] Il n’est pas probable toutefois qu’ils oublient l’écrivain qui a donné le plus de chaleur, de force et de vie à la parole ; l’écrivain qui cause à ses lecteurs une émotion si profonde, qu’il est impossible de le juger en simple littérateur.
Il a tout pouvoir sur nos biens et sur nos vies ; mais la majesté de son trône a tout pouvoir sur ses caprices et sur ses passions. […] Les poètes ont pleuré à la vue d’un fleuve, ou d’une forêt immobile ; ils ont senti, comme les anciens prêtres de leur race, la vie sourde qui remplit ces êtres tranquilles. […] Le premier est la faculté d’imiter intérieurement et de reproduire en soi-même tout sentiment, tout geste, toute forme, toute chose particulière et sensible, tout détail de la vie et de l’action.
Le mot mer évoque pour un jeune Parisien l’idée de la saison joyeuse et du grand soleil, de la libre vie en plein air, de l’expansion irréfrénée de l’énergie musculaire, des jeux d’après-midi sur la plage et des danses du soir au casino, des bruyantes parties de bain ou de pêche aux crevettes : pour le pêcheur, la mer, c’est le mystérieux ami et le terrible ennemi, le pain d’aujourd’hui et la mort de demain : toute la destinée roule dans ces vagues. […] Il y a enfin des associations purement personnelles que les hasards de notre vie ou les singularités de notre humeur ont liées en nous. […] De là vient que, contrairement à ce que souvent on s’imagine, ce n’est pas en se privant des mots abstraits qu’on donnera au style la vie, la couleur et l’éclat.
J’ai eu, sans la chercher, une impression de cette espèce, m’étant donné la tâche de parcourir d’affilée cinq ou six volumes de chroniques parisiennes, cependant que des feuillages frissonnaient sur ma tête et que la Terre vivait autour de moi son éternelle vie. […] Tout l’artificiel de la vie contemporaine m’a été soudainement révélé. […] Ces réflexions improvisées et que rien ne les poussait à faire sur un sujet qui leur est fort égal, ces considérations ou ces plaisanteries qu’ils griffonnent d’une plume rapide et dédaigneuse portent quand même leur marque, trahissent leur philosophie habituelle, leur conception de la vie, leur tempérament.
Nulle ne se prête mieux à l’expression complète et nuancée de nos idées sur la vie, sur le monde et l’histoire. […] Et voici l’un de ses derniers cris : « Impossible de sortir de ce triple postulat de la vie morale : Dieu, justice, immortalité ! […] Espérer que le juste et le bien seront un jour réalisés quelque part et, en attendant, y conformer notre vie, que pouvons-nous de plus ?
Elle fut, pendant quinze ans, le miroir le plus fidèle de toute notre vie esthétique. […] La vie ne leur apparaissait plus comme une banale succession de faits divers, mais comme un plan magique et ordonné où chaque geste inscrit un symbole. […] N’est-ce point-là l’œuvre définitive qui marque une étape et fait époque dans la vie littéraire d’un peuple ?
Mais du moment qu’il aura offert sa vie, il verra naître une postérité nombreuse, et les intérêts de Jéhovah prospéreront dans sa main. » De profondes modifications s’opérèrent en même temps dans la Thora. […] C’était l’œuvre d’hommes pénétrés d’un haut idéal de la vie présente et croyant avoir trouvé les meilleurs moyens pour le réaliser. […] De saintes personnes, parmi lesquelles on cite un vieux Siméon, auquel la légende fait tenir Jésus dans ses bras, Anne, fille de Phanuel, considérée comme prophétesse 97, passaient leur vie autour du temple, jeûnant, priant, pour qu’il plût à Dieu de ne pas les retirer du monde sans avoir vu l’accomplissement des espérances d’Israël.
« Je ne sais pas combien de temps je serai ici (à la cour) ; j’y suis venue avec des dispositions soumises qui durent encore ; et je suis résolue, puisque vous l’avez voulu, de me laisser conduire comme un enfant, de tâcher d’acquérir une profonde indifférence pour les lieux et pour les genres de vie auxquels on me destinera, de me détacher de tout ce qui trouble mon repos et de chercher Dieu dans tout ce que je ferai. […] Ai-je besoin de faire remarquer cette promesse d’acquérir une profonde indifférence pour ces lieux de danger, et de se détacher de tout ce qui trouble son repos ; promesse que suit la déclaration de son peu d’aptitude à une vie contemplative ? […] Elle s’en exprime ainsi dans une lettre du 15 juin, à son frère : « La vie que l’on mène ici est fort dissipée, comme vous savez, et les jours y passent fort vite.
Toute la suite de sa vie a montré qu’en cette occasion sa peine la plus sensible fut la perte des espérances qu’elle avait déjà conçues de ramener le roi à une conduite plus conforme aux sentiments de religion et de piété dont elle était pénétrée. » M. de Beausset se fonde sur les Mémoires de Saint-Simon, et il en cite l’extrait suivant : « Bossuet était un homme dont les vertus, la droiture et l’honneur étaient aussi inséparables que la science et la vaste érudition. La place de précepteur de M. le dauphin l’avait familiarisé avec le roi, qui s’était plusieurs fois adressé à lui dans les scrupules de sa vie. […] Je meurs d’envie, il y a sept mois, de me retirer, et la même crainte m’en empêche : c’est une prudence bien timide et qui me fait consumer ma vie dans d’étranges agitations… Je sais bien que je puis faire ici mon salut ; mais je crois que je le ferais mieux ailleurs.
Des vies divines expiraient et refleurissaient dans les plantes. […] Bacchus, roi de la terre, régnait aussi aux Enfers, et sa divinité funèbre projetait des ombres de mort sur ces triomphes de la vie. […] Derrière le décor, comme au bord de la fosse de l’Odyssée, les dieux et les héros, « les vieillards qui ont subi beaucoup de maux, les tendres vierges ayant un deuil dans l’âme, les guerriers aux armes sanglantes », attendent, « avec un frémissement immense », l’Évocateur suprême qui va les rappeler à la vie sublime.
Aussitôt qu’il fut rendu à la vie, il en instruisit ainsi, par une lettre, l’auteur de l’Akakia : « Je vous déclare que ma santé est assez bonne pour vous venir trouver partout où vous serez, pour tirer de vous la vengeance la plus complette. […] La requête présentée par le docteur Akakia à l’université de Léipsig, le décret donné par cette même université, la lettre d’un lapon Malouin, au secrétaire de l’académie, respirent encore une imagination enjouée & supérieure à toutes les maladies, à toutes les disgraces, à tous les événements de la vie. […] Voici les meilleurs qu’on ait de lui : Trompeuse philosophie, Qui veux nous faire espérer Que, des peines de la vie, Tu sçauras nous délivrer, Tu proscris avec audace Les jeux, l’amour & le vin ; Que mets-tu donc à leur place ?
Comme eux, nous croyons à Dieu et à l’âme ; mais pour eux la liberté de penser est un crime, pour nous c’est le droit et la vie, et nous aimons mieux l’erreur librement cherchée que la vérité servilement adoptée. […] Il faut sans doute que les pouvoirs soient séparés, c’est la condition de la liberté ; mais il faut qu’ils marchent d’accord, c’est la condition de la vie et du mouvement. […] où est la vie ?
On imagine bien que je veux parler de l’inépuisable Abbé Prévot, dont la vie fut remplie par beaucoup de ces incidens romanesques, qu’il sema dans ses écrits. […] Son Gilblas est un tableau de tous les états de la vie ; chacune de ses situations est une leçon pour les hommes. […] Son Paysan parvenu & sa Vie de Marianne, si lus & si critiqués, passeront à la postérité.
Moi qui n’ai pas ici un roman à faire, je vais vous dire tout bonnement la vie actuelle et véridique de Rodolphe Bresdin, avant de vous dire mon admiration pour ce grand talent ignoré. […] Allant à la ville, tous les quinze jours, vendre pour cent sous ou dix francs, à quelque brocanteur, un de ses admirables dessins à la plume, l’artiste pouvait gagner un napoléon par mois, — la vie de son lapin et la sienne. […] Sa conversation, grâce à la vie tout intérieure qu’il mène, est fine et substantielle à la fois.
Pour faire son éloge, il suffit de raconter sa vie : la vérité n’a pas besoin cette fois ni de voiles, ni d’ornements ; et le panégyriste le plus éloquent sera le narrateur le plus fidèle. […] Ses goûts s’annoncèrent dès son enfance ; il parlait à peine, qu’il chantait déjà : sa vie ne fut, pour ainsi dire, qu’une longue fête ; parvenu à son dix-septième lustre, il tirait encore des sons mélodieux de sa lyre octogénaire ; enfin, les Muses avaient présidé à sa naissance, et les Muses ont reçu son dernier soupir. […] Enfants, on nous berce avec elle ; vieillards, nous lui devons encore quelques illusions, et elle nous conduit gaiement au terme de la vie.
Notice historique sur la vie et les écrits de Chamfort Il n’aurait été d’aucun avantage pour la mémoire de Chamfort qu’il eût tenu aux familles les plus distinguées ; il aurait dû être aussi tout à fait indifférent que Nicolas (c’était le nom qu’on lui donna avant qu’il en prit un) ait été sans naissance, et même, pour ainsi dire, sans famille, s’il n’en était trop souvent résulté pour lui le malheur de jeter sur la société un coup-d’œil amer, de prendre de bonne heure en haine ses institutions, et de s’habituer à regarder comme les plus contraires au bonheur et à la morale, celles là même qui ont été créées pour la garantir. […] « Ce n’est point à la vie que je suis revenu, disait-il, c’est à mes amis. » Toujours plus indigné des horreurs dont il avait voulu s’affranchir par la mort, on l’entendit dire plus d’une fois : « Ce que je vois me donne à tout moment l’envie de me recommencer. » Obligé, par la perte presque totale de ses moyens d’existence et par les frais considérables de sa détention et de son traitement, à vivre de privations, il alla s’établir, avec ce qui lui restait de ses livres, dans une modeste chambre de la rue Chabanais, sans regretter pourtant le temps où il occupait un appartement au Palais-Bourbon, ou dans l’hôtel de M. de Vaudreuil. […] On s’afflige en songeant que Pope et Swift, en Angleterre, Voltaire et Rousseau, en France, jugés, non par la haine, non par la jalousie, mais par l’équité, par la bienveillance, sur la foi des faits attestés ou avoués par leurs amis et par leurs admirateurs, seraient atteints et convaincus d’actions très condamnables, de sentiments quelquefois pervers1. » Les événements de la vie de Chamfort prouvent que la trempe de son âme était naturellement forte, et qu’habitué de bonne heure à lutter contre l’adversité, il ne s’en laissa jamais abattre.
Elles parlent, ces honnêtes personnes, comme les déshonnêtes personnes de Lélia, des mystères de l’âme, de la vie et de la destinée, dans des paysages, un palais et des clairs de lune trop sandesquement décrits, et quoiqu’elles ne disent pas les mêmes choses, elles les disent avec les mêmes attitudes emphatiques, le même bombast que dans Lélia et le même amphigouri de poésie fausse et de solennité. […] Vous verrez ce que l’affectation, les prétentions, l’orgueil, la visée au génie et à l’âme ont fait des idées et du style d’une femme, d’esprit probablement, au début ; qui eut bien peut-être une heure de simplicité et d’abandon dans toute sa vie ; qui sut sans aucun doute, comme les autres femmes de son monde, tourner joliment un billet, mais qui n’a plus le moindre gracieux monosyllabe à son service et qui ne parle plus qu’avec des phrases en tire-bouchon ou en queue de comète ! […] Je n’en sais rien, mais ce que je sais et ce que je puis garantir, c’est l’ennui, pour hommes et pour femmes, qui tombera sur tout le monde comme une avalanche, de ces deux accablants volumes ; c’est l’horreur qu’on va prendre dans ce crachoir des lectures de toute une vie de bas-bleu, retourné et renversé sur nos têtes, et dont on voudra se laver et s’essuyer au plus vite, n’importe où !