Elles sont si peu connues aujourd’hui du grand nombre des lecteurs et elles sont tellement dignes de l’être, elles sont si belles de vérité et si irréprochables de forme, que j’éprouve un extrême embarras de choix dans le désir que j’aurais de les faire lire par amples extraits et de les faire goûter de tous : Arrivé dans cette forêt, dit-il quelque part, et prêt à descendre, j’éprouvais une sorte de tristesse que, depuis ce temps-là, j’ai toujours retrouvée, quand du haut des Alpes je suis descendu dans les plaines. […] Que l’humanité soit conduite à la conquête de la terre par la colonne de nuages ou par la colonne de feu, elle marche : bénissons la Cause directrice qui assortit les moyens à l’état de nos sociétés, et que notre courte sagesse s’incline devant la Sagesse profonde qui dirige au même but ce que nous appelons l’erreur et ce que nous appelons la vérité !
Je sens toute l’exagération de cet éloge sous le rapport des talents ; mais je ne serai jamais au-dessous par la vérité de mon caractère, par la noblesse de mes sentiments, par ma tendre affection pour mon frère… Dans la position où je suis, il me faut une confiance absolue, Sire ; si je ne l’ai pas, la retraite absolue, comme vous le voudrez. […] Dans la figure d’un vieux prince de l’Église, au nez rouge et boursouflé, au visage sensuel, aux yeux petits mais perçants, il n’apercevait rien de laid ou de repoussant, cherchait la nature, l’admirait dans sa réalité, se gardait d’y rien changer, et n’y mettait du sien que la correction du dessin, la vérité de la couleur, l’entente de la lumière, et ces mérites, il les trouvait dans la nature bien observée, car dans la laideur même elle est toujours correcte de dessin, belle de couleur, saisissante de lumière.
On drape le dessous de bonnes vérités qui ressortent toutes riantes et gagnent les cœurs au nom de la Vierge et de ses douces vertus. […] Toute consolation humaine est vide : que j’éprouve cruellement la vérité de ces paroles de L’Imitation !
Au second livre De l’orateur, cette même question des rapports de l’histoire avec le talent de la parole (« quantum munus sit oratoris historia ») est pareillement mise sur le tapis et discutée entre les interlocuteurs supposés, l’orateur Antoine et Catulus ; Antoine y indique très nettement les différences qui distinguent en propre le genre historique, — l’horreur du mensonge, la vérité des faits pour base, la description fidèle des événements, des lieux, l’exposé intelligent des entreprises, et un courant de récit plus égal, plus doux, épandu, naturel, exempt des violences et des secousses de l’action oratoire. […] Si ce n’était faire tort à un écrit si solide que d’en présenter des extraits de pages, je détacherais celle qui marque le caractère de Montesquieu dans son livre de la grandeur et de la décadence des Romains… Je la donnerai pourtant, parce que nous sommes Français et que nous aimons les morceaux, mais je n’en donnerai que le commencement ; tout lecteur sérieux voudra lire la suite : Dans ce livre, il (Montesquieu) oublie presque les finesses de style, le soin de se faire valoir, la prétention de mettre en mots spirituels des idées profondes, de cacher des vérités claires sous des paradoxes apparents, d’être aussi bel esprit que grand homme.
Un autre jour, comme on débitait la prodigieuse nouvelle qu’un impie ayant tiré un coup de pistolet sur une enseigne de la Vierge au pont Notre-Dame, l’image s’était mise aussitôt à saigner, la princesse Marie, « dont le naturel doux avait toujours été facile à croire aux miracles », pria Marolles d’aller sur les lieux s’informer de la vérité du fait, dont quantité de personnes étaient venues lui parler, se donnant pour témoins oculaires. […] Tout en envisageant ces dignités ecclésiastiques d’une manière beaucoup trop mondaine, il eut pourtant le bon sens de reconnaître ses limites et de sentir qu’il n’avait rien de la capacité ni de la vocation épiscopale : « Car pour en dire la vérité, bien que je tinsse à honneur d’avoir été proposé pour un état si sublime, si est-ce que, ne m’en trouvant pas digne, je me contentais seulement d’avoir donné sujet d’en parler. » C’était déjà, en effet, beaucoup d’honneur pour lui qu’on eût songé, un moment, à en faire un évêque.
Il est plus d’une manière de voir et de peindre la nature, et je les admets toutes, pourvu qu’elles aient de la vérité. […] Les couleurs ont toute leur fraîcheur, leur vérité, et aussi une certaine tendresse.
S’il lui arrivait bien souvent de dormir quand on essayait de lui répondre, s’il avait fort à propos alors ce qu’il appelait des coups de sommeil, c’est-à-dire de petits sommeils subits de quelques minutes, combien il était impossible de dormir en l’écoutant, et qu’il savait tenir l’attention en éveil, la piquer par de poignantes images, par des vérités relevées en paradoxes ! […] Ou je suis fort trompé, ou cette expérience découvrirait une grande vérité.
De même pour les Français, qu’il goûte sans les flatter, qu’il déshabille hardiment, cherchant le solide sous les belles manières, et à qui, dès qu’il n’y trouve pas son compte (ce qui lui arrive souvent), il dit des vérités suisses avec beaucoup d’esprit. […] Il a, sur nos écrivains du grand siècle, et sur Boileau notamment, considéré comme auteur de satires, des opinions qui ne laisseraient pas de surprendre si on les citait, et qui ne me paraissent pas manquer de vérité dans leur entière indépendance.
Ce fut, à s’en tenir à l’intérieur de la lice et à ne pas regarder aux conséquences du dehors, un tournoi des plus satisfaisants, un assaut brillant et des mieux conduits : d’un côté, tous les princes de la parole, tous les chefs de file des nuances de l’opposition et des couleurs même les plus contraires, avec un major-général plus actif, plus infatigable que ne le fut jamais le prince Berthier, et qui allait donnant le mot d’ordre dans tous les rangs15 : ce mot d’ordre, c’est qu’on n’avait pas le gouvernement parlementaire dans sa force et dans sa vérité ; car remarquez que, tant qu’on a eu en France ce gouvernement, ceux mêmes qui le regrettent le plus hautement aujourd’hui niaient qu’on le possédât tel qu’il devait être et allaient criant partout : « Nous ne l’avons pas ! […] » Le portrait de Lamartine que le peintre se figure « comme un bel arbre couvert de fleurs, sans fruits qui mûrissent et sans racines qui tiennent », est de toute beauté et de toute vérité dans son indulgence.
Quelle démonstration plus sensible de la beauté et de la vérité du personnage tout historique de Jésus que ce premier Sermon sur la montagne ! […] Un homme estimable et savant, qui a récemment travaillé sur les Évangiles, et qui n’a porté dans cet examen, quoi qu’on en ait dit, aucune idée maligne de négation, aucune arrière-pensée de destruction, qui les a étudiés de bonne foi, d’une manière que je n’ai pas qualité pour juger, mais certainement avec « une science amoureuse de la vérité », a qualifié heureusement en ces termes la mission et le caractère de Jésus, de la personne unique en qui s’est accomplie la conciliation la plus harmonieuse de l’humanité avec Dieu : « Celui qui a dit : Soyez parfaits comme Dieu, et qui l’a dit non pas comme le résultat abstrait d’une recherche métaphysique, mais comme l’expression pure et simple de son état intérieur, comme la leçon que donnent le soleil et la pluie : celui qui a parlé de la sainteté supérieure qu’il exigeait des siens comme d’un “fardeau doux et léger” ; celui qui, révélant à nos yeux une pureté sans tache, a dit que “par elle on voyait Dieu…”, celui qui, enfin, renonçant à la perspective du trône du monde, a senti qu’il y avait plus de bonheur à souffrir en faisant la volonté de Dieu qu’à jouir en s’en séparant… celui-là, c’est Jésus de Nazareth. » Lui seul, et pas un autre au monde42 !
J’aime assez cette manière ; mais elle demande bien de la suite, de la consistance, une exacte vérité dans le détail ; car un lecteur à qui l’on prétend tout dire et ne rien dérober est exigeant. […] En présence de cette forme d’art ingénieuse, délicate, mais ici outrée visiblement et plus que jamais infidèle à l’entière vérité, je dirai encore à l’auteur : « N’étalez point les laideurs, les plaies, je le veux bien ; ne nous montrez point, comme d’autres, la pointe du scalpel, encore toute souillée de sang et de sanie : à la bonne heure, et je vous en rends grâces.
Homère a voyagé, a observé de ses yeux tout ce qu’il a décrit, l’a exprimé au naturel, et a rendu toute chose avec une telle vérité, qu’il semble avoir tout vu et presque avoir tout été lui-même. […] Grenier est venu résolument s’inscrire en faux contre une telle superstition, comme il la qualifie ; et tandis que ses camarades et confrères de l’École d’Athènes, les Gandar, les Lévêque, à la suite d’Ampère et de presque tous les voyageurs, reconnaissaient la vérité d’Homère à chaque pas et la proclamaient avec louange, lui, esprit ferme, original, un peu humoriste, un peu sombre, destiné aux luttes de chaque jour avec la rude et poignante réalité, il disait non, et ne voyait dans la plupart des épithètes homériques que des banalités convenues, vagues ou fausses, et si générales qu’on n’en peut rien conclure.
Vitet, déjà prêt par ses voyages antérieurs, devenu inspecteur général des monuments historiques après Juillet 1830, homme de verve et de science, donnait à ce genre d’études une impulsion nouvelle, en l’éclairant d’une vue plus générale et en traçant, le premier, avec vérité et largeur le cadre des époques : il a eu l’initiative. […] Viollet-Le-Duc, en citant sur les monuments d’Athènes à la plus belle époque une page de Plutarque qui m’a toujours semblé des plus heureuses, et que je demande à offrir ici dans l’entière vérité d’une traduction plus exacte qu’on ne se les permet d’ordinaire.
Brossez et faites retoucher un peu ses toiles, et il vous restera d’agréables cadres d’antichambre dont il ne faut pas trop faire fi. » Un morceau sur Chateaubriand, une Étude qui avait eu l’honneur de servir d’introduction aux Mémoires d’outre-tombe, lorsqu’ils parurent dans la Presse, et qui a gardé de sa destination un certain air officiel, coudoie dans le volume un article sur Paul de Kock, — que dis-je, une Visite à Paul de Kock, une folie, une vérité, une perle de la vie de Bohême15. […] Hors de là il est terre à terre : il broche et publie ses feuilles moins pour dire la vérité qui le possède et l’enflamme, moins pour satisfaire à une passion de bon sens et de raison, que pour s’en faire un moyen de subsistance ou de fortune.
L’archéologie y est devenue une vérité, une actualité : si l’on n’était homme du Nord et sceptique, on se croirait tout de bon à une renaissance. […] La vérité est que les deux poëtes se sont inspirés à la même source, à une source scandinave.
Sainte-Beuve ne s’est détaché de la feuille officielle qu’après avoir vu de près et su d’original toutes les fautes, les légèretés et les inexpériences qui ont présidé à la dislocation de l’ancien Moniteur et à l’enfantement du nouveau Journal officiel, la vérité est que, dans aucun état de cause, il ne consentirait à rentrer à ce journal tel qu’il est constitué. […] Sainte-Beuve est mort cependant, ignorant la cause de son mal, la soupçonnant peut-être, l’indiquant même par de certaines comparaisons et images réelles, basées sur ses sensations douloureuses, dont la médecine et la chirurgie (qui se croient plus positives) ne tiennent pas assez de compte dans la bouche d’un littérateur, et disant un jour : « Vous verrez qu’on ne saura ce que j’ai que lorsqu’on m’ouvrira… après moi… » — Que si la recherche de la vérité a besoin d’excuse, la catastrophe du 13 octobre dernier pourrait en être une suffisante : mais je renverrai ces délicats, qui me reprocheraient la crudité trop pathologique de ces détails, en tête du premier livre posthume d’un écrivain mort peut-être pour n’avoir pas été assez exa miné à fond, au tome V, page 523 de Port-Royal, où M.
Son génie, naturellement recueilli et paisible, eût-il suffi à cette intensité d’action que réclame notre curiosité blasée, à cette vérité réelle dans les mœurs et dans les caractères qui devient indispensable après une époque de grande révolution, à cette philosophie supérieure qui donne à tout cela un sens, et fait de l’action autre chose qu’un imbroglio, de la couleur historique autre chose qu’un badigeonnage ? […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas.
Enfermés dans leurs châteaux et leurs hôtels, ils n’y voient que les gens de leur monde, ils n’entendent que l’écho de leurs propres idées, ils n’imaginent rien au-delà ; deux cents personnes leur semblent le public D’ailleurs, dans un salon, les vérités désagréables ne sont point admises, surtout quand elles sont personnelles, et une chimère y devient un dogme parce qu’elle y devient une convention. […] — Crébillon fils, la Nuit et le Moment (notamment la scène de Clitandre avec Lucinde). — Collé, la Vérité dans le vin (rôle de l’abbé avec la présidente). — Besenval, 79 (Le comte de Frise et Mme de Blot). — Vie privée du maréchal de Richelieu (scènes avec Mme Michelin). — E. et J. de Goncourt, 167 à 174.
Retournons la méthode, partons de cette vérité acquise et cherchons sur ce principe ce que doit être la poésie. […] Quand on ne cherche que le vrai, on ne mêle pas son émotion à ses arguments ; on respecte trop la vérité universelle pour y empreindre ses sentiments personnels ; c’est une lumière pure, dont on s’écarte pour ne pas l’offusquer.
Clarisse Harlowe et Werther ont transporté sa jeunesse ; Walter Scott charmera ses derniers jours : à travers toute son existence, elle persistera à croire que le roman a raison contre la vie, et que la vérité, c’est le roman. […] Jamais elle ne doutera de la raison, ni ne la répudiera, comme Rousseau : et toute sa vie sera un exercice assidu de la raison qui est en elle, virile, ferme, vaste, curieuse, capable de toutes les vérités.
On peut encore passer en revue les auteurs dramatiques et les romanciers et libeller sous forme de maximes les vérités qui ressortent de quelques-unes de leurs œuvres — ou bien rajeunir les proverbes — ou bien s’emparer d’une pensée célèbre et en prendre le contre-pied : ce sera presque aussi vrai et cela paraîtra plus piquant. […] Mais, en même temps qu’il est d’une vérité terrible, son jeu reste délicieusement poétique, et c’est ce qui le distingue de celui des vulgaires panthères du mélodrame.
La vérité, c’est qu’il faut décourager les Beaux-Arts. […] Les indépendants font leur œuvre sans se soucier des contingences et selon ce qu’ils croient être la vérité.
Toutes les voix alors le dirent à Louis XIV avec flatterie, avec exagération et emphase, et cependant avec un certain sentiment de vérité. […] Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges.
M. de Metternich répondit qu’il n’en voyait aucun, et qu’il ne demandait autre chose sinon qu’on apprît au fils de Napoléon, sur ces grands événements historiques, la vérité tout entière. […] Le jeune prince comprit à l’instant les grandeurs et les faiblesses de cette dernière campagne de 1814, et par où elle avait manqué ; il dit à ce sujet ce mot remarquable, et qui a déjà été cité : « Mon père et ma mère n’auraient dû jamais s’éloigner de Paris, l’un pour la guerre, l’autre pour la paix. » La curiosité une fois apaisée sur ces parties à la fois les plus classiques et les plus vives, Marmont reprit chronologiquement la suite des campagnes, l’expédition d’Égypte, la campagne de Marengo, celles d’Austerlitz, d’Iéna, de Wagram, de Russie : il recommanda vivement au jeune prince, pour cette dernière, l’Histoire de M. de Ségur, non pas comme l’ouvrage le plus didactique ni peut-être le plus complet militairement, mais comme celui où l’on trouve le plus la vérité de l’impression.
» que c’était s’opposer à ses plaisirs que de lui représenter de telles vérités ; et ses plaisirs l’emportaient toujours dans son esprit sur les plus importantes affaires. […] Au lieu de voir la vérité et de s’adoucir par là, il a pris cette occasion de vous faire du mal auprès du roi, et de tâcher à m’y rendre de mauvais offices.
Les Mémoires de Franklin sont d’une lecture pleine d’intérêt pour tous ceux qui ont eu les débuts laborieux, qui ont éprouvé de bonne heure les difficultés des choses et le peu de générosité des hommes, qui ne se sont pourtant ni aigris ni posés en misanthropes et en vertueux méconnus, ni gâtés non plus et laissés aller à la corruption intéressée et à l’intrigue, qui se sont également préservés du mal de Jean-Jacques et du vice de Figaro, mais qui, sages, prudents, avisés, partant d’un gain pénible et loyal, mettant avec précaution, et avec hardiesse quand il le faut, un pied devant l’autre, sont devenus, à divers degrés, des membres utiles, honorables, ou même considérables, de la grande association humaine ; pour ceux-là et pour ceux que les mêmes circonstances attendent, ces Mémoires sont d’une observation toujours applicable et d’une vérité qui sera toujours sentie. […] La science chez lui est inventive, et il la rend familière : « Un singulier bonheur d’induction, a dit sir Humphry Davy, guide toutes ses recherches, et par de très petits moyens il établit de très grandes vérités. » Il ne se retient point dans ses conjectures et dans ses hypothèses, toutes les fois qu’il s’en présente de naturelles à son imagination, et il s’en est permis de fort hardies pour l’explication de certains grands phénomènes de la nature, mais sans y attacher d’autre importance que celle qu’on peut accorder à des conjectures et à des théories spéculatives.
Quelques types secondaires, le prince Alexis et les Ikhménief dans Humiliés, le médecin Zosimoff et Razoumikhine dans Crime et châtiment sont peints en pleine vérité et apparaissent comme d’irrécusables individus. […] Et si l’on considère l’étendue et la pénétration de leur enquête, la façon neuve dont ils parlent de l’homme et à l’homme, leur art sincère et haut, la sérieuse ferveur de l’évangile de pitié qu’ils proposent, le plus déterminé partisan de l’art pour l’art peut se sentir hésiter et réfléchir, jusqu’à ce qu’il recomprenne que le problème de la société, de la vie de l’homme ne peut être résolu par le cri de passion des détracteurs d’intelligence, que l’évangile que prêchent les romanciers slaves a précédé de dix-huit cents ans les maux qu’ils dénomment, que l’enseignement fut la marque même de sa fausseté dans son emportement, que la vérité est paisible, persuade en paraissant et n’a nul besoin d’apôtres, que l’erreur seule parle violemment, que les œuvres d’art ne doivent pas tenter de tromper, qu’il leur suffit de contenir les préceptes latents et obéis, ceux-là du monde dont elles sont la lumineuse image.
L’action dramatique est soumise aux yeux et doit se peindre comme la vérité : or, le jugement des yeux, en fait de spectacle, est infiniment plus redoutable que celui des oreilles. […] Si c’est l’homme de bien qu’on nous retrace dans le malheur et la disgrâce, son malheur, à la vérité, nous afflige et nous épouvante, mais comme ce malheur ne change par aucune révolution, il nous attriste, nous décourage, et finit par nous révolter.
Il est de la plus grande vérité de caractère, c’est un personnage réel, il est grand sans être exagéré ; il est beau, quoiqu’il ait le nez gros et les joues creuses et décharnées, parce qu’il a le caractère de son état, et l’expression de son ministère. […] Voilà-t-il pas que je me rappelle ce portrait de Bridan ; il y a une extrême vérité et des détails qui ne permettent pas de douter de la ressemblance ; mais j’oserai demander si c’est là de la chair ; et pour vous montrer combien je suis de bonne foi, c’est que si l’on me soutient qu’il y a de la finesse dans la tête de la dormeuse, et que la tête du vieillard est d’un beau faire, d’un bon caractère, barbe légère et mieux coloriée qu’il ne lui appartient, je ne disputerai pas.
La vérité, c’est que nous cherchions une étiquette répondant à un classement facile à retenir, et que celle-là nous a paru propre à éveiller l’attention. […] On conçoit qu’ils ne se résignent point à reconnaître une vérité qui déprécierait leurs œuvres et qu’ils ne puissent donner raison à une théorie qui leur donne tort.
Mais quand les temps actuels ne sont plus guères explicables qu’à la pathologie, le mot insultant et superficiel a pris la profondeur d’une vérité. […] L’émotion qu’il avait causée était indéniable, c’était un fait comme un coup de marteau sur une enclume est un fait, mais on lui chicana la vérité intime du sentiment qui la produisait.
Ce sera d’abord, si vous le voulez, le don de la vie communiqué à ces êtres d’idéal, la vérité de leur physionomie morale ou physique, leur fidélité à eux-mêmes d’un bout à l’autre de l’œuvre, la diversité des langages dont ils se servent, et qui correspondent à des différences ou à des nuances de caractère, la vraisemblance de l’intrigue, la proportion des épisodes, l’agencement des parties, autrement dit la composition de l’œuvre. […] Sans doute, le rêve d’un écrivain sera d’être compris, jusqu’aux nuances les plus secrètes de sa pensée, par une intelligence sœur de la sienne ; mais ce rêve n’est point incompatible avec celui d’être lu par la foule, de parler à l’âme d’un pays, ne fût-ce que par une page, par une phrase reproduite dans les journaux, citée dans des discours, traduite dans une chanson, et possédée et gardée ensuite par des milliers d’êtres humains dans le trésor des vérités acquises.
Fouiller des bibliothèques, déchiffrer d’horribles manuscrits, restaurer les textes mutilés, choisir entre les leçons, discuter l’authenticité du document, conjecturer son âge, chanceler partout sur le sol mouvant des probabilités, se plonger dans la foule querelleuse des commentateurs, user sa vue et sa pensée sur les sottises innombrables et sur les platitudes incroyables dont la populace littéraire et philosophique obstrue les œuvres des grands hommes, c’est là une étude si minutieuse, si stérile en conclusions générales et en vérités certaines, qu’il fallait pour l’entreprendre les instincts et les habitudes d’un érudit. […] II Tel est cet orateur que l’imagination poétique et l’esprit d’érudition ont promené dans l’érudition et égaré dans la philosophie, qui, après avoir voyagé parmi divers systèmes et hasardé un pied, et même deux pieds, dans le panthéisme, est venu se rasseoir dans les opinions moyennes, dans la philosophie oratoire, dans la doctrine du sens commun et des pères de famille ; qui, pensant faire l’histoire du dix-septième siècle, en a fait le panégyrique ; qui, croyant tracer des portraits et composer des peintures, n’a su que recueillir des documents et assembler des textes ; mais qui, dans l’exposition des vérités moyennes et dans le développement des sujets oratoires, a presque égalé la perfection des écrivains classiques, et qui, par la patience de ses recherches, par le choix de ses publications, par la beauté et la solidité de ses monographies, a laissé des modèles aux érudits qui continueront son œuvre, et des matériaux aux philosophes qui profiteront de son travail.
Que la poésie orne de nouveau la guerre terrible et l’amour fidèle, et la vérité sévère parée des fictions de la féerie ! […] Ni Pope lui-même, ni Addison, plus patriote, mais bien moins poëte, ne répondaient à la première pensée de Gray, et ne pouvaient figurer parmi ces inflexibles vengeurs du droit et de la vérité, dont le barde mourant aurait espéré le retour. » À dire vrai, les martyrs immolés par Édouard, tels du moins que la tradition nous les vante, ne furent pas remplacés dans leur mission de patriotisme lyrique.
« Mon dessein n’est pas d’entrer dans une discussion, dit-il ; mais il me suffira d’affirmer que j’ai vu, en assistant à un grand nombre d’expériences, des impressions et des effets très réels, très extraordinaires, dont la cause seulement ne m’a jamais été expliquée. » Sans nier que ces impressions et ces effets puissent être les résultats d’une imagination frappée, il demande si ce mot imagination est une réfutation bien péremptoire, et si au moins les savants et les philosophes ne devraient pas, par amour pour la vérité, méditer sur les causes de cette nouvelle et étrange propriété de l’imagination.
Mais la vérité, c’est qu’ils assemblent les couleurs au hasard, absolument au hasard, et que ces assemblages, où l’intelligence et le choix ne sont pour rien, peuvent quelquefois, par rencontre, former des harmonies plaisantes et singulières — surtout quand le temps a fané les étoffes et adouci les teintes… Les appellerai-je pour cela des artistes ?
Son intervention est décisive, à la vérité ; sans lui, ces matériaux auraient été anéantis ou du moins bientôt ruinés ; il a donné aux monuments qu’il en a formés la solidité, la supériorité qui les rend immortels.
Une légende pleine d’irrévérences de toutes sortes prévalut et fit le tour du monde, légende où les autorités constituées jouent un rôle odieux, où c’est l’accusé qui a raison, où les juges et les gens de police se liguent contre la vérité.
La vérité est que madame de Sévigné, dont pas une locution n’a vieilli, Descartes, Pélisson, Pascal, Malherbe, Régnier, Corneille, avaient écrit longtemps avant qu’aucun des écrivains du siècle de Louis XIV eut paru dans la littérature, même avant le règne de ce prince.
Bossuet a repris la parole et a parlé avec tant de force, a fait venir si à propos la gloire et la religion que le roi, à qui il ne faut que dire la vérité, s’est levé fort ému et serrant la main au duc, lui a dit : Je vous promets de ne plus la revoir.
Toutes ces Pieces ne sont pas égales, à la vérité ; mais on trouve dans ses défauts mêmes, selon l’expression d’Horace, la touche du grand Poëte qui rend respecpectables jusqu’à ses écarts : Invenias etiam disjecti menbra Poëta.
Il le trouve occupé au Grec, à la vérité, mais à du Grec à côté duquel étoit une mauvaise Traduction.
Quoiqu'ils aient débité, au préjudice de sa Foi, des Anecdotes démenties par la vérité, il étoit bien éloigné de partager leurs sentimens.
Ce n’est point sans vérité que l’on a constaté que les grandes passions sont muettes et sont inhabiles à se dépeindre : de fait elles ne se connaissent pas, toute leur force, tendue vers l’acte, est aveugle sur elle-même.
Au reste, ce qui peut justifier La Fontaine, c’est que ces deux vérités sont si près l’une de l’autre, que l’esprit les réduit aisément à une moralité seule et unique.
dans la vérité.
De ce contraste plein de tristesse résulte cette vérité, que la nature accomplit ses lois, sans être troublée par les faibles révolutions des hommes.
Il est une tradition d’école qui fait accuser le Père Malebranche d’avoir, dans son grand ouvrage De la Recherche de la Vérité, médit de l’imagination avec beaucoup d’imagination, jugement singulier et faux comme tant d’autres, car le Père Malebranche, qui a l’espèce d’imagination qui, pour un philosophe, est une maladie, n’a pas celle qui, pour un écrivain, est une faculté.
Barrès paraissait rêver. » Comme dit Sainte-Beuve, il y a des coins de vérité qu’on présentera plus agréablement sous un léger voile.
Castelvetro a aperçu cette vérité, mais cet ingénieux écrivain n’a pas su en profiter pour trouver la véritable origine de la poésie ; c’est qu’il fallait combiner ce principe avec le suivant : — 3.
Quand nous voyons son chevalier de la Croix combattre un monstre demi-femme, demi-serpent, et défendre Una, sa dame chérie, nous nous souvenons vaguement que si nous pénétrions à travers ces deux figures, nous trouverions sous l’une la Vérité et sous l’autre l’Erreur. […] Le sentiment de la beauté fait place au besoin de la vérité. […] En somme, il fait des questions, suggère des explications, suspend ses réponses ; rien de plus, et c’est assez ; quand la recherche est si ardente, quand les voies où elle se répand sont si nombreuses, quand elle est aussi scrupuleuse à s’assurer de sa prise, l’issue de la chasse est sûre ; on est à deux pas de la vérité. […] Le plus admirable de tous, le Novum Organum, est une suite d’aphorismes, sortes de décrets scientifiques, comme d’un oracle qui prévoit l’avenir et révèle la vérité. […] Il a les yeux tournés non vers le ciel, mais vers la terre, non vers les choses « abstraites et vides », mais vers les choses palpables et solides, non vers les vérités curieuses, mais vers les vérités profitables.
Sous air de comique et de ridicule, que d’heureuses vérités d’art poétique l’auteur trouve moyen d’insinuer et de débiter ! […] Sous air d’emphase, c’est la vérité. […] il prend la vérité même de la chose pour la perfection du jeu. […] J’avais si fort les rieurs de mon côté, qu’il a pris le parti de s’en mettre lui-même (du bout des dents, comme bien jugez), me disant, d’un air de protection, qu’il aimait mieux m’entendre que me lire. — Dites la vérité, monsieur, lui ai-je répondu, avouez que vous aimez l’un autant que l’autre. — On n’a pas eu de peine à tourner cette réponse de ses deux côtés, et ça été le coup de grâce. […] La vérité, c’est que Piron avait passé son moment et n’était plus de l’époque ; toute cettegénération d’académiciens de la première moitié du siècle qui l’admiraient sincèrement et qui, si on l’avait souffert, l’auraient nommé à l’unanimité en 1753, avait disparu.
Il y a manié les passions, le comique ; il a trouvé dans son opéra quelques peintures vives et riantes, dans sa tragédie quelques accents nobles ou attendrissants ; il est sorti du raisonnement et de la dissertation pure ; il s’est acquis l’art de rendre la morale sensible et la vérité parlante ; il a su donner une physionomie aux idées, et une physionomie attachante. […] Son premier soin, comme il le dit, était de ranger ses passions « du côté de la vérité. » Il s’était fait intérieurement un portrait de la créature raisonnable, et y conformait sa conduite autant par réflexion que par instinct. […] Les purs classiques goûtent mieux l’arrangement et le bon ordre que la vérité naïve et la forte invention. […] On dit, à la vérité, qu’un jour il lui fit une déchirure dans son pourpoint couleur de chair, mais c’était seulement pour se procurer de l’ouvrage et en sa qualité particulière de tailleur… Le lion qui joue à présent est, à ce que j’apprends, un gentleman de province qui fait cela pour son amusement, mais souhaite que son nom reste caché. […] Quelques voyageurs, à la vérité, mais leur nombre était bien petit, avançaient en clopinant jusque sur les arches rompues, mais tombaient tour à tour, au travers, épuisés comme ils étaient et accablés d’une si longue marche… Mon cœur se remplit d’une profonde tristesse en voyant plusieurs des passants qui tombaient à l’improviste, au milieu de leur joie et de leurs éclats de rire, et s’accrochaient à tout ce qui était près d’eux pour se sauver.
Mme de l’Ambermesnil approuva beaucoup les vues de son hôtesse sur le Goriot, vues excellentes, qu’elle avait d’ailleurs devinées dès le premier jour ; elle le trouvait un homme parfait. » IV Le drame du père Goriot commence avec une hideuse vérité, et finit avec une odieuse invraisemblance. […] Quoique curieuse de savoir la vérité sur mon apparition, elle ne nous regarda ni l’un ni l’autre ; ses yeux furent constamment attachés sur la rivière ; mais à la manière dont elle écoutait, vous eussiez dit que, semblable aux aveugles, elle savait reconnaître les agitations de l’âme dans les imperceptibles accents de la parole. […] M. de Chessel disait la vérité, mais un hasard heureux semble si fort cherché que madame de Mortsauf garda quelque défiance ; elle tourna sur moi des yeux froids et sévères qui me firent baisser les paupières, autant par je ne sais quel sentiment d’humiliation que pour cacher des larmes que je retins entre mes cils. […] XIII Balzac revint enfin à son véritable type : la vérité. […] Parcourez ces cent volumes de ses œuvres jetés avec profusion de sa main jamais lasse, et concluez avec moi qu’un seul homme en France était capable d’exécuter ce qu’il avait conçu, la Comédie humaine, ce poème épique de la vérité !
Molière, certes, n’avait point voulu faire ressortir cette vérité en écrivant Monsieur de Pourceaugnac. […] Il se cachait pour dire la vérité. […] Il est décidément dangereux d’oser regarder la vérité en face et de toucher à certaines plaies et à certains masques. […] Ce fut une date que cette première représentation de Dom Juan, où un acteur put dire une telle vérité à la face de ce public de gentilshommes. […] Hillemacher, dans sa Galerie de la troupe de Molière, confirme la vérité de ce quatrain.
Victor Hugo et Mérimée a de la vérité fine, quoique ce soit effleuré en courant.
Cet article est excessif ; je le garde pourtant, parce que je crois qu’il renferme quelque utile vérité parmi d’évidentes exagérations.
Signoret, lui, arrive et, sans se soucier des insanités qui purent contaminer la beauté des choses, il chante, les bois, les eaux, les nuages, les roses, toutes banales vérités qui ont cependant la sublimité éternelle de Dieu et qui sont les prototypes primitifs des fortes œuvres des hauts génies, depuis Virgile jusqu’au vicomte de Chateaubriand et au divin vieux maître Camille Corot.
Tous ces récits de M. de Goncourt sur des dîners, dont il n’avait aucun droit de se faire l’historiographe, sont de complètes transformations de la vérité.
Euripide est rempli de ces traits sententieux, de ces maximes isolées & lumineuses qui frappent par leur vérité, qui préviennent, rémuent, échauffent les spectateurs, & décident le succès des pièces.
Ces vilaines figures ont je ne scais quoi de coulant, de fluant depuis la tête aux pieds qui achève par sa vérité de faire sortir le ridicule des grosses têtes, des grosses perruques, et des gros ventres.
Bien que sans autres titres que ma connaissance familière des œuvres de ces jeunes écrivains, je me sens poussé par l’indignation en face des injures ineptes où sont en but de sympathiques et consciencieux artistes à écrire quelques lignes de vérité.
Méry a la vérité, en toutes choses, des artistes sincères.
A l’Union pour la Vérité, 21, rue Visconti.)
. — Enfin la sagesse parmi les Hébreux et ensuite parmi les Chrétiens a désigné la science des vérités éternelles révélées par Dieu ; science qui, considérée chez les Toscans comme science du vrai bien et du vrai mal, reçut peut-être pour cette cause son premier nom, science de la divinité.
Non pas, il aura dit une partie de la vérité. […] » — Ne nous lassons jamais de remettre sous nos yeux les deux faces de la vérité, surtout quand la plus agréable pourrait faire oublier la plus essentielle. […] Veuillot, j’ai trop de fois éprouvé l’ignominie de sa veine, et son absence complète de souci de la vérité à mon égard, pour lui répondre autrement que par cette mention.
C’est ainsi enfin qu’un homme, de bien plus de talent vrai que tous ces faux monnayeurs de ce qu’ils appellent l’idée, et de bien plus de style que tous ces frappeurs de mensonges à l’effigie de la vérité ; c’est ainsi que Victor Hugo, jeté sur son île solitaire, et à qui les latitudes de l’espace, la liberté de l’étendue, la complaisance du vide, les ondulations de l’Océan, les orages, les bruits, les écumes, les senteurs âpres des vagues ont porté à la tête, agrandi les horizons, creusé les aperçus, donné souvent le sublime, quelquefois le vertige, attendri l’âme jusqu’à la sensibilité maladive du mal universel, et fait du cœur d’un poète le grand muscle sympathique universel de l’humanité souffrante ; c’est ainsi, disons-nous en fermant ce livre, que notre ami a pleuré ses larmes de colère sur son Patmos de l’Océan, et que ce saint Jean du peuple a cru écrire pour le peuple en écrivant en réalité contre lui ! […] Relisons-le pour nous complaire et nous attendrir sur ces amours de deux êtres innocents, dans un jardin redevenu inculte, forêt vierge pour ce couple virginal de la rue Plumet, site que Bernardin de Saint-Pierre est allé chercher à l’île de France pour Virginie, Chateaubriand en Amérique pour Atala, et que Hugo a su découvrir tout fait et peindre en grisaille sans couleurs dans un vil faubourg de Paris, Éden dépaysé dont il est le Milton, le Théocrite, le Bernardin de Saint-Pierre et le Chateaubriand, avec plus de vérité, de larmes, de passions, de couleur et de lumière dorée que ces grands modèles. […] « Votre vieil ami, « Victor Hugo. » Cette belle lettre, aussi cordiale que confiante en soi-même et dans mon amitié, étant reçue, j’écrivis, sans crainte de blesser l’homme en combattant le système, ce qui suit, mais sans crainte aussi de démontrer ce que je crois la vérité sociale suprême à tous les hommes et même à tous les génies.
De ce qu’il y a quelques traits de vérité dans le fragment d’Harold, on veut conclure que ce ne sont point des sentiments feints, et qu’ils expriment la pensée de l’auteur plus que la passion du héros. Oui, sans doute, il y a quelques traits de vérité : et quel peuple n’a pas ses vices ? […] Il y a quelques traits de vérité ; mais l’ensemble du tableau est faux, outré, comme tout tableau qui n’est vu que sous un seul jour, comme toute peinture où l’imagination n’emploie que les couleurs de la prévention et de la haine.
Vos peintres rendent la nature sans vérité et sans idéal, et aucune pensée ne dirige leur pinceau. […] La vérité, c’est que Goethe s’est formé entre la France et l’Allemagne, participant des deux, et recevant ainsi une double impulsion ; et c’est cette double impulsion qui a produit Werther. […] Tout au plus pourrait-on dire qu’un tel caractère, peint dans toute sa vérité, est immoral à cause de ce qui lui manque, c’est-à-dire parce que Werther ne sait pas transformer en amour plus grand et plus divin cet amour qui le fait mourir.
Ici non plus la morale n’est pas prêchée ; mais l’esprit de la religion chrétienne y trouve nécessairement sa pleine expression, parce que l’homme idéal sorti de la plus pure nature humaine est, avec une complète force et vérité, représenté dans Parsifal. […] Avant tout il faut que la musique exprime parfaitement l’âme de l’art de Wagner ; sans cela on n’entendra pas la vérité, et on pourra facilement ressentir un déplaisir et une révolte contre cette falsification importée de l’Allemagne. […] La Revue illustrée du 1er avril : « La vérité sur Lohengrin », par M.
Et le le meilleur moyen de les approcher de la perfection souhaitée, n’est-ce pas justement d’en connaître les défauts ; de même, le meilleur moyen d’en faire comprendre la magnificence extraordinaire, n’est-ce pas de dire toute la vérité ? […] Mais Beethoven a compris encore une vérité plus profonde. […] Il y a là des paroles expliquant les vérités à croire ; la musique qui recrée le fond de l’âme, répète toujours l’affirmation furieuse : l’âme croit, veut croire.
Une verve inextinguible, une observation pénétrante, des mœurs calquées à vif et toutes pareilles, dans leur vérité flagrante, à des empreintes de photographie morale colorées par l’art ; pas un hors-d’œuvre, pas une longueur, pas une scène qui languisse ou qui interrompe le mouvement d’intérêt, qui va s’accroissant et se renforçant jusqu’au dernier acte, dans un crescendo soutenu ! […] Ces réserves faites, il n’y a plus qu’à louer et qu’à applaudir la tactique rapide de l’action, l’esprit serré du dialogue, la vérité vivante de quelques portraits. […] Supposons, d’ailleurs, un instant, la vérité de cette thèse ; alors ce n’est plus une Bourse qu’il faut ériger à la Fortune, c’est un temple.
Et qu’il cherche l’Art et la Vérité ; qu’il montre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris ; qu’il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont le courage de voir, ce que les Reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs enfants dans les hospices : la souffrance humaine, présente et toute vive, qui apprend la charité ; que le Roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce vaste et large nom : Humanité ; — il lui suffit de cette conscience : son droit est là. […] ……………………………………………………………………………………………… Au milieu du dîner rendu tout triste par la causerie qui va et revient sur la morte, Maria, qui est venue dîner ce soir, après deux ou trois coups nerveux du bout de ses doigts sur le crêpage de ses blonds cheveux bouffants, s’écrie : « Mes amis, tant que la pauvre fille a vécu, j’ai gardé le secret professionnel de mon métier… Mais maintenant qu’elle est en terre, il faut que vous sachiez la vérité. » Et nous apprenons sur la malheureuse des choses qui nous coupent l’appétit, en nous mettant dans la bouche l’amertume acide d’un fruit coupé avec un couteau d’acier. […] cette année, je me suis trouvé dans une de ces heures de la vie, vieillissantes, maladives, lâches devant le travail poignant et angoisseux de mes autres livres, en un état de l’âme où la vérité trop vraie m’était antipathique à moi aussi !
Puisque Victor Hugo est le poète imprécatoire et maudissant du Moyen Age, on peut s’étonner qu’il ait perdu une occasion de maudire et qu’il n’ait pas fait sortir de la cendre de l’Histoire et de leur bûcher ces Templiers, par exemple, — calomniés peut-être, mais la Calomnie fait des légendes aussi bien que la Vérité ! […] (vérité !) […] Fait pour chanter la guerre, l’héroïsme, la foi, toutes les forces, que ne nous donna-t-il cette joie de le voir rentrer dans la vérité de son génie !
Mais la vérité est qu’elle renferme plus par un côté, moins par un autre, et que si les deux choses paraissent interchangeables, c’est parce que notre esprit retranche subrepticement de la représentation ce qu’il y a en trop, introduit non moins subrepticement ce qui manque. […] Et il y aura beaucoup gagné, car l’expression qu’on lui apporte est celle d’une vérité physique nouvelle : elle indique comment la « transmission » de la lumière se comporte vis-à-vis de la « translation » des corps. Mais elle le renseigne sur le rapport de cette transmission à cette translation, elle ne lui dit rien de nouveau sur l’Espace et le Temps : ceux-ci restent ce qu’ils étaient, distincts l’un de l’autre, incapables de se mêler autrement que par l’effet d’une fiction mathématique destinée à symboliser une vérité physique.
Poésie et Vérité, voilà le titre un peu leste que Goethe a donné à ses Mémoires. […] À la vérité, Robert ajoute que ce bonheur parfait n’est que dans les biens idéaux. […] Freytag a dessiné ce portrait de Bernard avec une vérité déchirante. […] À la vérité, Werther se brûle la cervelle dans la coulisse ; on entend le coup partir et Charlotte (car nous sommes chez elle) tombe évanouie dans les bras d’Albert. […] On se souvient encore de son Traité sur les plus importantes vérités de la religion.
Les physionomies, les attitudes des enfants sont de la vérité pure ; le bout de paysage, si navré, résume la tristesse des quartiers perdus. […] Si vous ne sentez pas la vérité de mes prédications, j’y renonce, et vous, allez en paix. […] La vérité est rarement agréable et presque jamais on n’ose la dire pour ne pas être accusé de jalousie. […] Les faibles pensent au passé, les forts et les intelligents prennent leur revanche ; ce ne sont pas des phrases, c’est la vérité. […] Ce que je trouve très drôle, c’est de vous dire simplement la vérité pendant que vous vous imaginez que je vous mystifie.
Mais la vérité où l’on aboutit ainsi devient toute relative à notre faculté d’agir. Ce n’est plus qu’une vérité symbolique. Elle ne peut pas avoir la même valeur que la vérité physique, n’étant qu’une extension de la physique à un objet dont nous convenons a priori de n’envisager que l’aspect extérieur. […] Sur ce nouveau terrain la philosophie devra donc suivre la science, pour superposer à la vérité scientifique une connaissance d’un autre genre, qu’on pourra appeler métaphysique. […] Mais par la dialectique, — qui n’est qu’une détente de l’intuition, — bien des accords différents sont possibles, et il n’y a pourtant qu’une vérité.
» — « Vous regardez souvent de ce côté, ma chère, répondit Anne d’Autriche, appuyée sur le balcon… » Hors de là, et à part ces scènes délicates, le roman de Cinq-Mars est tout à fait manqué en tant qu’historique, et pour tout esprit ami de la vérité il ne saurait se relire aujourd’hui. […] Pasquier en ses Mémoires, tous ceux qui ont vu et su se sont élevés contre cette transmutation de la vérité. […] Le Christ demande à son père le prix de sa venue : il pose les éternels problèmes du bien et du mal, de la vérité et du doute, de la vie et de la mort, de la Providence et du Hasard, tous les pourquoi possibles, en philosophie naturelle, en philosophie morale, en politique : Et si les nations sont des femmes guidées Par les étoiles d’or des divines idées, Ou de folles enfants sans lampe dans la nuit, Se heurtant et pleurant, et que rien ne conduit ? […] Il nous donnait par là tout loisir de l’observer, et souvent un peu plus qu’on ne l’aurait désiré ; j’ai retenu plus d’un trait qui achèverait de le peindre, en amenant sur les lèvres le sourire ; mais un sentiment supérieur l’emporte sur cette vérité de détail qui ne s’adresse qu’à des défauts ou des faiblesses désormais évanouies, et, puisque nous avons été reportés par ce dernier recueil aux sommets mêmes de son esprit, aux meilleures et aux plus durables parties de son talent, je m’en tiendrai, en finissant, à la réflexion la plus naturelle qui s’offre à son sujet et qui devient aussi la plus juste et la plus digne des conclusions.
« Il y a dans la femme une gaieté légère qui dissipe la tristesse de l’homme. » Si quelqu’un était digne d’éprouver la vérité de ce qu’a dit Bernardin de Saint-Pierre, un auteur tout virgilien, c’était assurément Virgile. […] Ce sont là de ces choses qui font que l’on se sent poète. » Il n’est rien tel en effet que de semblables aveux pour faire sentir dans sa douceur, sa vérité et son sérieux plein de charme, l’heureuse puissance du talent ou du génie, sa vertu d’influence continue et son triomphe invisible. […] Mon voisin, qui a sacrifié son bonheur à la liberté, à la vérité, n’est pas fait pour vivre à Berlin. […] Ce qu’il y a de certain, c’est que tout ce que vous me dites de vous m’affecte et me pénètre ; que je vous plains, que je sens vos malheurs comme les miens et que je voudrais que vous eussiez autant de plaisir à vous épancher avec moi que j’en goûte à m’épancher avec vous, et que je n’eus jamais d’attachement plus solide, plus vrai, et qui fît plus la consolation de ma vie, que celui que vous m’avez inspiré. » (29 juin 1763.) — Et le 10 septembre, même année : « Si je pouvais trouver en France un coin où vivre en paix et vous voir quelquefois, je serais heureux… » — Et le 30 octobre : « Je vois chaque jour mieux quelle amie m’est restée en vous, et j’oublie presque toutes mes pertes quand je songe à ce qui m’est laissé. » — Le 6 janvier 1765 ; « Daignez m’écrire plus souvent, je vous en supplie ; un mot me suffit, mais j’ai besoin d’un mot. » — Tant de passages significatifs que je pourrais multiplier encore montrent assez la vérité et la vivacité de ce sentiment dans l’âme de Rousseau avant qu’elle s’altérât.
Tout ce qui est moi et en moi je vous en ferai part avec joie ; car, sentant bien que mon entreprise (d’arriver à la vérité et à l’art suprême) est au-dessus de la force d’un seul et de notre durée ici-bas, j’aimerais à déposer bien des choses dans votre sein, non seulement pour les conserver ainsi au monde, mais pour les vivifier. » N’est-ce pas ainsi que Socrate pouvait parler au jeune Platon pour se continuer et se grandir après lui dans son disciple ? […] La froide raison a éteint cet enthousiasme ; il n’y a rien de véritablement sacré que la vérité et ce que la raison reconnaît comme vérité. […] Conserver la beauté dans la douleur, ne dégrader jamais l’homme intellectuel par le déchirement de ses sensations, montrer toujours l’intelligence impassible survivant au cœur torturé, voilà le comble de l’art antique, voilà la loi du beau ; c’est cette loi du beau dans l’art que quelques grands artistes de notre époque ont voulu nier et renverser en cherchant l’expression dans la seule vérité imitative, en peignant le laid avec autant de recherche que le beau, et en inventant ce paradoxe artistique et littéraire qu’ils ont appelé l’art pour l’art !
Voilà pourtant à la lettre la vérité. […] La rhétorique tombait devant l’âge : on ne déclame plus devant Dieu ; il sentait l’approche de la vérité suprême, le néant de nos ambitions et de nos vanités ; il devenait plus sincère et plus naturel en cessant de poser et de phraser pour le monde. […] C’était la liquidation d’un demi-siècle d’erreurs et de vérités. […] — Voilà ce seuil que Chateaubriand, vieilli et infirme de corps, mais valide d’esprit et devenu tendre de cœur, foula deux fois par jour pendant trente années de sa vie ; ce seuil qu’abordèrent tour à tour Victor Hugo, d’autant plus respectueux pour les gloires éteintes qu’il se sentait plus confiant dans sa renommée future ; Béranger, qui souriait trop malignement des aristocraties sociales, mais qui s’inclinait plus bas qu’aucun autre devant les aristocraties de Dieu, la vertu, les talents, la beauté ; Mathieu de Montmorency, le prince de Léon, le duc de Doudeauville, Sosthène de La Rochefoucauld, son fils ; Camille Jordan, leur ami ; M. de Genoude, une de leurs plumes apportant dans ces salons les piétés actives de leur foi ; Lamennais, dévoré de la fièvre intermittente des idées contradictoires, mais sincères, dans lesquelles il vécut et il mourut, du oui et du non, sans cesse en lutte sur ses lèvres ; M. de Frayssinous, prêtre politique, ennemi de tous les excès et prêchant la modération dans ses vérités, pour que sa foi ne scandalisât jamais la raison ; madame Switchine, maîtresse d’un salon religieux tout voisin de ce salon profane, amie de madame Récamier, élève du comte de Maistre, femme virile, mais douce, dont la bonté tempérait l’orthodoxie, dont l’agrément attique amollissait les controverses, et qui pardonnait de croire autrement qu’elle, pourvu qu’on fût par l’amour au diapason de ses vertus ; l’empereur Alexandre de Russie, vainqueur demandant pardon de son triomphe à Paris, comme le premier Alexandre demandait pardon à Athènes ou à Thèbes ; la reine Hortense, jouet de fortunes contraires, favorite d’un premier Bonaparte, mère alors bien imprévue d’un second ; la reine détrônée de Naples, Caroline Murat, descendue d’un trône, luttant de grâce avec madame Récamier dans son salon ; la marquise de Lagrange, amie de cette reine, quoique ornement d’une autre cour, écrivant dans l’intimité, comme la duchesse de Duras, des Nouvelles, ces poèmes féminins qui ne cherchent leur publicité que dans le cœur ; madame Desbordes-Valmore, femme saphique et pindarique, trempant sa plume dans ses larmes et célébrée par Béranger, le poète du rire amer ; madame Tastu, aux beaux yeux maintenant aveugles, auxquels il ne reste que la voix de mère qui fut son inspiration ; madame Delphine de Girardin, ne disputant d’esprit qu’avec sa mère et de poésie avec tout le siècle, hélas !
Nouveauté et vérité sont les noms de ce chef-d’œuvre, ce sont deux beaux noms. […] Mais il y a maintenant une autre espèce de roman qui n’invente rien, parce que le seul inventeur, c’est Dieu, mais qui raconte avec la fidélité de la vérité ce que l’histoire véridique nous a transmis par ses acteurs secondaires ; qui prend ses héros non parmi les grands hommes et les héros, mais dans les rangs les plus obscurs du peuple, et qui montre l’influence de l’ambition et de ce qu’on nomme la gloire d’un seul sur le sort de tous. Le mérite de ce roman, c’est la vérité vraie des sentiments et des situations, c’est, si vous voulez, la naïveté de la vie. […] Voulez-vous, après tant d’adulation, verser une goutte de vérité populaire dans la mémoire de vos enfants ?
Bovary par exemple, et le Frédéric Moreau de L’Éducation sentimentale, peuvent paraître plus vraisemblables, d’une sorte de vérité banale mieux saisie que les comtesses d’Octave Feuillet ; mais ces dernières ont pu fort bien être faites et très exactement d’après nature, comme ont été peintes de même les vierges de Raphaël, les bacchantes de Rubens et les vieilles mères de Rembrandt. […] Milsand Esthétique anglaise, a expliqué à merveille comment la vérité ne peut être le but de l’art. […] Ces écoles diffèrent non dans la manière dont elles méprisent ou observent le réel, bien qu’il y ait nécessairement plus de vérité chez les réalistes, mais dans l’image illusoire qu’ils en tirent, radieuse chez l’une, prestigieuse chez l’autre, pathétique et odieuse chez la dernière, telle qu’elle excite soit l’admiration, soit la passion soit la haine et la pitié. […] Il ne sut jamais se résigner à ce qu’il savait être la vérité.
Si Montaigne et le bon La Fontaine avaient vécu de notre temps, l’un avec ses vérités, l’autre avec ses naïvetés et ses distractions, ils auraient été pendus les premiers. […] De Mme Geoffrin, il disait en approuvant le portrait qu’en a tracé La Harpe : Le portrait de Mme Geoffrin est de la plus grande vérité ; il devait y ajouter le plus grand talent pour les définitions.
Il a parlé d’elle avec vérité et justice, comme d’une nature mâle un peu parente de la sienne ; tout ce qu’on a lu et ce qu’on lit dans les nombreuses lettres où Madame se déclare et se montre à tous les yeux, n’est en quelque sorte que la démonstration et le commentaire du jugement premier donné par Saint-Simon. […] Madame savait cela et ne continuait pas moins son train, usant de son privilège de princesse, disant chemin faisant des vérités sans gêne ou des injures à ceux même qui, en décachetant le paquet, devaient y trouver le leur : Du temps de M. de Louvois, on lisait toutes les lettres aussi bien qu’à présent, mais on les remettait du moins en temps convenable ; maintenant (février 1705) que ce crapaud de Torcy a la direction de la poste, les lettres se font attendre un temps infini… Comme il ne sait pas beaucoup d’allemand, il faut qu’il les fasse traduire.
Et pour vous informer de la vérité, je commençai jeune dès l’âge de vingt ans ; je suis venu au monde avec les faits et les événements, et y ai toujours pris grand’plaisance plus qu’à autre chose ; et Dieu m’a fait la grâce d’avoir toujours été de toutes les cours et hôtels des rois, et spécialement de l’hôtel du roi Édouard d’Angleterre et de la noble reine sa femme, Madame Philippe de Hainaut, de laquelle en ma jeunesse je fus clerc et secrétaire. […] sens, mémoire et bonne souvenance de toutes les choses passées, esprit clair et aigu pour concevoir tous les faits dont je pourrois être informé, âge, corps et membres pour souffrir peine24, je m’avisai que je ne voulois point tarder de poursuivre ma matière ; et pour savoir la vérité des lointaines besoignes et entreprises, sans que j’y envoyasse aucune autre personne en mon lieu, je pris voie et occasion raisonnable d’aller devers haut prince et redouté seigneur monseigneur Gaston, comte de Foix et de Béarn… Le comte de Foix ne l’a jamais vu, mais il le connaît de réputation et a bien souvent entendu parler de lui.
. — Un des épisodes les plus célèbres de l’Histoire de Venise est la fameuse et à la fois obscure conjuration de 1618, racontée par Saint-Réal avec tant d’art et de vérité que quelques-uns l’ont crue même en partie imaginée par lui. […] Un poème de l’ordre didactique le plus élevé, L’Astronomie, occupa ses derniers loisirs104 : il l’entreprit sur le conseil même de l’illustre Laplace, et s’appliqua à confier au rythme ami de la mémoire les principales vérités de la mécanique céleste, et même l’histoire de la science et des divers systèmes en vogue avant que l’explication newtonienne eût fixé le centre du monde.
La Motte est sceptique ; c’est un esprit froid, fin, sagace, qui pratique la maxime de Fontenelle et se défendrait de l’enthousiasme s’il pouvait en être susceptible ; il n’a rien à faire de son loisir et de son esprit qu’à l’appliquer indifféremment à toutes sortes de sujets auxquels il s’amuse : « Hors quelques vérités, pense-t-il, dont l’évidence frappe également tous les hommes, tout le reste a diverses faces qu’un homme d’esprit sait exposer comme il lui plaît ; et il peut toujours montrer les choses d’un côté favorable au jugement qu’il veut qu’on en porte. » Il se flatte que la dispute présente est du nombre de celles qui se prêtent à plus d’une solution ; il affecte de la considérer comme plus frivole qu’elle n’est, qu’elle ne peut le paraître à ceux en qui la raison se rejoint au sentiment et qui mettent de leur âme dans ces choses de goût. […] Quant à ce qui est de sa personne et de son caractère dans la société, un certain abbé Cartaud de La Vilate nous la représente sous une forme grotesque et ridicule qui ne fut jamais la sienne : « J’ai ouï dire, prétend-il facétieusement, à une personne qui a longtemps vécu avec elle, que cette savante, une quenouille à son côté, lui récita l’adieu tendre d’Andromaque à Hector avec tant de passion qu’elle en perdit l’usage des sens. » Ce sont là des exagérations et des caricatures sans vérité ; il ne faudrait pas croire que Mme Dacier fût devenue en vieillissant une demoiselle de Gournay, une sorte de sibylle qui représentait avec emphase et solennité le bon vieux temps.
Il comprend la dignité du genre qu’il traite ; il est des particularités honteuses ou incertaines que l’histoire doit laisser dans les satires, pamphlets et pasquins, où les curieux les vont chercher : d’Aubigné, qui aime trop ces sortes de pasquins ou de satires, et qui ne s’en est jamais privé ailleurs, les exclut de son Histoire universelle, et, s’il y en introduit quelque portion indispensable, il s’en excuse aussitôt : ainsi en 1580, à propos des intrigues de la cour du roi de Navarre en Gascogne, quand la reine Marguerite en était : J’eusse bien voulu, dit-il, cacher l’ordure de la maison ; mais, ayant prêté serment à la vérité, je ne puis épargner les choses qui instruisent, principalement sur un point qui, depuis Philippe de Commynes, n’a été guère bien connu par ceux qui ont écrit, pour n’avoir pas fait leur chevet au pied des rois… Quand il s’étend longuement sur certaines particularités purement anecdotiques, il s’en excuse encore ; il tient à ne pas trop excéder les bordures de son tableau ; il voudrait rester dans les proportions de l’histoire : mais il lui est difficile de ne pas dire ce qu’il sait de neuf et d’original ; et d’ailleurs, s’il s’agit de Henri IV, n’est-il pas dans le plein de son sujet, et n’est-il pas en droit de dire comme il le fait : « C’est le cœur de mon Histoire ? […] La vérité, à son sens, ressortira suffisamment des descriptions.
Voyez les œuvres de Dieu envers ceux qui se sont toujours fiés en lui… Je me porte très bien, Dieu merci ; vous jurant avec vérité que je n’aime ni honore rien au monde comme vous ; et vous garderai fidélité jusques au tombeau. […] Sur cette vérité je vous baise les mains.
Il faut donc prendre ces harangues pour de simples paroles assez exactement recueillies, où le maître (car Henri IV en est un) dit à sa manière à ceux dont il a besoin et qui lui résistent, qui lui viennent faire remontrance, des vérités parfois rudes, mais qu’il sait égayer d’un geste ou d’un sourire. […] Aux députés du Clergé qui viennent de lui faire, et non sans arrière-pensée, un assez triste tableau de l’Église de France, il répond (28 septembre 1598) : À la vérité, je reconnais que ce que vous m’avez dit est véritable.
De même n’approchez pas d’Archimède au moment où il oublie tout hormis son problème, et où il va se laisser arracher la vie plutôt que de se détourner de la poursuite de l’unique vérité à laquelle il s’attache et qui fait sa joie. […] Mais, sous cette forme où il la présente, à l’usage d’une société élégante et d’une civilisation consommée, que de vérités sur les passions, sur l’amour, sur les femmes, sur les différents âges, sur la mort !
On a toutefois à remercier l’auteur de nous faire une dernière fois étudier Santeul, et de nous inviter par son exemple à lui rendre justice dans les limites de la vérité. […] Un homme d’esprit plus impartial que Despréaux, et qui y apportait moins de vivacité de goût, le docte Huet, a jugé Santeul avec beaucoup de vérité quand il a dit : Si l’on avait dressé à cette date (vers 1660) une pléiade des poètes, comme autrefois en Égypte du temps de Ptolémée Philadelphe, ou comme au siècle passé en France, on y aurait certainement donné place à Pierre Petit, médecin, à Charles du Périer et à Jean-Baptiste Santeul, de la congrégation de Saint-Victor à Paris.
Elle s’en doute bien elle-même, et voudrait que Voltaire vint donner à sa petite société un dernier tour, un dernier poli de civilisation en faisant « un pèlerinage à Notre-Dame de Bareith. » Il promet toujours et ne vient jamais : « Vous me faites éprouver le sort de Tantale : soyez donc archi-germain dans vos résolutions, et procurez-moi le plaisir de vous revoir. » On a joué chez elle le Mahomet : « Les acteurs se sont surpassés, et vous avez eu la gloire d’émouvoir nos cœurs franconiens. » Elle demande décidément au poète philosophe de « la conduire dans le chemin de la vérité » ; et en attendant, elle lui fait des objections, mais des objections dans un sens plus avancé, plus radical. […] Vous n’avez qu’à lui rendre justice, et, sans vous écarter de la vérité, vous trouverez la matière la plus ample et la plus belle.
Un peu plus de liberté à droite et à gauche aurait ajouté à la vivacité et à la vérité du portrait. […] … » Telle est la vérité avec ses légères ombres.
La nature humaine est si faible d’ailleurs et si misérable, qu’il ne serait pas impossible que, dans ce besoin d’oubli et d’engourdissement à tout prix où on nous le montre, il y eût un coin de vérité. […] Il y a un autre système, un autre parti à prendre, celui des chercheurs de vérité et de nouveauté, des remueurs d’idées, des Staël, des Lessing, des Diderot, des Hegel comme des Voltaire : ici le mot d’ordre, c’est que le mouvement, quel qu’il soit et tant qu’on peut se le donner, est le plus grand bien de l’esprit comme du corps.
Il vient de parler des diverses hymnes et proses célèbres de la liturgie, le Dies iræ, le Vexilla, le Stabal, et il en a défini l’impression profonde avec largeur et vérité : « Je sais que beaucoup, dit-il, qui n’ont peut-être jamais mis le pied dans une église pour prier, qui n’ont jamais ressenti dans leur cœur la pieuse ferveur de la foi, riront de mon enthousiasme et de mon admiration ; mais je dois leur dire que depuis sept ans j’ai manqué peu de représentations au Théâtre-Italien, que j’ai suivi assidûment les concerts du Conservatoire, que Beethoven m’a donné la fièvre de plaisir, que Rossini m’a remué jusqu’au fond de l’âme, que Mme Malibran et Mlle Sontag ont été pour moi de bienfaisantes divinités ; que pendant près de deux ans je n’ai eu d’autre religion, d’autre espérance, d’autre bonheur, d’autre joie que la musique ; que, par conséquent, ils ne peuvent me regarder comme un trappiste qui ne connaît que ténèbres et matines ; mais il faut qu’ils sachent aussi que celui qui leur parle, et qui aujourd’hui est bien loin de la foi chrétienne, a été pendant cinq ans catholique fervent, qu’il s’est nourri de l’Évangile, de l’Imitation ; qu’élevé dans un séminaire, il y a entendu des chœurs de deux cents jeunes gens faire résonner sous une voûte retentissantel’In exitu. […] elle a atteint l’âge de majorité et de raison ; elle trouve désormais tous ses stimulants et ses motifs d’agir en elle-même ; les lumières circulent, chacun a droit de parler et d’être écouté ; la somme totale de tous les avis, la résultante de toutes les contradictions est, en fin de compte, la vérité même !
Vous m’avez donné de si nobles idées de la vérité et de la vertu ! […] Je donnerai ce préambule ; mais qu’on veuille bien distinguer et dégager la vérité de l’accent, sous ce qui nous semble aujourd’hui un peu déclamatoire et qui appartient au langage du siècle ; il n’est pas mal, d’ailleurs, de voir le sentiment des malheurs publics se mêler si intimement aux infortunes personnelles du rêveur ; les générations qui souffraient ainsi, et dont les âmes se soulevaient avec de tels gémissements sous toutes les sortes d’oppressions, méritaient de vivre assez pour assister et coopérer à la délivrance de 89.
Elle a semblé accueillir et reconnaître à son tour cette vérité, que les grands poètes ont chacun une langue à part, une langue originale qui, en même temps qu’elle est ou qu’elle devient celle de tous, est la leur aussi en particulier. […] Il en est du champ de l’humanité comme de celui de Sempach : « L’œuvre qu’un seul commence, un grand peuple l’achève. » Chacun des successeurs de Colomb a pu dire : « J’ai fait le même voyage. » C’est ce qui arriva à Rotrou après Corneille. » Pour apprécier ici la vérité et la beauté de l’image, il faut savoir son histoire suisse de l’époque héroïque et se rappeler ce qu’était et ce que fit ce Winkelried, lequel, à la journée de Sempach, s’avançant le premier contre le bataillon hérissé de fer des Autrichiens qu’on ne pouvait entamer, étendit les bras pour ramasser le plus de piques ennemies qu’il put contre sa poitrine, et qui, tombant transpercé, ménagea ainsi dans la redoutable phalange une trouée par où les Suisses vainqueurs pénétrèrent.
Et, après les désastres de la retraite, il expose avec non moins de précision et de vérité les diverses phases de la défection européenne, et comment toute cette apparence de soumission et de concours au profit de Napoléon se retourna inévitablement et fit volte-face, comme à un signal donné, contre lui. […] Les fautes gratuites et funestes, les entreprises non provoquées et risquées sans nécessité, les excès et les fougues de la passion ne sauraient obscurcir ni faire perdre de vue cette vérité capitale, inhérente à la nature même des choses.
Pour moi, qui n’ai pour toute arme que le bouclier de la vérité, l’on me craint, le roi m’aime et le public espère en moi. « Voilà, mon cher comte, un tableau de ce pays-ci… » Cette lettre essentielle, et qui est à lire tout entière, ne devait pas nous arriver : elle renfermait une injonction impérative, comme si Maurice avait reculé au dernier moment, en relisant ce qu’il avait confié au papier : « Brûlez cette lettre, je vous en conjure, en présence du roi ; je veux avoir un témoin comme lui. […] Ce qu’on a appelé le siècle de Louis XV se partage en deux ; la fin de la première moitié demeure assez belle : la figure du maréchal de Saxe apparaît de loin dans nos dernières victoires et perce le nuage ; il rejoint la chaîne historique, il tend la main aux Kléber ; malgré des défauts, malgré des vices, il est d’une ampleur et d’une générosité de nature qui le fait sympathique à la France nouvelle, et de lui aussi on peut dire avec quelque vérité : C’est le Mirabeau des camps.
M. de Chateaubriand, dans son antipathie d’humeur et de nature pour le personnage, lui qui avait autant le ressort de l’honneur et le goût du dépouillement que l’autre les avait peu et savait aisément s’en passer, a dit, à propos de la manière dont M. de Talleyrand négociait les traités : « Quand M. de Talleyrand ne conspire pas, il trafique. » Ce mot sanglant, au moins dans sa seconde partie, n’est que la vérité même. […] Un volume in-8°, chez Reinwald, libraire-éditeur, rue des Saints-Pères, 15. — J’ai dit, après beaucoup d’autres, que c’était par suite d’un accident et dès sa première enfance que M. de Talleyrand était boiteux ; mais la vérité en tout, avec de tels hommes, est difficile à savoir.
Toutefois, un certain besoin de perfection et de beauté concentrée, une vérité et une justesse de plus en plus soigneusement recherchée, la difficulté croissante du goût à l’égard de soi-même, l’absence du théâtre aussi et d’un cadre qui incessamment sollicite, bien des causes peuvent faire, en avançant, que les produits de ce genre d’imagination ne remplissent pas toute une vie et y laissent vacantes bien des heures. […] Voilà le gros de l’événement ; mais toute l’originalité, toute la vérité gît dans le détail.
A cette époque de croyances régnantes et traditionnelles, c’étaient les sens d’ordinaire, et non la raison, qui égaraient ; on avait été libertin, on se faisait dévot ; on n’avait point passé par l’orgueil philosophique ni par l’impiété sèche ; on ne s’était pas attardé longuement dans les régions du doute ; on ne s’était pas senti maintes fois défaillir à la poursuite de la vérité. […] Puis, quand on avait épuisé les désordres, les erreurs, et qu’on revenait à la vérité suprême, on trouvait un asile tout préparé, un confessionnal, un oratoire, un cilice qui matait la chair ; et l’on n’était pas, comme de nos jours, poursuivi encore, jusqu’au sein d’une foi vaguement renaissante, par des doutes effrayants, d’éternelles obscurités et un abîme sans cesse ouvert : — je me trompe ; il y eut un homme alors qui éprouva tout cela, et il manqua en devenir fou : cet homme, c’était Pascal.
Mais la parure de la vérité dans un pays libre, est d’accord avec la vérité même.
Ce serait atteindre une vérité capitale, infinie en conséquences, que trouver, non pas en grammairiens et en logiciens, mais en psychologues, leur vraie nature et leur office précis. […] Ordonner à quelqu’un de voir ou d’imaginer plusieurs côtés et, en même temps, de n’en voir ou imaginer ni trois, ni quatre, ni aucun nombre, c’est prescrire et interdire à la fois la même opération. — Pareillement, lorsque, après avoir vu dans la campagne trente arbres différents, des chênes, des tilleuls, des bouleaux, des peupliers, je prononce le mot arbre, je ne trouve pas en moi-même une figure colorée qui soit l’arbre en général ; car l’arbre en général a une hauteur, une tige, des feuilles, sans avoir telle hauteur, telle tige, telles feuilles ; et il est impossible de se représenter une grandeur et une forme, sans que cette grandeur et cette forme soient telles ou telles, c’est-à-dire précises. — À la vérité, devant le mot arbre, surtout si je lis lentement et avec attention, il s’éveille en moi une image vague, si vague qu’au premier instant je ne puis dire si c’est celle d’un pommier ou d’un sapin.
Ainsi s’établit cette vérité paradoxale que la littérature a contribué pour sa petite part à changer la face du monde qui nous environne. […] Si j’ai pu ouvrir des échappées par où passent quelques rais de lumière, que d’autres y plongent plus avant et y découvrent des vérités que j’ai réussi seulement à faire entrevoir.
La décence n’est pas seulement une vertu, c’est une vérité littéraire. […] Les faux aveux qu’il oblige à faire équivalent à leur vérité.
En réalité, c’était plutôt un lettré, un érudit, admirant et étudiant la nature à travers les livres et les traités des autres, desquels il extrait et compile élégamment la substance et la fleur, et pas seulement la fleur, car il ne choisit pas toujours, et il agrée les erreurs tout autant que les vérités. […] Le jugement de Cuvier, couronné d’une ou deux des paroles de Buffon, embrasserait probablement l’entière vérité.
L’auteur se pique d’être vrai avant tout ; cette vérité n’est ici qu’une phrase sentimentale de plus. […] En tout, ce qui lui manquait, c’était l’élévation dans l’âme et dans le talent, c’était la vérité et la nature ; d’ailleurs elle avait les finesses, les adresses et les grâces de la société.
Cet ensemble d’anecdotes sur la jeunesse de Patru nous le montre bien, dans la vérité primitive de son caractère, aimable, je le répète, liant et séduisant, un garçon d’esprit et de plaisir, honnête homme au milieu de ses distractions gauloises, désintéressé, déjà mal à l’aise et se méfiant de la fortune, ne se sentant pas assez de force pour la maîtriser et pour épouser courageusement la femme qu’il aime, du moment qu’elle devient veuve et qu’elle est libre. […] J’aime la gloire, à la vérité, mais je l’aime d’amitié et non pas d’amour ; et je préfère le cœur d’Amarante à toutes les langues de la renommée.
Nous la suivrons, en nous aidant çà et là nous-même des renseignements d’alentour, sans trop appuyer, et en tâchant de dessiner en toute vérité un portrait singulier, où il entre à la fois du ravissant et, vers la fin, du bizarre. […] Ici Marguerite fit l’ingénue, assure-t-elle, et n’eut pas l’air de comprendre : Je la suppliai de croire que je ne me connaissais pas en ce qu’elle me demandait : aussi pouvais-je dire lors à la vérité comme cette Romaine, à qui son mari se courrouçant de ce qu’elle ne l’avait averti qu’il avait l’haleine mauvaise, lui répondit qu’elle croyait que tous les hommes l’eussent semblable, ne s’étant jamais approchée d’autre homme que de lui.
Par cette seule vue d’un christianisme antérieur et disséminé à travers le monde, par cette espèce de voyage à la recherche des vérités catholiques flottantes par tout l’univers, l’enseignement de la théologie se serait trouvé singulièrement agrandi et élargi ; l’histoire des idées philosophiques s’y introduisait nécessairement. […] En vous interrogeant, j’ai senti que sa flamme Ne peut périr ; Qu’à chaque être d’un jour qui mourut pour défendre La vérité, L’Être éternel et vrai, pour prix du temps, doit rendre L’Éternité.
Et, de vérité, Michelet ne fait pas autre chose. […] Au lieu de cette grosse explication qu’on a appelée longtemps la Nature, et dont Joseph de Maistre, notre Voltaire, à nous autres chrétiens, s’est moqué avec une gaieté si peu piémontaise, Michelet a parlé « d’animaux se faisant eux-mêmes et se faisant par pièces et morceaux », ce qui serait plus fin, à la vérité, si Michelet, en toute matière, ne pressait pas toujours le ressort jusqu’à ce que le grotesque jaillisse.
Vigny, poète toujours et cachant les injustices de sa poésie sous les formes les mieux fourbies du raisonnement, va jusqu’à dire, dans le délire partagé de Rousseau : « L’individu n’a presque jamais tort, l’ordre social toujours », et cela étonne d’un homme de ce temps et d’autant de soleil dans la pensée ; car, s’il était nécessaire de dresser des maximes absolues dans la grande casuistique de l’Histoire, ce serait le contraire, à coup sûr, de l’axiome de Vigny qu’il faudrait prendre pour la vérité ! […] Mais voilà pourtant la vérité certaine dont, avant le livre de Ratisbonne, personne ne se doutait sur l’auteur d’Éloa, sur ce Calme qui cachait un Profond… Cependant, quand je dis personne, je dis trop.
Ainsi les lois mécaniques ne sont pas une suite analytique des vérités mathématiques, et ne reposent pas non plus sur des jugements synthétiques a priori. […] Nous avons montré que ces lois ne sont pas non plus des vérités purement expérimentales. […] Pour Descartes, la clarté des idées est la marque de leur vérité. […] En dernière analyse, notre raison de croire au mécanisme universel, c’est, ainsi que l’a vu Descartes, notre confiance dans la vérité des idées claires et dans leur rapport à la réalité. […] L’être est fait de deux pièces : la vérité, empire de l’éternel et du nécessaire, et le phénomène, matière instable, incapable de se fixer dans aucune forme.
Nul n’a mieux vu que lui le décor changeant où s’agitent nos peines : « À la vérité, dit M. […] Il n’a pas vécu assez pour voir une Grèce inconnue, lointaine, sortir des tranchées où nos fouilleurs cherchent obstinément des parcelles de vérité. […] C’est d’eux qu’il apprit à respecter la vérité, à chercher la justice, à travailler pour le triomphe du droit. […] Son jeune esprit s’initiait, en jouant, aux mystères d’une vérité qui serait insupportable, si sa laideur n’était masquée par le décor éternel des arbres et des fleurs. […] Résolument, il se range du côté de la vérité.
Les portions satisfaites de la nation auraient commencé à mieux voir, à revenir de l’excès d’exigence ou de confiance, et à juger de la tâche sociale avec plus de vérité.
Il chiarle 255 puissamment, il ment effrontément, il débite des bagatelles à la populace ; mais avec tout cela c’est un fol enragé, un imposteur, un menteur, un superbe, un impatient, un ingrat, un philosophe masqué qui n’a jamais su ce que c’étoit de faire le bien ni de dire la vérité.
Le caractère du style aussi bien que de la vie du marquis d’Argenson est le bon sens, comme on le croira sans peine ; ennemi du clinquant et de ce qu’il appelle les épigrammes politiques, il ne l’est pas moins des pointes et des épigrammes du langage ; avide avant tout de vérités proverbiales, de dictons populaires, et heureux d’en confirmer sa pensée, la trivialité même ne l’effraye pas, il ne l’évite jamais ; mais par malheur la raison n’est pas toujours triviale ; il arrive donc souvent aux saillies à force de sens, et beaucoup de ses comparaisons sont piquantes parce, qu’elles sont justes, Qu’Albéroni, par exemple, vivant à Rome après sa disgrâce, entreprenne, au nom du pape, souverain temporel, la conquête de la petite république de Saint-Marin ; M. d’Argenson, qui vient de nous exposer avec précision et peut-être sécheresse les travaux et les talents du cardinal, saura bien ici nommer cette entreprise une parodie des comédies héroïques qu’Albéroni a données à l’Espagne vingt ans auparavant, et, lui-même, le montrer joueur ruiné quoique habile qui se conduit en jouant aux douze sous la fiche, comme il faisait autrefois en jouant au louis le point.
Brunetière, après avoir cité une description d’un romancier contemporain, je puis voir effectivement toutes ces choses… Ce sont des tableaux… dont nous n’avons pas besoin d’avoir vu les modèles, pour louer la ressemblance, puisqu’ils ne sont, après tout, que des associations nouvelles d’éléments anciens, de formes familières et de couleurs accoutumées… Nous sommes rentrés ici dans la vérité de l’art, qui consiste à décrire les choses les plus particulières par les termes les plus généraux, et d’autant plus généraux, qu’il s’agit de nous communiquer l’impression de choses plus particulières. » Il semble que nous soyons ramenés au fameux précepte de Buffon, qui recommande d’avoir attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux.
La toilette actuelle des femmes est l’irréconciliable ennemie de leurs devoirs naturels : voilà la vérité.
La vérité, c’est que, sans doute, le gouvernement n’a mis aucun empressement à nous renseigner ; mais c’est aussi que, rendus timides par une humiliation d’un quart de siècle, conscients de notre impuissance à défendre désormais, à travers le monde, les causes « humaines », nous ne tenions pas beaucoup à savoir, parce que nous étions incapables d’agir.
* * * La vérité, d’ailleurs, c’est que l’acte en question est toléré par la « morale » commune, même par celle des gens « comme il faut », — à condition de demeurer secret.
L’enthousiasme qu’un grand nombre d’Auteurs ont attribué à Ronsard pour ce Poëme, n’est nullement conforme à la vérité.
À ceux qui le blâment d’avoir accepté sur la mort des maris de Lucrèce certaines rumeurs populaires à demi fabuleuses, il répondrait que souvent les fables du peuple font la vérité du poète ; et puis il citerait encore Tacite, historien plus obligé de se critiquer sur la réalité des faits que le poète dramatique : Quamvis fabulosa et immania credebantur, atrociore semper fama erga dominantium exitus.
Le jeune homme qui avait du goût et de la vérité dans le caractère, dit à sa famille en la remerciant : Vous n’avez rien fait qui vaille, ni vous, ni le peintre.
Pour vos femmes, et le reste de votre composition, je conviens qu’il y a de la beauté ; des caractères de l’expression ; de la sévérité de couleur ; mais mettez la main sur la conscience, et rendez gloire à la vérité !
Oui, ce grand homme ne se contenta pas d’approcher le plus près que sa nature lui permettait de la perfection entrevue par les grands esprits ; il ne se contenta pas de se dévouer à la recherche de la vérité, d’être désintéressé et respectueux chez tous de la dignité humaine.
Tocqueville lui écrivait le 30 décembre (1858) : « Je puis bien vous assurer en toute vérité que je n’avais pas besoin de tous les détails que vous me donnez pour être convaincu que, si vous n’êtes pas déjà venu à moi, c’est que les raisons les plus fortes vous en empêchaient. […] » quand il nous annonce en tête d’un chapitre la vérité sur l’enlèvement des Sabines, je souris en l’écoutant ; il m’est impossible de voir autre chose dans les diverses sortes d’interprétations auxquelles il se livre qu’un jeu d’esprit soutenu de l’érudition la plus animée. […] » — Il comparait Fauriel, qui craignait toujours d’être trop vif dans l’expression et d’outre-passer la vérité, à un homme qui fait un dessin à la mine de plomb : « Et quand il a fini, il craint que ce ne soit encore trop vif, et pour plus de précaution, il passe sa manche dessus. » Ceci me rappelle à moi-même un mot que m’écrivait M. de Rémusat après la lecture de mes articles sur Fauriel : « Il est original, me disait-il, par son défaut absolu d’effet et de saillie. […] La vérité est que, de 1824 à 1826, Ampère aurait pu épouser Mlle Clémentine : par la gracieuse préférence qu’elle lui témoignait, il semble tout à fait qu’il n’eût tenu qu’à lui de se déclarer. […] Voilà la vérité. » Ampère, comme tous les caractères excessifs et les cœurs errants, eut ensuite des regrets, des remords sous forme nerveuse.
Il dut sentir alors la vérité de cette pensée qu’il développa si bien dans la suite: Où le secours humain fait défaut, Dieu produit le sien. […] Entendront-ils le langage de la vérité, ceux qui ne se plaisent que dans le mensonge ? […] Lui, qui était venu pour dire la vérité, n’avait pu trouver que des flatteries. […] Ils ne savaient pas qu’il ne faut pas dérober, tout chez eux étant commun ; ni être intempérant, ayant à discrétion des mets simples ; ni menteur, n’ayant aucune vérité à dissimuler. […] À la vérité, le bois de cet arbre n’est formé que d’un paquet de filaments ; mais son aubier est si dur, qu’il fait rebrousser les meilleures haches, et Paul n’avait pas même un couteau.
Pour la vérité, m’affirment le Job de Bonnat, le Saint Sébastien de Ribot et la vieille femme de Rodin. […] pour nous pénétrer de ces idées ; car elles contiennent certainement une part de vérité bonne à recueillir. […] Il nous doit la vérité sur la nature ; non peut-être toute la vérité ; mais rien que la vérité. […] Il procède de deux sentiments éminemment respectables, le souci de la vérité et l’admiration de la nature. […] Cette vérité a-t-elle suffisamment pénétré nos écoles de dessin, de peinture et de sculpture ?
Il dit crânement ses vérités à Créon et sort pour aller se tuer sur le corps de sa promise. […] il y a des vérités déclamatoires. […] Cette vérité n’a rien de rare. […] Ce serait plutôt, par la simplicité et la vérité du sujet et par je ne sais quel comique élémentaire et puissant, quelque chose comme l’équivalent moderne des farces de Molière. […] Mais aussi, comme nos rôles étaient joués 1 C’était la vérité même.
Sincèrement bonhomme, quoiqu’il affectât un peu cette ressemblance avec La Fontaine, fertile en anecdotes choisies et bien dites, causeur toujours écouté105, moralisant beaucoup, et rajeunissant par le ton ou l’à-propos les vérités et les conseils qui, sur ses lèvres, n’étaient jamais vulgaires, M.
Auparavant l’on ne désirait que ce que l’on connaissait : c’était comme une vérité établie, proverbiale : Ignoti nulla cupido, disait Ovide.
Tout ce qui établit des analogies, des ressemblances, est un garant de plus de la vérité du système.
Ces grands artistes, si épris de vérité, mais si fermes de sens, avaient, par une ingénieuse convention, associé les signes physiques de la passion, confus et déréglés, aux expressions intellectuelles, nettement déduites et bien claires.
Le xviiie siècle, faussement classique, obéit à la lettre, méconnaissant l’esprit de la loi ; il outra la pruderie, et finit par soupçonner de trivialité tout ce qui gardait de la vérité.
(À la vérité, ce n’est point par une nécessaire liaison d’idées, mais par une rencontre accidentelle, que nous voyons les doctrines révolutionnaires associées chez nous au matérialisme le plus franc et le plus cru : car celui-ci pourrait aussi bien, et même mieux, avoir pour conclusion, en politique, la monarchie absolue ; et c’était, notamment, l’avis de l’Anglais Hobbes.
J’ai trouvé que l’École des vieillards ne manquait ni de vérité ni de force, et que la confession de Louis XI à François de Paule était une scène singulièrement dramatique ; et j’ai goûté, dans les Poésies posthumes, le rythme berceur et le charme gris des Limbes… Je n’avais pas lu Une famille au temps de Luther, mais j’en avais d’avance une assez bonne opinion, et je comptais que la représentation serait pour le moins intéressante.
Ces types avaient leur vérité railleuse cachée sous leur exubérante fantaisie.
À la vérité, rien n’était plus dissemblable que ces deux natures et la vie ne devait pas tarder à les disjoindre, mais ils se trouvaient alors réunis par la même fièvre de recherches, la même ingéniosité, la même pénétration et la même hauteur de vues.
Le poëte ne doit avoir qu’un modèle, la nature ; qu’un guide, la vérité.
Il se glorifioit de leur faire entendre la vérité mieux qu’aucun prédicateur.
La vérité vraie, c’est que procédés, métier, volonté, travail, sont intimement mêlés dans ce mystérieux exercice de l’art d’écrire ; et rien n’est plus faux que de dire : « Ceci est de l’art parce qu’on ne sent pas la rhétorique, et ceci n’est pas de l’art parce qu’on sent la rhétorique. » 17.
On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince.
(A la vérité il n’explique pas comment.) […] Il fallait envelopper quelque grande et utile vérité dans une louange belle et méritée. » Et Jean-Jacques a peur de rater son affaire […] S’il accepte cette pension, « adieu la vérité, la liberté, le courage. […] Mais voici, je crois, tout ce qu’il vous importe de savoir, et ce qui me semble la vérité. […] C’est écrit à merveille, mais cela est trop fait et me paraît sans vérité et sans chaleur.
Il y a, à la vérité, quelques figures qui ne sont usitées que dans le stile sublime : telle est la prosopopée, qui consiste à faire parler un mort, une persone absente, ou même les choses inanimées. « ce tombeau s’ouvriroit, etc. » c’est ainsi que M. […] Les amateurs de la simple vérité aiment bien mieux avouer qu’ils ignorent, que de fixer ainsi leur esprit à des illusions. Les chercheurs de la pierre philosophale s’expriment aussi par allégorie dans leurs livres ; ce qui done à ces livres un air de mistère et de profondeur que la simplicité de la vérité ne pouroit jamais leur concilier. […] En éfet, la nature n’a qu’une voie dans ses opérations ; voie unique que l’art peut contrefaire, à la vérité, mais qu’il ne peut jamais imiter parfaitement. […] Il faut pourtant observer qu’elle n’a de vérité que parmi les nations où le laurier est regardé come le simbole de la victoire.
N’allons pas nous tromper à cette bonhomie d’allures ; elle voile une âme de feu : « Je ne puis pas souffrir qu’on ne soit pas de mon avis… Il n’y a pas des opinions, il y a de la vérité. » Ce n’est pas celui-ci qui se résignerait à préférer ce qui lui plaît, sans exclure avec force ce qu’il n’aime pas. […] Tous ces « visages », retracés avec art et avec vérité, attirent le regard et le retiennent longuement. […] Mais pour être très pénétré de cette vérité paradoxale, et méconnue des poètes français depuis le jour où l’on rompit avec la tradition classique, Verlaine n’aurait eu qu’à soupeser son petit livre favori, les Émaux et Camées. […] La vérité est celle-ci. […] Ces chefs-d’œuvre de facture, où l’on se flattait trop souvent d’échapper à la nature et de frauder la vérité, révèlent au regard, qu’une lumière aveuglante offusquait, qu’éclaire maintenant l’humble rayon de la cellule presque aussi bienfaisant que la lueur de l’au-delà, leur sotte ou vilaine grimace.
Cet ordre par lui-même, cette relation seule, constitue parfois une nature de vérité formelle plus vraie que ne l’est la nature de vérité réelle représentée par la matière des choses qui sont dites. […] Un serpent l’a mordue en songe — mythe et vérité, mythe qui se vérifie par l’effet. […] Seul monde pour elle, le monde intérieur ; mais ce monde intérieur où nous cherchons plus de vérité est un monde sans ; joie. […] L’accent poétique est mis, chez Parménide et chez Lucrèce, sur l’émotion de l’homme qui découvre la vérité. […] Brûlé de plus de feux ou Il en rougit le traître rejoignent artificiellement deux états distincts ; et le vers de Monime ne fait que révéler un feu réel, senti par Monime elle-même comme une chaleur physique de son visage : vérité psychologique et physiologique que vient confirmer la théorie de William James sur l’émotion.
J’en voyais s’élever au-dessus des vagues tandis que d’autres se perdaient au-dessous ; chacun à l’aide de ses voiles et de sa manœuvre suivant des routes contraires quoique poussé par un même vent : image de l’homme et du bonheur, du philosophe et de la vérité. […] L’apôtre de la vérité se montrera-t-il donc moins intrépide que l’apôtre du mensonge ? […] Je ne me trompais pas ; mais comment vous en rendre l’effet et la magie, ce ciel orageux et obscur, ces nuées épaisses et noires, toute la profondeur, toute la terreur qu’elles donnaient à la scène, la teinte qu’elles jettaient sur les eaux, l’immensité de leur étendue ; la distance infinie de l’astre à demi voilé dont les rayons tremblaient à leur surface ; la vérité de cette nuit, la variété des objets et des scènes qu’on y discernait, le bruit et le silence, le mouvement et le repos, l’esprit des incidens, la grâce, l’élégance, l’action des figures ; la vigueur de la couleur, la pureté du dessin, mais surtout l’harmonie et le sortilège de l’ensemble ? […] L’effet de ces deux lumières, ces lieux, ces nuées, ces ténèbres qui couvrent tout et laissent discerner tout, la terreur et la vérité de cette scène auguste, tout cela se sent fortement, et ne se décrit point. Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que l’artiste se rappelle ces effets à deux cents lieues de la nature, et qu’il n’a de modèle présent que dans son imagination ; c’est qu’il peint avec une vitesse incroyable ; c’est qu’il dit : que la lumière se fasse, et la lumière est faite ; que la nuit succède au jour et le jour aux ténèbres, et il fait nuit et il fait jour ; c’est que son imagination aussi juste que féconde lui fournit toutes ces vérités ; c’est qu’elles sont telles que celui qui en fut spectateur tranquille et froid au bord de la mer en est émerveillé sur la toile, c’est qu’en effet ses compositions prêchent plus fortement la grandeur, la puissance, la majesté de nature, que la nature même : il est écrit : coeli enarrant gloriam dei, mais ce sont les cieux de Vernet, c’est la gloire de Vernet.
Raspail, où elle est peinte en quelques expressions frappantes de vérité. […] « Je n’ai pas, à la vérité, la frayeur que tu commettes l’imprudence, je dirai l’impiété, que tous les cœurs froids commettent, d’avertir ta mère sur ses devoirs, ce qui serait la tuer. […] « Jenny vous prie de vouloir bien lui donner gain de cause dans votre prochaine lettre, à moins, dit-elle, que vous n’ayez la faculté de changer à votre gré de visage, car elle persiste très-sérieusement à vous croire un peu fée… » — La vérité est que Mme Valmore elle-même, dans sa lettre à moi adressée (précédemment, page 99), s’est dite blonde.
Tout le monde innove aujourd’hui ; c’est un lieu-commun et une vérité banale de remarquer qu’il n’y a plus de langue circonscrite, limitée et strictement régulière, telle qu’il en existait une à la fin du xviiie siècle. […] Tout ce qui tend à élargir, à aiguiser du même coup et à simplifier le goût public, est favorable à cette régénération poétique dans laquelle il s’agit d’introduire, de combiner le plus de naturel et de vérité avec le plus de beauté. […] Quelques critiques insistent avant tout et préférablement sur l’aspect idéal et pur de l’art grec, sur la beauté dont il donne le suprême exemple ; il est permis de ne pas moins insister sur la simplicité inséparable et la vérité qui en sont le fond et l’accompagnement, sur cette naïveté dans le sentiment et dans l’expression, qui se joint si bien à la grâce et qui ajoute aussi au pathétique et à la grandeur.
Il reconnut la vérité du principe qu’il avait déjà suivi précédemment dans ses recherches : de ne considérer les faits isolés que comme une partie de la chaîne des grandes causes et des grands effets généraux qui sont en rapports intimes et découlent les uns des autres, dans les seuls laboratoires de la nature ; il reconnut qu’il faut trouver le fil conducteur dans cette sorte de labyrinthe d’une variété infinie, et que, partant, il ne faut pas regarder avec indifférence le fait isolé et ce qui nous paraît petit, mais plutôt apprendre à voir le grand dans le petit, le tout dans la partie. […] Les vérités géométriques sont des vérités de dernier ordre, des axiomes de fait qui n’ont besoin que de l’œil matériel pour être aperçus, mais que l’œil intellectuel, la raison, ne peut reconnaître.
Mais, s’il s’agit de la résoudre d’une manière relative et au point de vue de la société et de la famille, où la femme occupe une place si distincte de celle que la nature, la société, la famille, assignent à l’homme, la question prend un autre aspect, et nous présenterons à notre tour quelques considérations préliminaires à ceux qui cherchent à cet égard la convenance ou la vérité. […] Chacun aspirait à la vérité en religion, en politique, en littérature, en système ; chacun enflait sa voix pour se persuader à lui-même et pour persuader aux autres qu’il l’avait trouvée. […] Le livre disserte au lieu d’émouvoir, il ne creuse pas assez profondément dans la nature de l’homme pour y découvrir des vérités nouvelles.
La foi ne manquait pas aux Maillard, aux Menot, à ces fougueux va-nu-pieds de cordeliers, qui disaient leurs vérités à tout le monde, durement, impudemment, ne ménageant personne, ni la coquette bourgeoise, ni le prince luxurieux ; mais c’était une étrange éloquence que la leur, tandis qu’ils livraient leurs auditeurs, âme et corps, à Satan, et qu’à la chair joyeuse, éclatante de vie, ils donnaient le frisson de la mort soudainement découverte, le dégoût apeuré de la pourriture inévitable et prochaine. Jovialités facétieuses, et brusques indignations, apostrophes brutales, apologues satiriques, dialogues comiques ou dramatiques, quolibets des halles et pédantisme de l’école, descriptions saisissantes de vérité vécue, et parfois à l’aventure d’étonnantes images de mélancolie profonde, des jets hardis de poésie pittoresque, tout se mêlait, se heurtait dans cette verve puissante dont ils enlevaient les foules, grands et peuple. […] La profondeur de son regret ne doit pas nous tromper sur l’élévation de sa morale : mais ce matérialisme même, dans son plus vif repentir, nous en garantit l’absolue vérité.
Lamennais, attaquant l’individualisme et le principe de l’évidence cartésienne sur lequel il repose, plaçait la vérité dans le consentement universel, accord merveilleux dont une révélation de Dieu peut seule être cause, dont la tradition seule est la manifestation ; et de la tradition, l’Église est dépositaire, le pape interprète et gardien. […] Moins éclatant et moins tapageur fut renseignement de Jouffroy704 disciple de Cousin, et tout le contraire de Cousin : grave, sobre, précis, intérieur, contenant son émotion, détaché du christianisme avec angoisse, et reconquérant douloureusement les grandes vérités chrétiennes par la philosophie, il recherchait, avec une sincérité profonde et une réelle force de pensée, le problème de la destinée humaine, ou posait les principes du droit naturel et de l’esthétique. […] Plus audacieusement, suivant le mouvement qui, dans la seconde moitié du siècle, poussait à introduire les procédés de la science dans tous les ordres de la pensée, ce moine a voulu employer les méthodes de l’exégèse contemporaine à démontrer la vérité de la religion ; il a essayé de refaire, dans un esprit opposé, pour une conclusion contraire, l’œuvre de Renan, une Vie de Jésus.
« Aux ordinaires et mille visions (pour elles-mêmes à négliger) où l’Immortelle se dissémine, le logique et méditant poète les lignes saintes ravisse, desquelles il composera la vision seule digne : le réel et suggestif symbole d’où, palpitants pour le rêve, en son intégrité nue se lèvera l’Idée première et dernière ou vérité. […] Pourtant, dans toute erreur il y a, comme dit Shakespeare, une âme de vérité. […] Un poète selon la plus récente formule est avant tout un être étonné Mais ce monsieur qui est si fier de penser à Platon en flânant sur le trottoir, l’a-t-il lu A la vérité, je ne crois pas Mais le paysage nocturne qu’il nous décrit n’est-il pas difficile à concevoir ?
Ses Odes sont, à la vérité, des odelettes parnassiennes. […] Les sujets étaient si bas et la bassesse en était étalée avec un si sombre parti pris, l’auteur s’excitait dans une vision si méprisante, si inventrice de platitudes et d’ordures, que je me suis demandé jadis si cette vision n’était point un jeu d’art maladif et que j’ai suspecté la vérité des ces minutieuses nausées. […] Paul Deschanel, à force de talent, mais surtout à force de sérieux, d’amour de la vérité, de franchise, de loyauté et de courage, a fini par conquérir l’estime même de ses plus irréductibles adversaires.
Après m’être séparé de vous avec une sensibilité contre laquelle je me croyais aguerri, je vins à me présenter pour surcroît d’attendrissement ce que je venais de quitter, la bonne amitié du Docteur65, la franchise et les agréments de votre société ; puis je me trouvais seul dans des déserts, courant peut-être après une ombre, laissant, à la vérité, un état médiocre, mais qui pouvait prendre un jour de la consistance. […] Ce ne sont que des princesses, des starostines, des palatines, charmantes à la vérité ; mais il n’y a pas là un cœur qu’on puisse approcher du sien. […] Déjà je voudrais être arrivé ; car, pour vous dire la vérité, je déteste la mer.
Dans un temps où la littérature indiscrète a raconté au public les mœurs de la vie de bohème, les aventures de la baronne d’Ange et celles de Marguerite Gautier, il est venu après les amusants conteurs dire à son tour l’idylle à travers champs, l’églogue à côté d’une bête morte, le boudoir de la courtisane assassinée, et personne ne viendra plus après lui Il a écrit la vérité dernière. […] Révoltant comme la vérité, qui l’est souvent, hélas ! […] Cette vérité, que j’essaye de prouver par le raisonnement, est démontrée d’ailleurs par l’exemple et par la transformation progressive de la poésie moderne.
Le calcul est écrit au tableau, la solution est imprimée dans un livre ou exposée de vive voix ; mais les chiffres que nous voyons ne sont que des poteaux indicateurs auxquels nous nous reportons pour nous assurer que nous ne faisons pas fausse route ; les phrases que nous lisons ou entendons n’ont un sens complet pour nous que lorsque nous sommes capables de les retrouver par nous-mêmes, de les créer à nouveau, pour ainsi dire, en tirant de notre propre fonds l’expression de la vérité mathématique qu’elles enseignent. […] La vérité est que la vision et l’audition brutes se bornent, en pareil cas, à nous fournir des points de repère ou mieux à nous tracer un cadre, que nous remplissons avec nos souvenirs. […] La vérité est que c’est le souvenir qui nous fait voir et entendre, et que la perception serait incapable, par elle-même, d’évoquer le souvenir qui lui ressemble, puisqu’il faudrait, pour cela, qu’elle eût déjà pris forme et fût suffisamment complète ; or elle ne devient perception complète et n’acquiert une forme distincte que par le souvenir lui-même, lequel s’insinue en elle et lui fournit la plus grande partie de sa matière.
Henri IV, à ce mot, l’arrête et lui dit une vérité : Ce n’est pas là où il vous tient, car je sais que vous ne manquez pas de bonne opinion de vous-même, pour aspirer encore plus haut. […] Pourtant, nul ouvrage, plus que celui qui porte son nom, n’aide à connaître Henri IV dans la vérité héroïque ou naturelle, et dans l’intime familiarité : et à lui-même Sully, au milieu de tout ce qu’il y a de trop, on n’a qu’à tailler dans cette masse un peu informe pour lui élever une statue.
La Catherine de Médicis, telle qu’elle se présente et se développe chez Mézeray en toute vérité, est faite pour tenter un moderne : comme il n’y a guère de nouveau que ce qui a vieilli, et qu’on ne découvre bien souvent que ce qui a été su et oublié, le jour où un historien moderne reprendra la Catherine de Médicis de Mézeray en lui imprimant quelques-uns de ces traits un peu forcés qu’on aime aujourd’hui, il y aura un grand cri d’étonnement et d’admiration, et les critiques du moment auront à enregistrer une découverte de plus. […] À ces causes, considérant que les sciences et les arts n’illustrent pas moins un grand État que font les armes, et que la nation française excelle autant en esprit comme en courage et en valeur ; d’ailleurs désirant favoriser le suppliant et lui donner le moyen de soutenir les grandes dépenses qu’il est obligé de faire incessamment dans l’exécution d’un si louable dessein, tant pour paiement de plusieurs personnes qu’il est obligé d’y employer que pour l’entretien des correspondances avec toutes les personnes de savoir et de mérite en divers et lointains pays ; nous lui avons permis de recueillir et amasser de foules parts et endroits qu’il advisera bon être les nouvelles lumières, connaissances et inventions qui paraîtront dans la physique, les mathématiques, l’astronomie, la médecine, anatomie et chirurgie, pharmacie et chimie ; dans la peinture, l’architecture, la navigation, l’agriculture, la texture, la teinture, la fabrique de toutes choses nécessaires à la vie et à l’usage des hommes, et généralement dans toutes les sciences et dans tous les arts, tant libéraux que mécaniques ; comme aussi de rechercher, indiquer et donner toutes les nouvelles pièces, monuments, titres, actes, sceaux, médailles qu’il pourra découvrir servant à l’illustration de l’histoire, à l’avancement des sciences et à la connaissance de la vérité ; toutes lesquelles choses, sous le titre susdit, nous lui permettons d’imprimer, faire imprimer, vendre et débiter soit toutes les semaines, soit de quinze en quinze jours, soit tous les mois ou tous les ans, et de ce qui aura été imprimé par parcelles d’en faire des recueils, si bon lui semble, et les donner au public ; comme aussi lui permettons de recueillir de la même sorte les titres de tous les livres et écrits qui s’imprimeront dans toutes les parties de l’Europe, sans que, néanmoins, il ait la liberté de faire aucun jugement ni réflexion sur ce qui sera de la morale, de la religion ou de la politique, et qui concernera en quelque sorte que ce puisse être les intérêts de notre État ou des autres princes chrétiens.
. — Appliquez-vous toujours. » Ce sont les formes ordinaires de ce démonstrateur chrétien qui, de ces trois choses proposées à l’orateur ancien, instruire, plaire, émouvoir, ne songe qu’à la première, méprise la seconde, et est bien sûr d’arriver à la troisième par la force même de l’enseignement et la nature pénétrante de la vérité. […] Il s’occupait des choses et non des mots ; il n’avait pas la splendeur naturelle de l’élocution, et il ne la cherchait pas : il s’en tenait à ce style d’honnête homme qui ne veut que donner à la vérité un corps sans lui imposer de couronne.
Pendant que l’Église voit avec édification dans ces sages règlements la vérité de la doctrine, la pureté de la morale, l’intégrité de la discipline, l’autorité de la hiérarchie, établies, soutenues et conservées dans le diocèse de Noyon depuis l’heureux temps de votre épiscopat, nous y voyons encore ces divisions exactes, ces justes allusions, ces allégories soutenues, et surtout une méthode qu’on ne voit point ailleurs, et sans laquelle on suivrait difficilement des idées aussi magnifiques que les vôtres ! […] La charité chrétienne ne me permet pas d’en faire à Votre Majesté une censure affirmative, mais la vérité chrétienne m’oblige de dire, sinon ce qu’il est, au moins ce qu’il n’est pas.
L’humeur se joignant à la vérité, sa mémoire fut ternie, et sa réputation mise à sa véritable place. […] La vérité de couleur et de ton y est toute crue et sans mélange.
Vauvenargues se trompe sur un point, et il borne trop son regard à l’influence présente : de grandes pensées, de belles vérités écrites et fixées avec éclat, ne sont-elles pas aussi des actions, moins promptes il est vrai, mais permanentes et éternelles ? […] La pompe et les prospérités d’une fortune éclatante n’ont jamais élevé personne aux yeux de la vertu et de la vérité ; l’âme est grande par ses pensées et par ses propres sentiments, le reste lui est étranger ; cela seul est en son pouvoir.
L’attitude de Mme de Choiseul était d’accord avec la vérité : elle resta bien sincèrement, bien tendrement éprise de l’homme dont elle était glorieuse, dont elle disait que ce n’était pas seulement le meilleur des hommes, que « c’était le plus grand que le siècle eût produit », et de qui elle écrivait un jour avec une ingénuité charmante : « Il me semble qu’il commence à n’être plus honteux de moi, et c’est déjà un grand point de ne plus blesser l’amour-propre des gens dont on veut être aimé. » Elle eut fort à s’applaudir de l’exil de Chanteloup et fut seule peut-être à en savourer pleinement les brillantes douceurs ; elle y voyait surtout le moyen de garder plus près d’elle l’objet de son culte, et, sinon de le reconquérir tout entier, du moins de le posséder, de le tenir sous sa main, de ne le plus perdre de vue un seul jour. […] Fiez-vous à lui, mes très chers frères ; il vous guidera mieux, quand il s’agira de sentiment, que les grands raisonnements des philosophes, que la trompeuse expérience du monde, et que les sophismes dangereux de votre raison. » Ce bon frère continua, et je m’en allai parce qu’il commençait à m’ennuyer, et que mon instinct ne peut supporter l’ennui ; cependant j’ai entrevu dans son discours quelques vérités applicables à la petite fille… Ainsi traitait-on cette vieille enfant malade et qui avait tant abusé et mésusé dans sa jeunesse de la faculté d’aimer, qu’elle n’en avait plus la force ni la foi dans ses derniers jours : c’était du moins quelque chose, et mieux que rien, d’en avoir gardé, à ce point, l’inquiétude et le tourment.
L’esprit humain, dans son tour en rond ou en spirale, est si sujet à rencontrer les mêmes courants d’influences malignes, que cette Vie du plus grand faiseur de miracles qu’ait produit le monde païen peut presque paraître encore aujourd’hui un livre de circonstance : L’homme est de glace aux vérités, Il est de feu pour les mensonges. […] Heureux le roman, fût-il inégal, où il y a de la vérité et qu’a visité la grâce !
De ces portraits trois ou quatre seulement le représentent au vif (ad vivum), en toute beauté et vérité. […] Il est curieux, en le lisant, de voir à quel point la pensée de s’enquérir du fond, l’idée de critique et d’examen est loin de son esprit ; il ne se pose pas un seul instant cette question philosophique et morale de la vérité, de la certitude, la question de Pascal ; Louis Legendre est un rhétoricien ecclésiastique ; il veut faire son chemin par son talent, et il le fera : « Quand je vins à Paris, dit-il, j’avais beaucoup de pièces faites, néanmoins j’étais résolu non seulement d’y retoucher, mais de les refaire entièrement quand j’aurais entendu ceux des prédicateurs qui avaient le plus de réputation.
Une pensée, et non pas une pensée affichée, mais une pensée infuse et sous-entendue, se mêle à ces dessins qui déjà se suffiraient à eux seuls par leur caractère de vérité. […] »Tous portraits d’une expressive et surprenante vérité.
» Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité. […] Théophile Gautier, comme romancier, a jugé bon plus d’une fois de profiter de son talent de voyageur et de rendre avec une entière vérité plastique différents pays et différentes époques de sa connaissance ou de son rêve.
La porte d’ivoire par laquelle, selon le poète, s’échappent les songes faux, est toujours plus agréable que la porte de corne qui seule donne passage à la vérité. […] Jamais discours académique ne remplit mieux toutes les conditions, s’il est vrai que la première de ces conditions, indépendamment de l’élégance, soit l’embellissement continuel, le travestissement flatteur de la vérité.
La morale a changé de nom ; elle s’appelle maintenant statistique : c’est de la comparaison seule des faits que la vérité doit désormais jaillir… » Tel est ce petit livre où l’on ne saurait méconnaître le talent et dans lequel, à défaut d’éclat et d’originalité de forme ou de style, il y a exaltation, chaleur, et même de l’éloquence. […] Doué d’un coup d’œil économique précis, il comprit surtout cette vérité moderne, et qui régira de plus en plus tous les ordres d’activité, à savoir que c’est à tous désormais qu’il faut s’adresser pour réussir, et qu’il n’y a rien de tel pour fonder quelque chose et pour être quelqu’un que d’avoir notoriété et crédit chez chacun, chez tout le monde.
Puis elle écrit le jour même à sa mère (10 mai 1774) et se montre à elle dans la vérité de son trouble et de sa sollicitude : « Mon Dieu, qu’allons-nous devenir ? […] La vérité est que Marie-Antoinette lisait peu, qu’elle devait en avoir très peu le temps, et que dans ses courts intervalles de loisir, si elle en avait, elle n’allait pas apparemment ouvrir des livres qui l’auraient ennuyée.
Personne ne peut connaître et apprécier comme moi l’honnêteté de son âme, le charme et la vérité unique de son caractère. » Si l’on n’avait pour tout document que cette correspondance, on croirait sérieusement à une retraite prochaine de l’abbé. […] Mais que la vérité est donc chose délicate à connaître, et comme il nuit ensuite de la trop bien savoir à qui voudrait créer et imaginer !
N’isolent-ils point comme à plaisir ce qui est extrême et pénible dans l’impression causée, ce qui est exclusivement vrai d’une vérité triste, nue, affreuse ? […] Ce qui n’empêche pas le charmant motif dont on vient de voir l’esquisse d’être d’une parfaite vérité pour les cœurs atteints et mordus de la chimère.