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36. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Et d’abord, si j’ouvre Un été dans le Sahara, Une année dans le Sahel, je reconnais en Fromentin une qualité éminente, nécessaire désormais à tout romancier, moderne au moins dans le degré où nous l’avons poussée, qualité à la fois physique et mentale, à moitié naturelle et à moitié acquise, et que, faute d’autre nom, j’appellerai l’œil. […] Une source de jouissances nouvelles s’ouvre pour une plus large humanité. […] Ouvrons donc Un été dans le Sahara, et Une année dans le Sahel. […] C’est l’énumération des détails, qui procède évidemment d’un effort de l’esprit ; ou bien c’est le rêve qui s’étend et qui ouvre son aile. […] Aujourd’hui, le monde plus large ouvert des esprits cultivés le sent et vous remercie.

37. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Après avoir suivi une longue rue presque déserte sur laquelle s’ouvraient seulement les hautes fenêtres grillées de fer d’un hôpital des pauvres, je passai sous des voûtes de haillons séchant au soleil, que des blanchisseuses suspendent à des cordes tendues d’un côté de la rue à l’autre, et qui flottent au vent comme des voiles déchirées pendent aux vergues après la tempête. […] Un frère, vêtu de bure brune, une corde pour ceinture, un capuchon de laine relevé sur le visage, quelques rares cheveux blancs ramenés en couronne sur ses tempes, ouvrit la porte et me demanda en italien si je désirais visiter le tombeau du Tasse. « Le tombeau du Tasse ?  […] » car j’avais lu les belles pages de Chateaubriand sur le couvent et l’oranger de Saint-Onufrio. « Oui », me dit négligemment le frère, et il m’ouvrit sans autre entretien la porte extérieure de la chapelle, et, me montrant du geste une tablette de marbre incrustée dans le pavé de l’église, j’y tombai à genoux, et j’y lus l’inscription célèbre par sa simplicité, que le marquis Manso, l’ami du poète, obtint la permission de faire graver sur la pierre nue qui couvrait le cercueil de son ami. […] Une fenêtre ouvre à côté de la porte sur la même cour d’hospice et éclaire la loge. […] Sachons le prix du don, mais ouvrons notre main.

38. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

La rue s’ouvrait sous les voûtes du chemin de fer de Vincennes ; maussade maçonnerie de briques, dont l’ombre sinistre se déroule interminablement sur toute la région ; L’hôtel moisissait au fond d’une cour humide où les trains dégorgeaient » au passage, un ouragan de suie, d’escarbilles et de fumées. […] Le titre d’employé de ministère m’installa d’emblée dans les bonnes grâces de Mme Verlaine mère et, pour cérémonie d’investiture, cette brave femme me demanda, incontinent, de fermer les yeux et d’ouvrir la bouche où elle glissa malicieusement une poignée de sucre candi. […] Sa ténacité laborieuse et son intrépide désintéressement méritent tout au moins le respect… Nous n’étions pas encore remis de la secousse nerveuse, de l’ébranlement que donnent les beaux vers, lorsque la porte s’ouvrit timidement, laissant se profiler dans la pénombre une figure fiévreuse et inquiète. […] Ses récits nous initiaient aux splendeurs de la grande vie, nous ouvraient les endroits à la mode, les coulisses de l’Opéra, la loge de Mme Caron « aux gestes de reine », le foyer de la danse, le pavillon d’Armenonville ; évoquaient l’orgie parisienne : premières sensationnelles, vernissages, courses, dîners, bals, cotillons.

39. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Sur les Jeune France. (Se rapporte à l’article Théophile Gautier, page 280.) »

Auguste Le Prévost, alors son ami intime, et qui le blâmait de tant de susceptibilité, me faisait confidence de cette zizanie en des termes qui ouvrent un jour sur l’intérieur romantique de ce temps-là : « J’ai joué de malheur avec notre ami Ulric. […] Ce n’est pas ainsi, ce me semble, qu’il faut juger des hommes tels que Hugo ; ce n’est pas avec cette obstination qu’il faut refuser de franchir leur porte, quand ils veulent bien nous l’ouvrir.

40. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Priscus, prince du Sénat, l’invite à se rendre ; Xéniclès, préfet des légions, lui annonce que l’armée refuse de sortir ; Chrysès, le grand-prêtre, vient proclamer que les Dieux ordonnent d’ouvrir aux Barbares : Hérakléa renie les Dieux, qui conseillent la lâcheté, et l’empereur, après un moment de défaillance, repousse ceux qui veulent la reddition. Le peuple alors se rebelle, et Théodore lui-même, pour l’apaiser, le mène ouvrir aux Barbares les portes de Chrysopolis.

41. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

John Bell ouvre la porte de sa femme avec force. […] Ouvrir son cœur pour le mettre en étalage sur un comptoir ! […] Il la baise au front et remonte l’escalier en chancelant ; il ouvre sa porte et tombe dans sa chambre. […] Elle ouvre la fiole. […] Kitty Bell monte à demi évanouie en s’accrochant à la rampe de chaque marche ; elle fait effort pour tirer à elle la porte, qui résiste et s’ouvre enfin.

42. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Il dirait volontiers comme le Tasse dans ce sonnet à Mme Lucrèce, duchesse d’Urbin : « Negli anni acerbi tuoi, etc. » En vos années d’âpre verdeur, vous ressembliez à la rose purpurine qui n’ouvre son sein ni aux tièdes rayons ni au Zéphyre, mais qui dans sa robe verte se cache vierge encore et toute honteuse ; Ou plutôt vous paraissez (car aucune chose mortelle ne peut se comparer à vous) comme une céleste Aurore qui emperle les campagnes et dore les monts, brillante dans un ciel serein, et tout humide de rosée : Aujourd’hui la saison moins verte ne vous a rien ôté ; et, fussiez-vous même en négligé, la beauté de première jeunesse, tout ornée d’atours, ne saurait vous vaincre ou vous égaler. […] que la rose s’ouvre, étalant ses couleurs ! […] c’est le ciel qui console ; Aux lambris étoilés quand une âme s’envole,         Un dieu la pèse de ses mainsp : Et, s’il la trouve pure, il ouvre devant elle Des jardins lumineux, des plaines d’asphodèle,         Que n’ont point foulés les humains !

43. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Le domestique nous fit entrer dans la bibliothèque, où le premier objet qui s’offrit à notre curiosité fut un livre ouvert sur une table à laquelle il s’était probablement assis le soir précédent : la lampe éteinte était encore à côté. Impatients de connaître les lectures de nuit de ce grand philosophe, nous allâmes aussitôt au livre : c’était le volume des Œuvres d’Ovide contenant les Élégies, et ouvert à l’une des plus galantes pages de ce maître de l’amour.

44. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

C’est chez André Chénier que se manifeste avec le plus de force et d’éclat la conscience des destinées nouvelles qui s’ouvrent pour la poésie. […] Chaque loi trouvée n’est pour lui que l’occasion d’une nouvelle recherche à faire ; il n’a jamais accompli son œuvre, il ne peut même en jouir longtemps : à chaque pas qu’il fait dans l’inconnu, un nouvel horizon s’ouvre plus vaste et plus lointain. […] Aujourd’hui le monde des infiniment grands et des infiniment petits est également ouvert à la pensée : le double infini pressenti par Pascal est scientifiquement découvert, exploré, partiellement conquis. […] Mais bien des ressources lui manquaient pour remplir cette noble carrière qu’il voyait s’ouvrir devant lui : la science était trop jeune encore ; les esprits n’étaient pas assez familiarisés avec ses méthodes ; la langue surtout faisait défaut. […] Il y aurait eu là de larges horizons à nous ouvrir, de ce côté de l’humanité passée qui prête tant à l’imagination, et certes de pareils sujets étaient dignes de tenter un poète tel que M. 

45. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Dans les cabanes émerveillées de la plus haute montagne, les jeunes garçons et les jeunes filles ouvraient les volets de leur chambre, se penchaient en dehors, oubliaient de dormir, et croyaient que toute la vallée s’était transformée en un orgue d’église, où les anges jouaient des airs du paradis pendant le sommeil des vivants. […] XVII Longue fut la journée par les heures, brève par les entretiens à cœur ouvert qui nous l’abrégèrent. […] Entre les fleurs, Psyché, dormant au bord de l’eau, S’anime, ouvre les yeux à ce monde nouveau ; Et, baigné des vapeurs d’un sommeil qui s’achève, Son regard luit pourtant comme après un doux rêve. […] Aussi, après quelques fortes pages contre la bassesse et l’hypocrisie de certains portraits auxquels le peintre ne met du moins pas les noms, voyez avec quelle hâte et avec quel charme le poète, vite fatigué de mépriser et de haïr, nous ouvre son foyer de vertu et d’amour. […] Eh bien, fiers de notre défaite, Suivons-les au désert sans détourner la tête ; Dans le camp des vainqueurs, surpris de nos dédains, Les Muses n’entrent pas...Qu’il s’ouvre aux baladins ; Une vengeance est prête, elle peut nous suffire.

46. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Un jeune homme ouvre le guichet, me demande le nom, l’âge… couvre d’écritures, pendant un quart d’heure, une dizaine de feuilles de papier, qui ont en tête une image religieuse. […] La porte s’ouvre. […] Une habitude, une affection de vingt-cinq ans, une fille qui savait notre vie, ouvrait nos lettres en notre absence, à qui nous racontions nos affaires. […] On dirait que dans ce phalanstère d’agonie, tout est si bien administré, réglé, ordonnancé, que la Mort y ouvre comme un bureau. […] On ouvre et je me trouve dans un parloir, où, entre deux fenêtres, une Vierge est posée sur une sorte d’autel.

47. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

De crainte que le passage subit de l’air doux et tempéré de la vie religieuse et solitaire à la zone torride du monde n’éprouvât trop mon âme, elle m’a amené, au sortir du saint asile, dans une maison élevée sur les confins des deux régions, où, sans être de la solitude, on n’appartient pas encore au monde ; une maison dont les croisées s’ouvrent d’un côté sur la plaine où s’agite le tumulte des hommes, et de l’autre sur le désert où chantent les serviteurs de Dieu ; d’un côté sur l’océan, et de l’autre sur les bois ; et cette figure est une réalité, car elle est bâtie sur le bord de la mer. […] De la hauteur nous descendîmes dans une gorge qui ouvre une retraite marine (comme savaient en décrire les anciens) à quelques flots de la mer qui viennent s’y reposer, tandis que leurs frères insensés battent les écueils et luttent entre eux. Des masses énormes de granit gris, bariolées de mousses blanches, sont répandues en désordre sur le penchant de la colline qui a ouvert cette anse en se creusant. […] Féli pour ce même labeur ; — les heures d’étude et d’épanchement poétique, qui nous mènent jusqu’au souper ; ce repas qui nous rappelle avec la même douce voix et se passe dans les mêmes joies que le dîner, seulement un peu moins éclatantes parce que le soir voile tout, tempère tout ; — la soirée qui s’ouvre par l’éclat d’un feu joyeux, et de lectures en lectures, de causeries en causeries, va expirer dans le sommeil ; — et à tous les charmes d’une telle journée ajoutez je ne sais quel rayonnement angélique, je ne sais quel prestige de paix, de fraîcheur et d’innocence qu’y répandent la tête blonde, les yeux bleus, la voix argentine, les petits pieds, les petits pas, les rires, les petites moues pleines d’intelligence d’une enfant qui, j’en suis sûr, fait envie à plus d’un ange ; qui vous enchante, vous séduit, vous fait raffoler avec un léger mouvement de ses lèvres, tant il y a de puissance dans la faiblesse ? […] Une première phase s’ouvrait pour son talent.

48. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance. […] Grandis, plane, ouvre tes ailes, va ! […] Théodore de Banville Si Gautier a été longtemps méconnu comme poète, c’est qu’en cette qualité il dut soutenir la lutte contre un trop redoutable rival, contre le Théophile Gautier prosateur, qui, vêtu des plus belles étoffes de l’Orient, savait construire les palais, susciter les plus enivrantes féeries, évoquer mille gracieuses figures de femmes, et qui, pareil à la jeune fille du conte, ne pouvait ouvrir ses lèvres sans en laisser tomber des saphirs, des rubis, des topazes, et les lumineuses transparences de mille diamants. […] Eugène Lintilhac Après la Comédie de la Mort, véritable adieu au romantisme, il ouvre une voie nouvelle à l’art des vers.

49. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Mais adieu ; trois de mes amis m’attendent ; nous devons discuter aujourd’hui la manière dont l’intelligence passe du moi au non-moi, et du subjectif à l’objectif. » Le pauvre disciple de Laromiguière, un peu confus et inquiet, monta à la bibliothèque de la Sorbonne, et pour se rassurer ouvrit le premier volume de son professeur. « Serait-il bien possible, disait-il, que la doctrine de mon cher maître renfermât de si étranges conséquences ?  […] La psychologie est un livre qu’au dix-septième siècle on a présenté par devant, au dix-huitième siècle par derrière, au dix-neuvième siècle encore par devant, mais que peu de personnes jusqu’ici ont songé à ouvrir. […] Ainsi, dans notre siècle, les méthodes de construction et les hypothèses des métaphysiciens d’Allemagne ont précipité toutes les sciences particulières dans des voies nouvelles et leur ont ouvert des horizons inconnus. […] Au lieu d’ouvrir la psychologie par la définition des facultés, ils nous mettent dans les circonstances où la notion des facultés doit se développer dans notre esprit.

50. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Qu’on ne m’objecte pas, à l’encontre de cette indifférence, l’exemple d’Edmond Rostand, Son admirable Cyrano n’ouvrait pas plus une renaissance poétique qu’il ne prouvait un retour du public à la Poésie. […] Il y a aussi les réunions de vélodrome, les courses de bicyclettes, celle de Bordeaux-Paris, la course internationale d’automobiles Paris-Lyon, etc… Où, dans ce tohu-bohu, trouver le temps d’ouvrir les livres ? […] Une discussion s’ouvre dans la presse sur la date à fixer.

51. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Les hauts lieux m’ont ouvert leur magique arsenal ! […] Ou le voit bien à ce conseil : Reçois-le, sans l’ouvrir, ce livre d’un songeur, Et garde bien tes fils de notre esprit — rongeur ! […] Nous l’avons ouvert, nous, et nous l’avons fermé, ce livre.

52. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XII. Suite des machines poétiques. — Voyages des dieux homériques. Satan allant à la découverte de la création. »

Les portes de l’enfer s’ouvrent… vomissant, comme la bouche d’une fournaise, des flocons de fumée et des flammes rouges. […] Enfin, il aperçoit au loin une haute structure, dont les marches magnifiques s’élèvent jusqu’aux remparts du ciel… Perpendiculairement au pied des degrés mystiques, s’ouvre un passage vers la terre… Satan s’élance sur la dernière marche, et plongeant tout à coup ses regards dans les profondeurs au-dessous de lui, il découvre, avec un immense étonnement, tout l’univers à la fois.

53. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Avertissement de l’auteur »

Avertissement de l’auteur Ce cours, résultat général de tous mes travaux depuis ma sortie de l’École polytechnique en 1816, fut ouvert pour la première fois en avril 1826. […] Après m’être assuré par de tels suffrages que ce cours pouvait utilement recevoir une plus grande publicité, j’ai cru devoir, à cette intention, l’exposer cet hiver à l’Athénée royal de Paris, où il vient d’être ouvert le 9 décembre.

54. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Nous pourrions même le rapprocher encore, car Homère parle de l’Égypte, et l’on dit que Psammétique, dont le règne est postérieur à celui de Numa, fut le premier roi d’Égypte qui ouvrit cette contrée aux Grecs ; mais une foule de passages de l’Odyssée montrent que la Grèce était depuis longtemps ouverte aux marchands phéniciens, dont les Grecs aimaient déjà les récits non moins que les marchandises, à peu près comme l’Europe accueille maintenant tout ce qui vient des Indes. […] Lorsqu’Achille reçoit Priam à sa table, il ouvre l’agneau, et ensuite Patrocle le rôtit, prépare la table, et sert le pain dans des corbeilles ; les héros ne célébraient point de banquets qui ne fussent des sacrifices, où ils étaient eux-mêmes les prêtres.

55. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Fritz, après avoir ouvert les persiennes, poussa la table à roulettes au milieu de la salle, puis il ouvrit deux armoires, de ces hautes armoires à doubles battants pratiquées dans les boiseries, et descendant du plafond jusque sur le parquet. […] Quand la porte s’ouvrira, je verrai tout d’avance, je saurai ce qu’on va servir, je pourrai faire signe à Katel d’approcher ou d’attendre : c’est très-bien. […] Mais tu ris, tu ouvres ta grande bouche : « Ah ! […] Trois fenêtres à vitres octogones s’ouvraient sur la vallée ; une autre petite, derrière, prenait jour sur la côte. […] Dans la cuisine, les casseroles tintaient, le feu pétillait, les portes s’ouvraient et se refermaient.

56. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Un petit monsieur, fait comme tout le monde, nous ouvre, dit en souriant : « Messieurs de Goncourt !  […] Cette ombre assise, à l’air ensommeillé, est Mme Sand, et l’homme qui nous a ouvert est le graveur Manceau. […] La porte s’ouvre. […] On dirait que dans ce phalanstère d’agonie, tout est si bien administré, réglé, ordonnancé, que la Mort y ouvre comme un bureau. […] On ouvre, et je me trouve dans un parloir, où, entre deux fenêtres, une Vierge est posée sur une sorte d’autel.

57. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

M. de Beauverger nous fait l’effet d’un esprit ouvert, — trop ouvert pour le moment, — mais sensé et qui se refermera naturellement à bien des idées qu’il accepte. […] On ouvrait, on tendait beaucoup sa main dans la jeunesse ; on la ferme et on la retire en vieillissant.

58. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Nous avons montré qu’elle peut s’élargir dans la société qui s’ouvre, mais qu’elle avait été faite pour une société close. […] Mais après chacune aussi se referme le cercle momentanément ouvert. […] La nature, qui a voulu de petites sociétés, a pourtant ouvert la porte à leur agrandissement. […] Montrons seulement comment s’appliqueraient nos deux lois dans le cas qui nous l’a fait ouvrir. […] Mais cette frénésie même ne devrait-elle pas nous ouvrir les yeux ?

59. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Ce commentaire, à la fois musical et littéraire de Scudo, est une des clefs d’or qui ouvrent le mieux le sanctuaire du génie de la musique dans l’âme du plus éthéré des musiciens. […] « Leporello ayant ouvert une fenêtre pour laisser pénétrer dans la salle du festin la fraîcheur du soir, on entend les violons du petit orchestre qui est derrière les coulisses dégager les premiers accords d’un menuet adorable. […] je m’efforçai de déguiser le son de ma voix, et je ne dis que : Ouvrez ! […] Mais vous, vous me comprenez, car je sais que l’empire de l’imagination et du merveilleux où se trouvent les sensations célestes vous est ouvert aussi. […] Ouvre-toi, royaume éloigné et inconnu, patrie des âmes !

60. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Les cuisines ouvraient, par un perron élevé de quelques marches, sur ce vaste cloaque ; quelques sureaux et quelques houx, dont la forte racine ne craint pas le sol des bergeries, croissaient dans les angles des murs. […] Le premier de ces repos ouvrait sur trois chambres, au-dessus du salon, qu’habitaient mademoiselle Eugénie de Guérin et sa petite sœur. […] Je n’ai guère ouvert d’autre livre aujourd’hui ; le temps s’est passé à tout autres choses qu’à la lecture, de ces choses qui ne sont rien, qui n’ont pas de nom et qui pourtant vous prennent tous les moments. […] Aujourd’hui que voilà le soleil, je reprends vie et m’épanouis comme la pimprenelle, cette jolie petite fleur qui ne s’ouvre qu’au soleil. […] « Je pense à la tombe qui s’ouvre ce matin à Gaillac pour engloutir ces restes humains jusqu’à ce que Dieu les ravive.

61. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Murmura l’étranger, vois cette créature ; Sous les cieux les plus doux qui la pouvaient nourrir, Cette fleur avait mis dix-huit ans à s’ouvrir. […] Et toi, morne tombeau, tu m’ouvres ta mâchoire. […] si j’avais des ailes, Par ce beau ciel si pur je voudrais les ouvrir ! […] Le coup dont tu te plains t’a préservé peut-être, Enfant ; car c’est par là que ton cœur s’est ouvert. […] Ce n’est que depuis sa mort prématurée, ce n’est qu’en ce moment où j’écris, que j’ai ouvert ses volumes fermés pour moi et que j’ai lu enfin ses poésies.

62. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Tous les matins, après avoir ouï la messe de sept heures et communié, il se réfugiait à l’extrémité de son parc ombragé, dans un pavillon ouvert sur l’Océan. […] Elle a ouvert le gouffre illimité des mondes. […] Pâle, la lèvre sensuelle ombragée d’une fine soie dorée, il ouvrait sur la vie un regard étonné que la lymphe humectait et voilait de mélancolie. […] Le jeudi soir, Guaita rompt sa solitude et ouvre la porte à ses amis.

63. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler Les anciens non contens d’avoir réduit la musique hypocritique ou l’art du geste en méthode, l’avoient tellement perfectionné, qu’il se trouva des comédiens qui oserent entreprendre de joüer toutes sortes de pieces de théatre sans ouvrir la bouche. […] Tous les membres du corps d’un pantomime sont autant de langues, à l’aide desquelles il parle sans ouvrir la bouche. […] Des hommes qui parloient en gardant le silence, et qui sçavoient faire un récit entier sans ouvrir la bouche. […] Quoique Roger n’ouvrit point la bouche, on comprenoit sans peine tout ce qu’il vouloit dire.

64. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

Quelle porte n’ouvre-t-on pas aux railleries des profanes, lorsqu’on ose se faire des martyrs de cette nature, et qu’on expose nos mystères à des idées d’une imagination aussi dépravée ! […] Peu de temps après, il se sent envie de manger du pâté de venaison ; il le fait faire : on le lui apporte, il l’ouvre avec empressement ; aussitôt, il en sort un gros crapaud qui lui saute au visage et s’y attache.

65. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Chez l’animal, l’œsophage avait d’abord été ouvert à la partie inférieure du cou par une incision longitudinale. […] Je fais ouvrir la bouche à la personne chez laquelle je veux recueillir la salive. […] Chez l’homme, l’un de ces conduits vient s’ouvrir avec le canal cholédoque ; l’autre, beaucoup plus petit, s’ouvre plus ou moins loin au-dessus de l’ouverture du premier. […] Seulement, c’est le petit conduit qui vient s’ouvrir avec le conduit biliaire, et le gros conduit s’ouvre isolément plus haut, en g. […] Le conduit principal s’ouvre à 30 ou 40 centimètres au-dessous du canal cholédoque.

66. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Fuyez confondus avec la rapidité de la paupière qui s’ouvre et qui se ferme sur l’œil !  […] ouvrez-vous, portes de l’éternité ! […] portes de l’éternité, ouvrez-vous, que le Roi de gloire entre ! […] Quant à moi, lorsque mon âme, ou enthousiaste, ou pieuse, ou triste, a besoin de chercher un écho à ses enthousiasmes, à ses piétés ou à ses mélancolies dans un poète, je n’ouvre ni Pindare, ni Horace, ni Hafiz, poètes purement académiques ; je ne cherche pas même sur mes propres lèvres des balbutiements plus ou moins expressifs pour mes émotions ; j’ouvre les psaumes et j’y prends les paroles qui semblent sourdre du fond de l’âme des siècles et qui pénètrent jusqu’au fond de l’âme des générations. […] Devant lui des jardins fertiles, descendant en pentes mourantes, le pouvaient conduire jusqu’au fond du lit du torrent dont il aimait l’écume et la voix. — Plus bas, la vallée s’ouvre et s’étend ; les figuiers, les grenadiers, les oliviers l’ombragent.

67. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Quand l’enfant, sans soupçon, fut assis par terre, occupé à tresser sa première natte, j’ouvris la seconde porte donnant sur la cour du cloître, une corbeille de criblure de froment à la main pour les ramiers, et je me dirigeai vers le puits, pour tirer l’eau dans les auges et pour en remplir les cruches des prisonniers. […] Mes yeux se voilaient, mes tempes battaient, des gouttes de sueur froide suintaient de mon front ; quand je fus à une enjambée ou deux de la lucarne ferrée, au fond de laquelle j’allais apercevoir celui qu’ils appelaient le meurtrier, mes jambes refusèrent tout à fait de faire un dernier pas, mes mains froides s’ouvrirent d’elles-mêmes, le trousseau de clefs d’un côté, la cruche pleine d’eau de l’autre, tombèrent à la fois sur les dalles, et je tombai moi-même contre la muraille, entre le trousseau sonore et la cruche d’eau cassée. […] … Aucun bruit ne sortit de la loge du meurtrier, je compris à ce silence que mon intention avait été saisie par Hyeronimo, et que je pouvais, sans danger, laisser la zampogne, reprendre ma cruche et ouvrir le cachot. […] Je mis un doigt sur mes lèvres pour lui dire, sans parler, de se taire, et, déposant ma cruche de l’autre main, j’ouvris, comme on me l’avait montré le matin, la première grille, et j’entrai tout entière dans la première moitié du cachot où je n’étais séparée d’Hyeronimo que par la seconde grille. […] » l’emportaient sur tout, prison, grilles, chaînes, échafaud même ; la zampogne semblait plutôt délirer que jouer sous mes doigts, et les notes qui s’échappaient criaient de joie, insensées, comme les eaux de la grotte, amassées dans le bassin et longtemps retenues, quand nous ouvrons les rigoles, s’élancent en cascades en se précipitant en écume et en bondissant au lieu de couler, et je me disais : « Il m’entend, et ce délire est un langage à son oreille qui lui apprend ce que ma bouche n’a pas achevé de lui confesser. » Les prisonniers se pressaient aux lucarnes et croyaient peut-être que j’étais tombée en folie.

68. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Ils n’en furent que plus ardents à le presser de leur ouvrir son cœur ; ils y mirent tant de discrétion, de douceur et d’autorité, qu’il fut enfin obligé de les satisfaire. […] chaque heure dans la société ouvre un tombeau, et fait couler des larmes. […] Il y avait si longtemps que je n’avais trouvé quelqu’un qui m’entendit, et devant qui je pusse ouvrir mon âme ! […] Un gardien inconnu m’ouvrit brusquement les portes. […] Déjà le prêtre attendait à l’autel : tout à coup la grille mystérieuse s’ouvre et Amélie s’avance, parée de toutes les pompes du monde.

69. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Vêtues comme elles sont, on ne devrait ni approcher les statues des dieux, ni entrer sous les toits des hommes. » — La Pythie s’enfuit, le temple s’ouvre, Apollon paraît. […] Aux plus grands coupables, il ouvre, dans son pontificat de Delphes, un trésor inépuisable d’indulgences plénières et d’expiations efficaces. […] Elle traverse, sans y contracter une souillure, les orgies finales du polythéisme ; et, quand l’heure des Olympiens a sonné, le Christianisme s’ouvre pour la recevoir. […] La colline où il s’assemblait, dans une enceinte à ciel ouvert, était celle où les Douze Grands Dieux avaient, disait-on, siégé pour juger Arès accusé du meurtre d’un fils de Poséidon. […] L’évasion de l’exil s’ouvrait au coupable, entre l’interrogatoire et l’arrêt.

70. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

à ses prêtres, ils s’en vont devant eux sans aucune précaution humaine, montrant le Crucifié souvent pour tout langage, et en quelques jours des milliers de sauvages viennent s’abattre autour de cette fleur mystique de la Croix qui tend son cœur ouvert aux nations ! […] Voilà surtout ce qui nous a frappé dans ce livre que la curiosité ne manquera pas d’ouvrir, mais que la réflexion fermera pour y penser et le rouvrir encore. […] Jusqu’ici, malgré la vapeur qui raccourcit le monde sur la terre et qui ouvre au tourisme les pays les plus désespérés, malgré la glu d’or à laquelle l’Australie prend l’Europe fascinée, nous n’avions sur ce pays étrange, à moitié sorti de son chaos, que des renseignements suspects et vagues dont nous ne pouvions rien déduire, parce que nous devions nous en défier.

71. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Se peut-il que nous, lecteurs et public, nous soyons si froids et si patients dans notre désir, et que nous trouvions qu’il n’est pas temps enfin de connaître, après cinquante ans d’attente, et d’écouter dans toute son ampleur et sa fécondité la conversation à cœur ouvert de deux grands poëtes, de deux grands esprits46 ? […] Charles que de l’original lui-même, auquel une intelligence amie a bien voulu m’ouvrir un entier et facile accès. […] Très occupé jusqu’à la fin de s’agrandir, de se perfectionner en tout, de faire de soi « une plus noble et plus complète créature », il a auprès de lui des représentants des diverses branches d’études auxquelles il est constamment ouvert et attentif. Énumérons un peu : — Riemer, bibliothécaire, philologue, helléniste : avec lui Gœthe revoit ses ouvrages au point de vue de la langue et cause de littérature ancienne ; — Meyer, peintre, historien de l’art, continuateur et disciple de Winckelmann : avec lui, Gœthe causera peinture et se plaira à ouvrir ses riches portefeuilles où il fait collection de dessins et de ce qui est parfait en tout genre ; — Zelter, musicien : celui-là est à Berlin, mais il ne cesse de correspondre avec Gœthe, et leur correspondance (non traduite) ne fait pas moins de six volumes ; Zelter tient Gœthe au courant des nouveautés musicales, des talents et des virtuoses de génie, et, entre autres élèves célèbres, il lui envoie un jour Mendelssohn, « l’aimable Félix Mendelssohn, le maître souverain du piano », à qui Gœthe devra des instants de pure joie par une belle matinée de mai 1830 ; — puis Coudray encore, un architecte, directeur général des bâtiments à la cour. […] Il n’évitait en rien l’émotion, il y restait ouvert et accessible par tous les pores, mais dans les limites de l’art autant que possible ; et il s’appliquait surtout à exprimer cette émotion dès qu’elle devenait vive, à la revêtir poétiquement, et par conséquent à la dominer.

72. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Dans ses courses, dès 1826, à travers l’Allemagne, dans ses stations près de Goëthe à Weimar, en cette petite cour illustre toute remplie alors des rayons de l’astre couchant, et qui en conserve aujourd’hui un culte si sacré ; dans ses pointes aventureuses en Scandinavie dont il ouvrait si bien l’investigation reprise et poussée par d’autres ; dans ses fuites et refaites, auparavant et depuis, à des rivages plus doux et aux traces du chantre de Béatrice ; dans cette longue parenthèse enfin de Drontheim à Agrigente, n’allait-il que pour amasser des idées précises, des matériaux de première main à une histoire littéraire comparée ? […] Qu’on ouvre les livres du Père Garasse, ceux de Pierre Mathieu, si étrangement réhabilité de nos jours ; la pensée n’y va qu’à travers toutes sortes d’allusions érudites et sous une marqueterie de métaphores, toutes plus raffinées les unes que les autres, et qui ne permettent presque jamais de saisir le fil direct et simple. […] En procédant toujours par des faits précis plutôt que par développement rationnel ou effusion oratoire, et plutôt en traits qu’en couleurs, l’historien s’élève avec son sujet, et, à l’heure de l’immense catastrophe où la société s’abîme, il atteint à une véritable éloquence dans la forte étude qu’il nous ouvre de Grégoire de Tours, cet Hérodote de la barbarie. […] Ces volumes sont comme des sacs pleins de toute marchandise, bien rangés et étiquetés par ordre de débarquement ; il ne reste qu’à les ouvrir et à y tailler, s’il se peut, l’étoffe aux justes endroits. […] La discussion des points de détail, sur lesquels s’appesantissent si essentiellement les Bénédictins, est quelquefois un peu rapide chez lui ; ses indications en notes sont plus incomplètes et plus empressées qu’on ne le voudrait dans un ouvrage fait pour guider les études et ouvrir les sources ; il y a des inadvertances.

73. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

tandis que vous parlez tout à votre aise, moi, je vais vous servir d’une manière précise, et je me charge de faire brèche par la chronologie. » Aujourd’hui un christianisme éclairé et élevé, véritablement conciliateur, n’a pas craint d’ouvrir le champ de la discussion sur tous ces points qui sont livrés à la controverse humaine ; la chronologie est libre, comme la physique, dans ses explications et ses conjectures : la foi appuie sur des arches désormais plus larges son canal sacré, Volney, ne se trouvant plus en face d’un adversaire armé, ne saurait trop que faire de son aigreur, et il serait tout étonné de n’avoir plus à s’en prendre qu’à des dates dans son acharnement en chronologie. […] Des circonstances heureuses avaient habitué ma jeunesse à l’étude ; j’avais pris le goût, la passion même de l’instruction ; mon fonds me parut un moyen nouveau de satisfaire ce goût, et d’ouvrir une plus grande carrière à mon éducation. […] Le Voyage de Volney s’ouvre par la description de l’Égypte et d’Alexandrie, et, dans une suite de chapitres aussi pleins que précis, il va rassembler tout ce qui tient à l’état physique, puis à l’état politique de l’Égypte : ainsi fera-t-il pour la Syrie. […] Napoléon, qui a ouvert sa relation de la campagne d’Égypte par des descriptions de ce genre, a renchéri encore, s’il est possible, sur la brièveté et la concision de Volney ; mais il y a mêlé de soudains éclairs. […] De même, quand il considère la nature, il ne se desserre point le cœur, il ne s’ouvre jamais avec plénitude à l’impression tranquille et sereine de ses grandeurs et de ses beautés.

74. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Jeté dans les déserts de la Sibérie, il avait ; comme les anciens philosophes, ouvert une école sur la terre de l’exil. […] Son cœur s’ouvrit à Varsovie, où il fut aimé d’une princesse polonaise. […] Heureux d’être sous le même toit que sa sœur, il dormit peu, et vingt fois il ouvrit sa fenêtre pour épier les premiers rayons du jour. […] D’autres habitants ouvrirent d’autres opinions. […] Des grenadiers ouvraient la marche du convoi.

75. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Pour moi, qui n’ai pas même l’honneur de comprendre et de lire dans leur langue les mémoires de haute science où il s’est montré inventeur, ces considérations sur les profondes et fines parties de l’optique et du magnétisme où il a gravé son nom ; qui n’ai eu que le plaisir de l’entendre quelquefois, soit dans ses cours à l’usage des profanes, soit dans les séances publiques de l’Académie, je ne puis ici que m’approcher respectueusement de lui par un aspect ouvert à tous ; je ne puis que l’aborder, si ce n’est point abuser du mot, par son côté littéraire. […] La notice sur Fresnel, qui ouvre la série des biographies dans le premier volume, celles qui suivent, sur Fourier, sur le docteur Young, sur Watt, sont pleines de qualités substantielles et procurent de l’instruction. La notice sur Carnot ouvre une seconde série en quelque sorte, celle des notices semi-politiques, telles que les biographies de Bailly, de Monge, de Condorcet, dans lesquelles l’auteur abonde dans son sens et ne se refuse plus aucune digression ni aucune controverse. […] Son esprit était comme une bibliothèque encyclopédique bien ordonnée, qu’il suffisait d’ouvrir, à la lettre qu’on voulait, pour en faire sortir des richesses.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Un nouvel univers s’offrit, pour ainsi dire, à sa contemplation : il aperçut la chaîne invisible qui lie entre eux tous les êtres ; il vit une main puissante étendue sur tout ce qui existe ; le sanctuaire de la nature fut ouvert à son entendement, comme il l’est aux intelligences célestes, et toutes les plus sublimes idées que nous attachons à ce mot Dieu se présentèrent à son esprit. […] Un vasistas s’ouvre et une figure désagréable paraît. « M.  […] Même manège ; le guichet s’ouvre, la laide figure paraît. « C’est de la musique à copier. » On la lui prend : « Bien, vous repasserez dans huit jours. » Ainsi pendant des semaines et des mois. […] Rousseau a à vous parler. » La porte s’ouvre ; on l’introduit dans une petite chambre ; il y a deux chaises ; Rousseau le fait asseoir : « Monsieur, j’ai voulu vous parler ; il est arrivé un accident, je ne puis vous livrer la musique comme je vous l’avais promis.

77. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Mais, pour mettre les lecteurs à même de bien juger de la valeur de tels travaux, de la confiance qu’ils méritent et des solides fondements sur lesquels ils reposent, j’ai à dire quelques mots de la position qu’occupait l’auteur, de l’accès qui lui fut ouvert de tout temps aux sources secrètes et aux documents indispensables à son entreprise. […] La reine, à cette proposition inopinée et qui, à la rigueur, pouvait ne passer que pour une idée en l’air de son ambassadeur, n’avait à faire aucune réponse officielle : « Cependant elle crut devoir s’en ouvrir elle-même, non à M.  […] Le golfe de Naples devait s’ouvrir à l’invasion combinée des Russes et des Anglais ; un général russe était arrivé à Naples dès les premiers jours de juin pour prendre clandestinement les mesures et fixer le point du débarquement. […] Il me répondit, avec une politesse infinie, qu’il ne trouvait pas que les Français eussent de la répugnance à sortir de leurs routes, mais seulement qu’ils étaient plus judicieux (il va y avoir un léger correctif à ce mot) que leurs voisins, lorsqu’il était question de s’en ouvrir de nouvelles.

78. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Oscar Wilde à Paris À l’angle des rues Médicis et de Vaugirard, s’ouvrait, jadis, une boutique rouge de marchand de vins-traiteur, à l’enseigne de la Côte d’Or. […] Albert Trachsel, l’architecte des Fêtes réelles, y ouvrait dans l’imagination de ses auditeurs des horizons de songe, multipliés par la féerie des perspectives. […] Les salons les plus fermés s’ouvraient avec empressement devant lui. […] Afin de secouer le joug odieux, nos modernes anarchistes rêvent de bouleverser le monde et de s’ouvrir le chemin de la liberté à coups de bombes.

79. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Le scrupule des anciens là-dessus est inconcevable ; et ce panégyrique si vanté de l’abbé Séguy, ce morceau qui lui a ouvert la porte de notre académie, aurait fait fuir tout un auditoire de romains ou d’athéniens. […] Ceux qui ignorent les sensations que l’harmonie porte à l’âme diront que j’ai plus d’oreille que de jugement ; ils seront plaisans, mais j’ouvrirai l’énéide, et pour réponse à leur mot je lirai : o ter quaterque beati, … etc. je porterai à leur organe le son de l’harmonie. […] C’est cette force du rythme, cette puissance des sons, qui m’a fait penser que peut-être je prononçais un peu légèrement entre l’image du poëte latin et l’image du poëte grec ; qu’il y avait telle emphase d’expression, telle plénitude d’harmonie qui me forcerait de donner à la figure d’Homère une grosseur proportionnée à sa hauteur ; et je me suis dit à moi-même : voyons, ouvrons son ouvrage, récitons ses vers et rétractons-nous, s’il le faut.

80. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Le soleil, sans pluie, ouvrirait-il les roses ? […] La vieille fileuse, à son rouet penchée, Ouvrait ma jeune âme avec sa vieille voix. […] N’ouvrez pas votre aile aux gloires défendues, De tous les lointains juge-t-on la couleur ?

81. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

Victor Hugo L’autre jour, j’ouvris un livre qui venait de paraître, sans nom d’auteur, avec ce simple titre : Méditations poétiques. […] On continuera à louer en lui ces images vives et brillantes que sa muse a répandues ; toutefois on ne le considérera plus comme notre seul et premier peintre poétique ; on n’oubliera pas que La Fontaine, Racine, Fénelon, et même Boileau, avaient ouvert, bien avant lui, la pure et vraie source des comparaisons et des images, sans jamais tomber dans la prodigalité ; on n’oubliera pas non plus que Chénier vécut dans un siècle descriptif et que ce don de peindre ou même de colorier les objets, qu’il a perfectionné sans doute, a pourtant été celui de plusieurs de ses contemporains.

82. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Du côté du midi, des enfilades de salles et d’appartements ouvrent par un perron sur une vallée étroite, reste d’une terrasse, où des pentes gazonnées, des bouquets de cèdres et de sapins et un lac conduisent l’œil jusqu’au-delà de la vallée, et le font remonter sur une large colline où la route blanche et vide serpente entre une forêt de chênes. […] J’ai envoyé ma démission au nouveau gouvernement de toutes mes fonctions diplomatiques, délices et orgueil de ma jeunesse, et même la démission des droits à la pairie que le refus de serment de mon père m’ouvrait, et que le serment exigé interdit à ma conscience. […] Ce portefeuille, ouvert sans indiscrétion après la mort de tous les hommes principaux qui s’y dévoilent, et après la chute de la Restauration qu’on y voit agir, atteste une supériorité de vues et une richesse d’intelligence et de caractère diplomatique dans cette grande négociation du règne de Louis XVIII, qui fait contraste avec les négociations de la royauté de 1830 ! […] Il ne versa jamais sur le seuil de leur exil l’amertume ou le dénigrement, qui ouvre le sanctuaire de l’infortune, comme cette fidélité d’ostentation qui montre du doigt aux ennemis du dehors les faiblesses ou les ridicules de l’intérieur des rois. […] De temps en temps un voyageur, alors très rare, venant par curiosité frapper à sa porte, elle refusait d’ouvrir ; elle ouvrit pour Marcellus et pour moi, parce que Marcellus était un enfant, et parce qu’elle avait entendu mon nom de poète dans le monde.

83. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Au moment où elle allait en ouvrir la porte, le scieur de long, beau et fort jeune homme d’environ vingt-cinq ans, rentra, et voyant nos robes de soie traîner sur les marches de l’escalier, cria à sa femme : — À quoi penses-tu, Claudine ! […] » En parlant ainsi, elle ouvrit la porte et nous fûmes étonnées de la bonne odeur de raisins et de maïs qui remplissait l’appartement, bien que les fenêtres fussent ouvertes. […] Aglaé ouvrit et nous nous jetâmes toutes dans la cour comme un troupeau de génisses effarouchées. […] On entrait par un vestibule au bout duquel était une vieille horloge de campagne qui avait si souvent sonné les heures de l’heureuse famille alors ; une rangée de sacs de farine pour la maison était debout d’un côté, une large cuisine s’ouvrait du côté opposé, pleine de bruit, de feu, de domestiques, de mendiants et de malades, comme du temps de M. et de madame de Lamartine. […] En attendant, entrez dans ce petit salon qui ouvre sur cette salle d’arbres ou restez à l’ombre sous ce salon en plein air, je ne tarderai pas à revenir.

84. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Rien de mieux encore une fois ; le champ est ouvert, il ne le fut jamais davantage. […] Seulement, quel que soit l’essor de jeunesse, il importe de se rendre compte des difficultés aussi, de se bien dire qu’on n’atteint pas le but du premier coup ; qu’un champ ouvert, et où l’on entre sans assaut, n’est pas plus facile à parcourir peut-être ; que l’obstacle véritable et la limite sont principalement en nous, et que c’est avec son propre talent qu’on a surtout affaire, pour l’exercer, pour l’aguerrir, pour en tirer, sans le forcer, tout ce qu’il contient.

85. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Costar, transporté de joie, se félicita d’avoir réfuté Girac, lui fit faire des remercimens de lui avoir ouvert le chemin de la fortune & de la gloire, & publia qu’il avoit plus d’obligation à son adversaire qu’à tous ses amis. […] Costar, il ne faut que l’ouir ; il ne faut qu’ouvrir un de ses livres, & l’on verra partout une vive image de ses mœurs.

86. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

La presse, dès le début fort mal renseignée et leurrée par les Déliquescences jusqu’à prendre cette parodie au sérieux, brouilla si bien les choses, ouvrit si facilement ses portes aux plus fantaisistes inventions et mit au jour de si bizarres personnalités, que la Réclame, flot bourbeux d’encre, passa par-dessus la tête des vrais et primitifs artistes pour porter à la célébrité tous les ratés de la Banlieue et tout le bas-fond de la bêtise écrivassière — ; Il est temps de le dire ! […] Bourde, du Temps, qui ouvrit le feu.

87. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

C’est qu’entre la nation, si grande soit-elle, et l’humanité, il y a toute la distance du fini à l’indéfini, du clos à l’ouvert. […] Mais l’âme qui s’ouvre, et aux yeux de laquelle les obstacles matériels tombent, est toute à la joie. […] Entre l’âme close et l’âme ouverte il y a l’âme qui s’ouvre. […] Deux voies s’ouvrent à l’éducateur. […] Les vrais mystiques s’ouvrent simplement au flot qui les envahit.

88. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Un auteur de tragédie ou comédie, Chabanon, Desmahis, Colardeau, je suppose, obtenait un salon à la mode, ouvert à tout ce qu’il y avait de mieux ; c’était un sûr moyen, pour peu qu’on eût bonne mine et quelque débit, de se faire connaître ; les femmes disaient du bien de la pièce ; on en parlait à l’acteur influent, au gentilhomme de la Chambre, et le jeune auteur, ainsi poussé, arrivait s’il en était digne. […] Mais lui, du moins, solitaire il a ouvert sa voie, solitaire il l’achève : il n’y a que les vigoureuses et invincibles natures qui soient dans ce cas. […] Le danger est plutôt pour ces timides et mélancoliques talents, comme il s’en trouve, qui se défient d’eux-mêmes, qui s’ouvrent amoureusement aux influences, qui s’imprègnent des odeurs qu’on leur infuse, et vivent de confiance crédule, d’illusions et de caresses.

89. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

« Le drame s’ouvre par un entretien que le roi veut bien accorder au valet de Don Juan : Sa Majesté paraît choquée du libertinage de ce jeune seigneur. […] Arlequin ouvre le troisième acte par de nouvelles remontrances qu’il adresse à son maître. […] Des chants lugubres et mystérieux se font entendre ; la statue se lève, le tonnerre gronde, la terre s’ouvre, la flamme infernale brille, et l’homme de pierre entraîne l’impie dans l’abîme.

90. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Un coffre ou arche portative, ayant des deux côtés des oreillettes pour passer des leviers, constituait tout leur matériel religieux ; là étaient réunis les objets sacrés de la nation, ses reliques, ses souvenirs, le « livre » enfin 84, journal toujours ouvert de la tribu, mais où l’on écrivait très discrètement. […] Écrasé, humilié, il n’a pas ouvert la bouche ; il s’est laissé mener comme un agneau a l’immolation ; comme une brebis silencieuse devant celui qui la tond, il n’a pas ouvert la bouche.

91. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

On invite toutes les connaissances de L’Éclair, le bohème Pouthier, un architecte sans ouvrage, un marchand de tableaux, des anonymes ramassés au hasard de la rencontre, quelques femmes vagues, et, à un moment, pour animer un peu cette fête de famille, Nadar, qui commençait une série de caricatures dans notre journal, a l’idée d’ouvrir les volets, et d’inviter les passants et les passantes par la fenêtre. […] » * * * — Sur la route de Versailles, au Point-du-Jour, à côté d’un cabaret ayant pour enseigne : À la renaissance du Perroquet savant, un mur qui avance avec de vieilles grilles rouillées qu’on ne dirait jamais s’ouvrir. […] On est long à venir ouvrir ; à la fin, un domestique apparaît et nous conduit à un petit atelier dans le jardin, éclairé par le haut et tout souriant.

92. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Ouvrez au contraire le livre ami, celui avec qui vous avez pris l’habitude de causer comme avec une personne, vous y découvrirez entre toutes les pensées des rapports harmonieux, qui les feront se compléter l’une par l’autre ; le sens de chaque ligne s’élargira pour vous. C’est que l’affection éclaire ; le livre ami est comme un œil ouvert que la mort même ne ferme pas, et où se fait toujours visible en un rayon de lumière la pensée la plus profonde d’un être humain. […] L’étude des littératures étrangères devrait être un moyen de s’ouvrir l’esprit, non de se le fermer, d’agrandir le domaine de notre admiration et de notre sociabilité, au lieu de le restreindre.

93. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Est-il possible, au contraire, de s’affranchir, de s’émanciper, d’ouvrir son intelligence à de nouvelles lumières, de transformer et de développer ses idées et ses opinions, sans paraître mettre en question le fond des croyances que l’on soumet ainsi à un examen sans cesse renaissant ? […] Néanmoins, tant que ces variations et oppositions ne se manifestaient que dans les limites du dogme lui-même, c’est-à-dire sans mettre en question le fondement surnaturel du christianisme, il y avait dans l’Église protestante un fonds commun, une unité de foi, et en quelque sorte, un point fixe : la divinité du Christ, et la croyance à une révélation spéciale de Dieu ; mais le moment est arrivé où, la liberté d’examen venant à s’étendre jusqu’aux bases mêmes de la théologie dogmatique, s’est élevée la question de savoir si le christianisme est absolument lié à tel ou tel dogme, s’il lui est interdit de s’ouvrir aux lumières de la critique et de la philosophie moderne, et si rejeter le surnaturel, c’est abdiquer l’esprit chrétien. […] Nous ouvrons nos rangs tandis qu’ils ferment les leurs.

94. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

Ces Poètes, qui, du reste, se nomment eux-mêmes des artistes, et qui ont réellement plus d’art dans leur manière que de génie et d’inspiration, travaillent leur langue comme un sculpteur travaille son vase, comme un peintre lèche son tableau, et nous donnent au xixe  siècle une seconde édition affaiblie de la Renaissance qui, elle aussi, avec le large bec, ouvert et niais, d’un Matérialisme affamé, happait la forme et s’imaginait tenir le fond, l’âme et la vie ! […] Leur colombier froid est ouvert aux bises : Leurs printemps sont morts. […] Déjà très-éloigné par la vérité des sentiments de son premier recueil de poésies qui n’avait que la vérité très-relative de la jeunesse et la ferveur de l’imitation, M. de Beauvoir, s’il ne veut pas manquer aux dons qu’il a reçus, aux facultés d’une nature primitivement exquise et dont il a certainement abusé comme tous ces Polycrates de la destinée qui lancent à la mer leur émeraude qu’un brochet ne leur rapporte pas toujours, M. de Beauvoir doit entrer résolument dans la voie que certaines pièces de son dernier recueil viennent d’ouvrir.

95. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Le cocher, qui s’était endormi sur son siége, ne s’apercevait pas des efforts que faisait sa maîtresse pour ouvrir la portière. […] Il arrive au jour et à l’heure indiqués, s’assied à une table, mouille ses lèvres au verre d’eau traditionnel, ouvre son manuscrit et commence à lire. […] Mais voilà les salons qui s’ouvrent pour tout de bon. […] Un autre qu’il faut au contraire les ouvrir et les tenir fixés sur le même point. […] Le Nécrologe de l’an nouveau s’ouvre encore par un nom illustre.

96. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Arrivés à la barrière Blanche, qui était la plus rapprochée de nous, pour gagner Saint-Denis et la route de Calais où nous nous dirigions pour sortir au plus vite de ce malheureux pays, nous n’y trouvâmes qu’un poste de trois ou quatre gardes nationaux avec un officier, qui, ayant visité nos passeports, se disposait à nous ouvrir la grille de cette immense prison, et à nous laisser passer en nous souhaitant bon voyage. […] on peut l’imaginer), je m’y jetai ; les postillons se remirent en selle, la grille s’ouvrit, et nous sortîmes au galop, accompagnés par les sifflets, les insultes et les malédictions de cette canaille. […] Le plaisir de me sentir libre et de fouler avec mon amie ces mêmes chemins que plusieurs fois j’avais parcourus pour aller la voir ; la satisfaction de pouvoir, à mon gré, jouir de sa sainte présence, et de reprendre sous son ombre mes études chéries, tout ce bonheur me remit tant de calme et de sérénité dans l’âme, que, d’Augsbourg à Florence, la source poétique s’ouvrit de nouveau, et les vers jaillirent en foule. […] Le roi lui ouvrit ses bras en lui disant avec une ironie triste : Ecco il tyranno ! […] Mais les mots ne sauraient peindre la joie de Florence, le matin où les Français la quittèrent, et les jours suivants où l’on ouvrit ses portes à deux cents hussards autrichiens…… « Uniquement occupé du soin d’assembler et de revoir mes quatre traductions du grec, je traînais le temps, sans autre souci que de poursuivre avec ardeur des études commencées trop tard.

97. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Si nous voulions le lire en prose, nous ouvririons la traduction à peine éditée de M.  […] Tout à coup le défilé s’ouvre entre deux remparts de rochers dont la surface, frappée par les rayons du soleil couchant, présente tantôt la blancheur du marbre qu’on vient d’extraire, tantôt les teintes roses de la joue d’une jeune fille rougissante. […] Pendant que vous contemplez tout ébloui ce spectacle, vous croyant seul entre ciel et terre à mille pas au-dessus des séjours humains, une musique vague, ou plutôt une brise psalmodiée, entremêlée d’un bourdonnement de voix d’enfants et de femmes, vous arrive, à travers les myrtes et les pins, du fond d’une caverne qui s’ouvre à gauche dans les vastes échancrures du rocher taillé à main d’homme. […] Cependant le huitième chant s’ouvre par des stances aussi suaves que le soir d’été, aussi mélancoliques qu’un adieu sans retour. […] » Cette idée de s’ouvrir le ciel par l’amour et de voir Dieu par les yeux de la femme qu’il a tant aimée rappelle sans cesse l’amant dans le théologien.

98. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Veut-on trouver dans son Histoire le contrecoup même de la dédicace et de l’éloge adressé à Richelieu au sujet de la prise de Perpignan : qu’on ouvre le règne de Charles VIII ; Mézeray y montre ce roi assez souvent victorieux, mais peu politique, restituant à la maison d’Autriche une partie de l’Artois et la Franche-Comté : Ce ne fut pas, remarque-t-il, sans un grand étonnement des sages politiques que le roi restitua ces deux comtés : mais ce fut avec murmure et indignation de la France, et à la risée de toute l’Europe, qu’il rendit encore celle (la comté) de Roussillon au roi d’Aragon. […] Mézeray a eu le mérite du moins d’embrasser le programme dans son ensemble, et d’ouvrir hardiment la route, sentant bien à quelle distance était le terme dans l’avenir. […] Pour toute l’époque du Moyen Âge et des premiers règnes capétiens, il manque à Mézeray une connaissance approfondie de nos anciens historiens latins et de ce monde ouvert par les Du Chesne et les Du Cange. […] Aussitôt le mariage célébré en Normandie entre Blanche et le fils de Philippe Auguste, Louis emmène sa chère moitié à Paris : Les deux époux étaient à peu près pareils en âge, de treize à quatorze ans, tous deux d’un esprit enclin à la piété, éloigné du vice, pur, ouvert et sans fiel, et en tout tellement semblables l’un à l’autre, que de ce parfait rapport et de cette mutuelle correspondance naquit entre eux deux un amour saint, qui fut désormais l’âme de l’un et de l’autre.

99. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Le second ami, qui est, lui, un pur sceptique, et de ceux qui sous ce nom modeste savent très-bien au fond ce qu’ils pensent, est entré brusquement, m’a abordé d’un air contrarié et presque irrité, comme si j’y étais pour quelque chose, et m’a dit, — vous remarquerez que je n’avais pas encore ouvert la bouche : « Tu me diras tout ce que tu voudras (j’oubliais encore d’ajouter que ce second ami est un camarade de collège et qu’il me tutoie), ce livre est une reculade. […] Il faut bien savoir que, chez nous, en France, avant cette présente discussion que vient d’ouvrir et d’instituer l’ouvrage de M.  […] Quand on ouvre les Évangiles pour les lire sans parti pris, et en ayant passé l’éponge en soi sur toute doctrine préconçue, il en sort, au milieu de mainte obscurité, de mainte contradiction qu’on y rencontre, un souffle, une émanation de vérité morale toute nouvelle ; c’est le langage naïf et sublime de la pitié, de la miséricorde, de la mansuétude, de la justice vivifiée par l’esprit ; l’esprit en tout au-dessus de la lettre ; le cœur et la foi donnant à tout le sens et la vie ; la source du cœur jaillissante et renouvelée ; les prémices, les promesses d’une joie sans fin ; une immense consolation assurée par-delà les misères du présent, et, dès ici-bas, de la douceur jusque dans les larmes. […] Le paysage de la contrée de Génésareth en particulier, tel qu’il nous le décrit, riant, verdoyant, non épais, non feuillu ni trop païen, mais sobre encore, ouvert de partout à la lumière, à l’innocence, et d’une variété clair-semée, y fait le fond de ces prédications bienfaisantes.

100. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

J’accorde tout à fait que, « dès qu’on ouvre Homère, on se sent transporté dans le monde de l’instinct » ; qu’on sent qu’on a affaire à des passions du monde enfant ou adolescent ; que lorsqu’on se laisser aller au courant de ces poèmes, « c’est moins encore telle ou telle scène qui nous émeut, que le ton général et, en quelque sorte, l’air qu’on y respire et qui nous enivre. » J’accorde que « les descriptions d’Homère n’étant que des copies des impressions les plus générales, nous nous trouvons en face de ces descriptions dans la même situation qu’en face de la nature », c’est-à-dire d’un objet et d’un spectacle inépuisable : « Il est dès lors facile de comprendre pourquoi on peut toujours relire Homère sans se lasser. […] Des notes fréquentes ouvrent des aperçus à droite et à gauche et varient la route sans trop retarder la marche. […] Mais qu’il se rassure ; qu’il se persuade qu’ils sont excellents, et qu’il ne lui manque que le goût et la connaissance pour les mieux apprécier ; et bientôt chaque visite nouvelle lui ouvrira les yeux de plus en plus, jusqu’à ce qu’il ait appris à les admirer, jamais autant qu’il le méritent, assez du moins pour enrichir et élargir sa propre intelligence par la compréhension de la parfaite beauté. […] Un moraliste à la façon de Nicole les a très-bien définis en ces mots : « Ce sont des esprits trop remplis d’eux-mêmes et des images présentes qui les occupent, pour pouvoir s’ouvrir et faire place en eux à d’autres idées que les leurs, et surtout quand il s’agit d’admettre et de comprendre les choses du passé. » De ces esprits exclusivement voués au monde moderne, aux impressions actives de chaque jour, et qui ne sauraient s’en déprendre, il en est, d’ailleurs, je le sais, de bien fermes et, à tous autres égards, d’excellents.

101. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

En observant, enfin, que la Grèce ouvre toutes ses vallées ou dirige presque tous ses promontoires vers l’Asie ou l’Afrique, on voit qu’elle est destinée à servir comme de lien et d’intermédiaire entre l’Orient et l’Occident, entre l’Asie et l’Europe. […] Tandis que la Grèce ouvre ses vallées et tourne ses rivages vers l’Orient, l’Italie ouvre au couchant la Toscane, le Latium, la Campanie. […] Je ne sais comment cela s’est fait, mais je vois comme un concours ouvert à son sujet et qui n’est pas fermé encore.

102. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

A mesure qu’un pays est découpé en champs bien cultivés, sillonné dans tous les sens par des routes, l’humeur des habitants devient plus douce, plus égale ; leur esprit, lui aussi, s’ouvre, s’aère, s’assainit. […] Ils agrandissent l’espace où elle va chercher des sujets ; ils lui ouvrent de larges échappées sur des choses encore inconnues ou mal connues. […] Sentez-vous quel choc donné aux imaginations, quel élan imprimé à la poésie, quel champ ouvert aux savants, aux historiens, peut-être aux psychologues ? […] Si j’ai pu ouvrir des échappées par où passent quelques rais de lumière, que d’autres y plongent plus avant et y découvrent des vérités que j’ai réussi seulement à faire entrevoir.

103. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Cousin, emporté par l’assaut intérieur de la verve et par la surabondance de la vie animale, causait, s’ouvrait, s’épanchait, dissertait, plaidait avec les gestes et l’appareil oratoire, dans un jardin public, dans son cabinet, n’importe où, devant n’importe qui, jusque devant ce pauvre petit personnage qu’on appelait son secrétaire, M.  […] Ce moment fut affreux, et, quand vers le matin je me jetai épuisé sur mon lit, il me sembla sentir ma première vie, si riante et si pleine, s’éteindre, et derrière moi s’en ouvrir une autre sombre et dépeuplée, où désormais j’allais vivre seul, seul avec ma fatale pensée qui venait de m’y exiler et que j’étais tenté de maudire. […] Si j’ouvrais les philosophes, si je continuais d’assister le plus souvent que je pouvais aux leçons de M.  […] Je n’ai rien su que ce que j’ai trouvé, et quand il m’est entré dans la tête des opinions qui étaient aussi celles des autres, c’est que mes recherches comme les leurs y avaient abouti. » Un peu plus tard, traitant des signes, il ne voulut ouvrir aucun des ouvrages de ses prédécesseurs, et expliqua son étrange refus comme Descartes : « Notre première raison, c’est que les idées qu’ils nous suggéreraient gêneraient la liberté de notre esprit qui aime à se conduire à sa façon, et dépouilleraient pour lui cette recherche de son plus grand charme, qui est dans la recherche même plutôt que dans le résultat qu’elle peut donner à la science ; la seconde, c’est que les idées d’autrui, quand nous n’avons pas d’abord exploré nous-même la matière à laquelle elles se rapportent, n’ont pour nous qu’un sens vague, et nous troublent plutôt qu’elles ne nous éclairent54. » Cette habitude et ce goût sont le signe du véritable philosophe.

104. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

J’ouvre votre livre aux premières pages et qu’est-ce que j’y vois ? […] Miserey ouvrit la porte de l’écurie et le tira dehors. […] Zola a exécuté pour se faire ouvrir les portes de l’Académie ! […] Tout de suite, Angélique ouvrit les paupières. […] À peiné ouvrit-il les yeux au frais contact des draps.

105. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

J’y débutai moi-même avec ce sonnet : À TRIANON Je trouve un charme étrange à tes longues allées Qui s’ouvrent en ogive à l’horizon vermeil, À tes bassins de pierre usée où le soleil N’éclaire plus qu’un tas d’herbes échevelées. […] Parfois, au soir, il rêvait de se promener dans le Luxembourg, grilles fermées ; de marcher dans les allées noires en songeant à des choses très lointaines ; ses yeux se fermaient sur le monde visible et s’ouvraient sur le rêve que déployaient devant lui la réalité de ses hallucinations et ses enfilades de perspectives infinies.

106. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

De cette manière, il y aura toujours un cours du droit civil ouvert. […] Ils feront serment qu’il n’y a dans les questions et les réponses aucune connivence entre eux et leurs élèves ; l’épreuve s’ouvrira par cette cérémonie.

107. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Elle ouvre le coffret qu’elle a apporté et en retire une bague d’argent : « Tu vas mettre cette bague à ton doigt. […] Ahmed ouvre le premier poisson, puis le second ; il en jette les boyaux.

108. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Madame de Staël, dont il était l’ami, lui avait ouvert l’asile de son château de Coppet, en Suisse. […] « Le prêt d’un million, qui semblait une chose si naturelle, fut durement refusé, et, le lundi matin, les bureaux de la maison de banque ne s’ouvrirent point aux payements. […] On se défit de l’argenterie, l’hôtel de la rue du Mont-Blanc fut mis en vente, et, comme il pouvait ne pas se présenter immédiatement un acquéreur pour un immeuble de cette importance, madame Récamier quitta son appartement et ne se réserva qu’un petit salon au rez-de-chaussée, dont les fenêtres ouvraient sur le jardin. […] M. de Chateaubriand, qui voit cela de Berlin, où il sollicite un congrès, ouvre son âme à son amie dans une lettre du 14 avril 1821. […] Elle peut y croire, nous n’y croyons pas ; madame Récamier ne pouvait pas, en matière si délicate, ouvrir son cœur à sa jeune nièce.

109. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Andrieux, secrétaire perpétuel, sur le concours déjà ouvert depuis plusieurs années, et dont le sujet est la charité considérée dans son principe, ses applications et son influence, relativement à la société : il y a eu trois mentions et pas de prix. […] Dans la situation toute secondaire où est descendue l’Académie française et d’où il est difficile qu’elle se relève, n’ayant ni action directe, ni but propre, elle paraît décidée à se recruter en grande partie parmi les hommes politiques, comme autrefois elle faisait parmi les grands seigneurs, et elle aura raison, pourvu que, de temps à autre, elle ne dédaigne pas d’ouvrir ses invalides à quelque littérateur pur et simple qui aura la témérité de se mettre sur les rangs.

110. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

C’étaient presque toutes tragédies, tragi-comédies ou pastorales ; la comédie, malgré les traductions ou les imitations littéraires des Larivey et des Turnèbe, avait peu de place tant au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne qu’au théâtre de l’Hôtel d’Argent qui s’ouvrit vers 1600 rue de la Poterie au Marais. […] Après plusieurs altercations, la femme ayant été contrainte de se lever, on ouvre ce coffret, duquel sortent à l’instant trois diables qui emportent et troussent en masse M. le conseiller, le commissaire et le sergent, chaque diable s’étant chargé du sien.

111. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Mendès ne cachait pas qu’il éprouvait contre l’hiatus une sainte horreur, mais ouvrez ses poésies et vous verrez que l’hiatus y fourmille comme il fourmille chez Malherbe, comme il fourmille chez Boileau. […] Ainsi Ronsard, dans son Abrégé, bannit les hiatus désagréables à l’oreille ; dans ses poèmes, il admet volontiers « tu as », « qui ouvre », « si elle », etc., qui n’ont rien que d’harmonieux.

112. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Elle dit, etc. » Énée adresse sa prière à Apollon ; la Sibylle lutte encore ; enfin le dieu la dompte, les cent portes de l’antre s’ouvrent en mugissant, et ces paroles se répandent dans les airs : Ferunt responsa per auras  : O tandem magnis pelagi defuncte periclis ! […] C’est lui-même : il m’échauffe ; il parle ; mes yeux s’ouvrent, Et les siècles obscurs devant moi se découvrent.

113. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

À force de déclamer contre la superstition, on finira par ouvrir la voie à tous les crimes. […] On est bien près de tout croire quand on ne croit rien ; on a des devins quand on n’a plus de prophètes, des sortilèges quand on renonce aux cérémonies religieuses, et l’on ouvre les antres des sorciers quand on ferme les temples du Seigneur.

114. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Préface Il faut aux hommes et surtout aux Français, grands querelleurs et grands parleurs, un champ de bataille toujours ouvert, ou une arène de discussions toujours en mouvement. […] … Les hommes forts et pensants n’ont pas pu écouter longtemps tout ce ramage ; et ils se sont habitués à ne plus ouvrir un volume de vers, de peur d’en voir sortir, à chaque page, tout un poulailler décrit, ou de la mélancolie de Directoire. […] Si, à l’examen de l’éloquence, le célèbre professeur joignait l’examen de la poésie française, vers laquelle il ne peut faire que de rares et trop courtes excursions, quel champ fécond et nouveau lui serait ouvert ! […] Au total, malgré de nombreux vices d’exécution et une débilité de style qui contraste trop souvent avec la hardiesse des idées, Voltaire a dû produire tout l’effet qu’il a produit, et il est impossible de ne pas reconnaître qu’il a étendu, sinon agrandi notre scène tragique, et qu’il a passionné encore le dialogue et les situations ; enfin il a ouvert une source nouvelle et abondante de pathétique, et on lui doit de fortes et nobles émotions qu’on n’avait pais éprouvées au même degré avant lui. […] Il faut espérer que la Comédie Française ouvrira enfin les yeux.

115. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Cet axiome (avec la définition suivante) nous ouvrira une critique nouvelle relative aux auteurs des peuples, qui ont dû précéder de plus de mille ans les auteurs de livres, dont la critique s’est occupée jusqu’ici exclusivement. […] Dans les démocraties où domine une multitude avide, dès qu’une fois cette multitude s’est ouvert par les lois la porte des honneurs, la paix n’est plus qu’une lutte dans laquelle on se dispute la puissance, non plus avec les lois, mais avec les armes ; et la puissance elle-même est un moyen de faire des lois pour enrichir le parti vainqueur ; telles furent à Rome les lois agraires proposées par les Gracques. […] Les nations encore barbares sont impénétrables ; au-dehors, il faut la guerre pour les ouvrir aux étrangers, au-dedans l’intérêt du commerce, pour les déterminer à les admettre. Ainsi Psammétique ouvrit l’Égypte aux Grecs de l’Ionie et de la Carie, lesquels durent être célèbres après les Phéniciens par leur commerce maritime32. Ainsi dans les temps modernes les Chinois ont ouvert leur pays aux Européens.

116. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Il a l’air d’un homme qui a vu du pays plutôt que d’un homme comme il faut qui a voyagé ; il a tout à fait secoué cette réserve qui entre si ordinairement dans le caractère anglais ; et cependant il ne s’ouvre point doucement et par degrés comme font les gens de manières polies, mais il vous éclate au visage tout à la fois. […] À voir un tel galop et les cruchons de loin ballotter, les péagers ou gardiens des routes croient qu’il s’agit d’une course et d’un pari, d’un jockey qui court avec des poids, et toutes les barrières du chemin (il y en a quantité en Angleterre) s’ouvrent en conséquence. Mais écoutons la ballade elle-même : Les chiens aboient, les enfants beuglent, les croisées s’ouvrent, les passants crient bravo ! […] Et c’est chose curieuse de voir comme sur sa route les péagers s’empressent d’ouvrir chaque barrière.

117. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

La Gazette des Beaux-Arts ouvrit son cadre aux gens du métier. […] Ici le poète prend la parole et semble prier pour un moment le peintre de lui céder la place ; car, pour ces poètes déclassés, la critique est comme une lucarne qu’on leur ouvre, et il leur est difficile, quand la chose les intéresse un peu vivement, de ne pas passer la tête à la fenêtre pour dire : Me voici ! […] D’ailleurs, on n’est pas plus ouvert que lui à tous les genres, ni plus sensible à toutes les natures de talents. […] La fête de la nature autour d’une tombe qui s’ouvre a aussi sa philosophie vraie : c’est celle du poète qui sait qu’il chante sous la feuillée comme l’oiseau et qu’il n’a à lui que quelques printemps.

118. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

« Je suis un peu embarrassée », dit Mme Roland lorsqu’elle en vient à cette histoire, « de ce que j’ai à raconter ici ; car je veux que mon écrit soit chaste, puisque ma personne n’a pas cessé de l’être, et pourtant ce que je dois dire ne l’est pas trop. » Et en finissant ce récit, de tout point fort circonstancié, elle ajoute : « L’impression de ce qui s’était passé demeura si forte chez moi que, même dans l’âge des lumières et de la raison, je ne me le rappelais qu’avec peine ; que je n’en ai jamais ouvert la bouche à une intime amie qui eut toute ma confiance ; que je l’ai constamment tu à mon mari, à qui je ne cèle pas grand’chose, et qu’il m’a fallu faire dans ce moment même autant d’efforts pour l’écrire que Rousseau en fit pour consigner l’histoire de son ruban volé, avec laquelle la mienne n’a pourtant pas de comparaison. » Je sais bien d’autres histoires des Confessions avec lesquelles celle-ci a plus de ressemblance qu’avec le ruban volé, et ce sont les plus laides ; il suffit, je ne les indiquerai pas avec plus de précision. […] À la fin des Mémoires particuliers qui traitent de son enfance et de sa jeunesse, antérieurement à la vie publique, Mme Roland, dans une apostrophe ardente, s’écriait : Nature, ouvre ton sein ! […] Or Rose avait jugé à propos de ne laisser que le premier hémistiche, la moitié du cri et du vœu exprimé : Nature, ouvre ton sein ! […] Je vais t’y attendre et m’y reposer ; reste encore ici-bas, s’il est un asile ouvert à l’honnêteté ; demeure pour accuser l’injustice qui t’a proscrit.

119. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

On sait comment s’ouvrit la querelle des anciens et des modernes, qui se greffa sur les discussions auxquelles donnèrent lieu les épopées chrétiennes, et sur celles aussi qui s’engagèrent à l’occasion de l’inscription d’un arc de triomphe en l’honneur du roi, et firent mettre en parallèle les avantages et la beauté du latin et du français. […] Perrault était l’homme de confiance de Colbert, auprès de qui il avait remplacé Chapelain : esprit ouvert, inventif, un peu trop assuré et présomptueux, comme sont souvent les gens qui se sont formés eux-mêmes, incapable de douter de son savoir, comme de se douter de ses ignorances, ayant plutôt la curiosité d’un amateur et l’intelligence d’un directeur des beaux-arts que les dons d’un écrivain ou d’un critique, faisant une forte cabale avec ses deux frères, le receveur des finances et le médecin, fort appliqués comme lui aux sciences et aux arts, et fort répandus aussi dans le monde. […] En somme, il y a six causes, décidément, qui les font inférieurs aux modernes : nous avons pour nous le temps, une psychologie plus exacte, une meilleure méthode de raisonnement, l’imprimerie, le christianisme, qui ouvre une voie nouvelle à l’éloquence, et enfin la protection de Louis XIV. […] Quand Boileau eut mis les genres en relation avec les langues, il s’arrêta : là, en effet, il était sur le seuil même de la littérature ; la philologie, l’histoire, s’ouvraient devant lui.

120. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il était l’un des trois accusés qui avaient essayé d’anticiper sur les promesses de la Charte de 1830, et qui avaient ouvert une école à leurs risques et périls, sans se soumettre aux décrets universitaires en vigueur. […] Enfin, la bienveillance de l’archevêque de Paris, M. de Quélen, qui eut le mérite, par un discernement honorable du cœur plus encore que de l’esprit, d’apprécier en lui le talent et la candeur dans le talent, ouvrit à M.  […] Il reprenait aussi le sien ; mais la lampe infidèle, éteinte avant le jour, ne tardait pas à lui manquer de nouveau ; alors il s’approchait du four ouvert et enflammé, et continuait, à ce rude soleil, la lecture de Tite-Live ou de César. […] Je n’ai réussi que bien imparfaitement à rendre cette physionomie singulière, originale, attrayante, si peu gallicane et si française, qui plaît jusque dans ses hasards, où le naturel se dégage en jets heureux de quelques bizarreries de goût, où l’audace ne compromet pas de réelles beautés ; cet orateur au vêtement blanc, à l’air jeune, à la parole vibrante, aux prunelles de feu, et dont les lèvres, faites pour s’ouvrir et laisser courir la parole, expriment à la fois l’ardeur et la bonté.

121. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Ouvrez l’atlas, comptez ces deux cent cinquante mille Maronites, peuple innocent, religieux, cultivateur, guerrier ; groupés autour de leurs moines laboureurs, sous la protection ottomane, dans leurs milliers de couvents, de villages, de cavernes, autour de leurs cénobites, le croissant y a toujours respecté la croix, malgré les calomnies insignes et intéressées de quelques agitateurs européens, qui prêchent la guerre à ces chrétiens de la paix. […] Ouvrez l’atlas, voyez cette magnifique péninsule, s’avançant avec ses archipels entre deux mers, avec ses ports, ses commerces, ses navires, ses capitales maritimes, Gênes, Venise, la Spezia, Ancône, Naples, Messine, Palerme, Syracuse ; sa magnifique frontière tyrolienne, alpestre, apennine, navale, indispensable par son indépendance à votre sécurité. […] Ouvrez cet atlas et réfléchissez ; il est temps encore de réfléchir.

122. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

J’ouvris les lèvres et je mangeai le livre. […] Ouvrez la première statistique venue. […] 1830 a ouvert un débat, littéraire à la surface, social et humain au fond.

123. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

ce n’est pas uniquement la peur de cet œil qui ne dort jamais, — qui s’ouvre au plafond entre deux lustres, — qui s’ouvre au parquet entre les deux roses d’un tapis, — et l’ombre menaçante de cette main retrouvée sur tous les murs et qui peut les saisir dans leur alcôve la mieux fermée, et les jeter, en deux temps, aux traîneaux fuyants de l’exil, qui empêchent les Russes de préparer leur histoire future en écrivant des Mémoires, — ces mines d’où l’Histoire doit sortir ! […] il n’en restait pas moins le seul ouvrage où l’histoire de la Russie, de ce pays ouvert aux voyageurs, mais fermé à la pensée, cette histoire qui ne s’écrit pas, avait été devinée, saisie au vol, et rapportée parmi nous sous la forme la plus individuellement éloquente.

124. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Cependant quelques esprits dont c’est la forme favorite et la propension intérieure n’ont pas cessé d’écrire des réflexions morales, des pensées : nous autres critiques, à qui l’on s’ouvre volontiers de ses désirs ou de son faible, et qu’on traite confidentiellement comme des directeurs ou des médecins, nous recevons beaucoup de livres dont le public n’est pas informé, et qui nous montrent que la série des principaux genres a sa raison dans le jeu naturel et dans le cadre permanent des facultés. […] … Le seul livre que j’aie constamment médité est celui qui est ouvert à tous, c’est-à-dire l’homme agissant sous les influences qui le dominent sans cesse, ses intérêts et ses passions ; et si quelquefois j’ai jeté un coup d’œil rapide sur La Bruyère et sur La Rochefoucauld, je ne l’ai fait que pour être certain de ne pas laisser de simples réminiscences se glisser parmi mes propres observations. » De cette manière de composer il est résulté quelquefois, en effet, que le lecteur, familier avec les écrits soit de Sénèque, soit de La Rochefoucauld et de La Bruyère, soit de Massillon, de Montesquieu et du comte de Maistre, sent se réveiller en lui des traces de pensées connues, en lisant tel passage de M. de Latena.

125. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Il a compris que l’office et le bienfait de la littérature consistent surtout à ouvrir au public des trésors cachés et à faire entrer dans le domaine de tous ce qui était auparavant l’exclusive propriété de quelques spécialistes volontiers jaloux. […] Ainsi qu’une sonate plusieurs fois entendue, ils s’ouvrent soudain à la compréhension.

126. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Mais, après avoir terminé ce premier travail, je voulus franchir les limites où il m’avait contraint de me renfermer ; je m’engageai alors librement dans les curieuses perspectives que j’avais vues s’ouvrira mes yeux, et j’essayai d’y pénétrer le plus avant qu’il me fut possible. […] Francisque, qui a ouvert à mes recherches la riche collection théâtrale qu’il a formée, et dont il reste le zélé conservateur, depuis qu’elle appartient à la Société des Auteurs dramatiques ; j’ai trouvé dans cette collection, créée avec une intelligence et une persévérance si remarquables, des ouvrages que j’avais demandés vainement aux plus grandes bibliothèques de Paris.

127. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Il est si doux, quand les fenêtres se ferment d’un côté, de les voir s’ouvrir de l’autre ! […] Regardez comme une lâcheté de trahir la femme qui vous a ouvert pour un moment le paradis de l’idéal ; tenez pour le plus grand des crimes de vous exposer aux malédictions futures d’un être qui vous devrait la vie et qui, par votre faute peut-être, serait voué au mal.

128. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Peut-être la Nation, revenue de son premier enthousiasme, verra-t-elle tout-à-coup s’élever au milieu d’elle un nouvel Aristophane ou un nouveau Lucien, qui achevera de lui ouvrir les yeux, & de la guérir d’une contagion, dont les effets ont passé rapidement du burlesque au tragique. […] Par ce moyen, il foudroie l’amour-propre des Ecrivains arbitraires, & ouvre une carriere sûre aux vrais talens*.

129. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Ouvrir son livre sur Henri Estienne, comme nous le faisons aujourd’hui, c’est se placer en plein xvie  siècle. […] Henri Estienne et sa famille y occupent la place qui leur est due, et Didot a même poussé le soin du biographe jusqu’à joindre à la notice consacrée à ces célèbres imprimeurs un curieux tableau généalogique de leur race, originaire de Provence, lequel tableau s’ouvre, en 1270, à Pierre Estienne, premier du nom, seigneur de Lambesc, et se ferme, en 1806, à Paul II Étienne, directeur des presses mécaniques chez l’auteur de récrit que nous annonçons.

130. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

À Trente, l’Église ouvrit les bras aussi grands que possible. Elle ne les a pas refermés, mais elle se fût brisée elle-même si elle avait voulu les ouvrir davantage.

131. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Le monde naturel, visible, si vivant et si riche en ces belles contrées, s’ouvrait à lui dans ses secrets, comme le monde de l’espace et des nombres. […] Vers ce même temps, par une coïncidence heureuse, un Corpus pœtarum latinorum, ouvert au hasard, lui offrit quelques vers d’Horace dont l’harmonie, dans sa douleur, le transporta, et lui révéla la muse latine. […] Samedi, 17. — Je les portai, et je commençai à ouvrir mon cœur. […] Ampère, moins retenu et plus ouvert dans sa métaphysique, alla et dériva au flot de l’idée. […] Pour ceux qui l’abordaient, c’était un puits ouvert.

132. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Milet, Samos, Elée, habitantes des plages, Vos poètes sont purs comme l’onde, et vos sages Comme elle sont profonds, et leur témérité Ouvrit sur l’inconnu de lumineux passages. […] L’être lui-même n’est-il, tout entier, qu’un regard lent à s’ébaucher, lent à s’ouvrir à la lumière, à la vraie lumière, celle qui, gagnant de proche en proche, imprégnerait de sa clarté tout ce qu’il y a d’aveugle, et pénétrerait toute nuit, à l’infini ? […] Le livre des Blasphèmes s’ouvre par un premier sonnet intitulé : Tes père et mère. […] Richepin, en croyant « aller plus loin que ses devanciers dans le matérialisme », ouvre au contraire la porte à l’idéalisme ; car, si c’est l’habitude qui a tout fait, et si l’habitude n’est pas un résultat de lois mécaniques, elle ne peut plus être qu’un fait vital, une réaction de l’appétit, et il ne sera pas difficile de montrer dans l’appétit le fond même de la vie psychique. […] Car j’ai forgé les clous, emmanché le marteau, En haut du bois infâme accroché l’écriteau ; Car j’ai fourbi le fer de lance qui te navre ; Car j’ai dressé la croix où pendra ton cadavre ; Car c’est pour t’y clouer que je t’ouvre mes bras !

133. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Elle ouvre les doigts et laisse tomber la pièce à terre, et, le regardant d’un air sombre : « Je ne veux pas de votre argent !  […] Victor Hugo, au contraire, n’a eu besoin que de son âme, d’ouvrir les yeux autour de lui, au milieu de nous, de décrire une maison déserte et un jardinet inculte dans un de nos faubourgs les plus reculés, et d’y placer deux êtres qui se sont entrevus, deux innocents, deux sauvages de la grande ville, Cosette et Marius ; et, avec ces simples personnages, il a fait, en racontant leurs entrevues et leurs entretiens, le plus ravissant tableau d’amour qu’il ait jamais écrit. […] Ce logis communiquait, par derrière, par une porte masquée et ouvrant à secret, avec un long couloir étroit, pavé, sinueux, à ciel ouvert, bordé de deux hautes murailles, lequel, caché avec un art prodigieux et comme perdu entre les clôtures des jardins et les cultures dont il suivait tous les angles et tous les détours, allait aboutir à une autre porte également à secret, qui s’ouvrait à un demi-quart de lieue de là, presque dans un autre quartier, à l’extrémité solitaire de la rue de Babylone. […] Comment se fait-il que l’oiseau chante, que la neige fonde, que la rose s’ouvre, que mai s’épanouisse, que l’aube blanchisse derrière les arbres noirs au sommet frissonnant des collines ?

134. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Une porte derrière laquelle on entend, pendant plusieurs secondes, des pas avant qu’elle ne s’ouvre. […] Madame descend au rez-de-chaussée et tente d’ouvrir une fenêtre. […] Impossible d’ouvrir. […] Elle ouvre. […] Une porte s’ouvre, et un homme paraît, à la grosse tête carrée, aux gros traits, aux grosses moustaches, à la forte figure des portraits de Frédéric Soulié ; il est en robe de chambre de velours noir, aux grandes manches pendantes d’astrologue.

135. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Quand nous fûmes arrivés, il fit ouvrir la maison par son domestique, pour me la montrer17. […] Goethe ouvrit la porte de la pièce inférieure d’un petit pavillon, dans laquelle je vis, aux murs et sur des tables, des curiosités de toute espèce. […] Diderot et des esprits analogues au sien ont déjà, avant la révolution, cherché à ouvrir cette voie. […] Goethe me fit ouvrir toutes les pièces, et me montra la chambre, à l’angle du premier étage, que Schiller avait habitée quelque temps. […] Elle avait toujours le bec plein d’œufs de fourmis, courant à tous les coins de la vaste cage, toujours présente là où s’ouvrait un gosier affamé.

136. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Chacun des nombreux serviteurs du château allait de soi-même à ses fonctions, comme les troupeaux à qui l’on ouvre l’étable vont d’eux-mêmes, ceux-ci au joug, ceux-ci aux chars, ceux-ci aux pâturages. […] Ouvrez la maison, vous ouvrez le cœur de l’homme ! […] Nous fûmes donc agréablement surpris quand elle ouvrit tout à coup le mystérieux volume, et quand elle nous dit, avec un sourire de bonne promesse : « Je vais vous lire aujourd’hui, et bien des jours de suite, une longue et belle histoire, la plus longue et la plus belle que je connaisse après les histoires de la Bible. Elle vous apprendra bien des choses sur les hommes et sur les pays d’autrefois. » Elle ouvrit alors le gros volume, dont les marges, rongées par les rats, laissaient bien des vides sur le bord des pages : c’était la traduction de l’Odyssée d’Homère par madame Dacier. […] Elle ouvre les portes de sa chambre solidement bâtie.

137. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Huet, son compatriote de Caen et son ami, eût bien voulu le ramener dans le giron de l’Église ; il se flattait d’y parvenir, et espérait par là s’ouvrir un champ plus commode pour lui rendre service en cour et pour utiliser ses talents. […] Mme Dacier nous a peint son père, bel homme, quoique d’une taille peu dégagée, blond, avec des yeux d’un bleu remarquable ; extrêmement bon, mais un peu brusque ; vif, plein de feu dans le moment, sans rancune, et bien qu’ayant rompu presque tout commerce avec le monde, toujours ouvert et tendre à l’amitié : Quoiqu’il fût, dit-elle, dans un des plus beaux pays du royaume, où l’on peut se promener le plus agréablement, il ne se promenait presque jamais ; son étude, ses enfants et un jardin, où il avait toutes sortes de belles fleurs qu’il prenait plaisir à cultiver lui-même, étaient son divertissement ordinaire. […] Donnez-vous la peine d’y faire une réflexion sérieuse, et priez Dieu qu’il ouvre un jour vos yeux et votre cœur à la vérité. » Cependant Mlle Le Fèvre publia, en 1681, les Poésies d’Anacréon et de Sapho, traduites du grec en français. L’ouvrage eut du succès, et ouvrit la nouvelle carrière où l’auteur devait rendre tant de services qu’il y aurait de l’ingratitude à méconnaître.

138. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Né dans cette cité dont le nom ne se sépare plus du sien, en septembre 1762, fils d’un procureur au bailliage, destiné d’abord à l’état ecclésiastique (comme on le verra), puis changeant de robe, avocat plaidant et bientôt estimé des anciens, il avait vingt-cinq ans à l’époque où s’ouvrait l’Assemblée des Notables : il reçut vivement, lui et ses frères, le souffle embrasé qui traversait l’air à ce moment. […] Après trois jours passés fort agréablement dans cette résidence, je voulais partir avec la société ; mais dom Colignon m’engagea à rester, m’offrant de me reconduire le lundi d’après à Thionville… Je restai donc seul avec lui. » C’est alors que cet homme de bonne compagnie, mais si peu prêtre, s’ouvre à lui et, dans des conversations amicales, l’initie et l’endoctrine. […] Une fois, sortant de l’église au petit jour, à la file des chartreux, avec dom Ignace qui reconduisait chez moi sans mot dire, je remarquai que le mur en pierre de taille sur lequel s’ouvraient les cellules était usé d’une manière sensible à la hauteur des bras, et que les dalles du pavé étaient creusées uniformément comme les chemins battus par les bœufs ; j’arrêtai dom Ignace et lui demandai si ces traces n’étaient pas l’effet du passage quotidien des religieux : par un simple mouvement de tête, il me répondit affirmativement. […] » Mais la vue de la récréation aux jours de fête, avec la division tranchée des trois groupes, est d’une belle observation morale et d’un effet lugubre, qui termine bien cette suite de tableaux : « Ces jours-là, après les grâces dites à l’église, les chartreux se promenaient dans le grand jardin, en formant trois groupes séparés : les vieillards excluaient leurs confrères au-dessous de quarante ans, et ceux-ci les confrères au-dessous de trente ; les jeunes erraient pour la plupart seuls, craignant de se communiquer leurs tristes et douloureuses pensées ; la tète baissée, ils regardaient la terre et me semblaient lui demander de se hâter de s’ouvrir pour eux.

139. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

La proposition des députés suisses fut faite dans une assemblée générale convoquée au Chiabas le 23 mars ; la séance s’ouvrit par une prière que prononça le pasteur Arnaud ; retenez ce nom, déjà porté avec tant d’honneur en France depuis plus de quarante ans par un illustre persécuté : ici, dans les vallées, cet Arnaud n’est pas seulement un théologien, c’est un homme pratique, un grand caractère en action ; né dans le Dauphiné et d’abord pasteur français, il était devenu pasteur Vaudois, et de pasteur il devint capitaine quand il le fallut, et plus tard, comme Josué, conducteur de peuple. Il ouvrit donc la séance par une fervente prière. […] Enfin le masque tomba, l’épée sortit du fourreau ; les hostilités s’ouvrirent le 4 juin 1690. […] Parmi les modernes qui ont ouvert ou rouvert la carrière, l’un des premiers, le premier peut-être en date chez nous, est Feuquières, l’un des généraux qui, précisément, servirent sous Catinat.

140. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Théophile Foisset (l’historien du président de Brosses), surtout par Charles Brugnot, poëte d’une vraie valeur, enlevé bien prématurément lui-même en septembre 1831, ouvrit durant quelques mois ses colonnes aux essais du jeune Bertrand164. […] Doué de haut caprice plutôt qu’épanché en tendresse, au lieu d’ouvrir sa veine, il distillait de rares stances dont la couleur ensuite l’inquiétait. […] Un moment, la Révolution de Juillet parut couper court à son anxiété, et ouvrir une carrière à ses sentiments moins contraints ; il l’avait accueillie avec transport, et nous le retrouvons à Dijon, durant les deux années qui suivent, prenant, à côté de son ami Brugnot et même après sa mort, une part active et, pour tout dire, ardente, au Patriote de la Côte-d’Or. […] Et quand le maître, quelques temps après, ouvrit le coffre, il le trouva vivant et tout entouré des suaves rayons.

141. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Le monde des métaux, fondu par le feu, lui ouvre un arsenal avec un trésor. […] Il n’avait que quatre yeux tout à l’heure, « pour regarder ceux qui le nourrissaient » ; il en ouvre mille maintenant, « pour tout voir et tout protéger ». […] Ses yeux s’ouvrirent au jour comme des fleurs écloses, la voix chanta sur ses lèvres comme un oiseau matinal. […] Le mystère attire la femme : ouvrir les clôtures, écarter les voiles, briser et divulguer les secrets, c’est l’instinct natif de son âme, l’irrésistible titillation de ses doigts.

142. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Entreprendre la guérison des plaies sociales, amender les codes, dénoncer la loi au droit, prononcer ces hideux mots, bagne, argousin, galérien, fille publique, contrôler les registres d’inscription de la police, rétrécir les dispensaires, sonder le salaire et le chômage, goûter le pain noir du pauvre, chercher du travail à l’ouvrière, confronter aux oisifs du lorgnon les paresseux du haillon, jeter bas la cloison de l’ignorance, faire ouvrir des écoles, montrer à lire aux petits enfants, attaquer la honte, l’infamie, la faute, le vice, le crime, l’inconscience, prêcher la multiplication des abécédaires, proclamer l’égalité du soleil, améliorer la nutrition des intelligences et des cœurs, donner à boire et à manger, réclamer des solutions pour les problèmes et des souliers pour les pieds nus, ce n’est pas l’affaire de l’azur. […] Ouvrez Samuel, chapitre VIII. […] Les vieux donjons pleins de carnage ouvrent leurs yeux fauves et flairent l’obscurité ; l’inquiétude les prend. […] Amnistie, clémence, grandeur d’âme, une ère de félicité s’ouvre, on est paternel, voyez tout ce qui est déjà fait ; il ne faut point croire qu’on ne marche pas avec son siècle, les bras augustes sont ouverts, rattachez-vous à l’empire ; la Moscovie est bonne, regardez comme les serfs sont heureux, les ruisseaux vont être de lait, prospérité, liberté, vos princes gémissent comme vous sur le passé, ils sont excellents ; venez, ne craignez rien, petits, petits !

143. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

M. de Lamartine a su en dégager ce qu’elle avait de trop sec, de trop étouffant, et s’y ouvrir encore çà et là des horizons et des perspectives. […] Mais c’est quand M. de Lamartine, au terme de son discours, est venu à jeter un regard en arrière et autour de lui, quand il a porté sur le xviiie  siècle un jugement impartial et sévère, quand il s’est félicité de la régénération religieuse, politique et poétique de nos jours, qu’il appelle encore une époque de transition, et qu’il s’est écrié prophétiquement : « Heureux ceux qui viennent après nous ; car le siècle sera beau » ; — c’est alors que l’émotion et l’enthousiasme ont redoublé : « Le fleuve a franchi sa cataracte, a-t-il dit ; plus profond et plus large, il poursuit désormais son cours dans un lit tracé ; et, s’il est troublé encore, ce ne peut être que de son propre limon. » Puis il a insinué à l’Académie de ne pas se roidir contre ce mouvement du dehors, d’ouvrir la porte à toutes les illustrations véritables, sans acception de système, et de ne laisser aucun génie sur le seuil.

144. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Il suffit d’ouvrir le livre de La Bruyère pour rencontrer à chaque page l’antithèse dans sa pure et forte brièveté. […] L’honneur leur appartient d’avoir ouvert la porte À quiconque osera d’une âme belle et forte Pour vivre dans le ciel en la terre mourir.

145. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

Lors de mes quinze ans, lorsque je dînais à côté de lui, il m’entretenait d’orgies qui me faisaient ouvrir de grands yeux. […] — Mais, Messieurs, nous dit assez brutalement la femme qui nous ouvre la porte, vous savez bien qu’on ne dérange pas M. 

146. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Bacchus, s’il s’en absentait un instant pour venir visiter ses premiers fidèles, devait éprouver le sentiment du pâtre arabe devenu vizir, lorsque, vêtu d’un caftan de soie et l’aigrette au front, il ouvrait la cassette où il avait renfermé son savon de poil et son chalumeau. […] Les chevilles des avirons se parent de couronnes, la carène s’ouvre comme la bonde d’une tonne et vomit un vin pourpré qui rougit les ondes. […] Un nouveau monde s’ouvre devant Bacchus, il entre dans l’Inde, et l’imagination grecque mêlant plus tard l’expédition divinisée d’Alexandre à cette conquête fabuleuse, en composera un cycle éblouissant. […] Telle de ses sapes serpente jusqu’à Babylone, telle autre s’ouvre dans les hypogées de Memphis. […] On arrête la prêtresse des « Bacchanales », la torture la fait parler ; un cloaque sanglant s’ouvre au milieu de Rome terrifiée.

147. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Jeanne ferma la porte, puis alla ouvrir toutes grandes les deux fenêtres. […] » Paul a dû finir par ouvrir. […] Sa main ouvrit brusquement la porte. […] Les roses pour s’ouvrir attendent que tu passes. […] La fenêtre de cette chambre s’ouvrait sur une cour plantée de quelques arbres.

148. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Après tous les témoignages rassemblés par Le Dieu, il n’y a plus moyen d’en douter, le caractère ordinaire des discours de Bossuet, tels qu’il les faisait avec une grande abondance de cœur et une appropriation vive de chaque parole à son auditoire, c’était d’être touchants, d’ouvrir les cœurs de tous comme il y ouvrait le sien, de faire couler les larmes, de persuader enfin, grand but de l’orateur. « Comment faites-vous donc, monseigneur, pour vous rendre si touchant ? […] Un jour, dans le carême de 1687, à Meaux, prêt à aller à l’église de Saint-Saintin expliquer le Décalogue, je le, vis, dit Le Dieu, M. l’abbé Fleury présent, prendre sa Bible pour s’y préparer, et lire à genoux, tête nue, les chapitres xix et xx de l’Exode ; s’imprimer dans la mémoire les éclairs et les tonnerres, le son redoublé de la trompette, la montagne fumante et toute la terreur qui l’environnait, en présence de la majesté divine ; humilié profondément, commençant par trembler lui-même afin de mieux imprimer la terreur dans les cœurs et enfin y ouvrir les voies à l’amour.

149. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Un jour, dans le cabinet de son père, qui venait de temps en temps à Dijon, le jeune Bossuet ouvre une Bible latine ; il en reçoit une impression profonde. […] Bossuet, ai-je dit ailleurs, c’est le génie hébreu, étendu, fécondé par le christianisme et ouvert à toutes les acquisitions de l’intelligence, à toutes celles du moins que le catholicisme gallican enferme et consacre, mais retenant quelque chose aussi de l’interdiction antique et souveraine, qui sent le commerce direct avec Jéhovah. […] — Le tome VIII, qui ouvre la série des Sermons, était seul alors en vente.

150. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

À peine eus-je ouvert le livre et laissé mon cœur à sa merci, que les larmes me vinrent aux yeux avec une abondance qui ne m’était pas ordinaire, et, rappelant mes souvenirs sous le charme de cette émotion, je compris que je n’étais plus le même homme et que, loin d’avoir perdu de ma tendresse littéraire, elle avait gagné en profondeur et en vivacité. […] Les Martyrs, qui n’avaient parlé qu’à mon imagination et à mon goût de jeune homme, leur parlaient encore sans doute, mais ils trouvaient dans ma foi un second abîme ouvert à côté de l’autre, et c’était le mélange de deux mondes, le divin et l’humain, qui, tombant à la fois dans mon âme, l’avait saisie sous l’étreinte d’une double éloquence, celle de l’homme et celle de Dieu82. […] J’avais dix-sept à dix-huit ans quand je lisais cette suite de débauches d’esprit, et jamais depuis je n’ai eu la tentation d’en ouvrir un seul volume ; non par crainte, il est vrai, qu’ils me fissent du mal, mais par le sentiment profond de leur indignité.

151. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Ce fils d’un petit coutelier de Langres n’a jamais été du monde : il a étalé dans les salons que sa renommée lui ouvrait, des façons débraillées, vulgaires ; mais de toutes les convenances mondaines, s’il y en a une qu’il a bien foulée aux pieds, c’est celle qui bride la langue. […] C’est alors que le génie prend sa lampe et l’allume, et que l’oiseau solitaire, sauvage, inapprivoisable, brun et triste de plumage, ouvre son gosier, commence son chant, fait retentir le bocage et rompt mélodieusement le silence et les ténèbres de la nuit542. » Ne voilà-t-il pas déjà du Chateaubriand ? […] Au public enfermé jusqu’ici dans le goût littéraire, il ouvre des fenêtres sur l’art ; à travers toutes ses expansions sentimentales et ses dissertations de penseur, il fait l’éducation des sens de ses lecteurs ; il leur apprend à voir et à jouir, à saisir la vérité d’une attitude, la délicatesse d’un ton.

152. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Ouvre les yeux, examine & choisis ton fort. […] Satisfaire quelques besoins, comparer avec peine deux objets, voilà où se réduisent leur desir & leur curiosité : mais l’homme de génie ouvre à peine les yeux, qu’il reçoit à la fois une idée & un sentiment. […] Que vois-je sur ce vaisseau malheureux, ouvert de toutes parts aux coups de la tempête, qui se précipite dans cette mer profonde ?

153. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

En l’an 1576, au moment où allaient s’ouvrir les États généraux de Blois, quatre ans après la Saint-Barthélemy, Henri III, qui appréhendait la réunion de cette grande assemblée, n’imagina rien de mieux, soit pour l’adoucir, soit pour la distraire, que de mander d’Italie la plus fameuse troupe d’acteurs de la commedia dell’arte qu’il y eût alors : les Gelosi (Jaloux de plaire), à la tête desquels venait de se mettre un homme distingué par sa naissance et par ses talents, Flaminio Scala, dit Flavio au théâtre. […] Les États avaient été convoqués pour le 15 novembre 1576 ; ils n’ouvrirent leurs séances que le 6 décembre. […] Je pris de la main gauche le trésorier et m’en servis comme d’un bouclier ; et, tirant Durandal du fourreau, je la dirigeai vers le roi qui s’avançait pour me frapper ; d’un coup, je fendis le pavé, j’ouvris la terre jusqu’aux abîmes où Neptune fut frappé de stupeur.

154. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

À aucun moment, en effet, la règle n’intervient dans cette éducation abandonnée à la pure tendresse : Mon éducation était toute dans les yeux plus ou moins sereins et dans le sourire plus ou moins ouvert de ma mère… Elle ne me demandait que d’être vrai et bon. […] Mais ce jeune esprit ouvert à tout, amoureux de tout, repousse un seul livre parmi ceux qu’on lui met entre les mains ; il a d’instinct une aversion. […] Les cœurs s’ouvrent sans défiance, ils se soudent tout de suite… » Est-ce Bernardin de Saint-Pierre encore qui dans cette scène, jolie d’ailleurs, où Graziella, pour mieux plaire à celui qu’elle aime, essaie de revêtir la robe trop étroite d’une élégante de Paris, est-ce lui qui viendrait nous dire, après les détails sans nombre d’une description toute physique : « Ses pieds, accoutumés à être nus ou à s’emboîter dans de larges babouches grecques, tordaient le satin des souliers… » Ce défaut, dont je ne fais que toucher quelques traits, est presque continuel désormais chez M. de Lamartine ; il se dessine et reparaît à travers les meilleurs endroits.

155. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

aucune peut-être n’a parlé avec tant de naïve impudeur des mystères de la femme : elle nous ouvre les portes secrètes du gynécée. […] La poétesse ne s’élance pas vers la nature, elle s’ouvre à elle, avec le désir d’être violentée par son mystère. […] — Ouvre-moi tes lèvres avec rage : J’en boirai lentement le fiel et le poison. […] …………… Ouvrez-moi lentement votre alphabet fermé, Que je vous lise, immense écriture du monde ! […] Et cette nouvelle suggestion d’une lecture, cette hantise s’imposera à son pauvre cœur, ouvert à tous les vents ; elle essayera de le créer, son Faust, et le premier savant qu’elle rencontrera… Ce devait être Philippe Forbier.

156. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Schiller, quoique étranger au professorat et à l’histoire, ouvrit son cours en 1789 avec un succès qui prouvait son aptitude universelle. […] Les yeux alors voient le ciel ouvert, le cœur nage dans la félicité. […] Ouvrez les conduits, et que Dieu garde l’édifice. […] La terre est couverte d’un voile sombre ; mais la nuit, qui tient éveillé le méchant, n’effraye pas le paisible bourgeois ; car l’œil de la justice est ouvert. […] Quand j’arrivais à la porte du chapitre, je regardais à travers le trou de la serrure jusqu’à ce qu’on m’eût ouvert.

157. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Ouvrez Démosthène, Cicéron, Chatham, Mirabeau, Vergniaud : partout où ces orateurs sont sublimes, ils sont poètes ; ce qu’on retient à jamais de leur éloquence, ce sont des images et des passions dignes d’être chantées et perpétuées par des vers. […] Il ouvrait ainsi son âme par tous les pores à la science, à la sagesse, à l’inspiration, à l’éloquence. […] Il ouvrit cette maison à toute heure à la foule des clients ou des plaideurs qui assiègeaient à Rome le seuil des hommes publics. […] … Mais, avant peu, ou l’Épire m’ouvrira le chemin du retour dans ma patrie, ou je m’ouvrirai à moi-même le chemin de la vraie délivrance ! […] Il avoua à ses affranchis que, lassé d’incertitude et de fuite, il avait résolu un moment de rentrer à Rome, et d’aller s’ouvrir lui-même les veines sur le seuil d’Octave, afin de se venger du moins, en mourant, d’une ingratitude écrite en caractères de sang sur le nom de ce parricide, et d’attacher à ses pas, avec la mémoire de son crime, une furie qui ne le laissât reposer jamais !

158. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Huit jours après avoir publié ce volume, qui devait lui ouvrir les portes de l’Académie française, but mondain de sa vie d’étude, il n’était plus. […] Je montai un petit escalier de bois qui ouvrait sur une antichambre propre, bien éclairée d’un beau rayon ; j’appelai, le silence me répondit ; j’entrai dans un petit salon très rangé aussi, mais presque sans meubles ; j’appelai encore, silence aussi profond ; enfin, une voix creuse, sépulcrale, venant de loin, me cria de la chambre voisine : « Entrez, je ne puis ouvrir !  […] J’oubliais de vous dire qu’un gros livre in-quarto à deux colonnes était ouvert sur sa table, et qu’un chapelet grossier, dont les grains luisants témoignaient qu’ils avaient glissé longtemps dans les doigts (celui de sa mère), était négligemment jeté sur les pages. […]         Tous les matins à son réveil, Esclave de son cœur, mais libre de ses ailes, Les ouvre comme deux éventails de dentelle         Et les étend à son soleil. […] … Ce sont des solitaires de la littérature, des ermites du génie, des cénobites de la poésie ; vivant sur les hauteurs, et ne fréquentant que les sommets où ils conversent à voix basse et à cœur ouvert avec les esprits intimes de la terre.

159. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Trois pierres lèvent leurs têtes grisâtres au-dessous d’un chêne courbé par les vents : sous ces pierres repose un chef ; ouvre à son âme le séjour des vents, ouvre-lui son palais aérien ; c’est le frère de Cathmor : que tes chants montent vers son ombre et la comblent de joie ! […] Ouvrez vos palais aériens, pères du puissant Toscar. Ouvrez leurs portes de nuages, Malvina est prête à vous rejoindre. […] Le vent du nord ouvre tes portes, ô Fingal ; je te vois assis sur les vapeurs au milieu du faible éclat de tes armes. […] Les ombres de Morven ouvriront leurs salles à la jeune étrangère, lorsqu’elles te verront approcher.

160. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Je pourrais ouvrir un cours de feuilleton en vingt-cinq leçons ! […] Ça en est venu à un tel point que nombre de magasins ouvrent des crédits à leur clientes, qui ne payent plus que l’intérêt de leurs achats. […] » Aussitôt s’ouvre une grande et bruyante discussion sur les métaphores. […] Là je vivrais dans des idées d’or, le cœur réchauffé, l’esprit ensoleillé, dans une grande paix doucement chantante… C’est étrange comme, à mesure qu’on vieillit, le soleil vous devient cher et nécessaire, et l’on meurt en faisant ouvrir la fenêtre, pour qu’il vous ferme les yeux. […] Dès que la soupe lui a ouvert la bouche, le dernier roman de La Patrie en découle, sans arrêt, sans suite au prochain numéro, à pleins bords.

161. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

De chaque monument qu’ouvre le soc de Rome, On croit voir s’exhaler les mânes d’un grand homme ! […] Le malheur pour toi seule a doublé le respect ; Tout cœur s’ouvre à ton nom, tout œil à ton aspect ! […] Or, dans le livre personnel l’homme ouvre son cœur, il n’ouvre que son esprit dans ses autres œuvres ; il ne donne ainsi que la moitié de lui-même. […] Ce qu’on appelle palais dans cette langue qui grandit tout ce qu’elle prononce, n’était qu’une petite maison sans cour ni jardin, composée d’un rez-de-chaussée et d’un demi-étage, dont la façade, sans aucune architecture, ouvrait par quelques fenêtres basses et closes sur le quai étroit de l’Arno. […] La porte s’ouvrit, et je me trouvai tout balbutiant en face d’un serviteur vêtu de noir, dans un petit corridor qui conduisait à un escalier tournant.

162. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Ce sera presque toujours ainsi avec lui : il a besoin d’être écouté, et sur la fin on ne l’écoutera pas assez, et lui-même il ne prendra plus guère la peine de s’ouvrir et de s’expliquer. […] Au moment où la campagne de 1693 allait s’ouvrir, le roi fit une promotion de sept maréchaux de France, et Catinat y fut compris. […] Les embarras dont Catinat s’ouvre à son frère sur la manière de répondre aux compliments qui lui pleuvent en foule et de varier le thème selon les rangs et les convenances, font sourire et nous initient aux mœurs de cette digne et honnête bourgeoisie, non gâtée par les honneurs : « Je suis accablé de réponses à faire à tous les compliments dont petits et grands m’honorent. […] Mais, ce qui était pis, Vauban, l’autorité même, Vauban semblait croire que Catinat aurait pu agir autrement et tenir le poste de La Pérouse ; il le disait à qui voulait l’entendre : « Je t’assure, écrivait Catinat à son frère, qu’il n’y a ombre de raison à ce dire, et qu’il aurait de la confusion de l’avoir avancé s’il était sur les lieux et qu’on lui dît de disposer ce poste pour être soutenu contre une armée qui a du canon… Je suis assurément rempli d’un grand fonds d’estime et d’affection pour M. de Vauban ; mais je voudrais bien voir jusqu’où iraient ses lumières et la tranquillité de son esprit, s’il était chargé en chef des affaires de ce pays-ci : je crois qu’il y serait pour le moins aussi fécond en inquiétudes qu’il l’était à Namur, où il était demeuré après la prise. » Catinat d’ailleurs n’en veut point à Vauban, et il trouve, pour l’excuser de ce léger tort à son égard, une belle explication amicale : « M. de Vauban est de mes amis ; sa franchise naturelle l’a surpris et l’a fait parler d’une chose qu’il a pensée et qu’il ne sait point, et avec peu de ménagement pour un homme qu’il aime ou qui est en droit de le croire. » Bien qu’endurci par l’expérience à tous les propos, Catinat était donc en ce moment fort fécond en soucis et des plus travaillés d’esprit ; toutes ses lettres adressées du camp de Fénestrelles à son frère nous ouvrent le fond de son âme : « Personne n’est à l’abri du discours, c’est un mal commun à tous ceux qui sont honorés du commandement : il faudrait que je fusse bien abîmé dans un esprit de présomption pour que je pusse imaginer que cela fût autrement à mon égard.

163. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Plus tard, Diderot et Rousseau, puissances incohérentes, eurent en eux de grandes et belles parties d’inspiration ; ils ouvrent des jours magnifiques sur la nature extérieure et sur l’âme ; mais ils se plaisent aussi à déchaîner les ténèbres. […] Pense avec un religieux transport que toutes ces religions ne cherchent qu’à ouvrir tes organes et tes facultés aux sources de l’admiration dont tu as besoin… Marchons donc ensemble avec vénération dans ces temples nombreux que nous rencontrons à tous les pas, et ne cessons pas un instant de nous croire dans les avenues du Saint des Saints. » N’est-ce pas un prélude des Harmonies qu’on entend ? […] Tes feux intérieurs sont calmés, tu reposes ; Mais ton cœur reste ouvert au vif esprit des choses.  […] Les secondes Méditations ne finissent pas, ne s’accomplissent pas comme les premières ; elles ouvrent un chant nouveau, indéfini, plus serein, plus paisible et lumineux ; elles laissent entrevoir la consolation, l’apaisement dans l’âme du poëte ; mais elles n’apaisent pas le lecteur.

164. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Il ne prétendait pas s’ouvrir de ce côté une autre veine. […] Magnin, sans se révolter ou s’engouer, sans parti pris, mais avec curiosité, ouvrait le livre, le lisait plume en main, l’analysait, citait ce qu’il trouvait de neuf et d’acceptable sans taire ce qui lui semblait un peu fort et outré. […] Dès le lendemain, je crois m’en être ouvert en ce sens avec le plus illustre des chefs d’alors. […] Et puis la place faite, le passage ouvert, les critiques mis en avant ont été laissés là.

165. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Tout commençait à sourire à Fénelon : le cœur de madame de Maintenon semblait lui ouvrir celui de la cour. […] Les conférences s’ouvrirent. […] Quand il devint trop étroit, Fénelon leur ouvrit son séminaire et loua des maisons dans la ville. […] Le service militaire réduit à cinq ans de présence sous les drapeaux ; les pensions aux invalides servies dans leurs familles, pour être dépensées dans leurs villages, au lieu d’être dilapidées dans l’oisiveté et dans la débauche du Palais des Invalides dans la capitale ; Jamais de guerre générale contre toute l’Europe ; Un système d’alliance variant avec les intérêts légitimes de la patrie ; Un état régulier et public des recettes et des dépenses de l’État ; Une assiette fixe et cadastrée des impôts ; Le vote et la répartition de ces subsides par les représentants des provinces ; Des assemblées provinciales ; La suppression de la survivance et de l’hérédité des fonctions ; Les États généraux du royaume convertis en assemblées nationales ; La noblesse dépouillée de tout privilége et de toute autorité féodale, réduite à une illustration consacrée par le titre de la famille ; La justice gratuite et non héréditaire ; La liberté réglée de commerce ; L’encouragement aux manufactures ; Les monts-de-piété, les caisses d’épargne ; Le sol français ouvert de plein droit à tous les étrangers qui voudraient s’y naturaliser ; Les propriétés de l’Église imposées au profit de l’État ; Les évêques et les ministres du culte élus par leurs pairs ou par le peuple ; La liberté des cultes ; L’abstention du pouvoir civil dans la conscience du citoyen, etc.

166. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Il élargit sa curiosité, il ouvrit sa cour, sa faveur, son esprit à Budé, aux graves éruditions, à la grande antiquité. […] Le xvie  siècle s’ouvrît et l’esprit du moyen âge dominait encore : les logiciens méprisaient les grammairiens ; la dispute fut en honneur Jusqu’après 1531 : « on n’entendait parler, dit Ramus, que de suppositions, d’ampliations, de restrictions, d’ascensions, d’exponibles, d’insolubles, et autres chimères pareilles ». […] L’apparente incohérence de l’œuvre de Marguerite se réduit facilement à quelques traits principaux : 1° Elle a ouvert la source du lyrisme, qui est dans l’émotion personnelle ; quelques élans de foi ou d’amour fraternel nous le montrent168. […] De plus, écrivant pour un public d’élite, asservissant son inspiration au goût de ses lecteurs, il ouvre l’ère de la littérature mondaine, il fait prédominer les qualités sociables sur la puissance intime de la personnalité ; avec lui commence le règne — salutaire ou désastreux comme on voudra, ou mêlé de bien et de mal — d’une société polie.

167. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Puis il ouvre les volets au large. […] Il ouvre la porte. […] Démiourge ouvre les yeux et se met sur son séant. […] La porte s’ouvre. […] Les fenêtres s’ouvrent toutes à la fois.

168. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Ouvrir les Chants de la pluie et du soleil, c’est tomber dans une mine où l’on puiserait longtemps sans l’appauvrir. […] Dujardin a ouvert et refermé la porte. […] que douces seront les blessures Dont il ouvrira nos tiges pures ! […] Par eux, par Edmond de Goncourt qui fit la Faustin, se clôt le cycle ouvert par Balzac. […] En même temps qu’ils continuaient une période littéraire, ils en ouvraient une autre, fraternellement avec Gustave Flaubert.

169. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Faugère par son Édition nouvelle, d’autres encore, ont ouvert une controverse à laquelle ont pris part les critiques étrangers les plus compétents : Néander à Berlin, la Revue d’Édimbourg par un remarquable article de janvier 1847277, sont entrés dans la lice : il n’a pas fallu moins que la Révolution de Février pour mettre fin au tournoi. […] Dans un langage fin et serré, grave à la fois et intérieurement ému, l’âme morale ouvrait ses trésors.

170. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Mais il est des natures sobres, réservées, qui ne peuvent pas ouvrir leur intime pensée et qui aiment en silence, toutes concentrées dans leur profondeur : que ceux-là ne se donnent pas une forme de sensibilité qui ne pourrait être en eux qu’un mensonge. […] S’il n’y a pas un homme sur mille qui relise de sa vie, après le baccalauréat, une page de grec ou de latin, combien y en a-t-il même qui, bacheliers ou brevetés, ouvriront un volume de Bossuet, de Corneille on même de Molière pour se divertir ?

171. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

En même temps, les hostilités s’ouvrent contre Sarcey et l’école du bon sens, prélude aux divagations futures. […] Ronsard, qui a déclenché l’évolution parnassienne, va, tout à l’heure, après les excès symbolistes, déclencher la réaction romane ; — Théophile Gautier emporte avec lui la théorie de l’impassibilité dont Heredia sera le dernier représentant ; — Sarah Bernhardt ouvre, pour les poètes qu’elle favorisera, l’ère de la réclame et du brait.

172. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Prenez garde, quelque beau qu’il soit, au livre qui s’ouvre toujours de lui-même à la même page. […] L’intelligence s’est fortifiée, ou, seulement enrichie, et dans Ergaste la clef a été trouvée qui nous ouvre Clitandre.

173. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Esprit essentiellement moderne, sensible, ouvert, trop ouvert, facile à tous les entraînements, depuis les dévergondages d’une générosité sans raison jusqu’à ce fait d’une défection qui n’a épouvanté ni son esprit ni sa conscience, le duc de Raguse a cru qu’en s’y prenant adroitement et de loin il ferait aisément illusion à un temps éclectique en toutes choses, qui aime à se payer de phrases, et pour qui le manque d’étendue est le fond de toute sévérité, fit que disons-nous ?

174. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Ayant perdu des biens considérables, il ouvrit une école et y acquit des richesses immenses ; le fils d’un roi lui paya soixante mille écus un discours ou il prouvait très bien qu’il faut obéir au prince ; mais bientôt après, il en composa un autre, où il prouvait au prince qu’il devait faire le bonheur des sujets. […] D’abord, un des principaux mérites d’Isocrate, était l’harmonie ; on sait combien les Grecs y étaient sensibles ; nés avec une prodigieuse délicatesse d’organes, leur âme s’ouvrait par tous les sens à des impressions vives et rapides ; la mélodie des sons excitait chez eux le même enthousiasme que la vue de la beauté ; la musique faisait partie de leurs institutions politiques et morales ; le courage même et la vertu s’inspiraient par les sons.

175. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

On tarde à m’ouvrir. […] Ce soir, je trouve Daudet préoccupé ; enfin au bout de quelque temps, il s’ouvre, se déboutonne. […] Il s’excuse de n’avoir pas assisté à mon banquet, étant alors au lit, et il me conte qu’on lui a ouvert deux fois le ventre, et quoique l’opération, au dire du chirurgien, ait parfaitement réussi, il attend qu’il soit tout à fait vaillant, pour recommencer. […] Mme Adam raconte encore, que son père n’avait pas voulu qu’on la baptisât, et que sa mère l’avait fait baptiser, dans une promenade, par un curé de sa connaissance, et, comme elle criait beaucoup, le curé avait dû la calmer, en lui disant : « Si tu continues, je vais t’ouvrir la tête et j’y mettrai le sel et l’huile, que voilà !  […] Mais un supplice d’une imagination diabolique, est celui-ci : on endort un homme avec du chloroforme, puis on lui ouvre le ventre, et on le remplit de cailloux, et on le recoud.

176. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Etranger à toutes les préoccupations de calcul et d’intérêt, il dépense sans compter, sans s’apercevoir qu’il ouvre sous ses pas le gouffre de la ruine. […] Si vous ouvrez la biographie que Victor Hugo a écrite de lui-même. […] Mais lui, il a ouvert nos yeux sur des images nouvelles ; il a ouvert nos oreilles à des sonorités nouvelles ; il nous a donné l’habitude d’éprouver certaines sensations délicieuses, et depuis, nous n’avons plus été capables de nous en passer et nous avons demandé d’abord à tous les poètes qui sont venus ensuite de nous en donner l’absorbante volupté. […] Un guichet s’ouvre, et par ce guichet Barberine l’avertit qu’il est prisonnier, et qu’il aura à manger, quand il aura filé, filé de cette quenouille qui est là-bas. […] Vous ouvrez Les Trophées, et qu’est-ce que vous y trouvez ?

177. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

C’est là, sans doute, qu’il se proposait de peindre « toutes les espèces à qui la nature ou les plaisirs (per Veneris res) ont ouvert les portes de la vie. » « Traduire quelque part, se dit-il, le magnum crescendi immissis certamen habenis. » Il revient, en plus d’un endroit, sur ce système naturel des atomes, ou, comme il les appelle, des organes secrets vivants, dont l’infinité constitue L’Océan éternel où bouillonne la vie. […] Un vase corrompu aigrit la plus douce liqueur. » « L’étude du cœur de l’homme est notre plus digne étude : Assis au centre obscur de cette forêt sombre Qui fuit et se partage en des routes sans nombre, Chacune autour de nous s’ouvre : et de toute part Nous y pouvons au loin plonger un long regard. » Belle image que celle du philosophe ainsi dans l’ombre, au carrefour du labyrinthe, comprenant tout, immobile ! […] Pleure, ouvre-lui tes bras et rends-lui son baiser. […] Vos vierges, aujourd’hui riches de pourpre et d’or, Ouvrent leur jeune bouche à des chants adultères. […] Parmi les ïambes inédits, j’en trouve un dont le début rappelle, pour la forme, celui de la gracieuse élégie ; c’est un brusque reproche que le poëte se suppose adressé par la bouche de ses adversaires, et auquel il répond soudain en l’interrompant : « Sa langue est un fer chaud ; dans ses veines brûlées Serpentent des fleuves de fiel. » J’ai douze ans, en secret, dans les doctes vallées, Cueilli le poétique miel : Je veux un jour ouvrir ma ruche tout entière ; Dans tous mes vers on pourra voir Si ma muse naquit haineuse et meurtrière.

178. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Les Études sur les Pères de l’Église, si maigres et si superficielles, ne parurent savantes qu’aux ignorants, à ceux-là qui, nombreux alors et qui le sont encore aujourd’hui, n’avaient jamais ouvert ces livres merveilleux où l’Église a versé son génie par la plume de ses Docteurs et de ses Saints. […] ce vaste essai, ouvert à deux battants sur Pindare, me rappelle cette porte cochère dans laquelle Casanova ne mettait pas. […] Pindare, dont on peut comprendre la lettre, mais dont l’esprit évaporé sous le souffle des siècles rend la gloire incompréhensible, est presque un sujet vierge en littérature Longin et Boileau l’ont touché, mais le peu qu’ils en ont dit, ces porte-respects formidables, a suffi pour empêcher la petite critique familière de l’approcher ; et il est resté, ce fameux Pindare, sans traduction intégrale ou convenable, sous le balustre de son texte : mystérieux, fermé, mais n’ayant plus la vie, — absolument comme un tombeau, Certes, pour qui y voit la vie encore, il n’est rien de plus attirant que ce sépulcre fermé de Pindare, qu’il s’agit d’ouvrir pour nous montrer qu’il est plein de choses immortelles et que la Gloire n’a pas menti ! […] Le rayon du grand homme, qui y tomba une seconde, n’ouvrit pas ce front de jeune rhétoricien fermé à tout ce qui est grand. Il ne s’ouvrit jamais à la grandeur.

179. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

De gracieux palmiers à éventail et des plantes tropicales en fleurs entouraient le cercueil et rappelaient l’époque de sa vie où Humboldt ouvrit, dans leur lointaine patrie, un nouveau monde à la science. […] Le cortège s’ouvrit par les serviteurs du défunt et ceux du reste de la famille de Humboldt. […] Je reviens chez moi à six heures du soir, j’ouvre votre lettre et j’apprends la douloureuse nouvelle, bien chère et spirituelle amie ! […] IX L’auteur ouvre son livre par une courte préface que nous donnons ici. […] Il regarde la terre, aussi loin qu’elle s’étend ; le ciel, aussi loin qu’il le peut découvrir, illuminé d’étoiles, comme son intime propriété, comme un double champ ouvert à son activité physique et intellectuelle.

180. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Sur ce refus, nous jetions, assez découragés, notre pièce dans un tiroir, nous promettant de revenir plus tard à la scène par le roman, et de ne plus frapper à la porte d’un directeur qu’avec un de ces noms qui se font ouvrir le théâtre. […] C’était la première fois qu’un salon s’ouvrait devant nos titres littéraires. […] J’ouvre notre Journal en octobre 1863, à la fin d’un séjour chez Mme Camille Marcille, à Oisème, près de Chartres, je trouve cette note écrite par mon frère : Voici, je crois, la première aventure d’amour flatteuse qui m’arrive. […] Une jolie bonne, pareille à celles qui jaillissent d’un portant de coulisse de théâtre, nous ouvrait, nous introduisait au salon. […] Un coupé nous jette chez Lireux. « Mais, Messieurs, nous dit assez brutalement la femme qui nous ouvre la porte, vous savez bien qu’on ne dérange pas M. 

181. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Il y trouve les anciennes idées dont on a bercé son enfance et qu’on a tenté de rendre neuves en les enfermant dans une forme toute faite et dite à la mode ; il voit des imitations, des plagiats, des vieilleries, des non-sens, des inutilités ; il jette le livre, et ouvre son journal dans lequel il apprendra, du moins, la dépêche du jour et les assassinats de la veille. […] Ils s’abattront en chantant sur ces terres incultes et inutilisées ; ils ouvriront des canaux, ils traceront des chemins de fer, exploiteront les forêts, défricheront les champs, élèveront des villes, bâtiront des ports, établiront des entrepôts et enrichiront tout ce que touchera leur main. […] Saint Jean a dit dans l’Apocalypse : « Le livre de vie sera ouvert ! » Ouvrons-le donc sans crainte ; feuilletons-le, lisons-le à chaque page, commentons-le à chaque mot, déchiffrons-y la vérité, dût-elle nous éblouir pour toujours, et ne reculons jamais devant notre tâche. […] Lentement, mais incessamment, chemine le corps du génie, philosophes et dialecticiens, traînant dans de grands chariots les arguments qui font la sape et les raisonnements qui ouvrent la tranchée.

182. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Le tome III s’ouvre au 1er octobre de l’année 1689, quand la France est engagée dans une grande guerre européenne qui chaque jour s’étend et qui oblige de faire face sur toutes les frontières, sur le Rhin, en Flandre et aux Pyrénées, bientôt du côté des Alpes, et déjà aussi dans les colonies et sur les mers. […] On ouvre ce que Vauban appelle le dispositif de la tranchée le samedi 24. […] Nous sommes encore ici dans les temps qui précèdent la date à laquelle s’ouvrent les Mémoires de Saint-Simon.

183. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Mais les femmes qui ont succombé peut-être à pareille épreuve lui savent gré d’avoir supposé qu’elles s’en sont tirées à bon marché, et de leur avoir ouvert une fausse porte pour entrer dans la bonne opinion de leur vertu. […] Son mari la quitte et va pour rentrer à son tour dans son appartement ; il revient presque aussitôt, il n’a pu ouvrir, la serrure est brouillée. […] » On devine le reste ; c’est la femme qui tout à l’heure est allée brouiller la serrure, en y jetant du sable ; elle retient insensiblement son mari chez elle ; ce jour même, elle a découvert sur la tête du volage ce bienheureux cheveu blanc si désiré, elle prétend bien en tirer parti ; elle s’en empare au moral, ouvre son cœur, exhale ses plaintes du délaissement auquel elle s’est condamnée, dix années durant, pour lui laisser une indépendance entière à laquelle il tenait tant et dont, elle, elle n’a jamais entendu se prévaloir ni s’autoriser ; elle dit et fait si bien qu’elle reconquiert enfin l’infidèle qui ne pense plus à sortir du délicieux réduit.

184. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Quoi qu’il en soit, Delille ouvrit la marche dans notre littérature et commença par Virgile ; chacun le suivit dans cette voie : Daru un peu lentement et pédestrement pour Horace ; Saint-Ange, avec une obstination parfois couronnée de talent, pour Ovide ; Aignan sans assez de feu et trop médiocrement pour Homère ; Saint-Victor, le père du nôtre, par une vive, légère et encore agréable traduction d’Anacréon. […] Delille, en traduisant le Paradis perdu, avait également ouvert la voie et donné le signal du côté des modernes ; Baour-Lormian, assez heureux avec Ossian et les poésies galliques, s’attaquait imprudemment à la Jérusalem délivrée. […] J’ouvre l’Andrienne.

185. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

M. de Senfft désirait in petto un rétablissement complet de la Pologne, mais sans le concours de la France, par un soulèvement spontané des anciennes provinces polonaises, à la faveur de la guerre que la Russie soutenait alors contre les Turcs, avec je ne sais quels efforts combinés de l’Autriche, de la Suède, d’une partie de l’Allemagne du centre, et avec l’assentiment de l’Angleterre, — tout un rêve : il dut contenir de telles pensées dans son for le plus intérieur, et les quelques Polonais auxquels il crut pouvoir s’en ouvrir en confidence, n’étaient pas en position d’y aider. […] La Diète convoquée devait s’ouvrir à Varsovie vers la mi-juin ; un comité spécial ferait un rapport sur les malheurs et les espérances de la patrie. […] La Diète s’ouvrit le 26 juin.

186. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Le second problème, c’est d’unifier le plus possible ces activités en leur donnant une convergence vers un but unique, qui est encore le moi conçu plus ou moins largement, tantôt plus ouvert, tantôt plus fermé, selon que l’être est plus ou moins développé. […] Notre cerveau est, pour ainsi dire, une boîte qui s’ouvre et se ferme selon que les objets ont ou n’ont pas la forme et les dimensions voulues. […] Même au-delà de ce terme prévu, je me prolonge encore par l’idée et par le vouloir : je m’immortalise, je m’éternise ; et cette illusion, si c’en est une, est encore une force de plus à mon service : c’est un champ en apparence infini qui s’ouvre à mon activité.

187. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

L’histoire nous ouvre une carrière immense : c’est presque un monde tout entier à découvrir et à explorer. […] Ce n’est point assez qu’un petit nombre de savants s’enfoncent dans les profondeurs du sanscrit, toutes nouvelles pour nous, il faut que la génération contemporaine soit devenue, par l’éducation, habile à comprendre les investigateurs de l’ère qui va s’ouvrir ; car l’homme ne sait bien que ce qu’il peut communiquer aux autres : tant on rencontre à chaque pas le sentiment social, et le besoin de ce sentiment. […] M. de Chateaubriand et l’auteur des Puritains ont, chacun dans une carrière bien différente, ouvert un nouveau chemin.

188. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Chaque fois qu’un génie favorisé trouve ainsi à point une de ces inspirations fécondes qui doivent pénétrer et remuer une époque, il arrive d’ordinaire, qu’au début plus d’un esprit distingué se reconnaît en lui, et s’écrie, et le salue aussitôt comme un frère aîné qui ouvre à ses puînés l’héritage. […] Quoi qu’il en soit de ce charme intérieur, M. de Rémusat a beaucoup agi au dehors, beaucoup influé, beaucoup écrit, sans parler de l’avenir ouvert qui lui reste. […] Ainsi nous le trouvons le critique le plus ouvert et le plus sympathique, pénétrant les objets et s’en détachant, d’une impartialité qui n’est pas de l’indifférence, et qui n’est qu’une sensibilité très-étendue et rapidement Diverse. […] Une foule de vues justes, indépendantes de la philosophie même, portent sur l’époque présente et ouvrent des jours sur l’état des esprits. […] Sur cette société d’un goût délicat, il n’avait pas craint de faire le premier essai d’une production de son esprit ; mais, pour le morceau politique sur Mme de Staël, il ne s’ouvrit qu’à M. de Barante.

189. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

J’en ouvre cinq, dix, vingt pour les refermer bientôt, ayant lu une page, deux pages, les pages connues et préférées. […] Que si j’ouvre Hugo que j’aime cependant pour sa puissance et sa virtuosité incomparables, je suis rapidement rebuté par le ton doctoral qu’il prendra soudain. […] — Tous ceux qui parmi les poètes du siècle dernier le furent vraiment, nous sont chers, de Chénier qui ouvrit le cycle à Mallarmé qui le ferma, et nous nous en voudrions d’être ingrats aujourd’hui à tous nos cultes de jeunesse. […] Lorsque j’ouvre un livre, chaque feuillet harmonise avec charme une pensée, une heure vécue, silencieusement… Jules Mouquet. […] Il vous ouvre une large fenêtre sur la splendeur du monde.

190. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

l’idée de traiter poétiquement les solennités diverses de la religion, de les traduire en hymnes, est de l’invention de l’auteur, et ouvre une ère nouvelle à l’art ? […] Que le poétique traducteur étende le cercle des auteurs et des morceaux qu’il juge bons à produire, qu’il resserre à la fois de plus en plus sa correction élégante et, s’il se peut, sa littérale exactitude ; nous lui devrons accès en une littérature jusqu’ici close, et qui, probablement, ne nous ouvrirait pas cette porte sans lui.

191. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Ce qui me désole, ce qui fait que je n’ouvre presque jamais sans ennui ni défiance les romans qui m’arrivent par paquets, c’est que je suis toujours sûr d’y trouver des parties entières que je connais d’avance, des développements qui peuvent être « de la bonne ouvrage », mais qui sont à tout le monde, qui m’écœurent parce qu’il me semble que je les aurais moi-même écrits sans effort, et que je voudrais voir réduits à l’essentiel, à des notes brèves et comme mnémotechniques… Dans une littérature aussi vieille que la nôtre, il y a nécessairement des sortes de lieux communs du roman. […] « Toinette et lui se regardèrent et, pour la première fois, peut-être, ils se comprirent… « À cette heure ils ne regrettaient pas de s’être mariés jeunes et pauvres, car toute une vie robuste, par cela même, s’ouvrait encore devant eux.

192. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Elle ouvrait des abîmes, guillotinait, émiettait le pays tout en l’étouffant. […] Et c’est là, en effet, ce qui attire le plus d’abord celui qui les ouvre, que ce nom d’une fille qui agit au lieu de parler, et fit, au prix de sa vie, de l’antique réussi, parmi ces collégiens qui puaient la rhétorique apprise et jouaient l’antiquité comme des marionnettes.

193. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

N’était-il pas aisé de pressentir que Labutte, dont l’érudition est toute matérielle et s’adosse à la philosophie négative du xviiie  siècle, qui traîne encore en un si grand nombre d’esprits, verrait moins dans l’histoire des ducs de Normandie un vigoureux tableau à peindre qu’une petite embrasure à ouvrir par laquelle il pût tirer de son côté, non seulement sur le xe  siècle, mais sur l’ensemble du Moyen Âge qu’il ne comprend pas ? […] Posée entre deux dates sublimes, elle s’ouvre aux pleurs prophétiques du vieux Charlemagne devant les premières barques d’osier poussées contre le pied de son palais par le vent des fiords de la Norvège, et elle se ferme à l’épée tirée du Bâtard, qui va devenir le sceptre du conquérant de l’Angleterre !

194. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

L’homme docte vint m’ouvrir tout ensommeillé. […] J’ouvre ; j’aperçois mon garçon coiffé d’un bonnet et tenant une lanterne au bout d’une corde. […] La nuit, je couchai dans une chambre dont la fenêtre s’ouvrait sur le plus doux paysage. […] Pendant plusieurs mois, j’ai habité une chambre dont la fenêtre s’ouvrait sur le fleuve. […] À la fin, la Dame fit ouvrir la porte.

195. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Le fantôme ouvrit sa chemise, et Michel Berthier le vit appuyer la pointe du couteau sur sa poitrine nue. […] Elle ouvrit la porte, elle ne pleurait pas, elle n’aurait jamais eu assez de larmes pour une aussi grande douleur. […] Savéli ouvrit ses yeux dilatés par l’agonie, et resta un moment sans répondre. […] Le lendemain, à l’heure où l’Aurore profite de ce qu’elle a des doigts de rose pour ouvrir les portes de l’Orient, je surpris le secret de notre rival. […] » J’ai ouvert la fenêtre et j’ai senti, en effet, beaucoup de fumée, mais je n’ai pas vu de feu.

196. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

C’est le banquet ouvert à la foule où chacun calme sa fatigue, sa faim et sa soif. […] Il est ouvert à tous. […] Ouvrez pour la prose le livre de William Shakespeare. […] Ouvrez l’Ennemi des lois. […] Les portes ne s’ouvrirent point.

197. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

On déballe, on décacheté, on ouvre ; M.  […] Mon compatriote qui la connaît, se fit ouvrir sa loge, où je n’osai le suivre, mais ma lorgnette y fut longtemps braquée. […] On ouvrit…… il paya vingt francs un lampion, qu’il alluma et qu’il posa sur le ventre de M.  […] Muret n’avait qu’un verrou à pousser pour ouvrir la porte et voir ce que contenait l’armoire improvisée. La curiosité l’excita, il ouvrit.

198. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Charles Douglas pour être teneur de livres ou aide-surveillant à la Jamaïque ; faute d’argent pour payer le passage, il était sur le point de s’engager par cette espèce de contrat de servitude qui liait les apprentis, lorsque le succès de son volume lui mit une vingtaine de guinées dans la main et pour un temps lui ouvrit une éclaircie. […] Le jour où, pour la première fois, « sous un platane », il ouvrit les volumes où Percy avait rassemblé les fragments de l’ancienne poésie, il oublia de dîner « malgré son appétit de treize ans », et dorénavant « il inonda » de ces vieux vers non-seulement ses camarades d’école, mais encore tous ceux qui voulaient l’entendre. […] Ils s’étaient trouvés copistes trop minutieux et moralistes trop décidés, incapables des grandes divinations et des larges sympathies qui ouvrent l’histoire ; leur imagination était trop littérale et leur jugement trop arrêté. […] ce sont les rêves du poëte et les bienheureuses visions qui ont flotté dans son cœur vierge jusqu’au moment où il s’est ouvert et flétri. […] La muraille bâtie contre elle par l’intolérance publique se fendille et s’ouvre ; la guerre engagée contre le jacobinisme républicain et impérial vient de finir par la victoire, et désormais on peut contempler les idées ennemies non plus à titre d’ennemies, mais à titre d’idées.

199. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Alors il ouvre de nouveau la cellule chaste et solitaire où pose, éclairée par une douce lumière, l’angélique figure de Mme de Couaën. […] La France rassemblait ses bataillons ; une mémorable campagne allait s’ouvrir. […] Qu’on ouvre sa correspondance, si l’on veut se faire une idée de ses souffrances et de son courage ; mais nous, comment les peindre ? […] Sa tente s’ouvrit, un homme y entra précipitamment. […] La conquête ouvre la marche, la civilisation arrive à la suite ; le percepteur des finances ne vient que longtemps après.

200. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Quelques écrivains, médiocrement penseurs, doués seulement d’une vive sagacité littéraire, ouvrirent dès l’abord une ère nouvelle pour l’expression ; le goût, qui implique le choix et l’exclusion, les poussa à se procurer l’élégance à tout prix et à rompre avec les richesses mêmes d’un passé dont ils n’auraient su se rendre maîtres. […] Jeune, d’ordinaire, on en sent moins le prix ; on les ouvre, on les lit, on les rejette aisément. […] Il y poussait dès lors le président de Mesmes ; vingt ans après il y convertissait le cardinal Mazarin et avait la satisfaction, vers 1648, à la veille même de la Fronde, de voir la merveilleuse bibliothèque amassée et ordonnée par ses soins s’ouvrir le jeudi à tous les hommes d’étude qui s’y présenteraient. […] Sur tout le reste, il se montre ouvert, équitable, accueillant. […] Cette porte particulière n’eut pas temps de s’ouvrir, à cause des troubles.

201. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Elle vous ouvrait elle-même cet appartement contigu, mais séparé extérieurement du sien. […] À l’extrémité de cette chambre, près des fenêtres, une porte basse, que vous ouvriez vous-même, vous introduisait dans la chambre habitée par l’ermite. […] Nous allons examiner rapidement avec vous et à cœur ouvert ces trois explications de sa gloire et de la tendresse d’un peuple pour lui. […] Quinze ans d’entretien à cœur ouvert avec lui, et son applaudissement sans réserve à des doctrines tout opposées, dont je fus l’organe en 1848, ne me laissent pas le moindre doute sur ses vraies opinions à cet égard. […] Mornand, dans une série d’articles à cœur ouvert, le juge avec autant d’amour et plus de liberté.

202. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Toutefois, avant de passer outre, Argus, ce neveu de Médée, a ouvert l’avis qu’il serait bon de tâcher d’obtenir de la jeune prêtresse d’Hécate quelque charme magique pour faire face à l’épreuve : il propose d’en parler à sa mère Chalciope, cette sœur aînée et très-aînée de Médée. […] Mais comment oser s’ouvrir à elle ?  […] « Elle dit, et, se levant, elle ouvrit les portes de la chambre, nu-pieds, vêtue d’un simple vêtement ; et elle voulait aller vers sa sœur, et elle avait déjà franchi le seuil. […] Bien des fois sa bouche aimable s’ouvrit pour parler, mais la voix ne passa point plus avant. […] Plus d’une fois elle ouvrit les portes de sa chambre, guettant la lumière : enfin l’Aurore la frappa de sa clarté chérie, et déjà chacun se mettait en mouvement à travers la ville. » Ici se placent des descriptions pleines de fraîcheur, la toilette empressée de la jeune fille qui veut effacer la trace des larmes de la nuit et s’assurer toute sa beauté, les ordres qu’elle donne à ses compagnes d’atteler le char.

203. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

La clef de nos Alpes ne doit pas être dans les mains d’une monarchie militaire capable de les ouvrir ou de les fermer à son gré sur la France. […] » IX Un ardent enthousiasme pour la philosophie (ou la sagesse humaine), mère de toute vertu, ouvre la cinquième Tusculane. […] Saint Augustin, qui a commenté le livre de la République de Cicéron, n’est pas plus spiritualiste ; le ciel théologique de Fénelon ne s’ouvre pas plus avant aux pas des bienfaiteurs des peuples ; la foi des deux grands évêques n’est pas plus ferme ni plus tendre dans l’immortalité de l’âme. […] Mais je vois dans les temps une double route s’ouvrir, et le destin hésiter. […] « Lorsqu’il eut ainsi parlé : Ô Scipion, lui dis-je, s’il est vrai que les services rendus à la patrie nous ouvrent les portes du ciel, votre fils, qui, depuis son enfance, a marché sur vos traces et sur celles de Paul-Émile, et n’a peut-être pas manqué à ce difficile héritage de gloire, veut aujourd’hui redoubler d’efforts à la vue de ce prix inappréciable… « Courage !

204. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Le moyen âge, dans tout son développement, jusqu’au xvie  siècle où il expire, remplit le premier volume ; le deuxième s’ouvre par Ronsard, lequel est véritablement le poète inaugurateur de la Renaissance classique, et celui qui consomma la rupture avec la tradition du moyen âge, en la remplaçant par la tradition savante. […] Boileau, le législateur de la poésie française régulière, préside à la seconde moitié du xviie  siècle et à tout le xviii e, qui essaye bien, il est vrai, de se révolter à diverses reprises contre lui : Boileau ouvre donc le troisième volume ; mais le quatrième, qui appartient en entier aux modernes, présente à son frontispice le nom de Lamartine, de qui daté, en effet, le renouvellement de notre muse moderne, son affranchissement éclatant, et par qui la lyre française a pour la première fois trouvé des cordes nouvelles, inouïes, inaudita prius… Ces quatre divisions qui avaient, comme on voit, leur raison dans la nature des choses, ont dû être traitées un peu diversement. […] Dans un grand concours des poésies européennes, si on le suppose ouvert depuis le moyen âge, quel serait, quel aurait été le rang de la Poésie française, tant dédaignée de quelques-uns de nos voisins ? […] Victor Hugo lui-même, qui aime si sincèrement le moyen âge, et qui est habitué à être si souvent vainqueur dans l’arène lyrique, ne m’en voudra certainement pas si j’estime que, pour cette fois, sur le terrain d’une épopée limitée, l’avantage reste du côté du vieux trouvère sans renom, Bertrand de Bar-le-Duc, à qui échoit cet honneur insigne dans le concours ouvert à l’improviste après six cents ans. […] La Nature seule peut créer le génie : à celui qui doit venir et en qui noirs avons espérance, nous dirions : « Il n’y a plus de théories factices, de défenses étroites et convenues ; le champ entier de la langue et de la poésie est ouvert devant vous, depuis l’âpre simplicité des premiers trouvères jusqu’à l’habile hardiesse des plus modernes, depuis la Chanson de Roland jusqu’à Musset : langue de Villon, langue de Ronsard, langue de Régnier, langue de Voltaire, quand il est en verve, langue de Chénier (je ne parle pas des vivants), tout cela est votre bien, votre instrument ; le clavier est immense.

205. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Le sol a gémi, il a tremblé et il s’est ouvert. […] Ils envoyèrent consulter l’oracle de Delphes ; la Pythie répondit avec ironie : — « Ne fortifiez pas l’isthme, ne le creusez pas. — Zeus en eût fait une île, si tel avait été son dessein. » — Les Cnidiens interrompirent les travaux et laissèrent prendre leur ville par Harpage, préférant la ruine à l’impiété. — Quatre siècles plus tard, Pline l’Ancien s’étonnait encore de la témérité des mineurs dépeçant la terre pour en arracher l’or. — « Ainsi les hommes déchirent les fibres du globe, ils respirent sur les excavations pratiquées par eux-mêmes ; puis ils s’étonnent que, quelquefois, la terre s’ouvre spontanément ou tremble, comme si l’indignation ne suffisait pas pour exciter ces phénomènes dans le sein sacré de notre Mère. » Les Eaux surtout, si transparentes pour l’homme antique, sous lesquelles il entrevoyait clairement des Êtres divins, aux traits vagues, aux voix bouillonnantes, épanchant leur vie nourricière à travers le monde, inspiraient une vénération religieuse. […] Il y revient avec une insistance indignée : — «  La source ouverte des maux, c’est mon fils qui l’a déchaînée par sa jeunesse insolente : lui qui, chargeant de chaînes comme un esclave d’Hellespont sacré, voulut arrêter le divin Bosphore, changer la face du détroit, et, le captivant par des entraves forgées au marteau, ouvrir à une immense armée un chemin immense. […] Si l’éclair prophétique qui découvre l’avenir humain, illumine son sépulcre ouvert, il n’en rapporte aucune lueur sur la vie future. […] Ils ont été jetés palpitants contre terre. » — C’est le Dies irae de la catastrophe ; le Livre est ouvert devant le coupable, le livre « où tout est contenu ».

206. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

. — Après la paix de Riswick, le roi jugea à propos de l’envoyer à Vienne comme ambassadeur (1699-1701) ; le poste était important à cause de la question pendante de la succession d’Espagne, qui pouvait à tout moment s’ouvrir ; il s’agissait de négocier par précaution un traité de partage avec l’empereur, ce traité dût-il ne pas s’exécuter ensuite. […] Villars commande le détachement qui doit tout faire pour forcer les obstacles et se mettre en mesure de joindre l’électeur : il s’agit d’abord de traverser le Rhin en présence de l’ennemi, puis de s’ouvrir malgré lui et à travers ses postes retranchés l’entrée des montagnes Noires. […] Celui-ci, dont les troupes étaient fatiguées, lui représenta les difficultés, et, entre autres, que pendant la gelée on ne pouvait ouvrir la terre ni se servir des rivières, et que pendant les pluies on ne pouvait faire les charrois. À quoi Villars répondit : « Pendant les pluies on se sert des rivières et on ouvre la terre, et pendant la gelée on fait les charrois. » Villars a beaucoup de ces saillies et de ces répliques heureuses.

207. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade sous d’aussi larges aspects, le montrer aussi ouvert et aussi hardi de vues qu’on le fait ici ; il avait réellement un peu peur, quoi qu’on puisse dire, des idées générales et de tout ce qui y ressemble, il s’en garait et s’en abstenait le plus possible ; on l’aurait bien étonné si on lui avait dit « qu’il préparait l’avènement de la presse philosophique » ; il avait, moins que personne, « de ces lueurs qui semblent des anticipations de l’avenir. » Tout cela est à côté et au-delà. […] « Le champ de la critique est toujours ouvert », disait Boissonade. […] Ils sont fins, exacts, instructifs ; le genre admis, ils sont assez piquants ; il s’y moque assez légèrement de Petit-Radel, un pédant qui avait voulu absolument être jugé sur ses vers latins ; il le renvoie aux calendes grecques sur son Longus, et ne parle que de celui de Courier ; il parle aussi très pertinemment de Sapho, d’Anacréon, de Simonide, de l’Hymne homérique à Cères ; mais hors de la, nulle part et jamais, il n’aborde ni ne soulève aucune question importante ; il n’ouvre la tranchée sur rien. […] Hase osait ouvrir le fond du cœur et décharger ses pensées à huis clos.

208. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

— Il flétrit Louis XV  Il entend, dans la nuit, les esprits du mal encourager les panthères, les serpents, les plantes vénéneuses, les prêtres et les rois  Il nous ouvre un mausolée royal et nous montre la poignée de cendre qu’il contient  Il fait tous ses compliments à Mlle Louise Michel pour sa conduite après la Commune… Puis, viennent des paysages. […] La pièce qui ouvre Toute la Lyre, et qui en rappelle quinze ou vingt autres, est peut-être la plus magistrale et la plus complète que Hugo ait écrite sur la Révolution. […] Ce qui plaît à la bouche De la blonde aux doux yeux, c’est le baiser farouche ; La femme se fait faire avec joie un enfant Par l’homme qui tua, sinistre et triomphant, Et c’est la volupté de toutes ces colombes D’ouvrir leurs lits à ceux qui font ouvrir les tombes.

209. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Ouvrez la frénétique brochure De Buonaparte et des Bourbons, et lisez-y ces paroles : Et quel Français aussi pourrait oublier ce qu’il doit au prince régent d’Angleterre, au noble peuple qui a tant contribué à nous affranchir ? […] Il ouvrit son feu dans les Débats par deux magnifiques articles, du 29 juin et du 6 juillet, dans lesquels il démontrait que le système actuel suivi par le ministère, et hier encore approuvé par lui-même dans son ensemble, était aussi contraire au génie de la nation qu’à celui de nos institutions et à l’esprit de la Charte. […] ouvrez la préface de La Monarchie selon la Charte dans l’édition de 1827 ; il y disait, laissant échapper le ressentiment dont il était plein : En me frappant, on n’a frappé qu’un dévoué serviteur du roi, et l’ingratitude est à l’aise avec la fidélité ; toutefois, il peut y avoir tels hommes moins soumis et telles circonstances dont il ne serait pas bon d’abuser : l’histoire le prouve. […] Qu’on ouvre maintenant Le Congrès de Vérone, publié du vivant de l’auteur, et les Mémoires publiés le lendemain de sa mort, et qu’on juge de la différence des esprits.

210. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

En 1772, il entra en licence à la faculté de Paris, et, tout en amassant des connaissances, non moins avide de les répandre et de les voir se réfléchir en autrui, il ouvrit des cours qui eurent beaucoup de succès. […] Il avait ouvert ses premiers cours libres et gratuits d’anatomie pendant les vacances de 1773 : à la rentrée des Écoles, comme les professeurs de la Faculté devaient enseigner aux mêmes heures, on lui proposa de changer les siennes, et il refusa. […] Les mémoires de Vicq d’Azyr lui ouvrirent les portes de l’Académie des sciences dès 1774, et il recevait vers le même temps le bonnet de docteur de la faculté de Paris.

211. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

La considération dont jouissait son père lui ouvrait tous les accès : il sut bientôt se faire compter par son propre mérite. […] Quel champ ouvert à l’hypothèse ! […] Dans une lettre du 18 juin à son père, cinq jours avant la bataille de Crefeld, M. de Gisors écrivait : « Je n’ai pu jusqu’ici vous parler à cœur ouvert ; vous verrez avec amertume que, si les choses demeurent dans l’état où elles sont, il n’y a pas le moindre succès à se promettre ; les plus grands malheurs sont à craindre, au contraire M. le comte de Clermont, dépourvu de toute connaissance du pays, incapable de former aucun projet par lui-même, ne veut être constamment gouverné par personne, et cependant se rend toujours l’avis du dernier.

212. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Joubert, dont on sait de bellès pensées et dont les œuvres plus complétement recueillies ne tarderont pas à paraître104, voyait dans le jeune homme sérieux le confident peut-être le plus ouvert à ses subtiles et fines délicatesses. […] Molé, qui l’avait sous la main, l’ouvrit, le commenta : plus d’un auditeur en a gardé le souvenir, comme d’une agréable leçon. […] Je leur dis alors que mon discours leur ayant fait quelque plaisir, il auroit fait plaisir à toute la terre, si elle avoit pu m’entendre ; qu’il me sembloit qu’il ne seroit pas mal à propos que l’Académie ouvrît ses portes aux jours de réception, et qu’elle se fit voir dans ces sortes de cérémonies, lorsqu’elle est parée… Ce que je dis parut raisonnable, et d’ailleurs la plupart s’maginèrent que cette pensée m’avoit été inspirée par M.

213. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

« La semaine prochaine, écrit-il à Madame Roger des Genettes (1er mai 1874) j’irai à Clamart ouvrir des cadavres… Oui, Madame, voilà jusqu’où m’entraîne l’amour de la littérature. » 27 Durant toute sa vie, sa vie puissante et angoissée d’ailleurs, il resta l’anatomiste du verbe et, « tenant la plume comme un Scalpel » 28, disséqua jusqu’à la souffrance ses phrases et ses périodes. […] Trousseau en exprima l’intérêt, même au point de vue médical pur, dans les pages savoureuses qui ouvrent le recueil de ses magistrales cliniques : « Que les nosologies soient utiles à celui qui commence l’étude de la médecine, j’y consens au même titre qu’une clef analytique est assez bonne, au même titre que le système si faux de Linné peut être fort utile à celui qui essaie l’étude de la botanique ; mais, Messieurs, si vous connaissez assez pour pouvoir reconnaître, permettez-moi cette espèce de jeu de mots, hâtez-vous d’oublier la nosologie, restez au lit du malade, cherchant sa maladie comme le naturaliste étudie la plante en elle-même dans tous ses éléments. […] Vous arriverez, par cette gymnastique intellectuelle, à donner à votre esprit une puissance de déduction inconnue à ceux qui restent servilement dans le sillon creusé par leurs maîtres, moins par respect pour ceux qui ont ouvert les portes de la science que par paresse ou insuffisance. » L’emploi véridique de ce procédé, en littérature, suppose donc un certain degré de nescience de la part de l’auteur.

214. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

. — J’apprends de bonne source qu’elle se propose d’élire Henri Bordeaux et, par un retour des plus honorables, de s’ouvrir à Georges Ohnet, s’il se peut, le même jour. […] Eugène Montfort Depuis que l’objet de cette enquête est connu, j’ai rencontré plus d’un lettré disant : « Mais certainement, à présent, l’Académie s’ouvrirait devant Flaubert et devant Baudelaire… » Le lettré poursuivait : « Peut-être pas, d’ailleurs, devant des auteurs représentant aujourd’hui ce que Flaubert et Baudelaire représentaient de leur temps… » Opinion, à mon avis, mal fondée. […] À peine aurait-il tiré la sonnette, il n’eût pas attendu qu’on lui ouvrît et aurait redescendu précipitamment l’escalier, en grommelant dans sa moustache : « Cette maison est sinistre… » Puis, se disant des vers à lui-même, il serait allé s’asseoir tranquillement au café d’en face.

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