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52. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Enfin, il faut toujours que le mouvement produit volontairement ait été précédé d’un mouvement spontané. […] Nos mouvements spontanés donnent naturellement naissance à un plaisir ou à une douleur. […] Alors, comme il y a accroissement d’énergie vitale, cela produit un nouvel accroissement de mouvement et par suite de plaisir. […] L’animal produit plusieurs mouvements et voit que l’un d’eux n’est pas suivi de coups ; ces deux faits, un mouvement produit et l’absence de coups, se lient dans son esprit, et le *premier pas de son éducation est fait. […] Si un sentiment, comme la colère, détermine des mouvements violents des muscles, un contre-courant peut agir sur les mêmes muscles.

53. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Selon Hume, cette loi a la même importance dans la vie intellectuelle que l’attraction dans les mouvements des astres. […] Ce mécanisme n’est pas très difficile à se figurer : c’est l’association même des mouvements réflexes entre les diverses cellules cérébrales par l’intermédiaire des fibres qui les relient. […] La loi de continuité se confond ainsi, dans le cerveau, avec la loi de propagation du mouvement. […] Une conséquence de cette loi, que Spencer n’a pas tirée, c’est que, si le mouvement de l’esprit vers des idées analogues est facile, le mouvement vers des idées différentes demeure cependant toujours possible, surtout dans les états riches en relations, parce que des parties très diverses du cerveau peuvent vibrer à la fois et sympathiquement sous une excitation, si bien que, la première partie ayant usé sa force, la seconde, déjà éveillée, est toute prête et toute fraîche pour recevoir ie mouvement à son tour. […] On sait que Hamilton comparait ce phénomène à la transmission du mouvement à travers une rangée de billes : la première se meut, les billes intermédiaires n’ont qu’un mouvement intestin, la dernière a un mouvement visible.

54. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

S’opposer au mouvement nécessaire des choses, il y a là une folie, ou un crime de lèse-humanité. […] Il n’était plus nécessaire de marcher, ni d’agir, comme dans le drame ; on remplaçait cela par des mouvements de bras. […] L’homme civilisé a une foule de mouvements moins violents, mais plus complexes. Tandis qu’il n’y a que les deux alternatives de mouvement brusque et de repos apathique dans les gestes des sauvages, le mouvement de l’homme civilisé est infini et bien plus significatif. […] Ses mouvements sont d’une violence extrême ; peu à peu, on aperçoit son costume.

55. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Toute exertion de force est une assertion ; tout acte, tout désir, tout vouloir, tout mouvement est une affirmation. […] Pour cela, l’enfant fait au hasard une multitude de mouvements ; parmi ces mouvements, il en est qui le soulagent et qui, par la, se détachant de l’ensemble, fixent son attention, arrêtent sa volonté. […] Ce sont deux idées-forces qui entraînent les mouvements appropriés et qui modifient les choses conformément à elles-mêmes. […] Le mouvement réflexe, à son tour, est un cas des lois générales du mouvement ou du choc. […] L’antérieur et le postérieur, ici, c’est coup reçu et rendu, ou, en un seul mot, mouvement se propageant et se conservant.

56. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Mouvement et moment sont le même mot. […] Elle réaliserait à ce point de vue son idéal, si, sans délaisser non plus la noble station, elle créait l’harmonie des mouvements. […] Souvent même il sacrifie l’harmonie des mouvements à leur diversité ; mais, c’est ici une observation qu’on saisira mieux en étudiant sa rythmique, car le mouvement existe chez lui autant dans la forme devinée du récitant que dans les images présentées par les vers. […] Quelques-uns de ses poèmes sont remarquables par des mouvements divers qui restent cependant toujours inséparables de l’harmonie. […] Vielé-Griffin s’apparentent de près aux autres caractères de leur art : l’élégance, sœur jumelle de la grâce, est plus voisine du mouvement ; la noblesse, de la pose stable.

57. (1903) La pensée et le mouvant

S’agit-il du mouvement ? […] Il n’y aurait plus un mouvement unique de A en B ; il y aurait, par hypothèse, deux mouvements, avec un intervalle d’arrêt. […] Ce prétendu mouvement d’une chose n’est en réalité qu’un mouvement de mouvements. […] Les points ne sont pas dans le mouvement, comme des parties, ni même sous le mouvement, comme des lieux du mobile. […] Les positions du mobile, encore une fois, ne sont pas des parties du mouvement : elles sont des points de l’espace qui est censé sous-tendre le mouvement.

58. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Après sept ou huit minutes, la grenouille était morte et sans mouvement. […] Les mouvements les plus expressifs de nos facultés disparaissent les premiers, d’abord la voix et la parole, ensuite les mouvements des membres, ceux de la face et du thorax, et enfin les mouvements des yeux qui, comme chez les mourants, persistent les derniers. […] Rappelons-nous qu’un animal empoisonné par le curare n’est pas privé de tous ses mouvements à la fois : on les voit s’éteindre successivement, en commençant par les mouvements des extrémités et en finissant par les mouvements respiratoires. […] Il en résulte que le mouvement du cœur est constitué par une succession de mouvements alternatifs de contraction et de relâchement de ses cavités. On appelle systole le mouvement de contraction et diastole le mouvement de relâchement.

59. (1923) Paul Valéry

Le style est un ordre et un mouvement. […] L’image de mouvement implique l’image en mouvement. […] Et pourtant, devant la Vénus, il n’est pas de mouvement de son corps auquel nous pensions plus qu’au mouvement de ses bras. […] Il suit, dans le mouvement des bras absents, le mouvement du corps présent ; il éprouve l’intégrité dynamique d’un être de mouvement ; aucun mouvement des bras n’étant réel, tous sont possibles, et le foyer vivant de la statue alimente à ses épaules une disponibilité indéfinie de gestes. […] Ce qu’on peut appeler au xixe  siècle mouvement classique s’entend bien plutôt d’un mouvement critique que d’un mouvement d’art.

60. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Ses membres sont bien cadencés et il est merveilleux d’action et de mouvement. […] Quel que soit le module ou la proportion des figures, le mouvement suit la même raison inverse. […] Le mouvement frappe plus, que le repos. Il faut du mouvement aux enfants, et il y a beaucoup d’enfants. […] Tout étant égal d’ailleurs, c’est le mouvement, le tumulte qui engendre les grouppes.

61. (1909) De la poésie scientifique

Rien n’indique une intuition, ni, en le second volume, une approche du grand mouvement poétique qui venait de naître. […] Le verbe en était de mouvement romantique, alourdi de graves sonorités. […] De par son Rythme se mesurant de vibrations suscitées par l’Idée, elle communique comme aux mouvements moléculaires du monde. […] C’est par ces deux mouvements essentiels de la Matière que de toute éternité a été assurée la création universelle, mais aussi la conservation même de la Matière  puisque de la condensation renaissent les énergies explosives qui remettent en mouvement. […] Mauclair (L’art en silence) : « Leur mouvement est un mouvement de forme, plutôt que d’idées ».

62. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

La vérité est que l’adaptation explique les sinuosités du mouvement évolutif, mais non pas les directions générales du mouvement, encore moins le mouvement lui-même 50. […] C’est une création qui se poursuit sans fin en vertu d’un mouvement initial. […] Certes, des phénomènes de mouvement s’observent aussi chez les plantes. […] On connaît les mouvements des feuilles de l’Acacia, de la Sensitive, etc. […] Quand elle substitue au mouvement des immobilités juxtaposées, elle ne prétend pas reconstituer le mouvement tel qu’il est ; elle le remplace simplement par un équivalent pratique.

63. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Le Rythme, en ce sens, comprend la mesure, comme les rythmes proprement dits ; il est le mouvement dans la durée. […] L’Harmonie ne peut être en mouvement que selon un rythme, et le Rythme est le mouvement lui-même ; il est inutile, je suppose, de développer ce pléonasme ! […] Ainsi en est-il du mouvement des rivières, etc. […] Bien que le mouvement ne puisse exprimer strictement le repos (et pourtant la musique ne peut-elle évoquer le silence ?) […] Le rythme est une série de mouvements successifs indépendants de la mesure mais qui souvent s’arrêtent aux limites de celle-ci ou de ses multiples.

64. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Pourtant la vie propre des parties se manifeste encore, même chez les animaux supérieurs : le cœur enlevé à un éléphant peut continuer assez longtemps de battre ; l’homme décapité dont on blesse la poitrine peut, dans certaines conditions, faire avec le bras un mouvement de défense et porter la main à l’endroit menacé, — mouvement accompagné sans doute de vagues sensations douloureuses dans la moelle épinière. […] Dans la main insensible d’une hystérique, placez une paire de ciseaux : sans rien sentir en apparence, elle n’en fera pas moins les mouvements nécessaires pour couper. […] Selon nous, les mouvements tactiles sont alors trop faibles pour provoquer l’image tactile de l’objet, mais suffisants pour s’associer aux mouvements des centres visuels : ceux-ci, n’étant pas engourdis, se mettent tout d’un coup à vibrer et remplissent la conscience, comme une apparition qui surgirait dans la nuit. […] Ainsi, dans un objet animé d’une grande vitesse, un arrêt subit transforme le mouvement de translation en chaleur et en lumière. […] Une image mentale consciente peut déterminer un mouvement inconscient.

65. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Unité et mouvement Les deux lois essentielles sont celles de l’unité et du mouvement ; de celles-là dérivent toutes les autres. […] Le mouvement est aussi essentiel à tout ce qu’on écrit que l’unité : sans celle-ci, l’œuvre n’est pas ; sans celui-là, l’œuvre est morte. […] Et comme, dans le mouvement général de l’univers, les êtres particuliers ont leur mouvement propre, ainsi, pour l’écrivain, tandis que l’ouvrage entier s’avancera vers sa fin, chaque partie accomplira son évolution particulière et aura son progrès propre. Partout où manque ce mouvement, la langueur, la froideur, l’ennui surgissent. […] Pour assurer l’unité, et pour marquer le mouvement, il faut savoir où l’on doit commencer et où l’on doit finir.

66. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

À vrai dire, il n’y a pas d’être vivant qui paraisse tout à fait incapable de mouvement spontané. […] Elle peut s’orienter dans le sens du mouvement et de l’action — mouvement de plus en plus efficace, action de plus en plus libre : cela, c’est le risque et l’aventure, mais c’est aussi la conscience, avec ses degrés croissants de profondeur et d’intensité. […] Mais avec la vie apparaît le mouvement imprévisible et libre. […] Une somme considérable d’énergie potentielle y est accumulée, prête à se convertir en mouvement. […] Quand il exécute un mouvement, c’est qu’il libère l’énergie ainsi emprisonnée ; il n’a, pour cela, qu’à toucher un déclic, à frôler la détente d’un pistolet sans frottement, à appeler l’étincelle : l’explosif détone, et dans la direction choisie le mouvement s’accomplit..

67. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Mon présent est donc à la fois sensation et mouvement ; et puisque mon présent forme un tout indivisé, ce mouvement doit tenir à cette sensation, la prolonger en action. D’où je conclus que mon présent consiste dans un système combiné de sensations et de mouvements. […] Étendu dans l’espace, mon corps éprouve des sensations et en même temps exécute des mouvements. Sensations et mouvements se localisant en des points déterminés de cette étendue, il ne peut y avoir, à un moment donné, qu’un seul système de mouvements et de sensations. […] Mais ce mouvement se déduit, comme nous allons voir, des nécessités fondamentales de la vie ; et il est aisé de voir aussi pourquoi les « associations » que nous paraissons former le long de ce mouvement épuisent tous les degrés successifs de la contiguïté et de la ressemblance.

68. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Son rapport à l’appétit et au mouvement. […] Je remue mon bras : le mouvement part du centre et va vers la superficie ; vous remuez mon bras : le mouvement vient de la superficie et va vers le centre. […] La sensation de mouvement enveloppe elle-même une conscience d’effort avec une sensation de résistance. […] Par l’effet de l’habitude, des associations si faciles s’établissent entre les mouvements réflexes que le premier suggère et entraîne tous les autres. C’est ce qui a lieu dans la marche, dans les mouvements automatiques du musicien.

69. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

La pluie tombait toujours à torrents ; l’Empereur s’assura qu’aucun mouvement de retraite ne se prononçait de la part de l’adversaire. […] Aussi quand il le vit paraître, bien pâle d’abord et perçant les brouillards vers cinq heures du matin, il eut un mouvement de joie : « Sur cent chances nous en avons, quatre-vingts pour nous », dit-il. […] Mais il est des mouvements qui d’eux-mêmes parlent plus haut que des ordres. […] Envoyant le mouvement de Ney et cette première charge brillante de la cavalerie Milhand couronnant les hauteurs du Mont-Saint-Jean, comme on en triomphait autour de lui et qu’on criait déjà victoire. […] Le mouvement de toute cette cavalerie Kellermann défilant au cri de : Vive l’Empereur !

70. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

On savait également que, par un mouvement analogue en sens inverse, la volonté transmet, à travers tout le système des organes intermédiaires, son action aux nerfs moteurs et aux muscles qui déterminent le mouvement. […] En résumé, en allant des extrémités au centre, on découvre que le nerf moteur excite directement la contraction musculaire ; que la moelle épinière lie les diverses contractions partielles en mouvements d’ensemble ; que le cervelet coordonne ces mouvements d’ensemble en mouvements réglés de locomotion ; qu’enfin le cerveau les transforme en actes de volonté. […] Vulpian applique aux mouvements volontaires le mot de mouvements réflexes. […] Vulpian définit la volonté un pur mouvement réflexe, quand M.  […] C’est donc en cet être qu’il faut chercher la vraie cause de tous ces mouvements.

71. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Aussi est-il clair que nous naissons avec des inclinations qui tiennent à la structure de nos organes et à la direction des mouvements vitaux. […] Ce mot de tendance, ici, est l’expression anticipée des directions que le mouvement prendra nécessairement par la constitution même des organes. […] Même chez les animaux rudimentaires et primitifs, le mouvement a existé dès l’abord avec une certaine direction, car il n’y a point de vie sans mouvement et sans une composition de mouvements, par conséquent sans une direction et une sorte de tension. […] Or, à ce double point de vue, la douleur est inintelligible si on ne suppose pas un obstacle à la vie, à l’être, à l’activité, au mouvement, par conséquent une résistance. […] Voilà pourquoi nous agissons, et aussi pourquoi notre action tend toujours à du changement intérieur et à quelque mouvement extérieur.

72. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Que devient l’autonomie de nos mouvements dans la série continue des causes ? […] Pour arriver à l’unité absolue de mouvements, il ne reste plus qu’un degré à franchir ; c’est de confondre avec les actions cérébrales les actes psychiques proprement dits, regardés jusqu’ici comme absolument différents des mouvements organiques. […] En un mot, l’âme, la vie, la liberté, ne sont que des apparences ; le mouvement simple est la réalité. […] A la formule que la pensée n’est que le mouvement à son maximum, il oppose cette autre formule, que le mouvement lui-même est encore la pensée à son minimum. […] Qui donne le branle à la série de mouvements qui constituent la vie organique ?

73. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Lewes, constitué par trois modes fondamentaux d’excitations : la sensation, la pensée, le mouvement. […] Le mouvement est un fait spécial en termes duquel tous les autres états de conscience sont traduits, quand nous les considérons objectivement. […] Il est surabondamment prouvé qu’un mouvement externe précède un mouvement interne dans les nerfs sensoriels, que celui-ci précède un processus nerveux ; mais il n’y a absolument aucune preuve que ce processus nerveux précède et produise sa sensation. Si cela était, la loi de conservation de l’énergie serait en défaut, puisqu’un mouvement aboutirait à quelque chose qui n’est ni un mouvement ni un mode de mouvement. […] Le spiritualiste croit que le mouvement nerveux est perçu par un agent spécial.

74. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Un agent extérieur, son, lumière, choc, vient-il exciter un nerf, l’équilibre rompu produit un mouvement de dépense nerveuse, qui excite un mouvement de réparation simultanée, comme l’eau qui sort d’un siphon appelle à sa place l’eau qui y monte. […] Plus la décomposition est intense avec une recomposition également intense, plus le mouvement vital est précipité et plus nous sentons. […] Des mouvements passons aux sensations. […] Maintenant, selon Rolph, il n’y a point de limites au mouvement d’assimilation par endosmose. […] Il n’a pas assez insisté sur la contre-partie de la faim et de la nutrition, qui est le dégagement de la force et le mouvement.

75. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

V À s’efforcer en quelques traits de marquer le centre du point de vue que toutes les considérations précédentes avaient pour objet de créer, on pense devoir mettre en évidence ce fait : l’incompatibilité absolue qu’il a fallu constater — entre l’existence d’une vérité objective fixant un terme au mouvement, — et une réalité située dans le devenir et dont l’essence est le mouvement. […] Le pouvoir d’arrêt qu’il exprime, ce pouvoir d’arrêt qui évoque, hors de l’indéfini et de l’instable, qui fixe et matérialise, sous le regard de l’intelligence, quelque état du mouvement, ce pouvoir se représente en croyance. […] Il convient de noter que si quelque état particulier du réel se constitue par l’intervention de cette croyance en une vérité fixe, c’est une croyance, pareille en son principe, qui restitue à la substance phénoménale le mouvement dont elle avait été privée par la première croyance. […] Mais cette vérité n’ayant point d’existence, ce qu’il nous faut constater, c’est que cette croyance absurde fut assez forte pour créer une réalité, pour être un moule, pour contraindre la substance phénoménale — c’est ici la mentalité humaine — à répéter à travers la durée une suite de mouvements semblables et dirigés vers un même but. […] Cet équilibre est-il trop tôt ou trop fréquemment rompu, la force d’arrêt et d’association qui contredit le pouvoir de mouvement et de dissociation s’exerce-t-elle trop faiblement, voici une série d’avatars qui n’aboutissent point à se formuler, qui ne parviennent point à ce degré de fixité où un état de conscience les enregistre.

76. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

La représentation qu’il forme de l’espace pur n’est que le schéma du terme où ce mouvement aboutirait. […] L’essentiel et l’accidentel dans les processus vitaux et dans le mouvement évolutif. […] Et nous verrons alors, dans l’activité vitale, ce qui subsiste du mouvement direct dans le mouvement inverti, une réalité qui se fait à travers celle qui se défait. […] En réalité la vie est un mouvement, la matérialité est le mouvement inverse, et chacun de ces deux mouvements est simple, la matière qui forme un monde étant un flux indivisé, indivisée aussi étant la vie qui la traverse en y découpant des êtres vivants. […] Tout se remettra en mouvement, et tout se résoudra en mouvement.

77. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

., au mouvement. […] L’association par contiguïté joue un grand rôle dans nos mouvements. […] C’est par l’association que des séries ou agrégats de mouvements mécaniques en viennent à se produire rapidement. […] Ceci explique pourquoi l’idée d’un mouvement, quand elle devient très vive, entraîne le mouvement spontanément, d’elle-même, sans intervention de notre volonté, le courant nerveux excité étant aussi intense que dans le cas d’une impression réelle venant du dehors. […] Toute la différence entre une sensation idéale et une sensation actuelle, c’est que celle-ci est tout entière à la merci de nos mouvements.

78. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Placé plus loin, il me faudrait, pour l’atteindre, un mouvement plus grand, partant une sensation musculaire plus longue ; placé moins loin, un mouvement moins grand, partant une sensation musculaire plus courte ; placé aussi loin, mais ailleurs, un mouvement égal, mais différent, partant une sensation musculaire d’égale durée, mais différente. […] Nous-mêmes nous nous servons de son procédé quand nous définissons les lignes par le mouvement d’un point, la surface par le mouvement d’une ligne, le solide par le mouvement d’une surface, et quand nous évaluons une ligne, une surface, un solide par la prolongation plus ou moins grande de l’opération musculaire qui en engendre la perception. […] En un instant, par un simple mouvement continu de l’œil, nous jugeons que telle surface est carrée ou triangulaire. […] Il est le seul que ma volonté mette directement en mouvement. […] Il comprend ainsi, au mouvement des lèvres, l’allemand et le français.

79. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

. — Pareillement, on dit qu’un homme sain a le pouvoir de marcher et qu’un paralytique ne l’a pas ; cela veut dire simplement que la résolution de marcher chez l’homme sain est certainement suivie du mouvement des jambes, et qu’elle n’est jamais suivie de ce mouvement chez le paralytique ; ici encore, le pouvoir n’est que la liaison perpétuelle d’un fait qui est l’antécédent avec un autre fait qui est le conséquent. […] Quand je dis que j’ai la force ou pouvoir de remuer mon bras, je veux dire seulement que ma résolution de remuer mon bras est constamment suivie par le mouvement de mon bras. En effet, si, avec l’aide de la physiologie, j’examine de plus près ; cette opération, j’y découvre quantité d’intermédiaires, un mouvement moléculaire dans les lobes cérébraux, un autre mouvement moléculaire dans le cervelet, un autre mouvement moléculaire propagé dans la moelle et de là dans les nerfs moteurs du bras, une contraction ; des muscles des bras, un déplacement de leurs points d’attache. […] Dans tout cela, il n’y a que des mouvements présents, futurs, ou possibles, liés à certaines conditions, variables en grandeur et en direction suivant une certaine loi, et déterminés par rapport à certains points. […] Ces mouvements coordonnés, et qui semblent dénoter une intention, sont bien plus visibles encore dans les tronçons d’un insecte172.

80. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — III »

Or, ce qui éclate tout d’abord dans ce spectacle de la vie phénoménale, c’est qu’elle nous apparaît comme une chose en mouvement. À notre vue l’univers se meut : ou le mouvement est, de toute éternité, la loi et le propre de la vie — ou le geste métaphysique qui brise le sceau de l’unité et pose l’objet devant le sujet, déclenche aussi le ressort qui engendre dans le temps et dans l’espace le mouvement du multiple sons l’influence de la cause. Quelle que soit l’hypothèse, il reste que la vie phénoménale ne nous est donnée que dans le mouvement. […] Ainsi la loi d’une chose en mouvement et qui n’existe qu’à la condition d’être toujours divisée avec elle-même, de n’atteindre jamais à un état de repos, c’est de devenir à tout moment autre qu’elle n’est.

81. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Il n’en est pas moins vrai que la nature réalise le mouvement, comme elle réalise la conscience : des deux côtés, c’est une réelle continuité ; seulement, dans la conscience, les positions successives du mobile vivant laissent une trace. […] Chaque sensation, on s’en souvient, s’associe et s’agrège avec sa classe, son ordre et sa variété, grâce à l’irradiation des mouvements cérébraux dans les parties similaires qui produisent des impressions similaires. […] Les conditions physiologiques de cette direction nouvelle sont d’ailleurs inconnues ; on ne peut que la comparer avec la direction divergente qu’un simple mouvement des aiguilles imprime aux rails d’un chemin de fer, ou avec le simple mouvement de ressort qui, dans un orgue, fait succéder un registre à un autre, un air à un autre, ou mieux encore avec l’ouverture et la fermeture soudaine d’un courant électrique qui, dans le mécanisme d’une pile compliquée, produit ou suspend les inductions, aimantations, mouvements invisibles et visibles. […] L’être vivant veut continuer de vivre, tout comme le mobile persévère dans son mouvement et dans la direction de son mouvement, à moins qu’une force extérieure ne l’arrête ou ne le dévie. […] Que l’image de la dent subsiste avec celle de la douleur, le mouvement de fuite se produira et, l’identité se projetant du passé à l’avenir, l’être deviendra capable de prévision par le souvenir même.

82. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il est certain d’abord qu’on soutient difficilement l’idée de savoir heureux l’objet qui vous a plongé dans le désespoir ; ce tableau vous poursuit, comme, par un mouvement contraire, l’imagination de la pitié offre la peinture des douleurs qu’elle excite à soulager. […] Ce qu’on a le plus de peine aussi à supporter dans l’infortune, c’est l’absorbation, la fixation sur une seule idée, et tout ce qui porte la pensée au-dehors de soi, tout ce qui excite à l’action, trompe le malheur ; il semble qu’en agissant, on va changer la situation de son âme, et le ressentiment, ou l’indignation contre le crime étant d’abord ce qui est le plus apparent dans sa propre douleur, on croit, en satisfaisant ce mouvement, échapper à tout ce qui doit le suivre ; mais en observant un cœur généreux et sensible, on découvre qu’on serait plus malheureux encore après s’être vengé qu’auparavant. […] Les âmes généreuses, qui se sont abandonnées à des mouvements coupables, ont fait un tort immense à l’ascendant de la moralité ; elles ont réunis à des torts graves des motifs élevés, et le sens même des mots s’est trouvé changé par les pensées accessoires que leur exemple y a réunies. […] S’il est une passion destructive du bonheur et de l’existence des pays libres, c’est la vengeance ; l’enthousiasme qu’inspire la liberté, l’ambition qu’elle excite, met les hommes dans un plus grand mouvement, fait naître plus d’occasions d’être opposés les uns aux autres. […] Si la vengeance n’est pas proscrite par l’esprit public dans une nation où chaque individu existe de toute sa force personnelle, où le despotisme ne comprimant point la masse, chaque homme a une valeur et une puissance particulière, les individus finiront par haïr tous les individus, et le lien de parti se rompant à mesure qu’un nouveau mouvement crée de nouvelles divisions, il n’y aura point d’homme qui n’ait, après un certain temps, des motifs pour détester successivement tout ce qu’il a connu dans sa vie.

83. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

« La vérité est la correspondance entre l’ordre des idées et l’ordre des phénomènes, de telle façon que l’un réfléchisse l’autre ; le mouvement de la pensée suivant le mouvement des choses. » Remarquons ces termes « ordre des idées », « mouvement de la pensée », substitués à la formule ordinaire : conformité de l’idée avec l’objet. […] Ce que sont en eux-mêmes les corps et la chute des corps, cela ne nous importe point ; mais quels sont les rapports des corps et de leurs mouvements avec nos perceptions : voilà ce qui nous importe. Si le mouvement de notre pensée est contrôlé par le mouvement des choses, il y a vérité : si nos idées sont arrangées dans un ordre qui ne correspond point avec l’ordre des phénomènes, il y a erreur. […] J’enlève le cadran, tout l’extérieur, rien ne change ; j’arrête le pendule, tout s’arrête ; je le remets en mouvement, tout reprend ; je tire un poids avec force, je vois les aiguilles courir, les sons se précipiter. […] Il explique les sensations par des mouvements vibratoires : hypothèse qui n’ajoute rien à notre connaissance des processus psychiques.

84. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

La troisième qualité du mouvement. la grâce, a été le mieux étudiée par M.  […] Les formes senties ne sont en définitive que des mouvements sentis, et les mouvements sentis ne sont que des mouvements exécutés. […] De là résulte la beauté des mouvements. […] non, mais parce que son mouvement, qui est le germe du mouvement réflexe, semble un signe et un commencement de vie. […] De tels principes étant admis par les chefs du mouvement romantique, il était facile de déterminer d’avance où ce mouvement devait aboutir.

85. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Il s’agit de prouver et d’expliquer ce double mouvement. […] Le philosophe anglais a constaté que tout mouvement, et par conséquent tout changement, toute évolution, suit un certain rythme plus ou moins compliqué. […] Dès lors, l’évolution littéraire (et l’on pourrait dire l’évolution sociale) n’a plus pour figure un cercle, mais une spirale ; elle traverse les mêmes phases, mais dans un autre plan ; elle a, comme la terre, un double mouvement, mouvement de rotation sur elle-même, mouvement de translation dans l’espace. […] Il s’ensuit que l’une commence son évolution, tandis que telle autre la finit ; que celle-ci est au tiers de son mouvement ascendant, pendant que celle-là est à son apogée et cette troisième en plein déclin. […] On comprend dès lors pourquoi, lorsqu’on veut donner la formule générale d’une époque, il importe de noter avec soin en quel point de son développement est alors chacun de ces mouvements rythmiques.

86. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Le besoin, l’appétit est un effort et un mouvement commencé pour traverser un intervalle. […] Nous admettons de plus que, du côté physique, si une idée est seule et non contredite, elle se réalisera en mouvements conformes ; la présence d’une idée, toute contradiction mise à part, entraîne donc et l’affirmation de la présence de l’objet et les mouvements corrélatifs. […] Il y a là, avec une lutte mécanique de tendances, de mouvements commencés et arrêtés, une lutte logique d’idées. […] On n’a besoin ni du temps ni du mouvement comme éléments de cette comparaison. Au contraire, le temps et le mouvement ne peuvent se mesurer directement et par eux-mêmes.

87. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Non, sans doute ; le bon mécanicien est celui qui sait décomposer la machine, en démonter tous les ressorts, en démontrer les mouvements, et qui nous fait comprendre comment ces mouvements sont appropriés au genre d’action qu’elle doit produire. […] Descartes et Malebranche se servaient de ces corpuscules ou esprits pour expliquer non-seulement les mouvements musculaires, ce qui se comprendrait aisément, mais la mémoire, l’imagination, les passions. […] Quant à la théorie vibratoire, on a objecté que les fibres du cerveau, étant molles et humides, ne sont pas susceptibles de ce genre de mouvement, qui suppose une certaine tension. […] Gratiolet pour expliquer l’habitude et la mémoire ; l’habitude étant dans l’ordre des mouvements, ce que la mémoire est dans l’ordre des idées. […] Rien ne ressemble là à un ressort tendu qui, pour revenir à l’état d’équilibre, parcourt un va-et-vient de mouvements contraires.

88. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Elle peut, dans le cadre resserré et dans le demi-jour d’une chambre mauresque, intéresser par la souplesse des mouvements et par l’harmonie des lignes et des contours un curieux, un voluptueux, un artiste. […] Nos ballerines ne dansent qu’avec leurs jambes, ces jambes fuselées, intelligentes, capables de mille mouvements divers. Les bestiales almées dansent avec leur bassin, qui ne connaît qu’un mouvement, toujours le même. […] elle tourbillonne autour de lui avec une rapidité si vertigineuse — et si aisée ; il la soutient, il la guide, dans un caprice de pas sans cesse rompus et entre-croisés, avec une si impeccable sûreté ; l’harmonie de leurs mouvements est si parfaite que, si vous espérez jamais voir une grâce plus précise unie à une force plus souple … inutile de chercher, vous ne trouverez pas. […] Les jambes fines que moule la soie noire, dardées au plafond dans un enragé mouvement de balancier, parmi l’envolement neigeux des jupons, ont l’air si spirituelles et si contentes !

89. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Une simple traduction des sensations de son en sensations de la vue ou du toucher : nous nous figurons voir ou sentir un mouvement de va et vient, comme l’onde visible de la mer ou la pulsation tangible du diapason. […] L’espace même, où nous nous figurons le mouvement, est un mode de représentation qui tient probablement à l’organisation de notre cerveau ; les lois du mouvement sont des successions uniformes qui tiennent peut-être à ce que tout devient successif et uniforme dans notre conscience, si bien que nous ne pouvons rien concevoir en dehors de ce cadre imposé aux choses par notre cerveau. […] À chaque sensation, ne l’oublions pas, répond une réaction appétitive et motrice, chaque sensation étant le signe et le début d’une action et d’un mouvement. […] De plus, elles sont des instruments d’analyse pour la décomposition de la réalité en ses formes ou mouvements élémentaires. […] Il ne faut donc pas prétendre expliquer la conscience même, le sentiment et la pensée, par les seules relations des choses extérieures et par les mouvements de la matière.

90. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Du côté physique, il y a passage des forces de tension à un déploiement d’énergie et à un mouvement dans un sens déterminé. […] Il y a des flots qui s’appellent eux-mêmes, se maintiennent, se suspendent, sans qu’on puisse ramener leur mouvement à une loi. […] Il y a des raisons organiques qui font que la douleur produit des vagues de mouvements réflexes et de mouvements expressifs, sans le concours de notre volonté ; la conscience constate ici et subit le résultat, sans apercevoir les intermédiaires entre la douleur antécédente et l’impulsion conséquente. […] Physiologiquement, tous les mouvements moléculaires correspondant à ces idées et à ces tendances vont à l’opposé du mouvement centrifuge qui entraîne à l’acte. […] Quant à la direction finale du mouvement, elle demeure indéterminée pour ma volonté, qui, comme on dit, l’abandonne au hasard.

91. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 183025. […] Nous n’essaierons pas ici d’aborder ces mystères d’avenir dans toute leur vague étendue, nous y reviendrons souvent par quelques points ; aujourd’hui, nous bornant à ce qui concerne le mouvement littéraire et poétique proprement dit, nous tâcherons de montrer dans quel sens nous concevons le changement inévitable que l’art va subir et pour lequel il est mûr. […] Libéraux de fait et de nature, même quand leurs opinions inclinaient en arrière, gens de caprice et d’indépendance, ils avaient en eux une sympathie toute créée et préexistante avec le mouvement futur de la société. […] Grâce à eux, à leurs théories et à leurs travaux, l’art, qui ne se mêla pas encore au mouvement général de la société, acquit du moins, pendant cette retraite en commun, une conscience distincte et profonde de sa personnalité ; il s’éprouva lui-même, reconnut sa valeur, et trempa son instrument. […] Pourtant, avouons-le, il n’est pas devenu populaire encore ; son mouvement n’embrasse ni ne reproduit tout le mouvement social qui gagne et s’étend de jour en jour.

92. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Mais avec l’école parnassienne se perdaient le mouvement et la force de la phrase romantique, si profonds — pour de sculpturales attitudes de périodes ou de murmurantes et trop lâches fluidités. […] Mais quel est le mouvement géométriquement selon lequel elle devient ? […] Mais par quoi est mise en mouvement selon cette ellipse, la Matière ? […] « Ainsi, la matière n’est pas : et en la perpétuelle diversité de sa manière de se manifester qui est mouvement, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité ! […] « Mentalement que si eussent assenti deux désirs à une fatalité d’aimer en s’ignorant, la matière serait : et par la fatalité seule du cercle parfait se figurerait la fatalité de son mouvement.

93. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Selon la loi de toute révolution populaire, celle qui eut son prodrome à la prise de la Bastille et son épilogue au 9 thermidor était déchirée en deux parts lorsque le mouvement dit du Fédéralisme se produisit en 1793 ; et comme Caen, dit Vaultier, fut une des villes de France où le mouvement se prononça le plus (nous allons voir tout à l’heure avec quelle vigueur), ce qui se passa à Caen donne l’idée de ce qui se passa dans les autres villes, et cela fait véritablement pitié. Le mouvement fut digne de ceux qui l’avaient inspiré ou qui le fomentèrent, de ces principaux chefs de la Gironde, proscrits du « déplorable 31 mai », comme dit Vaultier, collégiens réussis qui furent des politiques manqués, et qui, le doux Vaultier lui-même l’affirme, n’ont compris ni les hommes, ni les événements, ni le jeu des intérêts sociaux : rien que cela ! […] Quant au mouvement insurrectionnel dont Vaultier nous fait le récit en l’opposant au récit des Mémoires de Louvet et de Wimpfen, le général équivoque des forces armées du Calvados, il se borna, ce formidable mouvement, à la ridicule affaire de Brécourt, que des historiens à microscope, dès qu’il s’agit de la Révolution, ont exagérée. […] Le mouvement insurrectionnel du fédéralisme se résuma donc tout entier dans la ville du Refuge pour les Girondins, dans la déclaration anonyme de l’insurrection (ce fut Vaultier qui, en raison de ses bouillants vingt-deux ans, prit sur lui le dangereux honneur de signer cette déclaration qu’il n’avait pas écrite), et, dans l’expédition panique de Brécourt, un seul coup de canon qui ne porta pas et mit en fuite deux braves corps d’armée. […] D’abord, elles suivirent le mouvement comme des moutons, puis réagirent à l’étourdie ; puis la Convention lâcha sur elles un proconsul et elles ployèrent et demandèrent pardon, et, lors de la réaction définitive qui ne tarda pas, il ne resta que l’étonnement d’avoir eu peur et d’avoir obéi !

94. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Il y a là, dit-il, une résolution de l’âme, un mouvement du corps, et une force qui attache le mouvement du corps à la résolution de l’âme ; j’aperçois à la fois et directement ces deux faits et leur rapport. […] Nous ne l’induisons pas, en notant les cas nombreux où le mouvement suit la résolution. […] Quand un corps en choque un autre, il y a simplement rapprochement, mouvement, et nécessité d’un mouvement. […] Il faut enfin que vous vouliez éprouver cette sensation ; ce n’est point le mouvement qui est l’objet propre de votre volonté, c’est elle. […] Nous n’opérons et nous ne voulons le mouvement que par contre-coup.

95. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Bientôt ce premier mouvement se détermine davantage, et prend une direction. […] La contraction est le premier mouvement qui suive la sensation pénible. […] Puis bientôt après et presque en même temps, à ce mouvement par lequel elle semble se dérober à l’objet désagréable, se mêle un troisième et dernier mouvement qui éloigne et qui repousse cet objet, et qui correspond en s’y opposant au mouvement attractif73. […] Point d’analyse plus fausse que celle du mouvement attractif. […] Tout le mouvement de la science consiste à passer des faits apparents aux faits cachés, des faits produits aux faits producteurs.

96. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Ce mérite le fit appeler, dans son siècle, le créateur de l’éloquence : mais il en eut les formes bien plus que les mouvements et la chaleur ; et trop souvent il prit l’exagération pour l’éloquence même. […] Le style se débarrassa de ses entraves ; la pensée fut libre, la marche rapide, et le langage put se prêter avec souplesse à suivre tous les mouvements de l’âme, comme un danseur qui accompagne la mesure et suit l’instrument sans que rien le gêne, au gré de son oreille ralentit ou précipite ses pas. […] Peut-être même ces grands mouvements de l’éloquence, qu’on admirait à Rome, nous conviendraient peu. […] De là, souvent notre espèce d’incrédulité pour les mouvements extraordinaires et passionnés de l’âme ; de là, surtout, dans l’éloquence comme au théâtre, cette facilité à saisir les petites teintes de ridicule qu’une circonstance étrangère mêle quelquefois aux grandes choses, et qui, surtout, sont si voisines du pathétique que l’on cherche. […] Il faut que, semblable au mécanicien qui compare les forces et les résistances, elle connaisse l’homme et ses passions ; qu’elle calcule et les effets qu’elle veut produire, et les instruments qu’elle a ; qu’elle estime par quel degré il faut ou ralentir, ou presser le mouvement.

97. (1932) Les idées politiques de la France

Le mouvement porte d’ailleurs un nom religieux, un nom à majuscule : c’est le Progrès. […] L’école est donc la principale ouvrière du mouvement vers la gauche. […] Et le jeune clergé suit plus ou moins la ligne du mouvement de l’Avenir, ou la ligne du mouvement tout court. […] De là le mouvement du Sillon et la démocratie chrétienne. […] du mouvement républicain, réussit parce qu’elle est encadrée.

98. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Si le mouvement de Ney s’était opéré tout entier dans le premier sens et avec la vigueur que l’illustre maréchal avait déployée en tant d’autres rencontres, le résultat de la victoire de Bautzen eût été bien différent : « c’eût été, ni plus ni moins, un mouvement entièrement semblable à celui que Blucher exécuta plus tard contre nous à Waterloo. » La paix, du coup, eût pu être conquise. […] Lui-même en partant, il prit sur lui d’ordonner à toutes les compagnies du train d’artillerie de se rassembler au plus tôt, et à la cavalerie légère de faire un mouvement pour couvrir les camps et le quartier général. Ney fut bien étonné tout le premier de voir s’opérer autour de lui ces mouvements et marches qu’il n’avait pas commandés. […] Jomini, dans l’après-midi du 28 (août), ayant jugé nécessaire de faire quelque mouvement de troupes et en ayant parlé à l’empereur Alexandre qui l’approuva, fut chargé d’en porter l’avis au prince généralissime. […] Blucher aima mieux rester indépendant, et, au lieu de se réunir dans le Sud à la grande armée des souverains, il préféra de s’avancer par le Nord, en liant ses mouvements à ceux de Bernadotte.

99. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Nous verrons que l’intelligence humaine se sent chez elle tant qu’on la laisse parmi les objets inertes, plus spécialement parmi les solides, où notre action trouve son point d’appui et notre industrie ses instruments de travail, que nos concepts ont été formés à l’image des solides, que notre logique est surtout la logique des solides, que, par là même, notre intelligence triomphe dans la géométrie, où se révèle la parenté de la pensée logique avec la matière inerte, et où l’intelligence n’a qu’à suivre son mouvement naturel, après le plus léger contact possible avec l’expérience, pour aller de découverte en découverte avec la certitude que l’expérience marche derrière elle et lui donnera invariablement raison. Mais de là devrait résulter aussi que notre pensée, sous sa forme purement logique, est incapable de se représenter la vraie nature de la vie, la signification profonde du mouvement évolutif. […] Déposée, en cours de route, par le mouvement évolutif, comment s’appliquerait-elle le long du mouvement évolutif lui-même ? […] Sur d’autres voies, divergentes, se sont développées d’autres formes de la conscience, qui n’ont pas su se libérer des contraintes extérieures ni se reconquérir sur elles-mêmes, comme l’a fait l’intelligence humaine, mais qui n’en expriment pas moins, elles aussi, quelque chose d’immanent et d’essentiel au mouvement évolutif. […] L’intelligence se trouve ainsi replacée dans sa cause génératrice, qu’il s’agirait alors de saisir en elle-même et de suivre dans son mouvement.

100. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

À mon avis, c’est de cette multitude énorme de mouvements perpétuellement essayés que se dégageront par sélection graduelle les mouvements intentionnels ayant un but et atteignant ce but. — Depuis quinze jours (deux mois et demi), j’en constate un qui est visiblement acquis : entendant la voix de sa grand’mère, elle tourne la tête du côté d’où vient la voix. […] Mêmes progrès graduels et spontanés pour les mouvements vocaux. […] Il éprouve toujours un vif plaisir à le faire rouler, à lui communiquer cette série continue d’apparences changeantes qu’on nomme le mouvement. […] L’idée générale s’est restreinte et remplie autrement ; dans ce groupe de caractères qui la constituaient, une particularité, celle d’être en mouvement, s’est oblitérée ; peut-être l’enfant a-t-il distingué le mouvement véritablement spontané de l’animal et le mouvement simplement communiqué de la toupie. […] En abandonnant tout ce qui pouvait rappeler à l’auditeur le son spécial de tel objet emporté par un mouvement rapide, la racine pat devint apte à signifier le concept général du mouvement rapide, et cette racine, par sa végétation, fournit ensuite une quantité de mots en sanscrit, en grec, en latin et dans les autres langues aryennes.

101. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

III et IV) musique et technique (Temps) plastique (Espace) Rythme Harmonie Coloris Proportion lumineuse Rythmes Mesure ………… …………… Mouvement Stabilité Geste Attitude (Activité) (Passivité) Élégance Noblesse …………… ………… Mouvement Stabilité Subjectivité Objectivité ………… ………… Temps (Espace) Subjectivité Objectivité (Temps) Espace TECHNIQUE ET PERSONNALITÉ (Ch.  […] Vielé-Griffin M. de Régnier Invention Talent Instinct, spontanéité Sens de l’équilibre Poète Artiste Naïveté (Artificialité) Fluidité Rigidité Inconsistance Fermeté plastique Variété Homotonie Mouvement Stabilité Manière Impersonnalité (Flaubert) Un style Le style Subjectivité Objectivité (Temps) (Espace) Et encore cette petite table d’analogies : MUSIQUE PLASTIQUE Rythme (mouvement) Harmonie (son) Forme (lignes) Lumière Les rythmes Mesures Timbres L’harmonie Geste (trait) Attitude Coloris Valeurss TEMPS ESPACE On remarque que chaque ordre dans la musique correspond à l’ordre de même rang et de même position dans la plastique ; ainsi Rythme à forme, Harmonie à lumière, valeurs à harmonie, rythmes libres à gestes, etc. […] Tel était le but de ce petit livre, — et de suggérer peut-être que, si nous percevons directement nos mouvements et notre fondamental rythme, (ce que, par un inconscient appel du futur, nous appelons notre être), l’harmonie demeure au fond de nous cachée et comme sommeillante et n’affirme point sa présence, sinon lorsqu’en face des formes décisivement ordonnées, elle se révèle en se reconnaissant.

102. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

En considérant l’insuffisance de son objet, on serait tenté d’en douter ; mais en observant la violence des mouvements qu’elle inspire, on y reconnaît tous les caractères des passions, et l’on retrouve tous les malheurs qu’elles entraînent, dans la dépendance servile où ce sentiment vous met du cercle qui vous entoure. […] Il n’est aucune passion qui ramène autant à soi, mais il n’en est aucune qui vienne moins de notre propre mouvement, toutes ses impulsions arrivent du dehors. C’est non seulement à la réunion des hommes en société que ce sentiment est dû, mais c’est à un degré de civilisation qui n’est pas connu dans tous les pays, et dont les effets seraient presque impossibles à concevoir pour un peuple dont les institutions et les mœurs seraient simples ; car la nature éloigne des mouvements de la vanité, et l’on ne peut comprendre comment des malheurs si réels naissent de mouvements si peu nécessaires. […] Cette passion qui n’est grande que par la peine qu’elle cause, et ne peut, qu’à ce seul titre marcher de pair avec les autres, se développe parfaitement dans les mouvements des femmes : tout en elles, est amour ou vanité. […] Je n’appellerai point vanité le mouvement qui a porté vingt-quatre millions d’hommes à ne pas vouloir des privilèges de deux cent mille, c’est la raison qui s’est soulevée, c’est la nature qui a repris son niveau.

103. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Elle annonce au moins autant un mouvement littéraire nouveau qu’elle rappelle un mouvement déjà lointain. […] Mais parce que tous ne se rendent pas compte du mouvement, le mouvement en existe-t-il moins ? […] — Par mouvements oratoires. […] Un mouvement intellectuel sérieux se prépare dans la génération qui monte. […] Le rythme réalise ce miracle qu’il garde à jamais vivant le mouvement même de l’âme.

104. (1911) Études pp. 9-261

Il se développe avec la continuité du mouvement respiratoire. […] Cette essence est le mouvement. […] que je sois anéanti dans mon mouvement ! […] Son discours est plein de mouvement, mais d’un mouvement prescrit une fois pour toutes. […] Son premier mouvement est en effet de se garder.

105. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

On peut donc comparer une onde éthérée à un système de mouvements atomiques, et une succession d’ondes éthérées semblables à une succession de systèmes semblables de mouvements atomiques. […] Une molécule arrive au contact d’une fibrille olfactive ou d’une papille gustative ; là se produit dans la molécule un système de mouvements atomiques, et dans la fibrille une action correspondante suit ; une seconde molécule semblable arrive au même point ; un second système semblable de mouvements atomiques se produit, et dans la même fibrille une seconde action correspondante toute semblable suit. […] Celles que font naître les nerfs olfactifs et gustatifs correspondent à des mouvements moléculaires dont la forme est déterminée. […] Ont-ils fait un mouvement, ils en ignorent l’étendue et souvent ne savent pas s’il a eu lieu. […] On leur communique des mouvements passifs à l’aide d’un appareil électrique, sans qu’ils le soupçonnent.

106. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Seulement, quelque idée qu’on s’en fasse, on n’aura une notion juste du mouvement de cet esprit qui, si nous ne nous trompons, a le signe des forts : l’abondance, qu’en lisant dans le livre même : La France devant Dieu, Le Souverain et les sujets, La Leçon d’anatomie, La Barricade, Le Théâtre, La Peste littéraire, Les Catastrophes, Le Journaliste, Le Doigt de Dieu dans les révolutions, La Graine du Comédien, L’Amour des bêtes, Comment on se marie, La Morgue, et tant d’autres morceaux dont les titres seuls attestent éloquemment la largeur de circonférence dans laquelle l’auteur de la Croisade étend les rayons de son observation poétique. […] Seulement, il l’est par l’énergie du mot qui ne marchandé rien et par le mouvement. Le mouvement surtout ! […] Quand il vous émeut et vous frappe, et vous frappe pour vous faire penser, il vous frappe par le tour et par le mouvement souvent très dramatique de sa pensée. […] Ainsi, par exemple, quoique nous ne voulions rien citer, il y a dans cette superbe satire sur la Morgue, où il a dépassé en pathétique amer et sombre l’auteur de L’Hôpital, du Village abandonné, etc., le poète Crabbe, un passage que nous risquons en finissant, et dans lequel vous trouverez le mouvement et le procédé d’émotion à l’aide desquels le poète moraliste a l’habitude de nous atteindre.

107. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

On peut sans doute, pour plus de rigueur, éliminer de nos procédés mathématiques toute considération de mouvement ; il n’en est pas moins vrai que l’introduction du mouvement dans la genèse des figures est à l’origine de la mathématique moderne. […] On sait que le protoplasme de la cellule effectue des mouvements variés à l’intérieur de son enveloppe. […] La bille de billard qu’on lance contre une autre bille en détermine le mouvement par impulsion. […] Si je lève la main de A en B, ce mouvement m’apparaît à la fois sous deux aspects. […] Mais mécanisme et finalisme passeraient, l’un et l’autre, à côté du mouvement, qui est la réalité même.

108. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Il aurait fallu arrêter le mouvement ou l’infléchir. […] L’art du caricaturiste est de saisir ce mouvement parfois imperceptible, et de le rendre visible à tous les yeux en l’agrandissant. […] C’est que la forme est pour nous le dessin d’un mouvement. […] Mais voici qu’un certain mouvement du bras ou de la tête, toujours le même, me paraît revenir périodiquement. […] Ici encore nous avons voulu suivre fidèlement une direction naturelle du mouvement de l’imagination.

109. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Les corps n’étant que des mobiles moteurs, il n’y a rien de réel en eux que leurs mouvements ; à cela se ramènent tous les événements physiques. Mais le mouvement, considéré directement en lui-même et non plus indirectement par la perception extérieure, se ramène à une suite continue de sensations infiniment simplifiées et réduites. […] L’un et l’autre sont un courant d’événements homogènes que la conscience appelle des sensations, que les sens appellent des mouvements, et qui, de leur nature, sont toujours en train de périr et de naître. […] Le mouvement des doigts et du crayon est raide et semble automatique. […] L’œil extérieur n’atteint pas les mouvements moléculaires qui s’exécutent dans les fibres et les cellules de l’encéphale ; seul l’œil intérieur peut servir de guide ; il faut avoir recours à la psychologie pour démêler les sensations et les images dont ces mouvements sont l’aspect physique.

110. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Elle nous permet de prévoir les mouvements des planètes. […] N’examinons pas si on pourrait les concilier et dire que la lumière est un courant, et que ce courant est un mouvement ? […] Et pourtant, il en reste quelque chose, puisque entre les courants hypothétiques qu’admet Maxwell, il y a les mêmes relations qu’entre les mouvements hypothétiques qu’admettait Fresnel. […] Voilà le mouvement diurne apparent des étoiles, et le mouvement diurne des autres corps célestes, et d’autre part l’aplatissement de la Terre, la rotation du pendule de Foucaut, la giration des cyclones, les vents alizés, que sais-je encore ? […] Dans le système de Ptolémée, les mouvements des corps célestes ne peuvent s’expliquer par l’action de forces centrales, la Mécanique Céleste est impossible.

111. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

On ne sçauroit écrire en notes quelle doit être précisement la vitesse du mouvement de la mesure, quoique ce mouvement soit l’ame de la musique. Ce que tous les musiciens, et principalement les musiciens italiens écrivent en lettres ordinaires à côté de la composition, pour dire si le mouvement doit être ou vif ou bien lent, ne l’enseigne qu’imparfaitement. Jusques ici, je l’ai déja dit, le veritable mouvement d’une composition n’a pû se conserver que par tradition, pour parler ainsi, car les instrumens inventez pour tacher d’avoir par le moïen de l’horlogerie, le mouvement juste que les compositeurs avoient donné à leurs airs et à leurs chants, afin de le conserver avec précision, n’ont point eu jusques ici un grand succès. […] Ainsi parce que des gens qui auront toûjours declamé sans connoître d’autres regles que l’instinct et la routine désaprouveront l’usage des anciens par un premier mouvement, il ne s’ensuit pas que cet usage fut mauvais.

112. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Les anciens appelloient rithme en musique, ce que nous appellons mesure et mouvement. Or la mesure et le mouvement donnent l’ame, pour ainsi dire, à une composition musicale. […] En second lieu, le rithme sçait mettre une nouvelle vrai-semblance dans l’imitation que peut faire une composition musicale, parce que le rithme lui fait imiter encore la progression et le mouvement des bruits et des sons naturels qu’elle imitoit déja par le chant et par l’harmonie. […] Nos tambours ne battent point la chamade du même mouvement dont ils battent la charge. […] Il semble que ces bruits qui ne s’accelerent ou ne se retardent, quant à l’intonnation et quant au mouvement, que suivant une proportion lente et uniforme, soient plus propres à faire reprendre aux esprits ce cours égal, dans lequel consiste la tranquillité, qu’un silence qui les laisseroit suivre le cours forcé et tumultueux, dans lequel ils auroient été mis.

113. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

L’âme dans ses mouvements a bien plus de rapidité que la vue ; elle embrasse un terrain plus vaste : elle a surtout le besoin de la surprise. […] Il ne s’abandonne jamais ; il n’a aucun de ces mouvements qui annoncent que l’orateur s’oublie, et prend parti dans ce qu’il raconte. […] S’il lui manque de ces expressions originales, et dont quelquefois une seule représente une masse d’idées, il a ce coloris toujours égal, qui donne de la valeur aux petites choses, et qui ne dépare point les grandes ; il n’étonne presque jamais l’imagination, mais il la fixe : il emprunte quelquefois de la poésie, comme Bossuet ; mais il en emprunte plus d’images, et Bossuet plus de mouvements. […] Ici Fléchier, comme on l’a dit souvent, paraît au-dessus de lui-même ; il semble que la douleur publique ait donné plus de mouvement et d’activité à son âme ; son style s’échauffe, son imagination s’élève, ses images prennent une teinte de grandeur ; partout son caractère devient imposant. […] Il peint avec rapidité les derniers succès de ce grand homme ; il fait voir l’Allemagne troublée, l’ennemi confus, l’aigle prenant déjà l’essor et prête à s’envoler dans les montagnes, l’artillerie tonnant de toutes parts pour favoriser la retraite, la France et l’Europe dans l’attente d’un grand mouvement.

114. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Et ce mouvement de retour forcé vers le principe délaissé si longtemps n’est pas seulement, qu’on le sache bien ! […] Le mouvement, du reste, qu’il causa plus qu’il ne chercha à le dominer, ne s’épuisa pas autour de lui, dans Oxford. […] Gondon, intitulé : Du Mouvement religieux en Angleterre, par un catholique. […] Du Mouvement religieux en Angleterre, par un catholique. […] Cet ouvrage, qui ne mène le mouvement d’opinion dont nous parlons qu’en 1846, aurait besoin d’être continué.

115. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Il s’agit, ici et là, d’avoir à la fois sous les yeux, de retenir en même temps dans le champ de son attention une grande quantité de mouvements accomplis et de mouvements projetés et leurs relations actuelles et futures. […] On ne sait jamais ce qu’il en sortira, ni ce qui dort dans cette âme collective, si capricieuse, sujette à des mouvements inexpliqués et contagieux. […] Et c’est bien lui qui, au milieu de la bataille, a l’idée du fameux mouvement qui nous valut la victoire. […] Puis, après le mouvement tournant, « les fuyards qui se jettent en dehors, dans la direction du bois, sont ramassés par Gassion ou par les Croates ». […] L’ingénieur du roi, M. de Beaulieu, qui nous a laissé sur les batailles de cette époque une série de gravures presque toujours fort exactes, représenta le combat au moment même où Gassion exécute son mouvement tournant.

116. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

. — Cette suppression des caractères supprimera l’action, car l’action est le mouvement et la vie, et nos acteurs sont immobiles et morts. […] On ne trouvera donc dans notre fable ni comique, ni éloquence, ni tendresse ; point de ces accents qui révèlent un élan de l’âme, ni de ces saillies qui laissent deviner un sourire, ni de ces tons variés qui expriment les mouvements sinueux d’une imagination légère. […] Ils sont si vivants et si présents dans l’imagination qu’on suit involontairement les changements de leur visage et les mouvements de leur âme. […] Ajoutez que, si je suis un copiste exact, je ne pourrai mettre en relief cette expression principale : car les traits dominants et l’allure accoutumée sont en lui, comme en toute chose, cachés par les traits accessoires et les mouvements accidentels. […] S’il prête un discours à un personnage, il en fera un tout indissoluble, où chaque phrase prouvera la conclusion, où le syllogisme intraitable se cachera sous les dehors de la passion, où le but, comme un moteur souverain, produira, disposera, conduira toute la machine et tous les mouvements.

117. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Il fallait pour cela dissimuler ses mouvements, de peur de les avertir et de les resserrer à l’instant même. […] On a chicané dès les premiers mouvements et on a incidenté sur les moindres mécomptes pour en faire remonter le tort à Napoléon. […] Ney attendait donc pour agir le corps de Reille, et, sur son ordre pressant, il ne vit arriver en premier lieu que Reille lui-même en personne, dont les divisions ne se mirent en mouvement pour rejoindre qu’un peu plus tard, et dont les conseils prudents, les remarques à l’égard des Anglais et du caractère particulier de leurs troupes, ne laissaient pas de lui donner à penser. […] Car, avant de rétrograder vers Ney, et lorsqu’il était en marche sur Bry, vers cinq heures, aperçu de loin par Vandamme et mal reconnu par l’un des officiers de ce dernier général, il avait donné des inquiétudes aux nôtres à un moment décisif, et avait contribué à suspendre un mouvement victorieux jusqu’à ce qu’on fut revenu d’une première erreur ; on y perdit près de deux heures bien précieuses. […] C’est ce dernier mouvement suspendu par suite de l’erreur de Vandamme, mais repris aussitôt l’erreur éclaircie, qui décida le succès de la journée.

118. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Cependant, tout en faisant la part d’ignorance et d’aveuglement fanatique qui se rencontre dans les bas-fonds des écoles nouvelles, il faut reconnaître que tout grand mouvement philosophique a sa raison d’être et sa légitimité. […] Il faut sans doute que les pouvoirs soient séparés, c’est la condition de la liberté ; mais il faut qu’ils marchent d’accord, c’est la condition de la vie et du mouvement. […] L’idée spiritualiste, n’ayant point exclu la variété et le mouvement dans le passé, ne l’exclut pas davantage dans l’avenir. […] Où est le mouvement ? […] Bersot (Libre philosophie, morale et politique) associe la philosophie aux libres mouvements de la philosophie du dehors.

119. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

L’Univers astronomique est formé de masses, très grandes sans doute, mais séparées par des distances tellement immenses qu’elles ne nous apparaissent que comme des points matériels ; ces points s’attirent en raison inverse du carré des distances et cette attraction est la seule force qui influe sur leurs mouvements. […] Supposons que nous ayons en face de nous une machine quelconque ; le rouage initial et le rouage final sont seuls apparents, mais les transmissions, les rouages intermédiaires par lesquels le mouvement se communique de l’un à l’autre sont cachés à l’intérieur et échappent à notre vue ; nous ignorons si la communication se fait par des engrenages ou par des courroies, par des bielles ou par d’autres dispositifs. […] C’est aussi une machine beaucoup plus compliquée que toutes celles de l’industrie, et dont presque toutes les parties nous sont profondément cachées ; mais en observant le mouvement de celles que nous pouvons voir, nous pouvons, en nous aidant de ce principe, tirer des conclusions qui resteront vraies quels que soient les détails du mécanisme invisible qui les anime. […] Ce sont : Le principe de Carnot, ou principe de la dégradation de l’énergie ; Le principe de Newton, ou principe de l’égalité de l’action et de la réaction ; Le principe de la relativité, d’après lequel les lois des phénomènes physiques doivent être les mêmes, soit pour un observateur fixe, soit pour un observateur entraîné dans un mouvement de translation uniforme ; de sorte que nous n’avons et ne pouvons avoir aucun moyen de discerner si nous sommes, oui ou non, emportés dans un pareil mouvement ; Le principe de la conservation de la masse, ou principe de Lavoisier ; J’ajouterai le principe de moindre action.

120. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Le premier mouvement de la science moderne devait donc être de chercher si l’on ne pourrait pas substituer aux phénomènes de l’esprit certains phénomènes qui en fussent les équivalents et qui seraient mesurables. […] J’ajoute que la nature n’a pas dû se donner le luxe de répéter en langage de conscience ce que l’écorce cérébrale a déjà exprimé en termes de mouvement atomique ou moléculaire. […] Ni pour le jugement, ni pour le raisonnement, ni pour aucun autre acte de pensée nous n’avons la moindre raison de les supposer attachés à des mouvements intra-cérébraux dont ils dessineraient la trace. […] Plus précisément, le rôle du cerveau est de faire que l’esprit, quand il a besoin d’un souvenir, puisse obtenir du corps l’attitude ou le mouvement naissant qui présente au souvenir cherché un cadre approprié. […] Avançons-y avec une hardiesse prudente, déposons la mauvaise métaphysique qui gêne nos mouvements, et la science de l’esprit pourra donner des résultats qui dépasseront toutes nos espérances.

121. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

On échappe au monde par des intérêts plus vifs que tous ceux qu’il peut donner ; on jouit du calme de la pensée et du mouvement du cœur ; et dans la plus profonde solitude la vie de l’âme est plus active que sur le trône des Césars. […] Mais, en effet, tant de mouvements passagers ressemblent à l’amour, tant d’attraits d’un tout autre genre prennent, ou chez les femmes par vanité, ou chez les hommes dans leur jeunesse, l’apparence de ce sentiment, que ces ressemblances avilies, ont presque effacé le souvenir de la vérité même. […] Les affections qui forcent à s’agiter dans le malheur, accroissent la peine par chaque mouvement qu’on fait pour l’éviter. […] Une sorte de trouble sans fin, sans but, sans repos, s’empare de leur existence, les unes se dégradent, les autres sont plus près d’une dévotion exaltée que d’une vertu calme ; toutes au moins sont marquées du sceau fatal de la douleur : et pendant ce temps, les hommes commandent les armées, dirigent les Empires, et se rappellent à peine le nom de celles dont ils ont fait la destinée ; un seul mouvement d’amitié laisse plus de traces dans leur cœur que la passion la plus ardente ; toute leur vie est étrangère à cette époque, chaque instant y rattache le souvenir des femmes ; l’imagination des hommes a tout conquis en étant aimé ; le cœur des femmes est inépuisable en regrets, les hommes ont un but dans l’amour, la durée de ce sentiment est le seul bonheur des femmes. Les hommes, enfin, sont aimés parce qu’ils aiment ; les femmes doivent craindre à chaque mouvement qu’elles éprouvent, et l’amour qui les entraîne, et l’amour qui va détruire le prestige qui enchaînait sur leurs pas.

122. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Si l’on compare l’aspect particulier sous lequel M. de Goncourt voit les paysages, les intérieurs, les gens, les physionomies, les attitudes, les passions, la nature psychologique de ses personnages préférés, on extraira de cette collection, la notion d’un artiste épris de mouvement, notant la vie dans son évolution, les visages dans leurs transformations, les émotions dans leurs conflits, chaque âme dans sa diversité. […] Pour les portraits, l’aspect, la physionomie des gens dont l’auteur peuple ses pages, ce qu’il évoque c’est non une énumération de traits au repos, le catalogue d’un visage et d’un corps, mais leur mouvement, leur attitude instantanée, leur figure surprise en un changement ou une révulsion. […] Et cette perpétuelle vision de mouvements physiques, ces physionomies changeantes, ces bras remuants, ces muscles frissonnants sous l’épiderme, toute cette vie qui s’agite dans les pages descriptives de M. de Goncourt, secoue et précipite les passions de ses personnages, accélère leurs conversations en ripostes serrées de près, fait voler leur esprit, emporte leurs actes, varie leurs humeurs. […] Et par une conséquence logique ce sont des âmes capables de ces variations, de ces emportements, de ces sautes, que M. de Goncourt s’applique à peindre, des âmes diverses, plastiques à toutes les sensations, désarticulées et nerveuses, sans constance et sans unité, sans rien qui les raidisse, les soutienne et les cimente, des âmes de demi-artistes, des âmes de premier mouvement, soudaines, ductiles et fougueuses. […] De ce goût pour la vie, de ce perpétuel et paradoxal effort à rendre le mouvement avec des mots figés et une langue plus ferme que souple, de cette artistique quadrature du cercle, provienne singulier style de M. de Goncourt.

123. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Et cette difficulté si grave se rencontre dans presque tous les cas du mouvement, car presque tout mouvement est l’effet d’un concours de forces, et les effets respectifs des diverses forces se trouvent en lui mêlés à un tel point qu’on ne peut les séparer sans le détruire, en sorte qu’il semble impossible de savoir quelle part chaque force a dans la production de ce mouvement. […] Pour apercevoir séparément chaque effet, il faudrait considérer des mouvements différents, c’est-à-dire supprimer le mouvement donné et le remplacer par d’autres. […] Nous vérifions ensuite si le mouvement donné est exactement semblable au mouvement prédit, et si cela est, nous l’attribuons aux causes d’où nous l’avons déduit. […] De ces lois induites nous déduisons par le calcul le mouvement d’un corps qui serait soumis à leurs sollicitations combinées, et, vérifiant que les mouvements planétaires observés coïncident exactement avec les mouvements prévus, nous concluons que les deux forces en question sont effectivement les causes des mouvements planétaires. « C’est à cette méthode, dit Mill, que l’esprit humain doit ses plus grands triomphes. […] Nous pouvons bien réduire un mouvement à un autre mouvement, mais non la sensation de chaleur à la sensation d’odeur, ou de couleur, ou de son, ni l’une ou l’autre à un mouvement.

124. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Et cette difficulté si grave se rencontre dans presque tous les cas du mouvement, car presque tout mouvement est l’effet d’un concours de forces, et les effets respectifs des diverses forces se trouvent en lui mêlés à un tel point qu’on ne peut les séparer sans le détruire, en sorte qu’il semble impossible de savoir quelle part chaque force a dans la production de ce mouvement. […] Pour apercevoir séparément chaque effet, il faudrait considérer des mouvements différents, c’est-à-dire supprimer le mouvement donné et le remplacer par d’autres. […] Nous vérifions ensuite si le mouvement donné est exactement semblable au mouvement prédit, et si cela est, nous l’attribuons aux causes d’où nous l’avons déduit. […] De ces lois induites nous déduisons par le calcul le mouvement d’un corps qui serait soumis à leurs sollicitations combinées, et, vérifiant que les mouvements planétaires observés coïncident exactement avec les mouvements prévus, nous concluons que les deux forces en question sont effectivement les causes des mouvements planétaires. […] Nous pouvons bien réduire un mouvement à un autre mouvement, mais non la sensation de chaleur à la sensation d’odeur, ou de couleur, ou de son, ni l’une ou l’autre à un mouvement.

125. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Le mouvement des idées sous le second empire. […] Esquisse sommaire du mouvement politique et social. […] Il s’en faut, encore ici, que tous les directeurs de ces divers mouvements aient droit de figurer dans une histoire littéraire : elle ne doit tenir compte que de quelques hommes, qui ne sont pas toujours les plus grands par la pensée ou les actes. […] Il classait les problèmes, les réformes, marquant toujours un but principal, mais ne fixant jamais de terme où l’on n’aurait plus rien à faire : il voulait que le progrès de la démocratie se fit par un mouvement régulier et continu. […] On souffre dès aujourd’hui à le lire ; et pourtant, si médiocre que soit la forme, le mouvement y est encore, parfois la flamme.

126. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Chez nos voisins d’outre-Rhin comme chez nous, c’est encore le mouvement historique qui domine dans les études de philosophie morale. […] Il est évident que la scène extérieure étant la même dans les deux cas, la conclusion pour l’un et pour l’autre sera identique, quant à la nécessité des mouvements de ces deux agents. […] Alors on entend la définition de l’être par Leibniz : tout être, esprit ou nature, est une force qui aspire au mouvement. Alors on entend la définition de l’homme : une force qui tend au mouvement libre. […] Qu’importe que l’ordre et la régularité dans la succession des mouvements de la vie extérieure nous fassent penser à l’ordre de la nature et à l’universelle nécessité qui en fait le caractère ?

127. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Puis les mouvements s’éteignent. […] Engelmann a observé les mouvements des cils vibratiles, mouvements qui sont faciles à apercevoir après que la membrane qui les supporte a été détachée de l’animal. […] Cet élément serait actif, et jouirait de mouvements vibratoires et ondulatoires, les mouvements plastidulaires. […] Balbiani a découvert dans les nucléoles d’un grand nombre de cellules des mouvements qui peuvent se ramener à deux types : 1° des mouvements amœboïdes analogues à ceux du protoplasma ; 20 des mouvements de contraction des vésicules ou vacuoles placées dans la masse homogène du nucléole. Les mouvements amœboïdes des nucléoles ont été observés par M. 

128. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

— « Si le mouvement symboliste est concordant ou contradictoire avec le mouvement psychologiste ?  […] Quant à croire que ce mouvement doive être continu, je ne le peux pas. […] Ce nouveau mouvement révèlera-t-il un grand homme, et quel ? […] — Un mouvement, non : des mouvements sans direction, sans direction commune surtout. […] Non, je ne vois pas de mouvement !

129. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Roscius dit qu’il déclamera beaucoup plus lentement lorsqu’il se sentira vieux, et qu’il obligera les chanteurs à prononcer plus doucement, et les instrumens à rallentir le mouvement de la mesure. Si le comedien astreint à suivre une mesure reglée, continuë Ciceron, peut soulager sa vieillesse en rallentissant le mouvement de cette mesure, a plus forte raison un orateur peut-il bien soulager sa caducité. Non seulement l’orateur est le maître du rithme ou du mouvement de sa prononciation, mais comme il parle en prose et sans être obligé de se concerter avec personne, il est encore le maître de changer à son gré la mesure de ses phrases, de maniere qu’il ne prononce jamais d’une haleine qu’autant de sillabes qu’il en peut prononcer commodement. […] Roscius obligea pour lors l’accompagnement et ceux qui prononçoient pour lui certains endroits de la piece, c’est ce que nous expliquerons ci-dessous, à souffrir que le mouvement de la mesure qu’ils étoient tous obligez de suivre, fut rallenti. […] Il faisoit durer plus long-temps les mesures, il obligeoit l’acteur qui recitoit à parler plus lentement, et il falloit que les instrumens qui les accompagnoient suivissent ce nouveau mouvement.

130. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Les Samaritains étaient agités de mouvements du même genre 178. […] Un mouvement qui eut beaucoup plus d’influence sur Jésus fut celui de Juda le Gaulonite ou le Galiléen. […] Un mouvement éclata dans les provinces du nord. […] Juda fut évidemment le chef d’une secte galiléenne, préoccupée de messianisme, et qui aboutit à un mouvement politique. […] L’expérience ne compte pour rien dans les grands mouvements fanatiques.

131. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Tel est dans la mécanique appliquée ce principe que, si un corps perd ou acquiert une certaine quantité de mouvement, la même quantité est acquise ou perdue par un autre corps. […] Car on a vu que le nombre, la ligne, la surface, le solide, le mouvement, la vitesse, la force existent non seulement dans l’esprit, mais encore dans la nature ; c’est dans la nature que l’esprit les trouve, et c’est d’elle qu’il les extrait. […] En effet, il suffit pour cela que les composés réels, lointains ou prochains, entrent dans nos cadres mathématiques, et ils y entrent forcément, sitôt qu’ils ont un nombre, une situation, une forme, sitôt qu’ils possèdent un mouvement, une vitesse, une masse, sitôt qu’ils sont soumis à des forces, c’est-à-dire à des conditions quelconques de mouvement. […] Or, autant que nous en pouvons juger, et d’après les découvertes récentes, tous les changements d’un corps, physiques, chimiques ou vitaux, se ramènent à des mouvements de ses molécules ; pareillement, la chaleur, la lumière, les affinités chimiques, l’électricité, peut-être la gravitation elle-même, toutes les forces qui provoquent ces changements et provoquent le mouvement lui-même, se réduisent à des mouvements. D’où il suit que dans la nature visible il n’y a que des corps en mouvement, moteurs ou mobiles, tour à tour moteurs et mobiles, moteurs quand leur mouvement préalable est la condition du mouvement d’un autre, mobiles quand leur mouvement consécutif est l’effet du mouvement d’un autre ; ce qui réduit tout changement corporel au passage de telle quantité de mouvement transportée du moteur dans le mobile, opération qui, comme on s’en est assuré, a lieu sans gain ni perte, en sorte qu’à la fin du circuit la dépense est couverte exactement par la recette, et que la force finale se retrouve égale à la force initiale. — Que si cette admirable réduction était vraie, d’abord pour notre monde, et, en outre, partout au-delà de notre monde, non seulement tous nos problèmes physiques, chimiques et physiologiques, mais encore tous les problèmes qui concernent un corps effectif quelconque, seraient au fond de purs problèmes de mécanique122.

132. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Il suffit de citer, pour les rattacher encore à ce mouvement, De toute son âme ou Donatienne de M.  […] Maurice Barrès exerce sur la littérature actuelle et sur le grand public une influence d’autant plus considérable qu’il paraît bien résumer dans sa physionomie littéraire tous les mouvements d’idées de l’heure présente. […] À côté de ce mouvement, on découvre une très curieuse étude psychologique de la « popularité ». […] Le style en est vif, coloré, incisif, les images saisissantes, le mouvement emporté : à chaque page surgissent des traits mordants et de vraies trouvailles d’expression. […] Dans toute celle-ci, l’intérêt des luttes évoquées se concentre sur les mouvements secrets des âmes où ces luttes se livrent.

133. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Les idées intermédiaires peuvent être tracées d’une manière plus rapide, lorsque l’enchaînement d’un très grand nombre de vérités est généralement connu ; l’intervalle des morceaux de mouvement peut être rempli par des raisonnements forts, l’esprit peut être constamment soutenu dans la région des pensées hautes ; et l’on peut l’intéresser par des réflexions morales, universellement comprises, sans être devenues communes. […] Dans ce qui caractérise l’éloquence, le mouvement qui l’inspire, le génie qui la développe, il faut une grande indépendance, au moins momentanée, de tout ce qui nous environne ; il faut s’élever au-dessus du danger, s’il existe, au-dessus de l’opinion que l’on attaque, des hommes que l’on combat, de tout, hors sa conscience et la postérité. […] Un très petit nombre d’hommes se vouait, chez les anciens, à cette morale stoïcienne qui réprimait tous les mouvements du cœur : la philosophie des modernes, quoiqu’elle agisse plus sur l’esprit que sur le caractère, n’est qu’une manière de considérer tous les objets de la vie. […] L’éloquence ayant toujours besoin du mouvement de l’âme, ne s’adresse qu’aux sentiments des hommes, et les sentiments de la multitude sont toujours pour la vertu. […] Le fanatisme de la religion ou de la politique a fait commettre d’horribles excès, en remuant les assemblées par des paroles incendiaires ; mais c’était la fausseté du raisonnement, et non le mouvement de l’âme, qui rendait ces paroles funestes.

134. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Mais, en prenant l’esprit humain dans son ensemble, en évaluant le progrès par le mouvement accompli dans les idées, on est amené à dire : « Que la volonté de Dieu soit faite !  […] Sans l’idée du progrès, on ne saurait rien comprendre aux mouvements de l’humanité. […] La règle existait bien à l’origine, mais vivifiée par l’esprit, à peu près comme les cérémonies chrétiennes, devenues pure série de mouvements réglés, étaient dans l’origine vraies et sincères. […] Il serait par trop étrange que quelques profanes, par des considérations de bourse ou de boutique, arrêtassent le mouvement de l’esprit, le vrai mouvement religieux. […] Ceux qui se trouvent bien du monde tel qu’il est ne peuvent aimer le mouvement, à moins qu’ils ne s’élèvent au-dessus des vues d’intérêt personnel.

135. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Interdire tel ou tel système anatomique au nom d’une doctrine philosophique, ce serait raisonner comme les théologiens du moyen âge, qui condamnaient le mouvement de la terre au nom de la révélation. […] Flourens est d’autant moins fondée de sa part que lui-même admet certaines localisations ; il distingue l’organe de l’intelligence ou le cerveau de l’organe de la sensibilité, qui est la moelle épinière, de l’organe coordinateur des mouvements, qui est le cervelet. […] L’école cartésienne même, suivant en cela les traces de l’école thomiste, définissait les passions « des mouvements de l’âme liés à des mouvements corporels ». […] C’est ainsi que la moelle allongée paraît être le principe des mouvements de la respiration. […] Flourens, serait l’organe de l’équilibre, de l’harmonie, de la coordination des mouvements, et cette doctrine, quoique contestée, paraît de plus en plus autorisée dans la science.

136. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVIII » pp. 74-75

grand mouvement de réimpressions dans la librairie française. — les formats-charpentier. — l’illustration. […] — Il se fait en France un grand mouvement de réimpressions, de traductions de toutes sortes d’ouvrages, ou plutôt ce mouvement, favorisé par l’invention des petits formats dits formats-Charpentier, se continue et s’achève en ce moment.

137. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Mais la vie est dans tous les mouvements et dans toutes les formes ; car chaque mouvement révèle une force qui s’exprime, et chaque forme révèle une force qui s’est exprimée. […] Ce mouvement géométrique et violent convient au raisonneur qui casse la tête de son ami pour écraser la mouche. […] Cette volubilité d’esprit, de mouvements, de langage, en fait un bouffon public et un farceur de bas étage. […] Ils y demeurent opiniâtrement, et, pour les obliger à changer de lieu et à prendre une route, il leur faut un chef qu’on instruit à marcher le premier, et dont ils suivent tous les mouvements pas à pas. […] C’est une joie rude, un mouvement désordonné, une voix rauque, sourde et violente. « Il se rue, grattant, frottant, se vautrant, gambadant, chantant, broutant », et le tout ensemble.

138. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Robespierre, et la plupart de ses complices, avaient habituellement des mouvements convulsifs dans les mains, dans la tête ; on voyait en eux l’agitation d’un constant effort. […] Mais dans cette horrible ivresse, l’homme se sent condamné à un mouvement perpétuel ; il ne peut s’arrêter à aucun point limité, puisque la fin de tout est du repos, et que le repos est impossible pour lui ; il faut qu’il aille en avant, non qu’au-devant de lui l’espérance apparaisse, mais parce que l’abîme est derrière, et que, comme pour s’élever au sommet de la montagne Noire, décrite dans les Contes Persans, les degrés sont tombés à mesure qu’il les a montés. […] Comment faire adopter au grand nombre une marche combinée, qui doit avoir l’apparence d’un mouvement involontaire, et mouvoir la multitude à l’aide du secret de chacun ? […] il serait si difficile de ne pas s’intéresser à l’homme plus grand que la nature, alors qu’il rejette ce qu’il tient d’elle, alors qu’il se sert de la vie pour détruire la vie, alors qu’il sait dompter par la puissance de l’âme le plus fort mouvement de l’homme, l’instinct de sa conservation : il serait si difficile de ne pas croire à quelques mouvements de générosité dans l’homme qui, par repentir, se donnerait la mort ; qu’il est bon que les véritables scélérats soient incapables d’une telle action ; ce serait une souffrance pour une âme honnête, que de ne pas pouvoir mépriser complètement l’être qui lui inspire de l’horreur.

139. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Je veux dire que l’état cérébral n’en dessine qu’une petite partie, celle qui est capable de se traduire par des mouvements de locomotion. […] Et ces images elles-mêmes ne sont pas représentées à la conscience sans que se dessinent, à l’état d’esquisse ou de tendance, les mouvements par lesquels ces images se joueraient elles-mêmes dans l’espace, — je veux dire, imprimeraient au corps telles ou telles attitudes, dégageraient tout ce qu’elles contiennent implicitement de mouvement spatial. […] Celui qui pourrait pénétrer à l’intérieur d’un cerveau, et apercevoir ce qui s’y fait, serait probablement renseigné sur ces mouvements esquissés ou préparés ; rien ne prouve qu’il serait renseigné sur autre chose. […] Selon la nature de la pièce qui se joue, les mouvements des acteurs en disent plus ou moins long : presque tout, s’il s’agit d’une pantomime ; presque rien, si c’est une fine comédie.

140. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

En effet, la véritable grandeur du caractère, dans quelque situation douloureuse qu’on la représente, inspire aux spectateurs un mouvement d’admiration qui les rend plus capables de braver l’adversité. […] Toutes les splendeurs qui dérivent des rangs suprêmes introduisent dans les sujets tragiques une sorte de respect qui ne permet pas à l’homme de lutter corps à corps avec l’homme ; ce respect doit jeter quelquefois du vague dans la manière de caractériser les mouvements de l’âme. […] Au dehors, tout est vu, tout est jugé ; l’être moral, dans ses mouvements intérieurs, reste seul encore un objet de surprise, peut seul causer une impression forte. […] L’image de l’Amour prenant les traits d’Ascagne pour enflammer Didon en jouant avec elle, peint-elle aussi bien l’origine d’un sentiment passionné, que les vers si beaux qui nous expriment les affections et les mouvements que la nature inspire à tous les cœurs ? […] La poésie qui ne contiendrait que des fictions, les vers qui n’auraient que de la grâce, fatigueraient les esprits avides, avant tout, des découvertes que l’on peut faire dans les mouvements et dans les caractères des hommes.

141. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Ce mot, romantisme, a, comme tous les mots de combat, l’avantage de résumer vivement un groupe d’idées ; il va vite, ce qui plaît dans la mêlée ; mais il a, selon nous, par sa signification militante, l’inconvénient de paraître borner le mouvement qu’il représente à un fait de guerre ; or ce mouvement est un fait d’intelligence, un fait de civilisation, un fait d’âme ; et c’est pourquoi celui qui écrit ces lignes n’a jamais employé les mots romantisme ou romantique. […] Le triple mouvement littéraire, philosophique et social du dix-neuvième siècle, qui est un seul mouvement, n’est autre chose que le courant de la révolution dans les idées. […] Il était, certes, aussi injuste de l’employer pour caractériser tout le mouvement littéraire qu’il est inique de l’employer pour qualifier toute la révolution politique ; il y a dans ces deux phénomènes autre chose que 93. Mais ce mot, 93 littéraire, avait cela de relativement exact qu’il indiquait, confusément mais réellement, l’origine du mouvement littéraire propre à notre époque, tout en essayant de le déshonorer.

142. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Ce genre d’éloquence ressemble au mouvement d’un vaisseau dans la tempête, qui tour à tour monte, retombe et disparaît, jusqu’à ce qu’une autre vague vienne le reprendre, et le repousse encore plus haut qu’il n’était. […] En général il a bien plus de mouvements que d’idées ; et l’on dirait presque de lui, comme un reproche, qu’il ne sait être qu’éloquent et sublime. […] Mais ce qui le distingue le plus, c’est l’ardeur de ses mouvements ; c’est son âme qui se mêle à tout. […] Comme le style n’est que la représentation des mouvements de l’âme, son élocution est rapide et forte : il crée ses expressions comme ses idées ; il force impérieusement la langue à le suivre, et, au lieu de se plier à elle, il la domine et l’entraîne ; elle devient l’esclave de son génie, mais c’est pour acquérir de la grandeur. […] Toutes ses images sont des sensations vives ou terribles ; il les emprunte des objets les plus grands de la nature, et presque toujours d’objets en mouvement.

143. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Songe-t-elle au mouvement, à l’action ? […] Peut-on nier qu’il n’y ait de l’harmonie dans les mouvements du monde ? […] n’a-t-il pas imprimé à son siècle un mouvement qui a laissé une trace lumineuse ? […] tout sera immobile en ce séjour du mouvement ! […] Au contraire, un grand mouvement philosophique est la condition indispensable et en même temps le principe certain d’un mouvement égal dans l’histoire de la philosophie.

144. (1886) De la littérature comparée

Mais avec la méthode historique et psychologique, le problème est tout autre : il s’agit de rattacher le cours à quelque idée générale, de s’en servir pour arriver à la démonstration de quelqu’une de ces lois que la pensée moderne s’efforce de préciser, ou tout au moins pour suivre dans ses diverses phases un grand mouvement intellectuel. […] Quels efforts il a fallu pour préparer le siècle de la Renaissance, c’est ce que montrerait la comparaison la plus superficielle entre l’art et les lettres avant et depuis ce mouvement. […] Ce mouvement, créé par la patience des humanistes, quoiqu’il vînt du dehors et ne fût point un produit spontané, naturel de la société moderne, devait durer trois siècles, produire un nombre énorme de chefs-d’œuvre, et finir par s’épuiser en stériles imitations. […] Mais avant d’essayer de caractériser, au point de vue qui nous occupe, le mouvement contemporain, il est une remarque sur laquelle je voudrais, Messieurs, attirer un instant votre attention. […] On peut affirmer ce fait avec d’autant plus de certitude, que le triomphe du mouvement auquel on a donné le nom de « romantisme » se trouve correspondre à peu près avec le grand élan national de l’Allemagne au commencement du siècle et avec la période historique où, à la suite de Waterloo, l’influence anglaise a été le plus solidement établie.

145. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Jamais mouvement ne souleva plus de clameurs ! […] Bref, pour l’historien littéraire qui considère un mouvement littéraire du passé, l’optique n’est pas la même que pour le contemporain. […] Et non seulement les historiens quasi lointains constatent cette insuffisance des mouvements qui ne furent pas excessifs, mais encore ceux-là mêmes qui firent partie de ces mouvements. […] Cet accent d’impulsion dirige l’harmonie du vers principal de la strophe, ou d’un vers initial qui donne le mouvement, et les autres vers, à moins qu’on ne recherche un effet de contraste, se doivent modeler sur les valeurs de ce vers telles que les a fixées l’accent d’impulsion. […] Évidemment à mouvement semblable, strophe semblable, mais la règle ne doit pas aller plus loin, elle doit être élastique et flexible.

146. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Est-ce dans un temps où il suffit de vivre pour être entraîné par le mouvement universel, où jusqu’au sein même de la tombe le repos peut être troublé, les morts jugés de nouveau, et leurs urnes populaires tour à tour admises ou rejetées dans le temple où les factions croyaient donner l’immortalité ? […] À cette affreuse image tous les mouvements de l’âme se renouvellent, on frissonne, on s’enflamme, on veut combattre, on souhaite de mourir, mais la pensée ne peut se saisir encore d’aucun de ces souvenirs ; les sensations qu’ils font naître absorbent toute autre faculté. […] parce qu’une conspiration, un homme, peuvent s’emparer tout à coup de la citadelle d’un petit État, et par cela seul changer la forme de son gouvernement, tandis qu’il n’y a qu’une opinion qui remue à la fois trente millions d’hommes, que tout ce qui n’est produit que par des individus, ou par une faction qui n’est point ralliée au mouvement public, est étouffé par la masse qui se porte sur chaque point. […] Nul homme, dans ce mouvement terrible, n’achève ce qu’il a commencé ; nul homme ne peut se flatter de diriger une impulsion dont la nature des choses s’empare ; et cet Anglais qui voulut descendre dans sa barque la chute du Rhin à Schaffhouse, était moins insensé que l’ambitieux qui croirait pouvoir se conduire avec succès à travers une révolution tout entière. […] Rien n’est plus contraire, il est vrai, aux premiers mouvements de la jeunesse, que l’idée de se rendre indépendant des affections des autres ; on veut d’abord consacrer sa vie à être aimé de ses amis, à captiver la faveur publique.

147. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Or, quand je conçois un mouvement, je conçois une chose, quelle qu’elle soit, qui se meut. […] Quel est le principe du mouvement, de l’ordre et de l’harmonie dans l’univers ? […] Taine ; transformation et mouvement, voilà celui de M.  […] Qu’un mouvement donne naissance à une pensée, bien plus qu’un mouvement soit une pensée, c’est ce qui est absolument incompréhensible. […] Tel est le mouvement qui entraîne l’opinion au temps où nous sommes, et il n’y a pas de quoi être très-fier.

148. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Plus pénétrant que La Bruyère et que Lesage, opérant sur la matière vivante, toujours en mouvement et qui se dérobe à chaque instant, il démonte les actions avec une sûreté magistrale, dissèque les sentiments, saisit les plus fugitives traces des forces qui composent la vie morale. […] Une foule d’individus, de mouvements, d’actions se mêlent, se croisent, se succèdent ; chaque individu est analysé, chaque mouvement décomposé, chaque action détaillée. Rien ne s’embrouille pourtant et ne se confond ; à de certains moments, toutes les particularités reculent et s’effacent ; on ne voit plus que les ensembles, les mouvements généraux, les caractères saillants. […] Sa crainte, c’est toujours de dire moins qu’il ne sent : il surcharge, il emmêle d’immenses périodes confuses, touffues, d’où sortent des éclairs et des flammes : son style, enfin, rend le fourmillement de la vie, son mouvement immense et multiple, avec l’étrange agrandissement, l’éclairage violent d’une vision d’halluciné.

149. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Nulle part dans Nietzsche je ne vois pourquoi ce mouvement s’arrêterait ni où il s’arrêterait. […] Et, autour de chaque mouvement du dieu fauve, s’émeut un éblouissement ardent ; autour de chaque mouvement de Nietzsche, Loïe Fuller de la philosophie, circule, serpentine et crépitante, une mélodie de flammes. […] Je ne signalerai ni les rares mouvements de recul ni les nombreuses hésitations. […] Quand il nous rend ainsi « simultanés » pour un instant, notre premier mouvement est une révolte, non contre nous, mais contre lui. […] « Le style, dit largement Buffon, n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées. » L’écriture est chose plus petite, plus multiple, uniquement curieuse du détail.

150. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Un poëte peut exprimer plusieurs de nos pensées et plusieurs de nos sentimens qu’un peintre ne sçauroit rendre, parce que ni les uns, ni les autres ne sont pas suivis d’aucun mouvement propre et specialement marqué dans notre attitude, ni précisement caracterisé sur notre visage. […] S’il ne forme pas bien le trait qui doit exprimer la passion, si, par exemple, lorsqu’il peint un mouvement de la bouche, son contour n’est point précisement la ligne qu’il falloit tirer, l’idée du peintre avorte ; et le personnage, au lieu d’exprimer une passion, ne fait plus qu’une grimace. […] Saint Jean l’évangeliste répresenté jeune comme il l’étoit, est dépeint avec l’action d’un jeune homme : il applaudit avec le mouvement de franchise si naturel à son âge au digne choix que fait son maître, et qu’on croit appercevoir qu’il eut fait lui-même, tant la vivacité de son approbation est bien marquée par un air de visage et par un mouvement du corps très-empressé. L’apôtre qui est auprès de lui semble plus âgé et montre la physionomie et la contenance d’un homme posé : aussi, conformement à son caractere, applaudit-il par un simple mouvement des bras et de la tête. […] La noblesse et la dignité de son visage déposent si hautement en sa faveur, qu’on sent bien que son premier mouvement seroit d’absoudre d’abord l’accusée qui se présenteroit avec une pareille contenance.

151. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Imaginez la nature sans mouvement : tout est mort ; plus de communication ; l’univers n’est qu’un assemblage de masses isolées et de corps sans action, éternellement immobiles. […] Le sentiment est ce qui les agite et les remue ; il circule comme le mouvement ; il a ses lois comme le choc des corps. […] D’ailleurs, son ton, ses yeux, sa voix, tous ses mouvements, de concert avec la passion qui l’anime, persuadent que cette passion est vraie. […] Qu’un homme se livre à un de ces mouvements, l’effet est prévu, il ne produit rien ; on croit voir quelqu’un qui s’échafaude pour étonner, et cette espèce d’appareil fait rire ; quelques hommes même ont pris ces formules pour de l’éloquence : autre source de ridicule. […] le sentiment a ses regards, son ton, ses mouvements, son langage, qu’on ne devine pas, qu’on n’imite point.

152. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Ces mouvements si rapides, et de loin si admirés, ne s’obtenaient point sans de grandes irrégularités et d’odieuses violences. […] Aucun ordre de mouvement, aucun rapport ne nous était communiqué. […] Le besoin de se procurer des vivres, et aussi l’humeur ardente, le désir de gloire, le poussaient sans cesse, du côté de Kœnigsberg, à des mouvements et à des entreprises que l’Empereur n’avait pas ordonnés. […] C’était à lui qu’il appartenait de régler les mouvements de son armée, de pourvoir à ses besoins. […] Les mouvements des Russes en effet nous obligeaient, bon gré, mal gré, à une seconde campagne d’hiver.

153. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

La philosophie et la théologie restent ainsi hors de notre prise ; et pendant trois siècles, les plus féconds du moyen âge, l’histoire de la littérature française ne représente que très insuffisamment le mouvement des idées. […] Tout ce qu’il a été lui est à chaque moment attaché comme un poids qui l’entraîne : mais, à chaque moment aussi, des forces nouvelles surgissent qui accélèrent ou dévient son mouvement en mille façons. Le mouvement des idées, l’évolution de l’organisme social, le contact des races étrangères, et le spectacle de leurs idées, de leur organisation, de leurs arts aussi et de leur littérature, modifient sans cesse le génie national, et l’expression qu’il donne de lui-même dans les œuvres de ses écrivains. […] Je n’ai marqué que les grands traits : mais comme le passage est continu de l’âme française du xe  siècle à celle du xixe , il l’est aussi de la Chanson de Roland à Francillon ou Bel-Ami, et les deux mouvements inséparablement liés se poursuivent avec pareille vitesse, dans des directions parallèles.

154. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Le premier peut saisir la nature dans un mouvement qui ne s’achève pas, tandis que le décorateur sera obligé d’achever le mouvement, ce qui est incompatible avec l’immobilité décorative. […] Ce sont des mouvements de l’âme qui déterminent le mouvement scénique. […] Loin des yeux des soldats, il est redevenu père, et s’abandonne aux mouvements généreux de son âme. […] Alors le chœur s’ébranle, entraîné par ce mouvement de poignante curiosité qui pousse les foules au-devant des spectacles tragiques. Dans une suite de mouvements successifs, en quelque sorte musicalement mesurés, le chœur monte et envahit les marches du palais.

155. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Bornons-nous pour le moment à constater que cette attitude de l’âme, qui est plutôt un mouvement, se suffit à elle-même. […] Entre la première morale et la seconde il y a donc toute la distance du repos au mouvement. […] Mais l’autre est une poussée, une exigence de mouvement ; elle est mobilité en principe. […] Besoin de s’élargir, ardeur à se propager, élan, mouvement, tout cela est d’origine judéo-chrétienne. […] Mais ce ne sera que son premier mouvement.

156. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Si l’on s’est instruit, c’est ailleurs, en physiologie et en anatomie, par la connaissance des appareils, organes et mouvements desquels elles dépendent. […] Qu’on me définisse le mouvement moléculaire produit dans les glossopharyngiens et cet autre mouvement moléculaire qui, par contrecoup, se développe dans les centres nerveux lorsqu’une dissolution de sucre ou de coloquinte passe sur ma langue et dans mon arrière-bouche ; je n’en serai pas plus instruit sur la nature de la sensation du doux et de l’amer. […] Tout au plus trouverai-je peut-être quelque loi qui relie l’accroissement de l’amertume au développement de telle forme du mouvement moléculaire, pareille à la loi qui fait croître l’acuité des sons avec le nombre des vibrations transmises au nerf auditif. […] Tel est le cas pour la sirène de Cagniard Latour ou d’Helmholtz et pour la roue de Savart ; quand cette roue tourne d’un mouvement uniforme, ses dents également distantes frappent tour à tour une latte en passant, et cette succession régulière d’ébranlements pareils éveille en nous une succession régulière de sensations pareilles de son semblable. […] Car il faut qu’on soit affecté un peu par le mouvement de cette vague et qu’on ait quelque perception de ces bruits, quelque petits qu’ils soient ; autrement on n’aurait pas celle de cent mille vagues, puisque cent mille riens ne sauraient quelque chose. » — Cf. 

157. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Les transformations de la poésie ne sont que les ondulations du beau, utiles, au mouvement humain. Le mouvement humain, autre côté de la question, que nous ne négligeons certes point, et que nous examinerons attentivement plus tard. […] La science cherche le mouvement perpétuel. […] Ce mouvement est le travail même de l’infini traversant le cerveau humain. […] Flot sur flot, vague après vague, écume derrière écume, mouvement puis mouvement.

158. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Nos lecteurs trouveront ci-après, contresigné par les principaux initiateurs de ce mouvement, l’exposé même de la doctrine nouvelle. Si l’on considère un instant dans son ensemble le mouvement poétique de ces vingt-cinq dernières années, on est frappé par le nombre considérable de discussions qui ont été provoquées par des questions de pure forme, et même, la plupart du temps, exclusivement prosodiques. […] Et cette opinion, de plus en plus admise, s’est confirmée en nous, que tout, dans l’univers, est vibration, combinaisons de vibrations, formes de mouvement, nombre et séries, associations de rythmes ; que le monde entier n’est qu’une vaste orchestration de rythmes ; que nous-mêmes sommes un rythme dans le rythme intégral ou accomplissement universel, et que le rythme inhérent au verbe humain, le rythme, dans l’œuvre du poète, est le mouvement même de l’inspiration. […] Il est le mouvement même de l’inspiration, matérialisé en quelque sorte par le vers, et il a son origine dans les lois profondes de l’organisme et de l’univers. […] Il ne s’accomplira rien dans l’humanité, rien de durable et rien de vaste, aucun grand mouvement social ne pourra se perpétrer au nom de la plus éclatante vérité, si ce n’est pas la Poésie qui promulgue celle-ci au fond des âmes !

159. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Quelques-uns de ces esprits qui sentent le style se récrièrent, dans le premier mouvement d’une sensation très vive, mais ce fut tout. […] Par le relief et par le mouvement, par la sensation du pittoresque et la flamme de l’imagination, teinte de guerre depuis la jeunesse, le capitaine d’Arpentigny serait un magnifique historien militaire, et nous le croirions dans un milieu plus vrai que celui qu’il s’est choisi s’il nous écrivait quelque grand épisode de l’histoire de cet Empire pour lequel il est si dur et si injuste. […] « C’est à ce mouvement qu’on dut en partie la victoire… » Maintenant, qu’il déclame tant qu’il voudra contre la guerre et s’enniaise de philosophie moderne, l’homme qui a écrit cette espèce de strophe, cette phrase presque plastique, ce tableau d’un si rapide mouvement et d’une si héroïque couleur, est, avant de se donner pour un Lavater de la main, un peintre militaire indestructible qui va se trouver partout : — il n’y a qu’un moment dans l’idéal, tout à l’heure dans la réalité. […] Voués à la guerre et au mouvement par l’organisation que leur transmirent les gens de main et les héros d’audace accourus à la voix du nourrisson de la louve d’airain, les Romains reçurent en partage le génie des arts nécessaires aux hommes d’action. […] Il aspirait au mouvement et s’affaissait dans le repos, il appelait les coursiers et chevauchait les nuages.

160. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Nous croyons avoir prouvé qu’elle ne retient de la durée que la simultanéité, et du mouvement lui-même que la position du mobile, c’est-à-dire l’immobilité. […] Or nous avons essayé de prouver que la durée en tant que durée, le mouvement en tant que mouvement, échappent à la connaissance mathématique, laquelle ne retient du temps que la simultanéité, et du mouvement lui-même que l’immobilité. […] Nos états psychiques, en se détachant alors les uns des autres, se solidifieront ; entre nos idées ainsi cristallisées et nos mouvements extérieurs des associations stables se formeront ; et peu à peu, notre conscience imitant le processus par lequel la matière nerveuse obtient des actions réflexes, l’automatisme recouvrira la liberté 40. […] Renouvier a déjà parlé de ces actes volontaires comparables à des mouvements réflexes, et il a restreint la liberté aux moments de crise.

161. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Quelques auteurs anglais, cependant, Bolingbroke, Shaftesbury, Addison, ont de la réputation comme bons écrivains en prose : néanmoins leur style manque d’originalité, et leurs images de chaleur : le caractère de l’écrivain n’est point empreint dans son style, et le mouvement de l’âme ne se fait point sentir à ses lecteurs. […] La nécessité d’improviser, le mouvement des débats, l’opposition, la réplique, excitent un intérêt, causent une agitation qui peuvent entraîner les orateurs : néanmoins l’argumentation est toujours le caractère principal des discours au parlement. […] La révolution anglaise, qui devait mettre en mouvement toutes les passions populaires, s’est faite par les querelles théologiques. […] Les orateurs anglais, de même que Cicéron, répètent souvent des idées déjà comprises ; ils reviennent quelquefois aux mouvements, aux effets d’éloquence déjà employés avec succès. […] On aurait de la peine maintenant, en Angleterre, à prononcer entre deux talents prodigieux : néanmoins les mouvements de l’âme se rallient toujours plus naturellement à celui qui n’est pas dans le pouvoir.

162. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Je vais tâcher d’en donner une idée ; mais il faut se souvenir que ce n’est ici qu’un extrait, c’est-à-dire, une copie faible et par lambeaux, dans une langue qui n’a ni la richesse et l’harmonie de la langue grecque, ni la mélodie des accents, ni l’heureuse composition des mots, ni cette foule de liaisons qui enchaînent les idées, ni cette liberté des inversions qui met tant de variété dans la marche, et qui permet à la langue de suivre avec souplesse, et de dessiner, pour ainsi dire, tous les mouvements de l’âme et des passions. Je ferai comme ces peintres qui ne pouvant transporter avec eux un antique pour le faire admirer, en crayonnent rapidement les contours et les principaux traits : presque tout le mérite de la figure échappe, mais on connaît du moins les mouvements et l’attitude. […] Son caractère ardent voulut donner à ses concitoyens un mouvement qu’ils n’étaient pas en état de suivre : leurs âmes, qui avaient perdu l’habitude des grandes choses, n’avaient plus que de l’imagination pour les sentir. […] Ce n’est point là que se trouve ce beau mouvement si connu, et qui a rapport à la même bataille : « Non, citoyens, non, en combattant Philippe, vous n’avez point fait de faute ; j’en jure par les mânes de ces grands hommes qui ont combattu pour la même cause aux plaines de Marathon. » Son éloge funèbre n’a presque ni élévation, ni chaleur ; on lui fit même un crime de l’avoir prononcé. […] Ce mouvement seul, il faut en convenir, vaut mieux que tout le discours que prononça Démosthène, après la bataille, en l’honneur des morts.

163. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Le défaut d’une œuvre dramatique ainsi conçue peut-être de manquer de mouvement : quand, dans un drame, on néglige le mouvement extérieur, il faut, nous semble-t-il, montrer, presque à chaque réplique, que croissent ou diminuent les passions des personnages ; ainsi le drame reste vivant, d’un mouvement passionnel.

164. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Il le fait avec d’autant plus de confiance que l’Église elle-même peut tirer avantage de ses recherches sur la durée de l’année et sur les mouvements de la lune”. […] « L’intelligence (νοῦς) gouverne le développement incessant de l’univers ; elle est la cause première de tout mouvement et par conséquent le principe de tous les phénomènes physiques. Anaxagore explique le mouvement apparent de la sphère céleste, dirigée de l’Est à l’Ouest, par l’hypothèse d’un mouvement de révolution général dont l’interruption, comme on l’a vu plus haut, produit la chute des pierres météoriques. […] On peut conjecturer, sans le savoir, que tous ces mouvements des cieux étoilés sont gouvernés de plus loin par un grand astre universel, dont notre propre soleil dépend. […] Quant au mouvement, silence ; la science cosmique n’en connaît pas la cause ; un de ces jours elle apportera un nouveau mot qui remplacera dans un néant de plus la divine, ineffable et constante volonté de l’auteur des mondes.

165. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Mais je ne doute pas que des plantes exposées aux vagues ne flottent moins longtemps que lorsqu’elles sont protégées contre tout mouvement violent, comme dans ces expériences. […] Il en faut donc toujours revenir à chercher hors du globe terrestre, dans les mouvements périodiques des astres, les causes des variations climatériques à la surface de la terre. […] Mais connaissons-nous bien tous les mouvements de notre planète ? À son mouvement de rotation diurne, à son mouvement de translation dans l’espace, au double mouvement conique et oscillatoire de son axe qui résulte de la précession des équinoxes, combinée avec la nutation, et qui déplace les pôles terrestres de manière à leur faire décrire, en 25 870 ans environ, un cercle de 47 degrés de diamètre par rapport aux étoiles du pôle céleste, ne se joindrait-il pas quelque mouvement, plus lent encore, de son axe de rotation par rapport à ses pôles géographiques ? […] Supposons, au contraire, que dans notre globe, en grande partie fluide, ces deux points soient éloignés l’un de l’autre, de si peu que ce soit, et que l’un soit animé d’un mouvement périodique, autour de l’autre, il en résultera forcément une déviation correspondante de l’axe de rotation du sphéroïde dans son mouvement à travers l’espace ; de sorte que chacun de ses deux pôles géographiques se promènera circulairement autour d’un pôle moyen idéal, selon un mouvement plus ou moins lent.

166. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

L’œil saisit non-seulement la couleur, la grandeur et la forme, mais la distance dans l’espace, le mouvement, son espèce, sa direction, sa rapidité. […] Se rappeler un mouvement fait avec le bras, c’est sentir, à un faible degré, la répétition de ces états internes qui accompagnent le mouvement ; c’est un commencement d’excitation de tous ces nerfs dont une excitation plus forte a été éprouvée durant le mouvement. » Le souvenir est donc un commencement d’excitation nerveuse. Il consiste à ressentir, à un faible degré, un mouvement, une sensation, une impression. Mais quand l’instinct devient trop complexe pour se produire avec la sûreté automatique qui lui est propre, il en résulte un conflit entre tous les mouvements. […] On comprend à la rigueur que les changements du non moi puissent être exprimés par les changements du moi ; mais comment se peut-il que le repos objectif puisse être représenté par un mouvement subjectif.

167. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

En même temps se sont produites des différences dans la densité et la température, entre l’extérieur et l’intérieur de la masse, puis dans les vitesses du mouvement de rotation, qui variaient selon la distance au centre. […] Un corps frappe un autre ; à nos yeux, l’effet consiste en un changement dans la position ou le mouvement d’un ou des deux corps. […] 3° La ségrégation : les forces en causant cette multiplication des effets produisent du mouvement en sens divers d’où résulte la convergence des unités mues dans le même sens, la divergence de celles qui sont mues en des sens différents. Par suite : L’évolution est une intégration de matière accompagnée d’une dissipation de mouvement, pendant laquelle la matière passe d’une homogénéité indéfinie, incohérente, à une hétérogénéité définie, cohérente ; et pendant laquelle aussi le mouvement retenu subit une transformation analogue131. […] Elle explique beaucoup mieux les diversités de constitution et de mouvements des planètes, les phénomènes cométaires, les anomalies dans la distribution et le mouvement des satellites, la vitesse de rotation des planètes ; enfin l’analyse spectrale est venue, dans ces derniers temps, corroborer l’hypothèse d’une communauté d’origine entre toutes les parties de notre univers.

168. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Le mouvement anti-romantique de l’Action Française, mouvement politique et littéraire, peut s’appeler un tumulte méridional, dans le sens point défavorable où M.  […] … ) et même un mouvement pur qui se confond avec l’extrême vibration du mouvement propre au théâtre. […] On attend le mouvement d’art nouveau, l’inévitable mouvement d’après-guerre, le 1830 de ce 1815, on retient son strapontin pour une bataille d’Hernani. […] Mais le mouvement Dada ? […] Qu’est-ce que cela fait au critique, s’il a repéré le mouvement ?

169. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Il n’avait pas été témoin, mais il avait vu et interrogé des témoins ; il avait fait parler le prélat lui-même : il écrit comme quelqu’un qui porte un sentiment d’enthousiasme et de vie dans ces choses d’autrefois qu’il veut rendre ; on a par lui le mouvement et comme le coloris de cette jeunesse de Bossuet. […] Enfin monté en chaire, et dans la prononciation, il suivait l’impression de sa parole sur son auditoire, et soudain, effaçant volontairement de son esprit ce qu’il avait médité, attaché à sa pensée présente, il poussait le mouvement par lequel il voyait sur le visage les cœurs ébranlés ou attendris. […] Bossuet, à la différence de Bourdaloue ou de Massillon, n’a donc jamais répété ni le même carême ni le même Avent ; il se renouvelait sans cesse, il s’appropriait sans relâche ; il était incapable de monotonie, d’uniformité, même en parlant de ce qui ne varie pas ; il voulait dans ses instructions les plus régulières une fraîcheur de vie toujours présente, toujours sensibleaa ; rien du métier ; il voulait l’action, l’émotion toute sincère ; il fallait que toute son âme, son imagination, émues de l’Esprit d’en haut, y trouvassent leur place et à se répandre chaque fois ; il ne pouvait souffrir dans l’orateur sacré que toutes ses paroles et ses mouvements fussent à l’avance réglés et fixés ; ce n’était plus verser la source d’eau vive. […] même quand il composait les oraisons funèbres « où il entre beaucoup de narratifs à quoi il n’y a rien à changer », ou des discours de doctrine dans lesquels l’exposition du dogme doit être nette et précise, il écrivait tout, nous dit Le Dieu, sur un papier à deux colonnes, avec plusieurs expressions différentes des grands mouvements, mises l’une à côté de l’autre, dont il se réservait le choix dans la chaleur de la prononciation, pour se conserver, disait-il, la liberté de l’action en s’abandonnant à son mouvement sur ses auditeurs et tournant à leur profit les applaudissements mêmes qu’il en recevait. […] C’est de la sorte que dans sa bouche le récité même gardait du mouvement et avait de l’effet de l’improvisation.

170. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Il ne peut jamais s’abandonner à aucun de ses mouvements, car il est rare que la nature soit un bon guide dans la route de la politique ; et par un contraste cruel, cette passion, assez violente pour vaincre tous les obstacles, condamne à la réserve continuelle qu’exige la contrainte de soi-même ; il faut qu’elle agisse avec une égale force pour exciter et pour retenir. […] Non : jamais un effort impuissant ne laisse revenir au point dont il voulait vous sortir, la réaction fait redescendre plus bas ; et le grand et cruel caractère des passions c’est d’imprimer leur mouvement à toute la vie, et leur bonheur à peu d’instants. […] On croit influer dans les révolutions, on croit agir, être cause, et l’on n’est jamais qu’une pierre de plus lancée par le mouvement de la grande roue ; un autre aurait pris votre place, un moyen différent eut amené le même résultat ; le nom de chef signifie le premier précipité par la troupe qui marche derrière, et pousse en avant. […] Un peuple qui gouverne, ne cesse jamais d’avoir peur, il se croit toujours au moment de perdre son autorité, et disposé, par sa situation, au mouvement de l’envie, il n’a jamais pour les vaincus, l’intérêt qu’inspire la faiblesse opprimée, il ne cesse pas de les redouter. […] on voit si bien les bornes de son pouvoir, on sent si souvent qu’on obéit alors même qu’on a l’air de commander ; les passions des hommes sont tellement mises en dehors dans un temps de révolution, qu’aucune illusion n’est possible ; et la plus magique des émotions, celle que fait éprouver les acclamations de tout un peuple, ne peut plus se renouveler pour celui qui a vu ce peuple dans les mouvements d’une révolution.

171. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

La coutume s’est établie, de juger avec une impartialité d’intention, plus ou moins éclairée, le mouvement symboliste. […] Il y eût trouvé un tableau curieux et sincère du mouvement littéraire dans la jeunesse littéraire de 1898, — à condition, bien entendu, de n’être pas dupe, et de savoir interpréter un document naïf. […] Là est ce qui place Francis Jammes en plein courant de ce mouvement poétique, et nullement à une place « excentrique ». […] des successions de longues et de brèves équilibrées selon le mouvement et l’émotion, des assonances et des allitérations, parmi lesquelles la rime est comprise, et il diffère de la prose dans la mesure où il maintient un emploi continu, avec des retours, de ces éléments. […] Le symbolisme ne comportera, pour la critique, un ordre et un sens que lorsqu’un nouveau mouvement poétique (je n’ose dire une école) lui aura succédé, lorsqu’il sera possible de le définir comme il faut, par ce qu’il précède et par ce qui le suit.

172. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

La critique spontanée se confond avec la critique des contemporains, des écrivains contemporains, et son mouvement suit le leur comme le mouvement de l’ombre suit celui du corps. […] De là dialogue, c’est-à-dire la critique en mouvement. […] Si on en arrête le mouvement, on se moquera de Hugo ou de Brunetière. […] La vraie critique coïncide avec le mouvement créateur des hommes, des œuvres, des siècles, des littératures, oui ; mais elle y emploie l’énergie et l’originalité de son propre mouvement créateur. […] Il est bien plus commode de composer un mouvement abstrait, géométrique, intelligible, comme le mouvement de Zénon, ou, mieux, comme sa négation du mouvement.

173. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

. — Le mouvement, l’enthousiasme, l’audace sûre des tours font, de ses vers, les plus magnifiques qui soient. […] D’une grande fierté de pensée et d’une large majesté de rythme, elles s’avancent en une triomphale et sereine démarche, comme Junon dans l’Énéide. — Le mouvement, tantôt lent, tantôt rapide, l’inspiration toujours hautement lyrique, l’éclat des images et l’adéquate beauté de l’élocution leur donnent une perfection puissante. — Si elles rappellent, pour vrai, la grandeur des odes malherbiennes, elles sont néanmoins d’une originalité absolument personnelle. […] Lorsque Boileau ou Fénelon regrettaient que nous n’eussions, ni chez Malherbe, ni même chez Ronsard, des odes pindariques avec la promptitude d’images et d’inversions, avec le mouvement et la flamme du modèle grec, ce n’était pas un Hugo ni un Lamartine qu’appelaient leurs souhaits, c’était M. 

174. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

Une littérature est, comme tout ce qui vit, à la fois matière et mouvement. […] On ne devrait pas chercher le mouvement perpétuel ; on devrait bien plutôt se demander où il n’est pas. — « Tout passe, tout s’écoule », disait déjà un philosophe grec. — « Tout est un flux perpétuel, répète Diderot. […] Il s’ensuit que l’historien, sous peine de se perdre dans la myriade des changements infiniment petits et infiniment nombreux qui se succèdent dans la durée, doit déterminer des points de repère, ceux par exemple où une force nouvelle intervient, où un mouvement d’esprits se met en branle, s’arrête, ou bien change de direction.

175. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

C’est en combattant les mouvements de l’âme qu’elle prétend la séduire ; c’est en apaisant les passions qu’elle s’en veut faire écouter. […] Il ne lui faut ni les cabales d’un parti, ni des émotions populaires, ni de grandes circonstances, pour briller : dans la paix la plus profonde, sur le cercueil du citoyen le plus obscur, elle trouvera ses mouvements les plus sublimes ; elle saura intéresser pour une vertu ignorée ; elle fera couler des larmes pour un homme dont on n’a jamais entendu parler. […] ce mouvement n’a pas été inspiré par la démagogie, mais par la religion.

176. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Mais il faut aussi convenir de tout le charme, de toute la jouissance des images poétiques et des mouvements d’éloquence dont la prose perfectionnée nous offre de si beaux exemples. Racine lui-même fait à la rime, à l’hémistiche, au nombre des syllabes, des sacrifices de style ; et s’il est vrai que l’expression juste, celle qui rend jusqu’à la plus délicate nuance, jusqu’à la trace la plus fugitive de la liaison de nos idées ; s’il est vrai que cette expression soit unique dans la langue, qu’elle n’ait point d’équivalent, que jusqu’au choix des transitions grammaticales, des articles entre les mots, tout puisse servir à éclaircir une idée, à réveiller un souvenir, à écarter un rapprochement inutile, à transmettre un mouvement comme il est éprouvé, à perfectionner enfin ce talent sublime qui fait communiquer la vie avec la vie, et révèle à l’âme solitaire les secrets d’un autre cœur et les impressions intimes d’un autre être ; s’il est vrai qu’une grande délicatesse de style ne permettrait pas, dans les périodes éloquentes, le plus léger changement sans en être blessé, s’il n’est qu’une manière d’écrire le mieux possible, se peut-il qu’avec les règles des vers, cette manière unique puisse toujours se rencontrer ? […] Lorsque nous sommes émus, le son de la voix s’adoucit pour implorer la pitié, l’accent devient plus sévère pour exprimer une résolution généreuse ; il s’élève, il se précipite lorsqu’on veut entraîner à son opinion les auditeurs incertains qui nous entourent : le talent, c’est la faculté d’appeler à soi, quand on le veut, toutes les ressources, tous les effets des mouvements naturels ; c’est cette mobilité d’âme qui vous fait recevoir de l’imagination l’émotion que les autres hommes ne pourraient éprouver que par les événements de leur propre vie. […] Dans les pays où le talent peut changer le sort des empires, le talent s’accroît par l’objet qu’il se propose : un si noble but inspire des écrits éloquents par le même mouvement qui rend susceptible d’actions courageuses. […] S’il plaide pour la victime devant l’assassin, pour la liberté devant les oppresseurs ; si les infortunés qu’il défend écoutent en tremblant le son de sa voix, pâlissent lorsqu’il hésite, perdent tout espoir si l’expression triomphante échappe à son esprit convaincu ; si les destinées de la patrie elle-même lui sont confiées, il doit essayer d’arracher les caractères égoïstes à leurs intérêts, à leurs terreurs, de faire naître dans ses auditeurs ce mouvement du sang, cette ivresse de la vertu qu’une certaine hauteur d’éloquence peut inspirer momentanément, même à des criminels.

177. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Premierement, le mouvement a été acceleré, et l’on se sert pour le regler de mesures dont on ne se servoit pas autrefois, ce qui a fait perdre à la récitation son ancienne gravité. […] Les acteurs se sont encore trouvez en même-temps dans l’obligation de presser leur geste et de hâter leur prononciation, parce que le mouvement avoit été acceleré. […] Le mouvement de l’execution étoit très-lent. […] Il y a quatre-vingt ans que le mouvement de tous les airs de ballet étoit un mouvement lent, et leur chant, s’il est permis d’user de cette expression, marchoit posement, même dans sa plus grande gaïeté.

178. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Il ne tonnait pas dans la chaire, il n’épouvantait pas l’auditoire par la force de ses mouvements et l’éclat de sa voix ; non : mais, par sa douce persuasion, il versait en eux, comme naturellement, ces sentiments qui attendrissent et qui se manifestent par les larmes et le silence. […] C’est un groupe en mouvement, c’est un concert naturel, harmonieux. […] Celui-là aimera Massillon, qui aime mieux le juste et le noble que le nouveau, qui préfère le naturel élégant au grandiose un peu brusque ; qui, dans l’ordre de l’esprit, se complaît avant tout à la riche fertilité et à la culture, à la modération ornée, à l’ampleur ingénieuse, à un certain calme et à un certain repos jusque dans le mouvement, et qui ne se lasse point de ces lieux communs éternels de morale que l’humanité n’épuisera jamais. […] L’action, il faut bien se le dire, ne saurait être dans un sermon ce qu’elle est dans les autres genres de discours ; le mouvement ne saurait, sans inconvenance ou sans bizarrerie, y franchir certaines limites qu’il est admirable de savoir toujours atteindre sans jamais les dépasser. […] On dit que le même mouvement se renouvela dans la chapelle de Versailles7, et l’on raconte que Massillon lui-même, par son geste, par son attitude abîmée, par son silence de quelques instants, s’associa à la terreur de son auditoire, et, avec une sincérité qui se confondait ici avec les bienséances, trouva jusque dans son triomphe à faire acte de chrétienne et profonde humiliation.

179. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Telle fut la question que je me posai, et aussitôt le désir me vint de rechercher les causes de cette décadence et par suite l’origine de ce mouvement d’art. […] C’est de cette assimilation fausse que naquit la singulière opinion qui attribue au mouvement préraphaélite les caractères d’un retour à la nature. […]  » Les pratiques du monde moderne la science, le machinisme, l’industrie, le mouvement des villes monstrueuses lui apparaissent comme autant de maléfices. […] Semblable a été l’erreur des peintres préraphaélites et de tous ceux qui, de près ou de loin, se rattachent au mouvement de l’art mystique anglais. […] A dire vrai, non seulement ils sont demeurés totalement étrangers au mouvement de l’art moderne, mais ils représentent un art essentiellement rétrograde, un art de réaction, un art sans avenir.

180. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

C’est ainsi qu’en géométrie on dit qu’un solide est engendré par le mouvement d’un plan. […] Comme Mably, il avait en trop grand mépris les sociétés européennes pour espérer rien de bon de leurs mouvements. […] On agit sur l’âme, dès qu’on parvient à représenter, avec justesse et profondeur, le moindre de ses mouvements. […] Les mouvements qui agitent les peuples peuvent être de deux sortes. […] Il restait étranger à tous les mouvements d’un temps plein de variété et d’agitation.

181. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Ils causaient du Parnasse, de leurs débuts  et aussi du nouveau mouvement dont ils étaient acclamés. […] Et, de Mauclair, le dire que ce même mouvement « est un mouvement de forme, plutôt que d’idées ». […] A la tête de cette publication, que l’observateur du mouvement littéraire n’a pas le droit d’ignorer, se trouve M.  […] Des mouvements de vers, des expressions caractéristiques du poème de Banville sont retenues. […] Rappelons-nous : « Le mouvement Symboliste est un mouvement de Forme, plutôt que d’idées ».

182. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Pour saisir le jeu de ces mouvements qui se mêlent et s’entrecroisent, on est souvent obligé de sortir de l’époque qu’on étudie, de regarder ce qui l’a précédée et ce qui l’a suivie. La courbe d’un mouvement est plus facile à calculer, quand le regard peut l’embrasser sur une plus longue étendue. […] Or en quel sens se fait ici le mouvement ? […] Le mouvement va dans le sens égalitaire. […] Elle ne saurait dispenser d’un tableau artistique où l’époque étudiée retrouve le mouvement et la vie.

183. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté est la vertu primitive, elle existe par un mouvement spontané ; et comme elle seule est véritablement nécessaire au bonheur général, elle seule est gravée dans le cœur ; tandis que les devoirs qu’elle n’inspire pas, sont consignés dans des codes, que la diversité des pays et des circonstances peut modifier ou présenter trop tard à la connaissance des peuples. […] Elle ne se livre pas à un seul mouvement personnel, pas même au besoin d’inspirer un sentiment réciproque, et ne jouit que de ce qu’elle donne. […] Les premiers mouvements de la reconnaissance ne laissent rien à désirer, et dans l’émotion qui les accompagnent, tous les caractères s’embellissent ; on dirait que le présent est un gage certain de l’avenir ; et lorsque le bienfaiteur reçoit la promesse, sans avoir besoin de son accomplissement, l’illusion même qu’elle lui cause est sans danger, et l’imagination peut en jouir, comme l’avare des biens que lui procurerait son trésor, si jamais il le dépensait. […] La bienfaisance remplit le cœur comme l’étude occupe l’esprit ; le plaisir de sa propre perfectibilité s’y trouve également, l’indépendance des autres, le constant usage de ses facultés ; mais ce qu’il y a de sensible dans tout ce qui tient à l’âme, fait de l’exercice de la bonté une jouissance qui peut seule suppléer au vide que les passions laissent après elles ; elles ne peuvent se rabattre sur des objets d’un ordre inférieur, et l’abime que ces volcans ont creusé, ne saurait être comblé que par des sentiments actifs et doux qui transportent hors de vous-même l’objet de vos pensées, et vous apprennent à considérer votre vie sous le rapport de ce qu’elle vaut aux autres et non à soi ; c’est la ressource, la consolation la plus analogue aux caractères passionnés, qui conservent toujours quelques traces des mouvements qu’ils ont domptés.

184. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

L’art rithmique donnoit des regles pour assujettir à une mesure certaine tous les mouvemens du corps et de la voix, de maniere qu’on pût en battre les temps, et les battre du mouvement convenable et propre au sujet. […] L’un de ces arts qui étoit le metrique ou le mesureur, enseignoit à réduire sous une mesure certaine et reglée, toute sorte de gestes en toute sorte de sons, qui pouvoient être assujetis à suivre les temps d’une mesure, et l’art rithmique n’enseignoit plus qu’à bien battre cette mesure, et principalement à la battre d’un mouvement convenable. Nous verrons cy-dessous que le mouvement étoit, au sentiment des anciens, ce qu’il y avoit de plus important dans l’exécution de la musique, et l’invention de l’art du pantomime les aura encore engagez à faire une étude plus profonde de tout ce qui pouvoit perfectionner l’art du mouvement.

185. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Proudhon et Couture1 Chez le peuple qui se pique d’être le plus spirituel et le plus lettré de l’Europe, le mouvement de l’esprit est depuis quelque temps peu de chose. […] Il faut en prévenir le lecteur : avec cette rareté de livres que nous signalions tout à l’heure, et malgré notre dessein de marquer ici dorénavant le mouvement intellectuel, nous ne nous astreindrons pas à l’ordre chronologique des publications. […] Fille de la société romaine, la plus grande unité politique que le monde ait vue, la France aspire à l’unité comme sa mère, et le mouvement qui la porte depuis Charlemagne est un mouvement ascensionnel vers la centralisation.

186. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Malgré ces quelques livres cependant, auxquels la Critique d’un journal, qui s’écrit toujours un peu debout, devait de s’asseoir pour en parler plus à l’aise, comme dit Montesquieu d’Alexandre, malgré ces productions trop clairsemées et plus distinguées que les autres, tous ceux qui suivent le mouvement littéraire contemporain ont pu s’assurer que la littérature n’a point encore reçu des événements politiques qui ont changé la face de notre pays, et l’ont pénétré de meilleures influences, ce qu’ils se permettaient d’espérer. […] La gent trotte-menu des livres médiocres s’est multipliée, voilà tout, mais rien dans le mouvement de l’esprit n’a trahi de ces bouillonnements qui portent avec eux les promesses de l’avenir : la Nouveauté, la Fécondité, la Puissance ! […] Un rare esprit qu’on n’accusera point de mysticité, un des critiques de ce temps qui prend le mieux l’aire de vent de l’esprit humain dans une époque, Philarète Chasles, signalait hier encore ce mouvement singulier de la pensée moderne vers le surnaturel et vers l’infini, et nous prouvait par toute une littérature spéciale, en Angleterre et en Amérique, à quel point ce mouvement actuel est entraînant et accéléré.

187. (1911) Nos directions

Rien que des mouvements. […] Il a du mouvement, de l’éloquence, ce qui convient au théâtre sans doute, mais le mouvement, l’éloquence d’un simple improvisateur. […] Ce mouvement, il faut qu’elle le communique à l’âme du lecteur. […] Entre le mouvement lyrique que veut extérioriser le poète et le mouvement du vers, il n’y a plus coïncidence. […] Le mouvement, il suffisait qu’ils le sentissent en eux !

188. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Il est impossible, moralement parlant, que, dans les grands mouvements, le feu de l’orateur ou du poète se soutienne toujours au même degré. […] Le tumulte des passions qui les agitent, ne les rend eux-mêmes attentifs, dans le désordre d’un premier mouvement, qu’aux traits les plus frappants de ce qui s’est passé sous leurs yeux. […] On n’est point choqué de voir un homme ou une femme chanter seul et exprimer par le chant les mouvements de joie, de tendresse, de plaisir, de tristesse, dont son âme est atteinte. […] Cinna s’emporte et veut répondre : mouvement naturel et vrai, que Corneille n’a pas manqué de saisir. […] L’art consiste à rendre l’aparté intéressant par la situation du personnage qui laisse voir les mouvements dont il est combattu, ou qui révèle quelque secret terrible.

189. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Les pays grecs et romains n’entendirent pas parler de lui ; son nom ne figure dans les auteurs profanes que cent ans plus tard, et encore d’une façon indirecte, à propos des mouvements séditieux provoqués par sa doctrine ou des persécutions dont ses disciples étaient l’objet 1233. […] Fruit d’un mouvement des âmes parfaitement spontané, dégagé à sa naissance de toute étreinte dogmatique, ayant lutté trois cents ans pour la liberté de conscience, le christianisme, malgré les chutes qui ont suivi, recueille encore les fruits de cette excellente origine. […] La foi, l’enthousiasme, la constance de la première génération chrétienne ne s’expliquent qu’en supposant à l’origine de tout le mouvement un homme de proportions colossales. […] D’un autre côté, on se refuse à voir des hommes comme nous dans les auteurs de ces mouvements extraordinaires qui ont décidé du sort de l’humanité. […] La dynastie incrédule des Hérodes, d’un autre côté, s’occupait peu des mouvements religieux ; sous les Asmonéens, Jésus eût été probablement arrêté dès ses premiers pas.

190. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

À côté du mouvement scientifique dont nous venons de parler, et parallèlement à lui, se développe le mouvement industriel dont la puissante éclosion est due surtout aux travaux magnifiques des écoles philosophiques modernes. […] Nul ne dit mot ; l’angoisse serre les cœurs, car un faux mouvement, un signe mal interprété peut faire voler en éclats le colosse de fer rouge qui pèse peut-être quarante mille livres. […] Un grand mouvement intellectuel se fait dans l’humanité ; les nouvelles religions paraissent et se formulent peu à peu ; les vieilles se défendent et argumentent à outrance. […] La littérature seule resterait en dehors de ce mouvement providentiel ? […] Trois grands mouvements, le mouvement humanitaire, le mouvement scientifique et le mouvement industriel, se complétant et s’entr’aidant l’un l’autre, emportent, comme un triple courant, notre époque vers une rénovation certaine.

191. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

L’écriture est liée comme la parole à un mouvement volontaire ; pourquoi son image intérieure ne jouit-elle pas d’une semblable immunité ? […] Timée, p. 37 B « La raison […] dans les mouvements auxquels elle se livre sans voix et sans écho, entre en rapport avec ce qui est sensible ; alors naissent des opinions et des croyances […] stables et vraies. » (Traduction Cousin.) […] La pensée est pour Platon comme un être vivant, capable d’immobilité, capable aussi de mouvement et fait pour le mouvement ; lorsqu’elle est en mouvement, elle est une succession ; elle est donc analogue à un discours ; aussi le discours oral est-il sa véritable expression ; l’écriture, chose inerte, immobile, sans vie, ne représente pas l’essence de la pensée ; telle est la théorie du Phèdre (p. 274 et suivantes). — Tout autre semble avoir été l’opinion d’Aristote : si la parole exprime la recherche, l’écriture seule exprime la science, c’est-à-dire la pensée parvenue à sa perfection (voir Ravaisson [Félix Ravaisson (1913-1900), Essai sur la métaphysique d’Aristote, Paris, Imprimerie royale, 2 vols, 1837-1846.], La métaphysique d’Aristote, t.  […] Cardaillac fait une place à part à l’articulation, qu’il distingue du son et, semble-t-il, du mouvement musculaire ; le sens de ces passages nous échappe. […] Fournié ne paraît pas adopter la description de Bain ; le mouvement dont il parle souvent (p. 89, 94, 315-316, 336, 344, 432) paraît être un mouvement nerveux cérébral et non un mouvement musculaire ou l’image d’un tel mouvement.

192. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

. — Et certes, nous n’avons pas prétendu qu’elle dût nous en donner une explication, intégrale ; par conséquent, nous n’avons pas, pour présenter une explication sociologique du mouvement égalitaire, à exclure d’autres explications qui peuvent concourir avec elle. […] L’histoire est vraiment alors un « processus d’évolution biologique », et tous les mouvements des civilisations, leur progrès ou leur décadence s’expliquent par la prédominance des éléments « eugéniques » ou des éléments inférieurs, des dolichocéphales ou des brachycéphales. Le mouvement égalitaire n’échappe naturellement pas à ces explications. […] Déjà il lui est difficile de montrer entre telle forme anatomique et le mouvement égalitaire, une relation constante ; a fortiori d’expliquer comment l’un peut produire l’autre. […] Ce n’est donc pas donner des mouvements des sociétés une explication suffisante que d’en demander tout le secret à la création, puis à la propagation des idées individuelles.

193. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

On ne peut donc mesurer que des résultats, des mouvements. […] Une science de la mécanique, ayant un seul objet : le mouvement ; une science de la physique, ramenant tous les phénomènes physiques à un seul, le mouvement. […] Le premier de ces deux mouvements est un mouvement d’expansion, le second un mouvement de concentration. […] On dit bien que le mouvement cause de la chaleur. […] La girouette se croira cause de ses mouvements.

194. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

Ce n’est point par reflexion et en resistant à la tentation qu’un homme à qui il reste encore quelque vertu ne les commet pas, c’est parce qu’il n’est pas en lui de mouvement qui le porte jamais à de pareils excès : il est en lui une horreur d’instinct, et si j’ose dire machinale, contre les actions dénaturées. S’il y pouvoit être porté par un premier mouvement de colere, un premier mouvement de vertu le retiendroit.

195. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

De même le Français serait incomplet, qui applaudirait le Cid en son beau temps et qui ne suivrait pas dans son vol d’aigle et dans ses soudains mouvements la victoire de Rocroy ; de même encore, un Prussien qui, se reportant à l’époque de Frédéric, posséderait son Lessing et qui ignorerait la victoire de Leuthen. […] Les séditieux, en entendant l’appel accoutumé, coururent aux armes d’un mouvement machinal comme pour combattre l’ennemi. […] Villars et le duc d’Ormond, prévenus chacun très secrètement de l’état et du progrès des négociations entre leurs Cours, devaient éviter de s’engager, et il ne fallait pas que Villars, par trop d’insistance guerrière et par quelque mouvement imprudent, plaçât le duc d’Ormond entre son devoir et son honneur. […] Puis, le 23 au soir, l’armée fut mise en mouvement sans savoir où on la conduisait ; le secret avait été gardé entre les deux maréchaux et le très petit nombre d’officiers indispensables. Les troupes ne laissèrent pas de murmurer, lorsqu’elles virent qu’on les menait à gauche comme pour tourner le dos à l’ennemi ; on crut d’abord à un mouvement rétrograde.

196. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il aimait sa maison, et aussi, vu du dehors et de haut, le mouvement de l’existence littéraire. […] Au lieu de laisser le mouvement s’user, et mourir par le frottement, il le ramène avec violence en arrière. […] Ces mouvements, minutieusement esquissés, sont filés comme un son musical. […] Le mouvement donné par la nature de son imagination, il l’a fait précepte. […] Voilà le groupe d’images au moment où, se disposant dans une figure, il passe du mouvement au repos.

197. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Paul Albert le présente aujourd’hui à ses jeunes auditrices dans tout son mouvement vrai, dans toute l’étendue de son développement et de sa croissance : on a l’arbre entier dans ses principaux rameaux. […] Plus d’un serf put dire au baron : Monseigneur, je vous ai trouvé un verre d’eau dans le désert ; je vous ai couvert de mon corps au siège d’Antioche ou de Jérusalem… » Du mouvement aveugle et désordonné de la croisade va sortir bientôt le mouvement régulier et fécond de l’affranchissement des communes. […] En somme, ce livre a de l’autorité à la fois et du mouvement ; il est sobre et ferme, et en même temps on y sent le souffle de la parole.

198. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Tel animal « fera le mort » pour échapper à un ennemi ; mais c’est nous qui désignons ainsi son attitude ; quant à lui, il ne bouge pas parce qu’il sent qu’en remuant il attirerait ou ranimerait l’attention, qu’il provoquerait l’agression, que le mouvement appelle le mouvement. […] Mais cette conviction vient se mettre en travers du mouvement de la nature. Si l’élan de vie détourne tous les autres vivants de la représentation de la mort, la pensée de la mort doit ralentir chez l’homme le mouvement de la vie. […] Il continuait donc le mouvement, et comme, par lui-même, le mouvement n’obtenait pas l’effet désiré, il fallait que la nature s’en chargeât. […] Il faut donc qu’à la nécessité de restituer mécaniquement les mouvements reçus la matière joigne la faculté d’accomplir des désirs et d’obéir à des ordres.

199. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Quand Louis XIV, de son propre mouvement, destina Villars à l’armée d’Allemagne, il commençait à ne plus être content des services de Catinat. […] Après avoir rejoint Catinat, Villars diffère encore d’opinion avec lui dans la supposition d’une retraite prochaine : quand l’ennemi ferait un mouvement dans la Haute-Alsace, il est d’avis qu’on n’abandonne pas Saverne, et qu’on se poste vers la montagne, assurant sa communication avec la Lorraine ; au lieu que Catinat, qui craint pour le pays plat d’Alsace, veut tenir sur le Rhin. […] L’heure à laquelle il arrivait était marquée par des mouvements dans mon sang. […] La cavalerie faisait des merveilles dans la plaine ; l’infanterie fit de même d’abord sur la hauteur et dans les bois ; mais à un moment, en débusquant dans la plaine à leur tour, les plus ardents à la poursuite furent repoussés ; ils se rejetèrent en arrière, et il y eut un mouvement rétrograde, presque une panique. […] Il est de votre intérêt, pour la conserver, de faire en sorte que le mouvement que vous avez fait ne porte aucun préjudice à la situation heureuse dans laquelle vous avez mis mes affaires.

200. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Comment faut-il les choisir pour faire apercevoir au lecteur les gestes, les détails, les mouvements ? […] Le propre de la nature est d’être variée à l’infini, sans cesse opposée à elle-même, à la foi sublime et naïve ; quand on cesse un instant de considérer les petits mouvements d’un insecte ou d’une plante, on voit autour de soi les paysages profonds, et sur sa tête le ciel immense. […] Sous cette discipline des sons et de la mesure, elles perdent leur mouvement spontané et leur liberté native. […] Il s’allonge, il s’accourcit, il tombe, il court, il s’arrête, selon tous les mouvements de l’âme. […] Voilà la grande phrase oratoire, la période parfaite, et son cortège de propositions incidentes, enfermées les unes dans les autres, dont toutes les parties se tiennent comme les membres d’un corps vivant, et qui se porte d’un seul mouvement avec toute cette masse pour frapper un coup décisif.

201. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Ce principe, qui féconde tout et met tout en mouvement dans la nature, donne aux hommes venus sous son influence particulière un cachet que rien ne peut effacer. […] Le 22 juillet, Marmont, comptant que les positions respectives des deux armées amèneraient non une bataille, mais un bon combat d’arrière-garde, où il prendrait suffisamment ses avantages, ordonna quelques dispositions en conséquence et quelques mouvements qui s’exécutèrent avec assez d’irrégularité. […] Me fiant peu à sa docilité, je me déterminai à m’y rendre moi-même, et, après avoir jeté un dernier coup d’œil du haut de l’Arapiles sur l’ensemble des mouvements de l’armée ennemie, je venais de replier ma lunette et me mettais en marche pour joindre mon cheval, quand un seul coup de canon, tiré de l’armée anglaise, de la batterie de deux pièces que l’ennemi avait placée sur l’autre Arapiles (le plateau d’en face), me fracassa le bras et me fit deux larges et profondes blessures aux côtes et aux reins, et me mit ainsi hors de combat. Cet événement fatal, surtout dans un moment où il n’y avait pas une minute à perdre pour réparer les fautes, mit de la confusion dans les mouvements. […] Mes blessures étaient encore ouvertes, mon bras sans aucun mouvement, et soutenu par une écharpe ; il me demanda comment je me portais, et quand je lui eus dit que je souffrais encore beaucoup, il répondit : « Il faut vous faire couper le bras1. » Je lui répliquai que je l’avais payé assez cher par mes souffrances, pour tenir aujourd’hui à le conserver ; et cette singulière observation en resta là.

202. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

D’ailleurs, on peut trouver dans la vie un intérêt, un mobile, un but, sans être la proie des mouvements passionnés ; chaque circonstance mérite une préférence sur telle autre, et toute préférence motive un souhait, une action ; mais l’objet des désirs de la passion, ce n’est pas ce qui est, mais ce qu’elle suppose, c’est une sorte de fièvre qui présente toujours un but imaginaire qu’il faut atteindre avec des moyens réels, et mettant sans cesse l’homme aux prises avec la nature des choses, lui rend indispensablement nécessaire ce qui est tout à fait impossible. […] Newton n’eût pas osé tracer les bornes de la pensée, et le pédant que je rencontre veut circonscrire l’empire des mouvements de l’âme ; il voit qu’on en meurt, et croit encore qu’on se serait sauvé en l’écoutant : ce n’est point en assurant aux hommes que tous peuvent triompher de leurs passions, qu’on rend cette victoire plus facile ; fixer leur pensée sur la cause de leur malheur, analyser les ressources que la raison et la sensibilité peuvent leur présenter ; est un moyen plus sûr, parce qu’il est bien plus vrai. […] En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusques à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience. […] tantôt la superstition défend de penser, de sentir, déplace toutes les idées, dirige tous les mouvements en sens inverse de leur impulsion naturelle, et sait vous attacher à votre malheur même, dès qu’il est causé par un sacrifice ou peut en devenir l’objet ; tantôt la passion ardente, effrénée, ne sait pas supporter un obstacle, consentir à la moindre privation, dédaigne tout ce qui est avenir, et poursuivant chaque instant comme le seul, ne se réveille qu’au but ou dans l’abîme. […] La fureur, la vengeance s’allient, sans doute, avec l’enthousiasme, mais ces mouvements qui rendent cruels momentanément, n’ont point d’analogie avec ce qu’on a vu de nos jours, un système continuel, et, par conséquent, à froid de méconnaître toute pitié : Or quand cet affreux système existe dans les soldats, ils jugent leurs chefs tout comme leurs ennemis, ils conduisent à l’échafaud ce qu’ils avaient estimé la veille, ils appartiennent uniquement à la puissance d’un raisonnement, et dépendent par conséquent de tel enchaînement de mots qui se placera dans leurs têtes comme un principe et des conséquences.

203. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

De là ces odes pindariques avec leur monotone succession de strophes, d’antistrophes et d’épodes : division qui ne répond à rien pour nous, puisque, même chantées comme il le voulait, les odes de Ronsard ne règlent pas leur mouvement sur les évolutions d’un chœur. […] Cependant tout, ici, n’est pas à condamner : qu’on prenne la plus fameuse des odes pindariques, l’Ode à Michel de l’Hôpital, énorme machine de vingt-quatre strophes, antistrophes et épodes, et de huit cent seize vers : on y trouve, pour la première fois, un long poème d’une structure achevée, un rude effort de composition ; on y trouve du mouvement, et de ce mouvement lyrique qui tient à l’organisation rythmique, de l’éloquence aussi, une éloquence qui tient à la hauteur, au sérieux, à la sincérité de la pensée. […] Relisons toutes les pièces qu’on cite : ces sonnets, ces chansons, où le pétrarquisme est traverse des élans fougueux d’une passion sensuelle, où se fond une subtilité aiguë dans la douceur lasse d’une mélancolie pénétrante, ces élégies où le néant de l’homme, la fragilité de la vie, le sentiment de la fuite insaisissable des formes par lesquelles l’être successivement se réalise, s’expriment en si vifs accents par de si graves images, ces hymnes, comme l’hymne à Bacchus qui a le mouvement et l’éclat des Bacchanales que peignaient les Italiens, ces odelettes, où la joie fine et profonde des sens aux caresses de la nature qui les enveloppe, se répand en charmantes peintures, en rythmes délicats : tout cela, c’est le tempérament de Ronsard, fortuitement favorisé par son érudition, ou bien en rompant l’entrave. […] Dans les vers lyriques, quiconque entendra les mêmes strophes dans les Psaumes de Marot et dans les Odes de Ronsard, comprendra ce que celui-ci a apporté : rythme, sonorité, mouvement, harmonie, tous les éléments qui font la valeur esthétique de la strophe. […] Son génie est surtout lyrique : mais en maint endroit, dès qu’il s’agit des sujets graves et moraux, l’idée prend le dessus sur le sentiment, le raisonnement sur l’effusion, et le lyrisme tourne en mouvements oratoires.

204. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Renan a préparé, parmi les incrédules, les esprits qu’il faut pour faire à cette nouvelle attitude de l’Église l’accueil qu’elle mérite ; et, si le mouvement dessiné depuis plusieurs années s’achève, si l’Église redevient, selon son véritable esprit, une grande force démocratique, l’Église en profitera sans doute, le monde plus encore, et notre pays plus que les autres. […] Partout ailleurs qu’ici, il serait malséant de remarquer que ce mouvement, où qu’il aboutisse, aura du moins porté de bons fruits littéraires : M. de Vogué s’y est développé, et M.  […] Dans ces formes visibles et ces mouvements physiologiques, ils nous ont montré des âmes ; et même impures, même obscures, même mesquines, ils nous ont fait aimer ces âmes, ils nous ont fait plaindre leurs souffrances. […] Morice, dont le livre obscur, mais judicieux961, est fait, lorsqu’on l’a pénétré, pour rassurer un peu sur le sens du mouvement qu’il représente. […] Ce maître ciseleur n’est pas du tout dans le mouvement ; on semble revenir à la poésie molle, où flottent de vagues idées, où coule une tiède ou fine émotion : pour tout dire, Lamartine redevient un favori.

205. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Il sera bon, pendant deux ou trois ans encore, qu’ils se limitent à un mouvement d’opinion ; il faut faire tomber dans le mépris les produits de la littérature infâme (sans doute celle des négatifs : Renan, Taine, Zola, etc.). […] II. — Néo-chrétien La petite brochure de l’abbé Félix Klein est peut-être ce qu’on a écrit de plus judicieux sur Le Mouvement néo-chrétien. […] Il serait curieux de retrouver les positions d’origine des chefs de, ce mouvement vague, falot et si réel : il y a des chrétiens, des catholiques, le parti de Mun ; il y a des philosophes, les néokantiens, les néo-thomistes ; il y a des politiques : les adversaires d’un régime républicain de nuance maçonnique ; il y a des artistes : les successeurs des naturalistes, donc leurs adversaires en esthétique, en morale, en politique, en [sociologie. — Ce pieux mouvement n’est pas sans danger. […] Barrès, encore, comparait un jour le mouvement de l’humanité à celui des voyageurs d’une diligence. […] VIII. — Wyzewa : socialisme et littérature Le Mouvement socialiste en Europe, par M. 

206. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Il est aussi dans les membres de phrase courts en même temps qu’ils sont sourds, des membres de phrase déprimés du commencement, auxquels s’oppose le membre de phrase final, non pas allègre, mais libre, mais libéré, s’espaçant discrètement, mais s’espaçant et prenant du champ et qui semble comme l’expression du soulagement et de la reprise de la vie dans un sourire : « les yeux des jeunes filles y sont (verts et bleus à la fois) comme ces vertes fontaines où sur un fond d’herbes ondulées se mire le ciel. » Ainsi, en lisant à haute voix, vous vous pénétrez des rythmes qui complètent le sens chez les écrivains qui savent écrire musicalement ; du rythme qui est le sens lui-même en sa profondeur ; du rythme qui, en quelque façon, a précédé la pensée (car il y a trois phases : la pensée en son ensemble, en sa généralité : « Je suis né en Bretagne » — le rythme qui chante dans l’esprit de l’auteur, qui est son émotion elle-même et dans lequel il sent qu’il faut que sa pensée soit coulée — le détail de la pensée qui se coule en effet dans le rythme, s’y adapte, le respecte, ne le froisse pas et le remplit) ; du rythme enfin qui, parce qu’il est le mouvement même de l’âme de l’auteur, est ce qui, plus que tout le reste, vous met comme directement et sans intermédiaire en communication avec son âme. […] S’assied sur le timon, sur le nez du cocher, Le commissaire se repose un moment en s’appuyant à un bec de gaz ; il souffle, il s’essuie le visage ; il va recommencer ; le vers est à la fois stable et inquiet ; il exprime un mouvement qui reprend au moment presque où il s’arrête. Aussitôt que le char chemine Et qu’elle voit les gens marcher, Reprise du mouvement, du mouvement général ; changement de rythme. […] Ses vers lyriques eux-mêmes ont le mouvement et merveilleux (« Source délicieuse en misères fécondes… ») mais n’ont pas l’harmonie expressive.

207. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Je serais maintenant conduit à parler de cette littérature de mouvement, qu’on a appelée romantique, littérature absolument nouvelle, qui ne remonte pas plus haut que J. […] Bientôt peut-être, en France comme en Italie, car les états d’au-delà des Alpes participent au même mouvement, bientôt la littérature classique ne sera plus que de l’archéologie. […] Alors aussi, et par suite du mouvement général de l’Europe, cette Italie, si une d’esprit et de mœurs, produira un troisième siècle littéraire dont il n’est pas facile d’apercevoir encore les éléments épars. […] Mais nous ne savons pas ce que va faire naître l’établissement d’une académie à Athènes, d’un collège grec dans l’ancienne Tauride, du mouvement imprimé aux îles Ioniennes, et de tant de circonstances nouvelles dont nous ne pouvons prévoir tous les résultats. […] Apprenez à secouer le joug des transitions, puisqu’il s’agit des mouvements impétueux de l’âme, et non point d’un discours mesuré de la raison.

208. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

La courbe d’un mouvement aussi complexe que celui d’une nation ne saurait se calculer, quand on n’en voit qu’une très faible portion. […] Il est bien rare qu’un mouvement d’idées finisse juste avec un siècle. […] Aucune agitation ne révèle ce mouvement souterrain. […] On écrivit des choses utiles sur l’agriculture : tout le monde les lut, excepté les laboureurs. » Et en même temps qu’un élan rapide entraînait la France d’alors vers la liberté et l’égalité, naissait un mouvement parallèle qui, au nom de la nature, allait renouveler la littérature française.

209. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Quant au rithme, c’étoient les pieds des vers qui servoient à regler le mouvement de la mesure dans la recitation des vers. C’est même par cette raison qu’Aristote dit dans le chapitre quatriéme de sa poëtique, que les metres sont les portions du rithme ; c’est-à-dire, que la mesure resultante de la figure des vers, doit dans la recitation regler le mouvement. […] Ainsi celui qui battoit la mesure sur le théatre, étoit astreint à marquer les temps de la declamation, suivant la figure des vers qu’on recitoit, comme il pressoit ou rallentissoit le mouvement de cette mesure, suivant le sens exprimé dans ces mêmes vers, c’est-à-dire, suivant les principes qu’enseignoit l’art rithmique. […] En qualité de poëte, l’auteur étoit chargé de faire des vers bien mesurés, d’en prescrire le mouvement plus ou moins vîte, et d’en composer la melodie dont dépendoit en grande partie le succès de la tragedie.

210. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Ce mouvement rétrospectif, reconnaissant, réfléchi, qui nous fait revenir sur de grandes œuvres éclatantes ou replacer dans une juste lumière des ouvrages oubliés ou méconnus, doit être d’autant plus encouragé par la Critique qu’il n’est pas dans la nature du Génie français, lequel, en toutes choses, se porte en avant avec sa proverbiale furie, et mêle si joliment l’ingratitude à ses distributions de gloire. […] Aujourd’hui, un mouvement se produit, faible encore, il est vrai, mais qu’on serait heureux de voir s’animer, et ce mouvement semble se manifester en dehors de toute espèce de préoccupation qui ne serait pas l’intérêt et la curiosité littéraires. […] Le style, un style unique de trait, de tour et de mouvement, — le style, cette magie d’Alcine et d’Armide ! 

211. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Quand les matériaux sont rassemblés de toutes parts, préparés, dégrossis, et qu’il n’y a plus qu’à les mettre en place, l’homme de génie vient à l’heure favorable, il leur imprime le mouvement et la vie ; et les éléments épars se disposent et s’élèvent en édifices. […] Molière dut principalement aux Italiens le mouvement de son théâtre. […] En Italie, au contraire, le mouvement, l’action règne souverainement sur le théâtre.

212. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Le premier est qu’à l’origine de ce grand mouvement il y eut une impulsion ou une secousse qui ne fut pas d’ordre philosophique. Le second est que la doctrine à laquelle le mouvement aboutit, et où la pensée hellénique trouva son achèvement, prétendit dépasser la pure raison. […] Resterait à savoir, alors, si le terme du mouvement fut un mysticisme complet. […] Le repos devient ainsi pour nous antérieur et supérieur au mouvement, lequel ne serait qu’une agitation en vue de l’atteindre. […] Même sur la ligne où l’essentiel de cette impulsion a passe, elle a fini par épuiser son effet, ou plutôt le mouvement s’est converti, rectiligne, en mouvement circulaire.

213. (1922) Gustave Flaubert

C’est dans le langage même des mystiques que Flaubert exprime, de la façon la plus sincère et la plus directe, la ligne, le mouvement, le sens de son travail. […] Son imbécile de la vie ordinaire est vu à travers le voile de l’art, comme les premiers étaient vus à travers le mouvement du voyage. […] L’autre ira à la synthèse, se créera par un mouvement de composition, s’épanouira en décors, en phrases, verra dans l’antiquité d’une époque une liberté et une occasion de la surestimer. […] J’ai vu naître la vie, j’ai vu le mouvement commencer. […] On y admire un équilibre parfait entre la spontanéité et l’ampleur de la narration d’une part, et la perfection des phrases, la pureté pittoresque du détail d’autre part, entre ce qu’on pourrait appeler le mouvement de translation et le mouvement de rotation d’un livre.

214. (1881) Le naturalisme au théatre

Ou qu’il faut dire, c’est qu’on ne sait jamais au juste où un mouvement commence, parce que ce mouvement vient d’ordinaire de fort loin, et qu’il se confond avec le mouvement précédent, dont il est sorti. […] Mais ne le voit-on pas de tout temps obéir au mouvement de l’époque ? […] Meilhac et Halévy, le mouvement endiablé de M.  […] On n’invente pas un mouvement littéraire : on le subit, on le constate. […] Je n’ai d’ailleurs pas à raconter ce mouvement poétique, qui a copié en petit et dans l’obscurité le large mouvement de 1830.

215. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Richard Wagner a voulu une autre espèce de mouvement de l’âme, voisine comme je viens de le dire de l’action de nager ou de planer. […] Il semble que le mouvement régressif soit moins aisé à accomplir que le mouvement progressif. […] Le rythme est le mouvement, il est la vie. […] Notons en passant que tout mouvement n’est pas en soi un rythme. Un mouvement continu n’a pas plus un sens musical qu’un son continu ; pour qu’il devienne un rythme, il faut qu’il soit arrêté et qu’il recommence ; le rythme comprend divers moments d’un mouvement, interrompu ou modifié, qui se répète.

216. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Mais le caractère de mon style, étant le mouvement, la chaleur et l’improvisation, ne comporte pas ces perfections élégantes et ce poli des surfaces qui, dans les styles vraiment classiques, sont l’œuvre du temps. […] Il y a des circonstances qui enlacent tous les mouvements d’un homme dans un tel piège que, quelque direction qu’il prenne, il tombe dans la fatalité de ses fautes ou dans celle de ses vertus. […] La dignité naturelle de son port n’enlevait rien à la grâce de ses mouvements ; son cou, bien détaché des épaules, avait ces magnifiques inflexions qui donnent tant d’expression aux attitudes. […] C’est le refrain populaire qui menait le peuple aux plus grands mouvements, et qui s’éteignait souvent dans le sifflement de la corde de la lanterne ou dans le coup de hache de la guillotine. […] Le mouvement l’avait saisi et emporté tout jeune.

217. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Schuch ne suit pas toujours les traditions et presse généralement les mouvements ; mais il donne à son orchestre un élan superbe. […] majeur dite par l’alto solo et accompagnée par la harpe dans le premier mouvement. — « Ainsi que dans la Fantastique, un thème principal (c’est Berlioz lui-même qui parle) se reproduit dans l’œuvre entière, mais avec cette différence que, là-bas, l’« Idée fixe » s’interpose obstinément, comme une idée passionnée épisodique, au milieu des scènes qui lui sont étrangères et leur fait diversion, tandis que le chant d’Harold se superpose aux autres thèmes de l’orchestre, avec lesquels il contraste par son mouvement et son caractère, sans en interrompre le développement. […] Mais, suivant l’expression de Wagner, « il l’imprégna de la musique. » Il destina chaque rythme, chaque mouvement, à une signification propre. […] Puis, par la hantise des sensations chaudes, la musique fut menée à vouloir sortir de sa destination : elle tâchait maintenant à être une peinture, imitant les bruits naturels, les mouvements des corps, leurs couleurs. […] Il marqueta de banales romances, pour les âmes très sensibles, et les dissémina parmi une suite de bruyances assourdissantes et creuses ; le tout seulement pour qu’on ne perdît pas de vue les gestes et mouvements de pantins démenant quelque scribeuse histoire.

218. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Mais on ne rencontrera pas un trait qui ait été dicté par un mouvement de passion, de ceux que l’on aiguise moins en faveur de M.  […] Ce mot dont on use, dont on abuse à notre époque : « Un tel est arrivé », n’a pas de sens à y regarder de près, puisqu’il implique négation du mouvement, et que par définition la vie est un perpétuel mouvement, une lutte ininterrompue. […] Soutiendra-t-on qu’un tel art soit artificiel, artificiel étant synonyme d’insincère, c’est-à-dire conçu à froid, et ne répondant pas aux mouvements spontanés de l’être. […] Les Femmes de Mme Henri de Régnier y font plus de façons peut-être : elles ont un mouvement de révolte contre la force qui va les soumettre. […] Je l’aperçois même qui prépare sa volte-face et opère son mouvement de retraite.

219. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Mais ce fut pourtant le poète chez lui qui tira l’avantage principal du mouvement. […] Et ce mouvement de bas en haut ne fuit que commencer. […] Il a inauguré ce mouvement de respect qu’on ressent aujourd’hui à l’égard des questions religieuses. […] « Ce mouvement sera-t-il constant ? […] J’y vois une succession de crises causées par un mouvement ascendant vers l’organisation et l’individualisation d’une part, et par un mouvement en sens contraire vers la dégénération et la désintégration de l’autre.

220. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

La première c’est la tendance à prendre un état, attitude ou mouvement corporel, quand nous voyons une autre personne le produire. […] N’y a-t-il pas des harmonies de mouvements comme dans le geste ou la danse ? […] Bain ; peut-être n’en a-t-il que mieux réussi ; nulle part ailleurs, il ne s’est plus fermement appuyé sur sa grande doctrine de la continuité des phénomènes naturels, en vertu de laquelle il n’y a que des transformations, non des créations de mouvements. […] Les émotions et les sensations tendent donc à produire des mouvements corporels, en proportion de leur intensité. […] C’est une nécessité que la force nerveuse existant à chaque instant, et qui produit d’une manière inexplicable ce que nous appelons sentiment, suive l’une de ces trois directions : exciter de nouveaux sentiments, agir sur les viscères, produire des mouvements.

221. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

C’est une imitation par l’extérieur ; un mouvement et un décor qu’un romancier suggère à un autre romancier, et où celui-ci met son âme. […] Quand le cinéma sera sorti de sa phase empirique, que son esthétique propre se dégagera, et que des artistes vrais essayeront d’en faire autre chose que le pot-pourri assez discordant et saugrenu qu’il est généralement aujourd’hui, on comprendra sans doute qu’un film c’est un mouvement, que tout doit y être sacrifié au mouvement, construit ou plutôt orienté en vue d’un mouvement. […] Le mouvement réaliste n’était pas limité à la France. […] Chevalley, l’avant-garde des mouvements pour la réforme du mariage, du divorce, des lois sanitaires et sociales. […] Mais son premier mouvement est pour maintenir le silence autour de cette fortune.

222. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Certains pays, avec le temps, rompront à peu près avec la religion du Coran ; mais je doute que le mouvement de renaissance se fasse avec l’appui de l’islam officiel. […] Le cheik Gemmal-Eddin me paraît avoir apporté des arguments considérables à mes deux thèses fondamentales : — Pendant la première moitié de son existence, l’islamisme n’empêcha pas le mouvement scientifique de se produire en terre musulmane ; — pendant la seconde moitié de son existence, il étouffa dans son sein le mouvement scientifique, et cela pour son malheur !

223. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Villemain, largement, un peu lâchement, en orateur, avait établi les relations de quelques grands mouvements littéraires aux faits sociaux correspondants : Sainte-Beuve pousse plus loin, cherche des correspondances plus fines, des déterminations plus rigoureuses. […] Taine liait tous les faits psychologiques à des faits physiologiques : toutes nos idées et sensations sont conditionnées par des mouvements moléculaires des centres nerveux. […] Taine, à l’analyse, n’aperçoit plus, dans l’univers moral et physique, que des sensations et des mouvements : chaque être est « une ligne d’événements dont rien ne dure que la forme » ; selon notre perception des choses, « un écoulement universel, une succession intarissable de météores qui ne flamboient que pour s’éteindre et se rallumer et s’éteindre encore sans trêve ni fin, tels sont les caractères du monde », et la nature est « comme une grande aurore boréale863 ». […] « L’homme, dit Spinoza, n’est pas dans la nature comme un empire dans un empire, mais comme une partie dans un tout, et les mouvements de l’automate spirituel qui est notre être sont aussi réglés que ceux du monde matériel où il est compris. » Voilà le principe, formulé dans la Préface de l’Essai sur Tite-Live. […] Nous touchons ici à un dernier caractère par où l’œuvre de Taine entre en étroite relation avec le mouvement de la pensée contemporaine : ce grand esprit, qui, par sa théorie des signes, n’estime avoir prise que sur un monde abstrait et irréel, équivalent intelligible des réalités insaisissables, ce grand esprit a voulu se faire un style sensible et coloré.

224. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

C’est une sensibilité reposée, méditative, avec le goût des mouvements et des spectacles de la vie, le génie de la solitude avec l’amour des hommes, une ravissante volupté sous les dogmes de la morale universelle. […] C’est qu’il ne suffit pas à des vers, écrits pour la scène, d’être admirables en soi, il faut qu’ils soient en situation et qu’ils aient le mouvement dramatique. […] À tous ces présents de la nature, il a joint d’heureux accidents de fortune ; de bonne heure, il a attiré sur lui l’attention des hommes et conquis une place élevée dans le mouvement des lettres et de la politique ; mais rien de parfaitement solide et de complètement initiateur n’est résulté de son action et de ses travaux. […] Le mouvement de la strophe était dans cette poésie le mouvement même de l’âme.

225. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Avec les ganglions et le système nerveux ganglionnaire commence la sensibilité, liée aux phénomènes du mouvement : c’est ce qu’on remarque chez les mollusques, réduits à une sorte de vie végétative. […] À la vérité, on donne de cette théorie du poids relatif une raison qui n’est pas méprisable : c’est que l’encéphale en général, même les hémisphères cérébraux en particulier, ne sont pas seulement des organes d’intelligence, et qu’ils sont aussi en rapport avec les sensations, avec les mouvements. […] Par conséquent, devant deux cerveaux égaux, n’ayant aucune mesure qui nous permette de défalquer la portion affectée aux sensations et aux mouvements, nous n’avons que très-peu de moyens d’apprécier ce qui reste pour l’exercice de l’intelligence. […] Lafargue14 et Bouvier15, il établit que le crâne lui-même reçoit la forme qu’exigeait le genre de vie de l’animal, et par suite le genre de ses mouvements. « Le cerveau et le crâne sont étroits et pointus quand l’animal fouilleur doit se servir de son front et de son museau pour creuser la terre ; larges, au contraire, quand il lui faut pour se nourrir, pour voir et pour entendre, une large bouche, de vastes yeux, de vastes oreilles, entraînant le reste du crâne dans le sens bilatéral, développés en arrière, hérissés de crêtes osseuses, lorsque les exigences de l’équilibre ou celles du mouvement nécessitent elles-mêmes une telle forme. » Ajoutons, d’ailleurs, qu’il est difficile de comprendre à priori, comme le fait remarquer avec justesse M. 

226. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Mais dans un spectacle qui doit peu durer, les passions vives peuvent jouer leurs jeux, et de subalternes qu’elles sont dans le poème épique, devenir dominantes dans la tragédie, sans lasser le spectateur, que des mouvements trop lents ne feraient qu’endormir. […] Si ces mouvements résident plusieurs années dans un cœur, ce n’est que comme un feu assoupi sous la cendre ; leur flamme cause un incendie trop grand pour être durable : désir, effroi, pitié, amour, haine même, tout cela, porté aux derniers excès, s’épuise bientôt ; la violence d’une tempête est un présage de sa fin. […] Mais pour ces mouvements, il faut des changements de fortune, des reconnaissances, des intrigues ; et tout cela suppose une ou plusieurs actions. […] Les poètes grecs, pleins du génie d’Homère, y trouvèrent, sans contredit, ce balancement de raisons, de mouvements, d’intérêts et de passions, qui tient les esprits suspendus et qui pique jusqu’à la fin la curiosité des auditeurs. Sur ce principe, l’art de varier à l’infini les mouvements de la balance du théâtre, se présente de soi-même à l’esprit.

227. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Leur comédie, où il y a bien plus de spectacle et de mouvement que de peinture de mœurs, paraît plus faite pour les yeux que pour l’esprit. […] Plusieurs figures animaient par leur mouvement cette décoration ; le Génie ardent et les ailes déployées ; une Minerve douce et austère, et qui mêlait le goût à ta fierté ; l’Étude méditant et dans un repos actif, la proportion légère marquée par une des Grâces ; l’âme de Michel-Ange sous l’emblème d’un génie céleste, s’élevant et semblant se perdre et se confondre dans des flots de lumière ; plus loin l’Envie ceinte de serpents, une vipère à la main, voulant vainement exhaler son poison sur la Gloire ; et la Haine enchaînée qui se débattait, qui cherchait, en frémissant, à se relever, et retombait sous ses fers. […] Ce philosophe, né avec plus d’imagination que de profondeur, et qui peut-être avait plus d’esprit que de lumières ; qui s’agita toute sa vie pour être en spectacle, mais à qui il fut plus facile d’être singulier que d’être grand ; qui courut après la renommée avec l’inquiétude d’un homme qui n’est pas sûr de la trouver ; qui quitta sa patrie, parce qu’il n’était pas le premier dans sa patrie, qui s’ennuya loin d’elle, parce qu’il n’avait trouvé que le repos, et qu’il avait perdu le mouvement et des spectateurs ; qui, trop jaloux peut-être des succès des sociétés, perdit la gloire en cherchant la considération ; frappé de bonne heure de la grande célébrité de Fontenelle, avait cru devenir aussi célèbre que lui en l’imitant. […] Là, le souverain, mis presque toujours en mouvement par la nation, ne fait qu’exécuter la volonté générale ; il pourrait être grand comme particulier, et peu influer comme prince84 ; peut-être même des qualités brillantes pourraient être suspectes à un peuple qui joint l’inquiétude à la liberté ; car il peut calculer les forces d’une puissance qu’il connaît, mais il ne peut calculer l’influence de l’activité et du génie. […] Semblable à la mer agitée sans cesse par le flux et le reflux, ce héros a été pour ses peuples dans un mouvement éternel.

228. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Il reste soutenu par le mouvement d’une conversation. […] La Révolution a déclenché contre elle un mouvement d’idées. Elle n’a pas déclenché de mouvement poétique. […] Le romantisme aussi est un parti du mouvement. […] On était en 1830 du parti de la résistance ou du parti du mouvement.

229. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Le style en est quelquefois dur, incorrect et déclamatoire ; mais il ne manque pas de vigueur, de mouvement et d’originalité. […] Mirabeau s’élança dans la tribune, et lui rendit quelques-uns de ces mouvements et de ces effets réservés aux siècles orageux de la liberté. […] Une sorte d’inspiration surnaturelle anime toutes leurs pensées : un mouvement irrésistible est donné à toutes leurs entreprises. […] L’action de la Providence leur paraissait marquée dans tous les mouvements des empires, et surtout dans l’âme des héros. […] Les qualités qui dominent dans Bossuet sont celles qui manquent le plus à Thomas, je veux dire, la verve et le mouvement.

230. (1864) Études sur Shakespeare

Aux jours d’Élisabeth, le mouvement de l’esprit public n’appelait encore l’Angleterre qu’aux fêtes, et la poésie dramatique naquit toute grande avec Shakespeare. […] Comment les progrès de la prospérité rustique amenèrent-ils par degrés ce joyeux mouvement de réunions, de banquets et de jeux ? […] Il ne manquait à ce mouvement national qu’un homme de génie, capable de le recevoir et d’élever à son tour le public vers les hautes régions de l’art. […] Mais aussi quel mouvement gracieux et rapide ! […] Alors l’imagination est refroidie et troublée ; le spectateur se refuse à un mouvement dont on le détourne après lui avoir demandé de s’y livrer.

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