qui fait le sujet des Songeuses, mais quelle touche fine et déliée dans ce pastel où nul trait n’est heurté, où les contrastes se succèdent sans se choquer. […] Le lyrisme mystique y abonde ; confondre l’amour et l’adoration est en effet un trait du caractère méridional. […] Luis, — et c’est le trait vrai de cette étude psychologique. — Luis lutte jusqu’au bout, et se reconnaît seulement vaincu, dès l’instant qu’il est trop tard, pour douter encore de sa faiblesse. […] Dans ses cheveux bruns, il a, lui aussi, cette mèche blanche qui était le trait caractéristique de la malheureuse femme. […] Je ne dis pas qu’il n’y ait quelques traits amusants dans cette page que j’ai abrégée et écourtée, mais cette théorie darwinienne dont on a fait, hélas !
Mais ce n’est pas le point ; et le fait est qu’il demeure d’eux, non seulement des mots ou des traits, mais des pages entières comme gravées dans les mémoires. […] S’il ne s’en dégage pas un nouveau Lamennais, ils peuvent pourtant servir à préciser quelques traits de sa physionomie. […] Biré, c’est sur cette complaisance d’Hugo pour les « idées communes » que j’aurais d’abord insisté, comme formant l’un des traits à la fois de son caractère et de son génie poétique. […] Ce fanatisme anti-chrétien est le seul trait de ressemblance que je puisse apercevoir entre Hugo et Leconte de Lisle. […] Renan les effleure ; du moins il n’a pas l’air de les approfondir ; mais il n’en est pas une dont il n’indique la solution d’un trait presque également rapide, sûr et heureux.
Et le portrait de ce Gaston de Lamarthe n’est-il pas trait pour trait, le portrait de M. de Maupassant ? […] Toutes représentent Cléopâtre avec des traits gros et durs, un nez extrêmement long. […] sous les traits d’une Égyptienne. […] Mais, en bonne critique, il ne faut pas en faire un trait significatif du caractère d’Ulysse. […] Tel paysage du Jardin de Bérénice, d’un trait rapide et d’une perspective infinie, est inoubliable.
Avant de rechercher comment ce dessein se poursuit à travers toute l’œuvre de Proust, sans fatigue, sans émoi, sans espoir, je voudrais analyser avec vous rapidement de quels traits de son caractère il peut bien provenir. […] Même si pendant sa dernière nuit, il a tâché de corriger encore certains traits de la Mort de Bergotte, soyez sûr que ce n’est pas sous l’empire d’un devoir positif, d’une obligation active dictée par sa conscience ; c’est seulement la force de son esprit qui tendait encore spontanément à se manifester. […] Il est temps d’examiner les découvertes qu’il a faites dans l’ordre du sentiment, d’examiner les traits essentiels de cette psychologie positive dont nous le considérons comme le fondateur. […] Devant le monstre qu’est l’amour, si nous faisons preuve de cette « virilité mentale » qu’Auguste Comte signale comme le trait essentiel de l’esprit positif, nous le voyons aussitôt s’évanouir ou se changer en ce monstre tout intérieur, tout solitaire, si j’ose dire, que Proust a décrit. […] Desjardins, un manque de « pugnacité », une répugnance à serrer les poings, à se faire un chemin par la force, à déranger à son profit l’ordre du monde, ou, si vous voulez, à agir, qui doivent être soulignés avant tout autre trait.
Elle s’en tient, depuis les origines jusqu’à Marot, aux traits les plus généraux et les moins caractéristiques, parlant sans lassitude de prairies qui sont vertes et de ruisseaux qui sont clairs. […] Ils font fi de ce que l’on appellera bientôt les règles ; ils ressemblent tous un peu à Régnier et se représentent l’idéaliste sous des traits qui sont à peu près ceux de Malherbe. […] Certes, on pourrait se méprendre d’abord et se demander si ces réalistes ne ressemblent pas trait pour trait à ceux que nous avons appelés naturalistes. […] On pourrait disputer à Henri Monnier la gloire d’avoir donné le premier calque de la sottise bourgeoise, quand on a pris, comme Furetière, la peine de dessiner trait à trait les Javotte, les Jean Bedout, les Vollichon et tant d’autres. […] Ghérassime est noté par ce trait caractéristique qu’ayant servi toute sa vie, il a besoin d’avoir quelqu’un sous la main : Pour le commander ?
Cependant, cette même année 1843, Flaubert est devenu l’ami de Du Camp, dont peut-être certains traits ont passé dans son Henry. […] Elle est marquée d’un trait terrible, « incapable de comprendre ce qu’elle n’éprouvait pas, comme de croire à tout ce qui ne se manifestait pas par des formes convenues ». […] Ils le regardaient comme un plus grand médecin que tous les médecins. » Tel est bien le trait qui le carre solidement, un robuste aplomb. […] Son dernier trait est « de donner dans un genre folâtre et parisien », de parler argot. […] Hannon, en qui Flaubert s’est diverti à portraiturer l’éléphantiasis d’Afrique, offre plus de pittoresque banal, plus de traits du roman historique moderne.
Paul Hervieu le peint d’un trait : « Son esprit de conduite, écrit-il, sa célèbre habileté étaient fondés sur l’art, en tout, de suspecter tout le monde, et de toujours supposer le pire. […] Tout ce qu’elle offre de beautés uniques, de nobles exemples s’y grave en traits profonds qui ne s’effaceront plus. […] De quels traits ineffaçables n’a-t-il point dessiné le glorieux X… et « ses réveils d’affranchi » ? […] Dans Monna Vanna, les êtres et les choses se concrètent, se dessinent, nettement, en traits vifs, sur des fonds de réalité. […] Ils sont marqués, dessinés d’un trait, du trait qu’il faut pour les rendre vivants et inoubliables.
Ma comparaison n’a donc trait qu’à l’esprit de prudence et à la sobriété dont ils sont tous deux marqués. […] Un autre trait de ressemblance avec Stendhal était sa propension aux formules simples, aux maximes brèves, pour la bonne conduite de la vie. […] Une ballade, un refrain populaire, suffisent pour vous représenter en un instant ce caractère sous les traits les plus arrêtés et les plus frappants. […] C’est bien là une touche précieuse, un trait caractéristique qui marque l’artiste, pour lequel il n’y a pas de petites choses. […] Ses œuvres abondent en traits extraordinaires de ce genre, que nous pourrions appeler des tours de force si nous ne savions pas qu’ils lui sont essentiellement naturels.
Une erreur originale est quelquefois un trait de lumière ; l’imitation et la vulgarité n’éclairent jamais. […] Il saisit des nuances imperceptibles dans la forme extérieure que prennent les passions ; il entend la signification morale du moindre regard, de la moindre inflexion de la voix ou des traits du visage. […] Mais voilà que nulle expression ne traduit fidèlement son idée ; aucun trait n’est ferme ; ses couleurs sont pâles ; son intelligence elle-même s’est couverte d’un nuage. […] Imaginez un poème de deux mille vers, lequel quatre fois dans chaque alexandrin rayonnerait d’un trait sublime comme les trois syllabes du qu’il mourût ! […] La connaissance du vrai, sans celle du bien, ne porte pas sur le monde supérieur, sur l’idéal, elle n’a trait qu’à ce côté de la réalité qui constitue le monde matériel et le domaine de l’utile.
Un portrait par Whistler, en tête du florilège Vers et Prose, évoque, comme le poète l’a voulu, sa figure en quelques traits sobres et choisis, de crayon. […] Il convient seulement, par ce crayon, d’esquisser de sa physionomie les traits extérieurs qui la révélaient à autrui ; traits extérieurs qui chez tout homme d’intérieur un peu complexe, sont à la fois, mêlées d’indiscernable manière, l’expression et la dissimulation de ce qu’il est. […] Mais je ne sais si l’on n’y trouve pas un peu les traits de la figure la plus générale, la plus extérieurement enveloppante, qui circonscrit Mallarmé. […] Ceux de ses vers dont Boileau est le plus fier sont ceux-là où s’éprouve en une périphrase non plus le brillant d’un trait, mais le poids d’une définition. […] Parfois il la dérive comme un biais de l’usage commun, ne fait que souligner d’un trait l’image fournie par la langue.
Mais le Tasse est presque toujours faux quand il fait parler le cœur ; et, comme les traits de l’âme sont les véritables beautés, il demeure nécessairement au-dessous de Virgile. […] Son enfer a plusieurs traits de mauvais goût. […] « Souvent, pendant que ses brebis, couchées à l’ombre, évitent l’ardeur du soleil, elle grave des chiffres amoureux sur l’écorce des lauriers et des hêtres ; elle y retrace l’histoire et les malheurs de sa flamme ; en parcourant les traits que sa main a formés, un torrent de larmes inonde ses joues. […] jusque dans le calme de la mort, on ne sait quelle obliquité des traits du visage, qui rappelle la démence luttant avec le génie.
Que leurs ombres errent autour de moi, portées sur les nuages ; que je voie leurs traits guerriers : à leur aspect, mon âme sentira croître sa constance dans les périls, et mon bras lancera les foudres de la mort. […] Son épée était comme le trait de la foudre, qui frappe les enfants du vallon, lorsque les hommes tombent consumés, et que toutes les collines d’alentour sont en flammes. […] » Il reconnaît à la fin que c’est elle dont le cœur palpite sous le trait fatal. « Ô Galvina ! […] Ma demeure est l’asile des étrangers. » La belle était tremblante à mes côtés : il décoche un trait, elle tombe. « Ta main est sûre, Borbar ; mais cette belle était un faible ennemi. » Nous combattîmes, et ce combat fut sanglant et mortel : Borbar tomba sur mes coups.
Mais si par hasard vous le reconnaissiez, et que, selon sa cordiale et gracieuse habitude, il vous mît sa grosse main sur l’épaule, et qu’il vous retînt par le collet de votre habit, à la manière de Socrate, pour vous sourire ou pour causer un moment avec vous, alors ce geste, ce sourire, ce regard, cette physionomie, ce son de voix, vous révélaient un tout autre homme, et, si vous étiez le moins du monde physionomiste, c’est-à-dire sachant lire les caractères de Dieu sur le livre du visage humain, vous ne pouviez vous empêcher de regarder et de regarder encore cette délicieuse laideur transfigurée par l’intelligence, qui, de traits vulgaires et presque informes, faisait tout à coup, à force de cœur et d’âme, un visage qu’on aurait voulu embrasser ! III Ses traits étaient ébauchés à grands coups de pouce dans l’argile, comme dans la rude et fidèle statuette en bas-relief que le jeune sculpteur Adam Salomon nous a pétrie de lui. […] tous ces traits, toutes ces expressions, toutes ces intonations diverses, avaient un tel charme qu’on se sentait retenu, fasciné, ravi de contemplation par ce visage, et qu’on se disait intérieurement ce qu’Alcibiade disait de Socrate après l’avoir entendu parler des choses divines et des choses humaines : « Il faut qu’une divinité se soit répandue à notre insu sur ce visage. […] À défaut de mes traits tu connais mon histoire ?
Et ici apparaît un trait caractéristique de l’« animal politique » qu’est l’homme. […] De la société naturelle nous venons en effet d’indiquer quelques traits. […] Sans doute, à regarder du dehors ces allées et venues, on ne voit que l’antagonisme des deux tendances, les vaines tentatives de l’une pour contrarier le progrès de l’autre, l’échec final de celle-ci et la revanche de la première : l’humanité aime le drame ; volontiers elle cueille dans l’ensemble d’une histoire plus ou moins longue les traits qui lui impriment la forme d’une lutte entre deux partis, ou deux sociétés, ou deux principes ; chacun d’eux, tour à tour, aurait remporté la victoire. […] Or un des traits essentiels des religions antiques était l’idée d’un lien entre les groupements humains et des divinités attachées à chacun d’eux.
Dans cette suite de confidences lamentables, un trait de ces lettres me fait sourire ; j’y vois comme le cachet et la couleur de l’époque, et aussi un reste de cette frivolité qui, chez Bernis, continuait encore de s’attacher même à l’homme public. […] Quelques traits pourtant, dans ce décourageant tableau, sont à excepter : les soldats exténués de fatigue ont gardé leur bonne volonté et valent mieux que ceux qui les commandent.
Depuis que les Mémoires de Saint-Simon sont publiés en entier, je ne dirai pas que les pages de chronique qu’on doit à Madame ont pâli, mais elles ont cessé d’étonner ; on y a reconnu de bonnes peintures naïves, un peu hautes en couleur et un peu grosses de traits, chargées et grimaçantes parfois, mais au fond ressemblantes. […] De secrets rapports font les nobles attachements d’estime et de respect ; et les grandes âmes, quoique les traits de leur grandeur soient différents, se sentent et se ressemblent.
Et toi qui fidèlement me retraces celle qui m’est si chère, hôte bienvenu quoique inattendu ici, qui m’ordonnes d’honorer d’un vers aimant et simple une mère depuis si longtemps perdue, j’obéirai non seulement de bon gré, mais avec joie, comme si l’ordre me venait d’elle ; et tandis que ces traits viennent renouveler ma filiale douleur, l’imagination ourdira un charme pour me consoler ; elle me plongera dans une rêverie élyséenne : — songe d’un moment qui me fera croire que tu es elle. […] Il ne se donnait que de courts sujets qui avaient trait aux choses du moment, quelquefois à la politique (car c’était le temps de la guerre d’Amérique, et Cowper était à bien des égards un Anglais de vieille roche) ; mais le plus ordinairement, il ne s’agissait dans ses vers que des accidents de son jardin.
on a toute la variété et les contrastes du tableau : un ancien eût fini peut-être par ce dernier trait et par cet image, mais Cowper ne s’y est pas tenu ; il y a mêlé son idée de fils d’Adam sur le travail qui est une peine et un châtiment, mais qui est devenu un moyen ou un gage de rachat. […] Tu n’as point de somptueux atours ; tu n’as pas besoin, comme la Nuit, de relever des traits ordinaires par des grappes de diamants : une étoile ou deux luisant sur ton front te suffisent, sans compter que la lune t’appartient non moins qu’à elle, une lune modeste, non étalée d’en haut avec faste, mais attachée pourtant dans sa pleine rondeur à un pli de sa ceinture de pourpre.
On y cherche une date, qu’on y trouve, et on y trouve de plus une idée, un fait, un trait : en un mot, il ne se peut de table des matières en histoire dressée avec plus d’esprit et d’agrément, ni avec plus de lumières. […] [NdA] On trouve dans les Lettres d’Horace Walpole quelques traits qui peignent le président Hénault sous sa dernière forme et dans sa décrépitude.
M. de Rohan a plus de prudence ; prudence et opiniâtreté, ce sont deux traits distinctifs de son caractère. […] Richelieu et son ardeur en cette périlleuse entreprise, l’affection qu’il met aux choses et qui le consume, éclatent en mille traits de feu dans son récit : Cependant, dit-il en un endroit, tandis que le cardinal employait tout l’esprit que Dieu lui avait donné à faire réussir le siège de La Rochelle à la gloire divine et au bien de l’État, et y travaillait plus que les forces de corps que Dieu lui avait départies ne lui semblaient permettre, on eût dit que la mer et les vents, amis des Anglais et des îles, s’efforçaient à l’encontre et s’opposaient à ses desseins… Prendre La Rochelle avant toute chose, promptement et sans rémission cette fois, c’est là son idée fixe ; c’est, selon lui, le premier remède à tout, et il y faut employer tous les moyens, toutes les inventions imaginables sans en omettre aucune ; car « de la prise de La Rochelle dépend le salut de l’État, le repos de la France, le bonheur et l’autorité du roi pour jamais. » Y aura-t-il un État dans l’État, un allié naturel et permanent de l’étranger parmi nous, un port et une porte ouverte aux flancs du royaume ?
Mme de Créqui, née au commencement du xviiie siècle, pouvait-elle, en parlant de je ne sais quelle cérémonie monastique dont elle avait été témoin dans son enfance, ajouter ce trait classique plus convenable chez une lectrice de La Gazette : « Je n’ai rien vu dans les nouveaux romans qui fut aussi romantique que cette scène nocturne et qui fût aussi pittoresque surtout. » Pouvait-elle, en citant une complainte du vieux temps qui se serait chantée au berceau de son petits-fils, dire à ce dernier : « Vous vous rappellerez peut-être, en lisant ceci, que Mlle Dupont, votre berceuse, vous chantait précisément la même complainte, et qu’elle en usait toujours de la sorte, en guise de somnifère et pour le service de votre clinique. » On rencontre à chaque pas de ces anachronismes évidents de couleur et de langage, et qui donneraient droit de conclure avec certitude que, quand même il y aurait eu un fonds primitif d’anciens papiers, d’anciens récits, l’éditeur les avait retouchés et arrangés à la moderne. […] J’ai déjà parlé de M. de Meilhan et ici même69 : je tâcherai d’y revenir sans trop me répéter, et de repasser sur les mêmes traits avec une couleur presque neuve, ou du moins empruntée à d’anciens écrits qui sont comme nouveaux.
Mlle Roxandre, aux traits réguliers, à l’œil tendre, à la voix touchante et mélodieuse (il n’y avait un peu à redire chez elle qu’à la taille), était une Grecque attrayante et persuasive qui avait gardé du charme et des douceurs ioniennes du Bosphore ; elle méritait de s’entendre dire dans sa candeur : « Il n’est pas un de vos regards qui ne soit une pensée. » Mme Swetchine, plus hardie, plus sauvage et d’une séve qui lui arrivait peut-être de par-delà le Caucase, était autrement trempée, autrement avide et d’une ambition morale plus exigeante. […] Je l’ai promis cependant, et je dois dire ici comment la personne que l’on commence, ce me semble, à entrevoir par bien des traits originaux, et qui nous arriva de Russie toute mure, toute formée, et douée d’une autorité précoce qui s’accrut considérablement avec les années, m’inspira, lorsque j’eus l’honneur de la connaître, plus de respect et de vénération que d’attrait.
J’essaye toujours, quand j’ai à tracer un portrait de femme, de me la définir par ses traits principaux et par ce qui la caractérise entre toutes. […] Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucune ligne pure de beauté idéale ; mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer.
C’est bien tel et sous ces traits tout conformes à son caractère que nous allons le retrouver et le reconnaître dans la charge nouvelle qui lui était déférée. […] Il nous débite d’un trait tout son système de morale pratique.
Fromentin applique, en effet, aux figures le même mode d’expression qu’il a porté dans ses tableaux naturels ; au lieu de s’en tenir à la description pure des traits, du teint, des cheveux et de chaque partie de la personne, à ces signalements minutieux et saillants, qui, à force de tout montrer, nous empêchent parfois de voir et de nous faire une juste idée de l’ensemble, M. Fromentin ne s’attache qu’aux traits principaux, à ce qui frappe et à ce qu’on retient, au mouvement, au geste, à l’étincelle.
Pour moi, j’aime mieux nos deux auteurs franchement chez eux, Labiche dans Célimare le bien-aimé, et Collé dans La Vérité dans le vin, deux petits chefs-d’œuvre qui ont quelques traits de commun, des ornements du même genre légèrement portés. […] Jamais, de mes jours, je n’ai vu autant de sortes d’esprit que dans ces Mémoires… Je n’aime point Rousseau ; personne ne rend plus de justice que moi à son éloquence, à sa chaleur et à son énergie, mais je trouve Beaumarchais mille fois plus vrai, plus naturel, plus insinuant et plus entraînant que cet orateur, qui veut toujours l’être, le paraître, qui est d’ailleurs sophiste à impatienter son lecteur que l’on sent qu’il méprise, et dont il se joue perpétuellement comme le rat fait de la souris. » Sauf le dernier trait contre Rousseau qui n’est pas juste (car Rousseau n’y met pas tant de malice), l’ensemble du jugement est parfait.
Les principaux traits de cet autre moment si bien rempli furent la suprématie, le culte de l’Art considéré en lui-même et d’une façon plus détachée, un grand déploiement d’imagination, la science des peintures, l’histoire entamée dramatiquement, évoquée avec souffle, comme dans le Cinq-Mars et le Cromwell, la reproduction expressive du Moyen-Age mieux envisagé, de Dante et de Shakspeare compris à fond ; on perfectionna, on exerça le style ; on trempa le rhythme ; la strophe eut des ailes ; on se rapprochait en même temps de la vérité franche et réelle dans les tableaux familiers de la vie. […] Ce trait en rappelle un assez pareil de Shakspeare, lorsque Macbeth après son crime entend du bruit, et s’effraye, et s’écrie : « Quelles mains j’ai là !
Je suis presque honteux d’avoir à revenir ainsi pas à pas sur des choses que je croyais comprises, et de me trouver obligé de remettre le doigt sur chaque trait. […] Je suis, grâce à mon bavardage sur moi-même, tellement décrié que je n’ai pas besoin de l’être plus ; et si mes lettres, qui nagent dans vos appartements, échouaient en quelques mains étrangères, cela donnerait le coup de grâce à ma mourante réputation… » Je n’avais pas jugé utile dans le premier travail de faire entrer ce fragment, qui en dit plus que nous ne voulons, qui en dit trop, car certainement Benjamin Constant valait infiniment mieux que la réputation qu’il s’était faite alors ; mais enfin il se l’était faite, comme lui-même il en convient : étais-je donc si en erreur et si loin du compte quand j’insistais sur certains traits avec précaution, avec discrétion ?
Perrault, Mansart, Lulli, Le Brun, Boileau, Vauban, bien qu’ils eussent entre eux, dans la manière et le procédé, des traits généraux de ressemblance, ne s’entendaient nullement et ne sympathisaient pas, emprisonnés qu’ils étaient dans le technique et le métier. […] A cela près, et nos réserves une fois posées, personne plus que nous ne rend hommage à cette multitude de traits fins et solides, de descriptions artistement faites, à cette moquerie tempérée, à ce mordant sans fiel, à cette causerie mêlée d’agrément et de sérieux, qu’on trouve dans les bonnes pages de Boileau9.
L’auteur déguise alors sa pensée comme s’il en avait honte ; il en efface les traits saillants et le caractère simple, et ce n’est plus elle qu’on aperçoit. — Quand Delille dit : Et d’une horrible toux les accès violents Etouffent l’animal qui s’engraisse de glands, il ne laisse dans l’esprit du lecteur qu’une image froide et vague. […] 198 Les derniers traits de l’ombre empêchent qu’il ne voie Le filet.
Les chapitres y sont des cadres artificiels, des formes, où il réunit autour d’une idée centrale une collection de traits éclatants ou de pensées profondes. […] Les excellents Oratoriens qui l’ont instruit à Juilly lui ont découvert la riche source d’énergie morale qui jaillit pendant toute la durée des antiquités grecque et romaine ; les grands ouvrages de l’esprit, les coups d’héroïsme dans l’action politique ont ravi l’imagination du jeune Gascon, dont le bon sens aiguisé goûte ce qu’il y a toujours de pratique et de mesuré dans les traits les plus étonnants de l’antiquité.
Les traits saillants de sa grande histoire percent déjà sous l’ébauche du mythe primitif. […] Il parla ainsi et il rit. » — Ce rire marque d’un trait sardonique toute l’histoire, telle qu’elle est contée par Hésiode.
Elles résument à grands traits une des plus célèbres légendes de l’antiquité. […] » Un trait d’ironie perce visiblement sous cette allusion aux écritures officielles, si chères à l’Égypte.
On pourrait sans doute désirer, en quelques endroits du récit, un coup de pinceau plus vif, un trait de burin plus profond ; mais je ne sais si une autre manière produirait une impression aussi nette, aussi lucide et aussi parfaitement juste que celle que laisse ce récit égal, uni, et ce style, interprète fidèle et patient de l’équité. […] Pourtant, dans un récit historique, un peu de Tacite de temps en temps ne ferait pas mal, si l’on entend par là une réflexion forte, concentrée, une expression figurée et profonde qui rassemble toute une situation et qui la juge, un de ces traits qui percent à jour un homme et le qualifient éternellement.
Je voyais dernièrement le drame plein d’action dans lequel deux hommes de talent (et l’un d’eux le plus habile ingénieur dramatique de notre âge) ont reconstruit et remis en jeu sa mémoire13 : ils ont conçu le rôle au point de vue d’une grande actrice, l’Adrienne de nos jours, en le lui appropriant par d’heureux traits. […] Le Mercure nous la montre plus au naturel, « parfaitement bien faite dans sa taille médiocre, avec un maintien noble et assuré, la tête et les épaules bien placées, les yeux pleins de feu, la bouche belle, le nez un peu aquilin, et beaucoup d’agrément dans l’air et les manières ; sans embonpoint, mais les joues assez pleines, avec des traits bien marqués pour exprimer la tristesse, la joie, la tendresse, la terreur et la pitié ».
Mais tout ne répond pas au trait de ce visage Plus vermeil qu’une rose et plus beau qu’un rivage. […] Cet esprit plein de grâce et de finesse acquit par lui toute sa trempe ; il démêla en elle et mit en valeur le trait qui la distinguait particulièrement ; « une droiture de sens fine et profonde ».
L’idéal, selon lui, serait d’unir les mérites des deux nations ; mais il semble, dans ce mélange, pencher encore du côté de la France : « J’ai dit plusieurs fois, et je le pense réellement, qu’un Français, qui joint à un fonds de vertu, d’érudition et de bon sens, les manières et la politesse de son pays, a atteint la perfection de la nature humaine. » Il unit assez bien lui-même les avantages des deux nations, avec un trait pourtant qui est bien de sa race. […] Hamilton lui-même a ce trait distinctif et le porte dans l’esprit français.
Cependant l’existence de ces Mémoires était un épouvantail pour bien des gens qui s’y savaient maltraités, eux et les leurs, et marqués en traits de feu. […] Son capitaine Maupertuis, son ami Coëtquen, sont touchés en quelques traits heureux, et, en la personne de Maupertuis, il commence déjà à critiquer et à démolir la noblesse de ceux dont il parle, ce qu’il fera ensuite continuellement.
La ressemblance de plusieurs traits essentiels me fait croire que la véritable clef de ce portrait peu connu est bien en effet celle-là : L’aimable Clarice est, sans doute, une des personnes du monde la plus charmante, et de qui l’esprit et l’humeur ont un caractère le plus particulier ; mais, avant que de m’engager à vous les dépeindre, il faut vous dire quelque chose de sa beauté. […] Elle avait le sentiment vif du ridicule, et elle saisissait les gens d’un trait et d’une seule image.
Écrivain, ne lui demandez ni les grâces, ni le brillant, ni le coulant : mais dans sa rudesse de plume et à travers le heurté de sa diction, quand la vérité le saisit, il rencontre des traits énergiques, pittoresques même, et qui, pour flétrir des misères sociales et des opinions vicieuses, ont ce genre d’exactitude qu’aurait un physicien passionné. […] Tous mes soins se portaient donc à présenter la vérité, mais sans la rendre effrayante ; de ce qui n’avait été qu’un tumulte, j’en faisais un tableau ; je cherchais et je saisissais, dans la confusion de ces bouleversements du sanctuaire des lois, les traits qui avaient un caractère et un intérêt pour l’imagination.
Les jugements de Gourville sur les hommes sont excellents, simples, tracés en quelques traits et indiquant le point décisif. […] Un trait de parenté de plus avec Gil Blas : si Gourville ne s’indigne et ne s’étonne trop de rien, il ne se plaint non plus jamais.
Montesquieu s’avance d’un pied ferme, par une suite de réflexions serrées et vives, et dont l’ensemble a l’air grand ; il a le trait prompt, court, et qui porte haut. […] Marmontel a remarqué qu’il attendait volontiers que la balle lui vînt, pour la prendre au bond ; il avait naturellement du trait.
On vouloit dans un discours des pointes, de jeux de mots, des traits brillans. […] Mais ces traits déliés ne sont que trop communs dans notre siécle, & loin de nous donner le moyen de faire un amas de fleurs, sous lesquelles le goût se perd, il faudroit plûtôt nous apprendre l’art d’être simple.
« J’ai sous le bras, dans mon carquois », dit-il avec sa forme originale, « bien des traits qui parlent aux intelligences, mais qui, pour la foule, ont besoin d’interprètes. — 111 Tends ton arc vers le but, ô mon âme ! […] C’est, je crois, un des plus beaux traits qu’il soit possible d’enlever à cette sublime poésie, et de rendre sensible et vivant pour nous, en le détachant de l’ode sur la victoire athlétique de Cléandre, enfant d’Égine, la cité favorite de Pindare, parmi les glorieux confédérés de la liberté grecque.
Lui qui excelle d’ordinaire dans ces sortes de solennités a paru, cette fois, plus embarrassé et moins vif que de coutume : son discours n’a pas de ces traits par lesquels il sait si bien relever le poli de ses paroles.
L'Univers, le journal religieux, a été le premier journal catholique doctrinaire et dynastique, et c’était même là son trait distinctif au début.
Dans ce sens plus large et plus vrai, le naturalisme ne tombe pas sous les jolis traits que vous lancez à son plus fameux représentant.
Enfin, il lui prêtait dans l’économie du mystère chrétien une place à part, qui faisait de lui le trait d’union entre le vieux Testament et l’avènement du règne nouveau.
A ces traits-là reconnoît-on l’esprit ?
Je détestai un poète, chez qui la nature se manifestait sous des traits si vagues et si faux.
Mille traits saillans sont répandus dans cet ouvrage d’invention & de féerie.
Les avocats, ses confrères, le percèrent de mille traits satyriques.
Si Montesquieu, dans un ouvrage de sa jeunesse, laissa tomber sur la religion quelques-uns des traits qu’il dirigeait contre nos mœurs, ce ne fut qu’une erreur passagère, une espèce de tribut payé à la corruption de la Régence204.
Voilà un petit trait de poésie tout à fait ingénieux.
Gabriel Monod est sobre de détails sur la formation première de Taine ; voici, pourtant, un trait que je lui emprunte : « il avait déjà, à l’âge de dix ans, un tel sérieux dans le caractère et une telle solidité dans l’esprit qu’il remplaça, pendant quelques jours, M.
Un pareil trait nous donne l’idée d’un siècle et des barbares au milieu desquels la nature avait jeté un grand homme4.
Sérieusement, ç’a été une idée heureuse et bien conçue, d’embrasser un groupe naturel, un groupe de famille, qui offre à la fois des traits frappants de ressemblance et une agréable variété. […] Politiquement, quand on en vient à étudier de grands personnages, des hommes d’action, les traits généraux de famille ressortent encore mieux et se vérifient plus aisément. […] On y vit d’heureux traits de détail, mais on y sent trop bien l’absence d’intérêt dans les sujets et le manque d’invention poétique.
Un Auteur que l’amour du bien public a dévoué, comme moi, à toute l’amertume ainsi qu’à tous les traits de l’animosité philosophique & littéraire, peut & doit même mépriser les déclamations atroces. […] Mais le trait dont je vous parle n'est rien en comparaison de celui-ci. […] On y verra avec sensibilité les traits mémorables de votre bravoure dans les combats, &, ce qui est plus estimable encore, les éloges dus à la bienfaisance, à l’humanité, à la sagesse de votre administration.
Le style en est vif, coloré, incisif, les images saisissantes, le mouvement emporté : à chaque page surgissent des traits mordants et de vraies trouvailles d’expression. […] Il donne à ses héros des traits pris aux gens d’aujourd’hui, et ces traits appellent aussitôt de piquants et de significatifs rapprochements.
Je veux citer quelques traits de la défense de l’accusé. […] Les passions, les habitudes impriment leur cachet sur le visage ; certains traits trahissent les penchants, les instincts. […] Après chaque trait décrit, il entre dans une grande discussion sur ce trait, l’analyse séparément, dit pourquoi il indique telle habitude ou telle passion et ce n’est qu’après avoir écrit une page qu’il entame un autre trait ou une autre partie du costume. […] Il y a toujours des traits saillants dans le visage et dans le costume qui frappent de prime abord. […] Gozlan, très amusant du reste, et qui nous servira à compléter le portrait de l’homme en y ajoutant certains traits que madame Surville laisse dans l’ombre.
La transformation qui s’opère dans l’histoire de la littérature entre 1610 et 1630, — mettons 1636, pour aller d’un seul trait jusqu’au Cid, — est l’œuvre des Précieuses. […] I, 176]. — C’est dommage qu’elles soient déparées par des traits de la plus choquante vulgarité. — Voyez encore ses Satires [t. […] — Son inquiétude habituelle ; — ses distractions ; — ses changements de lieux ; — sa vie cachée ; — ses manies. — Curieux fragments de son Journal ; — ses illuminations et ses songes ; — la mémorable nuit du 10 novembre 1619, où « il lui sembla que du haut du ciel l’esprit de vérité descendit sur lui pour le posséder ». — On ne trouve point de semblables traits dans la vie de Corneille ; — et encore moins dans celle de Malherbe. — Qu’il serait temps de les faire entrer dans la composition du caractère historique de Descartes, — et dans les considérants du jugement à porter sur sa philosophie. […] Comment, par cette façon d’être « naturaliste », La Fontaine se rapproche de Molière ; — et qu’ils ont bien tous les deux la même « philosophie » ; — quoique d’ailleurs moins raisonnée chez La Fontaine que chez Molière. — La Fontaine est un épicurien pratique, mais non pas militant ; — de la famille de Saint-Évremond autant que de celle de Molière, — plus occupé de jouir que de prêcher ; — et assez insouciant pour ne pas même se fâcher si la fortune s’avise de le troubler dans sa jouissance. — Mais il est surtout poète ; — et c’est ce dernier trait qui achève de le distinguer de quelques-uns de ses illustres contemporains. […] Dans la nature de son éloquence et de son style. — Bourdaloue est le plus continûment éloquent de nos prédicateurs. — Par où l’on veut dire : — qu’il répand une lumière égale sur toutes les parties de son sujet ; — que le mouvement ordinaire de son éloquence a moins de variété que d’ampleur ; — et qu’il n’a presque point de traits ni de morceaux. — Simplicité du style de Bourdaloue. — Son dédain de toute rhétorique, — et si peut-être il ne l’a pas poussé au-delà des justes bornes ?
Toute la difficulté consiste à choisir les traits caractéristiques de l’idée qu’on veut exprimer. […] Elle se cache sous le masque de la flatterie, et le trait qu’elle lance est d’autant plus sûr qu’il est imprévu. […] Or, ce trait d’ignorance, à peine excusable en 1810, réimprimé quarante ans plus tard, amènera le sourire sur toutes les lèvres. […] Il se contente de rappeler les traits principaux dont se compose la physionomie de Léon X, et ne songe pas, un seul instant, à se demander en quoi consistent les mérites de cette peinture. […] Les divagations de don Annibal, quand il achève sa troisième bouteille, sont des traits pris dans la nature, étudiés avec soin et rendus avec fidélité.
C’est que tous ces traits sont des traits spirituels et non comiques. […] C’est le trait caractéristique de M. […] Par ce dernier trait elle rejoint, à quoi elle ne s’attendait guère il y a un siècle, le gemuth allemand. […] Le trait est excentrique, mais en somme fondé en raison. […] voilà qui va bien ; en trois fois le trait est assez enfoncé.
Il faut pourtant convenir que ces tragédies, tout extravagantes ou grossières qu’elles sont, n’ennuient point, et je vous dirai, à ma honte, que ces vieilles rapsodies, où il y a de temps en temps des traits de génie et des sentiments fort naturels, me sont moins odieuses que les froides élégies de nos tragiques médiocres. […] Rassemblez ces traits de vertu, d’humanité, d’amour du bien général, épars dans vos ouvrages, et composez-en un tout qui fasse aimer votre âme autant qu’on admire votre esprit.
La Bruyère, qui a dit ce beau mot : « Il y a un goût dans la pure amitié où ne peuvent atteindre ceux qui sont nés médiocres », ne paraît pas admettre cette formation prompte et soudaine du même sentiment : L’amour, dit-il, naît brusquement, sans autre réflexion, par tempérament ou par faiblesse : un trait de beauté nous fixe, nous détermine. […] Dans ses Deux Amis du Monomotapa, les craintes de l’ami qui se lève la nuit à cause d’un songe et qui court sur l’heure réveiller son autre lui-même, sont un trait de l’amitié-passion : Un songe, un rien, tout lui fait peur Quand il s’agit de ce qu’il aime.
Ce livre Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution est terminé par une suite de portraits historiques (Maurepas, Turgot, Saint-Germain, Pezay, Necker, Brienne), dans lesquels il y a des traits exacts et neufs, bien de l’esprit et même du talent29. […] Il y avait tout à côté des réparations cependant et des hommages : « Celui, disait-il, qui a été aimé d’une femme sensible, douce, spirituelle et douée de sens actifs, a goûté ce que la vie peut offrir de plus délicieux. » Il avait dit encore (car M. de Meilhan n’oublie jamais ce qui est des sens) : « Un quart d’heure d’un commerce intime entre deux personnes d’un sexe différent, et qui ont, je ne dis pas de l’amour, mais du goût l’une pour l’autre, établit une confiance, un abandon, un tendre intérêt que la plus vive amitié ne fait pas éprouver après dix ans de durée. » Tout cela aurait dû lui faire trouver grâce, d’autant plus qu’il flattait les hommes moins encore que les femmes : « La femme, remarquait-il, est bien moins personnelle que l’homme, elle parle moins d’elle que de son amant : l’homme parle plus de lui que de son amour, et plus de son amour que de sa maîtresse. » — (Dans l’édition de 1789, l’auteur, en corrigeant, a supprimé çà et là quelques jolis traits.)
Il a, pour se peindre lui-même, des traits uniques et qu’on peut lui emprunter avec sécurité, tant ils paraissent sincères. […] Il n’a pas médité un moment le bien public ; il y a toujours apporté de l’indifférence ; il n’en a pris que quelques traits par-ci par-là, chez les uns et chez les autres, comme je sais quelques racines grecques que j’ai prises je ne sais où.
Il y a sans doute une part à faire à la boutade dans ces notes écrites pour soi seul dans le feu d’une lecture, mais le trait fondamental est manifeste : « Je ne sais pas bien nos lois, dit-il quelque part, mais je sais mieux qu’un autre comment elles devraient être. » Il méditait lui-même un grand ouvrage dont on a les matériaux, et dont le titre devait être : Les Lois de la société en leur ordre naturel. […] À propos de l’Histoire de Louis XI par Duclos, lequel aimait l’antithèse et le trait, et qui, en affectant la concision, copiait son ami le président de Montesquieu : Je lui ai dit une fois (à Duclos) que l’histoire n’était qu’une galerie meublée d’une étoffe simple et noble, avec de parfaitement beaux tableaux qui l’ornaient, mais avec choix et goût.
Son visage même accusait cela ; ces sourcils proéminents, ce nez, ce menton… La nature l’avait ébauché à grands traits, et le rabot n’y avait point passé. — Hommes et choses, il n’aimait et n’appréciait que ce qui était à une certaine hauteur et ne connaissait pas même le reste : il avait le goût haut placé. — En l’approchant, on sentait tout d’abord une supériorité naturelle ; aussi tout le monde lui rendait. […] J’ai présents à la mémoire en ce moment nombre de ces mots salés et d’une belle amertume, et qui ne demandent qu’à sortir ; il n’est pas temps encore de les donner ; presque tous ses amis politiques y passent ; il ne se gênait avec personne : d’un tour, d’un trait, sans y viser, il emportait la pièce.
Tout ce qui a passé et défilé sous nos yeux depuis trente-cinq ans en fait de mœurs, de costumes, de formes galantes, de figures élégantes, de plaisirs, de folies et de repentirs, tous les masques et les dessous démasqués, les carnavals et leur lendemain, les théâtres et leurs coulisses, les amours et leurs revers, toutes les malices d’enfants petits ou grands, les diableries féminines et parisiennes, comme on les a vues et comme on les regrette, toujours renaissantes et renouvelées, et toujours semblables, il a tout dit, tout montré, et d’une façon si légère, si piquante, si parlante, que ceux même qui ne sont d’aucun métier ni d’aucun art, qui n’ont que la curiosité du passant, rien que pour s’être arrêtés à regarder aux vitres, ou sur le marbre d’une table de café, quelques-unes de ces milliers d’images qu’il laissait s’envoler chaque jour, en ont emporté en eux le trait et retenu à jamais la spirituelle et mordante légende. […] Ce qui est également vrai et l’un des traits les plus essentiels à noter chez Gavarni, c’est l’humanité : il est satirique, mais il n’a rien de cruel ; il voit notre pauvre espèce telle qu’elle est et ne place pas très-haut sa moyenne mesure : il ne lui prête rien d’odieux à plaisir.
Ce sera de moins en moins un trait distinctif que d’écrire et de faire imprimer. […] M. de Balzac a rassemblé, dernièrement, beaucoup de ces vilenies dans un roman qui a pour titre Un Grand Homme de Province, mais en les enveloppant de son fantastique ordinaire : comme dernier trait qu’il a omis, toutes ces révélations curieuses ne l’ont pas brouillé avec les gens en question, dès que leurs intérêts sont redevenus communs.
C’est là, du fils au père, avec une heureuse variété d’application, un trait frappant de ressemblance, une reproduction à la fois intime et imprévue. […] En procédant toujours par des faits précis plutôt que par développement rationnel ou effusion oratoire, et plutôt en traits qu’en couleurs, l’historien s’élève avec son sujet, et, à l’heure de l’immense catastrophe où la société s’abîme, il atteint à une véritable éloquence dans la forte étude qu’il nous ouvre de Grégoire de Tours, cet Hérodote de la barbarie.
L’auteur nous a peint en traits énergiques et éloquents ce contraste du caractère des deux races, particulièrement cette attitude négligente et hautaine des Franks, même quand ils s’affublaient des oripeaux de Rome. […] La légitime gloire du talent qui, le premier en France, nous a rendu le goût et déroulé le tableau de ces grandes époques barbares, qui les a refaites et gravées en traits profonds, sobres et précis, pour notre agrément et à notre usage, cette gloire durable de l’historien épique demeure hors de cause, et ce n’est point par nous ici que la vérité de tel ou tel détail se débattra.
Bien avant De Maistre et ses exagérations sublimes, il disait de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » « Voltaire avait l’âme d’un singe et l’esprit d’un ange. » « Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. » « Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. » « Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. » Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie : « Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. » « Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère. […] Les illustres Mémoires ont déjà fixé en traits d’immortelle jeunesse cette petite et admirable société d’alors, soit au village de Savigny, soit dans la rue Neuve-du-Luxembourg, Fontanes, M.
Je ne lui pardonne plus la lâche poursuite de la reine jusqu’à l’échafaud ; le dernier trait de ce jugement venge d’un mot Marie-Antoinette et dénude le cœur de l’héroïne des Girondins. […] Son âme, son langage, ses traits, y prirent la solennité des grands destins.
Son front était penché comme sous une pensée méditative ; ses traits étaient fins, comme ils sont restés depuis, mais nobles et francs ; son expression profonde sans double entente, son œil intelligent mais sincère. […] Les Muses sont des femmes célestes qui ne défigurent point leurs traits par des grimaces ; quand elles pleurent, c’est avec un secret dessein de s’embellir. » XX Silent terræ, le monde se tut d’étonnement et d’admiration en lisant.
Dans le Repas ridicule, dans les Embarras de Paris, dans la Lésine de la satire X, la réalité vulgaire est traduite avec une exactitude puissante : et dans le Lutrin, ce qui est purement pittoresque et traduisible par le dessin et la couleur, profils et gestes de chanoines, de chantres, meubles, flacons, « natures mortes », tout cela est indiqué d’un trait sûr et léger, avec une charmante sincérité. […] Il suivit donc bonnement sa voie, et quand il eut ridiculisé ses adversaires, par des traits si justement assenés qu’ils sont devenus inséparables de leur mémoire, et partie intégrante de leur définition, il exposa les principes de son goût dans son Art poétique, auquel la neuvième Épître se joint nécessairement.
Les personnages qu’elle construit se ressemblent presque tous, n’ont point cette variété et cette abondance de traits individuels et précis que recherche une autre poésie et que fournit seule l’observation de la réalité. […] Je suis moi-même étonné que les traits communs à ces aimables créatures, ramassés avec scrupule, finissent par composer un petit animal aussi inquiétant.
Les graces se trouvent moins dans les traits du visage que dans les manieres ; car les manieres naissent à chaque instant, & peuvent à tous les momens créer des surprises : en un mot une femme ne peut guere être belle que d’une façon, mais elle est jolie de cent mille. […] Lorsque nous voulons nous empêcher de rire, notre rire redouble à cause du contraste qui est entre la situation où nous sommes & celle où nous devrions être : de même, lorsque nous voyons dans un visage un grand défaut, comme par exemple un très-grand nez, nous rions à cause que nous voyons que ce contraste avec les autres traits du visage ne doit pas être.
Notre système d’éducation, sans que nous nous en doutions, est encore trait pour trait celle des jésuites : idée que l’on style l’homme par le dehors, oubli profond de l’âme qui vivifie, machinisme intellectuel.
Augier n’a parlé, au théâtre, une voix si souple et si ferme ; son vers a l’étincelle et il a la flamme, il lance la saillie et il grave en traits saillants la sentence. […] … C’est le trait final de la comédie : il se retourne contre elle et la frappe en la résumant.
Au moment où il perdit sa mère, Bettina lui écrivait, en faisant allusion à cette disposition froide et ennemie de la douleur, qu’on lui attribue : « On prétend que tu te détournes de ce qui est triste et irréparable : ne te détourne pas de l’image de ta mère mourante ; sache combien elle fut aimante et sage à son dernier moment, et combien l’élément poétique prédominait en elle. » Par ce dernier trait, elle montre bien qu’elle sait l’endroit par où il faut le pénétrer. […] On extrairait de ces lettres de Bettina non seulement un Goethe idéal, mais un Goethe réel, vivant, beau encore et superbe sous les traits de la première vieillesse, souriant sous son front paisible, « avec ses grands yeux noirs un peu ouverts, et tout remplis d’amabilité quand ils la regardent ».
Déjà pourtant, dans le premier Condorcet, un trait distinctif perçait sous cette apparente bonhomie et jusque dans cette bonté réelle : « Il a le tact le plus sûr et le plus délié pour saisir les ridicules et pour démêler toutes les nuances de la vanité ; il a même une sorte de malignité pour les peindre », disait Mlle de Lespinasse. […] Orateur, il avait un langage abstrait, terne et monotone comme son débit ; journaliste, il ne rencontre jamais un trait brillant, jamais une image vive ni une étincelle ; la précision et une certaine ironie froide sont, en ce genre, les seules qualités qu’on puisse lui trouver.
Ce petit écrit, dans lequel deux ou trois traits au plus ne s’accorderaient pas entièrement avec l’idée classique qu’on se fait de Mme de La Vallière, lui a été attribué par la tradition la plus constante et lui a été compté dans l’estime de ses contemporains : « Il est certain, dit Mme de Caylus, que le style de la dévotion convenait mieux à son esprit que celui de la Cour, puisqu’elle a paru en avoir beaucoup de ce genre. » Mme de Montpellier dit également : « Elle est une fort bonne religieuse et passe présentement pour avoir beaucoup d’esprit : la grâce fait plus que la nature, et les effets de l’une lui ont été plus avantageux que ceux de l’autre. » Si Mme de La Vallière, à qui on avait refusé l’esprit du monde, passait pour en avoir beaucoup dans le genre de la dévotion, ce devait être en grande partie à cause de ce petit écrit qu’on avait lu et qu’on avait cru d’elle. […] Dans le tableau qu’il traçait du second amour et des efforts de l’âme repentante pour se dégager et revenir à son divin principe, il y avait pourtant bien des traits d’une application directe et délicate.
Les années donnèrent à ses traits et à ses formes plus de raideur, sans lui ôter de cette promptitude et de cette pétulance qui ne lui permirent jamais la gravité. […] Elle nous peint en traits expressifs le moment où elle retrouve M. le Prince dans un des intervalles de l’action : Il était dans un état pitoyable, il avait deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux tout mêlés ; son collet et sa chemise étaient pleins de sang, quoiqu’il n’eût pas été blessé ; sa cuirasse était pleine de coups, et il tenait son épée nue à la main, ayant perdu le fourreau ; il la donna à mon écuyer.
Je voudrais ne forcer en rien les tons et ne point pour cela les affaiblir, ne pas faire fléchir, la morale et ne la faire intervenir que très simple et très sincère, ne toucher en passant que les aperçus et pourtant atteindre aux points essentiels : en un mot, je voudrais être vrai, convenable et juste dans un sujet très fécond, très mélangé, à travers lequel il serait beaucoup plus commode assurément de donner tout d’un trait et de parti pris. […] Cette méthode, qui n’est pas du tout celle de l’écrivain, me paraît, au contraire, assez naturelle et très utile à l’orateur, qui, ayant à parler à des foules et à improviser à chaque instant, doit avoir des amas de toute sorte, et à qui l’on ne demande jamais compte de ces répétitions, quand elles sont bien placées et qu’elles sont relevées par des traits d’un vif et soudain à-propos.
Ceux qui nous ont connu et qui nous ont aimé sous cette forme première continuent de nous voir ainsi, et si l’on a le bonheur d’avoir une sœur qui ait continué elle-même de vivre d’une vie simple et uniforme, d’une vie fidèle aux souvenirs, elle nous conserve à jamais présent dans cette pureté adolescente, elle nous garde un culte dans son cœur, elle nous adore tel que nous étions alors sous ces premiers traits d’un développement aimable et pudique. […] Je prends plaisir à marquer ces premiers traits, parce que ceux qui ont le plus loué Moreau à l’heure de sa mort en ont surtout fait un poète de guerre, de haine et de colère.
Le comte Joseph de Maistre, né en 1754, à Chambéry, en Savoie, dans une famille de haute magistrature, l’aîné de dix enfants, avait été élevé selon l’esprit de la sévérité antique, et il en garda toujours le cachet dans ses mœurs et dans son caractère : Le trait principal de l’enfance du comte de Maistre, nous dit son fils dans la Notice biographique, fut une soumission amoureuse pour ses parents. […] En vieillissant, ces traits de nature se dessinent de plus en plus, avec quelque chose de plus brusque peut-être, mais de non moins aimable.
Aussi, ceux qui avaient leurs raisons pour trouver mauvais qu’il y eût encore de la conversation quelque part, lançaient-ils, quand ils le pouvaient, quelques traits malins contre la maison de Mme de Lambert. Elle n’était pas insensible à ces traits, car elle tenait avant tout à l’opinion.
Je veux qu’un trait plus doux, léger, inattendu, Frappe l’orgueil d’un fat plaisamment confondu. […] On se relève du Dorat et des traits que peuvent lancer des adversaires de ce calibre ; mais on reste abîmé sous des coups comme ceux que Le Brun vient de frapper.
On remarque encore un article mâle et simple sur Vandamme (23 juillet), qu’il dessine vivement en peu de traits. […] On le voit d’ici, de taille au-dessus de la moyenne et bien proportionnée, avec cette maigreur nerveuse qui est le signe de la force, d’une tête singulière, ombragée de cheveux bruns assez touffus, au profil marqué et comme emporté dans l’acier, le sourcil aisément noueux, les traits heurtés, la bouche grande, mince, et qui ne souriait qu’à demi à cause de quelques dents de côté qu’il n’aimait pas à montrer, avec un visage comme fouillé et formé de plans successifs ; l’ensemble de sa physionomie exprimait l’énergie, quelque chose d’éprouvé et de résolu.
Je voudrais, à mon tour, repasser sur quelques points et marquer, comme je l’entends, les traits de cette sèche, exacte et assez haute figure. […] Chez Saussure, selon l’éloge que lui accorde sir Humphrey Davy, on sent un dessin aussi animé que correct, et des traits qui, autant que le langage en est capable, éveillent les peintures dans l’esprit : il offre une alliance parfaite d’une imagination puissante associée avec le plus froid jugement, quelque chose des sentiments du poète joints à l’exacte recherche et à la profonde sagacité du philosophe.
Pasquier rapporte plusieurs autres phrases imitatives des poëtes françois dans le chapitre de ses recherches, où il veut prouver que notre langue françoise n’est moins capable que la latine de beaux traits poëtiques ; mais les exemples que Pasquier rapporte refutent seuls sa proposition. […] Voici les premiers traits de ce tableau qui durera plus long-temps qu’aucun de ceux du Titien. ô toi !
L’ingénieux donc, et l’ingénieux poussé jusqu’au génie, l’ingénieux dans l’analyse critique qui veut rester aimable sans être jamais fausse, voilà le trait caractéristique de M. […] Comme Achille, il demeurera éternellement dans nos esprits le jeune homme à la beauté divine, vulnérable seulement au talon, comme l’était Achille, et la flèche de l’étrange Pâris que le sort aujourd’hui lui envoie ne portera pas plus coup que le trait imbécile du vieux Priam !
La vérité est que vous ne percevez du mot, et même de la phrase, que quelques lettres ou quelques traits caractéristiques, juste ce qu’il faut pour deviner le reste : tout le reste, vous vous figurez le voir, vous vous en donnez en réalité l’hallucination. […] Mais la phrase n’a pas de sens, et nous nous apercevons bien vite que le mot lu par nous n’était pas le mot imprimé : il y avait simplement entre eux certains traits communs, une vague ressemblance de configuration.
Nous suffira-t-il, pour découvrir leurs vrais traits d’union, d’examiner le premier venu, — ou nous faudra-t-il interroger ceux qui font profession de réfléchir, les penseurs, les faiseurs de systèmes ? […] — C’est que les fonctions n’y sont pas encore différenciées, et que tout le monde remplit à peu près les mêmes ; au moment où elles se différencient, on les voit le plus communément devenir la propriété de castes. — En un mot s’il est possible de définir dès maintenant le trait auquel on reconnaîtra qu’une société est primitive, ce sera justement l’absence de cette idée de la valeur propre à l’individu qui nous a paru si nécessaire à la constitution de l’égalitarisme.
Les inscriptions, comme celle d’Halicarnasse, les discours solennels, comme celui d’Aristide de Smyrne, louent et remercient les empereurs d’avoir tracé, sur la surface de la terre, tant de traits d’union pour les peuples. — Ce ne sont pas seulement les services publics qui profitent de ces immenses travaux. […] Il manque à leurs idées sociales une maîtresse pièce de l’égalitarisme tel que nous l’avons défini : et c’est le sentiment de la valeur propre à l’individu, le respect du for intérieur, le culte de la liberté personnelle. — Or, l’étroitesse même de leur cercle d’action n’est-elle pas une des raisons pour lesquelles le trait essentiel des républiques d’aujourd’hui fait défaut à la république d’autrefois ?
On a voulu reconnaître tour à tour sous ses traits, MM. […] Mme Le Quesnoy, les traits gonflés et tombants, comme défibrés, le président accentuant encore sa pâleur et la révolte fière qu’il gardait dans le bleu amer de ses yeux. […] Une folle joie anima les traits de Coralie. […] Oui, on dévore des yeux ces traits qui fuient et qui s’effacent. […] Le spectacle de la mort a dans son horreur quelque chose qui rassure, on n’a pas encore tout perdu ; car on voit ces traits, cette bouche insensible qui nous a baisé !
Pauthier, le savant sinologue, qui ajoute quelques traits pour l’époque de jeunesse ; M.
M. de Lamartine, dans de fort belles méditations et dans sou dernier chant de Childe-Harold, avait point à merveille les grands traits des horizons et des paysages, l’idéal en quelque sorte élyséen de ce ciel, de cette mer de Naples, de cette éternelle enchanteresse au sein de laquelle l’auteur des Martyrs nous avait déjà introduits un moment avec saint Augustin, Jérôme et Eudore ; mais dans ces harmonieux tableaux de M. de Lamartine, les hommes avec leurs variétés et leurs contrastes, les monuments avec leurs caractères, n’étaient pas touchés : la nature envahissait tout, et encore la nature dans sa plus vague plénitude, sans contours arrêtés, sans détails curieux et distincts, telle en un mot qu’elle se réfléchit dans un cœur que remplit l’amour ; ce n’étaient que chauds soleils, aubes blanchissantes, comme dans Claude Lorrain, firmaments étoilés, murmures, vapeurs et ombrages.
Creusez en vous-même, étudiez et sondez votre propre duplicité, plongez en tous sens au fond de l’abîme de votre cœur, et vous n’y trouverez pas autre chose que ce que Pascal vous a rendu en des traits si énergiques et si saillants.
Souvent, des vents jaloux jouet involontaire, L’aiglon suspend son vol à peine déployé ; Souvent d’un trait de feu, cherchant en vain la terre, L’éclair remonte au ciel, sans avoir foudroyé.
Ce qu’on doit peut-être le plus admirer en lui, c’est l’enchaînement étroit et continu, la contexture serrée et impénétrable qui fait qu’en ses récits tout se tient, et que les traits les plus saillants, les sentences les plus hardies, sortent du fond, y rentrent, et ne paraissent jamais qu’amenés et soutenus.
Cette pièce, pourtant, n’est pas toujours onction et douceur ; elle devient parfois une extase, un délire, la voix du poète s’élève, éclate, et il s’écrie avec la trompette des anges, avec la lèvre ardente des prophètes : Mon âme a l’œil de l’aigle, et mes fortes pensées Au but de leurs désirs volant comme des traits, Chaque fois que mon sein respire, plus pressées Que les colombes des forêts, Montent, montent toujours, par d’autres remplacées, Et ne redescendent jamais !
Un des traits les plus caractéristiques de l’état social en France, depuis la chute de la Restauration, c’est assurément la quantité de systèmes généraux et de plans de réforme universelle qui apparaissent de toutes parts et qui promettent chacun leur remède aux souffrances évidentes de l’humanité.
Quelques traits de plume çà et là éclairciraient ces fautes courantes que rachète tant de verve, de vérité et d’amusement.
Ce trait surpasse certainement tout ce que l’histoire moderne a jamais raconté d’intrépide en fait de bassesse.
Essayez de démêler les principaux traits de votre caractère et de votre esprit, et ne prenez que ce qui en vient directement.
Il ne l’explique point dogmatiquement : même dans ses dissertations, à plus forte raison dans ses Biographies, il peint ; il montre les individus, les actes, les petits faits qui sont la vie, les traits singuliers qui font les caractères.
Je ne parle pas de l’ennuyeux Racine ou de l’innocent Delille : les Discours sur l’homme de Voltaire, en s’enveloppant de la dignité du vers, ont perdu ce trait, ce mordant, ce jaillissement d’idées, d’ironie et d’esprit, toutes les qualités les plus constantes enfin et les plus séduisantes de l’humeur voltairienne.
Ces successives écoles, malgré qu’elles possèdent des traits assez distinctifs, conservent cependant entres elles je ne sais quel air de ressemblance.
D’un paysage, il ressent l’âme, avant d’en avoir vu les traits.
Nous avons précédemment signalé, dans la pièce d’Il Ritratto des Gelosi, ce trait d’une lettre de Flaminia que le Docteur, son mari, remet tout en colère à Flavio, croyant que c’est ce jeune homme qui l’a écrite, et se faisant ainsi le messager des amants qui le trompent.
Tel l’animal qui mue, qui brise sa carapace trop étroite et s’en fait une plus jeune ; sous son enveloppe nouvelle, on reconnaîtra aisément les traits essentiels de l’organisme qui ont subsisté.
Il va. de soi que s’il s’agissait d’apprécier en son ensemble la Révolution et son œuvre, ces quelques traits seraient de valeur si mesquine qu’ils ne vaudraient pas même d’être cités ; mais de telles remarques n’ont d’autre objet que de préciser par des exemples, ainsi qu’on l’eût pu faire avec des cas d’anglomanie, les conséquences les plus superficielles du Bovarysme d’une collectivité.
Ce dernier trait lui a semblé touchant.
Le poëte n’eut qu’à recueillir la plupart de ces traits : il en fit le sujet d’une comédie, qu’il intitula les Nuées.
que ne lui reproche-t-on aussi ces traits rougeâtres qu’elle a aux petits angles des yeux ?
Je ne dirai pas non plus qu’il ait la tragique impassibilité d’Hogarth, de cet autre peintre de vices et de misères, qui fut un moraliste comme Vallès ne l’est pas ; mais je dis avec bonheur qu’il a la verve sombre, le feu noir, le nerf, le mordant, le trait brutal, qui viole, mais féconde, et l’amertume de la caricature, s’il n’en a pas toujours la gaîté.
Il en est, au contraire, qui tombent d’un trait si rapide dans le silence et dans l’oubli — étoiles filantes, moins l’éclat, — qu’il faut noter vite leur passage pour qu’on n’ignore pas qu’ils ont passé.
C’était Chamfort, je crois, qui aurait voulu mettre la vie tout entière dans une cuiller à café pour l’avaler d’un seul trait et mieux en goûter la poignante sensation.
Nous l’avons signalé déjà ; mais il faut insister et marquer le trait… Il y a deux passés dans ces Chants du Passé : le passé d’une forme épuisée, retrempée stérilement, hélas !
Or, je ne sais par quel sortilège exécrable, Dans cet homme flétri, dégradé, lamentable, Je revoyais l’enfant du tableau contemplé, Les traits purs de l’enfant sérieux et bouclé.
D’ailleurs, indépendamment de la forme, du trait appuyé, du coup de burin, qui n’a rien de ce forcené d’Edgar Poe, de ce « diable devenu fou », comme disait lord Byron de celui qui a bâti Londres, Erckmann-Chatrian avait fait, pour le fond de ses Contes, ce qui réussit, hélas !
Aujourd’hui comme jadis, ma règle morale, c’est le stoïcisme de Marc-Aurèle, et ma méthode, c’est l’analyse scientifique ; mais ce serait un trait de jacobinisme de vouloir imposer par le raisonnement mon état d’esprit à ceux qui ne l’ont pas atteint.
Examinons le trait sublime que Longin admire dans l’ode de Sapho, traduite par Catulle : le poète exprime par une comparaison les transports qu’inspire la présence de l’objet aimé, Ille mi par esse deo videtur, Celui-là est pour moi égal en bonheur aux dieux même....
Il est resté quelques traits de flamme confiés à la lyre de la jeune Éolienne.
Rousseau pour quelques traits déclamatoires et pour quelques idées fausses dont le venin est épuisé. […] J’ai réservé à dessein les conteurs que leur caractère ou leur position a marqués d’un trait particulier, et ceux qui, suivant une autre carrière, ont pu donner seulement aux lettres les loisirs économisés sur le devoir. […] L’Inde, l’Égypte, la Chine, peintes avec quelques traits caractéristiques, y figurent tour à tour dans tout l’éclat de leur bizarrerie. […] Les Étables d’Augias, qu’on peut lire dans le Parnasse contemporain, sont faites avec la certitude de trait, la simplicité de ton et l’ampleur de style d’une peinture murale. […] Chacun apparaît fièrement campé, dessiné d’un seul trait du cimier au talon, avec son blason, son titre, ses alliances, son détail caractéristique résumé en un hémistiche, en une épithète.
Le puritain passait lentement dans les rues, les yeux au ciel, les traits tirés, jaune et hagard, les cheveux ras, vêtu de brun ou de noir, sans ornements, ne s’habillant que pour se couvrir. […] La belle raillerie que ce trait sur la barbe d’Hudibras ! […] En effet, c’est la philosophie de Hobbes qui va donner de ce monde le dernier mot et le dernier trait. […] Deux traits dominent dans ce monde ; ils dominent aussi dans ce théâtre. […] Ma nièce veut l’avoir, mais elle n’a pas les traits qu’il faut.
Il y a des traits de génie dans ses sermons de Metz, et jamais il ne fera mieux que dans le Panégyrique de saint Bernard (1653). […] Il a saisi dans leur caractère, dans leur activité, un trait, un caractère, qui mettaient bien en lumière une vérité importante du dogme ou de la morale : et c’est sur cette vérité qu’il prêchait son panégyrique. […] L’art et l’esprit profanes envahissent le sermon, qui devient un pur développement de philosophie morale, embelli plus ou moins de traits ingénieux et surprenants.
L’homme avec ses passions déchaînées et l’intellect avec ses pouvoirs supérieurs furent donc en Wagner comme deux natures diverses sans lien et sans trait d’union. […] Résumons sa conception dans ses traits essentiels. […] Et comme celle-ci, formée d’éléments originairement semblables, les associe en les différenciant et les subordonnant, l’esthétique de Wagner substitue à des ensembles relativement homogènes, la musique, la poésie, la mimique, le spectacle purs, une œuvre plus hétérogène, dans laquelle les traits propres de ces trois arts, bien qu’harmonieusement fondus, multiplient les parties, étendent et compliquent l’émotion produite.
Je ne sais, mais je soupçonne que cet anneau a, dans l’instant même, rappelé à son souvenir quelque objet tendrement aimé ; car, à peine l’eut-il considéré, que notre souverain, naturellement si profond et si calme, a trahi dans tous ses traits le trouble de son âme. […] … Quelle douce résignation se peint dans tous ses traits ! […] Je vois en eux ma propre image, et non pas seulement ma ressemblance ; mais, en beaucoup de traits, ils ont de l’air de ma chère Sita.
Je reconnus immédiatement Arthur Meyer, car l’image avait déjà popularisé ses traits, et d’ailleurs l’émotion qui m’agita soudain ne pouvait me laisser aucun doute. […] Il fixait leur attitude d’un trait sûr et brillant, et il fut aussi un des inventeurs de ce journalisme littéraire qui essaye de se reconstituer aujourd’hui. […] Pas un d’entre nous qui n’eût été, à ses débuts, victime de quelque secousse et détourné de sa profession, voilà le trait général.
Et là même où nous la remarquons (comme lorsque nous distinguons un homme d’un autre homme), ce n’est pas l’individualité même que notre œil saisit, c’est-à-dire une certaine harmonie tout à fait originale de formes et de couleurs, mais seulement un ou deux traits qui faciliteront la reconnaissance pratique. […] Au contraire, un instinct remarquable porte le poète comique, quand il a composé son personnage central, à en faire graviter d’autres tout autour qui présentent les mêmes traits généraux. […] Beaucoup de « traits d’esprit » sont des raisonnements de ce genre, raisonnements abrégés dont on ne nous donne que le point de départ et la conclusion.
Dans ce tableau des événements tracé à si grands traits, où il veut montrer comment l’homme s’agite tandis que Dieu le mène, selon le mot d’un autre théologien, il n’explique rien d’une façon instructive en voulant tout rapporter à un dessein de la Providence. […] Retrouver l’immuable dans le variable, l’unité dans la diversité, en un mot, la loi dans le fait, saisir les mêmes traits, les mêmes caractères dans cette variété d’actions, de pensées, d’institutions, de mœurs, de langues, que nous présentent les annales du monde, telle est l’idée fixe de Vico. […] Parce qu’elle y éclate en traits de feu, parce qu’on y retrouve le mouvement, la couleur, l’accent, la passion, tous les caractères de la vie, en est-elle moins féconde en explications, en révélations sur le fond des choses ?
Ce procédé est celui de plusieurs autres grands esprits qui ont horreur du développement, et dont la manière consiste à peindre à grands traits. […] Vous frémirez à l’idée de ce que vous éprouveriez s’il vous fallait revoir ces traits chéris ou vénérés devenus des objets d’épouvante ou de répulsion. […] Théodore nous lut ce poème remarquable, abondant, facile, un peu trop facile parfois, mais dont les longueurs sont rachetées par des traits brillants et un sentiment profond. […] … les souffrances l’avaient fait laid, noir, maigre ; mais que de noblesse dans ses traits ! […] Il raconta un trait féroce dont il avait été témoin et fut pris d’un rire qui avait quelque chose de convulsif.
Dans les réminiscences calculées, dans les allusions heureuses, dans l’esprit discret de ses petits poëmes, je trouve d’avance plusieurs traits du Spectator. […] Regardez-le établir une maxime, par exemple nous recommander la constance ; ses motifs sont de toute sorte et pêle-mêle : d’abord l’inconstance nous expose aux mépris ; ensuite elle nous met dans une inquiétude perpétuelle ; en outre, elle nous empêche le plus souvent d’atteindre notre but ; d’ailleurs elle est le grand trait de la condition humaine et mortelle : enfin elle est ce qu’il y a de plus contraire à la nature immuable de Dieu qui doit être notre modèle. […] Puis cent traits qui peignent le temps : le manque de lecture, un reste de croyance aux sorcières, des façons de paysan et de chasseur, des ignorances d’esprit naïf ou arriéré. […] Mais au lieu de la marée roulante, du pont avec ses arches, et des îles heureuses, je ne vis rien que la longue vallée creuse de Bagdad avec les troupeaux de bœufs, de brebis et de chameaux qui paissaient sur ses deux flancs. » Dans cette morale ornée, dans cette belle raison si correcte et si éloquente, dans cette imagination ingénieuse et noble, je trouve en abrégé tous les traits d’Addison.
A part un ou deux traits dans deux ou trois Conversations, le Méphistophélès du Faust de Gœthe n’est pas du tout, en effet, le grand diable qu’on a dit qu’il était. […] La corde de son arc est mouillée et le trait ne part pas. […] Les traits sont larges et réguliers, le front élevé, mais les tempes étroites ; les pans des joues superbes encore, les orbes des yeux très brillants, mais allant aux choses plus qu’ils ne sont chargés de choses, et réfléchissant dans leur miroir seulement toutes celles qui se voient. […] C’est le trait le plus fin et le plus exquis de ce petit morceau déjà si exquis.
Et le mérite de cette scène n’est pas seulement dans un ou deux jolis traits que l’on en peut détacher, il consiste aussi dans un jet qui recommence et redouble à plusieurs reprises, toujours avec un nouveau bonheur et une fertilité d’images, une verve d’expressions comme il s’en rencontre chez les bons comiques.
Mme la comtesse Hocquart, qui l’avait beaucoup connu (morte depuis peu d’années), disait qu’il était à la fois rempli de charme et fort laid, avec de gros traits et une tête énorme. » Il n’avait que trente-deux ans à l’époque de sa mort ; il paraissait plus que son âge.
Parfois aussi des contrastes heureux reposent l’âme flétrie ; le dernier trait du tableau est plein de charme, quoique non tout à fait exempt du séduisant défaut que nous reprochons à M.
Mais, les années s’accumulant et aucun obstacle n’irritant plus son amour, hormis quelques contrariétés d’absence, il dut s’établir entre sa maîtresse et lui une intimité paisible et solide, une espèce de ménage en correspondance dans lequel les jeux d’espièglerie convenue et mille traits familiers de pointe galante ou grivoise effleuraient à peine à la surface cette constante et profonde affection.
Je cite au hasard deux traits qui peuvent confirmer ce que je dis de la sensibilité des poètes latins.
Les anciens avaient une idée exaltée de l’amitié, qu’ils peignaient sous les traits de Thésée et de Pirithoüs, d’Oreste et de Pilade, de Castor et de Pollux ; mais, sans s’arrêter à ce qu’il y a de mythologique dans ces histoires, c’est à des compagnons d’armes que l’on supposait de tels sentiments, et les dangers que l’on affronte ensemble, en apprenant à braver la mort, rendent plus facile le dévouement de soi-même à un autre.
Plusieurs traits de la vie des anciens philosophes, d’Archimède, de Socrate, de Platon, ont dû même faire croire que l’étude était une passion ; mais si l’on peut s’y tromper par la vivacité de ses plaisirs, la nature de ses peines ne permet pas de s’y méprendre.
Le mariage de Julie de Rambouillet avec le duc de Montausier est un fait de si peu d’importance historique, qu’il ne mériterait pas qu’on en recherchât les circonstances, s’il ne concourait d’abord à marquer l’époque où la société de l’hôtel Rambouillet commença à se dissoudre, et ensuite à faire tomber les applications que nos biographes modernes lui ont faites, des traits lancés par Molière en 1650 contre Les Précieuses ridicules.
Elle en sortit indignée des traits que celle-ci lança de haut en bas sur la pauvre Jo (nom sous lequel madame de Sévigné désigne madame de Ludres).
Qu’on parcoure ses Tragédies ; la sagesse & la vérité des caracteres, la justesse & l’habileté avec laquelle il les soutient, le pathétique & la chaleur qui les vivifie, offrent sans cesse des traits qui émeuvent le Spectateur, & lui font prendre tous les degrés d’intérêt que le Poëte veut lui communiquer.
V À s’efforcer en quelques traits de marquer le centre du point de vue que toutes les considérations précédentes avaient pour objet de créer, on pense devoir mettre en évidence ce fait : l’incompatibilité absolue qu’il a fallu constater — entre l’existence d’une vérité objective fixant un terme au mouvement, — et une réalité située dans le devenir et dont l’essence est le mouvement.
Homère, dans ce morceau, a quelque chose de plus naïf que Virgile auquel il a fourni d’ailleurs tous les traits frappants, tels que l’ouvrage échappant des mains d’Andromaque, l’évanouissement, etc.
Il en est d’une bataille, d’un paysage, ainsi que du portrait d’une femme absente, plus vous donnerez de ses traits à l’artiste, plus vous le rendrez perplexe.
Quel dommage, dit ce peintre, par une de ces saillies qui font avec un trait la peinture du fond du coeur, qu’un ultramontain nous ait prévenu dans cette invention.
Le parthe qui s’éloigne à bride abbatue après n’avoir pas réussi dans une premiere charge, et cela pour mieux prendre son temps et pour ne pas s’exposer sans fruit aux traits d’un ennemi qui ne plie point, ne doit pas être regardé comme coupable de lâcheté, parce que cette maniere de combattre étoit autorisée par la discipline militaire des parthes, fondée sur l’idée qu’ils avoient de la fureur et de la valeur véritable.
Mettre le trait d’union qui conserve entre l’ancienne France monarchique, brisée par la Révolution, et la France moderne, qui mourait si elle ne redevenait pas une monarchie ; ôter cette proie à la Révolution, retrouvée sans cesse aux pieds de son œuvre pendant qu’il relevait et qui lui gêna tant de fois la main, quoiqu’il l’eût puissante, telle fut l’entreprise de Napoléon.
Pour Dupont-White, le pouvoir n’est jamais que la résultante de l’occasion, le trait d’union de circonstances entre elles, enfin l’accident sans moralité et sans solidité que les révolutions font et peuvent défaire, et qu’elles ont fait et défait six fois, hélas !
Louis Wihl, dans tout l’azur de cette fantaisie qu’il roule autour de sa pensée, a des traits vibrants de Juvénal et de vieilles foudres de prophètes ; mais, au point de vue de la pure fantaisie, de l’humour, de l’ironie légère, il est certainement au-dessous d’Henri Heine, ce fils du clair de lune bleuâtre, de la rose et du rossignol.
Nous trouvons cependant un historien à Rome, qui a prodigué, avec la plus grande pompe, les plus lâches éloges à Tibère : c’est Velleius Paterculus, auteur qui a de la rapidité et de la force, qui quelquefois pense et s’exprime comme Montesquieu, et peint les grands hommes par de grands traits, mais qui n’en a pas moins gâté son ouvrage, par le ton qui y règne.
Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent.
J’aime encore mieux pourtant ce trait d’un prince arabe, qui, ayant reçu un mauvais panégyrique en vers arabes adressés à sa hautesse, donna d’abord au poète vingt écus d’or pour avoir fait le panégyrique, et lui en donna ensuite quarante pour qu’il n’en fît plus : le panégyriste de Constantin méritait d’être aussi bien traité.
Quelques traits, en effet, de l’hymne qui nous est parvenu sous ce titre, et en particulier le refrain du chœur : Cras amet qui nunquam amavit !
C’est en rendant compte de ces volumes précieux, recueillis avec la plus scrupuleuse piété d’une famille pour une vénérable mémoire, qu’il nous sera aisé de suivre et de faire sentir les lignes principales, les traits composants d’un caractère toujours divers, si simple qu’il soit et si uniforme qu’il paraisse. […] — On saisit tout d’abord le trait essentiel, le grand ressort du caractère de La Fayette, et lui-même il le met à nu ingénument : « Vous me demandez l’époque de mes premiers soupirs vers la gloire et la liberté ; je ne m’en rappelle aucune dans ma vie qui soit antérieure à mon enthousiasme pour les anecdotes glorieuses, à mes projets de courir le monde pour chercher de la réputation. […] Mais c’est à la fois bon goût et une autre sorte d’illusion que de faire par endroits bon marché de soi-même dans le passé ; quand on a un trait vivement prononcé dans la jeunesse, il est rare qu’il ne dure pas, qu’il ne revienne pas en se creusant, bien qu’on veuille le croire effacé72. […] J’insiste, parce que c’est ici le nœud du caractère de La Fayette ; mais voici un trait encore. […] Quoiqu’elle me fût attachée, je puis le dire, par le sentiment le plus passionné, jamais je n’ai aperçu eu elle la plus légère nuance d’exigence, de mécontentement, jamais rien qui ne laissât la plus libre carrière à toutes mes entreprises ; et si je me reporte au temps de notre jeunesse, je retrouverai en elle des traits d’une délicatesse, d’une générosité sans exemple.
» Villiers de l’Isle Adam eût envié ce trait à M. […] Le dernier trait s’applique, du reste, à M. […] Si on laisse de côté les traits de satire personnelle, il reste qu’après avoir paru adopter ou au moins côtoyer le symbolisme, et il n’en disconvient pas, M. […] Je ne rouvrirai pas ce débat et me contente de noter ce trait qui explique la volte-face de M. […] La négation du diable, suggérée par lui-même, constituerait le plus diabolique de ses pièges… Ce serait du moins plus habile que d’apparaître sous les traits d’un insupportable maquignon, comme dans le roman de M.
Assis sur un fauteuil, les pieds au feu, on voit peu à peu, en tournant les feuillets, une physionomie animée et pensante se dessiner comme sur la toile obscure ; ce visage prend de l’expression et du relief ; ses divers traits s’expliquent et s’éclairent les uns les autres ; bientôt l’auteur revit pour nous et devant nous ; nous sentons les causes et la génération de toutes ses pensées, nous prévoyons ce qu’il va dire ; ses façons d’être et de parler nous sont aussi familières que celles d’un homme que nous voyons tous les jours ; ses opinions corrigent et ébranlent les nôtres ; il entre pour sa part dans notre pensée et dans notre vie ; il est à deux cents lieues de nous, et son livre imprime en nous son image, comme la lumière réfléchie va peindre au bout de l’horizon l’objet d’où elle est partie. […] Ces beaux et solides esprits forment une famille naturelle, et les uns comme les autres ont pour trait principal l’habitude et le talent de passer des idées particulières aux idées générales, avec ordre et avec suite, comme on monte un escalier en posant le pied tour à tour sur chaque degré. […] Mais pour le gouvernement du pays, il y avait moins de part que le plus jeune commis ou cadet au service de la Compagnie… » Pour Nuncomar, le ministre indigène de la Compagnie, « il est difficile d’en donner une idée à ceux qui ne connaissent la nature humaine que par les traits sous lesquels elle se montre dans notre île. […] Là, se montraient les charmes voluptueux de celle à qui l’héritier du trône avait en secret engagé sa foi ; là aussi était cette beauté, mère d’une race si belle, la sainte Cécile dont les traits délicats, illuminés par l’amour et la musique, ont été dérobés par l’art à la destruction commune ; là étaient les membres de cette brillante société qui citait, critiquait et échangeait des reparties sous les riches tentures en plumes de paon qui ornaient la maison de mistress Montague ; là enfin, ces dames dont les lèvres, plus persuasives que celles de Fox lui-même, avaient emporté l’élection de Westminster en dépit de la cour et de la trésorerie, brillaient autour de Georgiana, duchesse de Devonshire1380. […] Le dernier trait, le plus singulier, le moins anglais de cette histoire, c’est qu’elle est intéressante.
N’appuyons pas sur ces observations… Aussi bien n’ont-elles trait qu’aux premières pages du livre de M. […] Faguet, avec et par des traits qui ne manquent ni de sûreté, ni de force, ni même de profondeur. […] Car, vous ne penserez pas, ou vous vous tromperez, qu’un poète moins philosophe eût inventé les traits dont M. […] Leurs œuvres, au surplus, en sont d’assez éloquents témoignages, s’il est vrai, comme je me chargerais de le montrer au besoin, que la poésie de Ronsard soit exactement au contrepied de celle de Marot, et que les premiers essais du romantisme naissant se définissent et se caractérisent de point en point, trait pour trait, par leur opposition avec les dernières œuvres du classicisme expirant. […] Une image authentique et fidèle n’est pas celle en effet dont vous avez rassemblé les traits pour la peindre, c’est celle qui s’est gravée d’elle-même dans des yeux qui la voient tous les jours.
» Oui, le jour où l’auteur et le spectateur, j’ajouterai l’acteur, trait d’union entre l’un et l’autre, établis fortement sur le même terrain intellectuel et moral, ne feront à eux deux ou à eux trois qu’un homme. […] Inquiet, peut-être jaloux des succès de son jeune émule, il cessa de peindre par masses et de dessiner à grands traits ; il cultiva de préférence ses défauts. […] C’est par ce sac précisément que Molière affirme, confirme la grande tradition synthétique du vrai théâtre qui veut des objets définis, des personnages solides et campés en peu de traits et une action imagée. […] La comédie n’échappe pas à la loi commune ; elle accuse et grossit les traits ; elle fait entrer dans un rythme le langage quotidien et le comportement naturel de l’individu. […] Il possédait la force et la vivacité du trait.
Et pourtant, si je me rapporte d’un coup d’œil aux épithètes qui sont venues ici sous ma plume, je vois qu’elles ont un trait commun et qu’une même racine, sous des synonymes, se retrouve en les trois écrivains. […] Ce trait rentre d’ailleurs dans un autre plus général. […] Le Bob de la troisième, agréable et terrible gamin, n’a guère de traits communs avec le Bob né de la collaboration de Jeanne Landre, de Francis Carco et de Pierre Mac Orlan. […] M. de Traz constate que les grands écrivains romands ont pour trait commun le sens de l’analyse. […] Le sens allégorique répond aux incidents du voyage et aux lieux traversés, exactement et trait pour trait, comme la ligne de la mer à celle de ses rivages.
L’avorton est, d’ailleurs, à son image et lui ressemble trait pour trait. […] Il n’y avait plus de colère possible après ce trait de nature dont nous connaissions toute la naïveté et que le plus profond comédien n’aurait pas trouvé. […] Et ceci n’est qu’un imperceptible trait. […] Mais en même temps, il me semble que ce mot laisse entrevoir le trait le plus profond de sa nature. […] La similitude, il est vrai, s’arrête là et se fixe sur cet unique trait.
II fait paraître sa pensionnaire Myrtalé, la victime de Thalès : « Ici, Myrtalé, viens à ton tour, montre-toi, n’aie pas de honte : regarde les juges que voici comme des pères ou des frères. » (Que dites-vous de ce dernier trait ? […] Et voici le trait, la « pointe » finale, pointe de mots, mais aussi pointe au cœur : J’en aime le chagrin, le trouble m’en est doux. […] … Enfin, il paraît qu’il n’y a rien à faire à cela, et qu’au surplus il est un peu tard pour revenir à la civilisation d’Abraham ou d’Eumée… Ici, un trait charmant et triste. […] Les traits particuliers s’effacent et s’oublient à mesure qu’ils nous sont présentés ; et c’est ici qu’on peut dire que les arbres empêchent de voir la forêt. […] L’exagération des traits y paraît de même qualité que celle des meilleures bouffonneries classiques.
Ils sont devenus proverbes, ils ont acquis une popularité invulnérable, et qui les protège comme une cuirasse d’airain contre les traits de la critique ; ils ont pris place entre l’évêque de Grenade et le docteur Sangrado. […] Un roi qui appelle au secours de sa rage amoureuse le tribunal de l’inquisition, et qui d’un trait de plume peut condamner au bûcher son rival et celle qu’il n’a pu vaincre, me paraît plus terrible que ridicule. […] C’est là, si je ne me trompe, un trait de caractère qui fait honneur au savoir historique de M. […] Il se croit vengé, il savoure à longs traits sa joie cruelle, il apostrophe le cadavre qu’il a payé, et qui doit expier le déshonneur de sa fille. […] De quels traits se compose le caractère de Tisbe ?
Proportion, sobriété, décence, moyens simples et de cœur substitués aux grandes catastrophes et aux grandes phrases, tels sont les traits de la réforme, ou, pour parler moins ambitieusement, de la retouche qu’elle fit du roman ; elle se montre bien du pur siècle de Louis XIV en cela. […] C’était le temps des portraits : Mme de La Fayette, vers 1659, en fit un de Mme de Sévigné, qui est censé écrit par un inconnu : « Il vaut mieux que moi, disait celle-ci en le retrouvant dans de vieilles paperasses de Mme de La Trémouille en 1675, mais ceux qui m’eussent aimée il y a seize ans l’auroient pu trouver ressemblant. » C’est toujours sous ces traits jeunes et à jamais fixés par son amie, que Mme de Sévigné nous apparaît immortelle. […] Pour nous, que ces invraisemblances choquent peu, et qui aimons de la Princesse de Clèves jusqu’à sa couleur un peu passée, ce qui nous charme encore, c’est la modération des peintures qui touchent si à point, c’est cette manière partout si discrète et qui donne à rêver : quelques saules le long d’un ruisseau quand l’amant s’y promène ; pour toute description de la beauté de l’amante, ses cheveux confusément rattachés ; plus loin, des yeux UN PEU grossis par des larmes, et pour dernier trait, cette vie qui fut assez courte, impression finale elle même ménagée.
Le poète décrit en traits sanglants et pathétiques leurs divers trépas. […] Pendant cette absence du magnanime Zerbin, une jeune fille, d’un aspect royal et d’un visage éclatant de beauté, s’approche de Médor ; ses humbles vêtements sont ceux d’une bergère, mais l’élégance de sa démarche et la délicatesse de ses traits la trahissent... […] C’est que le visage grimace au lieu d’être attendri, c’est qu’il y a une perpétuelle convulsion sur les traits comme dans le cœur, par suite de l’impression contradictoire et du changement brusque de température que le poète donne ainsi à l’âme en soufflant le chaud et le froid. — Ah !
Son sourire bienveillant donnait de la grâce au sérieux de ses pensées, et ses mots fins et à deux sens portaient d’eux-mêmes et touchaient avec justesse à leur double but, comme deux traits partis à la fois d’un même arc : l’un pour faire sourire, l’autre pour faire penser. […] Le feu doux de la passion mal éteinte illumine encore les traits où elle a resplendi. […] À la place du fer, ce sceptre des Romains, La lyre et le pinceau chargent tes faibles mains ; Tu sais assaisonner des voluptés perfides, Donner des chants plus doux aux voix de tes Armides, Animer les couleurs sous un pinceau vivant, Ou, sous l’adroit burin de ton ciseau vivant, Prêter avec mollesse au marbre de Blanduse Les traits de ces héros dont l’image t’accuse.
C’est du reste le comique qui domine et je n’en veux citer qu’une preuve : cet épanouissement du burlesque qui dura une dizaine d’années et qui demeure le trait le plus caractéristique de la littérature d’alors. […] Enfin elle est le trait d’union naturel entre la pensée française et celle des autres nations ; elle devient le fil conducteur par où passent au-dessus des frontières ces subtiles influences qui circulent invisibles comme un fluide électrique et vont à distance modifier les esprits ; elle est en un mot l’agent le plus actif de la pénétration mutuelle des littératures et des races. […] § 5. — Si les traits de la littérature changent ainsi selon que la vie politique est intense ou languissante, selon que le gouvernement est fort ou faible, il n’importe pas moins de considérer à quelle classe appartient le pouvoir.
Le trait saillant en était la place d’honneur accordée aux classiques latins et grecs ; la Renaissance pénétrait triomphalement dans les collèges. […] Au xviie siècle, par exemple, les Universités, les Jésuites, l’Oratoire, Port-Royal, voilà quatre corps enseignants qui, avec des traits de ressemblance, ont des physionomies distinctes. […] Tant il est vrai que les partisans de chaque formule nouvelle se font leur place enrayant d’un trait de plume les fidèles attardés de la formule qui n’est plus à la mode.
Et c’est en cela, exclusivement, que se fonde la liaison du grand Beethoven avec la nation allemande, liaison que nous voudrions éclairer au moyen des traits spéciaux, à nous connus, sur sa vie et ses travaux. […] Mais ces tendances natives de son âme apparaissent surtout, remarquables, dans les traits caractéristiques qui ont préservé Beethoven d’une existence misérable, comme celle de Mozart. […] Maintenant (Siegfried), Wotan, inquiet, erre par le monde, avide de conseils ; ses traits sont d’un Voyageur.
Nous allons ébaucher les principaux traits de ce poème ; transportez-vous en esprit dans un autre monde poétique et dans une autre nature, et écoutez : Nala est un jeune héros aussi beau et plus doux que l’Achille d’Homère. […] Nala, au contraire, est déchu de sa grandeur ; ses traits sont flétris, ses vêtements magnifiques tombent en lambeaux ; la sueur découle de son front, il est couvert de poussière. […] Faisons des vœux, ajoute-t-il, pour que cette poésie nouvelle, à force d’être antique, et qui présente des traits de ressemblance et souvent de supériorité avec la poésie des Grecs, soit associée un jour à ces œuvres de la Grèce dans l’enseignement de la jeunesse. » Nous disons comme lui.
Vous les retrouveriez trait pour trait et presque mot pour mot dans cette Histoire de la Révolution française, maintenant terminée si vous vouliez les y chercher… et telle est la première sensation désagréable que nous cause ce livre fait avec un autre livre, dans lequel la pensée, devenu inféconde, se reprend à couver la coquille vidée d’un œuf éclos. […] , ces deux traits saillants du génie, ne se trouvèrent jamais chez elle. » C’était « une bourgeoise enrichie », le fait est vrai, mais M.