/ 1897
35. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il trouva dans cette circonstance une facilité et des occasions dont ses ennemis disent qu’il sut très bien profiter. […] Si Talleyrand est pour quelque chose dans cette opinion de laisser l’impératrice à Paris, dans le cas où l’ennemi s’en approcherait, c’est trahir. […] Je le pratique depuis seize années ; j’ai même eu de la faveur pour lui ; mais c’est sûrement le plus grand ennemi de notre maison, à présent que la fortune l’a abandonnée depuis quelque temps. […] L’empereur, au lieu de me dire des injures, aurait mieux fait de juger ceux qui lui inspiraient des préventions ; il aurait vu que des amis comme ceux-là sont plus à craindre que des ennemis. […] Oui, j’ai versé du sang, mais c’est le sang de mes ennemis, des ennemis de la France.

36. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Il fait décapiter, sous prétexte de duel, Chapelle et Boutteville, ses ennemis. Il fait décapiter Marillac, aussi son ennemi, sous prétexte de concussions. […] C’était l’ennemi du faux en toutes choses, du faux goût, du faux savoir ; du faux en morale, en politique, en littérature, en conversation ; l’ennemi des esprits faux et des cœurs faux.

37. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

, dont l’académicien Charpentier, le plus vivement attaqué, il est vrai, des ennemis de Furetière, s’est reconnu l’auteur2. […] Les témoignages contemporains, qui seuls pourraient nous éclairer sur la véracité des ennemis de Furetière, ne confirment en rien leurs imputations. […] Lui mort, ses ennemis s’empressèrent de profiter de l’avantage vulgaire acquis au dernier qui parle. […] Il fallut l’autorité de la parole de Boileau pour rappeler les ennemis de Furetière à la décence et à la charité. […] Devant le public, il vous sera très glorieux de ne pas poursuivre votre ennemi par-delà le tombeau.

38. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Notre ennemi c’est notre maître. […] On pourrait observer à La Fontaine que notre maître n’est pas toujours notre ennemi, qu’il ne l’est pas lorsqu’il veut nous faire du bien et qu’il nous en fait ; que Titus, Trajan furent les amis des Romains et non pas leurs ennemis ; que l’ennemi de la France était Louis XI, et non pas Henri IV. […] Cela vaut mieux que, notre ennemi, c’est notre maître.

39. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Pour le petit monde hellénique, comme plus tard pour le monde romain, étranger était synonyme d’ennemi. […] Pour nous désormais, entre l’étranger et l’ennemi, existe une différence profonde. […] Et cependant, malgré cette distinction fermement établie et nettement admise de nos jours, entre les deux termes d’étranger et d’ennemi, chaque peuple semble se comporter comme s’il les confondait encore. […] Le jour où, dans un cerveau d’homme, ce doute est né, que l’étranger n’était peut-être pas forcément un ennemi la conscience humaine s’est élargie soudainement. […] Qui empêchera les nœuds de l’amitié ou de l’amour de se former par-delà les territoires, entre ennemis politiques et même entre belligérants ?

40. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

D’un autre côté, la seconde partie de son ouvrage, qui traite des manœuvres devant l’ennemi, ne peut être discutée et jugée que par un homme de guerre comme lui, — et j’ai le malheur de n’en être pas un, — compétent comme lui en ces matières spéciales. […] Il s’en garde, lui, comme de l’ennemi, et c’est là l’ennemi, en effet ! […] Ce colonel, à longue vue toujours comme s’il était devant l’ennemi, ne se borne pas aux détails d’un métier qu’il adore et qu’il veut rendre plus puissant par des combinaisons nouvelles. […] Elles sont ennemies nées ; l’une sans cesse menace la juste influence, sinon l’existence de l’autre. […] L’avenir semble appartenir à la démocratie, mais, avant que cet avenir soit atteint par l’Europe, qui dit que la victoire, la domination, n’appartiendra pas un long temps à l’organisation militaire, qui périra ensuite faute d’aliments de vie quand, n’ayant plus d’ennemis extérieurs à vaincre, à surveiller, plus à combattre pour sa domination, elle n’aura plus sa raison d’être.

41. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Ce premier moment qui nous laisse voir André Chénier dans la modération toujours, mais pas encore dans la résistance, se distingue par quelques écrits, dont le plus remarqué fut celui qui a pour titre : Avis aux Français sur leurs véritables ennemis, et qui parut d’abord dans le numéro XIII du Journal de la Société de 89. […] Et il va chercher quels sont les moyens de lui faire reprendre cette assiette le plus tôt possible, et quelles sont les causes ennemies qui s’opposent à l’établissement le plus prompt d’un ordre nouveau. […] De tous côtés on s’accuse de conspirations, de complots, sans voir qu’à la fin il y a danger « que notre inquiétude errante et nos soupçons indéterminés, dit-il, ne nous jettent dans un de ces combats de nuit où l’on frappe amis et ennemis ». […] Les vrais, les principaux ennemis de la Révolution, il se le demande, où sont-ils ? Les ennemis du dehors, il les réduit à ce qu’ils sont, il ne les méconnaît pas, mais il ne se les exagère pas ; les émigrés, de même.

42. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

« Si demain je suis aussi heureux qu’aujourd’hui, disait-il le soir en soupant dans une auberge de village en compagnie de ses maréchaux, dans quinze jours j’aurai ramené l’ennemi sur le Rhin, et du Rhin à la Vistule il n’y a qu’un pas !  […] Un pont détruit sur la Marne dérobe trop tôt les ennemis et les met à l’abri d’une dernière poursuite ; il emploie le reste de la journée du 12 et celle du 13 à le réparer. […] J’ai détruit 80000 ennemis avec des bataillons composés de conscrits n’ayant pas de gibernes et étant à peine habillés. […] Vous ne pourrez en avoir que quand nous aurons arraché nos recettes des mains de l’ennemi. […] L’ennemi fuit de tous côtés sur Troyes.

43. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Il voulut la déployer dans une mesure qui étonnât ses amis et ses ennemis. […] Un ennemi de la liberté ? […] Mais la hache après le combat et frappant un homme désarmé, au nom de ses ennemis, qu’est-elle dans toutes les langues ? […] Il n’y a que leurs ennemis qui oseraient le prétendre, car ils voudraient les déshonorer. […] Sa mort était, certes, un prétexte d’hostilités plus spécieux que sa captivité, dans les conseils diplomatiques des cours ennemies de la Révolution.

44. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Au moyen de ces précautions, le prince fut tranquille dans sa maison au milieu de tous les détachements des troupes légères ennemies. […] Cela n’empêchait pas les pandours de faire toutes leurs horreurs, et le pauvre peuple d’être affreusement pressuré et pillé par amis et ennemis. […] On raconta fort, dans le temps, que le comte d’Estrées, qui faisait la tête de cette droite, ayant remporté un premier avantage et proposant par des raisons évidentes de pousser plus avant l’ennemi, ne put arracher l’ordre qu’il réclamait ; il dut s’arrêter en frémissant. […] M. d’Estrées, ayant emporté le faubourg de Sainte-Valburge, voulait marcher en avant et suivre les ennemis. […] M. le maréchal de Saxe avait ordonné qu’il se mît en équerre sur le flanc de l’armée ennemie en attendant l’effet des attaques de Raucoux et de celles qui devaient se faire aux villages de leur droite.

45. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

La plupart du temps ceux qui disaient leur sentiment sur les ouvrages nouveaux étaient les amis ou les ennemis de l’auteur. […] Cependant il usa d’un procédé violent, et toujours fâcheux à employer dans une querelle littéraire, contre le plus modéré, le plus estimable de ses ennemis, contre Boursault. […] Il importait de rappeler que les ennemis de Boileau s’étaient bien défendus : comme leurs diatribes sont parfaitement oubliées aujourd’hui, l’insistance de ses attaques en semble plus cruelle, et il fait l’effet d’avoir massacré des innocents, qui tendaient la gorge au fer. […] Combien de ses ennemis et de ses victimes, et ceux qui paraissaient le plus s’égarer à la poursuite d’un autre idéal, ou dans les caprices d’une fantaisie sans idéal, combien ont ainsi, malgré eux, et croyant faire autre chose, travaillé pour lui, aussi réellement que Malherbe ou Pascal qu’il admire ! […] Chapelain et Despréaux : ces deux noms semblent jurer d’être rapprochés ; et cependant pour la postérité, qui voit de haut, ces deux irréconciliables ennemis sont les ouvriers de la même œuvre.

46. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

En très-peu de temps, Athènes se trouva hors d’insulte de l’ennemi. […] Il s’élève contre le décret porté par ses concitoyens ; il les appelle téméraires, insensés, ennemis des loix & de l’état. […] Il n’est jamais plus grand, plus redoutable, que lorsqu’on le voit suivre la marche de son ennemi, le terrasser à chaque pas, le faire tomber dans des contradictions grossières dont il profite habilement. […] Eschine, frappé de cette grandeur d’ame, s’écrie alors : « Comment ne regretterois-je pas une patrie où je laisse un ennemi si généreux, que je désespère de rencontrer ailleurs des amis qui lui ressemblent ? 

47. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVI. Le dévouement de yamadou havé »

Les Peuhl étaient bien peu nombreux encore pour résister à tant d’ennemis mais, malgré cela, ils se résolurent à la résistance la plus acharnée. […] Au début du combat, l’un de vous que je sais, un membre de la famille de Diâdié, un de ceux que vous aimez le plus de vos concitoyens, décochera la flèche au milieu des ennemis. […] Dès le début de l’action, Yamadou Hâvé s’est précipité, sa flèche en main, jusqu’au milieu des ennemis et les en a frappés.

48. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 120-124

Delille, & auquel nous n’avons rien changé depuis la premiere édition des Trois Siecles, nous a fait ranger, par cet Auteur, au nombre de ses ennemis, dans le VI vol. de sa Philosophie de la Nature, qu’il fit paroître un an après la premiere publication de notre Ouvrage. […] J’ai eu la gloire de ne compter parmi mes ennemis, que les fanatiques, les esprits serfs, l’Auteur de l’Année Littéraire, & celui de cet Almanach de l’année passée, publié en trois gros volumes, sous le titre des Trois Siecles de notre Littérature ; Ouvrage sans esprit, quoique ce soit un Libelle, & très-obscur, quoiqu’on y déchire tous nos Grands Hommes ». […] Les Philosophes ont beau employer toute sorte de moyens pour se venger des courageux adversaires de leurs systêmes ; ils ont beau se montrer, dans la pratique, les plus fiers ennemis de la tolérance qu’ils prêchent, nous n’en serons pas moins disposés à les plaindre, quand ils seront malheureux ; & plus nous aurons mis de zele & de chaleur à combattre leurs erreurs, plus on nous trouvera empressés à réclamer, pour leur personne, l’indulgence de l’autorité & la protection du crédit.

49. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Ils l’ont peint comme un esprit souple et puissant, qui, malgré les ennemis et les rivaux, parvint aux premières places, et s’y soutint malgré les factions ; qui opposait sans cesse le génie à la haine, et l’activité aux complots ; qui, environné de ses ennemis, qu’il fallait combattre, avait en même temps les yeux ouverts sur tous les peuples ; qui saisissait d’un coup d’œil la marche des États, les intérêts des rois, les intérêts cachés des ministres, les jalousies sourdes ; qui dirigeait tous les événements par les passions ; qui, par des voies différentes, marchant toujours au même but, distribuait à son gré le mouvez ment ou le repos, calmait la France et bouleversait l’Europe ; qui, dans son grand projet de combattre l’Autriche, sut opposer la Hollande à l’Espagne, la Suède à l’Empire, l’Allemagne à l’Allemagne, et l’Italie à l’Italie ; qui, enfin, achetait partout des alliés, des généraux et des armées, et soudoyait, d’un bout de l’Europe à l’autre, la haine et l’intérêt.  […] Ils remarquent qu’au-dehors comme au-dedans, son ministère fut tout à la fois éclatant et terrible ; qu’il détruisit bien plus qu’il n’éleva ; que tandis qu’il combattait des rebelles en France, il soufflait la révolte en Allemagne, en Angleterre et en Espagne ; qu’il créa le premier, ou développa dans toute sa force, le système de politique qui veut immoler tous les États à un seul ; qu’enfin, il épouvanta l’Europe comme ses ennemis. […] On sait qu’en général Mazarin était timide et faible ; il caressait les ennemis dont Richelieu eût abattu les têtes. […] Quillet (c’est le nom du poète), ennemi du cardinal, on ne sait pourquoi, dans la première édition de son ouvrage avait inséré plusieurs morceaux contre lui.

50. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

L’auteur, à la fin de l’ouvrage, exhortoit, par une satyre de cinq cent vers, tous les sçavans à prendre les armes, à se réunir contre un ennemi commun. […] Il s’égayoit sur le compte de ses ennemis, & les déchiroit dans ses discours. […] Montmaur ne fut point encore effrayé de cette légion d’ennemis. […] Les ennemis de Montmaur, ne sçachant quelle autre voie employer, le trouvant toujours inaccessible à leurs traits, eurent recours à la vengeance des lâches.

51. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

A la tête des confédérés étoit le fameux Erasme, le plus bel-esprit de son siècle, un des restaurateurs des lettres, l’ennemi irréconciliable de l’absurde jargon de l’école, & le père de la vraie philosophie. Quoique bon ami, bon citoyen, il eut beaucoup d’ennemis, parce qu’il fit toute sa vie la guerre aux sots ; modéré d’ailleurs, & incapable de donner dans aucun fanatisme de religion, d’ambition & de fortune. […] Sa naissance passa toujours pour suspecte, & fit tenir à ses ennemis beaucoup de propos ridicules. […] Jules Scaliger, en se glorifiant de montrer comment il sçavoit tirer raison de ses ennemis, crut que la mort d’un homme, tel qu’Erasme, lui donneroit une nouvelle considération.

52. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

L’utilité publique étant le seul prix que j’y attache, je dois peu m’inquiéter des efforts que font mes Ennemis, pour me ravir le foible mérite qu’elles annoncent. […] Son nom l'auroit infailliblement suivi dans le tombeau, si mes Ennemis ne s'en étoient servis pour me persécuter. […] Il ne l'a composé, dit-il, que d'après les sollicitations réitérées du plus acharné de mes Ennemis, qui lui en a fourni les matériaux. […] Plein d'estime pour votre façon de penser & d'agir, je me porterai à tout ce qui pourra vous satisfaire ; mais vous êtes assez généreux pour pardonner à un ennemi aussi abject. […] En publiant cet Ouvrage, j’étois assuré qu’il exciteroit de la contrariété dans les opinions, & qu'il ne manqueroit pas de me susciter des ennemis.

53. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Sanche et les Castillans eurent le dessous et furent forcés d’abandonner leur camp à l’ennemi. […] Quelque temps après, Rodrigue, chargé d’une mission auprès d’un roi maure, le roi de Séville, allié et tributaire d’Alphonse, le défendit vaillamment contre le roi de Grenade, un autre roi maure, qui l’attaquait ; mais au retour, chargé de présents pour Alphonse, il fut accusé par un de ses ennemis en Cour, le comte Garcia Ordonez, d’en avoir retenu une partie. […] Il l’aide à vaincre ses ennemis tant musulmans que chrétiens. […] Le roi que vous servez, il le faut servir sans nul artifice ; mais gardez-vous de lui comme d’un ennemi mortel. […] Voilà ce que m’ont valu mes méchants ennemis ! 

54. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Le vers ïambique s’y trouve rarement, et n’appartient guère qu’au langage simple du gardien qui veille sur les signaux de la tour, et au langage froid et bref des deux époux ennemis qui s’observent. […] Enfin, après ces grands hommes, et tout ce qui nous manque de leurs créations si nombreuses, et tout ce qui s’est perdu devant leur gloire, quoique sans doute inspiré par elle, nous aurons encore à chercher le sillon lyrique dans celui qui fut leur ennemi, leur juge et leur immortel parodiste.. […] Ce ruisseau coule incessamment sur la terre qu’il féconde ; et les chœurs des a Muses ne sont pas ennemis de cette terre, ni Vénus tenant ses rênes d’or. […] Quand Lysandre, vainqueur à la tête de nombreux alliés, voulait achever la guerre du Péloponèse par la destruction d’Athènes, au banquet même de ces ennemis implacables, des larmes de pitié furent versées, aux premières paroles chantées d’un chœur d’Euripide : Fille d’Agamemnon, Électre ! […] Est-ce de se moquer des hommes en général, ou seulement d’amener dans une fiction bouffonne les noms et la satire de quelques ennemis politiques et de quelques poëtes ses rivaux ?

55. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Son fils Xerxès lui succéda : les Grecs l’auraient élu, s’ils avaient pu choisir leur ennemi. […] L’approche de la flotte ennemie entrant dans le golfe Maliaque la fit reculer vers l’Euripe. […] Les Athéniens à gauche, les Éginètes à droite, rompirent les deux ailes de la flotte ennemie. […] Les cent-dix trirèmes helléniques firent voile vers Samos qu’elles trouvèrent abandonnée par l’ennemi. […] Les Grecs, exaltés par ce prodige, chargèrent aussitôt l’ennemi.

56. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Et quand cela eût été, ajoute Richelieu, ce n’aurait été manquer ni à la dignité ni à la prudence de nous servir de nos ennemis contre nos ennemis. […] On dit que, la circonspection continuant à dominer Rohan, il était d’avis d’une retraite et d’évacuer le pays, mais que le marquis de Montausier (frère aîné de celui qui s’est illustré depuis sous ce nom), un de ses lieutenants les plus distingués, et qui avait reconnu de près la position de l’ennemi, insista vivement pour l’attaque. Après un conseil de guerre, Rohan, général très consultatif, s’y résolut, et le 27 juin se livra le combat dit de Luvin, affaire très hardie, où, avec son peu de troupes et par des chemins difficiles, Rohan alla relancer dans sa vallée un ennemi plus nombreux, qu’il força de se retirer. […] Et cependant, lui-même il tombe gravement malade à Sondrio (août-septembre 1636), d’une maladie qualifiée de léthargie profonde tellement que le bruit de sa mort se répand et dans son armée qui le pleure, et chez l’ennemi qui s’en réjouit. […] après, que M. le prince était son ennemi, qu’il s’était déclaré contre lui, etc… Et enfin, pourquoi ne vouloir absolument point venir en ladite armée ?

57. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Cependant la guerre était déclarée ; en Bohême, quatre puissantes armées ennemies étaient en présence et en mouvement. […] Le prince Henri pouvait, à un moment, tomber sur l’ennemi, « pour peu qu’il l’eût voulu » : il ne le fit pas. […] Je l’avoue, je m’en flattais un peu, surtout proposant de rendre la Bavière à l’Électeur… Vous serez informée par Mercy du détail et de nos dispositions ultérieures ; en attendant, la Bohême est saccagée le plus cruellement, et à la fin, si la jonction se fait des deux armées, cela viendra à une bataille qui décidera, et rendra tant de milliers de personnes malheureuses, et peut-être nous-mêmes dans notre famille… Cette perspective est cruelle, et j’aurais tenté l’impossible pour la pouvoir décliner ; car, je vous l’avoue, le pas que j’ai fait vis-à-vis de ce cruel ennemi m’a bien coûté. […] Au-dehors elle affectait un front calme : « On peut être triste, disait-elle, mais jamais abattu ; notre cruel ennemi en jouirait trop. » Dans l’intimité, elle gémissait et versait des larmes. […] Il faut rappeler de telles pages, moins connues chez nous qu’elles ne devraient l’être : « Le roi, nous dit Frédéric parlant de lui-même, avait dans la personne de l’impératrice-reine une ennemie ambitieuse et vindicative, d’autant plus dangereuse qu’elle était femme, entêtée de ses opinions et implacable.

58. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

On passe la nuit dans les transes, se croyant perdu si l’ennemi reparaît au matin. […] Il en a connu des uns et des autres ; il a horreur des rois bêtes, incapables de conseil ; de ces princes « qui n’ont jamais doute ni crainte de leurs ennemis, et qui le tiendroient à honte ». […] Charles et les siens sont venus mettre le siège devant Paris, du côté de Charenton ; Louis XI fait avorter l’entreprise sans rien livrer au hasard, et en travaillant à petit bruit, et à la faveur d’une trêve, à détacher un à un ses ennemis. […] Il étoit naturellement ami des gens de moyen état et ennemi de tous grands qui se pouvoient passer de lui. […] Il pense que le délai même que ce consentement entraîne en cas de guerre, est bon et profitable ; que les rois et princes, quand ils n’entreprennent rien que du conseil de leurs sujets, en sont plus forts et plus craints de leurs ennemis.

59. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

En vérité, horlogerie à part, je n’en vois aucun contre qui je voulusse le troquer… Et lorsque ses ennemis voulaient consommer sa ruine dans le courant du même procès, lorsqu’il se voyait emprisonné, calomnié, ruiné, il montre la consternation de tous ses amis qui le visitaient dans sa prison : La piété, la résignation même de mon vénérable père aggravait encore mes peines. […] Dans le procès qu’il eut dix ans plus tard contre le comte de La Blache et le conseiller Goëzman, ses ennemis et ses accusateurs cherchaient par tous les moyens à perdre Beaumarchais, et on fit circuler contre lui une prétendue lettre venue d’Espagne, qui allait à dénaturer et à flétrir un acte généreux de sa jeunesse. […] Selon cette théorie d’un faux bon sens ennemi du grand goût, il suffirait de transporter purement et simplement toute action émouvante et attendrissante de la vie bourgeoise sur le théâtre pour avoir atteint le plus haut point de l’art : Si quelqu’un est assez barbare, assez classique (il est piquant de voir ces deux mots accolés par Beaumarchais et pris comme synonymes), pour oser soutenir la négative, il faut lui demander si ce qu’il entend par le mot drame ou pièce de théâtre n’est pas le tableau fidèle des actions des hommes. […] comme il en veut à ses ennemis, lui qui ne hait personne, d’avoir ainsi cherché à noircir « sa jeunesse si gaie, si folle, si heureuse » ! […] Continuant donc de s’adresser humblement au souverain Être, il lui demande, puisqu’il doit avoir des ennemis, de les lui accorder à son choix, avec les défauts, les sottes et basses animosités qu’il lui désigne ; et alors, avec un art admirable et un pinceau vivifiant, il dessine un à un tous ses ennemis et ses adversaires, et les flétrit sans âcreté, dans une ressemblance non méconnaissable : « Si mes malheurs doivent commencer par l’attaque imprévue d’un légataire avide sur une créance légitime, sur un acte appuyé de l’estime réciproque et de l’équité des deux contractants, accorde-moi pour adversaire un homme avare, injuste et reconnu pour tel… etc. » Et il désigne le comte de La Blache si au vif que tous l’ont nommé déjà ; de même pour le conseiller Goëzman, de même pour sa femme et pour leurs acolytes ; mais ici la verve l’emporte, et le laisser-aller ne se contient plus ; à la fin de chaque portrait secondaire, le nom lui échappe à lui-même, et ce nom est un trait comique de plus : Suprême Bonté !

60. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

À cette occasion, le général Dagobert nous dit qu’il fallait prendre le pas ordinaire en montrant le dos à l’ennemi, et le pas de charge en lui présentant sa poitrine y. […] Un officier de la 18e, le capitaine Motte, commandant un fort au débouché du Tyrol, se laisse intimider par les sommations de l’ennemi, lors des premiers succès de Wurmser ; il livre le passage et se rend prisonnier de guerre : Sans cette malheureuse circonstance, le mouvement des Autrichiens eût été retardé de quelques heures. […] Les choses étaient dans cet état, lorsque deux colonnes ennemies marchèrent sur Belleville, et déjà elles atteignaient la grande rue, lorsque le duc de Raguse nous fit dire, à Meynadier et à moi, de rassembler ce qui nous restait de combattants pour essayer de repousser l’ennemi. […] On battit la charge, l’ennemi fut repoussé, et les communications rétablies avec la barrière. […] Nous venions de chasser l’ennemi, lorsque je reçus en pleine poitrine une balle qui me traversa littéralement de part en part (qui m’avait littéralement percé à jour, dit-il ailleurs).

61. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Ses ennemis prétendoient qu’il étoit odieux qu’un citoyen s’élevât une espèce de tribunal, auquel tous les auteurs ressortissoient ; de sorte qu’il fallut que les ouvrages nouveaux, & sur-tout les pièces de théâtre, méritassent son approbation pour avoir celle du public. […] A Athènes, comme à Paris, dans la représentation d’une pièce nouvelle, les spectateurs se prévenoient pour ou contre, selon que l’auteur étoit de leurs amis ou de leurs ennemis, & que ses idées étoient analogues aux leurs. […] On croit voir, dans le nombre de ses partisans & de ses ennemis, deux armées qui se mêlent. […] La cabale des ennemis de Socrate fit récompenser Aristophane.

62. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

La morale est la grande ennemie de l’individualité. […] Elle voudrait abolir dans les âmes le sentiment de l’individualité, parce que ce sentiment a toujours, virtuellement au moins, quelque chose d’antisocial ; parce qu’il est un principe de diversité et de lutte, un principe de résistance et de désobéissance à la règle. — Sans doute, comme l’homme est un être complexe, comme il existe en lui deux âmes ennemies, l’âme sociale et l’âme individuelle, la morale a dû plus d’une fois tenir compte de cette dualité de notre nature et faire certaines concessions au sentiment de l’individualité. […] La pensée universitaire, imbue de rigorisme kantien, est naturellement ennemie de la casuistique. […] La casuistique est regardée par ses ennemis comme une sophistique au service de l’instinct de liberté et d’anomie morale ; comme un prétexte qu’invoque trop aisément l’instinct égoïste toujours disposé à se dérober à l’autorité de la règle. […] Parfois même elle semble aspirer à une sociabilité supérieure, exemple d’hypocrisie, éprise d’intelligence et de science (Vigny, La Bouteille à la mer, Le Pur Esprit) ; puissante, par la science accrue et la solidarité élargie (Ibsen, l’Ennemi du peuple).

63. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Enrôlé en 1791 dans les volontaires de l’Ain, il eut différentes destinations, mais ne commença à voir l’ennemi qu’en 1792, dans l’armée du Midi, commandée par le général Anselme. […] Joubert, lieutenant dans les grenadiers, et grenadier en effet par la taille comme par le courage, s’aguerrit dans ces combats journaliers, y trempa sa constitution d’abord un peu frêle, et se fit remarquer par l’audace extraordinaire avec laquelle il relançait l’ennemi jusque sur les cimes les plus escarpées et sur des rochers inabordables. […] L’enthousiasme est tel qu’au commencement de la Révolution ; et les ennemis, en apprenant nos triomphes, trembleront dans l’intérieur comme à l’extérieur. […] Toujours à l’avant-garde de Masséna, le 23 et le 24, il s’est porté en dernier lieu, avec une poignée d’hommes, les meilleurs marcheurs de sa troupe harassée, au point le plus avancé des crêtes sur les derrières de l’ennemi, et par son audace il l’a étonné, épouvanté, forcé d’abandonner dans les gorges chariots et pièces. […] Ce général de brigade, qui vient de prendre les chariots et les bagages de l’ennemi, se voit dans la nécessité d’écrire à son père : Un peu de numéraire pour changer mes habits et harnacher mes chevaux me serait nécessaire.

64. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Quoi qu’il en soit, et de quelque manière qu’ils s’y amusassent (ce qui ne regardait qu’eux), on aurait peine à se figurer, si les faits notaient présents, que c’eût été après dix années d’une existence voluptueuse et casanière, ainsi menée au grand jour, que le ministère fût allé faire choix du comte de Clermont pour le créer général en chef d’une armée dispersée en pays ennemi et qui avait déjà usé deux maréchaux. […] On sait, en effet, qu’à peine mis à la tête de son armée du Nord, Richelieu, pressé d’en finir et poussant le duc de Cumberland qu’il surprenait dans un état de lassitude et de décomposition morale, se hâta de conclure avec lui, par l’entremise d’un ambassadeur de Danemark, le comte de Lynar, espèce de fou mystique, la Convention dite de Kloster-Zeven, en vertu de laquelle toute l’armée ennemie alliée devait se disperser. […] Ainsi le duc de Richelieu entre en une sorte de connivence avec l’ennemi pour argent, et cela s’appelle l’homme chevaleresque du xviiie  siècle ! […] Négligent jusqu’à la fin et mal instruit des mouvements de l’ennemi, il remettait d’établir une communication facile de sa droite à son centre et de son centre à sa gauche, et quand on lui en parlait, il disait qu’il le ferait faire dans deux jours. On pouvait garnir cette gauche de redoutes ; mais on se flattait que les ennemis n’oseraient jamais marcher à nous.

65. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Les ennemis de Ramus le peignirent des plus odieuses couleurs. […] Scheiner fut outré : dès-lors il jura la perte de son ennemi. […] Celui-ci, à l’approche de ses ennemis, ne se troubla point. […] Ils n’ont guère eu d’ennemi plus dangereux. […] De plus, on le connoissoit pour un ennemi décidé des jésuites.

66. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Un cavalier ennemi accourut l’épée au poing pour le tuer (ce qui était facile, blessé comme il était et sans casque) ; mais il trouva moyen de se ranger contre un poirier dont les branches étaient si basses et si étendues que le cavalier ne put que tournoyer à l’entour sans l’atteindre. […] Monté sur ce courtaud et en assez méchant équipage, Rosny chercha alors à s’orienter à travers la plaine, lorsqu’il vit venir à lui un groupe d’ennemis au nombre de sept, dont l’un portait la cornette blanche et générale de M. de Mayenne. […] Trois pourtant des sept cavaliers, les mieux montés, lui dirent adieu et, donnant de l’éperon, lui échappèrent ; les quatre autres le suivirent, non sans lui avoir mis en main la cornette blanche semée des croix noires de Lorraine, l’étendard principal de l’armée ennemie ; il n’était pas de force à la tenir longtemps, et il fut bientôt obligé de la confier à un page du roi qu’il rencontra. […] Le page qui le montait avait revêtu la cuirasse de son maître et portait la cornette blanche de l’ennemi ; l’autre page portait les brassards et le casque tout fracassé de Rosny au bout d’un bris de lance ; car, effondré de coups comme il était, il eût été impossible de le mettre en tête. […] Mais ils n’ont pas plus tôt fait quelques centaines de pas qu’ils découvrent à travers les branchages un grand mouvement de l’armée ennemie, qui s’avance derrière ce rideau pour une surprise.

67. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Quand, sorti de chez sa maîtresse pour rentrer chez sa femme, il y trouve des enfants qui, tout à l’heure, par le fait du roman, vont le mettre au supplice (sa fille en voulant épouser le fils d’un ennemi politique, son fils en jugeant et en réprouvant sa conduite quand il accepte le ministère), ce père, qui aurait pu être sublime dans ce déchirement de Laocoon, dévoré non plus par des serpents, mais par ses propres enfants, a perdu le bénéfice et l’auguste caractère de la paternité, et tous les sophismes de l’auteur n’ont pas le pouvoir de les restituer à cette paternité souillée. […] Il cède sa fille à son ennemi, tremble devant la conscience armée de son fils, qui se tait et s’éloigne en emportant respectueusement son mépris, et il meurt de tout cela, comme un homme sans puissance d’ambition et d’idées ; car les grands hommes peuvent bien être tués par leur ambition ou par leurs idées, mais ils ne se laissent pas, comme une jeune fille allemande, mourir ! […] Césara, l’ennemi de l’Église romaine, meurt révolté, mais béni par l’Église romaine, plus forte que lui. […] IV Ironie de la vérité dont ne se doutent même pas les hommes qui sont l’objet de cette tranquille ironie, ses ennemis les plus acharnés participent encore d’elle… et c’est là sa manière de se moquer d’eux !

68. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Il affecta de le croire pour ne pas augmenter le nombre de ses ennemis et pour se ménager la réconciliation avec le pape. […] Il demanda généreusement grâce pour ses ennemis. […] Si la fortune en décide autrement, du moins mon malheur sera adouci par l’idée qu’il était nécessaire au bien public : car si nos ennemis ne veulent que ma ruine, je serai entre leurs mains. […] Je me bornerai donc à dire que j’ai éprouvé des angoisses cruelles, car j’avais pour ennemis des hommes dont l’habileté égalait la puissance, et bien décidés à consommer ma ruine par tous les moyens dont ils pourraient disposer ; tandis que, d’un autre côté, n’ayant à opposer à de si formidables ennemis que ma jeunesse et mon inexpérience (et, je dois le dire aussi, l’assistance que je tirais de la bonté divine), je me vis réduit à un tel degré d’infortune, que j’eus en même temps à supporter la terreur religieuse d’une excommunication et le pillage de mes propriétés, à résister aux efforts qu’on faisait pour me dépouiller de mon crédit dans l’État, mettre le désordre dans ma famille, et me priver de la vie par des attentats sans cesse renouvelés, en sorte que la mort même me paraissait le moindre des maux que j’avais à éviter. […] Mais son ennemi acharné, le neveu du pape, Riario, périt avant lui.

69. (1772) Éloge de Racine pp. -

Il eut beaucoup d’ennemis pendant sa vie ; il en a encore après sa mort. […] Un ami sévère à contenter, des ennemis à confondre, des envieux à punir, étaient autant d’aiguillons qui animaient son courage et ses travaux. […] Ne laisse pas le champ libre à tes ennemis. […] N’est-ce pas plutôt à ses implacables ennemis ? […] Et qu’on doit avoir d’ennemis quand il est si difficile d’avoir des rivaux !

70. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Cette vie devient si étendue et si facile, que s’en mettre dehors volontairement c’est donner un grand avantage à ses ennemis. […] Et cela suffisait, et bien au-delà, aux desseins des ennemis de l’Église. […] On n’a rien à faire pardonner à la sainte Église, et les pontifes qui la gouvernent doivent avoir pour ennemis tous ses ennemis. […] Lui, l’ennemi du protestantisme, il ne protesta pas. […] Il était pourtant de la race des ennemis de Dieu.

71. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Si ces ennemis parviennent (comme je ne le crains que trop) à briser dans ma main cette plume de l’homme de lettres, mille fois plus respectable quand elle cherche le salaire par honneur que quand elle cherche la gloire par vanité, ces ennemis apprendront trop tard (et avec regret, je n’en doute pas) que ce qu’ils appellent la mendicité du travail n’était que le devoir de la stricte probité. […] Mais c’est la logique de la malignité humaine, qui veut enfermer un ennemi dans un cercle vicieux et l’étouffer entre deux sophismes. Vous pouvez m’étouffer, oui, mais vous ne me déshonorerez pas ; je travaillerai jusqu’à mon dernier soupir, et si je succombe ce ne sera pas ma faute : ce sera celle de mes ennemis. […] Ainsi mourut, au site où se plaisait sa vie, La gloire des Romains, l’ennemi de Fulvie !

72. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Il gouverna et sauva Rome, fut vertueux dans un siècle de crimes, défenseur des lois dans l’anarchie, républicain parmi des grands qui se disputaient le droit d’être oppresseurs ; il eut cette gloire, que tous les ennemis de l’État furent les siens ; il vécut dans les orages, les travaux, les succès et le malheur ; enfin, après avoir soixante ans défendu les particuliers et l’État, lutté contre les tyrans, cultivé au milieu des affaires la philosophie, l’éloquence et les lettres, il périt. […] Nourri dans son sein, élevé dans les principes rigides de la même secte, fanatique de la liberté, passionné pour la patrie, ennemi ardent et irréconciliable de toute espèce d’oppression, l’âme de Caton respirait dans Brutus. […] Sylla ou Octave eussent répondu par une proscription à l’éloge de leur ennemi ; César répond en homme de lettres et en orateur. […] Ainsi les ennemis de la patrie, tombés sous vos coups, expieront encore leur parricide dans les enfers : mais vous qui êtes morts en vainqueurs et en citoyens, vos âmes habitent à jamais dans le séjour de la vertu. […] C’est vous qui avez détourné de nos murs l’ennemi et l’oppresseur de la patrie : c’est vous qui l’avez repoussé ; nous élèverons donc à vos cendres un magnifique mausolée ; nous y graverons une inscription, éternel témoignage de votre valeur.

73. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Il fit couler le sang des ennemis, avec cette fureur que les caractères atroces nomment justice : l’orateur, en le louant d’une humanité qu’il n’avait pas, tâche au moins de lui inspirer les sentiments qu’il devait avoir. […] Socrate a changé ce précepte, et a dit : faisons du bien à nos amis, et ne faisons point de mal à nos ennemis. […] Ton œil perçant sait découvrir et rendre inutiles les profondeurs de cet art funeste et caché… Non, désormais je ne craindrai pas les ennemis domestiques plus que les barbares même. […] etc. » L’orateur veut étendre ce sentiment d’humanité dans le prince, des sujets de l’État, aux ennemis mêmes de l’État. […] Ainsi, les hommes célèbres de ce siècle le seront dans les siècles suivants ; on parlera d’eux comme nous parlons de ceux qui les ont précédés ; leur gloire même n’étant plus exposée à l’envie en deviendra plus pure ; car il vient un temps où les ennemis et les rivaux ne sont plus.

74. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

Il connaissait les misérables vilenies qui se commettent chaque jour, sous prétexte de publications posthumes, et les perfides représailles des ennemis, et les maladresses des amis trop zélés, et l’éternelle niaiserie des badauds amusés par le scandale. » Loge de concierge me plaît, voilà le mot exact. Les ennemis, les amis trop zélés, on s’en accommode encore. […] les amis, les ennemis, ce sont les chères bêtes du foyer, auprès de cet animal redoutable qui est un imbécile.‌

75. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Consul, j’ordonne à notre ennemi de sortir de Rome. […] celui que tu reconnais pour mon ennemi, celui qui va porter la guerre dans mon sein, qu’on attend dans un camp de rebelles, l’auteur du crime, le chef de la conjuration, le corrupteur des citoyens, tu le laisses sortir de Rome ! […] « Si parmi tant d’ennemis nous ne frappions que Catilina seul, sa mort nous laisserait respirer, il est vrai ; mais le péril subsisterait, et le venin serait renfermé dans le sein de la république. […] Au surplus, son cœur irrité ne méditait que la vengeance ; et moi, je ne m’occuperai de mes ennemis qu’autant que la république me le permettra. […] « Toutefois j’ai plus à cœur de trouver les moyens de m’acquitter envers vous que de chercher de quelle manière je punirai l’injustice et la cruauté de mes ennemis.

76. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Vous avez des ennemis aux environs. » Kuranoské se retourna et lui dit : — « Assez. […] * * * C’est alors que Kotsuké (celui qui a commis un grand forfait, entend dans le trottinement d’une souris les pas du vengeur), tout à fait rassuré par l’indignité de la vie de son ennemi, se relâchait de la surveillance qu’il faisait exercer autour de son habitation, renvoyait une partie de ses gardes. […] Et je me mis à fouiller mes albums, et je trouvai le recueil qui porte pour titre : Sei tû Guishi deu (Les Chevaliers du devoir et du dévouement), ou le peintre Kouniyoshi nous représente les ronins dans l’action de l’attaque du yashki de Kotsuké : l’un portant une bouteille d’alcool « pour panser les blessures et faire de grandes flammes afin d’épouvanter l’ennemi », l’autre « tenant deux chandelles et deux épingles de bambou pour servir de chandeliers », celui-ci éteignant avec de l’eau les lampes et les braseros, celui-là ayant aux lèvres le sifflet « dont les trois coups prolongés » doivent annoncer la découverte de Kotsuké ; et presque tous dans des poses de violence et d’élancement, brandissant à deux mains des sabres et des lances, et tous enveloppés d’un morceau d’étoffe de soie bleue, avec leurs lettres distinctives sur leurs uniformes, leurs armes, leurs objets d’équipement, et tous ayant sur eux un yatate, écritoire de poche, et dans leur manche un papier expliquant la raison de l’attaque57. […] Il parvint ainsi à se mettre au courant des habitudes de son ennemi.

77. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Le goût pour les beaux arts, ne vint pas aux romains, tandis qu’ils faisoient dans leur propre païs une guerre, dont tous les évenemens pouvoient être mortels à la republique : puisque l’ennemi pouvoit, s’il gagnoit une bataille, venir camper sur les bords du Tévéron. […] Les guerres que les grecs se faisoient entr’eux, n’étoient point de ces guerres destructives de la societé, où le particulier est chassé de ses foïers et fait esclave par un ennemi étranger, telles que furent les guerres que ces conquerans brutaux, sortis de dessous les neiges du Nord, firent quelquefois à l’empire romain. […] Une loi du droit des gens de ce temps-là portoit, qu’on ne pouvoit point abbatre le trophée que l’ennemi avoit élevé pour éterniser sa gloire et notre honte. […] Une neutralité parfaite régnoit toujours dans ces sanctuaires, et l’ennemi le plus aigri n’osoit pas y attaquer le plus foible.

78. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Nous nous sommes battus pour sauver le convoi chargé de subsistances pour la République, et nous l’avons sauvé ; il est mouillé en dehors de la rade de Brest, composé de cent seize navires chargés à couler bas ; il a passé à vingt-cinq lieues de nous, le jour même où nous nous battions, et c’est la précaution que nous avons eue d’attirer l’ennemi loin de la route qu’il devait suivre, qui lui a permis de la parcourir en sûreté. […] Les Grecs nous haïssaient comme ennemis de ces mêmes Busses qu’ils vénèrent presque jusqu’à l’idolâtrie ; d’ailleurs ils étaient révoltés de ce que nous ne fréquentions pas leur église, que nous n’observions pas leurs fêtes et leurs jeûnes ; ils nous traitaient à cause de cela d’excommuniés, ce qui est parmi eux le comble de toutes les insultes. […] Monseigneur, L’ennemi a forcé hier la position de Hochheim. […] « Les armes de la République triomphèrent sur mer et sur terre. — Je dégageai mes vaisseaux. — L’ennemi, en désordre, fut écrasé et obligé de tenir les vents que j’avais perdus pour aller couvrir l’Indomptable et le Tyrannicide. — Ce combat, commencé à dix heures du matin, finit à sept heures du soir. […] L’ennemi n’a certainement pas, dans ce moment-ci, six vaisseaux en état de combattre.

79. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Enfin la condamnation obtenue avec tant de peine de la justice et de la bonté d’Innocent XII arriva à Paris avec un cri de joie des ennemis de Fénelon à Rome. […] Cette humilité et ce silence, qui édifièrent le monde, irritèrent davantage ses ennemis. […] Il y vit sa condamnation certaine à un éternel exil, et sa situation d’ennemi public dans une cour qui ne lui pardonnerait jamais. […] Les places fortifiées avec tant de soin par la prudence du roi étaient au pouvoir de l’ennemi. […] Les terres qui lui appartenaient, respectées par les ennemis, devenaient un refuge pour les paysans du voisinage qui, à l’approche des gens de guerre, y couraient avec leurs familles et tout ce qu’ils pouvaient emporter.

80. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Rien que pour mettre en branle un régiment, que de choses dont il faut tenir compte : le nombre des hommes, leur état physique et moral, la vitesse de leur marche, la forme des terrains, la nature du sol, les chemins, la température, les mouvements possibles de l’ennemi ! […] Or, je sais bien que la première fois que j’ai dû m’en servir devant l’ennemi, j’étais diablement ennuyé. […] Tandis que notre aile droite, avec le duc d’Anguien, culbute l’aile gauche des ennemis et s’avance même par-delà la première ligne de leur infanterie, leur droite met notre gauche en déroute. […] Il n’eut pas un instant d’accablement, il n’eut qu’une pensée : arracher à l’ennemi une victoire éphémère, dégager son aile battue, non en volant à son secours, mais en frappant ailleurs. […] C’était Gassion qui, en poursuivant l’ennemi, était arrivé au-delà de la deuxième ligne espagnole (les tercios wallons), c’est-à-dire sur un terrain plus élevé que celui où se trouvait la masse des combattants.

81. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Ce sont là les lettres par excellence de Henri IV, courtes, fraîches, matinales, écrites le pied levé et déjà sur l’étrier, en partant pour dépister l’ennemi ou courir le cerf. […] Sully a dénoncé la vanité qu’eut le roi de Navarre d’aller présenter en personne à la comtesse « les enseignes, cornettes et autres dépouilles des ennemis qu’il avait fait mettre à part pour lui être envoyées. […] Les ennemis ont pris l’île de Marans devant mon arrivée, de façon que je n’ai pu secourir le château… Ainsi tout se gâte vite. […] Les ennemis l’ont pris ; Henri le reprendra. […] Si les ennemis ne nous pressent, après cette assemblée je veux dérober un mois.

82. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Mais, après cet aveu, j’ose vous supplier d’examiner le pitoyable état de votre ennemie (Marie-Thérèse) lorsque vous étiez devant Prague. […] J’ose vous dire bien plus ; croyez-moi, si votre courage vous portait à cette extrémité héroïque, elle ne serait pas approuvée ; vos partisans la condamneraient, et vos ennemis en triompheraient. […] On sait les circonstances imprévues de la bataille de Rosbach : une marche fausse, prolongée, devant un ennemi bien posté, qui avait eu le temps de se ranger en bataille, amena une défaite facile et prompte, mais dont l’effet moral fut immense. « C’était une bataille en douceur, dit Frédéric en l’annonçant à la margrave (5 novembre). […] Frédéric essaie de sauver aux états de sa sœur les horreurs de la guerre, et, par ses diversions, d’attirer l’ennemi d’un autre côté. […] Trahissant ses faiblesses secrètes, Voltaire ne put s’empêcher, en publiant d’abord son ode, d’y rattacher et d’y coudre en notes toutes sortes de malices qui n’y avaient nul rapport, des invectives contre les ennemis de la philosophie et contres les siens propres : il y vit surtout une occasion de semer par le monde une diatribe de plus, en la glissant dans les plis de la robe de cette renommée funèbre.

83. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Il ne faut qu’ouvrir l’histoire, pour connaître la difficulté de maintenir les succès de l’ambition ; ils ont pour ennemis la majorité des intérêts particuliers, qui tous demandent un nouveau tirage, n’ayant point eu de lots dans le résultat actuel du sort. Ils ont pour ennemis le hasard, qui a une marche très régulière quand on le calcule dans un certain espace de temps et avec une vaste application ; le hasard qui ramène à peu près les mêmes chances de succès et de revers, et semble s’être chargé de répartir également le bonheur entre les hommes. Ils ont pour ennemis le besoin qu’a le public de juger et de créer de nouveau, d’écarter un nom trop répété, d’éprouver l’émotion d’un nouvel événement : enfin, la multitude, composée d’hommes obscurs, veut que d’éclatantes chûtes relèvent de temps en temps le prix des conditions privées, et prêtent une force agissante aux raisonnements abstraits qui vantent les paisibles avantages des destinées communes. […] Pour aimer et posséder la gloire, il faut des qualités tellement éminentes, que si leur plus grande action est au dehors de nous, cependant elles peuvent encore servir d’aliment à la pensée dans le silence de la retraite ; mais la passion de l’ambition, les moyens qu’il faut pour réussir dans ses désirs, sont nuls pour tout autre usage : c’est de l’impulsion plutôt que de la véritable force ; c’est une sorte d’ardeur qui ne peut se nourrir de ses propres ressources ; c’est le sentiment le plus ennemi du passé, de la réflexion, de tout ce qui retombe sur soi-même. […] Quel que soit le parti qu’on ait embrassé, la faction est démagogue dans son essence, elle est composée d’hommes qui ne veulent pas obéir, qui se sentent nécessaires, et ne se croient point liés à ceux qui les commandent ; elle est composée d’hommes prêts à choisir de nouveaux chefs chaque jour, parce qu’il n’est question que de leur intérêt, et non d’une subordination antérieure, naturelle ou politique : il importe plus aux chefs de n’être pas suspects à leurs soldats, que redoutables à leurs ennemis.

84. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Etant de retour à Paris, en 1687, & continuant à prêcher à leur ordinaire, ils s’y attirèrent des ennemis puissans. […] Les emportemens de ses ennemis ne le firent jamais sortir de sa douceur naturelle. […] Louis XIV avoit pressé la condamnation de Molinos, à la sollicitation de ses ennemis. […] On a dit, on a écrit même que Fénélon n’avoit été disgracié que pour s’être opposé à la publication du mariage de madame de Maintenon, qui devint son ennemie & trouva l’occasion de se venger : mais c’est un conte. […] Les peuples trouvent, dans cet ouvrage, un ami zèlé qui ne cherche qu’à les rendre heureux ; & les rois un ennemi implacable de la flatterie.

85. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Elle frémit tout entière après Iéna, plus encore qu’après Austerlitz, car après Austerlitz la confiance dans l’armée prussienne restait du moins aux ennemis de la France. […] Les dragons du général Grouchy chargent les premiers, pour déblayer le terrain et en écarter la cavalerie ennemie. […] Il n’y a plus, en effet, que cette manœuvre à exécuter jusqu’à la nuit, car il est impossible, soit d’éloigner l’ennemi, soit de le fuir par le pont qui conduit à l’île de Lobau. […] Ce petit bras était devenu lui-même une grande rivière, et des moulins lancés par l’ennemi avaient plusieurs fois mis en péril le pont qui servait à le traverser. […] Le sujet emporte l’écrivain, si ennemi de la vaine imagination, jusqu’à la poésie.

86. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

. — Les Mères ennemies, roman (1880). — La Divine Aventure, en collaboration avec Richard Lesclide (1881). — Le Roi vierge, roman contemporain (1881). — Le Crime du vieux Blas, nouvelle (1882). — Monstres parisiens, 1re série (1882). — L’Amour qui pleure et l’Amour qui rit, nouvelles (1883). — Les Folies amoureuses, nouvelles, réédition (1883). — Le Roman d’une nuit, réédition (1883). — Les Boudoirs de verre, contes (1884). — Jeunes filles, nouvelles (1884). — Jupe courte, contes (1884). — La Légende du Parnasse contemporain (1884). — Les Mères ennemies, drame en trois parties (1883). — Les Contes du rouet (1885). — Le Fin du fin ou Conseils à un jeune homme qui se destine à l’amour (1885) […] Auguste Vitu Les Mères ennemies : Cette situation émouvante et neuve est d’un irrésistible effet. […] Lorsque, de leur propre poids, les Mères ennemies seront tombées au fond de l’oubli, le Docteur Blanc surnagera. […] Ils sont sur l’ennemi. […] Il y a, au travers des histoires du Clown Papiol, une belle symphonie de Paris ; de jolis contes dans les Folies amoureuses, des scènes héroïques dans les Mères ennemies ; mais ce sont promesses et prémices à côté des dernières réalisations : la Maison de la Vieille et Gog.

87. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Sa vue s’étend de ce haut sommet sur les tentes et sur les mouvements de l’ennemi. […] — Et Apollon, tueur des loups : — « Détruis aussi ces loups qui sont nos ennemis !  […] Dans les sièges modernes, l’ennemi, tenu à distance par le feu des forts, reste invisible au peuple bloqué. […] Vous servez, vous encouragez l’ennemi, et ainsi nous nous déchirons nous-mêmes par vos mains. […] C’est contre lui que je combattrai ; ennemi contre ennemi, roi contre roi, frère contre frère.

88. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

On lui a persuadé dès son enfance, et depuis il n’en a pas douté, qu’un fils ne peut jamais s’acquitter de tout ce qu’il doit à une mère, voire à une mauvaise mère qui est devenue sa marâtre, et qu’un citoyen est toujours obligé à sa patrie, voire à son ingrate patrie et qui l’a traité en ennemi. » Plus loin, il montre le consul romain à la tête de l’armée. […] L’appréhension de lui déplaire était la seule chose que craignait l’armée romaine ; jamais les soldats ne méprisèrent autant l’ennemi et ne redoutèrent si fort leurs chefs ; jamais ne furent tous ensemble si ders et si dociles, ne se débordèrent avec tant d’impétuosité à la campagne, et ne reprirent leur place dans le camp avec moins d’apparence d’en être sortis. […] Ce caractère rend inviolable à des ennemis irrités, lie les mains à des traîtres. […] «  Sans douceur, les assemblées des hommes ne seraient que des troupes d’ennemis, ou des cercles d’admirateurs réciproques.

89. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

L’animal qui sent la dent de son ennemi n’a besoin d’aucune subtilité métaphysique pour imaginer un autre animal mordant. […] De même qu’il y a des peurs instinctives devant les formes d’animaux qui sont l’ennemi héréditaire, il y a des sympathies instinctives devant les formes de l’ami héréditaire. […] Il suffit, encore une fois, de nous apercevoir que cette image ne dépend pas de notre volonté, de notre centre d’appétitions, pour la concevoir autre et autre volonté, amie ou ennemie. […] Le inonde se divise pour nous en ce qui est désirable et ce qui est redoutable, en amis et ennemis ; il y a pour l’animal des choses bonnes ou des choses mauvaises, des êtres bons ou des êtres méchants, c’est-à-dire des formes qui attirent et des formes qui repoussent, des images de jouissances ou des images de souffrances sous tel aspect visible, tangible, etc.

90. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Le comte Mattioli, l’un des ministres du duc de Mantoue, et qu’on se flattait d’avoir gagné, promettait de conclure l’affaire moyennant finance ; il y avait déjà production de traités et signature engagée de la part de la France ; mais le fourbe trompait tout le monde et livrait le secret de la négociation aux ennemis. […] Un jour, il arriva qu’un noble Piémontais, le marquis Dronero, ambassadeur extraordinaire de Savoie en Portugal, où il avait célébré la cérémonie des fiançailles, étant de retour à Turin, fut apostrophé en plein palais, en pleine Cour, par l’ambassadeur de Louis XIV, comme accusé d’avoir mal parlé de la France et d’être entré en liaison avec ses ennemis. […] Le duc entendait bien profiter des bons conseils de ses ennemis, mais il commençait par se défaire d’eux et par les sacrifier. […] Catinat, à la tête d’une petite armée, reparaît en Piémont en 1690 : c’est l’homme que Louvois aime à opposer de ce côté aux ennemis de la France et qui possède le mieux cet échiquier. […] On le voit plus tard, généralissime de notre armée, se battre au premier rang comme soldat et nous trahir au même moment comme général, en communiquant nos plans à l’ennemi.

91. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Ces membres de la confrérie des Senoûsi, ces janissaires de l’Islamisme, se dessinent nettement à nos yeux sous la plume du jeune voyageur qui les a rencontrés partout sur son chemin comme ennemis. […] Mais il est une autre confrérie rivale, bienveillante, fondée depuis près d’un siècle déjà, contre laquelle nous n’avons jamais eu à lutter, et qui, par une coïncidence singulière, s’est trouvée plus d’une fois avoir les mêmes ennemis que nous. […] Exempts comme gentilshommes de toute occupation manuelle, ils sont assez occupés, d’ailleurs, à faire la police du territoire dans leur tribu, à assurer la sécurité des routes, à protéger les caravanes, à veiller sur l’ennemi, à le combattre au besoin et à se mettre à la tête des serfs : « Aussi, nous dit M.  […] Aussi, dans leurs luttes avec ces Arabes ennemis, les Touareg ont fait contre eux un chant de guerre qui exprime ce sentiment d’envie ou de mépris, naturel à des affamés contre des gens repus. […] On y voit toutes les passions en jeu et les cupidités qui ressortent des privations mêmes ; chacun fait de la poésie avec les images qui hantent sa pensée : toutes ces jouissances inconnues des Touâreg, y compris celle de l’eau qu’eux-mêmes n’obtiennent qu’à de rares intervalles, ils les enlèveront avec joie et rage à leur ennemi.

92. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Il vaudrait mieux ne songer qu’à la guerre, à vaincre les ennemis, et penser qu’en le faisant, on suit la volonté de Dieu. […] J’entendis donc la défaite de l’armée ennemie, et retournai souper de fort bonne humeur. […] Elle s’était rendu compte à l’avance de tout ce néant humain ; elle se dit, en sachant ses ennemis triomphants et ses amis consternés, qu’il n’y avait pas lieu à tant s’étonner ; que ce monde n’était qu’une comédie où il y avait souvent de bien mauvais acteurs ; qu’elle y avait joué son rôle mieux que beaucoup d’autres peut-être, et que ses ennemis ne devaient pas s’attendre à ce qu’elle fût humiliée de ne le plus représenter : « C’est devant Dieu que je dois être humiliée, disait-elle, et je le suis. » Après avoir quitté la France, où Louis XIV mourait et où le duc d’Orléans, qu’elle avait pour ennemi déclaré, devenait le maître, elle alla habiter Rome, son ancienne patrie, la ville des grandeurs déchues et des disgrâces décentes. […] Il faut lire dans le bel Éloge que Montesquieu a esquissé du maréchal, l’aperçu de cette campagne et de la précédente : « Les Portugais vont à Madrid, et le maréchal, par sa sagesse, sans livrer une seule bataille, fit vider la Castille aux ennemis, et rencoigna leur armée dans le royaume de Valence et l’Aragon.

93. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Il tenait à montrer à l’Europe, dès le premier jour, ce qu’il exprime si noblement dans les instructions données à Schomberg : « Jamais vaisseau ne résistera à si grande tempête avec moins de débris qu’on en remarque au nôtre. » Richelieu, tombé de ce premier ministère, accompagne la reine Marie de Médicis dans son exil à Blois (mai 1617) ; bientôt, sa présence en cette petite cour porte ombrage à ses ennemis : la calomnie l’implique dans des intrigues, d’où son bon sens suffisait à le tenir écarté. […] On fait sortir de prison le prince de Condé, qu’elle n’avait fait arrêter que dans l’intérêt du roi, et ce prince du sang devient pour elle un ennemi actif qui va servir les mauvaises intentions de Luynes. […] Mais pour ceux qui voudraient tirer parti contre notre nation de ses paroles, ajoutons que, selon lui, cette légèreté française porte souvent son remède en elle-même ; car, si elle nous jette souvent dans des précipices effroyables, elle ne nous y laisse pas, « et nous en tire si promptement, que nos ennemis, ne pouvant prendre de justes mesures sur des variétés si fréquentes, n’ont pas le loisir de profiter de nos fautes ». […] Il s’amusait à sceller, à faire l’office de garde des Sceaux, pendant que les autres étaient aux mains ; bon garde des Sceaux en temps de guerre, disait-on, et bon connétable en temps de paix : « Au fort de ses lâchetés, s’écrie Richelieu, il ne laissait pas de parler comme s’il était percé de plaies, tout couvert du sang des ennemis… » Au fort de ses lâchetés est une de ces expressions involontaires qui qualifient un grand et généreux écrivain. […] En lisant avec soin ces maximes d’État de Richelieu, un doute m’a pris quelquefois : je me suis demandé si, dans le jugement historique qui s’est formé sur lui, il n’entrait pas un peu trop de l’impopularité qui s’attache aisément aux pouvoirs forts considérés aux époques de relâchement, et si, de loin, nous ne le jugeons pas trop, jusque dans sa gloire, à travers les imputations des ennemis qui lui survécurent.

94. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

De même il fera l’année suivante à la bataille de Chotusitz ; cette fois le roi écrit à son ami du champ de bataille même, le soir de la victoire (17 mai 1742) : Cher Jordan, je te dirai gaiement que nous avons bien battu l’ennemi. […] C’est la Moravie en épigramme. » Dans ces répits que lui laisse l’ennemi, il demande à Jordan des nouvelles de Berlin, et de le tenir au courant de tous les propos et les raisonnements politiques du public, qui lui semblent, la plupart du temps, fort saugrenus. […] Il se borne donc à l’entourer de soins, de petits présents, d’étrennes à la Noël, au jour de l’an, à chaque anniversaire : « Le 6 mai (1770), jour de la bataille de Prague. — Je vous envoie, mon cher ami, du vieux vin de Hongrie pour vous en délecter, le même jour que vous fûtes, il y a treize ans, si cruellement blessé par nos ennemis. » Il traite évidemment ce digne survivant des grandes guerres comme un vieillard perclus avant le temps ; il veut lui donner des joies d’enfant jusqu’au dernier jour. […] Et sur les libelles d’abord : Vous m’apprenez que mes ennemis me calomnient jusqu’à l’Escurial. […] Non pas qu’il ait, comme d’autres grands capitaines, espérance et foi dans son étoile ; son étoile, à lui, ne rayonne pas ; il compte simplement sur cette divinité obscure, le hasard : J’ai trop d’ennemis ; cependant, avec un peu de fortune de notre côté et un peu de sottise du leur, on en peut venir à bout.

95. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Alors son activité égale sa valeur : il ne s’arrête que quand ses ennemis sont vaincus ; mais l’instant de la victoire est celui de la clémence. […] Il saura qu’un citoyen a violé une loi, comme il sait, à la guerre, qu’un ennemi a forcé les retranchements. […] Tous, à l’abri de l’ennemi domestique et étranger, vivront dans une paix profonde, adorant leur souverain, qui est pour eux l’auteur de tant de biens, remerciant les dieux, et invoquant sur lui les faveurs célestes. […] Faibles et lâches envers leurs bienfaiteurs, ces mêmes hommes sont fiers et ardents avec leurs ennemis ; leur reconnaissance est glacée, leur haine est implacable. » Par le peu que j’ai cité, il est facile de connaître le ton et le mérite de Julien, dans ses éloges ; on doit les estimer par certaines vérités de détail, et des idées philosophiques qui sont de tous les pays et de tous les temps : mais il faut en convenir, le fond intéresse peu.

96. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Montluc, tout faible qu’il était, sut être sur pied et dans l’action partout où il le fallait, et, après le premier moment de surprise, l’ennemi fut repoussé. […] Messieurs mes compagnons, quand vous vous trouverez en telles noces, prenez vos beaux accoutrements, parez-vous, lavez-vous la face de vin grec, et la faites devenir rouge ; et marchez ainsi bravement parmi la ville et parmi les soldats, la care levée (la face levée), ne tenant jamais autre propos sinon que bientôt, avec l’aide de Dieu et la force de vos bras et de vos armes, vous aurez en dépit d’eux la vie de vos ennemis, et non eux la vôtre… Mais si vous allez avec un visage pâle, ne parlant à personne, triste, mélancolique et pensif, quand toute la ville et tous les soldats auraient cœur de lions, vous le leur ferez venir de moutons. […] Ce chétif souper avec un morceau de pain m’était un banquet, lorsqu’au retour de quelque escarmouche je savais les ennemis être frottés, ou que je savais qu’ils étaient en même peine que nous. […] À ce siège devant Thionville, il inventa un perfectionnement dans la pratique des tranchées ; c’était d’y faire, de distance en distance, et tantôt à droite, tantôt à gauche, des espèces de retours ou arrière-coins propres à loger des soldats qui défendraient au besoin la tranchée, si l’ennemi y sautait pour la détruire. […] Et, pour énumérer quelques-unes de ses qualités spéciales et naturelles qui venaient en aide à sa bravoure et la distinguaient d’une aveugle témérité, il avait « le coup d’œil topographique », et là où d’autres ne voyaient rien qu’escarpement et difficulté absolue, il discernait l’assiette possible d’une batterie, le côté faible et vulnérable d’une place : aussi excellait-il aux reconnaissances. — Il avait cet autre coup d’œil qui sait nombrer de loin une troupe dans une plaine, et, à un demi-mille de distance, il savait son chiffre, si considérable qu’il fut à cinquante hommes près. — Il s’entendait à merveille, dans une escarmouche, à « tâter » l’ennemi, c’est-à-dire à connaître à sa marche et à son attitude s’il avait peur ou s’il était en force et solide

97. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Au siège devant Mardyck (août 1646), les ennemis ayant fait une sortie, non content de les repousser de sa tranchée, Bussy, sur un mot du duc de Nemours, tint une sorte de gageure que lui-même appelle une folie, et il s’aventura à vouloir rejeter et relancer avec une faible élite le gros des assaillants jusque sur leurs palissades, si bien qu’aux premières décharges la plupart des siens, et les plus marquants, étaient hors de combat ; mais lui, qui n’avait eu encore que deux chevaux tués, tenait ferme dans cette attaque sans but et se faisait un point d’honneur de voir l’ennemi se retirer le premier : il fallut que le duc d’Enghien (le Grand Condé) lui fit donner l’ordre de se retirer, ajoutant que, « s’il avait à prendre un second dans l’armée, il n’en choisirait point d’autre ». […] À cette même tranchée devant Mardyck, au moment où il fallait en déloger les ennemis, Bussy, qui est entré par un côté, se rencontre tête à tête avec le duc d’Enghien, qui montait de l’autre, faisant main basse sur tout ce qui se présentait à lui : Je ne songe point, dit-il, à l’état où je trouvai ce prince, qu’il ne me semble voir un de ces tableaux où le peintre a fait un effort d’imagination pour bien représenter un Mars dans la chaleur du combat. […] Il avait le génie admirable, et particulièrement pour la guerre : le jour du combat, il était fort doux à ses amis, fier aux ennemis ; il avait une netteté d’esprit, une force de jugement et une facilité sans égale. […] Quand il était le plus faible en présence des ennemis, il n’y avait point de terrain d’où, par un ruisseau, par une ravine, par un bois, ou par une éminence, il ne sût tirer quelque avantage. […] [NdA] Un an avant la mort de ce grand homme, Bussy écrivait à l’évêque de Verdun (19 juillet 1674) : « On me mande que M. de Turenne vient encore de pousser l’arrière-garde des ennemis.

98. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 419-420

Une chose non moins singuliere, c’est que M. l’Abbé Nonote n’a recueilli de ses travaux que les injures qu’ils lui ont attirées de la part des ennemis de la Religion ; nous apprenons qu’il n’a ni bénéfice, ni pension ecclésiastique. On ne peut cependant se dissimuler qu’il n’ait rendu des services essentiels à la Religion & aux mœurs, en décréditant Voltaire, leur plus dangereux ennemi ; car de tous les Ouvrages publiés contre ce célebre Ecrivain, aucun n’a autant contribué, que le tableau de ses erreurs, à lui faire perdre l’espece d’autorité que ses talens lui avoient acquise sur l’opinion publique.

99. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Caïrbar comprit que l’ennemi s’avançait, et appela les chefs de son armée. […] Il allait combattre : l’ennemi disparaissait. […] Veux-tu qu’il détruise tes ennemis. […] Depuis longtemps nos deux familles sont ennemies ; mais nous, ô mon cher Salgar ! nous ne sommes pas ennemis.

100. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Hé bien, voilà, reprit-il, mon cher fils, comme je veux que tu me venges de tous mes ennemis !  […] Il jure de le venger et tue lui-même son meurtrier d’un autre coup de poignard ; le pape lui pardonne et lui donne le conseil de prendre garde à ses ennemis. […] Benvenuto crie quelquefois après Pompeio, un officier milanais de Sa Sainteté, qui s’était de tout temps déclaré son ennemi. […] Les fugitifs de Florence, ennemis des Médicis, le raillèrent sur son amour pour eux et crurent au retour de la république. […] C’était un fameux prédicateur, partisan des ennemis des Médicis.

101. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 430-432

Il n'est peut-être pas inutile de remarquer que les succès rapides de ce savant Médecin, dont la jeunesse en promet de plus grands, lui ont attiré des ennemis d'autant plus aigris qu'ils courent la même carriere, & que leur haine n'a pris sa source que dans le sentiment de la supériorité de ses talens, employés par le Gouvernement. […] Si M. de Vicq avoit la foiblesse de s'affliger de ces persécutions odieuses, qui ne sont propres qu'à déshonorer ceux qui se les permettent, nous prendrions la liberté de lui faire observer que le suffrage du Gouvernement & l'estime des Citoyens honnêtes & éclairés dont il jouit, sont plus que suffisans pour le dédommager des clameurs de ses ennemis.

102. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Alors les ambassadeurs représentèrent avec énergie l’impossibilité où ils étaient de leur porter secours autrement que par des négociations : « Vos vallées sont enclavées dans les États de vos ennemis ; tous les passages sont gardés ; aucune nation n’est en mesure de faire la guerre à la France dans votre seul intérêt ; nulle armée ne pourrait même pénétrer jusqu’ici, et vous seuls, enfin, vous avez à peine trois mille combattants. […] Il vous est impossible de lutter de vive force contre vos ennemis ; il vous est impossible d’être secourus ! […] Une nuit, les ennemis firent une sortie considérable à la tête d’une tranchée ; ils avaient déjà fait plier les troupes de garde et auraient causé un grand désordre, si Catinat « qui était de jour » n’eût ramené ces mêmes troupes avec tous les officiers du régiment d’Auvergne ; il y reçut un coup de mousquet qui, heureusement, ne fit que percer son chapeau et couper sa perruque. […] Catinat menaçait toujours de passer le Rubicon, mais il ne le passait point, et tout en étant ferme dans sa consigne, il eut quelque lenteur dont l’ennemi profita. […] L’ennemi perdit 4 000 hommes environ, et nous en eûmes plus de 2 000 hors de combat.

103. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Un général comme Catinat qui veut qu’il y ait discipline dans ses troupes, qu’on ne pille pas l’habitant, qu’on ne mange pas le pays ennemi, et qui a de ces perpétuels scrupules de probité et d’humanité, est toujours dans l’embarras des subsistances et devient naturellement l’homme des objections. […] Catinat, gêné d’abord par ses instructions, plus gêné encore par son allure naturelle et par le fond de son tempérament, se montre plus que jamais le général embarrassé qu’on a précédemment entrevu ; il tâtonne, il est incertain ; il ne connaît pas bien cet échiquier nouveau, étendu, qui n’est plus celui du Piémont et des frontières ; toujours en retard de coup d’œil sur l’ennemi, à force de prévision éparse et inquiète il n’a nulle invention, tandis que celui qu’il a en face de lui en est rempli et abonde en conceptions hardies et neuves. […] À tous les embarras dont le principe était en lui, il faut en ajouter un des plus singuliers et pour le moins égal : le duc de Savoie avait changé de parti ; il était en sa qualité de prince souverain le général en chef de toute l’armée, quand il y était présent ; mais il faisait toujours le même métier, un métier double ; il n’y allait pas franchement ; il s’entendait sous main avec le parti contraire et dénonçait, dit-on, nos mouvements à l’ennemi, bien que résolu dans le même temps de se battre en brave dans nos rangs et à notre tête. […] Le 13 novembre, dans une marche près d’Urago, l’ennemi ayant fait mine d’attaquer, Catinat, qui avait mis pied à terre pour regarder plus commodément avec une lunette, fut blessé à l’avant-bras gauche d’un coup de carabine qui lui déchira ensuite son justaucorps au-dessous de la mamelle ; la balle ne fit que traverser les chairs. […] Il n’en fut rien pour Catinat : bon esprit, de tout temps ennemi de l’ostentation, simple par goût, contenu et ramené au juste sentiment de lui-même, et à un sentiment moins que juste peut-être, depuis ses disgrâces, poussant la modestie jusqu’à l’humilité, il fut après ce qu’il était devant.

104. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

s’écria l’Empereur42 ; ils supposent toujours que l’ennemi prendra les résolutions les plus habiles, les plus savantes ; mais, s’il en était ainsi, il ne faudrait jamais se coucher à la guerre, puisqu’il n’y a pas de chances plus favorables que de surprendre l’ennemi endormi, comme Daun a surpris Frédéric le Grand à Hochkirch. […] La certitude que j’ai un ennemi puissant si près de l’Empereur ne me laisse aucun espoir d’améliorer mon sort. […] Mais non content de me faire rétrograder dans ma carrière et de changer un rôle important contre le poste le moins estimé de l’armée, on me place sous la férule de mon plus cruel ennemi. […] Napoléon vient de le nommer ; voilà l’ennemi secret, celui qu’il eût voulu supprimer partout autour de lui, et auquel il trouvait à redire chez Jomini, chez Saint-Cyr, chez un certain nombre de raisonneurs clairvoyants et judicieux. […] Les services de Jomini dans cette retraite furent d’un autre ordre : il avait étudié le pays et savait les endroits moins ravagés, les chemins qu’on pouvait prendre pour avoir chance d’éviter l’ennemi, ou du moins pour le trouver moins en force.

105. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Mais ce serait faire erreur : nous oublions que chaque espèce, même dans les lieux où elle est le plus répandue, subit toujours une destruction considérable à certaines phases de la vie individuelle de ses représentants et du fait de leurs ennemis ou de leurs compétiteurs pour la même place au soleil et pour la même nourriture. Si ces ennemis ou ces concurrents sont le moins du monde favorisés par un léger changement de climat, ils s’accroîtront en nombre, et, comme chaque région est déjà peuplée d’un nombre suffisant d’habitants, les autres espèces devront décroître. […] — D’un autre côté, il arrive fréquemment qu’un grand nombre d’individus de la même espèce, relativement au nombre de ses ennemis, est absolument nécessaire à sa conservation. […] Il s’ensuit que, si de certains oiseaux insectivores diminuaient de nombre au Paraguay, les insectes parasites ennemis des Mouches s’accroîtraient ; de sorte que, le nombre de ces dernières venant à diminuer, elles n’empêcheraient plus les Bœufs de vivre à l’état sauvage. […] Si nous souhaitons accroître, dans sa nouvelle patrie, le nombre moyen de ses représentants, ils devront être modifiés d’une autre manière et dans une autre direction que si nous voulions obtenir un pareil résultat dans leur contrée natale ; car il nous faudrait leur procurer l’avantage sur un ensemble de compétiteurs ou d’ennemis tout différents.

106. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Quelle fierté fidèle, et en même temps quel art délicat dans ce souvenir du poëte, qui, se nommant avec orgueil le nourrisson favori de la ville de Thèbes, alors tant répudiée par les Grecs, revendique en même temps pour elle la parenté de la vaillante Égine, naguère l’ennemie, et aujourd’hui la glorieuse alliée d’Athènes ! […] « Comment oseraient-ils attendre les ennemis étrangers qui leur arrivent ? […] Quelle explication de sa victoire dans l’idée que ses ennemis mêmes ont de sa liberté ! […] Alors se renouvelle, ce qu’Athènes ne pouvait jamais assez entendre, le myriologue, l’élégie funèbre de ses ennemis sur eux-mêmes117 : « Ô roi Jupiter ! […] Là s’applique le mot si juste de Racine : « Ce qui se passe à deux mille lieues de nous semble presque se passer à deux mille ans. » Tel dut être pour l’imagination de la Grèce ce lendemain de sa victoire, contemplé dans le deuil même de ses ennemis, au-delà des mers, au milieu de leurs villes dépeuplées et de leurs palais tremblants.

107. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Friant, dès les premières campagnes où il se trouva avec son bataillon devant l’ennemi, fit preuve à la fois d’ardeur et de discipline (chose rare alors) : à Fleuras, entouré par un corps nombreux de cavalerie autrichienne, il fit former le carré à son bataillon, et se fraya passage sans être entamé. […] À la bataille de Sediman, où Mourad Bey à la tête de ses mameluks se brisait contre les carrés français, mais où un feu de quatre pièces tiré des hauteurs emportait bien des hommes, qui une fois tombés et laissés sur le champ de bataille étaient massacrés, le général Desaix, affligé de voir ces braves périr d’une mort horrible, eut un moment l’idée de rejoindre les barques pour les y déposer ; il demanda l’avis de Friant qui lui répondit aussitôt, en lui montrant les retranchements ennemis : « Général, c’est là-haut qu’il faut aller ; la victoire ou la mort nous y attend, nous ne devons pas différer d’un moment l’attaque. » — « C’est aussi mon sentiment, répliqua le général Desaix, mais je ne puis m’empêcher d’être ému en voyant ces braves gens périr de la sorte. » — « Si je suis blessé, repartit le général Friant, qu’on me laisse sur le champ de bataille !  […] Il était d’une grande taille, portant la tête haute, surtout devant l’ennemi ; d’une tenue irréprochable ; doué d’un esprit fin et juste, d’un courage et d’une bravoure incontestables et incontestés ; il aurait figuré dans le nombre de ces nobles et vaillants chevaliers cités dans l’histoire et dans les poèmes épiques, qui ne comptaient leurs ennemis que quand ils avaient mordu la poussière.

108. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Les premières poursuites de la cavalerie n’ayant rien appris de positif, le maréchal Grouchy fut chargé avec un corps considérable (36,000 hommes) d’atteindre l’ennemi dans sa marche qu’on estimait plus confuse qu’elle ne l’était, de le suivre l’épée dans les reins, de le talonner, de l’empêcher de se rallier, et, s’il se rabattait vers Bruxelles du côté des Anglais, de le retarder le plus possible, en se tenant dans tous les cas entre lui et l’armée française, de manière à pouvoir se rallier à celle-ci dès qu’il y aurait lieu. […] Le premier jour qui devait être employé si activement, Grouchy, après des tâtonnements infructueux pour s’assurer de la marche des Prussiens, ne fit que deux lieues, s’arrêta à six heures du soir et jugea qu’il serait à temps le lendemain pour suivre l’ennemi, qui se trouvait ainsi avoir gagné sur lui plusieurs heures. […] en imposa à l’ennemi et rassura nos troupes qui en avaient besoin ; car Bülow, à ce moment même, menaçait le flanc et les derrières de notre armée ; sa canonnade prolongée étonnait les nôtres ; il était important de ne faire de mouvement rétrograde nulle part et de se maintenir dans la position prise, quoiqu’on se fût trop hâté. […] Sire, les ennemis, sont déjà assez heureux » ; et, s’emparant de la bride, il poussa le cheval de l’Empereur sur la route de Charleroi.

109. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

L’homme qui avait proposé pour devise à nos soldats entrant en pays ennemi : Guerre aux châteaux, paix aux chaumières ; celui qui disait en 1792 : Je ne croirai pas à la révolution, tant que je verrai ces carrosses et ces cabriolets écraser les passants, ne pouvait pas aisément être regardé comme un ennemi du peuple. […] La chaleur avec laquelle il avait embrassé la cause d’une révolution qui heurtait tant de vieilles idées et blessait tant d’intérêts, lui a fait, de tous les ennemis de cette révolution, des ennemis personnels.

110. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

En ce temps-là, la Royauté, — engloutie dans des mêlées d’hommes que j’appellerais volontiers la Démocratie d’en haut ; car, en somme, les Aristocraties ne sont pas davantage : c’est toujours le nombre, le nombre maudit, l’éternel ennemi de l’unité !  […] Seulement, chose plus étrange encore, et qui n’étonne pas, du reste, quand on connaît la rouerie des ennemis de l’Église, c’est précisément cette Sainteté apparaissant à travers tous les faits d’un règne, que je n’ai pas, comme M.  […] Parce que ce grand Justicier a fait justice envers et contre tous, et même contre lui-même, quand il renonça, par exemple, aux droits injustement acquis que les traités de ses prédécesseurs lui avaient donnés sur l’Angleterre ; — parce que, dans son différend avec l’évêque de Beauvais, il ne céda ni à l’évêque, ni même au pape ; — parce que, dans la honteuse défection de Thibaut de Champagne, violateur de ses engagements, Saint Louis ne s’arrêta ni devant sa qualité de croisé, ni devant la défense de l’attaquer que lui fit le pape et tira l’épée ; — les historiens ennemis, sortant des limites de son droit dans lequel il resta toujours, ont trouvé plaisant d’opposer à la Papauté un Saint reconnu par la Papauté, et lui ont fait de cette circonstance une impertinente et impossible gloire. Ils sont même allés, pour prouver qu’en Saint Louis le Roi foulait aux pieds quelquefois le Saint, jusqu’à inventer cette fameuse Pragmatique si longtemps invoquée, qui fit, jusque de Bossuet, une dupe si coupable, et dont une Critique plus avisée et plus savante a démontré récemment la fausseté, comme si on avait eu besoin de cette démonstration, maintenant irréfragable, pour être sûr de la fausseté de cet acte, évidemment stupide avant d’être faux ; car je ne sache pas que l’Église, qui a canonisé Saint Louis, ait eu jamais l’habitude de canoniser ceux qui la canonnent — c’est-à-dire ses ennemis !

111. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Le fragment historique qui sert de préface au livre de M. de Meaux montre que l’Église, représentée par ses ennemis comme le plus incompatible et le plus impitoyable des Pouvoirs, fut, au contraire, magnifique de bonté jusque dans sa manière de punir. […] L’Ordre teutonique n’écouta pas la voix du Pontife, et quand le Protestantisme s’empara de l’Allemagne catholique, il apostasia… Enfin, l’auteur des Luttes religieuses fait la distinction, que les ennemis de l’Église ne font jamais, entre l’Inquisition romaine et l’Inquisition espagnole, établie contre les Maures relaps, implacables ennemis des Espagnols, et que nulle hypocrisie, nul mensonge, nulle profanation n’effrayaient. […] Quant aux Juifs, si détestés par tous les peuples du Moyen Âge en pleine jeunesse et en plein amour de Jésus-Christ, qu’ils avaient crucifié, l’Église, qui les savait des ennemis acharnés, prit contre eux toutes les précautions de la prudence, mais leur laissa pratiquer leur culte, « en considération du témoignage involontaire et providentiel rendu par la synagogue à l’Évangile ».

112. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Michelet, en effet, cet ennemi, ce contempteur du Christianisme, était un chrétien, — un chrétien malgré lui, — malgré la haine, qui voulait être violente, de sa pauvre âme dévoyée contre le Christianisme, pour lequel surtout elle était faite. […] Le cadavre de Michelet — un jour, qui n’est pas loin, — sera dévoré par cette dégoûtante Vampire, et ce sera nous, les chrétiens, ses ennemis, qui, avec nos regrets pour ce qu’il eut de chrétien dans l’âme, ferons le plus pour sa mémoire ! […] Ce Saint François d’Assise de la guerre, qui était de force à marcher, pieds nus, sur des baïonnettes, ne demandait des souliers que pour aller mieux à l’ennemi… Après Brumaire, le grand Connaisseur en mérite et en gloire qui régnait déjà sur la France, voulut en faire un sénateur. […] Ses grenadiers adorés, qui l’adoraient, le mirent dans la terre comme toute sa vie ils l’avaient vu dessus : la face tournée vers l’ennemi.

113. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Il y a des gentilshommes de lettres ; lui, il fut toujours un chouan de lettres, et littérairement, tant qu’il vécut et n’importe dans quelle histoire il s’engagea, il resta toujours chouan, toujours le Marche-à-Terre de Balzac ; — mais un Marche-à-Terre qui ne rampait que devant l’ennemi, pour se relever et le frapper mieux ; un Marche-à-Terre dont la peau de bique n’avait rien de sinistre et cachait l’intrépide gaieté d’un Gaulois ! […] Le chantage, par exemple, cette réputation qui plane sur toute la vie de Crétineau, dit l’abbé Maynard, et qui est le sort commun, fait par les ennemis, de tous ceux qui mettent la main dans la boue de la politique ; le chantage, cette revanche du fumier d’Augias qui se venge d’Hercule ! […] Il en avait la gaieté, la bonne humeur, la verte allure la nature à pleine main, ce Jacques, défenseur des jésuites et du Pape, qui n’avait ni peur de souper chez ses ennemis ni scrupule de se montrer, tous les soirs, dans les coulisses de l’Opéra. […] quant à mes ennemis, je m’en charge.

114. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Je me rappelle les longues fuites de Maupassant hors de la société des hommes, ses solitudes de plusieurs mois, en mer ou dans les champs, ses tentatives de retour à une vie simplifiée, toute physique et tout animale, où il pût oublier l’ennemi sourd, l’ennemi patient qu’il portait en lui ; puis, quand il rentrait parmi nous, cette fièvre d’amusement, et de plaisanteries, et de jeux presque enfantins, qui était encore comme une fuite, une évasion hors de soi… Vains efforts ! […]     Au reste, le naturalisme a deux grandes ennemies : la douleur et la mort.

115. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Aussi découvre-t-il d’un coup-d’oeil le mauvais mouvement que fait son ennemi, et que des officiers plus vieux que lui regarderont long-temps, avant que d’en appercevoir le motif ou le défaut. […] La crainte de la mort intimide ceux qui ne s’animent point à la vûë de l’ennemi, et ceux qui s’animent trop, perdent cette présence d’esprit, si nécessaire pour voir distinctement ce qui se passe, et pour découvrir ce qu’il conviendroit de faire. Quelqu’esprit qu’ait un homme, quand il est de sang froid, il ne sçauroit être un bon general, si l’aspect de l’ennemi le rend, ou fougueux ou timide.

116. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Malgré tout, en effet, malgré la contagion de la libre pensée, ce terrible choléra moderne de la libre pensée qui les ronge et qui les diminue chaque jour, les chrétiens sont encore assez nombreux pour faire de la gloire comme le monde la conçoit et la veut, — et, de cela seul que l’Église mettait en question la sainteté de Christophe Colomb, il avait sa gloire, même aux yeux des ennemis de l’Église, qui, au fond, savent très bien, dans ce qui peut leur rester d’âme, qu’il n’y a pas sur la terre de gloire comparable à celle-là ! […] Il recommença d’attendre, avec le poids de son talent méconnu et refoulé sur son cœur, l’occasion favorable où il pourrait prouver, à ses amis comme à ses ennemis, qu’il en avait. […] Le livre de Léon Bloy, que les ennemis de l’Église traiteront de mystique pour l’insulter et pour n’y pas répondre, — comme si le mysticisme n’était pas la dernière lueur que Dieu permette à l’homme d’allumer au foyer de son amour pour pénétrer le mystère de sa Providence, — ce livre, creusé plus avant que l’histoire du comte Roselly de Lorgues dans les entrailles de la réalité divine, est encore plus la glorification de l’Église que la glorification de Christophe Colomb.

117. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Mais il n’a pas pesé sur elle ; il a pesé sur d’autres fautes, qui ne furent peut-être que des conséquences de celle-là… Il a pesé sur les troubles des Flandres, sur les atroces et inutiles exécutions du duc d’Albe, sur les monstrueuses concussions d’une administration arrivée au dernier degré de la rapacité et de la corruption, sur l’effroyable indiscipline d’une armée qui abandonne son drapeau devant l’ennemi qu’elle sait vaincre encore, parce que cet ennemi, pillé par elle, n’a plus rien qu’elle puisse lui voler ! […] il n’y a que l’amour qui puisse expliquer Philippe II et son règne, et l’empêcher d’être dans l’Histoire l’espèce de monstre qu’ont fait de lui dans l’imagination des hommes les ennemis de ce qu’il aimait. […] Il n’y a que l’amour qui puisse faire comprendre les cruautés de son gouvernement contre les ennemis de sa foi, contre les blasphémateurs et les négateurs du Dieu qu’il aimait. […] Ce Philippe II, — que les ennemis du Catholicisme appellent un monstre, — sans son fanatisme religieux n’eût été, malgré tous ses crimes, qu’un monstre de médiocrité. […] Ces royalistes d’émigrés ne furent eux-mêmes que des révolutionnaires, comme leurs ennemis, et, véritablement, ils n’inspirent ni plus d’intérêt ni plus de respect que ceux-là qui n’émigrèrent pas.

118. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Son action éclatante étonna ses ennemis : ils l’empoisonnèrent. […] Cette histoire est une invention des ennemis de Marot. […] Il proposa des plans d’austérité qui lui suscitèrent bien des ennemis. […] D’autres ennemis de l’abbé de la Trappe firent diversion, ou plutôt l’occupèrent entièrement. […] Elle chargea Raphaël Fabretti, qui avoit l’inspection sur les catacombes, de réfuter l’ennemi des reliques.

119. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

lui répondis-je ; ne voyez-vous pas que ce sont les ennemis de la France qui ont fait circuler ce bruit ?  […] Elle se glorifiait devant les ennemis de Bonaparte du titre de victime, mais les seules victimes méritoires sont les victimes volontaires ; l’héroïsme malgré soi est plus voisin de l’ostentation et du ridicule que de la vraie gloire. […] Cependant elle n’osa pas résider ouvertement dans le seul pays ennemi de la France où sa résidence eût été un crime, puni peut-être dans la fortune de ses enfants. […] Tout fait présumer qu’elle augurait alors une fortune plus haute encore pour cet ancien ami, transfuge de la république, ennemi caché de Napoléon, allié secret et bientôt allié avoué de ses ennemis, que le flot de la guerre avait porté sur le trône de Suède et qu’un autre reflux pouvait reporter sur le trône de France. […] Necker dont jeune il avait partagé les opinions libérales, l’ennemie de Napoléon, la femme éloquente, la femme poëte, la femme politique qui, par son exemple et par son influence, ramenait aux Bourbons les républicains convertis à la monarchie tempérée.

120. (1739) Vie de Molière

Molière se fit dans Paris un très-grand nombre de partisans, et presque autant d’ennemis. […] Il lui fit composer la tragédie de Théagène et de Chariclée ; et quoique cette pièce fût trop faible pour être jouée, il fit présent au jeune auteur de cent louis, et lui donna le plan des Frères ennemis. […] La réputation naissante de Molière souffrit beaucoup de cette disgrâce, et ses ennemis triomphèrent quelque temps. […] Molière ayant opposé la protection et le zèle de ses amis aux cabales naissantes de ses ennemis, obtint du roi une permission verbale de jouer Le Tartuffe. […] On admire la conduite de la pièce jusqu’au dénouement ; on sent combien il est forcé, et combien les louanges du roi, quoique mal amenées, étaient nécessaires pour soutenir Molière contre ses ennemis.

121. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Napoléon, dans la situation extrême où il s’était placé, n’avait plus le choix ni l’initiative de l’action, et « c’était l’ennemi cette fois, qui le forçait à lever ses quartiers. » Il forma aussitôt un grand plan dans ses données habituelles : attirer par Bernadotte l’armée russe sur l’extrême gauche, marcher sur ses derrières, la couper de ses communications, l’acculer à la mer, l’anéantir ; — en un mot, recommencer Iéna. […] Soult avait soutenu seul le premier choc de l’ennemi ; puis était venu le corps d’armée d’Augereau qui, ayant donné sans s’en douter entre la réserve de cavalerie des Russes et celle de leur infanterie, s’était vu comme dévoré : « Le corps d’Augereau avait été détruit et laissait un vide par lequel les Russes s’avançaient directement sur Eylau. […] Napoléon l’attendait avec des trépignements d’impatience ; enfin, à une heure, il se montra sur les hauteurs de droite, poussant devant lui les brigades détachées de l’ennemi, et venant rétablir les affaires. […] Peut-être le savant et le virtuose de guerre se laissa-t-il trop voir, comme lorsqu’il s’échappa à dire à un moment, en apercevant les fautes, les manques d’ensemble et de suite de l’ennemi : « Ah ! […] Le plus court eût été de passer par Pompiken et de joindre la route de Creutzburg ; mais le général Lestocq se trouvait en présence du maréchal : je ne pouvais pas risquer de tomber entre les mains d’un parti ennemi.

122. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Les haines et les ennemis de Voltaire. — 3. […] Les ennemis de Voltaire Voltaire mit souvent ce génie et cette puissance au service de ses passions personnelles. […] La satire du Pauvre Diable (1738) distribua impartialement de larges volées de bois vert sur les épaules de tous les ennemis du « vieux Suisse », ennemis philosophiques, poétiques, personnels ; jansénistes, jésuites, parlementaires, comique larmoyant, Gresset, Trublet, Pompignan, Desfontaines, Fréron, Chaumeix : que sais-je ? […] En même temps il se chamaillait avec les ennemis qui poursuivaient Rousseau, le professeur Claparède, le pasteur Jacob Vernet, l’archevêque d’Auch Montillet : tant leurs causes étaient liées, indépendamment de leurs différends personnels. […] La moitié de ses ennemis étaient ses obligés, ses ingrats.

123. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Ils accusèrent les jansénistes de faire cause commune avec les protestants, et ceux-ci d’être des républicains, et de dangereux ennemis du pouvoir royal. Ils frappaient ainsi deux ennemis à la fois. […] Dès 1677, les remontrances de l’assemblée du clergé, ou les jésuites avaient de puissants amis, les sollicitations de la cour de Rome, provoquées par les intrigues de la société, les conseils du chancelier Le Tellier et du marquis de Louvois son fils, tous deux ennemis de Colbert, qui protégeait les protestants comme des sujets utiles, enfin l’intérêt particulier de Louvois, ministre de la guerre, qui était atterré, dit Saint-Simon, par le poids d’un armistice de vingt années, à peine commencées, et qui voulait rendre ses troupes nécessaires par la persécution des huguenots, (elles furent les causes des dragonnades de 1683 et 1684. […] On voit que madame de Maintenon n’y était pour rien : c’est ce que pensaient le duc de Saint-Simon et Voltaire ; l’un, détracteur impitoyable de cette femme illustre, l’autre, ennemi juré de toute persécution, ardent ennemi du fanatisme religieux. […] Victorieux depuis qu’il régnait, n’ayant assiégé aucune place qu’il n’eut prise, supérieur en tout genre à ses ennemis réunis, la terreur « de l’Europe pendant six années de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franche-Comté, Dunkerque et la moitié de la Flandre ; et ce qu’il devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d’une nation alors heureuse et alors le modèle des autres nations. » Les armées qui avaient conquis les pays dont sa longanimité rendait la plus grande partie par la paix de Nimègue, étaient florissantes, pleines de gloire et de confiance.

124. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Dès ses débuts, bien qu’il semblât aspirer avant tout à la gloire du poète tragique, il avait quelque chose qui décelait le juge et l’arbitre, et qui excluait l’idée de camarade : cela déplaisait, et, même avant qu’il eût pris le sceptre ou la férule au Mercure et ailleurs, on le traita sans aucune indulgence et presque comme un ennemi commun. […] Il faut que M. de La Harpe ait un secret particulier pour se faire plus d’ennemis qu’un autre. » En tête de sa seconde tragédie, Timoléon, lorsqu’il l’imprima, La Harpe se crut obligé de mettre une justification expresse sur les couplets de collège qui lui étaient imputés à crime, et il ajouta quelques réflexions sensées qui nous peignent très bien le moment où il parut : La mode dominante, disait-il, est aujourd’hui d’avoir de l’esprit… Tandis qu’un petit nombre d’écrivains illustres honore et éclaire la nation, un bien plus grand nombre d’écrivains obscurs, possédés de la manie d’être littérateurs, sans titres et sans études, ont fait une espèce de ligue pour se venger du public qui les oublie, et des véritables gens de lettres qui ne les connaissent pas. […] La vie ou la légende littéraire de notre auteur, brodée par ses ennemis, est semée de ces à-propos et de ces enjolivements. […] On peut penser si ses ennemis se réjouissaient de ces disparates. […] Il semblait, en effet, que, comme cet empereur romain qui voulait mourir debout, La Harpe se fût dit dans sa passion littéraire : « Il convient qu’un critique (même converti) meure en jugeant. » Depuis une quinzaine de jours que je vis avec La Harpe, je me suis demandé (à part les bonnes parties du Cours de littérature qui sont toujours utiles à lire dans la jeunesse) quelles pages de lui on pourrait aujourd’hui offrir à ses amis comme à ses ennemis, quel échantillon incontestable de son talent de causeur, d’écrivain, d’homme qui avait au moins, en professant, un certain secret dramatique, et qui savait attacher.

125. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

J’ai eu part à tant de négociations et d’affaires très secrètes de tous les États ennemis de la France, que des gens de cabinet trouveraient au moins de quoi s’amuser agréablement par des choses très variées et assez extraordinaires, que personne ne sait que moi, ou peu de gens qui ont intérêt qu’on les mette en oubli. […] Cette fois, il menaçait assez nettement de déserter à l’ennemi : il en eut sans doute regret dans le second moment. […] Il passa à l’ennemi en mars 1706. […] Le prince de Ligne rappelle que cette même faute avait été précédemment commise par les Condé, par les Turenne : « On n’était pas encore bien éloigné, dit-il, du temps de la Ligue et de la Fronde, où une portion de la noblesse de France s’unissait aux drapeaux des ennemis de l’État. » J’en demande pardon au spirituel prince de Ligne, il se trompe de cinquante ans, et l’on était très loin de cette époque de la Fronde en 1706. […] La comtesse de Bonneval, informée de cette brouillerie, pressentit de loin l’orage ; elle écrivait à son mari avec ce sens de prudence que le cœur développe chez les femmes : « J’ai beaucoup souffert des bruits qui se sont répandus ici de votre brouillerie avec le prince Eugène… Quand nos amis deviennent nos ennemis, je les crois les plus dangereux.

126. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Évidemment, c’est là le retour dissimulé, mais complet, au régime parlementaire, au régime que les ennemis de l’Empereur demandent, eux aussi, pour des raisons moins vaines, — parce que l’expérience leur a appris qu’en France, avec un tel régime, on pouvait venir facilement à bout du gouvernement le plus fort ! Et cependant, nous le répétons, l’auteur des Quatre années de règne n’est pas un ennemi de l’Empire. […] Or, c’est toujours une faute, quand ce n’est pas un crime, de parler la langue des ennemis !

127. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Rationalistes, sceptiques, éclectiques, et, par-dessus le marché, païennes de tendance, de portée et de volonté, — c’est-à-dire, sous des noms différents, ennemies de l’Église catholique et n’ayant de préoccupation et d’intérêt que pour les travaux qui la diminuent, — les Académies, et en particulier l’Académie française, dont il est seulement question ici à propos du livre de M.  […] C’est tragique, ce déterrement d’un cadavre pourri, qu’on ne déterre que pour s’en faire une arme, — que pour le jeter, avec la peste qu’il exhale, à la tête de ses ennemis ! […] Il est très habile pour ce qu’il veut faire, et il faut être chatouilleux comme moi à l’endroit du Christianisme et flaireur d’ennemi à distance, comme un Mohican qui reconnaît dans l’herbe la trace imperceptible du mocassin, pour dire, comme l’ours de la fable, — trop prudent, cet ours, mais ce n’est pas moi ! […] Ce n’est pas un ennemi du Christianisme à la froide façon de M. 

128. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Ce livre d’un prêtre qui pose la nécessité d’une théocratie a été salué par tous les ennemis de la théocratie et des prêtres. […] C’est donc du haut de leurs idées et de leur orgueil que les ennemis de l’Église ont fait tomber l’éloge sur le front épanoui de M. l’abbé Mitraud et qu’ils ont tendu leur main de Grec ( Timeo Danaos et dona ferentes ! […] Mitraud pose la nécessité d’une théocratie, et les ennemis jurés de toute théocratie l’acclament ! […] Ce qui lui manque, c’est donc le plus important, c’est l’intuition, l’observation, le principe net et subjuguant qui empêche de se méprendre sur la pensée d’un livre et d’un homme, et à la lueur duquel les amis se reconnaissent, — et les ennemis aussi, malgré la ruse de guerre de leurs perfides applaudissements !

129. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre V. Suite du Père. — Lusignan. »

j’ai combattu soixante ans pour ta gloire ; J’ai vu tomber ton temple et périr ta mémoire ; Dans un cachot affreux abandonné vingt ans, Mes larmes t’imploroient pour mes tristes enfants : Et lorsque ma famille est par toi réunie, Quand je trouve une fille, elle est ton ennemie ! […] Tu ne saurois marcher dans cet auguste lieu, Tu n’y peux faire un pas sans y trouver ton Dieu, Et tu n’y peux rester sans renier ton père… Une religion qui fournit de pareilles beautés à son ennemi mériterait pourtant d’être entendue avant d’être condamnée.

130. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Tout homme qui fait autre chose est l’ennemi direct de Wagner ; car combattre les idées du maître ce n’est pas leur faire du tort, au contraire ; mais les défigurer sous prétexte de les propager, c’est leur faire un tort irréparable. […] L’histoire nous montre que l’influence d’un grand homme est souvent plus bienfaisante dans un pays voisin, et même ennemi, que dans sa propre patrie. […] Ses ennemis ont de tout temps suffisamment exploité cette particularité de son style ; il n’était vraiment pas la peine que ses amis les imitassent. […] Les amis et les ennemis de Wagner sont entrés en lice pour voir qui écrira le plus de sottises sur ce pauvre homme. […] On ne saurait s’imaginer une antithèse plus parfaite. — Mais qui, parmi les ennemis de la Revue, a senti et signalé ce défaut primordial ?

131. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

« Les déserts ou les steppes, les montagnes même qui avoisinent ce beau pays, et surtout le vaste plateau de l’Iran, y amènent l’ennemi plus facilement encore qu’ils ne l’en défendent. » La première et la plus pure des religions de la haute Asie, la religion de Zoroastre, dans sa sincérité primitive et avant sa corruption, est esquissée en traits généraux qui la font respecter et donnent envie de la mieux connaître. […] Après avoir sauvé de l’élément ennemi l’Étolie pauvre et guerrière, la grasse Thessalie et la lourde Béotie, il se trouve tout à coup étroitement étranglé au centre par la double victoire que remporte la mer au golfe de Corinthe et à l’Euripe ; mais il se dédommage bientôt en lançant d’un côté la pointe de l’Attique et en s’épanouissant de l’autre en différents rameaux dans la Morée ; quand il cède enfin, il proteste encore contre sa défaite en faisant jaillir cette couronne de belles îles qui relient la Grèce, comme autant d’arches de pont, à l’Asie Mineure et à l’Italie. […] Rome, dès les premiers temps, s’incorpore et s’assimile les vaincus : les ennemis de la veille deviennent des concitoyens. […] Notre fondateur Romulus, bien plus sage, a vu la plupart des peuples voisins, en un seul jour ennemis de Rome et ses « concitoyens. » Le programme de Romulus (si Romulus il y a) fut celui de toute la République et de tout l’Empire ; il fut appliqué et pratiqué, bon gré, mal gré, à chaque période, et dans des proportions de plus en plus larges, jusqu’au jour où parut enfin ce décret impérial dont on fait honneur à Caracalla, et en vertu duquel tous les hommes libres, sans distinction, répandus sur toute la surface de l’Empire, se trouvèrent avoir acquis officiellement le droit de cité romaine. […] Zeller) tombe sous le couteau pour avoir voulu faire subsister dans la tolérance les communions et les sectes ennemies qui s’égorgeaient la veille.

132. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Venu dans les premiers moments de l’innovation romantique en France, il semble n’avoir voulu, pour son compte, en accepter et en aider que la part vigoureuse, énergique, toute réelle et observée : à d’autres la théorie ou le chant, la vapeur et le nuage ; lui, ennemi du convenu, se méfiant de la phrase, pratiquant à la fois le positif et le distingué, il s’attacha tout d’abord à circonscrire ses essais pour mieux les creuser et les asseoir. […] Céder aux alliés une partie de ses droits, c’eût été aux yeux du dernier plébéien de Rome s’avouer vaincu par des ennemis dont on lui redisait chaque jour la défaite ; c’eût été comme renoncer à une propriété qui, pour n’être qu’une satisfaction d’amour-propre, ne lui en était pas moins précieuse. […] Rome recule aux années de son berceau où l’ennemi n’était jamais qu’à quelques journées, et où la fumée des camps montait aux collines de l’horizon. […] On le trouva enfin percé de coups, mais respirant encore, entouré de cadavres ennemis. […] Ils tentèrent de s’échapper par un souterrain ; mais, ne l’ayant pu, ils ne voulurent pas laisser à leurs ennemis la joie de les voir mourir. « A cette époque, dit l’historien, la fureur des combats de gladiateurs avait fait inventer une espèce de suicide à deux.

133. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Il est arrivé au cardinal Mazarin, si heureux en toutes choses, un très grand malheur après sa mort : cet homme, sans amitiés et sans haines, n’a eu qu’un seul ennemi avec qui il ne se soit pas réconcilié et à qui il n’ait jamais pardonné, le cardinal de Retz ; et celui-ci, en écrivant ses immortels Mémoires, a laissé de son ennemi, de celui en qui il voyait un rival heureux, un portrait si gai, si vif, si amusant, si flétrissant, que les meilleures raisons historiques ont peine à tenir contre l’impression qui en résulte, et qu’elles ne parviendront jamais à en triompher. […] C’était lui faire pressentir dès lors qu’elle n’aurait point en lui un ennemi. […] Au reste, les premières influences de cet avènement suprême de Mazarin sont admirablement rendues et dépeintes par son ennemi même, par Retz, qui, dans une page incomparable, nous fait sentir l’adresse, le bonheur, et, pour ainsi dire, le prestige caché de cette nouvelle grandeur insinuante. […] Le fils de Robert Walpole, Horace, prenant en main la défense de son père contre les ennemis qui l’avaient tant insulté, s’écriait un jour : Chesterfield, Pulteney et Bolingbroke, voilà les saints qui ont vilipendé mon père… voilà les patriotes qui ont combattu cet excellent homme, reconnu par tous les partis comme incapable de vengeance autant que ministre l’a jamais été, mais à qui son expérience de l’espèce humaine arracha un jour cette mémorable parole : « Que très peu d’hommes doivent devenir premiers ministres, car il ne convient pas qu’un trop grand nombre sachent combien les hommes sont méchants. » On pourrait appliquer cette parole à Mazarin lui-même, sauf le mot excellent homme qui suppose une sorte de cordialité, et qu’il ne méritait pas ; mais il est vrai de dire que c’étaient de singuliers juges d’honneur que les Montrésor, les Saint-Ibar, les Retz et tant d’autres, pour venir faire la leçon à Mazarin.

134. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

On sait que la Macédoine, à cette époque, était une espèce de Grèce monarchique, tantôt alliée, tantôt ennemie du Péloponnèse. […] C’est le moment que choisirent les ennemis naturels d’Alexandre pour s’élever contre sa mémoire et pour tourner contre lui des rancunes et des reproches égaux au moins à l’immensité de sa gloire. […] Il y a des moments, en révolution, où l’on a également à redouter ses amis et ses ennemis. Trop indulgent pour la tyrannie nécessaire aux yeux des uns, trop ennemi des tyrans aux yeux des autres, on n’a plus qu’à périr ou par ses premiers amis ou par ses récents ennemis. […] Quoi qu’il en soit, il ne mourut pas sans avoir laissé à sa femme et à son fils une fortune dérobée à ses ennemis.

135. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Thiers comme on a des préférences dans le camp ennemi. […] Écoutez, voilà Lampride : « Qu’on arrache les signes de sa dignité à l’ennemi de la patrie… l’ennemi de la patrie ! […] … qu’on le jette à la voirie… qu’il soit déchiré… l’ennemi des dieux, l’ennemi du sénat, aux égouts ! […] … Ne vous avons-nous pas obéi quand vous nous avez dit de supprimer la peine de mort contre nos ennemis ? […] … Nous ne reconnaissons plus d’ennemis à terre !

136. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Quelle que soit l’horreur qu’inspire un scélérat, il surpasse toujours ses ennemis dans l’idée qu’il se fait de la haine qu’il mérite ; par-delà les actions atroces qu’il commet à nos yeux, il sait encore quelque chose de plus que nous qui l’épouvante, il haït dans les autres l’opinion que, sans se l’avouer, il a de son propre caractère ; et le dernier terme de sa fureur serait de détester en lui-même ce qu’il lui reste de conscience, et de se déchirer s’il vivait seul. […] Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher. […] Le scélérat est inquiet et défiant au fond de sa propre pensée ; il traite avec lui-même comme avec une sorte d’ennemi ; il garde avec sa réflexion quelques-uns des ménagements qu’il observe pour se montrer au public ; et, dans un tel état, il n’existe jamais l’espèce de calme méditatif, d’abandon à la réflexion, qu’il faut pour contempler toute la vérité et prendre d’après elle une résolution irrévocable.

137. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Quand il fit la tragédie de Théagène, sur laquelle il consulta Molière, & celle des Frères ennemis, dont ce comique lui donna le sujet, il portoit encore l’habit ecclésiastique. […] A l’impression de la Phédre de Racine, ses ennemis firent de nouveaux efforts : ils se hâtèrent de donner une édition fautive. […] La persécution de ses ennemis & la crainte d’avoir déplu au roi dans une affaire où madame de Maintenon l’avoit engagé, & où elle ne le soutint point, abrégèrent ses jours.

138. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhade, Laurent (1854-1919) »

. — L’Ennemi du peuple, conférence (1900). […] Et l’on sait aussi comme se vengèrent courageusement, en le bafouant et en l’insultant quand il fut blessé, le 4 avril 1894, au restaurant Foyot, par l’explosion d’une bombe d’anarchiste, les éminents illettrés qu’auparavant, dans son livre et dans sa conférence au Théâtre de l’Œuvre, lors de la représentation d’Un ennemi du peuple, il avait fustigés sans qu’ils aient alors osé répondre.

139. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Là-dessus, s’exhortant les uns les autres, ils courent vers l’ennemi, rangés par colonnes, non pas en cercle, mais laissant une issue aux ennemis, s’ils voulaient fuir. […] L’ennemi s’enfuit dans le bois. […] « Xénophon et les siens crurent que l’ennemi attaquait. […] Les ennemis qu’il rencontre sont pour l’auteur des ennemis personnels. […] Ils étaient jadis les ennemis de l’ordre public ; ils sont maintenant les ennemis de la caisse publique.

140. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

Quand Archiloque étoit las de s’exercer sur ses ennemis, il déchiroit impitoyablement ses amis & ses proches. […] Nous ignorerions les égaremens de sa verve insensée, la terreur qu’il inspiroit, la haine qu’on lui portoit, ses débauches infames, sa poltronerie extrême, la honte dont il se couvrit en jettant son bouclier. » Sa querelle avec Lycambe vint de ce que ce dernier, également homme de lettres, mais ennemi de la démence & de l’abus de la poësie, refusa de lui donner sa fille en mariage.

141. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

J’aurai besoin d’eux devant l’ennemi, car on ne fait rien tout seul : je vais m’attacher à les bien connaître. » Le 15 janvier 1837, il touche pour la première fois la terre d’Afrique. […] Trois semaines après, par une péripétie qui se rencontrera plus d’une fois dans sa carrière et qui en est, si l’on y prend garde, la mauvaise étoile et comme le guignon dominant, dans un camp perdu, loin de toute ville, il était saisi du mal qui sera son ennemi familier, le choléra le terrassait : « Ô mon Dieu, comme je regrettais les balles de Constantine ! […] En perçant le rideau des braves zouaves qui la couvraient à l’arrière-garde, l’ennemi n’eût trouvé qu’une armée démoralisée. […] Nous allons trouver sur le Danube un ennemi fortifié, bien établi dans un camp retranché, qui rend son armée, déjà forte, très mobilisable. […] Il a de l’artiste, du soldat, de l’homme surtout, et si l’on voulait donner à quelque étranger de distinction, à quelqu’un de nos ennemis réconciliés, la définition vivante de ce qu’est un brillant officier français de notre âge, on n’aurait rien de plus commode et de plus court que de dire : Lisez les lettres du maréchal de Saint-Arnaud.

142. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Ses ennemis, tout couverts de ridicule, ne lui cédaient pas la place. […] Loin d’avoir dépassé la mesure de langage usité en ce temps-là quand il s’agissait de Louis XIV, il se fit accuser par ses ennemis de froideur et de mauvaise volonté, et l’on trouvait trop de réserve, et plus de leçons que de compliments, dans les morceaux qui nous paraissent, à nous, de pures flatteries. […] S’il louait l’« hymne inspiré » de l’amour de Dieu, le tour de raillerie du satirique l’inquiétait, et les condamnations sévères qu’il portait sur certaines satires nous montrent qu’il avait pressenti chez Despréaux une raison déjà émancipée : comme Descartes, ce n’était là pour lui qu’un allié d’occasion, capable d’être l’ennemi du lendemain. […] Les querelles littéraires n’avaient jamais eu d’influence sur son humeur, ni de contre-coup sur sa vie ; l’affaire de Phèdre et les menaces du duc de Nevers n’avaient été qu’un incident vite oublié ; il s’était réconcilié avec Quinault, avec Boursault, avec Perrault, sans effort, et de bon cœur, n’ayant jamais été l’ennemi que des idées, et non des personnes. […] Vint la malheureuse satire sur l’Équivoque : les ennemis de la Compagnie firent à cette pièce un tel succès, que l’auteur n’osa l’imprimer.

143. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

. — Le Directoire exécutif, tel que le projet l’annonce, est un berceau, qu’on nous passe ce mot, un nid de factions ennemies ; et sa destinée serait de ressembler bientôt à tous les conseils de gouvernement que nous avons vus en France depuis trois ans, où Roland et Pache, Robespierre et Billaud se sont tour à tour arraché la puissance… Je n’entre pas dans le détail des voies et moyens, des remèdes plus ou moins efficaces qu’il proposait ; je ne fais qu’indiquer la ligne générale de Roederer en ces années. […] Roederer essayait de se tracer une marche raisonnable, prématurée, entre le système conventionnel et celui de l’émigration, entre la Terreur révolutionnaire et la contre-révolution, « faisant, disait-il, la guerre à l’un et à l’autre, et s’attirant des ennemis des deux côtés ». […] Il avait alors des ennemis en grand nombre. […] je ne me rappelle pas… » — « Si fait, c’est au sujet des contributions levées en pays ennemi. […] — Un de mes amis me demandait ce soir (6 janvier 1802) comment je ne craignais pas de louer publiquement le premier consul et de déprimer si hautement ses ennemis.

144. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Les princes et les officiers s’étaient fort vaillamment conduits, mais le régiment des Gardes avait lâché pied tout d’abord, et, aux premières décharges de l’ennemi, s’était jeté dans le Mein sans que rien pût l’arrêter. Et en dehors de ce corps d’élite, il y avait peu de régiments d’infanterie dont on pût dire du bien. » Dans une lettre particulière au roi, le maréchal ne dissimulait rien de cette mauvaise conduite des troupes : la perte matérielle n’était pas grande, elle était même moindre peut-être, à ce combat de Dettingen, que celle de l’ennemi ; mais c’était le rendre aux troupes le courage et de ranimer la confiance du soldat qui semblait le plus difficile. […] Mais ces Matinées royales ou prétendus Conseils de Frédéric à son neveu et à son héritier sont des moins authentiques, et les hommes les plus versés dans la critique des Œuvres du grand Frédéric les considèrent comme un pamphlet, un pamphlet habilement rédigé, mais d’une fabrique ennemie, et d’un esprit tout à fait indigne du monarque auquel la malice les a attribuées. […] « Ce siècle-ci n’est pas fécond en grands hommes. » Il le dit et en prend son parti, se consolant de n’avoir ni Condé ni Turenne, puisque les ennemis de leur côté n’ont ni de prince Eugène ni de Marlborough. […] , page 122) ; et au moment décisif, il est pris d’incertitudes et d’indécisions en face de l’ennemi.

145. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Un groupe ment aux autres groupes, voisins, alliés, rivaux ou ennemis, soit pour se les concilier et les retenir dans son amitié, soit pour les intimider et les tenir en respect, soit pour justifier ses entreprises contre eux (prétextes humanitaires dont on colore les expéditions coloniales, etc.). […] Elle a pour ennemies naturelles la clairvoyance et la sincérité des individus. […] Il y a l’idéologie solidariste qui consiste à voiler l’antagonisme foncier qui fait de chaque individu l’ennemi de tous les autres, pour déployer à nos yeux la solidarité qui les relie ; solidarité réelle assurément, mais qui n’est qu’un des côtés du tableau : côté qu’on se plaît à mettre seul en lumière, en laissant l’autre côté dans une ombre prudente. […] Tel est le cas du mensonge de groupe mis sur la scène par Ibsen dans son Ennemi du peuple. […] Tel est le cas du Dr Stockmann, l’Ennemi du peuple, d’Ibsen.

146. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Albert Fournier, aumônier volontaire d’un groupe de brancardiers : « Mort glorieusement le 10 juin 1915, alors que, dans les tranchées il remplissait les devoirs de son ministère et enflammait le courage des soldats de la division qui se disposaient à s’élancer à l’assaut des retranchements ennemis. » (J. […] e division d’infanterie : « Modèle de dévouement et de courage ; s’est particulièrement fait remarquer à X… et à Y… où il a accompagné tous les assauts, prodiguant ses soins aux blessés qui venaient de tomber sans aucun souci du danger et malgré le feu violent de l’artillerie ennemie. » (J. […] A l’attaque du 29 mars 1916 est parti avec la première vague d’assaut et a pénétré en même temps qu’elle dans la position ennemie. […] Il rassure ses hommes, les encourage : « Ne craignez pas : je tomberai dans les premiers, mais vous passerez. »‌ Un grand Christ qui, jadis, étendait ses bras sur la plaine, est là, à l’entrée de la tranchée ; les obus de l’ennemi lui ont arraché le bras gauche ; son bras droit semble montrer le ciel aux soldats qui vont mourir et qui le saluent en passant.‌ […] Blessé dès le début de l’attaque, n’a pas moins continué d’entraîner sa compagnie avec une magnifique bravoure à l’assaut des retranchements ennemis, le 9 mai 1915, malgré un feu violent de mitrailleuses.

147. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Il en a reçu l’incrédulité aux Dieux et la négation de l’âme spirituelle, le culte de la matière et l’indifférence sur la vertu, toutes les croyances en un mot qui sont ennemies de l’enthousiasme et devraient éteindre l’imagination comme le cœur. […] dit-on : tous ces biens de la vie, un seul jour ennemi te les enlève. » Jusqu’ici, je sens l’âme du poëte ; je jouis de sa compassion ; je bénirais en mourant son espérance, s’il en avait une à me donner. […] Que feraient de plus cruel des soldats ennemis dans une ville emportée d’assaut ? […] « Il naîtra pour vous un Achille au-dessus de la crainte, dont l’ennemi ne verra jamais que le front et la poitrine hardie, et qui souvent, vainqueur aux jeux de la course, passera de bien loin les traces enflammées de la biche légère. […] « Comme le moissonneur, abattant de sa faux les épis serrés sous un ardent soleil, dépouille les blondes campagnes, il abattra de son glaive ennemi les ce corps des Troyens.

148. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Dargaud, et toucher des ennemis comme nous ! Car nous sommes les ennemis de M. Dargaud — ses ennemis d’idées ! […] Il y a bien de l’imprécation jetée à ces princes catholiques, qui sont l’ennemi pour M. 

149. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Plusieurs témoins respectables y ont cru et y croient encore ; ils n’ont vu dans le sans-culottisme que le travestissement d’une faction ennemie de la liberté, et dans la Terreur que l’égarement du peuple par quelques meneurs à intentions perfides. […] Mais les intrigues des ennemis de la Constitution continuaient sourdement. […] On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros les malheureux ou les coupables : aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l’âge, atteint d’un mal inconnu, celui qui mourrait sous le poignard musulman ou sous le feu ennemi, celui qui opprimerait la liberté, celui qui trahirait sa patrie ; tous paraissaient grands, purs, heureux, pleins d’avenir !

150. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Alors, ainsi qu’on l’a su depuis, le stratagème des ennemis de la liberté consistait à revêtir ses armes pour mieux la combattre. […] C’était introduire l’ennemi dans la place. […] L’ennemi commun renversé, ils se trouvaient en présence les uns des autres, sans aucune main pour les contenir  » Cette main puissante se rencontra enfin, et en vérité, à considérer les choses à cette distance, on ne sait trop si l’on doit s’en féliciter ou s’en plaindre.

151. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

A sa fatale vue, D’un plaisir séducteur tu sens ton ame émue : Cet Enfant est pour nous un plus grand ennemi Que ces Monstres hideux dont ton ame a frémi. […] Contre ces ennemis que sert d’armer ton bras ?

152. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Horace, et les mauvais écrivains du siècle d’Auguste. » pp. 63-68

Leur coryphée Crispin, saisi d’un transport belliqueux, vient publiquement défier leur ennemi commun. […] Toutes les démarches, tous les libèles, toute les chansons de ses ennemis, tournoient contr’eux, & ne servaient qu’à fournir à sa causticité, à donner du ressort à son imagination.

153. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Achille mutile son ennemi, et l’insulte après l’avoir abattu. […] Vis, superbe ennemi ; sois libre, et te souvien Quel fut et le devoir et la mort d’un chrétien.

154. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

La lecture de ses Ouvrages, la connoissance de son caractere, l’estime des honnêtes gens, un coup-d’œil sur les motifs de ses ennemis, sont plus que suffisans pour le venger des injures qu’on a débitées contre lui. […] Amoureux du bizarre, avide du nouveau, Et, pour comble d’erreur, ennemi du vrai beau.

155. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

D’où il résulte que le plus faible des chevaliers ne tremble jamais devant un ennemi ; et, fût-il certain de recevoir la mort, il n’a pas même la pensée de la fuite. […] Soudain la trompette sonne, les soldats chrétiens se relèvent, et, pleins de la fureur du Dieu des armées, ils se précipitent sur les bataillons ennemis.

156. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

S’il n’existait que des Pics de couleur verte, ou si nous ignorions qu’il y en a des noirs et des bigarrés, j’ose affirmer que nous eussions regardé la couleur verte comme une admirable adaptation de la nature destinée à dérober aux regards de ses ennemis cet habitant des forêts. […] Le poisson reptiloïde terrestre rencontra sur la terre, soit comme ennemis, soit comme pâture, des mollusques et des articulés de divers ordres, dont il put se nourrir, mais contre lesquels il dut aussi lutter en se transformant et s’adaptant de mieux en mieux. […] Puis la classe des oiseaux, une fois victorieuse des reptiles volants, dut elle-même se diviser en partis rivaux ou espèces ennemies. […] D’après une observation qui nous a été faite par M. de Filippi, il ne serait pas exact de dire que l’Abeille ne puisse absolument retirer son aiguillon de la blessure qu’elle vient de faire à son ennemi, et soit nécessairement la victime de son courage. Ce n’est que dans le cas où cet ennemi cherche et parvient à la chasser avant de lui avoir donné le temps de se dégager que l’aiguillon reste dans la piqûre, avec les viscères de l’insecte, dans ce cas, il est vrai, mais dans ce cas seulement, blessé à mort.

157. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Sorti de la Restauration avec d’amers regrets de sa chute, adversaire de cœur de la royauté de 1830, ennemi trop honnête cependant pour m’allier avec les factions, ou légitimistes, ou révolutionnaires, qui conspiraient la ruine de cette royauté sans avoir à offrir à sa place qu’une anarchie au pays, je vivais dans le vague et je parlais sans échos. […] Ces cajoleries et ces sourires d’intelligence aux ennemis de la Restauration, quand on était restauré soi-même et comblé de richesses, de faveurs, d’honneurs, par cette Restauration si clémente au passé, si généreusement imprudente pour l’avenir, tout cela, comme dit Tacite, mal odorait si près du trône . […] Mais le prince avait dans les journaux ennemis des Bourbons des confidents trop informés et des serviteurs trop complaisants de ses colères. […] Ce prince en ce moment faisait pitié même à ses ennemis. […] Ennemis entre eux, vainqueurs par une haine aveugle, ils ne peuvent le lendemain que s’entredéchirer, déclarer leur impuissance de rien reconstruire, et menacer par cette impuissance le pays d’un long interrègne ou d’une éternelle anarchie.

158. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Le Théatre de la Littérature est envahi par trois sortes d’ennemis qui le dégradent : une Philosophie tyrannique & inconséquente y suffoque ou corrompt le germe du talent ; le faux goût y anéantit les vrais principes ; une aveugle facilité à tout admirer, acheve d’en bannir l’émulation & de décourager le mérite. […] Peu d’accord entre eux, jaloux les uns des autres, ennemis acharnés des Adversaires de leurs sentimens, ardens à former des intrigues pour accroître & soutenir leur cabale, & aujourd’hui, pour en retarder la ruine entiere ; décisifs & tranchans dans les Sociétés, adulateurs de la puissance & du crédit, calomniateurs artificieux du mérite qui leur résistoit, oppresseurs impitoyables des victimes de leur animosité ; on s’est écrié encore : Sont-ce là les guides qu’il faut suivre ? […] Abandonné à lui-même, triste jouet de ses illusions & de ses caprices, esclave de ses penchans, victime continuelle de sa déplorable existence, en quoi pourroit-il contribuer au bonheur des autres, étant le plus cruel ennemi de lui-même ?

159. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Rien n’en avoit plus imposé que la mort du grand Pan, annoncée par le pilote Thamus ; qu’une réponse de l’oracle Sérapis à Thulis roi d’Egypte ; que celle d’un autre oracle à l’empereur Auguste sur l’enfant Hébreu ; que les oracles tirés par Eusèbe des écrits mêmes de Porphyre, ce grand ennemi des chrétiens. […] Le jésuite se flatta d’avoir abbaissé l’audace des auteurs de La Bibliothèque choisie & de la République des lettres ; mais les plus grands ennemis du P.  […] Si ses ennemis, malgré toute leur cabale, ne purent le perdre, il ne comprit pas moins combien il est dangereux d’avoir raison dans des choses où des hommes acrédités ont tort.

160. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Rousseau est peut-être le seul qui fasse une classe à part : la crainte de choquer les opinions reçues, de révolter par des paradoxes, de passer pour cynique, de se faire des ennemis et des affaires, rien de tout cela ne l’arrête ; il s’est mis à son aise avec le public de tous les rangs et de toutes les espèces ; et cette liberté, qui se trouve heureusement jointe en lui à beaucoup de talent, lui donne un prodigieux avantage. […] Voilà le véritable ouvrage du philosophe, quand il a réellement pour but d’être utile ; ce n’est pas de se déchaîner contre les maux, c’est d’y chercher des remèdes, et, s’il ne peut faire autrement, des palliatifs ; il ne s’agit pas de battre l’ennemi, il est trop avant dans le pays pour entreprendre de l’en chasser ; il s’agit de faire avec lui la guerre de chicane. […] L’auteur, diront-ils pour se consoler, nous traite assez mal, mais il maltraite nos ennemis encore plus que nous, et c’est quelque chose.

161. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Si cela est, et qu’elle ne m’ait pas pardonné cette curiosité frustrée, il faut avouer que j’étais bien né pour être victime de mes faiblesses, puisque, si l’amour vainqueur me fut si funeste, l’amour vaincu me le fut encore plus. » Et là-dessus, sa tête travaillant, il va attribuer à Mme de Boufflers, déçue dans son désir, un mauvais vouloir persistant qui aboutira en projet formel de le livrer à ses ennemis. […] Il fuit le commerce du monde, il ne se plaît que dans la solitude ; ce goût pour la retraite lui a fait des ennemis : l’amour-propre de ceux qui l’ont recherché s’est trouvé blessé de ses refus. […] J’ose croire que si vous eussiez été auprès de moi lorsque cette cruelle offense vous a été faite, elle vous eût inspiré plus de compassion que de colère. » La première partie de cette réponse à Hume était écrite avant le retour de Mme de Boufflers à Paris ; elle attendit d’y être pour l’envoyer ; en arrivant, elle y prit connaissance d’une autre lettre de Hume adressée à d’Alembert, et qui contenait l’exposé de toute la querelle, avec prière de la communiquer, non-seulement aux amis de Paris, mais même à M. de Voltaire, c’est-à-dire à l’ennemi tout personnel de Rousseau. […] Se croire entouré de trompeurs, d’ennemis, de créatures toujours prêtes à nuire, c’est être bien à plaindre. […] Bousseau, ses Amis et ses Ennemis (1805).

162. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Je souhaite une telle Cypris à mes ennemis. […] Dans des temps où régnait la force, où tout étranger était un ennemi, tout être faible une proie, l’homme avait senti le besoin de se prémunir contre sa propre violence ; il avait bridé ses fureurs par des freins sacrés. […] La ville dont il avait embrassé l’autel l’adoptait comme son citoyen ; au besoin elle prenait les armes contre ses ennemis ou ses proscripteurs […] brise l’ennemi. — Au souffle de tes narines, les eaux se sont amoncelées. — L’ennemi disait : Je poursuivrai, j’atteindrai, je partagerai le butin, et mon âme s’en assouvira. — Tu as soufflé de ton haleine, la mer les a couverts : comme le plomb, ils se sont enfoncés dans les eaux profondes. » — Et les filles de Danaos leur répondent d’une mer à l’autre : — « Ô Zeus !

163. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Mais, du jour où l’ennemi apporta dans la vallée le meurtre et le ravage, son inspiration alla s’éclaircissant et se réalisant de plus en plus. […] Interrogée devant les juges sur ce qu’elle aimait mieux porter, de l’étendard ou de l’épée, elle répondit qu’ elle aimait quarante fois mieux l’étendard  ; elle ajouta qu’elle portait elle-même cet étendard quand elle se précipitait au milieu de l’ennemi, pour éviter de tuer personne, et qu’en effet elle n’avait jamais tué d’homme. […] Au siège d’Orléans, on la voit, au dire de son intendant d’Aulon, frapper rude et dru sur l’ennemi. […] Quicherat, que, bien que rédigé par les juges et les ennemis, il est plus à l’honneur de la véritable Jeanne que j’appelle primitive, et plus propre à la faire bien connaître, plus digne de confiance en ce qui la touche, que le procès de réhabilitation déjà imprégné et légèrement affecté de légende. […] C’est quand Hector, ayant repoussé les Grecs de devant les murs de Troie, les vient assiéger dans leur camp à leur tour, et va leur livrer assaut jusque dans leurs retranchements, décidé à porter la flamme sur les vaisseaux ; tout à coup un prodige éclate : un aigle apparaît au milieu des airs enlevant dans ses serres un serpent qui, tout blessé qu’il est, déchire la poitrine de son superbe ennemi et le force à lâcher prise.

164. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Cicéron, indigné, mais non intimidé, se lève et adresse à l’ennemi public la terrible et éloquente apostrophe qui a laissé sur le nom de Catilina la même trace que le feu du ciel laisse sur un monument foudroyé. […] Il n’est plus, non, il n’est plus ce temps où de grands hommes mettaient leur gloire à frapper avec plus de rigueur un citoyen pernicieux que l’ennemi le plus acharné. […] Cicéron, poursuivi et menacé jusque dans sa maison par les sicaires de Clodius, invoquait en vain le peuple, qu’il avait sauvé : le peuple l’abandonnait lâchement à ses ennemis. […] « Et ne dites donc pas qu’emporté par la haine, je déclame avec plus de passion que de vérité contre un homme qui fut mon ennemi. Sans doute personne n’eut plus que moi le droit de haïr Clodius ; mais c’était l’ennemi commun, et ma haine personnelle pouvait à peine égaler l’horreur qu’il inspirait à tous.

165. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Ce sont là de ces gloires dont on se repent ; il faut se les refuser, sinon par respect pour ses ennemis, du moins par respect pour soi-même. […] Si on l’écrit dans le sens du monarque et contre ses ennemis, elle est une lâcheté, et un homme de talent, quelque courtisan qu’il soit, rougit de la commettre. […] Elle étincelle comme le fer chaud sous le marteau de forge, et chaque étincelle brûle le nom d’un de ses ennemis ; mais elle est sans pitié et souvent sans justice. […] Boileau vieilli aspire au repos, donne et demande la paix à ses ennemis. […] Nous ne prétendons pas la trancher, mais nous dirons courageusement notre pensée à ses amis comme à ses ennemis.

166. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Propos d’ennemi, il est vrai. […] Voilà Paris en ébullition, les ennemis sur pied, les dévots en armes, les fanfarons de vertu prêts au combat. […] Molière ne dut qu’à la protection de Louis XIV de résister à ses ennemis et de pouvoir faire entendre son Tartuffe. […] Tous les contemporains, voire les ennemis, s’accordent à reconnaître que Molière fut un comédien excellent. […] L’ennemi n’est point généreux.

167. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Les ennemis et l’Ennemi. […] Il a des ennemis qui sont à l’endroit et des ennemis qui sont à l’envers. […] Il a contre lui ses ennemis et les ennemis de ses ennemis. […] Il ne le souffre qu’à l’ennemi et par l’ennemi. […] Il n’a que des ennemis.

168. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Malgré l’imposante réclamation de ses ennemis, pour cette fois, sans tirer à conséquence, je serai de l’avis de la multitude. […] La difficulté de vaincre un ennemi ajoute à l’éclat de la victoire. […] Lorsque ces malheureux sont prosternés tremblants aux genoux de leurs ennemis, qui est-ce qui fit dire au chef des sauvages : « Relevezvous, ne craignez rien : tout à l’heure vous étiez des hommes malheureux, et nous vous avons secourus ; demain vous serez nos ennemis, et nous vous égorgerons ?  […] Le rêve d’une vieille femme avait peut-être mis les armes à la main du brave Iroquois qu’on vient d’entendre parler si fièrement à ses ennemis. […] La haine est un sentiment pénible qui ne s’élève en mon âme que contre les ennemis des talents et de la vertu, mais elle y dort.

169. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Montluc, tant qu’il a à combattre les seuls ennemis du dehors, n’est que rude ; mais, les guerres civiles s’allumant, il devient cruel. […] Dès le premier instant qu’il eut à commander à d’autres, dès qu’il eut à porter enseigne, dit-il, il voulut savoir ce qui est du devoir de celui qui commande, et se faire sage par l’exemple des fautes d’autrui : « Premièrement j’appris à me chasser du jeu, du vin et de l’avarice, connaissant bien que tous capitaines qui seraient de cette complexion n’étaient pas pour parvenir à être grands hommes. » Il développe ces trois chefs, et particulièrement, et avec une verve singulière, les inconvénients de l’avarice en un capitaine : « Car si vous vous laissez dominer à l’avarice, vous n’aurez jamais auprès de vous soldat qui vaille, car tous les bons hommes vous fuiront, disant que vous aimez plus un écu qu’un vaillant homme… » Il ne veut pas qu’un homme de guerre, pareil à un citadin ménager, songe toujours à l’avenir et à ce qu’il deviendra en cas de malheur ; le guerrier est enfant de l’État et du prince, et il pose en maxime « qu’à un homme de bien et vaillant, jamais rien ne manque. » — Après ces trois vices qui sont à éviter à tout prix, car ils sont ennemis de l’honneur, il en touche plus rapidement un quatrième dans lequel, sans raffiner sur les sentiments, il conseille du moins toute modération et sobriété : C’est l’amour des femmes : ne vous y engagez pas, cela est du tout contraire à un bon cœur. […] je ne vous avais pas toujours si bien traités et tant aimés pour m’abandonner en un si grand besoin. » En même temps qu’il a de ces reproches d’un accent presque affectueux envers les siens, Montluc était moins tendre pour les ennemis. […] Aussi, tant qu’il fut à l’étranger et qu’il ne fit la guerre qu’aux ennemis de la France, il résulta de sa méthode et de son humeur autant et plus de bons effets que de mauvais ; les vaincus mêmes préféraient en lui un chef et gouverneur sévère, mais obéi des siens, et qui les maintenait dans la discipline ; les villes prises l’envoyaient demander au général pour y tenir garnison et les protéger : « Car, en Piémont, dit-il quelque part, j’avais acquis une réputation d’être bon politique pour le soldat et empêcher le désordre. » Tel était Montluc dans son bon temps.

170. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Le plan des ennemis de Jésus était de le convaincre, par enquête testimoniale et par ses propres aveux, de blasphème et d’attentat contre la religion mosaïque, de le condamner à mort selon la loi, puis de faire approuver la condamnation par Pilate. […] Le titre de « roi des Juifs », que Jésus ne s’était jamais donné, mais que ses ennemis présentaient comme le résumé de son rôle et de ses prétentions, était naturellement celui par lequel on pouvait exciter les ombrages de l’autorité romaine. […] On dénonçait déjà le peu de zèle du fonctionnaire qui protégeait un ennemi de César. […] 1149 » Le faible Pilate n’y tint pas ; il lut d’avance le rapport que ses ennemis enverraient à Rome, et où on l’accuserait d’avoir soutenu un rival de Tibère.

171. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

On sait encore qu’après avoir contribué, par leurs libelles & par leurs intrigues, à le faire exclure de son Corps, ils sont parvenus, par de nouvelles menées, à surprendre des ordres à l’autorité pour lui ôter la rédaction du Journal de Politique & de Littérature, & le dépouiller ainsi du seul bien qui lui restoit : ce bien est devenu aussi-tôt la proie du plus acharné de ses ennemis, qui, au mépris des bienséances les plus indispensables, n’a pas rougi de le briguer & de s’en revêtir. […] A peine cet Ecrivain a-t-il été hors de France, que, profitant de la liberté des presses étrangeres, il a écrit contre ses ennemis, & les a peints sous les couleurs les plus vraies.

172. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Le Despotisme est naturellement ennemi des corps intermédiaires et de la classe moyenne. […] Il est ennemi des pouvoirs intermédiaires, il est ennemi des corps possédant le dépôt des lois, il est ennemi des magistratures indépendantes, il est ennemi du régime parlementaire, il est ennemi des Eglises indépendantes ; il est ennemi de tout ce qui peut désirer, exiger, constituer, maintenir, protéger et défendre les libertés publiques ; mais il n’est pas ennemi des libertés publiques. […] Ce sont des histoires inventées par les chrétiens une fois vainqueurs pour verser l’odieux, sur leurs ennemis. […] Ainsi les chrétiens, ennemis des Dieux, étaient regardés en même temps comme ennemis de la République. […] Le Seigneur juste coupera leurs têtes ; que tous les ennemis de Sion soient comme l’herbe sèche des toits.

173. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Chaque jour, l’ennemi était repoussé. […] … Ce 30 août, l’ennemi n’était pas loin de Paris. […] Le fort de Cissey tombé aux mains de l’ennemi, Benoît se retire. […] Son ennemi, ce fut l’ennemi du mot ; ce fut Pascal. […] Son lecteur n’est-il pas un adversaire, et non pas un ennemi particulier, mais l’un des innombrables ennemis que lui vaut sa légende ?

174. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Depuis Alexandre, une foule de critiques s’étaient mis après lui, amis de Corneille, ennemis de Boileau, rivaux et envieux : c’était à qui trouverait des fautes et ferait les beautés dans ses pièces ; les préfaces amères dont il accompagna toutes ses tragédies depuis Alexandre faisaient voir qu’on ne perdait pas sa peine à le tourmenter. […] Et Mithridate, c’est le vieillard amoureux, mais c’est Mithridate, le roi barbare, l’ennemi des Romains. […] Ailleurs voici Agrippine, une mère aussi, mais ennemie de son fils, et l’aimant pourtant d’un reste d’instinct : fière, ardente, ambitieuse, d’une ambition de femme, qui n’est pas une énergie d’ordre supérieur, aspirant à pouvoir plus pour agir plus, ni une confiance superbe de savoir réaliser mieux que personne le bien public, mais une vanité avide de l’extérieur, de l’enivrement, des flatteries de la puissance : Agrippine est ambitieuse comme une autre est coquette. […] A travers un rapide récit, où Xipharès expose toutes les circonstances par lesquelles son rôle est déterminé, soudain il s’arrête un moment sur les victoires de son père : Et des rives du Pont aux rives du Bosphore, Tout reconnut mon père… De ce triomphe l’orgueil filial de Xipharès est enivré, et le sentiment suscite un réveil de sensations, la vision d’une mer sans ennemis, où les flottes du roi déploient joyeusement leurs voiles : ….Et ses heureux vaisseaux N’eurent plus d’ennemis que les vents et les eaux. […] Deltour, les Ennemis de Racine.

175. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

La flotte chrétienne longea, du nord au sud, la côte d’Albanie, marchant à l’ennemi précédée de six galéasses vénitiennes, ou grands vaisseaux, dont les hauts bords et les feux étaient irrésistibles. […] La saison avancée, les pertes des alliés, et surtout la politique secrète de Philippe II, docilement respectée du jeune vainqueur quand la vue de l’ennemi n’entraînait plus son courage, ne laissèrent pas les chrétiens user de leur succès comme ils auraient dû, assaillir à coups pressés l’empire ottoman, et lui reprendre du moins sa récente conquête. […] Ce superbe ennemi, vois comme il a, dans sa victoire, dégradé tes autels ! […] Le poëte continue : « Pour la gloire méritée de ton nom, pour la juste vengeance de ton peuple, pour les gémissements de tant de malheureux, tourne ton bras redoutable contre celui qui s’indigne d’être homme… et, trois et quatre fois, frappe d’un châtiment rigoureux ton ennemi : et que l’injure faite à ton nom soit l’erreur fatale de sa vie ! […] pour avoir, après tant de maux soufferts, après nos fautes et nos châtiments, brisé l’antique orgueil de l’ennemi !

176. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Machinations des ennemis de Jésus. […] Les ennemis de Jésus furent fort irrités de tout ce bruit. […] La haine inintelligente de ses ennemis décida du succès de son œuvre et mit le sceau à sa divinité.

177. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

— mais aussi comme un contre-sens dont nous subissons la loi, un ennemi que nous devons combattre, si nous ne voulons pas nous blesser à tous les angles de la création ici-bas ? […] Quoique Corne mette, avec l’insolence moderne, pour laquelle il n’est pas fait, le nom de Platon avant le nom de Jésus-Christ, quand il en parle, cependant rien ne nous fait croire qu’il soit l’ennemi raisonné du Christianisme. […] Mais, s’il n’est pas l’ennemi philosophique du Christianisme, et s’il n’a pas, comme Kant et Rousseau, de système préconçu sur l’homme, pourquoi ne fait-il pas davantage apparaître dans son livre l’idée chrétienne avec sa splendeur ?

178. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Il y a bien eu aussi, en ces derniers temps, une minute d’attention et de fermentation pour les Conférences du Père Didon ; mais l’indissolubilité du mariage naturalisée par ce moine novateur, qui met le plus qu’il peut la théologie hors de la chaire chrétienne, — ce qui a ravi, tout d’abord, les ennemis du catholicisme, — ne pouvait pas avoir la sympathique popularité du divorce. […] Nous pouvons, nous qui croyons à l’immortalité de l’Église, supporter un ennemi de plus à cette Église contre laquelle les portes de l’enfer et les portiers de ce temps ne prévaudront pas. Mais si cet ennemi veut être compté par nous, il faut qu’il ait à son service contre nous une injure nouvelle et un outrage que nous n’avions pas encore essuyé.

179. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Tous ceux qui croient à une vérité absolue, et qui par conséquent se persuadent qu’ils sont en possession de cette vérité, sont donc fatalement entraînés à une sorte d’intolérance ; ils condamnent tous ceux qui ne pensent pas comme eux, les appellent des esprits faux ou pervers, des ennemis de l’ordre social, et si cette intolérance ne va pas jusqu’aux excès des anciens âges, c’est uniquement parce que nos mœurs sont plus douces, ou encore parce que les plus clairvoyants ont été eux-mêmes atteints sans s’en douter par le mal de l’indifférence1. […] Est-ce en vertu de la liberté d’examen qu’il y a eu dans le monde tant de religions différentes, tant de lois contradictoires, tant de préjugés barbares et fanatiques, qui séparaient les hommes en troupes féroces et ennemies ? On voit bien à la vérité que dans telle société particulière, où règne l’autorité d’une foi non discutée, il y a une sorte d’unité de croyances, une paix apparente qui vient à se dissiper lorsque s’élèvent l’examen et à sa suite le doute ; mais ce à quoi on ne pense pas, c’est que grâce à des croyances contraires, également intolérantes, les hommes étaient partagés en mille camps ennemis, et que le genre humain, vu dans son ensemble, offrait un spectacle d’anarchie au moins égal à celui qui résulte, dit-on, de la libre discussion. […] Comment se fait-il donc que ce même examen, s’il tourne contre vous, devienne tout à coup une méthode criminelle et folle, née de l’orgueil, ennemie de la société et de la morale ? […] Si l’on n’est pas de leur avis, ils vous dénoncent comme des ennemis de la libre pensée : la vraie liberté consiste à penser comme eux.

180. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

En effet, il y a mieux que de tuer un ennemi, c’est de le priver d’un mausolée, c’est d’empêcher que l’enthousiasme, l’admiration, qui produisent les imitateurs, ne ravivent la flamme des causes éteintes, ne se réchauffent au marbre tiède d’un sépulcre arrosé avec de nobles pleurs. Or, déshonorer la Révolution, c’est faire cela et mieux encore, c’est la tuer — non pas seulement comme une ennemie, mais comme une idée, — au seuil même de toute âme qui lui eût donné un asile si elle n’eût été que haïe, frappée et proscrite. […] Il était toujours le fidèle, soumis et héroïque Jacques Bonhomme, le frère de Jeanne d’Arc et de Jeanne Hachette, vaillant de cœur devant l’ennemi comme devant la misère, son autre ennemi. […] Dans les publications exclusivement révolutionnaires, dans les Mémoires du temps rédigés par les amis de la Révolution, par ceux-là qui la croyaient une vérité sociale et un événement providentiel, il n’a point demandé aux ennemis, à notre parti, au parti de la monarchie, des armes suspectes et des documents d’une équivoque autorité.

181. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Légitimiste fatigué, qui n’a pas attendu à être Louis XII pour oublier les cruelles injures du duc d’Orléans, il embrasse aujourd’hui ses ennemis de dix-huit ans et il n’a pas les bras qu’il faudrait pour les étouffer ! […] L’embrassade dans laquelle il enveloppe les vieux ennemis de sa cause a trop de pantomime pour que nous puissions regarder cette gesticulation passionnée comme le pur résultat d’un tempérament affectueux qui se débonde jusqu’à l’enthousiasme de la tendresse. […] Nettement, c’est-à-dire, à la cause de l’autorité, de l’Église, de la Monarchie, eussent trouvé, dans le livre qu’il publie aujourd’hui, une mémoire si ingrate, et les autres…, les ennemis déclarés ou hypocrites de cette cause, des respects serviles ou des admirations inconséquentes ? […] Beyle fut un ennemi du christianisme et de toutes les idées que M.  […] Mais Balzac, notre grand Balzac, n’était pas un ennemi, celui-là !

182. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

Letronne a beaucoup d’ennemis comme tout critique de mérite ; chacun de ses ennemis se trouva aussitôt converti en un partisan du cœur de saint Louis.

183. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Helvétius, en passant rapidement sur l’abus de ses talens, en plaignant ses illusions, en rendant justice aux bonnes qualités que je lui avois reconnues, & en m’indignant, par intérêt pour lui, contre une fausse Philosophie qui fut toujours l’ennemie de sa réputation & de son repos. […] Lisez, M., lisez les Questions sur l’Encyclopédie * ; & si vous vous rappelez la maniere dont certains Sauvages traitent leurs ennemis, qu’ils mettent en pieces après leur mort, vous aurez une idée de celle dont l’honnête Philosophe des Alpes a traité cet Ecrivain, jusqu’alors l’objet de ses adulations. »   *.

184. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Elles devinrent ennemies mortelles. […] En s’en moquant, en bravant le public & son ennemie, en continuant à jouir de sa conquête, en conjurant l’amour de la laisser égarer & de servir ses goûts & ses caprices : Permets, m’amour, penser quelque folie.

185. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Toutes les deux ont pu se plaindre également de l’avoir eu pour ennemi et pour défenseur. […] Pourrait-il ne pas aimer ces soldats qui repoussèrent, à son exemple, les ennemis de leur patrie ? […] Celui qui parle sera sans doute accusé d’être l’ennemi des lumières et de la philosophie. […] La fortune combat pour nos ennemis. […] Souvent les clameurs de ses ennemis parlèrent plus haut que le bruit de ses succès et de sa renommée : mais, à l’aspect de ce tombeau, tous les ennemis sont désarmés.

186. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

On y voit Ney, « à qui la présence de l’ennemi rendait ses éminentes qualités » ; le plus habile manœuvrier de l’armée ; « héros au cœur infaillible, à la raison quelquefois flottante, inébranlable sur un terrain qu’il pouvait embrasser de ses yeux, moins sûr de lui-même sur un terrain plus vaste qu’il ne pouvait embrasser qu’avec son esprit ». […] C’est le prix du sang que j’ai versé en Italie… Oui, j’ai versé du sang, mais c’est le sang de mes ennemis, des ennemis de la France. […] Sire, et j’ose dire votre gloire, ne vous permettent pas de prolonger davantage l’ignominieuse agonie d’un frère sur le trône d’Espagne, exposé, dans un lieu si élevé, aux risées de vos ennemis et à la déconsidération de ses amis… Toute entrave qui nuirait au but que doit se proposer tout prince honnête homme me rend la place que j’occupe insoutenable.

187. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Bien des rois, empereurs ou chefs d’État se sont vus prisonniers de l’ennemi après des pertes de batailles : qui ne s’est intéressé aux captivités toutes françaises de saint Louis, du roi Jean et de François Ier ? […] Mais aucun monarque et souverain ne s’était rencontré encore dans la situation extraordinaire de Napoléon, à la fois abdiquant et captif, — prisonnier sans avoir été pris et en quelque sorte de son propre choix, pour s’être allé asseoir au foyer de la nation son implacable ennemie ; détenu non dans une prison, mais sur le rocher le plus perdu de l’Océan ; non par la vengeance d’un seul adversaire, mais par la terreur de l’Europe entière conjurée ; et désormais élevé (seule élévation dernière qui lui manquât) à l’état de victime ; — ayant abdiqué pour la seconde fois et toujours forcément sans doute,, mais enfin de cœur comme de fait, et résigné ; ne nourrissant plus aucun espoir de retour, mais conservant jusqu’à la fin toute la sérénité de son coup d’œil, toute sa plénitude d’intelligence politique ; sevré de presque toute information actuelle, et se reportant avec d’autant plus d’impétuosité et d’ardeur aux grands événements récents ou passés, à l’histoire d’hier ou à l’histoire des siècles ; perçant de plus dans l’avenir et plongeant sur les horizons lointains avec la haute impartialité du conquérant apaisé, avec la vue épurée du civilisateur. […] Il n’était pas de ces génies qui acceptent la force des choses comme solution commode ; il n’était pas du tout persuadé qu’une bataille de plus ou de moins, gagnée ou perdue deux mois auparavant, un ennemi de plus ou de moins, repoussé, tout cela revenait à peu près au même, que sa situation en 1815 était de prime abord comme désespérée, que les plus heureux efforts et la plus belle entrée de jeu n’auraient pu en réparer le vice radical ; que Waterloo même gagné n’eût été qu’un répit. […] … Ce sont là des pages élevées, fermes, vigoureuses de ton, philosophiques de fond, irréprochables, à offrir aux amis comme aux ennemis ; je n’en sais pas en français de plus belles.

188. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Rien n’use la force d’un gouvernement comme la disproportion entre les délits et les peines ; il se présente alors comme un ennemi, tandis qu’il doit paraître comme le chef, comme le principe régulateur de l’Empire ; au lieu de se confondre, pour ainsi dire, dans votre esprit avec la nature des choses, il semble un obstacle qu’il faut renverser ; et l’agitation de quelques-uns, l’espoir qu’ils conservent, tout insensé qu’il est, de détruire ce qui les opprime, ébranle la confiance de ceux mêmes qui sont contents du gouvernement. […] Ces êtres seuls n’ont plus de droits à l’association mutuelle de misères et d’indulgence, qui, en se montrant sans pitié, ont effacé dans eux le sceau de la nature humaine : le remords d’avoir manqué à quelque principe de morale que ce soit, est l’ouvrage du raisonnement, ainsi que la morale elle-même ; mais le remords d’avoir bravé la pitié, doit poursuivre comme un sentiment personnel, comme un danger pour soi, comme une terreur dont on est l’objet ; on a une telle identité avec l’être qui souffre, que ceux qui parviennent à la détruire, acquièrent souvent une sorte de dureté pour eux-mêmes, qui sert encore, sous quelques rapports, à les priver de tout ce qu’ils pourraient attendre de la pitié des autres ; cependant, s’il en est temps encore, qu’ils sauvent un infortuné, qu’ils épargnent un ennemi vaincu, et, rentrés dans les liens de l’humanité, ils seront de nouveau sous sa sauvegarde. […] La fureur, la vengeance s’allient, sans doute, avec l’enthousiasme, mais ces mouvements qui rendent cruels momentanément, n’ont point d’analogie avec ce qu’on a vu de nos jours, un système continuel, et, par conséquent, à froid de méconnaître toute pitié : Or quand cet affreux système existe dans les soldats, ils jugent leurs chefs tout comme leurs ennemis, ils conduisent à l’échafaud ce qu’ils avaient estimé la veille, ils appartiennent uniquement à la puissance d’un raisonnement, et dépendent par conséquent de tel enchaînement de mots qui se placera dans leurs têtes comme un principe et des conséquences. […] Vos ennemis sont vaincus, ils n’offrent plus aucune résistance, ils ne serviront plus à votre gloire, même par leurs défaites ; voulez-vous encore étonner ?

189. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Champfleury, — ont crié à tous les échos des brasseries, voilà que vous, l’ennemi « des grands hommes d’estaminet », vous le reprenez, et sur une note encore plus haute. […] On la regarde d’un air railleur quand elle traverse la place, et nos ennemis se frottent les mains, en chuchotant, sur le pas de leurs portes ; la pauvre fille est bien malheureuse. […] Si nos ennemis politiques triomphent, chose inadmissible, l’habit ne serait pas perdu : on ajouterait quelques palmes vertes, et tout serait dit… Mais nous avons bien le temps. […] Allons, monsieur de Suttières, tout est perdu —  fors vos ennemis !

190. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

La valeur guerrière, cette qualité qui produit toujours un enthousiasme nouveau, cette qualité qui réunit tout ce qui peut frapper l’imagination, enivrer l’âme, la valeur guerrière que vous appelez à l’aide du despotisme, inspire l’amour de la gloire, et l’amour de la gloire devient bientôt le plus terrible ennemi de ce despotisme. […] L’on peut donc dire aux ennemis comme aux partisans des lumières, qu’il est un point sur lequel ils doivent également s’accorder, s’ils sont amis de l’humanité ; c’est sur l’impossibilité de contraindre le cours naturel de l’esprit humain, sans accabler les hommes de maux bien plus funestes encore que tous ceux dont on peut accuser les progrès des lumières. […] à chaque page de ce livre où reparaissait cet amour de la philosophie et de la liberté, que n’ont encore étouffé dans mon cœur ni ses ennemis, ni ses amis, je redoutais sans cesse qu’une injuste et perfide interprétation ne me représentât comme indifférente aux crimes que je déteste, aux malheurs que j’ai secourus de toute la puissance que peut avoir encore l’esprit sans adresse, et l’âme sans déguisement.

191. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Cependant je ne puis dissimuler que dans son épitre à Boileau il accuse la société de Rambouillet d’avoir réuni les sots ennemis du poète : Je veux t’écrire encor sur tes sots ennemis, À l’hôtel Rambouillet contre toi réunis. […] Elle ne voulait point Fouquet pour amant ; elle ne voulait point s’en faire un ennemi.

192. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Je ne suis ennemie jusqu’à ce point, ni du plaisir des autres, ni du mien propre. […] Vous faites plus que d’exiger des beautés nouvelles, vous n’en voulez que d’une certaine espèce : nierez-vous, par exemple, que vous êtes l’ennemie des images, qui sont pourtant l’âme de la poésie ? […] Moi l’ennemie des images !

193. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Richelieu disait qu’il n’avait jamais eu pour ennemis que les ennemis de l’État ; Sixte, qu’il ne craignait que le péché, et non les hommes. […] Que surtout les ennemis du catholicisme apprennent d’un homme qui ne déclame point une seule fois, qui ne crie point et qui s’est peut-être comprimé le cœur pour ne pas crier, en écrivant ces choses désespérées qui, pour lui, sortent de son livre ; qu’ils apprennent ce que fut ce Sixte-Quint qui aima la France, et même Henri IV, mais qui sut résister à Henri, à la France, à la Ligue elle-même, à l’Espagne, la catholique Espagne, qu’il finit par impatienter, — car, chose curieuse !

194. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Un protestant qui veut me faire comprendre l’esprit des pasteurs à la guerre, me décrit l’un des plus aimés : « Le pasteur Nick, blessé à l’ennemi, est une espèce de géant, un blond aux yeux bleus, que nous avons toujours vu dévoué à toutes les causes. […] Il ne faut pas se venger, il faut pardonner à ses ennemis ; sans doute ! […] Et, dans une de ses dernières lettres, le caporal Georges Groll, secrétaire de l’Union chrétienne des jeunes gens de Paris, et qui va mourir à l’ennemi près de Souchez, le 9 juin 1915, écrit à son père, M. 

195. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

La faveur dont il paraissait jouir auprès de la comtesse, et celle que lui continuait, malgré son inconstance apparente, la douce Léonora, redoublèrent contre lui la jalousie et la haine de ses ennemis, surtout du célèbre poète Guarini, son rival en poésie pastorale, auteur du Pastor Fido, œuvre égale à l’Aminta du Tasse. […] Cependant je suis de plus en plus décidé à ne pas quitter le service du duc, car, outre que mes obligations envers lui sont telles que, quand je lui sacrifierais ma vie, ce ne serait pas encore assez pour payer ma dette, je crains bien de ne pas trouver à une autre cour plus de repos que dans ses États ; les maux que je subis sont de telle nature qu’ils m’atteindront partout ailleurs autant qu’à Ferrare. » Ces lettres sont d’autant moins suspectes d’adulation pour le duc de Ferrare, qu’elles sont écrites hors des États de ce prince, et adressées à un de ses ennemis, Scipion Gonzague, parent et ami des Médicis. […] Rousseau, et qui lui firent jeter quatre de ses enfants à l’hospice des enfants abandonnés sans marque de reconnaissance, de peur que ses fils, sollicités au parricide par ses ennemis, ne devinssent un jour les assassins de leur père ? […] Un soir, dans l’appartement de la duchesse d’Urbin, au palais, il tira son poignard du fourreau et le lança contre un des serviteurs de la duchesse, dans lequel il crut reconnaître un traître ou un ennemi. […] L’événement d’ailleurs est bien déplorable, soit que l’on considère son génie ou sa bonté. » Que peuvent répondre les accusateurs gratuits de la maison d’Este, dans cette circonstance, à une preuve aussi authentique de leur innocence, écrite sur place aux ennemis de cette maison par l’ambassadeur de ces ennemis ?

196. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Ennemi des rois, il n’hésite pas à se faire courtisan de son royal époux. […] Ennemi des tyrans, il se fixe auprès d’elle sous l’empire de la double tyrannie des rois et des pontifes. […] Il se lie avec tous les ennemis de ce roi et de cette reine leurs bienfaiteurs. […] L’ennemi des rois qui a chanté le 14 juillet invective le 10 août ! Menacé à sa sortie de Paris par la populace, il devient sans pudeur l’ennemi le plus acharné, non de la populace, mais de la nation française.

197. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

On voit aussi par les termes de cette lettre qu’elle était un moyen détourné, ingénieusement trouvé par la haine d’une rivale prisonnière, pour faire à son ennemie tous les outrages qui pouvaient être le plus sensibles au cœur d’une reine et d’une femme. […] La reine fut touchée de ce dévouement posthume qui lui rendait aux yeux de ses partisans l’innocence qu’elle ne recouvra jamais aux yeux de ses ennemis. […] La témérité sans scrupules de Marie Stuart et peut-être l’astuce de ses ennemis dans le conseil en fournirent l’occasion à Élisabeth. […] Vous êtes brave comme le meilleur de mes hommes d’armes ; et si les femmes se battaient comme aux temps anciens, j’estime que vous sauriez bien mourir. » — Il me reste à montrer, reprit-elle, à mes amis et à mes ennemis, de quel lieu je sors. » « Elle avait demandé son aumônier Préau ; on lui envoya deux ministres protestants […] Il la montra par la fenêtre aux assistants et au peuple en s’écriant suivant l’usage : « Ainsi périssent tous les ennemis de notre reine ! 

198. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Ils ont la manie de se chercher des ennemis et de tellement les chercher qu’ils en créent pour en trouver. […] « Le catholique est toujours un factieux ; il faut le cantonner légalement dans l’état de factieux », voilà le fond de la pensée républicaine. « Le cléricalisme, c’est l’ennemi ; il faut et le traiter en ennemi et le forcer à n’être dans l’État qu’un ennemi », voilà, depuis Gambetta, le principe même de la « société laïque » et de la « société moderne ». […] Comprenez donc la suite des choses : La bourgeoisie lance le peuple contre un ennemi autre qu’elle tant que cet autre ennemi existe ou qu’elle peut faire croire qu’il est. […] En conséquence, considérant que l’Alsace est catholique, que son clergé catholique a de l’empire sur elle et que son clergé était antiallemand, nous avons mis tous nos soins à montrer à l’Alsace que nous étions les ennemis forcenés de la religion catholique et les ennemis enragés du clergé catholique. Nous avons mis tous nos soins à montrer à l’Alsace que nous étions, sinon ses ennemis, du moins, ce qui n’est pas si loin d’être la même chose, les ennemis de tout ce qu’elle aime.

199. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Voyons, est-ce le langage d’un ennemi, d’un écrivain prêt à dénaturer méchamment les paroles de l’homme, dont il redonne les conversations ? N’est-ce pas plutôt le langage d’un ami de l’homme, mais parfois, je l’avoue, d’un ennemi de sa pensée, ainsi que je l’écrivais dans la dédicace du volume, qui lui était adressé.

200. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Pouvois-je avoir un ennemi plus méprisable, soit pour sa naissance, soit pour ses mœurs, soit pour sa capacité ? […] » J’avois quelque scrupule, dit-il, de repousser les insultes d’un ennemi respectable par son caractère.

201. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Ses ennemis étaient ceux du génie français. […] Bourget, se font gloire l’un et l’autre d’être ses disciples, fils ennemis d’un même père ! […] Relisons l’ennemi de Taine, Joseph de Maistre, relisons Balzac, relisons Michelet, Stendhal, Mérimée, Renan, relisons même le vieux père Dumas et la vieille Sand. […] Les voltairiens sont morts, et les bons esprits peuvent recommencer à lire Voltaire sans avoir la grotesque vision de cet homme ennemi de la poésie et des religions, liberâtre et déiste, solennel et riant jaune, qui de 1725 à 1730 faisait la guerre aux jésuites, aux préjugés, défendait la Charte et respectait les mœurs en caressant sa bonne. […] Lisez les traductions des classiques grecs et latins, comme vous y engagent ces excellents professeurs ennemis des langues anciennes ; vous ne trouverez dans Aristophane, dans Euripide, dans Sophocle, dans Virgile, dans Horace et dans tous, que des niaiseries et des platitudes ; ces traductions, quand elles ne sont pas faites par un poète ou un artiste, sont comme la momie d’une belle femme, comme les pétales desséchés d’une fleur : c’est du génie tombé en putréfaction.

202. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Véron fit savoir au monde qu’il était à ce point ennemi du révolver qu’il ne tuerait même pas quelqu’un lui jouant du Wagner. […] Aux concerts de 1860, à Paris, il paraît que l’impression générale fut bonne ; mais Wagner, dont Tannhæuser allait être joué à l’Opéra avait de nombreux acharnés ennemis : en tête Berlioz ; dans son feuilleton du journal des Débats (février), il s’ingénia à trouver des critiques au moins étranges : « Il est singulier, dit-il, parlant du prélude de Tristan, que l’auteur l’ait fait exécuter au même concert que l’introduction de Lohengrin, car il a suivi le même plan dans l’une et dans l’autre. […] » Mais Wagner eut un vengeur, un ennemi, ennemi aussi de Berlioz, Seudo, qui pour la plus grande colère de Berlioz, écrivait (année musicale de 1861) : « Berlioz et Wagner, deux frères ennemis, deux enfants terribles de la vieillesse de Beethoven qui serait bien étonné s’il pouvait voir ces deux merles blancs sortis de sa dernière couvée ! […] Ennemi de Berlioz, Verdi et Wagner, il aimait s’attaquer à la musique de l’avenir.

203. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Le mot mer évoque pour un jeune Parisien l’idée de la saison joyeuse et du grand soleil, de la libre vie en plein air, de l’expansion irréfrénée de l’énergie musculaire, des jeux d’après-midi sur la plage et des danses du soir au casino, des bruyantes parties de bain ou de pêche aux crevettes : pour le pêcheur, la mer, c’est le mystérieux ami et le terrible ennemi, le pain d’aujourd’hui et la mort de demain : toute la destinée roule dans ces vagues. […] Les lapins n’ont de grâce et de gentillesse que pour un poète comme La Fontaine : ce nom fait voir au forestier des arbres rongés, avec des plantations dévastées, un ennemi qui pullule et qu’on ne peut exterminer. […] Lui seul entendra, chaque fois que le mot sera prononcé, certain sifflement de balle, certain amortissement de ce bruit dans la chair vivante, lui seul verra certaine grimace, certaine contorsion de l’homme qui meurt, certain geste indifférent du vieux soldat, certaine colère du vaincu, lui seul évoquera certain regard d’un ennemi rencontré dans une charge, certaine parole, certaine lumière, certain paysage : un monde d’impressions ressenties une seule fois par un seul homme surgira au son de deux syllabes banales.

204. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Il reconnut même bientôt que le plus sûr moyen de se venger de ses ennemis est de les mépriser, & de laisser un libre cours aux transports de leur haine. […] Corneille tira de cette infamie une vengeance, & la vengeance la plus douce pour un auteur, celle de voir les ouvrages de son ennemi sifflés par le public. […] Ses ennemis répandirent à sa mort des bruits capables de faire tort à sa mémoire.

205. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Maupertuis refusa de les admettre & lui suscita des ennemis, entre autres l’auteur du qu’En dira-t-on, des Mémoires de madame de Maintenon, & de quelques autres ouvrages, qui annoncent moins le talent que l’audace & le mépris des bienséances. […] Akakia termine sa critique, en disant à l’ennemi juré de Kœnig, « qu’il ne compromette personne dans une querelle de néant que la vanité veut rendre importante ; qu’il ne fasse point intervenir les dieux dans la guerre des rats & des grenouilles ; qu’il n’écrive point lettres sur lettres à une grande princesse, pour forcer au silence son adversaire, & pour lui lier les mains afin de l’assassiner ». […] La persécution, au contraire, servit son ennemi.

206. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Car ce dont il s’agit dans ces livres, c’est de l’âpre, fier et religieux ennemi dont les résistances ont développé dans notre armée non seulement les vieilles qualités traditionnelles qui constituent le génie militaire de la France, mais des qualités entièrement nouvelles et qu’on ne lui connaissait pas. II Ce Génie militaire, caractéristique et traditionnel de la France, un jour ceux qu’il avait écrasés l’avaient nommé « la furie française (furia francese) », mais ce vol de l’alouette des Gaules vers l’ennemi, qui devait plus tard devenir le vol de l’aigle porte-foudre, un homme, en ces derniers temps, l’avait rabaissé dans un mot pervers, taillé comme un proverbe pour qu’il s’incrustât mieux dans toutes les mémoires de l’Europe. […] Et ce mot, semé partout comme une dent de Cadmus, nous avait donné des ennemis en masse et une foule d’insolences à vaincre.

207. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

… N’est-elle pas pour nous une étrangère, une ennemie, — une belle ennemie, si l’on veut, mais une ennemie ?

208. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Peut-être viendra-t-il un jour où Jacques II apparaîtra enfin, aux yeux mêmes de ses ennemis, ce qu’il fut réellement dans l’Histoire, — une conscience. […] Frappé dans sa dignité de roi par la croyance religieuse de son peuple, ennemie de la sienne, il aurait peut-être vaincu le préjugé populaire s’il avait été possible à un homme de vaincre une telle force. […] Quant aux cruautés qu’on lui reproche, quant à ces terribles et vivants témoignages qu’on invoque : Jeffreys et le colonel Kirke, il faut se rappeler les idées d’un temps qui croyait que la première des vertus était la fidélité au prince, et ces mœurs publiques qui avaient été pétries dans le sang des guerres civiles, mais surtout, quand on est, comme Macaulay, l’auteur de la belle théorie des décimés de l’Histoire, il fallait savoir l’appliquer, pour l’honneur de la vérité et de la justice, fût-ce à ses ennemis !

/ 1897