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2208. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

On est aussi embarrassé pour leur parler qu’on le serait avec un derviche ou un thug étrangleur. […] Ces infortunés ne parlent que de littérature.

2209. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Là-dessus, critiques et chroniqueurs, et non seulement ceux qui ne sont pas très intelligents, mais aussi les autres, se sont écriés comme un seul moraliste (et, tandis qu’ils suppliaient « qu’on ne parlât plus de ces choses », ils en parlaient eux-mêmes abondamment) : — À quoi bon ces exhumations ?

2210. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Celle-ci est très probablement « la vieille actrice » dont parle Riccoboni, laquelle avait trouvé dans l’héritage de son père des canevas signés par saint Charles Borromée. […] La Ferinda vaut un peu mieux : c’est une comédie chantée, une sorte d’opéra-comique, dans lequel sept ou huit dialectes se livrent bataille : le mauvais allemand, le français corrompu, le patois vénitien, napolitain, génois, ferrarais, le langage pédantesque, sans compter un bègue qui ne peut, lui, parler aucune langue.

2211. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Les petits-fils de Clovis, d’Alaric, de Gondebaud, d’Alboin, de Rollon, parlaient déjà roman. […] Si on eût généralement parlé gaulois dans la Gaule, au Ve siècle, Clovis et les siens n’eussent pas abandonné le germanique pour le gaulois.

2212. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Le moyen d’estimer en effet un Auteur qui s’estime assez peu lui-même pour écrire indifféremment le pour & le contre ; qui n’est ni pour Baal, ni pour le Dieu d’Israël ; qui combat les Philosophes, & qui se déchaîne avec fureur contre leurs adversaires ; qui proscrit les Drames, & fait le panégyrique des Dramaturges ; qui s’érige en vengeur de la Religion & des mœurs, & qui loue la Pucelle & fait l’apologie des Romans de Crébillon ; un Auteur qui s’éleve contre le charlatanisme philosophique, & qui ne cesse de parler de lui-même, & qui se loue tantôt sous le masque d’Editeur, tantôt à visage découvert, & qui recueille & qui fait religieusement imprimer tous les Vers, tous les petits Billets où l’on dit quelque bien de lui ; un Auteur enfin qui mendie bassement des éloges, & qui se déchaîne ensuite contre ceux qui l’ont le plus loué, croyant, par cette odieuse manœuvre, donner du poids à la louange, & persuader qu’il ne l’a point sollicitée ! […] Vespasiano, [c’est l’Italien dont nous avons parlé] que je vous prie d’embrasser pour moi de tout mon cœur.

2213. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

La crainte de se voir éclipsé par une muse naissante, lui fit parler d’elle avec mépris au monarque. […] ce monstre, ce monstre d’ire, Contre toi me força d’écrire, Et m’élança, tout irrité, Quand, d’un vers enfiélé d’iambes, Je vomissois les aigres flambes De mon courage dépité ; Pour ce qu’à tort on me fit croire, Qu’en fraudant le prix de ma gloire, Tu avois mal parlé de moi, Et que, d’une longue risée, Mon œuvre par toi méprisée, Ne servit que de farce au roi.

2214. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Il eut des peines incroyables ; Il s’en plaignit, il en parla. […] J’en parle comme ayant été la sage-femme de ce bel enfant, & l’ayant reçu en venant au monde.

2215. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

J’ai fait un choix parmi les écrivains, et je n’ai retenu, pour en parler, que ceux dont il m’a paru que l’on pouvait vraiment dire qu’il manquerait quelque chose à la « suite » de notre littérature, s’ils y manquaient. Il y en a de très grands, — pas beaucoup, mais il y en a deux : Saint-Simon et Mme de Sévigné, — dont je n’ai point parlé, parce que les premières Lettres de Mme de Sévigné n’ayant vu le jour qu’en 1725 ou même en 17343, et les Mémoires de Saint-Simon qu’en 1824, leur influence n’est point sensible dans l’histoire.

2216. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

Il s’agit d’un prêtre d’Apollon, par conséquent d’un fourbe, d’un payen incrédule, par conséquent d’un homme de bon sens ; et La Fontaine se fâche et parle comme s’il s’agissait du vrai dieu, d’un prêtre du dieu suprême. […] Mes frères… je vous enseignerai… Il parle là comme s’il était de leur espèce.

2217. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Agir devant ses enfants, et agir noblement, sans se proposer pour modèle ; les apercevoir sans cesse, sans les regarder ; parler bien, et rarement interroger ; penser juste et penser tout haut ; s’affliger des fautes graves, moyen sûr de corriger un enfant sensible : les ridicules ne valent que les petits frais de la plaisanterie, n’en pas faire d’autres ; prendre ces marmousets-là pour des personnages, puisqu’ils en ont la manie ; être leur ami, et par conséquent obtenir leur confiance sans l’exiger ; s’ils déraisonnent, comme il est de leur âge, les mener imperceptiblement jusqu’à quelque conséquence bien absurde, et leur demander en riant : Est-ce là ce que vous vouliez dire ? […] N’exigez de lui qu’une chose, c’est de s’exprimer toujours purement et clairement ; d’où résultera l’habitude d’avoir bien vu dans sa tête avant que de parler, et de cette habitude, la justesse de l’esprit.

2218. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Elle s’est donc imaginée qu’il y eut une espece de vertu à dépendre en esclave des volontez, ou pour parler plus sincerement, des caprices de quelqu’infante, à lui rapporter tout ce qu’on faisoit, à ne vivre que pour la servir. […] C’est assez parler de ces caprices qui feroient prendre les françois, les espagnols et quelques autres nations pour des peuples de fols par les grecs du tems d’Alexandre et par les romains du tems d’Auguste, si, pour me servir de l’expression tant usitée, les uns et les autres pouvoient revenir au monde.

2219. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Nous croyons, au contraire, que le moment est venu pour la sociologie de renoncer aux succès mondains, pour ainsi parler, et de prendre le caractère ésotérique qui convient à toute science. Elle gagnera ainsi en dignité et en autorité ce qu’elle perdra peut-être en popularité, Car tant qu’elle reste mêlée aux luttes des partis, tant qu’elle se contente d’élaborer, avec plus de logique que le vulgaire, les idées communes et que, par suite, elle ne suppose aucune compétence spéciale, elle n’est pas en droit de parler assez haut pour faire taire les passions et les préjugés.

2220. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

Il me semble qu’il serait exactement dans la situation de cet humaniste dont je parlais plus haut : il n’aurait que le sentiment de l’excellent, avec une certaine étroitesse dédaigneuse d’esprit. […] Chateaubriand parle d’un auteur de son temps qui, chaque année, allait faire sa remonte d’idées en Allemagne ; un homme sage doit aller faire de temps en temps chez les mauvais auteurs la remonte de ses facultés d’admiration.

2221. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

L’auteur de la Fête votive de saint Bartholomée Porte-glaive — un nom de tableau bien plus que de livre — n’est, à exactement parler, ni un inventeur dans l’ordre du roman ou du drame, ni un esprit d’aperçu qui voit les idées par-dessus les images, ni un écrivain… littéraire. […] Pour sa libre pensée, parlez-moi de sa libre peinture !

2222. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Elles le connaissaient : elles lui parlèrent. […] Mais je soupçonne son ignorance d’être mieux gardée qu’il ne le croit, car ce prophète dont il parle, et que M.  […] Quant aux rapports des faits entre eux, n’en parlons pas. […] Ochorowicz m’a déjà parlé de vous. […] Sabatier a parlé du pauvre d’Assise.

2223. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Thiers quand il parle du style et qu’il le compare à une glace, glace d’autant plus parfaite, dit-il, qu’elle se borne à réfléchir avec plus de fidélité les objets, sans les colorier de teintes empruntées à sa propre surface, nous dirons que c’est rabaisser l’intelligence que de l’assimiler à un miroir inerte. […] C’est le système qui parle, tandis que dans l’exécution c’est la nature qui agit. […] Thiers, qui dénigre la poésie, est un grand poète, d’autant plus grand qu’il fait parler les événements au lieu de parler lui-même. Il n’y a pas de parole aussi éloquente que l’action qui parle. […] Elle essayait, en attendant, de détourner son mari des idées d’une grandeur exagérée, osait même lui parler des Bourbons, sauf à essuyer des orages, et, malgré ses goûts, qui auraient dû lui faire préférer M. de Talleyrand à M. 

2224. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Et je ne parle pas des officiers qui étaient par principes de l’opposition systématique, comme le général Cavaignac, mais je parle de ceux même (et c’était le grand nombre) qui n’avaient pas de parti pris et qui étaient même attachés à ce régime d’alors par la bravoure et l’affabilité des jeunes princes. […] Il avait des défauts qui sautent aux yeux dans un salon ; il tranchait, parlait à satiété de lui, réfutait ses advèrsaires sans ménagement, choquait leurs sentiments sans pitié, se vantait en tout de faire mieux que tous. […] Quand il parle de sa compagnie, de son régiment, de sa troupe, il a le sentiment camarade et fraternel, il a l’expression sympathique et vibrante. […] Je crois que je rajeunirais de dix ans… Je ferais parler de moi, quelque chose dans le cœur me le dit. […] Les coups de fusil roulent comme en 1840 et 1842. » C’est Saint-Arnaud qui parle.

2225. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Quelque Parisien parlait-il des Rothschild ou de M.  […] Il parlait peu. […] Lui parlait-on ? […] Je ne t’en parlerai plus, jamais.” » « M.  […] Il parlait familièrement à la belle héritière, et lui disait : “Notre chère Eugénie !

2226. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

On parle de l’ingratitude des peuples, mais de celle des rois, qu’en dites-vous ? […] Je veux parler de lord Byron, ce proscrit volontaire de sa famille et de sa patrie, qui avait eu le courage, comme le Renaud du Tasse, de quitter mieux qu’Armide, pour voler au secours d’une ombre de peuple par amour pour l’humanité et pour ce que nous appelions alors la gloire. […] tu m’as proscrit de ton libre rivage ; Mais dans mon cœur brisé j’emporte ton image, Et, fier du noble sang qui parle encore en moi, De tes propres vertus t’honorant malgré toi, Comme ce fils de Sparte allant à la victoire, Je consacre à ton nom ou ma mort ou ma gloire. […] Quand lord Byron faisait parler Manfred, le Corsaire ou Lara ; quand il mettait dans leur bouche les imprécations les plus affreuses contre l’homme, contre les institutions sociales, contre la Divinité ; quand ils riaient de la vertu et divinisaient le crime, a-t-on jamais confondu la pensée du poète et celle du brigand ? […] Satan, dans Milton, ne parle point comme les anges.

2227. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Ceux-ci ne seront bientôt plus que ces grains de sable dont parle Nietzsche, également ronds, lisses et polis, identiques, indiscernables et interchangeables. […] Mais de ce que les historiens ont démontré qu’il est vain d’essayer de déterminer l’action de la race sur les institutions politiques et qu’on ne doit plus en histoire parler de races, il ne faut pas conclure que physiologiquement les races n’ont jamais existé. […] Un physicien, un chimiste, un biologiste, quand ils parlent de la science, entendent par là leur science particulière, c’est-à-dire un ensemble de recherches et de résultats valables pour eux à un certain moment et dans de certaines limites. […] Ce savant finit par parler de la science en sceptique et se console des incertitudes de l’esprit humain en matière de science par un acte de foi en l’avenir de la fraternité. […] L’idéal de la plus grande science, de la plus haute culture ne rentre-t-il pas dans ce cycle de l’éternelle Illusion dont a parlé M. de Hartmann et que Nietzsche semble avoir symbolisé dans sa conception de l’Éternel Retour ?

2228. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Mais le travail ne s’en opère pas moins, et c’est le moment de dire que, comme cette impersonnalité ou comme cette uniformité dont nous parlions tout à l’heure, ainsi cette immobilité n’est et ne peut être que relative. […] De tous les caractères de la littérature européenne du Moyen Âge, il n’en est pas qui soit demeuré plus national et, si l’on ose ainsi parler, plus personnel à la littérature française que cette tendance à l’universalité. […] C’est vraiment la reine de village dont Pascal parlera quelque part, la « jolie demoiselle toute pleine de miroirs et de chaînes, qui s’admire, mais qui fait rire ». […] Mais c’est ce qui n’est point arrivé ; et, en attendant, la Renaissance allait nous donner trois choses qui nous avaient jusqu’alors manqué : un modèle d’art, en nous proposant les grands exemples de l’antiquité ; l’ambition d’en reproduire, d’en imiter les formes ; et, pour remplir ces formes elles-mêmes, si je puis ainsi parler, de nouveaux moyens, une manière nouvelle d’observer la nature et l’homme. […] Granier de Cassagnac, Les Origines de la langue française.] — Hypothèse de Raynouard sur la formation d’une « langue romane » intermédiaire entre le bas-latin ou latin vulgaire et les langues novo-latines ; — dans quelle mesure on peut la soutenir ; — et, en tout cas, de la commodité qu’elle offre. — Déformation ou transformation du latin vulgaire par les accents locaux ; — et par le seul effet du temps. — Parlers provinciaux : dialectes et patois.

2229. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

On avait d’abord parlé d’une traduction de Baudelaire. […] La scène du tulipier, dans le Scarabée d’or, nous a rappelé une des plus belles pages que Lord Byron, le poète, ait écrites en prose, et dont la Critique, qui a tant de fois examiné ses œuvres, n’a jamais parlé comme elle l’aurait dû. […] Présenté au public français par un traducteur de première force, Charles Baudelaire, Edgar Poe cessa tout à coup d’être, en France, le grand inconnu dont quelques personnes parlaient comme d’un génie mystérieux et inaccessible à force d’originalité. […] Baudelaire parle surtout dans sa notice de madame Clemm (la belle-mère de Poe), qui déploya un héroïsme de dévouement égal à l’amour de Poe pour sa femme, et qui resta jusqu’à la mort sa compagnonne dans la pauvreté, la maladie et la faim. […] Elles se bouchèrent le nez avec du chloroforme pour s’évanouir à temps et s’éviter les imprudences de la pitié, — et c’est alors que cet éternellement malheureux homme, qui ne trouvait pas un cœur auquel se raccrocher, tomba dans la plus affreuse désespérance, dans la démence du cœur et dans l’ivrognerie, l’ignoble ivrognerie dont on a tant parlé, et qui fut son coup de pistolet.

2230. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Et c’est bien, à parler franc, comme un miroir dont la monture inférieure, garnie de pointes, leur déchirerait le cœur ! […] Eût-elle, avec cette franchise dépouillée d’artifice, parlé d’amour, de son amour, et du même coup dévoilé le secret de ses premières initiations ? […] car la femme bretonne brûle en dedans, si l’on en croit ceux qui nous parlèrent d’elle. […] C’est bien le sens de son premier jugement, quand il parle « d’œuvre complète et originale dans les Beaux-Arts ». […] J’ai parlé plus haut de trouvaille, en commentant Grâce Mirbel.

2231. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

J’écrivis dans mon feuilleton : « J’en parlerai la semaine prochaine »… et je n’en ai jamais parlé. […] L’âme même de l’ancien Palais-Royal, du Palais-Royal de la grande époque, parlait par sa bouche. […] Ils ne sont, pour ainsi parler, ni dans l’histoire ni dans la morale : ils sont simplement dans l’espace et dans le temps. […] C’est surtout dans ces épisodes qu’on peut relever l’autre équivoque dont j’ai parlé. […] Lavedan qui parle ici ; c’est lui qui nous dit, avec une généreuse âpreté, toute son honnête pensée.

2232. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Il désapprend, dit-il, à parler français, et cela le mène à composer des vers latins (lui qui en a tant médit) : il fait comme Marc-Antoine Muret et comme les beaux esprits de son temps devenus citoyens romains : il faut bien parler à Rome le langage qu’on entend le mieux à Rome ! […] se rencontre au quart du chemin à peine dans le Recueil : je le réserve pour en parler après. […] Ne m’en parle donc plus, si tu ne veux me fâcher, mais bien plutôt pendant que d’une main habile Tu me laves la barbe et me tonds les cheveux, Pour me désennuyer, conte-moi, si tu veux, Des nouvelles du Pape et du bruit de la ville. […] Paul-Louis Courier écrivait un jour d’Albano, où il passait un mois de printemps, à M. et à Mme Clavier : « Si vous saviez ce que c’est, vous m’envieriez… Ne me parlez point de vos environs : voulez-vous comparer Albano et Gonesse, Tivoli et Saint-Ouen ?

2233. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Rappelez-vous ce marquis dont on parlait tout à l’heure, ancien capitaine aux gardes françaises, homme de cœur et loyal, avouant aux élections de 1789 que les connaissances essentielles à un député « se rencontreront plus généralement dans le Tiers-état, dont l’esprit est exercé aux affaires ». — Quant à la théorie, le roturier en sait autant que les nobles, et il croit en savoir davantage ; car, ayant lu les mêmes livres et pénétré des mêmes principes, il ne s’arrête pas comme eux à mi-chemin sur la pente des conséquences, mais plonge en avant, tête baissée, jusqu’au fond de la doctrine, persuadé que sa logique est de la clairvoyance et qu’il a d’autant plus de lumières qu’il a moins de préjugés. — Considérez les jeunes gens qui ont vingt ans aux environs de 1780, nés dans une maison laborieuse, accoutumés à l’effort, capables de travailler douze heures par jour, un Barnave, un Carnot, un Roederer, un Merlin de Thionville, un Robespierre, race énergique qui sent sa force, qui juge ses rivaux, qui sait leur faiblesse, qui compare son application et son instruction à leur légèreté et à leur insuffisance, et qui, au moment où gronde en elle l’ambition de la jeunesse, se voit d’avance exclue de toutes les hautes places, reléguée à perpétuité dans les emplois subalternes, primée en toute carrière par des supérieurs en qui elle reconnaît à peine des égaux. […] Enfermée d’abord dans le réservoir aristocratique, la doctrine a filtré par tous les interstices comme une eau glissante, et se répand insensiblement dans tout l’étage inférieur  Déjà en 1727, Barbier, qui est un bourgeois de l’ancienne roche et ne connaît guère que de nom la philosophie et les philosophes, écrit dans son journal : « On retranche à cent pauvres familles des rentes viagères qui les faisaient subsister, acquises avec des effets dont le roi était débiteur et dont le fonds est éteint ; on donne cinquante-six mille livres de pension à des gens qui ont été dans les grands postes où ils ont amassé des biens considérables, toujours aux dépens du peuple, et cela pour se reposer et ne rien faire578 »  Une à une, les idées de réforme pénètrent dans son cabinet d’avocat consultant ; il a suffi de la conversation pour les propager, et le gros sens commun n’a pas besoin de philosophie pour les admettre. « La taxe des impositions sur les biens, dit-il en 1750, doit être proportionnelle et répartie également sur tous les sujets du roi et membres de l’État, à proportion des biens que chacun possède réellement dans le royaume ; en Angleterre, les terres de la noblesse, du clergé et du Tiers-état payent également sans distinction ; rien n’est plus juste. » — Dans les dix années qui suivent, le flot grossit ; on parle en mal du gouvernement dans les cafés, aux promenades, et la police n’ose arrêter les frondeurs, « parce qu’il faudrait arrêter tout le monde ». […] Pour des gens qui veulent contrôler le pouvoir et abolir les privilèges, quel maître plus sympathique que l’écrivain de génie, le logicien puissant, l’orateur passionné qui établit le droit naturel, qui nie le droit historique, qui proclame l’égalité des hommes, qui revendique la souveraineté du peuple, qui dénonce à chaque page l’usurpation, les vices, l’inutilité, la malfaisance des grands et des rois   Et j’omets les traits par lesquels il agrée aux fils d’une bourgeoisie laborieuse et sévère, aux hommes nouveaux qui travaillent et s’élèvent, son sérieux continu, son ton âpre et amer, son éloge des mœurs simples, des vertus domestiques, du mérite personnel, de l’énergie virile ; c’est un plébéien qui parle à des plébéiens  Rien d’étonnant s’ils le prennent pour guide, et s’ils acceptent ses doctrines avec cette ferveur de croyance qui est l’enthousiasme et qui toujours accompagne la première idée comme le premier amour. […] « Un jour593 que l’on parlait devant le ministre de la guerre d’un officier général parvenu à ce grade par son mérite : Ah oui, dit le ministre, officier général de fortune ! […] Dans ce délire universel, Morris ne peut citer à Washington qu’une seule tête saine, Marmontel, et Marmontel ne parle pas autrement que Morris.

2234. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Là, dans ces gaies ténèbres de la verdure, une foule de voix innocentes parlaient doucement à l’âme, et ce que les gazouillements avaient oublié de dire, les bourdonnements le complétaient. […] Ils ne se parlaient pas, ils ne se saluaient pas, ils ne se connaissaient pas ; ils se voyaient ; et, comme les astres dans le ciel que des millions de lieues séparent, ils vivaient de se regarder. […] Pardonnez-moi, je vous parle, je ne sais pas ce que je vous dis, je vous fâche peut-être, est-ce que je vous fâche ? […] « Peu à peu ils se parlèrent. […] Que peut-il y avoir à louer dans ce patois du crime, qui n’a été inventé que comme un masque pour cacher le visage des scélérats, de même que le masque des assassins cache leurs visages, et qu’on ne peut apprendre que pour parler bas, devant l’honnête homme, des forfaits à commettre ou à cacher ?

2235. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Et vous, spectateurs routiniers, vous est-il donc impossible de comprendre qu’un héros peut plaisanter quelquefois et parler autrement qu’en vers alexandrins, qu’une action se développe bien mieux en six mois qu’en vingt-quatre heures, et que le tableau d’un supplice est plus attendrissant que le récit qu’on vient vous en faire ?  […] c’est que les étrangers sont aussi envieux de la gloire éminente de notre littérature, qu’ils l’ont été de celle de nos armes ; et qu’il leur conviendrait de nous importer ou imposer Shakespeare et Schiller, pour qu’il ne soit plus parlé enfin de Voltaire, Racine, Molière et Corneille. […] Une autre invention, non moins malheureuse du poète allemand, est celle des chœurs qui ne chantent pas comme dans Racine, mais qui parlent. […] et peu s’en faut qu’on ne nous demande pour plus de fidélité, que chaque personnage parle sur la scène son langage le plus familier et jusqu’à l’idiome de son pays, bien que pourtant les Grecs, les Romains, les Français s’expriment encore en anglais sur les théâtres de Londres, en allemand sur ceux de Vienne et de Berlin. […] Plaute a bien fait parler un Carthaginois en langue punique devant des spectateurs de Rome.

2236. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

un nom, un mot si doux, si triste à la fois, qu’il donne presque l’idée, en effet, de ce chant poignant et délicieux dont les nuits d’été s’enivrent, et dont le poète emprunte les notes enflammées pour faire parler l’ineffable et pour traduire la langue mystérieuse de l’amour : Deux monts plus vastes que l’Hécla Surplombent la pâle contrée Où mon désespoir s’éveilla. […] Sous le prétexte de faire parler les gens à la scène comme ils parlent dans la vie, on nous a depuis longtemps habitués à toutes les trivialités, à tous les bégaiements de la phrase, et il faut savoir gré aux écrivains qui protestent contre cette tradition funeste à la littérature dramatique. […] J’aime Philoméla de jeunesse, si je puis ainsi parler, aussi les Sérénades, aussi les Soirs moroses. […] Henry Fouquier La Reine Fiammette : C’est œuvre d’artiste et de poète que l’œuvre dont je dois parler aujourd’hui, et je n’en cache pas ma joie… Non que le métier en soit absent, car le drame est bien établi.

2237. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Ils forment ce qu’on peut appeler la langue intermédiaire entre celle que parle le peuple et celle que créent ces rares esprits, pour lesquels il faut réserver le nom d’hommes de génie. […] Nul ne peut parler plus pertinemment des mobiles secrets et des conversions qui en ont grossi le parti. […] Je veux parler de la disposition qui nous a fait substituer, dans toutes les parties des connaissances humaines, la science à la croyance. […] C’est à cause de cette ressemblance avec notre siècle, que le xvie siècle plaît si fort aux esprits dont j’ai parlé, et qu’il leur paraît plus riche intellectuellement que le xviie. […] Chemin faisant il parle à chacun selon ses besoins, s’aidant pour les persuader de tout ce qu’ils voient et de tout ce qu’ils aiment, tirant ses comparaisons des usages de leur vie, de leurs habitudes domestiques, de leurs souvenirs, rendant les enseignements sensibles en y intéressant leur imagination et leur cœur.

2238. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Or, puisque nous parlons de psychologie, il n’y a que l’amour, en effet, et un amour maniaque, qui puisse pousser un homme comme M.  […] Nous parlerons aujourd’hui de leur corruption, puisqu’on la nie, puisque, avec de certains ports de tête, on cesse d’être des courtisanes ! […] Cousin qui, dans tout le cours de son livre, nous parle, comme Demoustier, l’auteur des Lettres à Émilie, des changements d’amants de Mme de Chevreuse, trop grande dame pour daigner connaître la retenue, — l’insolent !  […] Nous l’avons cité, non seulement parce que c’est une promesse de silence sur des sujets qui ont trop longtemps écœuré le goût public, mais aussi parce que ce morceau est certainement de solennité déplacée, de méconnaissance de soi-même, de manque de proportion entre le ton qu’on a et les choses dont on parle, un des fragments les plus comiques qu’ait jamais écrits M.  […] Les quelques mots dont il parle ont-ils été dits ?

2239. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Saint-Georges de Bouhélier, parler du « sublime grand homme », qu’il considère comme notre écrivain national : « Son œuvre est égale au monde même. […] Il ne comprend pas que la physique et la métaphysique — cette dernière, véritable et organique, j’entends — ne sont en rien dissociées par les découvertes scientifiques, qu’elles ne sont au fond qu’une seule et même chose entrevue de deux points différents, se rattachant, comme l’univers entier, au principe d’unité, au principe moniste dont nous avons parlé. […] Quel autre écrivain de l’heure présente aurait-on pu lui préférer, s’il avait vraiment approfondi cette phrase de son étude sur Edouard Manet : « Le beau devient la vie humaine elle-même », ou cette autre : « La vie seule parle de la vie, il ne se dégage de la beauté et de la vérité que de la nature vivante18 » ? […] Quand bien même vos plus fortes œuvres, l’Assommoir, Germinal, la Terre, ne parleraient pas assez haut pour votre gloire (ce que je crois inadmissible), votre nom restera toujours synonyme d’une formidable prise de corps avec la réalité, d’une énorme poussée vitale. […] Voilà pourquoi je trouve que les jeunes écrivains dont j’ai parlé au début de cette étude font une œuvre de justice en réhabilitant Zola vis-à-vis des irréalistes de toutes nuances.

2240. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Il me parut imparfaitement compris, et je ne parle pas ici des parties obscures de sa vie malheureuse, mais de ce qui en est incontesté, et surtout de son âme encore toute vivante dans des œuvres impérissables. […] Il ne parla jamais qu’avec ressentiment de ces longues années de collège et des épreuves qu’y subit son orgueil. […] Le 7 décembre 1711, après avoir assisté à une séance de la Chambre des lords, où le duc de Somerset avait parlé contre le ministère et contre la paix, elle refusa le bras du lord-chambellan pour prendre le sien. […] Il restait souvent longtemps sans aller la voir, et les lettres de Vanessa nous apprennent combien ses visites étaient souvent cruelles : « Je vous prie de me voir et de me parler avec douceur, car vous ne condamneriez personne à souffrir ce que j’endure ; puissiez-vous seulement le savoir. […] Peut-être que, pendant tout ce temps, je vous parle d’un livre que vous n’avez jamais vu, et qui n’a pas encore touché l’Irlande.

2241. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Il a donné depuis, outre quelques volumes de vers que l’étranger connaît trop peu, de nombreux romans et tragédies dont on n’a que trop parlé grâce à une réclame savante et à l’engouement des snobs. […] Tu tires, sans toucher ; tu imagines, sans créer ; tu parles, sans convaincre ; et je devrais m’excuser d’être plus heureux que toi ! […] J’ai vu ces nouveaux décors en action ; le public s’en trouvait fort bien, grâce à une ressource qui est en lui et dont je parlerai bientôt. […] Il comporterait des conditions dont je n’ai pas à parler ici. — Quel que soit l’avenir, quand une littérature a produit Bérénice et Phèdre, elle ne saurait se complaire longtemps ni à Chantecler ni à Saint Sébastien. […] Ne parle-t-on pas d’un péril panaméricain, d’un péril jaune ?

2242. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Sur ces parties accessoires il sera nécessairement surpassé un jour par ceux qui étudieront ces peuples dévastateurs en eux-mêmes, et remonteront plus haut vers leurs racines et leurs sources asiatiques : là où il reste original, c’est dans l’exposé des derniers grands règnes romains ou byzantins, quand il parle de Dioclétien, de Constantin, de Théodose, de ces âmes héroïques et venues trop tard comme Majorien ; c’est quand il parle de Justinien et de Bélisaire. […] Gibbon ; depuis huit jours qu’il est arrivé, je l’ai vu presque tous les jours : il a la conversation facile, parle très bien français ; j’espère qu’il me sera de grande ressource. […] Ils sont écrits avec des ménagements insidieux ; l’auteur parle toujours le langage de la religion et conclut en sa faveur, mais il l’attaque de tous les côtés, et ses conclusions sont toujours en contradiction avec les faits ou les raisonnements qui les précèdent.

2243. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il finit cette même lettre où il a causé métaphysique, en annonçant à son frère la mort de Mme de Pompadour, ou, pour parler comme lui, de la Pompadour, car Frédéric n’y met pas tant de façons. […] Que sera-ce donc si cet orateur est de ceux qui ont à parler sur un tombeau ? […] Frédéric en rapporta toujours à son frère l’initiative et la première idée : L’honneur des événements que nous prévoyons (il parle à son point de vue d’égoïsme national) vous sera dû, mon cher frère, lui écrit-il, car c’est vous qui avez placé le premier la pierre angulaire de cet édifice ; et sans vous je n’aurais pas cru pouvoir former de tels projets, ne sachant pas bien, avant votre voyage de Pétersbourg, dans quelles dispositions cette cour se trouvait en ma faveur. […] La plupart des gens de lettres qui faisaient fête au prince Henri, et dont celui-ci parlait avec éloge, étaient inconnus à Frédéric, ou il ne les connaissait que de réputation.

2244. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle fut remarquée à Rouen par des acteurs de l’Opéra-Comique de Paris, qui y étaient venus donner quelques représentations : ils en parlèrent à Grétry à leur retour, et l’aimable maître se chargea de l’éducation musicale de Mlle Desbordes. […] De nombreux auteurs dont elle avait interprété les ouvrages et entrevu ou connu la personne, elle avait retenu, sans prétendre pour cela les juger, une impression prompte et juste, le trait le plus vrai de leur physionomie, et quand on l’interrogeait à leur sujet, elle en parlait à ravir. […] … Elle est sourde comme une trappe quand on lui parle de rapprochement. […] Par bonheur on en parla à l’aimable et généreux M. 

2245. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Des petites choses drôles du dialogue, des « mots » salés ou poivrés, le cœur me lève rien que d’en parler… Si j’ai paru m’intéresser à la pantomime, c’est exclusivement parce qu’elle me graciait des « paroles ». […] Seulement, à Bouvard lui soumettant l’empirique réponse de son correspondant, Pécuchet répliquait triomphant : « Mais, imbécile, ce qui t’amuse n’est pas ce qui m’amuse, et les autres et toi-même s’en fatigueront plus tard. » Pécuchet parlait d’or. […] Chacun pouvait parler dans les assemblées, à la fois législatives et municipales, chacun pouvait être, non seulement orateur, mais juge, administrateur, général. […] Mais que parlé-je de théâtre ?

2246. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Les “caractères” me glacent plus encore ; aussi bien savons-nous qu’il en existe si peu en deçà de la rampe… Des petites choses drôles du dialogue, des “mots” salés ou poivrés, le cœur me lève rien que d’en parler… Si j’ai paru m’intéresser à la pantomime, c’est exclusivement parce qu’elle me graciait des “paroles”. […] Chacun pouvait parler dans les assemblées, à la fois législatives et municipales ; chacun pouvait être, non seulement orateur, mais juge, administrateur, général. […] Mais que parlé-je de théâtre ? […] Sans parler d’Ibsen dont le génie étranger ne nous est sensible que par un effort quasiment archéologique, les talents initiateurs de MM. 

2247. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Quand on parle physiologie, on envoie coucher les enfants. […] Barantin le devance et parle pour lui. […] Mais, restée seule avec son enfant, Jeannine — c’est son nom, — s’entend appeler par un homme qui, debout dans l’embrasure d’une fenêtre, lui parle sans retourner la tête. […] Ainsi parle-t-elle, d’un ton ferme et doux, avec de grands yeux clairs et une décence d’ange ; et, en écoutant cette confession de fille entretenue prononcée par une voix de vierge, on se rappelle le mot de Henri Heine : « J’ai vu des femmes qui avaient le vice peint en rouge sur leurs joues, et, dans leur cœur, habitait la pureté du ciel.

2248. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Son idée fixe se projetait hors d’elle comme une prière ardente et lui revenait en écho : c’était la voix désormais qui lui parlait comme celle d’un être supérieur, d’un être distinct d’elle-même, et que, dans sa simplicité et sa modestie, elle adorait. […] Tous les narrateurs et témoins du temps en sont là quand ils parlent d’elle, et les moindres circonstances, les incidents les plus naturels leur semblent miracles. […] Un jour qu’à Poitiers, dans les premiers temps de son arrivée près du roi, un des docteurs du lieu voulait absolument savoir d’elle de quel idiome se servait l’archange en lui parlant, elle avait répondu à ce Limousin trop curieux : « Il parle un meilleur français que vous. » Chose mémorable ! […] [NdA] Je veux parler d’une Jeanne d’Arc de la princesse Marie, autre que celle que l’on connaît, et restée à l’état de projet ou de modèle.

2249. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

J’en parlai le lendemain dans quelques-unes des meilleures maisons d’Agen ; on voulut voir le jeune homme, on le fit venir, on lui fit raconter le même fait ; mais la fièvre de l’émotion en lui s’était éteinte, il fut phraseur, maniéré, exagéré ; bref, il voulut faire et il ne fit pas. […] Et les deux filles parlent de leurs chagrins, mais chacune à sa manière. […] La langue qu’il parle aujourd’hui, la langue qu’il chante n’est celle d’aucun lieu en particulier, d’aucun coin de Gascogne, de Languedoc ni de Provence ; c’est une langue un peu artificielle et parfaitement naturelle, qui s’entend également par tous ces pays et que les Catalans eux-mêmes comprennent. […] Au moment de se mettre à table, l’archevêque de Reims (M. le cardinal Gousset), le consécrateur de l’église rebâtie, dit à Jasmin : Poète, on nous a parlé de votre pièce sur la circonstance ; nous serons heureux si vous voulez nous la confier ce soir, avant de partir, à quelques-uns. — À quelques-uns, monseigneur !

2250. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Bien que les écrivains distingués (et quelques-uns d’un ordre élevé) qui ont eu à parler de M.  […] La préface commence par ces mots : « Rousseau répandit la consolation sur ma vie, je dois jeter quelques fleurs sur sa tombe. » En faisant imprimer cet opuscule à part, et en le dédiant à son frère, l’auteur parlait du Contrat social avec enthousiasme. […] Il parle en un endroit de la santé chancelante du jeune général. […] Un jour, on parlait devant lui de Machiavel : « Sans aller si loin, dit-il, il y a quelqu’un que vous devriez plutôt étudier, c’est La Fontaine ; on l’appelle un fabuliste, on devrait l’appeler plutôt un publiciste. » S’il écrivait peu pour son compte, M. 

2251. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Mais comme il paraissait en plus d’un endroit du récit que le cardinal de Richelieu parlait en son nom et à la première personne, on imagina de supposer que Mézeray dans sa jeunesse, par reconnaissance pour les bienfaits du cardinal, avait voulu, cette fois, prendre son personnage et se masquer sous son nom, et l’on se flattait d’expliquer par ce déguisement toutes les circonstances disparates de l’ouvrage. […] Ainsi donc, pour qui veut connaître aujourd’hui et avoir sous la main tous les écrits politiques et historiques de Richelieu (je ne parle pas de ses écrits de controverse comme évêque et théologien dans son diocèse), il convient d’avoir : 1º son Testament politique, précédé de la Succincte narration (édition de 1764)31 ; 2º ses Mémoires, imprimés dans la collection Petitot (1823), et depuis dans celle de MM.  […] Richelieu n’est pas un philosophe ; ce haut esprit, qui est surtout un bon esprit armé d’un grand caractère, paie tribut aux idées et aux préjugés de son temps ; il parle en maint endroit comme croyant aux présages, aux horoscopes et aux sortilèges ; il est superstitieux : mais aussi il est sincèrement religieux, il croit au don de Dieu qui s’étend sur certains hommes destinés à être des instruments publics de salut : si les fautes commises envers les personnes publiques lui paraissent d’un tout autre ordre que celles commises contre des particuliers, les fautes de ces personnes publiques elles-mêmes lui semblent aussi plus graves et de plus de poids, eu égard à la responsabilité et à l’étendue des conséquences. […] Aussi y eut-il un si merveilleux effet de bénédiction de Dieu envers elle, que, par un subit changement, tous ceux qui assistèrent au triste spectacle de sa mort devinrent tout autres hommes, noyèrent leurs yeux de larmes de pitié de cette désolée… Je supprime quelques traits de mauvais goût ; et il finit par remarquer que ce qu’il en dit n’est point par l’effet d’aucune partialité, que c’est la vérité seule qui l’oblige à parler ainsi, « vu qu’il n’y a personne si odieuse qui, finissant ses jours en public avec résolution et modestie, ne change la haine en pitié, et ne tire des larmes de ceux mêmes qui, auparavant, eussent désiré voir répandre son sang ».

2252. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola à tous les usages, celui-ci polémise, expose, raconte, parle et décrit, énonce l’énorme masse de petits faits qui lui servent à poser ses lieux, ses personnages et ses ensembles. […] La Mme Lerat, de L’Assommoir, le sous-préfet de Poizat, le louche et gai bohème Gilquin, Lantier pâle, lent et ravageur, le marquis de Chouard, Trublot, sont tous admirablement saisis et jetés dans la vie commune, parlent et agissent avec des façons, des physionomies uniques. […] Et sans cesse aussi, ayant assimilé les âmes aux éléments, le romancier prête, en retour, aux forces naturelles, de sourdes et inarticulées passions ; parle de l’entêtement des vagues et du rut de la terre ; fait souffrir une machine des coups qui la mutilent ; assigne à une maison l’humeur rogue de ses locataires. […] Cet esprit, animé comme presque toutes les âmes humaines, de l’amour des conditions utiles à son espèce, arriverait naturellement à les abstraire de ses expériences, à éprouver ainsi pour la santé, la raison, la sensualité, la force, un attachement admiratif, à ressentir une sourde exaltation toutes les fois qui lui arrivera de parler d’un paysage luxuriant et estival, d’une foule fluctuant, de l’obstination volontaire de ses héros, de la volupté conquérante de ses femmes, de n’importe quel grand réceptacle de force délétère ou non, mais agissante et dynamique.

2253. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Je ne parle pas des Provinciales où Pascal, avant Voltaire, a soumis la théologie au bon sens ; je parle des Pensées. […] De quelle histoire voulez-vous parler ?  […] A peine parle-t-on de Henri IV, car il ne fallait pas qu’aucun nom pût effacer et ternir celui du grand roi.

2254. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Je ne parle en ce moment que de ce travail conciliateur qui recueille dans les systèmes les vérités indépendantes du système lui-même, et qui sont bonnes pour toutes les écoles : ces vérités courent plus risque de se perdre en philosophie que dans les autres sciences. […] Je ne parle pas seulement de la différence de forme, qui est déjà quelque chose de considérable. […] Rien de plus juste, je dirai même rien de plus évident qu’une telle opinion ; mais ce que l’on appelle synthèse n’est précisément que cet éclectisme idéal dont nous parlons, et dont nous venons de faire voir les difficultés. […] Ils ne savent parler de rien vraisemblablement, ce qui est le charme de Socrate et de Platon.

2255. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Il est facile de deviner que je veux parler du rire causé par le grotesque. […] Je veux encore parler d’Hoffmann. […] Ses conceptions comiques les plus supra-naturelles, les plus fugitives, et qui ressemblent souvent à des visions de l’ivresse, ont un sens moral très-visible : c’est à croire qu’on a affaire à un physiologiste ou à un médecin de fous des plus profonds, et qui s’amuserait à revêtir cette profonde science de formes poétiques, comme un savant qui parlerait par apologues et paraboles. […] Cela est visible, non-seulement dans certains animaux du comique desquels la gravité fait partie essentielle, comme les singes, et dans certaines caricatures sculpturales antiques dont j’ai déjà parlé, mais encore dans les monstruosités chinoises qui nous réjouissent si fort, et qui ont beaucoup moins d’intentions comiques qu’on le croit généralement.

2256. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

J’ai lu quelque part l’histoire d’un sous-lieutenant que les hasards de la bataille, la disparition de ses chefs tués ou blessés, avaient appelé à l’honneur de commander le régiment : toute sa vie il y pensa, toute sa vie il en parla, et du souvenir de ces quelques heures son existence entière restait imprégnée. […] On parle indifféremment de la pensée ou du cerveau, soit qu’on fasse du mental un « épiphénomène » du cérébral, comme le veut le matérialisme, soit qu’on mette le mental et le cérébral sur la même ligne en les considérant comme deux traductions, en langues différentes, du même original. […] Pour une seule faculté intellectuelle, en effet, on a pu se croire autorisé par l’expérience à parler de localisation précise dans le cerveau : je fais allusion à la mémoire, et plus spécialement à la mémoire des mots. […] Maintenant, que l’attention à la vie vienne à faiblir un instant — je ne parle pas ici de l’attention volontaire, qui est momentanée et individuelle, mais d’une attention constante, commune à tous, imposée par la nature et qu’on pourrait appeler « l’attention de l’espèce » — alors l’esprit, dont le regard était maintenu de force en avant, se détend et par là même se retourne en arrière ; il y retrouve toute son histoire.

2257. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Dans le salon de réception, Swift allait causer avec quelque homme obscur et forçait les lords à venir le saluer et lui parler. « M. le secrétaire d’État me dit que le duc de Buckingham désirait faire ma connaissance ; je répondis que cela ne se pouvait, qu’il n’avait pas fait assez d’avances. […] Lord Lansdowne, ministre de la guerre, s’étant trouvé blessé d’un mot dans l’Examiner, « je fus hautement irrité, dit Swift, qu’il se fût plaint de moi avant de m’avoir parlé. […] Il ne parle pas à des raisonneurs, mais à un parti ; il ne s’agit pas pour lui d’enseigner une vérité, mais de faire une impression ; il n’a pas pour but d’éclairer cette partie isolée de l’homme qu’on appelle l’esprit, mais de remuer cette masse de sentiments et de préjugés qui est l’homme réel. […] Ainsi parle Swift, sans développement, sans coups de logique, sans effets de style, mais avec une force et un succès extraordinaires, par des sentences dont les contemporains sentaient intérieurement la justesse et qu’ils acceptaient à l’instant même, parce qu’elles ne faisaient que leur dire nettement et tout haut ce qu’ils balbutiaient obscurément et tout bas. […] On a parlé beaucoup des grands hommes malheureux, de Pascal par exemple.

2258. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Quantité de choses qui échappaient dans le premier cas, au long desquelles on passait, pour ainsi parler, sans les apercevoir, apparaissent alors, surprennent et retiennent l’attention. […] Et comme c’était la première fois que l’écrivain apparaissait distinctement dans son œuvre, c’est pour cela que l’on a parlé, que l’on parle encore, couramment, et emphatiquement, de la richesse, de l’abondance, de l’originalité de la littérature française du temps de la Renaissance. […] Le premier de nos Français qui ait, un peu confusément, mais profondément, éprouvé ce sentiment nouveau, c’est un poète lyonnais, Maurice Scève, dans sa Délie, objet de plus haute vertu, poème symbolique, imité de Pétrarque, et dont la nuit obscure, si l’on ose ainsi parler, étincelle de beautés singulières. […] Catholiques ou protestants, c’est un point dont on ne tardera pas à tomber d’accord, et là est le bénéfice net, si l’on ose ainsi parler, du mouvement de la Réforme et des guerres de religion. […] Coste (celui qui rougissait quand on parlait devant lui de Montaigne), 3 vol. in-4 ; Londres, 1724, à laquelle s’ajoute, dans le même format, le volume des Voyages ; — l’édition de Naigeon, 4 vol. in-8, Paris, 1802, Didot, — et l’édition J.

2259. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Il n’en parlait guère en cet endroit que d’après le timide Dussault. […] Bossuet, déserté dans sa chaire, me paraît une des plus grandes injures qu’on ait faites à l’éloquence. » Je ne crois pas que Bossuet ait jamais oublié de se représenter devant qui il parlait, ce qui est la première condition et, pour ainsi dire, le premier tact de l’orateur.

2260. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Sur l’École française d’Athènes On a récemment parlé d’un projet qui honorerait à la fois le Gouvernement français et le Gouvernement grec : il s’agirait d’établir un lien régulier entre l’Université de France et la patrie renaissante des Hellènes, de mettre en rapport l’étude du grec en France avec cette étude refleurie au sein même de la Grèce, d’instituer en un mot une sorte de concordat littéraire entre notre pays latin et la terre d’Athènes. […] Ceux-ci en général (le grand Coray à part), se sentant après tout les fils de la vraie race, ont trop négligé l’érudition proprement dite ; ils se sont trop conduits comme les descendants d’une grande famille ruinée, mais qui, fiers de parler la langue de leur nourrice, la langue de leur maison, s’y tiennent et négligent les autres sources d’instruction et les autres moyens d’éclaircissement comme n’étant proprement qu’à l’usage des étrangers.

2261. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Pour ne parler que de la dernière livraison, l’époque qui s’étend depuis le 2 juin jusqu’au 9 thermidor permettait, réclamait plus que toute autre cette explication morale. […] Parlerai-je maintenant de la partie la moins importante et aussi la plus faible de l’ouvrage, du style, auquel on dirait que l’auteur n’a pas songé ?

2262. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Cette reine, dont elle parle, est celle d’Angleterre, qui résidait à Saint-Germain, et qu’elle aimait à visiter pour causer ensemble des malheurs du temps. […] En fondant Saint-Cyr, elle réalisa un doux rêve : avec Louis XIV, Saint-Cyr eut toute sa tendresse ; lui parler de Saint-Cyr et des trois cents enfants qu’elle y élevait, c’était l’attaquer par son endroit sensible.

2263. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Voici un petit livre qui a fait quelque bruit en son temps, et dont on a parlé durant cinq ou six mois en 1829, si je ne me trompe. […] Sainte-Beuve, qui ne parle ordinairement que des œuvres importantes, n’a pas souvent occasion de blesser personnellement les écrivains qui l’attaquent aujourd’hui, le public en sera réduit à se demander si la sympathie acquise à notre collaborateur ne serait pas, pour ceux qui ne se servent du feuilleton que dans l’intérêt de leurs passions, une critique permanente dont ils ont besoin de se venger. »

2264. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Les pharisiens ont dit que ses premiers romans avaient perdu beaucoup de jeunes femmes, et — comédie exquise — les romanciers naturalistes ont parlé comme les pharisiens. […] Je ne parle pas de ses jeunes filles si charmantes ; et je ne rappellerai pas qu’elle a fait les analyses les plus fines et les plus fortes du caractère des artistes et des comédiens (Horace, le Beau Laurence, etc.).

2265. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Il semblait se plaire, on l’a dit, aux compagnies « joyeuses » ; il aimait la naïveté des « Boule-de-Suif » ou des « grosses Rachel » ; parfois, avec une grande affectation de sérieux et une grande dépense d’activité, et comme si ces choses eussent été infiniment plus importantes que les livres qu’il écrivait (rarement il consentait à parler littérature), il organisait des « fêtes » compliquées, volontiers un peu brutales ; mais, sauf les minutes où il s’appliquait, jamais on ne vit pareille impassibilité en pleine fête, ni visage plus absent. […] Nous nous mîmes tous à parler de sa belle « santé ».

2266. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

C’est plus intimidant que vous ne croyez de parler devant les étudiants. […] On parle de la tolérance comme d’un devoir qui ne fait plus question ; elle est inscrite dans le catéchisme républicain ; tout le monde se figure être tolérant.

2267. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Dire que la chasteté du langage ne doit pas aller au-delà de celle des mœurs, quelque corrompues qu’elles soient, c’est prétendre que la société de mœurs honnêtes est condamnée à entendre et à parler un langage qui respire le mépris de l’honnêteté et de la morale ; c’est avancer que le langage peut mettre à découvert des mœurs que la morale oblige à cacher ; c’est aussi établir en principe que des esprits délicats et polis n’ont pas le droit d’exclure de leur langage des expressions grossières et brutales, et j’observe ici que si la décence est une loi de la morale, c’est aussi une loi du goût. […] « Agnès, si l’on en croit Molière, ne dit pas un mot qui de soi ne soit fort honnête, et si vous voulez entendre dessous quelque chose, c’est vous, dit-il, qui faites l’ordure et non pas elle, puisqu’elle parle seulement d’un ruban qu’on lui a pris. » Il y a peu de bonne foi dans cette réponse.

2268. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Par cette double contrariété, il est également devenu le jouet de la louange & du blâme, en sorte qu’il n’est presque plus possible d’en parler sans un mouvement de dédain ou de plaisanterie. […] On parle, à ce sujet, d’un M.

2269. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Je parlerai donc d’eux avec justice. […] Je parlerai bientôt de son art.

2270. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Quant à cette poésie qu’il publie aujourd’hui, il en parlera peu. […] Pour ce qui est des questions de style et de forme, il n’en parlera point.

2271. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

En un mot, pour parler scolastiquement, l’argument des matérialistes repose sur deux prémisses, dont la majeure peut être ainsi exprimée : Si la pensée est en raison directe de l’état du cerveau, elle n’est qu’une propriété du cerveau ; et la mineure est : Or, il est de fait que la pensée est en en raison directe de l’état du cerveau. […] » Dans le plus beau peut-être de ses dialogues, Platon, après avoir mis dans la bouche de Socrate une admirable démonstration de l’âme et de la vie future, fait parler un adversaire qui demande à Socrate si l’âme ne serait pas semblable à l’harmonie d’une lyre, plus belle, plus grande, plus divine que la lyre elle-même, et qui cependant n’est rien en dehors de la lyre, se brise et s’évanouit avec elle.

2272. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisit en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna ses pensées vers la religion ; qui, depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivée dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie, comme du raisonnement le plus fort ; enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut, par abstraction, un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal. […] Les métaphysiciens parlent de cette pensée abstraite, qui n’a aucune propriété de la matière, qui touche à tout sans se déplacer, qui vit d’elle-même, qui ne peut périr, parce qu’elle est indivisible, et qui prouve péremptoirement l’immortalité de l’âme : cette définition de la pensée semble avoir été suggérée aux métaphysiciens par les écrits de Pascal.

2273. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Ne nous parlez plus de mystères de l’âme, du charme secret de la vertu : grâces de l’enfance, amours de la jeunesse, noble amitié, élévation de pensées, charme des tombeaux et de la patrie, vos enchantements sont détruits ! […] Avec quel respect, avec quelle magnifique opinion, les écrivains du siècle de Louis XIV ne parlent-ils pas toujours de la France !

2274. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Combien de fois, pour parler de toi dignement, n’ai-je pas envié la précision et le nerf, la grandeur et la véhémence de ton discours, lorsque tu parles de la vertu ?

2275. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Le père est le seul qui parle. […] Les bras étendus vers son gendre, il lui parle avec une effusion de cœur qui enchante.

2276. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Le monde dans tous les païs va voir en foule les spectacles horribles dont je viens de parler. […] Le peuple dont je parle contemple encore avec tant de plaisir des hommes, païez pour cela, se battre jusqu’à se faire des blessures dangereuses, qu’on peut croire qu’il auroit de veritables gladiateurs à la romaine, si la bible défendoit un peu moins positivement de verser le sang des hommes hors les cas d’une absoluë necessité.

2277. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

L’art ne consiste pas à contenter tous les goûts, en flattant les uns par ce qui choque les autres, mais à faire que les goûts les plus différents soient d’accord de la justesse d’une pensée, de la beauté d’une expression, de la vérité d’une peinture. »‌ C’est fort bien dit ; mais Nisard oublie que La Bruyère n’était pas dupe et qu’en cette occasion surtout il ne parlait point par principe. […] On ne risque guère davantage d’y mettre le pire : il a ses partisans. » Evidemment, c’est une boutade et La Bruyère savait à quoi s’en tenir, autant que Pascal, qui, « réglant sa montre » et se « moquant de ceux qui demandent l’heure », parle à chaque instant de « ceux qui s’y connaissent et qui ont le bon goût ».‌

2278. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Ils ne parlaient que de progresser, que de marcher, que de courir, que d’aller de l’avant. […] Alaux, qui sent bien que sa découverte ressemble beaucoup à cette guenille de Morale indépendante, dont on a parlé quelques jours et qui fut inventée, si je ne me trompe, par un marchand de robinets, a fait quelques points dans cette guenille pour que ses lambeaux tinssent ensemble.

2279. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

… Des esprits attardés, les traînards des questions résolues, peuvent parler encore du livre, comme Jocrisse, dans la pièce, se met à battre les brigands quand il sait qu’ils sont des hommes de paille ; mais, pour tout ce qui n’a pas à l’esprit les pieds et sur l’esprit l’écaille de la tortue, la Vie de Jésus, qui a été les Misérables de 1863, aura le sort des Misérables, dont les flatteurs d’Hugo eux-mêmes n’osent plus parler !

2280. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Ce sont des inquiétudes de vocation et, pour parler net, de carrière.‌ […] ∾ Maintenant il faut qu’on cesse de nous parler des luttes intimes, des angoisses religieuses, des crises de conscience d’Ernest Renan.

2281. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

À l’âge divin ou théocratique dont nous venons de parler, succéda l’âge héroïque avec la même distinction de natures qui avait caractérisé dans l’antiquité les héros et les hommes. […] Le droit romain au contraire est né de la féodalité ; je parle de cette féodalité primitive que nous avons observée particulièrement dans la barbarie antique du Latium, et qui a été la base commune de toutes les sociétés humaines.

2282. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Celui qui ne l’admire pas n’est pas digne de parler des sociétés civiles. […] XI Parlons donc en peu de mots de ces deux questions, si mal posées et si mal résolues par les théoriciens de la fantaisie et par les romanciers diplomatiques. […] Donnez donc des systèmes représentatifs aux nomades de la Mésopotamie ; donnez des tribunes à des peuples qui parlent des langues différentes ; donnez la liberté de la presse aux sauvages Kurdes des frontières de Perse ; donnez des préfets et des receveurs généraux aux huttes des Tartares, aux tentes errantes de l’Éthiopie ou de la Mecque ! […] Cela est nécessaire à dire, avant de parler de ce qui se remue aujourd’hui en Italie. […] XXX Ainsi aurait parlé M. de Talleyrand, ainsi parlent la raison et la paix du monde.

2283. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Si donc Dionysodore a dit ce qui est, il a parlé vrai et n’a pas menti ? […] « — Mais parler devant le peuple, n’est-ce pas agir ? […] « — Parler, c’est donc agir, c’est donc faire ? […] Ainsi donc, de ton propre aveu, personne ne peut mentir ; et, si Dionysodore a parlé, il a dit des choses vraies et qui sont effectivement. […] — Tais-toi, mon cher, répondit-il, j’ai quitté l’amour avec joie comme on quitte un maître furieux et intraitable. — Je jugeai dès lors qu’il avait raison de parler de la sorte, et le temps ne m’a pas fait changer de sentiment.

2284. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Ici, nous le laisserons, pour ainsi dire, parler lui-même par la bouche de son ami, le marquis Manso, à qui il raconta depuis la scène véritablement homérique ou biblique de sa reconnaissance par sa sœur. […] On ne lui parla même pas de sa fuite ; il redevint l’ornement et l’orgueil de cette cour lettrée. […] Tandis qu’il me parlait ainsi, je le regardais avec attention, et je crus découvrir en lui quelque chose d’extrêmement noble et gracieux ; je vis bien, quoiqu’il fût à pied, que j’avais affaire à une personne au-dessus du vulgaire. […] Après avoir parlé ainsi, il n’insista pas davantage sur ce sujet : il voyait que je ne voulais pas me faire connaître. […] Au même instant, s’approchant de son père, il lui parla à voix basse.

2285. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Nous ne parlons pas religion ; mais, sous le rapport politique, pour Jacques V, s’allier au protestantisme, c’était s’allier à la mort. […] Laissons parler ici l’écrivain français, qui a étudié sur place et dans les sources les circonstances les plus minutieuses de l’événement, et qui les grave en les racontant : « Le roi, dit-il, avait soupé chez lui, en compagnie du comte de Morton, de Ruthven et de Lindsey ; son appartement, un rez-de-chaussée, élevé de quelques marches, était situé au-dessous de l’appartement de Marie, dans la même tour. […] « Madame, il ne faut plus parler de David, car il est mort. » Alors la reine poussa un cri, puis se tournant vers le roi : « Ah ! […] Melvil, un de ses confidents les plus intimes, dit dans les mémoires qu’il écrivit sur le règne de sa maîtresse : « Je lui trouve toujours, depuis le meurtre de Rizzio, un cœur plein de rancune, et c’était mal lui faire sa cour que de lui parler de sa réconciliation avec le roi !  […] Un moment après, il appelle son valet de chambre et s’habille ; un de ses agents entre du dehors et lui parle bas à l’oreille ; il prend son manteau de cheval et son épée, couvre son visage d’un masque, sa tête d’un chapeau à larges bords et se rend à une heure du matin à la maison solitaire du roi.

2286. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Bothwell, à cheval, l’épée à la main, parcourut au galop les rues en criant : « Mort aux séditieux et à ceux qui parlent contre la reine ! » Knox monta pour la dernière fois à la tribune sans se laisser intimider, et s’écria : « Que ceux qui survivent parlent et vengent !  […] » Nous laissons parler sur les derniers instants de sa vie l’historien, à la fois érudit et pathétique, qui a recueilli pour ainsi dire chacun de ses derniers soupirs. […] Au dessert, Marie parla de son testament où pas un nom ne devait être omis. […] Dis à mon fils qu’il se souvienne de sa mère. » « Pendant que la reine parlait, Melvil à genoux versait des torrents de larmes.

2287. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

J’entendais toujours mes camarades parler avec une rare estime de cette petite servante, qui était en effet un modèle de vertu et joignait à cela la figure la plus agréable et la plus douce. […] C’est assez parler pour ma justification à l’amie à laquelle je m’adresse ; son cœur m’est connu ; son indulgence m’excusera. […] Durant les offices, je tombais dans de véritables rêves ; mon œil errait aux voûtes de la chapelle ; j’y lisais je ne sais quoi ; je pensais à la célébrité des grands hommes dont parlent les livres. […] Les discussions du romantisme pénétraient dans la maison de toutes parts ; on ne parlait que de Lamartine, de Victor Hugo. […] J’en parlais à mes condisciples, que cela faisait beaucoup rire.

2288. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Je n’en parlai point quand elle parut, et pourtant j’étais déjà attaché au joug superbe de la Critique ; mais un roman de MM. de Goncourt — Les Hommes de lettres — avait trompé mon espérance, et je les boudais comme on boude ceux qu’on aime. […] Toujours est-il qu’ils ont fait parler ce mauvais langage à leur héroïne pour la rendre plus naturelle, plus réelle, comme on dit maintenant, et, qui sait ? […] » quand on la contrarie, et qui parle comme le Tintamarre, n’est pas le type de la jeune fille dans la bourgeoisie du xixe  siècle. […] Renée Mauperin, que je trouve ravissante, et que, sans vous, je trouverais détestable, est une création absolument imaginaire… Les filles qui parlent comme cette demoiselle, — qui plaisantent comme elle, — qui sont hardies comme elle, — qui nagent et montent à cheval et sont sans gêne et sans pudeur et garçons comme elle, n’ont pas les divines touches de naturel resté femme que vous lui avez données, à cette Renée qui est un monstre, mais qui finit par racheter et effacer sa monstruosité. […] M. de Goncourt est trop haut dans l’estime et dans l’admiration publiques, il a trop de passé, pour que la critique se taise sur ce qu’il a dit quand il a parlé… Seulement, pourquoi, dans sa Faustin, n’a-t-il rien dit de grand ?

2289. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Avec ce dédain qui lui est propre des choses de l’expérience extérieure ou intérieure, il parle de tout ce qu’elles attestent dans un langage auquel ni la conscience ni le sens commun n’entendent rien, mais qu’il donne pour l’expression de l’absolue vérité. […] Ce n’est plus alors la conscience et la raison qui parlent, c’est Dieu même, et non-seulement Dieu parle, mais c’est lui qui agit réellement en nous et par nous. […] Que parle-t-on de réalité à propos du libre arbitre et des prétendues vérités de conscience ? […] Depuis que Maine de Biran et l’école psychologique ont comme soufflé sur le spectre ontologique et restitué à la conscience toute la portée de son intuition, le mystère de la personnalité humaine a disparu, et l’on peut parler en toute certitude de l’âme, de l’esprit, de la liberté, sans avoir besoin d’invoquer les lumières de la métaphysique. […] On peut, avec sainte Thérèse, avec Fénelon, avec Maine de Biran, parler d’anéantir sa personnalité en Dieu sans compromettre aucun des attributs supérieurs et vraiment humains de cette personnalité.

2290. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Comme nous parlions d’amour ! […] » Il en parle à son aise parce qu’il est né dans l’empire du soleil. […] C’est ensuite le chant cinquième, dont j’ai longuement parlé. […] Coquiot, était tout à fait mordant, lorsqu’il parlait de son prochain. […] Ils eussent aussi bien parlé, en un autre moment, d’un esprit atlantique. » Comment parlerait-on d’un esprit atlantique, qui n’existe pas ?

2291. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Leur patrie n’est pas circonscrite par conséquent ; elle est partout où se parle la langue anglaise, où se trouvent des hommes de race anglaise. […] Pour quiconque a lu les écrivains dont parle M.  […] Ni les administrateurs romains, ni le clergé n’eurent et ne pouvaient avoir l’idée de s’adresser à ses instincts ; ils ne parlèrent et ne pouvaient parler qu’à sa raison. […] Cette particularité, c’est la modestie extrême avec laquelle le grand poète parle des dons qu’il a reçus. […] Ainsi vous lui parlez du soleil et de la lune, et pendant tout le temps qu’il vous écoutera il pensera forcément au royaume du Congo.

2292. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Ce qui est certain, c’est qu’il est encore et toujours chrétien, en ce sens au moins que le sermon sur la montagne lui paraît d’inspiration divine et quelque chose de tel que l’humanité d’après ne doit point ressembler à l’humanité d’avant ; ce qui est certain, c’est qu’à ses yeux, comme il le dit excellemment ; et à ne parler même qu’au nom de l’histoire, « Jésus en tout est l’unique, et que rien ne saurait lui être comparé ». […] Scherer cependant avait un avantage dont il a largement profité : il a parlé des vivants sans être gêné par leur présence et leur voisinage. […] Au lieu de cela, placez-vous à la frontière, dans un pays encore français, n’ayez nulle chance de rencontrer dans un salon le soir l’écrivain que vous avez jugé le matind, de le rencontrer, lui ou l’un de ses amis intimes, de ses proches par le sang ou par le cœur, et vous pouvez avec convenance en parler comme d’un ancien, comme d’un mort, sans embarrasser votre pensée dans toutes sortes de circonlocutions, en appelant faux ce qui est faux, puéril ce qui est puéril, en entrant dans le vif de la pensée à tout coup.

2293. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Mais à la première rencontre, on le sait, les deux amants se portèrent l’un vers l’autre, se tirèrent insensiblement à part dans l’embrasure d’une fenêtre, se parlèrent bas, pleurèrent, et, faisant une grande révérence aux graves témoins, matrones ou prélats fort ébahis et se regardant, ils passèrent dans une autre chambre : « Et il en advint Mme la duchesse d’Orléans, et ensuite M. le comte de Toulouse54. » C’est ce qu’on appelle vulgairement avoir un pied de nez. […] Il en avait l’usage très familier ; il le parlait ; il disputait en latin dans l’école ; il écrivait couramment des lettres latines aux prélats étrangers avec qui il correspondait ; les notes dont il chargeait les marges de ses livres étaient le plus souvent en latin. […] Il a, même dans les moments où il n’est point particulièrement éloquent, une langue dont on peut dire comme de celle de Caton et de Lucrèce qu’elle est docta et cordata ; rien en lui de cet amollissant dont parlait Massillon et dont il se ressentait.

2294. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Ai-je besoin d’ajouter que je n’entends ici parler d’aucune influence littérale et servile ? […] Je ne parle que d’une impression intelligente et morale, de ce qui transpire et de ce qui émane. […] » Il nous faut pourtant parler aussi de la traduction nouvelle que nous avons annoncée.

2295. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Mais toutes les religions ont été inet complètes et passagères, et par conséquent Dieu n’a point parlé dans ces révélations ; car la véritable eût été infaillible et éternelle. » D’où M.  […] Eux aussi ont parlé de l’activité de l’homme, mais ce n’a jamais été que de l’activité de la substance esprit, et à cette égard ils se sont montres, comme toujours, sous l’influence de la conception chrétienne, qui confond la volonté avec l’acte. […] Pour nous, l’acte se rapporte toujours au rapport que le moi établit, entre lui et l’extérieur ; par conséquent, lorsque nous parlons d’activité, c’est de l’action matérielle de l’homme sur l’univers et de sa puissance motrice qu’il est question.

2296. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Malherbe ne parlera pas autrement. […] D’autre part, si curieux qu’ait été Ronsard de s’éloigner du vulgaire, il n’a jamais hésité à condamner les auteurs turbulents qui, « voulant éviter le langage commun, s’embarrassent de mots et manières de parler dures, fantastiques et insolentes ». […] La poésie devient comme un magasin de bric-à-brac gréco-romain, où sont entassés pêle-mêle toute sorte d’oripeaux et d’accessoires : et il est étrange que Ronsard, qui avait le bon goût d’aimer « la naïve facilité d’Homère », n’ait pas vu que le meilleur moyen de ne pas ressembler à Homère était précisément, pour un homme du xvie  siècle… de s’habiller, de parler, de marcher comme le lointain aède des temps héroïques.

2297. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Michelet choisit un couple : une jeune fille de dix-huit ans et un jeune homme de vingt-huit ; il les suppose s’aimant d’un amour égal ; il les isole à peu près (quoi qu’il dise) du monde ambiant ; les suit année par année, jusqu’à la mort, et étudie, aux âges différents, l’action physique et morale de l’homme sur la femme, et inversement : « création de l’objet aimé (c’est-à-dire création de l’épouse par le mari) ; initiation et communion ; incarnation de l’amour (dans l’enfant) ; alanguissement de l’amour ; rajeunissement de l’amour. » Michelet propose un idéal, et qui se trouve être, sur la plupart des points, traditionaliste : il est remarquable que, ayant intitulé son livre l’Amour, Michelet n’y parle que de l’amour conjugal. […] Il parle avec horreur et naïveté de la courtisane. « Il n’y a plus de filles de joie : il y a des filles de marbre et des filles de tristesse. » De même, Michelet n’est point « féministe ». […] Surtout, il a merveilleusement parlé de la maturité et de la vieillesse féminines, avec des pénétrations qui font songer : « Oh !

2298. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Dans son œuvre, en effet, plus d’une fleur svelte et capricieuse comme le chèvrefeuille s’entrelace à d’autres d’un coloris brillant comme l’œillet ou d’une senteur âcre comme le nénuphar ; mais sur tout le reste domine incessamment la pivoine, cette fleur monstrueuse et formidable, pour parler la langue familière à l’école dont M.  […] Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance. […] Elles sont construites selon un plan déterminé dont l’auteur ne s’écarte pas ; la rime, si difficile qu’elle peut se présenter, ne l’entraîne jamais hors de la voie qu’il s’est tracée, car il la force à obéir et elle obéit, venant, à point nommé, compléter sa pensée, selon la forme voulue et le rythme choisi… Dans ses poésies, aussi bien dans celles de la jeunesse que dans celles de l’âge mur, Gautier a une qualité rare, si rare, que je ne la rencontre, à l’état permanent, que chez lui : je veux parler de la correction grammaticale… De tous ceux qui sont entrés dans la famille dont Goethe, Schiller, Chateaubriand, Byron ont été les ancêtres, dont Victor Hugo a été le père, ceux-là seuls ont été supérieurs qui ont fait bande à part… J’ai déjà cité Théophile Gautier et Alfred de Musset, qui eurent à peine le temps d’être des disciples qu’ils étaient déjà des maîtres.

2299. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Expliquons-nous pourtant, non pas avec la police à laquelle, moi, honnête homme, je défends de parler de ces matières, mais avec le petit nombre de personnes respectables et consciencieuses qui, sur des ouï — dire ou après avoir mal entrevu la représentation, se sont laissé entrainer à partager cette opinion, pour laquelle peut-être le nom seul du poëte inculpé aurait dû être une suffisante réfutation. […] De là une crainte singulière de tout ce qui marche, de tout ce qui remue, de tout ce qui parle, de tout ce qui pense. […] Il parlera lui-même, au besoin, pour l’indépendance de son art.

2300. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Quant à moi, qui parle ici, j’admire tout, comme une brute. […] Ferdinand seul en parle, et personne que lui ne semble l’avoir vu. […] Nous trouvons juste que quelqu’un parle quand tous souffrent.

2301. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

On sçait quelle étoit là-dessus la délicatesse des Athéniens ; quel mauvais traitement ils firent à Euripide, lorsqu’il lui arriva de parler indécemment des dieux. […] Il prétend que les premiers philosophes hermétiques, c’est-à-dire, ceux qui travaillèrent au grand-œuvre & à faire de l’or, sont les pères de la mythologie ; qu’elle leur étoit un langage particulier ; qu’ils l’avoient imaginé, pour dérober au public la connoissance de leurs secrets ; que la poësie représentoit la théorie de leur art ; qu’il leur servoit à parler énigmatiquement pour les autres, & très-intelligiblement pour les adeptes, à peu près comme les francs-maçons, qui se reconnoissent à certains mots & à certains signes. […] Ils veulent qu’il parle sans emblêmes ; qu’il n’ait qu’un langage, celui de la vérité.

2302. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Elles lui font pressentir, ou, pour parler plus exactement, elles lui révèlent un ordre de choses autre que les faits et les lois du monde fini qu’il observe ; mais, s’il a de cet ordre supérieur l’instinct et la perspective, il n’en a pas, il n’en peut pas avoir la science. […] Il ne parlera donc que des dogmes essentiels, c’est-à-dire de ceux qui sont communs à tous les chrétiens. […] Les deux questions dont parle M. 

2303. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Thespis, Phrynicus, Chérilus, et tous ceux qui composèrent dans le goût de Thespis, oublièrent presque entièrement la destination du chœur, et ne parlèrent plus de Bacchus. […] Sophocle et Euripide coururent après lui la même carrière ; et en moins d’un siècle, la tragédie grecque, qui avait pris forme tout d’un coup entre les mains d’Eschyle, arriva au point où les Grecs nous l’ont laissée : car, quoique les poètes dont je viens de parler, eussent des rivaux d’un très grand mérite, qui même l’emportèrent souvent sur eux dans les jeux publics, les suffrages des contemporains et de la postérité se sont néanmoins réunis en leur faveur. […] Ainsi, pour nous charmer, la tragédie en pleurs D’Œdipe tout sanglant fit parler les douleurs, D’Oreste parricide exprima les alarmes, Et pour nous divertir nous arracha des larmes.

2304. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

La Géographie moderne a été traitée par un plus grand nombre d’écrivains que l’ancienne ; mais la plûpart n’étant que de compilateurs qui se copient les uns les autres, sans avoir vu un seul des pays dont ils parlent, il faut nécessairement se borner à quelques bons livres. […] Ladvocat qui lui avoit pour le moins autant d’obligations, n’a pas parlé de lui. […] Le voyageur ne parle guéres que de ce qu’il a vu ou de ce qu’il a su de gens bien instruits & fort surs.

2305. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Il a fait un livre intitulé la Famille, dont nous parlerons quand nous aborderons les moralistes contemporains. […] Pour ceux qui pensent autrement que lui, on le comprend, quoiqu’il valût mieux ne pas se taire, quoique la vérité, dite et déduite, vaille toujours mieux que le dédain ; mais pour ceux qui pensent comme l’auteur de l’Histoire de la Liberté religieuse, pour les hommes de la même confraternité politique et philosophique, qui n’ont pas encore parlé de cette histoire, plus intéressante à tous les points de vue que la plèbe de livres qu’ils ont l’habitude de vanter, il serait vraiment incompréhensible qu’ils se fussent tus ou qu’ils eussent dosé à l’auteur si chichement l’éloge, s’il n’y avait à cela une raison tirée de cette Histoire de la Liberté religieuse et que mon devoir de critique est, avant tout, de dégager. […] J’ai déjà parlé de Coligny, ce sage d’épée, et de François de Guise, ce César de moins de gloire que l’autre César, mais qui avait la corruption en moins et le catholicisme en plus : mais Catherine de Médicis, Charles IX, Henri III, Machiavel, Rabelais, Montaigne, sont des figures sur lesquelles il n’y a plus désormais de méprises possibles pour l’histoire, et sur la plupart, jusqu’à ce jour, il y en avait !

2306. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

La conscience, ami, de les avoir perdus, usés pour la défense de la liberté, ma noble tâche, dont l’Europe parle d’un bord à l’autre. […] On reconnaît que l’auteur parle à des gens d’Oxford, laïques ou prêtres, élevés dans les disputes d’apparat, capables d’attention obstinée, habitués à digérer les livres indigestes. […] Et à parler vrai, il fait de cet homme sa religion. […] De tels personnages ne peuvent point parler ; ils chantent. […] J’en copie dix lignes ; jugez de ce qu’il est devenu dans l’imitateur : Alors je me tournai pour voir d’où venait la voix qui me parlait, et m’étant tourné, je vis sept chandeliers d’or ; Et au milieu des sept chandeliers quelqu’un qui ressemblait au Fils de l’homme, vêtu d’une longue robe et ceint sur la poitrine d’une ceinture d’or.

2307. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Tout ce qui est moi et en moi je vous en ferai part avec joie ; car, sentant bien que mon entreprise (d’arriver à la vérité et à l’art suprême) est au-dessus de la force d’un seul et de notre durée ici-bas, j’aimerais à déposer bien des choses dans votre sein, non seulement pour les conserver ainsi au monde, mais pour les vivifier. » N’est-ce pas ainsi que Socrate pouvait parler au jeune Platon pour se continuer et se grandir après lui dans son disciple ? […] — « Me voilà revenu, écrit Schiller, mais mon esprit est toujours avec vous à Weimar. » Goethe lui envoie à Iéna les premiers volumes de son roman philosophique, William Meister, œuvre énigmatique que les initiés seuls peuvent bien comprendre, et que nous-même nous avouons ne pas comprendre suffisamment pour en parler. […] L’année passée, quand je me trouvai inopinément avec lui, j’étais hors de moi ; je voulus parler, mais la voix me manqua ; il posa la main sur ma bouche et il me dit : “Parle des yeux, je comprends tout ! […] « Lorsque je revins visiter sa tombe, j’y trouvai de pauvres gens qui cherchaient leurs vaches ; je les suivis ; ils devinèrent que je venais du tombeau de la dame ; ils me dirent que Günderode leur avait souvent parlé et fait l’aumône, et que chaque fois qu’ils passaient près de l’endroit fatal ils récitaient un Pater. […] Il ne manque à cet avènement de la langue allemande qu’une chose, l’unité nationale de ces quarante millions d’hommes qui parlent et qui écrivent la langue de Goethe et de Kant.

2308. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Les fous et les criminels ont une vanité inconcevable, qui le plus souvent empêche chez eux le développement de tout sentiment altruiste ; ils tuent pour faire parler d’eux, pour devenir le personnage du jour, pour voir leur nom dans les journaux et se faire à eux-mêmes de la publicité, pour être craints ou plaints, ou même pour devenir un objet d’horreur. — Le crime accompli, ils tâchent d’en prolonger le souvenir de toutes les manières en le racontant avec les détails les plus horribles, en le mettant envers. […] Les plus beaux vers de ce genre ont été inspirés par un brigand légendaire corse, qui parle en style biblique :          . . . […] Le couchant me regarde avec ses yeux de flamme, La vaste mer me parle, et je me sens sacré. […] Mais le comble, c’est de voir le critique, plutôt que d’apprécier les œuvres d’autrui, annoncer qu’il va vous parler de lui-même à propos des œuvres d’autrui. […] Et s’il parle de la douleur : Par toi . . . . . . . .

2309. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

— Et c’est sur cette base-là, ajoute-t-il, qu’a été élevé ensuite tout mon édifice. » Ce fut à la campagne, à la maison d’Athée qui lui venait de sa mère, qu’il éprouva une autre vive impression de lecture ; il vient de parler des jeux de son enfance : J’y ai joui aussi bien vivement, nous dit-il, dans mon adolescence, en lisant un jour dans une prairie à l’âge de dix-huit ans les Principes du droit naturel de Burlamaqui. […] Ce n’était pas, comme l’avait été Vauvenargues, un jeune stoïque croyant fermement aux vérités morales et se fondant sur les points élevés de la conscience pour fuir le mal et pour pratiquer le bien, ce n’était point une âme héroïque condamnée par le sort à la souffrance et à la gêne de l’inaction : c’était une âme tendre, timide, ardente, pleine de désirs pieux et fervents, inhabile au monde et à ces scènes changeantes où elle ne voyait que des échelons et des figures, avide de se fondre dans l’esprit divin qui remplit tout, de frayer sans cesse avec Dieu, de le faire passer et parler en soi, une âme née pour être de la famille des chastes et des saints, de l’ordre des pieux acolytes, et à qui il ne manquait que son grand-prêtre. […] Ces grands objets en vue desquels il se permettait de légers mensonges étaient la culture des sciences occultes et ses liaisons avec les initiés de Bordeaux ; mais nous éviterons absolument de parler de ce que nous ignorons. […] Voltaire, à qui le maréchal de Richelieu en avait parlé avec éloges, écrivait à d’Alembert (22 octobre 1776) : Votre doyen51 m’avait vanté un livre intitulé Les Erreurs et la Vérité ; je l’ai fait venir, pour mon malheur.

2310. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Causant vers ce temps-là (novembre 1736) avec le maréchal de Noailles qui revenait de l’armée d’Italie, et entendant ce maréchal se plaindre de n’avoir pas été aidé du côté de Versailles, à ce terrible mot M. d’Argenson s’empressait de tourner court et de parler d’autre chose, par exemple, de matières de droit public et des biens allodiaux de la Toscane ; « car les bruits sont grands aujourd’hui, disait-il, de brigues contre le premier ministre » ; et la seule idée d’en être informé l’effrayait : À propos de cet article, dit-il, je donnerai avis à mes enfants de ne se jamais fourrer dans toutes ces intrigues de cour. […] On retrouve dans cette fin toute la verve que nous lui avons vue précédement à nous parler de son père, et cette touche qui sent sinon le vieux Romain, du moins le vieux Français. […] Un jour (mai 1741), il parla tout haut de lui avec humeur et conclut en ces mots : « Enfin, pour tout dire, c’est le digne ami de Voltaire, et Voltaire son digne ami. » En février 1741, M. d’Argenson succéda à son cadet dans la place de chancelier du duc d’Orléans, et cette succession peu expliquée parut singulière dans le monde. […] On n’ose plus parler en bonne compagnie, car les faiseurs de bons contes vous traduisent en ridicule.

2311. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Théophile Gautier négligea toujours et dédaigna ce qui parle le plus au public français ; il se fit un malin plaisir et un jeu de le contredire en toute rencontre, affectant de ne s’adresser qu’à quelques-uns. […] Deux ou trois scènes, qui ont le tort de parler trop complaisamment aux sens, ont masqué la pensée philosophique de ce livre qui est fait pour déconcerter plus d’un lecteur vulgaire. […] Si c’était traduit de Gœthe ou de Heine, on en aurait parlé avec éloge et liberté, au lieu de se voiler et de l’interdire. […] M. de Narbonne, causant avec Napoléon qui, dans une heure de mécontentement, avait parlé d’établir une Église nationale, disait ce mot qu’on rappelait tout récemment : « Il n’y a pas assez de religion en France pour en faire deux. » Serait-il vrai aussi qu’il n’y a pas en France assez de poésie pour en admettre deux et trois et plusieurs ?

2312. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

La langue des Romains, en général, était devenue celle de nos aïeux dans presque toute la Gaule ; on la parlait tant bien que mal, mais on la parlait. […] On avait cependant à s’entretenir, à s’entendre, à discourir sur toutes sortes de sujets ; les moines et les clercs parlaient toujours latin assez correctement, le latin d’autrefois : mais le peuple, mais les prêcheurs qui s’adressaient journellement aux populations des villes ou des campagnes, mais les rois et les barons qui traitaient entre eux de leurs affaires avaient besoin d’une langue commune ; et, tout en la dénaturant à qui mieux mieux, ils la faisaient. […] Mais est-ce que les Grecs dont on parle sans cesse ont fait ainsi ?

2313. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Je te dirai pourtant que si j’avais là ce volume dont tu me parles, je ne le lirais pas… Je t’ai toujours trouvé ce tort funeste de te jeter au-devant des couteaux. […] Elle en a parlé, murmuré, reparlé, — et il est venu me dire : « Je veux bien, tout est conclu. […] Ne parlons donc pas des riches, sinon pour être contents de ne pas les sentir souffrir comme nous. […] Le bronze des Tuileries (moulé par Primatice pour François 1er) le représente tel qu’il fut trouvé, avant les restaurations. » — Ainsi parle la critique éclairée et réfléchie (la lettre, y a-t-il indiscrétion à le dire, est de M. 

2314. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

C’est de cette seule époque de notre poésie que j’ai à parler en ce moment. […] Celui-ci, s’il avait voulu être conséquent jusqu’au bout, n’avait qu’à répondre à son compliment : « Vous me félicitez de parler français, et vous me le dites en grec !  […] Il accorde que la négligence de nos ancêtres, ayant plus à cœur le bien faire que le bien dire, a laissé le français rude et sec, si pauvre et si nu, qu’il a présentement besoin « des ornements et, s’il faut ainsi parler, des plumes d’autrui. » Il ignore notre langue romane française du xiiie  siècle, de laquelle Rivarol, par un instinct remarquable, disait : « Il faut qu’une langue s’agite jusqu’à ce qu’elle se repose dans son propre génie, et ce principe explique un fait assez extraordinaire, c’est qu’aux xiiie et xive  siècles la langue française était plus près d’une certaine perfection qu’elle ne le fut au xvie . » Combien cette langue du xiiie siècle, et presque européenne alors, avait perdu de terrain au commencement du xvie , on le voit par les termes mêmes de la tentative de Du Bellay ; il importe, pour apprécier équitablement cette tentative, qui fut celle de tous les jeunes esprits doctes et généreux d’alors, de se mettre au point de vue de cette génération même qui entra sur la scène vers 1550 et de ne pas lui demander plus ni autre chose que ce qu’elle pouvait raisonnablement. […] Mais comment reprocher à des hommes de vingt-cinq ans qui, en présence d’une littérature contemporaine futile, fade, puérile, triviale ou sophistiquée, viennent de se plonger dans ces belles lectures de l’Antiquité dont l’art de l’imprimerie ressuscitait les textes désormais tout grands ouverts et accessibles, comment leur reprocher d’en être tout remplis, d’en vouloir communiquer l’émotion généreuse, d’en vouloir verser la sève et comme transfuser le sang dans une langue moderne qui, certes, à cette date (je ne parle ni de Rabelais ni de sa prose), laissait si fort à désirer pour les vers et pour toute élocution sérieuse, élevée ?

2315. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Ce qu’il en est sorti de productions nouvelles, marquées au coin d’un nouveau grand siècle, et dignes de prendre rang dans le trésor humain à la suite et à côté des premières reliques de l’antique héritage, je n’ai pas à le rappeler, les œuvres parlent : cette tradition-là est d’hier, et la mémoire en est vivante. […] Il traduit et répète les préceptes de l’Épître aux Pisons, en nous les appropriant ; il conseille l’étude avant tout, le travail, de tenter le difficile ; se choisir de bons modèles ou ne pas s’en mêler ; qu’on ne lui allègue point le Nascuntur poetæ, mais parlez-moi de la méditation, des veilles, de l’abstinence et du jeûne : Qui studet optatam cursu contingere metam Multa tulit fecitque puer, sudavit et alsit, Abstinuit venere et vino105……………… Il faut laisser aux poètes courtisans la paresse et la facilité épicurienne, qui ne mena jamais à la gloire. […] Après s’être laissé emporter un peu loin à ses prédictions et à son enthousiasme, Du Bellay revient à de plus humbles et plus particuliers conseils ; il se rabat à des soins de diction, et, sur ces points précis où il parle en toute connaissance de cause, on ne saurait trop l’écouter. […] Il rentre dans la bonne voie lorsqu’il conseille quelques sobres imitations du grec, dont les façons de parler, dit-il, sont fort approchantes de notre langue vulgaire, plus approchantes même parfois que les formes latines : c’est la thèse que Henri Estienne a développée depuis.

2316. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Sa Rome étrusque a peu réussi chez nous, et l’on raille même agréablement ses grandes épopées latines ; mais, tout à côté, on raille aussi ces vieilles fables qu’on n’adoptait pas sans doute, mais qu’on relevait peu jusque-là ; on parle très-lestement de Tite-Live ; on va même un peu loin peut-être en disant de son pleraque interiere que c’est la facile excuse d’un rhéteur ingénieux qui voulait se soustraire au long travail de l’historien. […] Le Clerc nous pardonnera d’être un peu plus indulgent que lui pour Niebuhr, à qui nous sommes redevables d’un service qu’il n’est pas en mesure de reconnaître aussi bien que nous : je veux parler de l’ouvrage même de M. […] Ailleurs192, il lui arrive de parler de la candeur des récits consignés dans les Annales pontificales, avant les luttes passionnées du sénat et du peuple ; il m’est impossible vraiment, en songeant à toutes les fables qu’y affichaient les pontifes, et qui entraient dans l’intérêt aussi de leur politique, de me figurer de quelle candeur particulière il s’agit, si ce n’est que ces Annales étaient tracées sur une table blanchie, in albo. […] Il lui resterait à parler des Grecs et à y rechercher, comme il l’a fait pour les Romains, le vestige de l’organe.

2317. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

La poésie de Boileau2 Un « homme d’esprit » disait de la poésie de Boileau : « Il y a deux sortes de vers dans Boileau : les plus nombreux qui semblent d’un bon élève de troisième, les moins nombreux qui semblent d’un bon élève de rhétorique. » — « L’homme d’esprit qui parle ainsi, riposte Sainte-Beuve, ne sent pas Boileau poète, et, j’irai plus loin, il ne doit sentir aucun poète en tant que poète. » Car où est le mérite de sentir la poésie de La Fontaine, ou de Chénier, ou de V.  […] Aussi a-t-il mieux parlé de son cher Auteuil que de la vraie nature ; ses fruits et ses abricotiers l’inspiraient mieux que les prés et les forêts : car ils étaient à lui ou lui parlaient de lui. […] Sainte-Beuve s’applaudit quelque part de l’heureuse influence exercée par Louis XIV sur les écrivains de son temps : sans Louis XIV, Boileau, pour ne parler que de lui, eût fait plus de Repas ridicules et d’Embarras de Paris.

2318. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Mais on a tort de lui reprocher des omissions : dans son Art poétique, il parle des genres poétiques, de ceux où le vers est essentiel, et qui ne subsistent pas quand on l’enlève, comme le sonnet, l’ode, l’épopée, la tragédie même. Mais pourquoi parlerait-il de la Fable ? […] La querelle des anciens et des modernes, dont nous parlerons en son temps, montra que l’accord n’était pas parfait entre l’auteur de l’Art poétique et le monde qui l’admirait. […] Voir la raison identifiée à la passion, quand la passion est la nature à rendre, dans ces vers de Molière, Misanthrope, 1, 2 : Et ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux Que ces colifichets dont lebon sens murmure Et que lapassion parle là toute pure ?

2319. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Il ne parlait jamais de sa profession et rougissait comme un enfant pris en faute, à la moindre allusion. […] “romantiques”, comme, mais mieux que « naturalistes » — signifiait en nous désignant, mes trois Maudits et moi, et ceux d’entre les jeunes gens dont il a été parlé plus haut, qui avaient déjà publié des vers — amateurs de l’obscur, propagateurs de théories abstruses, absconses et tout ce qu’on voudra dans ce goût-là, et, par quelle étrange association d’idées ? […]  » — « Tout est affaire d’entraînement ou d’éducation ; il est à prévoir que dans cent ans on ne parlera du mariage que comme d’une chose profondément immorale. […]  » Anatole Baju, poussant l’invraisemblance à ses extrêmes limites, parlait de l’enlèvement, « pour ne pas dire l’assaut », des numéros du Décadent, tiré à « dix mille exemplaires », tellement le monde littéraire ne pouvait assister, indifférent à la réapparition d’un périodique dont le mot d’ordre était : « Guerre au mercantilisme !

2320. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

C’est un facile lieu commun que de parler à tout propos de palingénésie sociale, de rénovation. […] Ils me rappellent le naïf étonnement des barbares devant ces évêques, qui parlaient latin, et devant toute cette grande machine de l’organisation romaine. […] Pour ma part, j’ai souvent songé que, si l’on m’offrait un métier manuel qui, au moyen de quatre ou cinq heures d’occupation par jour, pût me suffire, je renoncerais pour ce métier à mon titre d’agrégé de philosophie ; car ce métier, n’occupant que mes mains, détournerait moins ma pensée que la nécessité de parler pendant deux heures de ce qui n’est pas l’objet actuel de mes réflexions. […] La Grèce m’en est un illustre exemple ; je ne parle pas de sociétés plus naïves, comme la société indienne, la société hébraïque, où toute idée de décorum extérieur et de respect humain était complètement absente.

2321. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Le dialogue date de ce second personnage posé en face du premier ; car parler et répliquer à un Chœur impersonnel et confus, c’était converser avec un écho. […] Groupe fait homme, c’est avec raison que les acteurs le tutoient, et qu’il parle à la première personne du verbe, comme une seule femme ou un seul vieillard. […] Tu l’as bue, l’onde amère, et tu me la rejettes à la face, toi qui me parles ainsi !  […] Les unes, dépouillées de toute forme, n’ont rien gardé que leur titre, pareilles à ces « têtes vaines des morts » dont parle Ulysse, dans l’Odyssée.

2322. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

J’aurais été fort embarrassé, je l’avoue, si j’avais eu à parler, il y a quelques années, du comte Joseph de Maistre dans Le Constitutionnel ou dans tout autre journal de l’opinion dite libérale. […] Mille noirs fantômes s’agitent dans mes rideaux d’indienne… Il veut parler de sa seconde fille, née pendant la Révolution, et de laquelle son père avait été séparé dès le berceau. […] M. de Maistre, comme un homme qui parle seul et de loin, et dont la voix monte pour être entendue, prête à la vérité même l’air du paradoxe et l’accent du défi. […] Il en est de cette publication, en un sens, comme de celle de Mirabeau, dont nous avons dernièrement parlé : elle vient dans les circonstances les plus favorables pour réussir et pour porter coup ; c’est depuis que les plaies de la société sont si largement à nu et sensibles aux yeux de tous, qu’on peut mieux apprécier la profondeur et la longueur de coup d’œil du philosophe à demi prophète.

2323. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Lui-même ou les personnages qu’il met en scène parlent volontiers de nature ; ils ont volontiers les yeux humides (« moi qui pleure facilement », dit-il), ils se jettent avec effusion dans les bras les uns des autres, ils arrosent leurs embrassements de larmes. […] Un de mes amis qui connaît à fond son Limousin prétend que si les nièces de curé et les jeunes filles du pays en général sont fraîches et jolies, elles n’ont nullement de ces airs du Corrège ni de ce parler couleur de rose. […] Pour nous, à parler franchement, dans un genre aussi faux que l’était la tragédie à cette époque, il nous serait impossible, si nous n’étions guidé par le résultat, d’exprimer aucune préférence pour l’une ou pour l’autre de ces cinq ou six tragédies ; nous ne pouvons nous former un avis qui les différencie et les distingue, tant l’insipidité et l’ennui, en les lisant, paralysent tout d’abord notre attention. […] Marmontel, dans les livres suivants, continue d’exposer les faits avec lucidité et de peindre les personnages politiques avec intelligence et mouvement ; mais ce n’est plus le père qui parle à ses enfants, c’est l’historiographe de France qui remplit sa charge et ses derniers devoirs envers Louis XVI.

2324. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Puis, à quelques jours de là, un officier général prussien ayant dit à peu près la même chose, et ayant parlé peu convenablement de Louis XIV, le Français en Bonneval reparaissait, et il se battait avec le Prussien pour soutenir l’honneur de sa nation et de son ancien maître. […] Je ne puis vous parler que de moi pour aujourd’hui, car je ne pense qu’à vous, et tout le reste me devient insupportable. […] Enfin nous retrouvons la détente secrète dont j’ai déjà parlé, et qui montre qu’on ne gagne rien sur son caractère en vieillissant. […] Ces articles du lundi ont souvent provoqué des éditions et réimpressions d’ouvrages dont j’avais parlé avec éloge ; cette fois ça été mieux, et il en est sorti toute une aimable inspiration, tout un roman : La Comtesse de Bonneval, histoire du temps de Louis XIV, par lady Georgina Fullerton, livre délicat dans lequel une plume toute française, qu’on dirait contemporaine des personnages qu’elle produit, s’est plu à retracer, à restituer l’enfance de Judith de Biron, à nous raconter les sentiments de la jeune fille ayant son mariage avec le comte de Bonneval, de telle sorte que les lettres qu’on a d’elle n’en soient plus qu’une suite naturelle et qu’on y arrive tout préparé.

2325. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Un autre jour ça ne m’aurait pas frappé, mais aujourd’hui ce portrait de l’autre monde avec son jardin de cimetière, m’a parlé comme un vilain présage. […] Samedi 12 mars Qui me délivrera des hommes du monde dilettante d’art et de littérature, acheteurs au rabais des tableaux cotés à l’hôtel Drouot, et leveurs de volumes, dont on parle. […] * * * — Gérôme parlait, ce soir, de Meissonier, peignant le grand Empereur, et s’assimilant tellement à son modèle, qu’il faisait des études d’après lui-même, revêtu de la redingote historique, et même à l’état de nature, persuadé qu’il était de la même taille, de la même conformation physique. […] Mercredi 2 novembre État particulier, où l’on ne sait pas ce qu’on mange, où l’on se surprend à parler tout haut, où l’on se sent dans la cervelle un vide et un plein absurdes, et avec cela une espèce de bonheur vague dans la poitrine et de la faiblesse dans les jambes.

2326. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Il n’est que logique de supposer dans le monde moral des phénomènes analogues de vibration sympathique ou, pour parler le langage psychologique, de détermination réciproque, de suggestion et comme d’obligation mutuelle. […] Outre les moyens directs, il y a des moyens indirects de transmettre l’émotion qui jouent un rôle toujours plus marqué entre les hommes ; nous voulons parler de tous les signes plus ou moins conventionnels qui constituent le langage des gestes et des sons. […] Le bien moral, pour parler comme les théologiens, est le règne de la loi ; le beau est ou le règne de la nature, ou le règne de la grâce, car la nature, c’est la solidarité imparfaite, mais déjà réelle ; la grâce, c’est la solidarité parfaite et réelle, soit entre les diverses parties d’un même être, soit entre les divers êtres : tous en un, un en tous. […] Tels sont les arts tout à fait élémentaires dont parle Platon dans le Gorgias, comme la parfumerie et aussi la polychromie.

2327. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Pour moi qui ne retiens d’une composition musicale qu’un beau passage, qu’un trait de chant ou d’harmonie qui m’a fait frissoner ; d’un ouvrage de littérature qu’une belle idée, grande, noble, profonde, tendre, fine, délicate ou forte et sublime, selon le genre et le sujet ; d’un orateur qu’un beau mouvement ; d’un historien qu’un fait que je ne réciterai pas sans que mes yeux s’humectent et que ma voix s’entrecoupe ; et qui oublie tout le reste, parce que je cherche moins des exemples à éviter que des modèles à suivre, parce que je jouis plus d’une belle ligne que je ne suis dégoûté par deux mauvaises pages ; que je ne lis que pour m’amuser ou m’instruire ; que je rapporte tout à la perfection de mon cœur et de mon esprit, et que soit que je parle, réfléchisse, lise, écrive ou agisse, mon but unique est de devenir meilleur ; je pardonne à Le Prince tout son barbouillage jaune dont je n’ai plus d’idée, en faveur de la belle tête de ce musicien champêtre. […] Si vous n’entendez que les étoffes et l’ajustement, quittez l’académie, et faites-vous fille de boutique aux traits galants, ou maître tailleur à l’opéra. à vous parler sans déguisement, tous vos grands tableaux de cette année sont à faire, et toutes vos petites compositions ne sont que de riches écrans, de précieux éventails. […] Son vieux père et sa vieille mère sont debout au pied du lit tout à fait dans l’ombre ; le père plus sur le fond, il impose silence à la mère qui veut parler. à droite sur le devant, c’est un panier d’œufs renversés et cassés. […] Celle-ci tient la main de la jeune femme, elle lui parle, mais elle n’a point le caractère faux et rusé de son métier ; c’est une vieille comme une autre.

2328. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Je ne sais par quelle raison tant d’écrivains modernes nous parlent de l’éloquence des choses, comme s’il y avait une éloquence des mots. […] La diction n’a proprement de rapport qu’aux qualités grammaticales du discours, la correction et la clarté : le style au contraire renferme les qualités de l’élocution plus particulières, plus difficiles et plus rares, qui marquent le génie ou le talent de celui qui écrit ou qui parle ; telles sont la propriété des termes, la noblesse, l’harmonie et la facilité. […] La clarté, cette loi fondamentale, aujourd’hui négligée par tant d’écrivains, qui croient être profonds et qui ne sont qu’obscurs, consiste à éviter non seulement les constructions louches, et les phrases trop chargées d’idées accessoires à l’idée principale, mais encore les tours épigrammatiques dont la multitude ne peut sentir la finesse ; car l’orateur ne doit jamais oublier que c’est à la multitude qu’il parle, que c’est elle qu’il doit émouvoir, attendrir, entraîner. […] Qu’on change l’ordre des mots, et qu’on mette comprobavit filii temeritas, il n’y aura plus rien, jam nihil erit. » Voilà, pour le dire en passant, de quoi ne se seraient pas doutés nos latinistes modernes, qui prononcent le latin aussi mal qu’ils le parlent.

2329. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Quoique les Grecs de ce temps-là fussent aussi loin peut-être de ressembler aux Grecs du temps de Constantin et de Julien, que ceux-ci étaient éloignés des Grecs du temps de Périclès et d’Alexandre, cependant ils parlaient toujours la langue d’Homère et de Platon ; ils cultivaient les arts ; et ces plantes dégénérées, à demi étouffées par un gouvernement féroce et faible, et par une superstition qui resserrait tout, portaient encore au bout de quinze cents ans, sur les bords de la mer Noire, des fruits fort supérieurs à tout ce qui était connu dans le reste de l’Europe. […] Ils parlaient dans une grande assemblée, au bruit des acclamations d’un peuple, en présence des dieux de la patrie, dont la statue s’élevait à côté de l’orateur. […] Nous agissons, nous parlons, nous nous conduisons par une espèce d’imagination rapide qui nous entraîne, et qui est peut-être l’effet de la foule des petites passions qui nous dominent et se succèdent. […] L’éloquence s’éleva donc surtout dans la chaire, et c’est là qu’elle parvint à sa plus grande hauteur ; car pour être vraiment éloquent, on a besoin d’être l’égal de ceux à qui l’on parle, quelquefois même d’avoir ou de prendre sur eux une espèce d’empire ; et l’orateur sacré parlant au nom de Dieu, peut seul déployer dans les monarchies devant les grands, les peuples et les rois, cette sorte d’autorité et cette franchise altière et libre, que dans les républiques l’égalité des citoyens, et une patrie qui appartenait à tous, donnait aux anciens orateurs.

2330. (1927) Des romantiques à nous

Presque autant parler d’un centenaire du spiritualisme ou du matérialisme ! […] Pour ce qui est de la matière propre de la musique, d’en puis parler, Payant étudiée. […] Et que parlé-je des conceptions ? […] Je parle du temps qu’on met à exécuter l’œuvre. […] On m’excusera si, pour parler de lui, je suis obligé de parler de moi-même.

2331. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

D’abord l’orateur, le prédicateur enflammé, le missionnaire qu’est ou qu’a été le père Lacordaire, avait quelque effort à faire pour se mettre au ton du discours académique, de ce discours qui doit être lu et qui n’est, si je puis ainsi parler, qu’un demi-discours, orné et mesuré. […] Guizot a parlé ; et, en tout, cet improvisateur ardent, hasardeux, assujetti cette fois au débit académique, me faisait l’effet d’un oiseau de haut vol, attaché et retenu par un fil ; il y avait des moments où l’on aurait dit qu’il allait prendre son essor ; mais le fil était court, l’essor se brisait, et l’on n’avait qu’un vol saccadé.

2332. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Mais l’idée suprême qui le domine et de laquelle il ne s’écarte jamais, est celle de la toute-puissance d’action qui réside dans la volonté une fois déclarée, dans les passions une fois émues du grand nombre, dans la force des choses qui a ses effets en dépit de tous les obstacles et dont il a été suffisamment parlé ailleurs. […] Mignet, sans parler de ce qu’elle a de séduisant et d’imposant en elle-même, se présente avec les incontestables avantages d’un pareil sujet, qu’on croirait fait à plaisir pour elle, tant il s’y prête merveilleusement.

2333. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Parle-t-on encore de cela où vous êtes, madame ? […] Je prends la liberté, Madame, de vous demander là-dessus une explication un peu plus intelligible, pourvu néanmoins que vous le puissiez faire. » Et comme on lui répond discrètement qu’en France on n’aime pas que les femmes parlent d’affaires, « tant mieux alors, s’écrie-t-elle avec l’orgueil de son sexe ; nous aurons bien des choses à reprocher aux hommes, puisque nous n’y aurons point eu de part. » Philippe et sa cour furent obligés d’abandonner Madrid pour la seconde fois devant les armes de l’archiduc.

2334. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

L’auteur n’échappe jamais à ce défaut ; déjà dans la belle ode où il fait parler Louis XVII, il s’était mis à chaque instant à la place de son personnage. […] Hugo parle en son nom dans ses poésies, qu’il ne cherche plus à déguiser ses accents, mais qu’il les tire du profond de son âme, il réussit bien autrement.

2335. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Nous n’énumérerons pas ici tant d’infructueux essais de traductions, depuis le président Claude Fauchet, qui donna en 1582 une version complète, critiquée dès son apparition par Étienne Pasquier, jusqu’au janséniste La Bletterie, qui fit parler son auteur, dit Voltaire, en bourgeois du Marais. […] L’historien vous parle une langue si rapide, si forte, si poignante, qu’il vous enlève, vous tire à lui, vous force de penser avec lui en cette langue qui lui est propre, et, fût-on un latiniste assez vulgaire, pourvu qu’on comprenne, se fait comprendre face à face, sans trucheman, sans aucune de ces traductions sous-entendues que Cicéron en ses longs développements laisse à son lecteur tout le temps de faire.

2336. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Il parle en fidèle de tous les temps, en interprète de la prière commune ; sa voix est générale et solennelle comme l’orgue d’une basilique. […] Toutes les hymnes si vives et si ferventes dont nous venons de parler, déposeraient assez contre une telle interprétation, et le poète lui-même prend soin de réduire ses doutes et ses craintes à leur juste mesure, en disant quelque part : Ah !

2337. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Mais c’est aussi une espèce d’originalité bien rare et désirable, que celle qui s’accommode si aisément des idées reçues, des sentiments consacrés, des préjugés de jeunes filles et de vieillards ; qui parle de la mort comme en pense l’humble femme qui prie, comme il en est parlé depuis un temps immémorial dans l’église ou dans la famille, et qui trouve en répétant ces doctrines de tous les jours une sublimité sans efforts et pourtant inouïe jusqu’à présent.

2338. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Tout cela est bien long pour dire qu’ayant parlé l’autre fois de quelque ouvrage assez peu grave, nous avons à donner aujourd’hui un mot sur une œuvre de patriotisme et de piété, et pour demander pardon d’être la même plume qui passe d’un Casanova au Livre des Pèlerins polonais. […] Les formes des livres saints sont celles qu’il affecte ; lui qui autrefois exhalait ses patriotiques douleurs dans les Sonnets de Crimée, ou, comme dans Konrad Wallenrod, semblait emprunter à Byron ses vaporeuses figures, aujourd’hui il écrit en simples versets comme l’apôtre, il parle en paraboles à l’imitation des Évangiles, et distribue aux bannis dans le désert l’humble pain d’une éloquence populaire et forte.

2339. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Amyot avait bien rencontré en s’arrêtant à Plutarque : un bon esprit plutôt qu’un grand esprit, un auteur lui laisse les questions ardues ou dangereuses, ou du moins qui ne parle ni politique ni religion ni métaphysique d’une façon offensive, un causeur en philosophie plutôt qu’un philosophe, moins attaché à bâtir un système d’une belle ordonnance, qu’à regarder l’homme, à chercher les règles, les formes, les modes de son activité : en un mot, un moraliste. […] Nous autres ignorants, étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier : sa merci, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école ; c’est notre bréviaire. » Ne s’y reliât-il que par Montaigne, Amyot serait encore un des facteurs essentiels du xviie  siècle classique : en lui se résume l’apport de l’humanisme dans la constitution de l’« honnête homme » et de la littérature morale.

2340. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Vous ne parlerez jamais de défaillance, ni de décadence. […] « Excusez-moi, monsieur, si je vous parle comme étant un peu moins jeune que vous devez l’être, et ne voyez en tout ceci qu’une preuve d’estime.

2341. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Il est contraire à tout ce que nous savons de l’action du cerveau de supposer que la chaîne matérielle des actions nerveuses se termine brusquement à un vide occupé par une substance immatérielle ; que là cette substance agisse seule, puis communique les résultats de cette action à la substance matérielle : « il y aurait ainsi deux rivages matériels séparés par un océan immatériel. » — En fait, les choses ne se passent pas ainsi et lorsque nous parlons d’une action de l’esprit, nous avons toujours une cause à deux faces ; l’effet est produit non par l’esprit seul, mais par l’esprit associé au corps. […] Outre les ouvrages dont nous avons parlé, M. 

2342. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Il a mis Aristophane dans son banquet, l’a distingué des autres, l’a fait parler suivant son caractère, & même avec ce Socrate immolé à la risée. […] Sans parler des exemples tous récens, & principalement de la comédie des Philosophes & de celle de l’Ecossoise, Moliere a joué l’hôtel de Rambouillet, Ménage & l’abbé Cotin, l’un sous le nom de Vadius, l’autre sous celui de Tricotin, changé depuis en Trissotin.

2343. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Enfin, puisque nous parlons ici de l’alliance de la physiologie et de la psychologie, signalons une Société scientifique établie depuis une vingtaine d’années, et qui a précisément pour but d’accomplir et de consolider cette alliance : je veux parler de la Société médico-psychologique.

2344. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Il serait difficile de parler de la richesse sans parler, du moins sommairement, de l’agriculture, source de toute richesse.

2345. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Le sentiment dont je parle est dans tous les hommes, mais comme ils n’ont pas tous les oreilles et les yeux également bons, de même ils n’ont pas tous le sentiment également parfait. […] Au lieu de parler simplement et suivant leur apprehension, dont ils ignorent souvent le mérite, ils veulent décider par principes, et comme la plûpart ils ne sont pas capables de s’expliquer méthodiquement, ils embroüillent leurs décisions, et ils se troublent réciproquement dans leurs jugemens.

2346. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Parlons correctement d’ailleurs. […] Même ce marbre dont nous parlions plus haut, ce marbre y est, et si nous avions une critique à faire, ce serait peut-être qu’il y est trop.

2347. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Car Jules Vallès a du talent, et je tiens à ce qu’il ne nous le gâte pas et qu’il nous le conserve… Puisque j’ai parlé de Callot, je ne dirai pas, certes ! […] … Quand il nous expose ses réfractaires, ses irréguliers, ses pitres et ses monstres de foire, tout ce monde de toqués, de tiqués, de contrefaits par le vice, l’insanité et la sottise, dont son livre est la vitrine en cristal, Vallès nous relève-t-il l’âme de cette boue, et n’est-il pas un peu trop un de ces peintres dont parle Chamfort, qui, dans un palais, choisissent les latrines pour les peindre ?

2348. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Ils tiendraient, dispersés qu’ils furent et ramassés ici, comme ces clous d’or, dont parle Bossuet quelque part, qui tiennent dans le creux de la main. […] Ce recueil de vers, fait par un artiste toujours inspiré, n’a pas cependant partout la même valeur poétique, et, je vous en préviens, ce n’est pas de celui qui joue avec son talent et son style et qui, par exemple, a écrit ces fameux : Sonnets gastronomiques, — lesquels ne sont, par parenthèse, que de brillantes et charmantes difficultés vaincues — ce n’est pas de cet artiste que je veux vous parler.

2349. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

« Votre gloire durera toujours dans les siècles, cher Harmodius et Aristogiton, parce que vous avez tué le tyran et fait Athènes libre sous les lois. » La poésie grecque, et surtout celle qui parlait de myrte, n’avait pas toujours cette humeur farouche et ces souvenirs implacables. […] Cette épitaphe de vaillants hommes, ni la rouille ni le temps destructeur n’en éteindra l’éclat : cette tombe a réuni la renommée des enfants de la Grèce ; Léonidas l’atteste, le roi de Sparte, qui a transmis au monde un grand exemple de vertu, une gloire impérissable. » Ailleurs, sur ce même sujet, et faisant parler les Spartiates eux-mêmes, il disait100 : « Nous, les trois cents, pour Sparte, notre patrie, engagés contre les nombreux enfants d’Inachus, à l’entrée de la Grèce, sans tourner la tête, là où nous avions une fois empreint la trace de nos pas, nous avons laissé notre vie.

2350. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Me dit-il. — Non pas tout à fait. — Que parlez-vous de demi-teinte, de plan, de vigueur, de coloris ? […] —Socrate dira, lui : ou je parlerai ou je périrai. […] Quoi, tandis que je parlais, vous vous occupiez de l’énumération des idées comprises sous les mots abstraits, votre imagination travaillait à se peindre la suite des images enchaînées dans mon discours ? […] —A maraviglia…etc. ce n’est donc plus de la nature, c’est de l’art, ce n’est plus de Dieu, c’est de Vernet que je vais vous parler. […] Poëtes, parlez sans cesse d’éternité, d’infini, d’immensité, du temps, de l’espace, de la divinité, des tombeaux, des mânes, des enfers, d’un ciel obscur, des mers profondes, des forêts obscures, du tonnerre, des éclairs qui déchirent la nue ; soyez ténébreux.

2351. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Il lui était plus aisé assurément de parler à loisir et à tête reposée, comme il l’aimait, d’ouvrages de littérature érudite, et par exemple du roman chinois traduit par M.  […] Magnin, dans le même journal, fit une guerre qui put paraître un instant vive et piquante, qui (à parler franc) me sembla toujours mesquine, au roi Louis-Philippe au sujet des légers changements pratiqués dans le jardin des Tuileries. […] Il n’avait de l’homme qui parle en public ni le masque, ni la bouche d’airain, ni le front : il n’avait pas le coup d’œil ni la flamme du regard : aucune action, aucun geste. […] Face à face et de vive voix, il valait moins qu’avec la plume (je ne parle pas de la conversation privée, où il était fort aimable). […] Je n’afficherai pas mon christianisme, et autant que possible j’éviterai d’en parler, mais aussi je n’en rougirai pas. » Il tint parole.

2352. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Je trouve, dans des notes qu’il écrivait alors, l’expression exagérée, mais bien vive, du sentiment de fierté qui l’ulcérait : « Que me parlez-vous de joie ? […] oui, j’ai eu tort de parler ainsi, je l’avoue ; mais pardonnez-moi… » — « Vous pardonner ! […] Mais l’art n’y pouvait rien : Farcy parla peu, bien qu’il eût toute sa présence d’esprit. […] Mais s’il nous est permis de parler un moment en notre propre nom, disons-le avec sincérité, le sentiment que nous inspire la mémoire de Farcy n’est pas celui d’un regret vulgaire ; en songeant à la mort de notre ami, nous serions tenté plutôt de l’envier. […] Lui qui, lorsque j’étais dans l’île Procida,  Sur le bord de la mer un matin m’aborda, Me parla de Paris, de nos amis de France, De Rome qu’il quittait, puis de quelque souffrance… Et s’asseyant au seuil d’une blanche maison, Lut dans André Chénier : Ô Sminthée Apollon !

2353. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Il faudrait ici avoir le génie de ces discours dont il illumine l’histoire ancienne pour le faire parler dans sa langue ; mais, sans prétendre à son nerveux et sublime langage, laissons parler seulement son rude et clair bon sens. […] Sans parler de cette confusion du droit spirituel et du droit temporel dans leurs mains, oubliez-vous ce que la papauté souveraine à Rome a perdu d’alliés ou de sujets catholiques depuis Jules II dans le monde actuel ? […] Ne parlez donc pas de ressusciter une Venise dominatrice des mers, à moins d’anéantir l’Angleterre et l’Allemagne au profit du Piémont ! […] … » XXIX C’est ainsi, selon nous, qu’aurait parlé le sage et profond patriote italien Machiavel, si son esprit avait pu être évoqué dans un comice italien, la veille des annexions de Gênes, de Milan, de la Lombardie, des Romagnes, de Florence, de la Toscane, de la Sicile, et bientôt de Rome et de Naples !

2354. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

J’espère que le gouvernement sous lequel le ciel me fera mourir sera assez bon et assez humain pour ne pas mettre obstacle, dans une circonstance aussi indifférente, à l’accomplissement de ces vœux innocents de deux frères que les révolutions purent rendre infortunés, — je parle plutôt de moi que de lui, — mais qui ont toujours été honorés et honorables, et qui ne firent jamais de mal à personne. […] Après avoir ainsi parlé pendant un temps assez long, et se trouvant près de moi, dans ses allées et venues, il s’arrêta, puis répéta une seconde fois : “Non, si vous étiez resté dans votre poste, les choses ne seraient pas allées aussi loin.” […] Je l’avais déjà contrarié deux fois ; il ne me parlait pas alors comme précédemment ; il était assez éloigné. […] « À cette troisième profession de foi, si j’ose ainsi parler, il ne se contint plus ; mais, me regardant fixement, il éclata en ces paroles : “Oh ! […] Il n’avait aucune coquetterie où Fénelon en laissait trop percer ; son désir de plaire ne s’affectait pas, il plaisait en se montrant ; c’était un être persuasif, politique sans le savoir, diplomate sans le vouloir ; il parlait peu et à demi voix ; ce n’était pas sa voix, c’était sa personne qui était éloquente.

2355. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

C’est méconnaître un peu naïvement l’amour-propre des poètes : à la façon dont Gilles parle de lui-même, nul talent ne devait l’inquiéter. […] Il a pensé, il a parlé comme tout le monde de son temps pensait et parlait. […] Dans cette province de la poésie et du goût, où il se retranchait, il ne reconnaissait de souveraineté que celle de la raison universelle, qu’il écoutait parler en lui-même. […] Comme ils n’écrivent point pour s’épancher ni pour s’amuser, et qu’ils parlent de leurs affaires, leurs lettres en perdent un peu d’éclat et d’intérêt littéraire.

2356. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Sigurd L’armure est brisée, la fiancée commence à parler comme si elle sortait d’un songe. […] Odin « Parle, encore, Wola ! […] Enfin, cette voix de l’oiseau, c’est l’écho même de nos pensées ; c’est de notre désir qu’elle parle, elle ne nous annonce que nos propres rêves : « Joyeuse dans la peine, ma chanson chante l’amour … les cœurs seuls la comprennent, qui désirent !  […] Je veux parler des Concerts populaires de musique classique, dont la création est due à M.  […] Pendant dix ans, il multiplia les auditions privées et publiques au piano, il n’épargna aucune démarche auprès de ceux qu’il savait avoir une action sur le public, pour les guider et les éclairer dans l’appréciation des œuvres de Wagner, allant jusqu’à se faire conférencier pour redresser les erreurs attribuées par la malveillance à son maître préféré … C’est Brassin qui à force de diplomatie et de finesse réussit à faire accepter comme chef d’orchestre Hans Richter, lorsqu’il fut question de donner pour la première fois Lohengrin au théâtre de la Monnaie à Bruxelles. » Ceci m’amène à parler de cette première de Lohengrin, longtemps attendue et qui eut enfin lieu, sous la direction de l’éminent chef d’orchestre, le 22 mars 1870.

2357. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

C’en est fait, le théâtre a trouvé un maître et la comédie moderne saura désormais à qui parler ! […] Il y a une scène, au troisième acte, lorsque la lutte va s’engager à outrance, où Suzanne conteste à Olivier le droit qu’il s’arroge de la poursuivre et de la combattre. « Maintenant, — lui dit-elle, — parlons sérieusement. […] Au premier acte, il parle, à son ami Hippolyte Richond, de sa liaison avec la baronne comme d’une charmante bonne fortune qui ne lui donne que des joies, fleur sans épines de l’amour facile. « Elle est libre, elle se prétend veuve, elle n’a plus vingt ans, elle se met à merveille, elle a de l’esprit, elle sait conserver les apparences : pas de danger dans le présent, pas de chagrins dans l’avenir, car elle est de celles qui prévoient toutes les éventualités d’une liaison, et qui mènent, en souriant, avec des phrases toutes faites, leur amour de convention jusqu’au relais où il changera de chevaux. […] Jamais son esprit n’a été plus vif, sa plaisanterie plus mordante : jamais il n’a mieux parlé ce dialecte de la vie parisienne auquel il sait donner la valeur du style. […] René lui-même daigne l’approuver, cette fois, et il promet de parler pour lui.

2358. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Mais par réserve et pour ne pas parler de ceux qui sont trop mes parents, je m’en tiendrai à une maison où l’on professait la doctrine extrême de Charles Maurras, en même temps qu’on gardait, je le sais, une ardente amitié pour les formes premières du nationalisme.‌ […] Avec quelle pénétration et quel amour ils ont parlé de Racine et de Stendhal ! […] » Comme toujours, il me parla peu de lui-même ; il me parlait de chefs ou de camarades trop lents qui l’agaçaient, et d’autres chefs aussi qui l’enthousiasmaient, de son capitaine récemment mort, qu’il révérait et regrettait ardemment, enfin des pertes déjà si nombreuses que nous comptons parmi nos amis, André d’Harmenon et le pauvre petit Fernand, et celle, alors la plus récente et à jamais une des plus graves, d’Octave de Barral. Il ne parlait que de beauté et d’héroïsme, avec une admiration qui avait le frémissement de la plus noble envie.

2359. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Je me tournerais vers ceux qui viennent de parler, et je leur dirais : « Laissez-moi d’abord vous féliciter de n’avoir que deux dimensions, car vous allez ainsi obtenir pour votre thèse une vérification que je chercherais vainement, moi, si je faisais un raisonnement analogue au vôtre dans l’espace où le sort m’a jeté. » Il se trouve, en effet, que j’habite un espace à trois dimensions ; et lorsque j’accorde à tels ou tels philosophes qu’il pourrait bien y en avoir une quatrième, je dis quelque chose qui est peut-être absurde en soi, encore que concevable mathématiquement. […] Je vois votre univers « solide », selon notre manière de parler ; il est fait de l’entassement de toutes vos images plates, passées, présentes et futures. […] Ils ont parlé de leur Espace-Temps en prenant pour accordés les deux points suivants : 1° Toutes les répartitions qu’on y peut faire en espace et en temps doivent être mises au même rang (il est vrai que ces répartitions ne pourront être faites, dans l’hypothèse de la Relativité, que selon une loi spéciale, sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure) ; 2° notre expérience d’événements successifs ne fait qu’illuminer un à un les points d’une ligne donnée tout d’un coup. — Ils semblent n’avoir pas tenu compte de ce que l’expression mathématique du temps, lui communiquant nécessairement en effet les caractères de l’espace et exigeant que la quatrième dimension, quelles que soient ses qualités propres, ait d’abord celles des trois autres, péchera par défaut et par excès tout à la fois, comme nous venons de le montrer. […] Si l’on entend par Espace-Temps à quatre dimensions un milieu réel où évoluent des êtres et des objets réels, l’Espace-Temps de la théorie de la Relativité est celui de tout le monde, car tous nous esquissons le geste de poser un Espace-Temps à quatre dimensions dès que nous spatialisons le temps, et nous ne pouvons mesurer le temps, nous ne pouvons même parler de lui sans le spatialiser 51. […] Mais le philosophe, qui doit distinguer le réel du symbolique, parlera autrement.

2360. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

D’ailleurs ils parlent au lieu d’agir. « Cinna, Pompée ne sont point des tragédies, mais de longs discours sur la raison d’État, et Polyeucte, en matière de religion, est aussi solennel qu’un long point d’orgue dans un motet. […] Sa rime, pour les oreilles d’un Anglais, écarte à l’instant toute illusion théâtrale ; on sent que les personnages qui parlent ainsi sont des mannequins sonores ; il avoue lui-même que sa tragédie héroïque ne fait que mettre en scène des poëmes chevaleresques comme ceux de l’Arioste et de Spenser. […] Qu’est-ce qu’une suivante qui parle avec des mots d’auteur, et qui dit à sa maîtresse demi-folle : « Appelez la raison à votre secours725 ?  […] Et le vieux général Ventidius qui, avec elle et avant elle, vient pour retirer Antoine de son illusion et de son esclavage, est digne de parler pour l’honneur, comme elle a parlé pour le devoir. […] Voici en quel style il parle de l’amour : ’Tis he ; I feel him now in every part, Like a new Lord he vaunts about my heart, Surveys in state each corner of my breast.

2361. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Il en parle quelquefois admirablement, mais sans conviction ; on sent que ce n’est pas sa foi, mais son thème ; c’est un musicien accompli, qui exécute bien la note élevée, mais qui ne l’invente pas ; à ce titre il était incapable de composer des hymnes pour les temples ou des chants populaires pour les légions. […] » On voit que le cœur seul, le cœur inquiet et brisé en deux parts, parle dans cette invocation touchante à la planche fragile qui répond à Horace de son ami. […] Pendant que nous parlons le temps jaloux a déjà fui. […] Sa corde, ordinairement molle et tendre, devenait d’airain quand il voulait parler à la patrie, au lieu de roucouler pour ses amours ou de badiner pour ses amis. […] « Pourmoi, dit-il après avoir parlé de toute l’opulence qu’il ne désire pas, les olives de mon verger, la chicorée, les mauves légères suffisent à mes repas, fils de Latone ; mes vœux se bornent à jouir en paix du peu que je possède, à me bien porter, à conserver mon âme tout entière, à ne pas traîner une misérable vieillesse, et à jouer encore jusqu’à la mort avec la lyre ! 

2362. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Aussi, chose bien remarquable, Montesquieu écrivait sur le seuil même d’une révolution, d’une tentative la plus forte qui fut jamais pour rectifier et renouveler les lois du monde moderne, et, depuis Mirabeau jusqu’à Condorcet, Danton, Robespierre, personne ne s’est inspiré de lui, personne n’a prononcé son nom, et la Convention n’en a pas parlé plus que de Confucius ou d’Aristote : ce n’était pas l’homme de l’avenir, c’était l’homme du passé. […] « Nos missionnaires, dit-il, nous parlent de la Chine comme d’un gouvernement admirable, qui mêle ensemble, dans son principe, la crainte, l’honneur et la vertu. « J’ignore, ajoute-t-il ironiquement, ce que c’est que cet honneur dont on parle chez des peuples à qui on ne fait rien faire qu’à coups de bâton !  […] Voilà ce qui a produit les règlements dont on parle tant. […] On a assez parlé de sa valeur, parlons de sa prudence.

2363. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Qu’ils parlent de la nuit et du jour, de la syllabe « et », de mille choses invisibles, par eux vues, un même sentiment les tient ravis, l’amour cruel et fatal, et si doux chez le héros puissant, plus fougueux chez la reine, et plus lascif. […] La Bruyère. « L’opéra n’est qu’un rendez-vous public où l’on s’assemble à certains jours sans trop savoir pourquoi ; c’est une maison où tout le monde va, quoiqu’on pense mal du maître et qu’il soit assez ennuyeux. » Qui parle ainsi ? […] Serrés l’un contre l’autre, ils se parlent, ils se ravissent. […] Nous parlons quelquefois de la comédie lyrique. […] Mendès prend l’exemple du dernier mouvement de la 9e symphonie de Beethoven qui mêle texte et musique dans l’« Ode à la joie », alors que Wagner en parle plus tôt dans son texte.

2364. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

A rigoureusement parler, elles n’ont point de commencement, elles débutent au hasard, comme elles peuvent ; on ne sait ni d’où elles viennent, ni où elles vont ; en revanche on sait ce qu’elles sont. […] L’un des philosophes, dont nous comptons parler ici, M.  […] Locke et Condillac parlent le même langage. […] II) nous verrons comment elles se complètent réciproquement, la méthode subjective procédant par analyse et la méthode objective par synthèse ; la méthode intérieure étant la plus nécessaire, puisque sans elle on ne sait pas même de quoi on parle, la méthode extérieure étant la plus féconde, puisque le champ de son investigation est presque illimité. […] Tel pourrait être, à s’en tenir aux phénomènes, et sans parler de la métaphysique de la psychologie, le cadre d’une division de cette science.

2365. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Avant et après ce temps, il n’était que le lieutenant d’un roi allié : « Or là, dit-il, il ne me fallait pas faire le mauvais, car ils étaient plus forts que moi ; et fallait toujours gagner ces gens-là avec remontrances et persuasions douces et honnêtes, sans parler de se courroucer. […] Ce que voulait Montluc, c’était de s’illustrer par une belle, par une incomparable défense, dont il fût à tout jamais parlé ; et comme il l’a dit du marquis de Marignan : « Il servait son maître, et moi le mien ; il m’attaquait pour son honneur, et je soutenais le mien ; il voulait acquérir de la réputation, et moi aussi. » Entre le marquis de Marignan et lui, c’était donc un pur duel d’honneur, et il s’agissait d’y engager les Siennois, qui jouaient un plus gros jeu, et de s’en faire assister jusqu’à l’extrémité moyennant toute sorte de talent et d’art ; en les séduisant, en les rassurant tour à tour, et surtout en évitant, peuple élégant et vif, de les heurter par la violence ; c’eût été feu contre feu. […] Il les harangue en son meilleur italien, et, dans cette occasion comme dans toute autre, il montre assez quelle importance il attache à savoir bien parler la langue des divers pays où il sert, et à joindre une certaine éloquence aux autres moyens solides : « Je crois que c’est une très belle partie à un capitaine que de bien dire. » Il remonte donc par ses paroles le moral ébranlé des Siennois, leur rend toute confiance, et l’on se promet, citoyens d’une part, colonels et capitaines de l’autre, de ne point séparer sa cause et de combattre jusqu’à la mort pour sauver la souveraineté, l’honneur et la liberté.

2366. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

J’ai parlé précédemment des deux premiers, et dans des articles insérés au Moniteur 58 j’ai cherché à marquer de quel secours pouvaient être les faits purement extérieurs, recueillis par Dangeau, et de quelle utilité à l’éclaircissement de certaines questions toutes morales et politiques, et par exemple à celle de la révocation de l’Édit de Nantes. […] Il avait cinq grandes armées sur pied : celle de Flandre, sous M. de Luxembourg ; celle d’Allemagne, sous M. de Lorges, de la Moselle, sous M. de Bouliers ; d’Italie, sous Catinat ; de Roussillon, sous le duc de Noailles ; je ne parle pas des flottes, alors si actives. […] On fait partir Vauban incessamment, et on ne doute pas que le roi ne partît bientôt si la saison était moins retardée. » Ce Chanlay dont il est parlé, et que Dangeau, annoté par Saint-Simon, nous fait particulièrement connaître, était de ces seconds indispensables à la guerre, un officier d’état-major accompli, parfait à étudier les questions, les lieux, à dresser des instructions et des mémoires, à juger des hommes.

2367. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Thiers un historien qui parle au cœur de la France, de lui rendre une fois encore ce témoignage au terme de sa plus belle production. […] Thiers : c’est pour le soin qu’il prend, au milieu de toutes les réserves politiques qu’il a dû faire, de marquer, de relever le sentiment patriotique et national de Napoléon, voulant tout, même la ruine et la perte du trône, plutôt que la mutilation de la France et l’abdication de ce qu’il considère comme son propre honneur. « Vous parlez toujours des Bourbons, disait-il à Caulaincourt, j’aimerais mieux voir les Bourbons en France avec des conditions raisonnables, que de subir les infâmes propositions que vous m’envoyez », c’est-à-dire de garder une France réduite au-dessous d’elle-même. — « Si je me trompe, eh bien nous mourrons ! […] » Ce sont là des accents qui parlent d’eux-mêmes, mais que M. 

2368. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Il parle de vérité ; mais est-ce qu’il se figure que parce que nous sommes polis et que nous nous exprimons sur certains grands sujets d’un air de doute et de défiance pour nos propres opinions, nous ne croyons pas aussi à la vérité ? […] C’est trop, et votre confesseur (je ne me permettrais jamais de m’immiscer dans ces choses, si vous n’étiez tout le premier à nous en parler), — votre confesseur lui-même vous l’a dit : « Vous êtes trop vif, trop aisément irrité. » Mais ce serait à vous de vous le dire. […] Veuillot a beaucoup écrit, et je ne puis parler de tous les livres qu’il a composés : le volume les Français en Algérie (1845) résume avec intérêt les souvenirs d’un voyage qui remonte à 1841, et dans lequel il fut l’hôte, le commensal et presque lesecrétaire du maréchal Bugeaud, nouvellement nommégouverneur général.

2369. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

About parlait si bien l’autre jour, qui débuta par Rabelais, qui, hier encore, nous illustrait Dante, le poëte d’enfer et le théologien, et nous le commentait d’une manière frappante et intelligible aux yeux, s’est consacré cette fois aux aimables crédulités de l’enfance. […] Qu’on ne vienne plus tant parler de grandes œuvres, de productions solennelles : le bon Perrault, pour avoir pris la plume et avoir écrit couramment sous la dictée de tous, et comme s’il eût été son jeune fils, est devenu ce que Boileau aspirait le plus à être, — immortel ! […] C’est assez que, dans sa rédaction parfaite (je ne parle par des moralités en vers qu’il ajoute), il ait conservé le cachet de la littérature populaire, la bonhomie.

2370. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Ce Chateaubriand dont nous parlions avait une sœur, qui avait de l’imagination, disait-il lui-même, sur un fonds de bêtise, ce qui devait approcher de l’extravagance pure ; — une autre, au contraire, divine (Lucile, l’Amélie de René), qui avait la sensibilité exquise, une sorte d’imagination tendre, mélancolique, sans rien de ce qui la corrigeait ou la distrayait chez lui : elle mourut folle et se tua. […] Royer-Collard qui les avait connues, et qui parlait d’elles dans leur première jeunesse comme de quelque chose de charmant et de mélodieux, comme d’un nid de rossignols. […] C’est assez longuement parler pour aujourd’hui de la méthode naturelle en littérature.

2371. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Si ces hommes, je parle des plus ordinaires, se hasardent à la prose, au roman, à l’histoire, à l’éloge académique, que sais-je ? […] Ayant à parler d’un recueil de poésies choisies, d’une Anthologie française, M. […] Comme je voyageais sur le chemin de Rome, lannic Côz, une lettre arrivait jusqu’à moi ; On y parle de vous, brave homme, Des chanteurs de Tréguier vous le chef et le roi.

2372. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Par elle, la psychologie devient une science de faits ; car ce sont des faits que nos connaissances ; on peut parler avec précision et détails d’une sensation, d’une idée, d’un souvenir, d’une prévision, aussi bien que d’une vibration, d’un mouvement physique ; dans l’un comme dans l’autre cas, c’est un fait qui surgit ; on peut le reproduire, l’observer, le décrire ; il a ses précédents, ses accompagnements, ses suites. […] J’ai eu entre les mains le manuscrit d’une folle, ancienne maîtresse d’écriture, qui, par une sorte de tic intellectuel et de chassé-croisé mental, confondait habituellement son diplôme et son estomac, en sorte que, lorsqu’elle voulait parler de sa gastrite, sa phrase finissait par une mention de son diplôme, et que, lorsqu’elle voulait parler de sa profession, elle arrivait à décrire sa gastrite ; nulle autre lésion ; mais, à cet endroit, deux cordons intellectuels s’étaient noués, et, quand le courant mental atteignait l’un, il entrait dans l’autre. — Rien de plus curieux que ces sortes de faits ; ils éclairent tout le mécanisme de notre pensée.

2373. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il faut se garder des illusions enthousiastes, comme des exagérations dénigrantes, quand on parle de l’homme et de la façon dont il vécut. […] Mais il est amoureux aussi de l’esprit humain, de l’exercice intellectuel, des livres, et de tous les livres : Je chéris l’Arioste et j’estime le Tasse ; Plein de Machiavel, entêté de Boccace, J’en parle si souvent qu’on en est étourdi. […] De la tradition gauloise, c’est-à-dire purement française, il tient l’esprit, le récit leste et vif, la raillerie subtile et pénétrante, sans parler de l’immoralité qui est un jeu de l’esprit plutôt qu’une fougue des sens.

2374. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

  Puis humble, n’osant plus parler, elle attend l’heure Où le héros charmant va fuir, silencieux, Et dans ses longs cheveux répandus elle pleure. […] Aujourd’hui, pour ne parler que des musiciens à qui les préventions du public et des coalitions inavouables interdisent l’accès des scènes parisiennes, de quel côté s’il vous plaît, se trouvent leurs dévoués partisans, leurs zélés défenseurs, si le mot n’est pas trop ambitieux ? […] Franck, dont plusieurs sont déjà très connus, et qui mettent savamment à profit ses enseignements et ses conseils, mais peut-être, dans quelque temps d’ici, pourrai-je revenir sur ce sujet et parler à loisir de leur vaillante phalange.

2375. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Je parle des mémoires véritables et non des libelles. […] Son esprit, assez juste et prompt, « saisissait et comprenait rapidement les choses dont on lui parlait », mais n’avait ni une grande étendue ni une grande portée, rien en un mot de ce qui répare le défaut d’éducation ou de ce qui supplée à l’expérience. […] Bien qu’elle ne vît jamais toute l’étendue de ces inconvénients, elle en aperçut pourtant quelque chose ; elle sentait que là où elle cherchait le repos et le délassement du rang suprême, elle retrouvait encore une obsession intéressée, et quand on lui faisait remarquer qu’elle témoignait souvent trop de préférence à des étrangers de distinction qui passaient en France, et que cela pouvait lui nuire auprès des Français : « Vous avez raison, répondait-elle avec tristesse, mais ceux-là du moins ne me demandent rien. » Quelques-uns des hommes qui, admis dans cette intimité et cette faveur de la reine, étaient obligés à plus de reconnaissance et de respect, furent les premiers à parler d’elle avec légèreté, parce qu’ils ne la trouvaient pas assez docile à leurs vues.

2376. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il était moine, et, si l’on peut ainsi parler, moine dans l’âme. […] On était dans la Semaine sainte de l’année 1109 ; un de ceux qui le servaient lui ayant parlé de sa mort comme prochaine et comme du départ d’un convié que rappelait à lui le Seigneur vers ce temps de la fête de Pâques, il répondit : « Si telle est sa volonté, j’obéirai de bon cœur, mais s’il aimait mieux me laisser encore parmi vous un tant soit peu de temps, assez du moins jusqu’à ce que j’aie résolu une question qui m’occupe sur l’origine de l’âme, j’en serais reconnaissant, d’autant plus que je ne sais si, moi mort, un autre pourra la résoudre. » Touchante faiblesse d’un saint qui avait un coin de philosophe ! […] Royer-Collard, on peut le croire, était injuste, car il parlait d’un régime où, à défaut d’élévation, il se faisait encore de belles applications de talent et où il se poursuivait bien des études honorables.

2377. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Si le poids fait défaut, on invoque la forme ; si la forme fait défaut, on invoque le poids : tantôt on parle du poids absolu, tantôt du poids relatif. […] Ne parlez pas de l’esclavage, si vous voulez, c’est votre droit ; mais, si vous en parlez, ne venez pas dire qu’il vous est égal qu’on se serve de vos arguments en faveur de l’iniquité !

2378. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Je veux parler de l’espèce humaine. […] Ainsi, à aucun point de vue, les livres ne sont inférieurs aux choses ; je parle des grands livres, qui ne sont pas de purs accidents, mais qui sous une forme particulière expriment quelques-unes des lois générales de la pensée. […] Willm38, et tant d’autres œuvres importantes que je ne puis citer, sans parler des traductions, des commentaires, des monographies surtout, dont la gloire revient à la Faculté des lettres de Paris, à laquelle on a reproché quelquefois de rester attardée dans les voies d’une érudition surannée, tandis qu’il n’est pas une des branches nouvelles de la critique qu’elle n’ait encouragée et récompensée dans les travaux du doctorat.

2379. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

L’art de discuter les témoignages, d’interroger les monuments, de faire parler aux traditions leur véritable langage : voilà plus qu’il n’en faut pour retrouver de grands sujets de gloire. […] Je ne parle point ici de celles qui contiennent les fastes mêmes de notre religion, de celles dont la célébration est la profession de foi de la société chrétienne. […] La langue française qui, seule, entre toutes les autres n’est pas fondée sur les propres origines du peuple qui la parle, attendait peut-être l’âge actuel, l’âge où, inondée de tant de lumières, elle pourrait donner à l’homme, en même temps qu’une métaphysique élevée et pénétrante, la poésie de la raison et du sentiment.

2380. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Cicéron, studieux amateur de l’ancienne poésie de Rome, parle des hymnes, des éloges en vers chantés aux repas funèbres et conservés dans le pieux souvenir des familles, à la suite des obsèques de quelques grands citoyens. […] Ainsi, cette rude poésie des vieux âges de Rome, quoique imitée en partie de la Grèce, était une voix vivante qui parlait aux âmes romaines, voix trop forte pour être soufferte, quand viendrait l’empire. […] On les aimait mieux en parodie, dans ces représentations burlesques des Trois Hercules faméliques, ou de Diane fouettée, dont parle plus tard Tertullien : et quant aux grands hommes de l’histoire, leurs images étaient bannies de la scène et ne pouvaient pas plus y paraître qu’elles n’osaient se produire même aux funérailles de leurs descendants.

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