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1207. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

. — Pendant trente ans on a vu la pauvre idiote, à notre charité tendre les mains souvent. […] Elles ont toujours au cou le ruban que Jacques y attacha pour ma fête, l’an passé, quand elles venaient becqueter dans nos mains unies les moucherons d’or que nous choisissions. » Il faudrait citer le texte, pour donner idée de cette poésie toute rayonnante et scintillante encore au milieu de sa tristesse. […] Bref, on traitait déjà Marthe comme une fiancée, comme une épousée, quand un jour, un dimanche matin, le bon curé lui apparaît après la messe, un papier à la main. […] Avant la révolution de Février, en avril 1847, dans la pièce intitulée Riche et pauvre, ou les Prophètes menteurs, il montrait la bienfaisance des uns désarmant la colère et l’envie des autres, et faisant mentir les sinistres prédictions ; il montrait aux plus pauvres la charité mieux comprise que jamais, se déployant partout, donnant d’une main et quêtant de l’autre ; et aux riches il disait : « N’oubliez pas un seul moment que des pauvres la grande couvée se réveille toujours avec le rire à la bouche, quand elle s’endort sans avoir faim. » Dans son poème Ville et campagne, composé pour la fête du comice agricole de Villeneuve-sur-Lot (septembre 1849), il montrait les avantages qu’il y a à ne pas déserter son sol natal pour les glorioles et les ambitions des villes ; il faisait porter une santé par le plus sage et le plus vieux, « non à l’esprit nouveau, plein de venin, mais à l’aîné de l’esprit, au bon sens ».

1208. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Sans doute aussi parce que c’était la première maison à louer qu’ils avaient rencontrée, et parce que les exilés n’ont pas la main heureuse. […] Les joies du grand monde étaient d’aller jouer à la main chaude chez lord Leicester. […] En 1594, pendant que, se regardant de travers et prêts à en venir aux mains, le roi d’Espagne, la reine d’Angleterre et même le roi de France disaient tous les trois : Ma bonne ville de Paris, il continua et compléta Henri VI. […] Son testament, dicté par lui, est écrit sur trois pages ; il signa sur les trois pages ; sa main tremblait ; sur la première page il signa seulement son prénom : WILLIAM, sur la seconde : WILLM SHASPR, sur la troisième : WILLIAM SHASP.

1209. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Ils tremblent de voir les bras de la muse se terminer en mains de servante. […] En 1316, le jour de la Pentecôte, Édouard II étant à table dans là grande salle de Westminster avec les pairs d’Angleterre, une femme minstrel entra à cheval dans la salle, en fit le tour, salua Édouard II, prédit à voix haute au mignon Spencer la potence et l’émasculation par la main du bourreau et au roi la corne au moyen de laquelle un fer rouge lui serait enfoncé dans les intestins, déposa sur la table devant le roi une lettre, et s’en alla ; et personne ne lui dit rien. […] Les peuples, ces orphelins qui cherchent leur mère, ne tiennent pas encore dans leur main le pan de la robe de la paix. […] Décrochez l’avenir de votre propre main.

1210. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Elle a bien discuté, bien nié, bien versé des mépris sur son chemin ; mais elle a manqué le meilleur coup qu’elle pût porter, l’observation vraie et cruelle, d’autant plus, cruelle qu’elle est vraie : c’est que tous les Papes, sans exception, tous les hommes, même les plus éminents, qui ont représenté l’Église et par qui l’Église a vécu, ont été moins grands que leur situation, et ont manqué d’une intelligence à la hauteur de leurs devoirs ; c’est que nul d’entre eux ne s’est servi, dans l’intérêt de l’institution catholique, de circonstances uniques dans l’histoire et qui semblaient aller d’elles-mêmes au-devant d’une main qui les prît au passage et qui sût les plier à ses desseins. […] Il y a trempé lâchement le doigt, s’il n’y a pas mis la main tout entière ; il a partagé avec ses légats l’anneau d’alliance dans le forfait et dans la réprobation des peuples. […] Mais il resta distrait par la préoccupation de Jérusalem ; et dans les choses où le cœur n’est pas, la main de l’homme n’est jamais puissante. […] Comme il était sans cesse exposé à périr victime de l’enthousiasme religieux qu’il inspirait, il frappait du bâton, pour l’écarter, cette foule qui voulait entendre sa voix et toucher ses vêtements, mais les blessés baisaient le sang de leurs blessures, heureux et fiers de ce qu’il coulait sous les mains de l’homme de Dieu.

1211. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Visant d’abord Agrigente, je ferai d’une âme sincère le serment que, depuis cent années, cette ville n’a pas vu homme d’un cœur plus bienfaisant et d’une main plus libérale que Théron. […] « Est-ce de l’arc et de la flèche que leurs deux mains sont armées ? […] Bien des femmes de leurs faibles mains déchirent leurs voiles, mouillent leur sein de larmes, dans la douleur qu’elles partagent. […] Échappé aux mains des Ioniens, à peine le roi lui-même, comme nous l’avons appris, a-t-il fui a à travers les plaines de la Thrace et ses routes funestes ? 

1212. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Lui qui tenait dans ses mains la malédiction des prophètes et la lançait au gré de sa haine ou de sa justice, il trouvera les accents les plus purs qui jamais aient retenti sur la lyre, pour porter jusqu’à Dieu la prière et l’espérance humaines. […] Qu’est-elle, pour tenir ainsi le monde dans ses mains ?  […] Écoutez le poëte : « Le soleil déjà touchait l’horizon qui, vers midi, environne d’un cercle lumineux tout Jérusalem ; et la Nuit, a toujours opposée à cet astre, s’élevait en dehors du Gange, avec le signe de la Balance qui lui tombe de la main quand c’est elle qui règne. […] Croise les mains ; désormais tu rencontreras tel secours.

1213. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Toujours pourtant quelque chose du chevalier et du galant adversaire, soit qu’il s’élance à la brèche en 89 l’épée en main, soit qu’il reparaisse comme le porte-étendard général de la Révolution en 1830. […] Le premier volume et la moitié du second contiennent tous les faits de la vie de La Fayette antérieure à 89, la guerre d’Amérique, ses voyages en Europe au retour ; tantôt ce sont des récits et des chapitres de mémoires de sa main, tantôt ce sont des correspondances qui y suppléent et les continuent. […] Le grand mouvement de 89 avait remué toutes les opinions, exalté tous les sentiments ; on se précipitait de toutes parts dans l’amour du bien public, comme sur une proie ; les générations qui n’avaient pas donné en 89 étaient avides de mettre la main aussi à quelque chose : on était lancé, et chacun allait renchérissant. […] » il répondait en gasconnant : « Mais oui, ce n’est pas mal. » A propos de la Constitution de l’an III, on ne put tirer de lui autre chose ; et quand l’un des membres du comité, qui avait sa confiance, alla le consulter confidentiellement, pièce en main, pour obtenir un avis plus intime, Sieyès dit : « Hein ! […] Mais il vaut mieux que ce soit avec vous qu’il marche, et lui-même l’aimerait mieux ; et puis, vous pourrez un peu le retenir… » Quand Bonaparte lui fit ce fameux cadeau de terre qui l’engloutit, le message arriva à l’assemblée aux mains de Daunou, alors président.

1214. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Le pauvre Steele, étourdi vaniteux, est entre ses mains comme Gulliver chez les géants ; c’est pitié de voir un combat si inégal, et ce combat est sans pitié : Swift l’écrase avec soin et avec aisance, comme une vermine. […] Il n’aime point la noblesse et la beauté antiques ; les deux dieux deviennent entre ses mains des moines mendiants, Philémon et Baucis des paysans du Kent. […] Les rimes et le rhythme ne sont que des machines officielles, qui lui ont servi pour presser et lancer sa pensée ; il n’y a mis que de la prose : la poésie était trop fine pour être saisie par ces rudes mains. […] Il va se promener le soir le long des murs solitaires1001, et dans ces lamentables recherches il a toujours le microscope en main. […] Cependant le frère aux distinctions, maintenant qu’il avait mis la main à l’ouvrage, prouva par un très-bon argument que K était une lettre moderne, illégitime, inconnue aux âges savants, et qu’on ne rencontrait dans aucun ancien manuscrit.

1215. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Je ne sais qui l’a remarqué : « Villemain polit tellement la surface de son sujet que, comme un globe trop glissant, il finit quelquefois par lui échapper des mains. » Dans le cas présent, la difficulté de concilier la défense universitaire et le respect à la religion a pesé évidemment sur Villemain. […] Guizot, au début, l’avait aussi peu que possible, eu égard à sa distinction ; il a écrit peut-être quelques-unes des plus mauvaises pages qu’on ait lues en français (dans sa notice en tête de la traduction de Shakspeare) ; il s’est formé depuis au style écrit par l’habitude de la parole, et l’usage, le maniement si continuel et si décisif qu’il a eu de celle-ci, l’a conduit à porter dans tout ce qu’il écrit la netteté inséparable de sa pensée. — Cousin est peut-être celui des trois qui, sans effort, atteindrait le mieux au grand style d’autrefois et qui jouerait le plus spécieusement, plume ou parole en main, la majestueuse simplicité du siècle de Louis XIV. — Pour Villemain, par l’éclat même et les élégantes sinuosités de sa recherche, il trahit un âge un peu postérieur ; il enchérit à quelques égards sur le xviiie  siècle, en même temps qu’il le rafraîchit, qu’il l’embellit avec charme et qu’il l’épure.

1216. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

On avait en main désormais un instrument précis pour mesurer le degré de l’artifice. […] Et puis cet examen des brouillons, de ce qui est censé de la main de la reine et des surcharges attribuées à Vermond, ne saurait se faire utilement que dans des conditions différentes, non point par portions congrues, non point par parcelles choisies, mais tout à fait cartes sur table et par-devant de vrais experts contradictoirement entendus.

1217. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Sans se croire tout à fait au temps où le savant Philelphe épousait une femme grecque pour mettre la dernière main à son érudition et se polir à la langue jusque dans son ménage, on peut se dire que, du moment que la Grèce renaît aux doctes et sérieuses études de son passé, elle est plus voisine que nous du but et infiniment plus près de redevenir vivante. […] Les chœurs d’Œdipe lus à Colone ; et ceux d’Ion à Delphes ; les odes de Pindare étudiées en présence des lieux célébrés ; un grand historien suivi pied à pied sur le théâtre des guerres qu’il raconte ; l’Arcadie parcourue, Xénophon en main, à la suite d’Épaminondas victorieux, ce seraient là des études parlantes qui résoudraient, j’en réponds, plus d’une difficulté géographique ou autre, née dans le cabinet.

1218. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

La sagesse et le génie de l’Assemblée constituante firent tout ce qu’on pouvait en de telles conjonctures pour concilier et affermir, pour déblayer d’une main et fonder de l’autre, pour livrer à la nation rajeunie un vaste et solide édifice de liberté. […] Mais c’est ce que ne comprennent pas les hommes de transition, les hommes de restauration mitigée, qui dans les Chambres et dans les Conseils pèsent encore sur nous ; gens qui font les capables et les prudents ; sans physionomie, sans caractère décidé, à courte vue, égoïstes au fond, qui, la main sur le cœur, n’ont de sympathie réelle ni avec la Révolution de 89, ni avec celle de 1830 ; qui ne fléchiraient pas le genou devant nos grands vieillards politiques, et ne céderaient pas non plus un pouce de terrain à notre virile et patriotique jeunesse.

1219. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Il tient un brin de paille jaune et luisante à la main, et il crie qu’il a saisi un rayon du soleil !  […] Même aujourd’hui, qu’après les tempêtes civiles, La Concorde au front d’or rit d’en haut sur nos villes, Et qu’il n’est ni couteau, ni balle à recevoir Pour le roi, pour le peuple, enfin pour un devoir ; Si du moins, en secret, des dévoûments intimes Pouvaient aux mains du sort échanger les victimes, Et si, comme autrefois, l’homme obtenait des cieux De racheter les jours des êtres précieux !

1220. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Son esprit de savant accoutumé à considérer l’immensité des périodes géologiques et la lenteur des transformations de l’univers n’avait pas la fièvre, l’impatience, les révoltes, les illusions puériles, les faciles espérances qui échauffaient les esprits de ses contemporains : il ne croyait pas aux brusques renversements qui renouvellent le monde, il ne croyait pas surtout toucher de la main l’ère de la raison universelle et du bonheur parfait. […] La science était à la mode déjà : mais Buffon fit aimer une science sérieuse, de première main et d’incontestable valeur ; nous sommes loin avec lui de la physique amusante et des expériences d’amateur, qui, depuis Fontenelle, faisaient partie des divertissements de la vie mondaine.

1221. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Le pape Pie XI annoncera par une suprême encyclique (Gaudeamus, fratres) à ce qui restera du monde chrétien qu’il remet ses pouvoirs aux mains de l’Académie des sciences de Berlin. […] Ou bien ces machines rateront entre les mains de leurs inventeurs.

1222. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Les passions apprêtées par les mains d’une hypocrisie systématique, sont devenues le mobile de toutes les actions ; l’intérêt particulier aguerri à tous les sacrifices, en est le terme. […] Le libertinage dérobe chaque jour des Citoyens à l’Etat : sa main recueille les tristes créatures qui lui échappent, & les conserve par ses secours.

1223. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

Ce rêve était l’histoire ouverte à deux battants ; Tous les peuples ayant pour gradins tous les temps ; Tous les temples ayant tous les songes pour marches ; Ici les paladins et là les patriarches ; Dodone chuchotant tout bas avec Membré ; Et Thèbe, et Raphidim, et son rocher sacré Où, sur les juifs luttant pour la terre promise, Aaron et Hur levaient les deux mains de Moïse ; Le char de feu d’Amos parmi les ouragans ; Tous ces hommes, moitié princes, moitié brigands, Transformés par la fable avec grâce ou colère, Noyés dans les rayons du récit populaire, Archanges, demi-dieux, chasseurs d’hommes, héros Des Eddas, des Védas et des Romanceros ; Ceux dont la volonté se dresse fer de lance ; Ceux devant qui la terre et l’ombre font silence ; Saül, David ; et Delphe, et la cave d’Endor Dont on mouche la lampe avec des ciseaux d’or ; Nemrod parmi les morts ; Booz parmi les gerbes ; Des Tibères divins, constellés, grands, superbes, Étalant à Caprée, au forum, dans les camps, Des colliers que Tacite arrangeait en carcans ; La chaîne d’or du trône aboutissant au bagne. […] Ce passage effrayant remua les ténèbres ; Au bruit qu’ils firent, tout chancela ; la paroi Pleine d’ombres, frémit ; tout s’y mêla ; le roi Mit la main à son casque et l’idole à sa mitre ; Toute la vision trembla comme une vitre, Et se rompit, tombant dans la nuit en morceaux ; Et quand les deux esprits, comme deux grands oiseaux, Eurent fui, dans la brume étrange de l’idée, La pâle vision reparut lézardée, Comme un temple en ruine aux gigantesques fûts, Laissant voir de l’abîme entre ses pans confus.

1224. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Rien de plus vrai sans aucun doute, et pour ma part je signe tout cela des deux mains. […] Nous voyons les lésions de l’instrument compensées par le génie de l’exécutant, tel instrument malade et blessé devenir encore une source de merveilleuse émotion entre les mains d’un article ému et sublime.

1225. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Cleopatre s’attireroit moins d’attention, si le poëte lui faisoit dire en stile prosaïque aux ministres odieux de son frere : aïez peur, méchans : Cesar qui est juste va venir la force à la main : il arrive avec des troupes. Sa pensée a bien un autre éclat : elle paroît bien plus relevée, lorsqu’elle est revêtuë de figures poëtiques, et lorsqu’elle met entre les mains de Cesar l’instrument de la vengeance de Jupiter.

1226. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant En effet, il n’y a pas un grand mérite à mettre la plume à la main d’un jeune poëte, le premier venu, son génie seul la lui auroit fait prendre. […] Tout devient palettes et pinceaux entre les mains d’un enfant doüé du génie de la peinture.

1227. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Un jour qu’il y avait cercle chez Mme de Montbazon, quelqu’un ramassa une lettre perdue, sans adresse ni signature, mais qui semblait d’une main de femme écrivant tendrement à quelqu’un qu’on ne haïssait pas. […] Quand on examine sa conduite sur les principes de l’Évangile, on y trouve des vides effroyables. » Mais le médecin éclairé, et qui sût prendre en main cette âme oscillante et endolorie, tardait toujours. […] Si je la puis voir en d’aussi bonnes mains, j’aurai une grande joie, je vous l’avoue ; il me semble que je serai comme ces personnes qui voient leur amie pourvue et qui n’ont plus qu’à se tenir en repos pour elles. […] La vraie couronne de Mme de Longueville en ces années, celle qu’il faut d’autant plus révérer en elle qu’elle ne l’apercevait pas, qu’elle la couvrait comme de ses deux mains, qu’elle l’abaissait et la cachait contre le parvis, c’est la couronne d’humilité. […] Depuis que ce portrait est écrit, il m’est tombé entre les mains une agréable pièce à l’appui, que je tire d’un manuscrit janséniste (Bibliothèque du Roi, supplém. franç. 1485) : caractère de madame de Longueville.

1228. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

La beauté idéale de la conception et la perfection des vers absolvaient le poète ; et, certes, la grandeur du tableau qui termine le premier acte des Burgraves aurait fait battre des mains à tout le peuple d’Athènes. […] À l’heure qu’il est, Les Contemplations sont dans toutes les mains ; on dirait que le lecteur, dégoûté des rapsodies qui ont vu végéter ces dernières années si stériles, ait voulu se retremper dans ce grand fleuve qui prend sa source aux derniers jours de la Restauration et qui n’a cessé de rouler, à travers tous les événements heureux ou malheureux, glorieux ou funestes, ses flots de belles pensées et de beaux vers. […] Toi qui sors en régnant de l’arène insultante Où nous autres, tes fils, entrons en combattant, Donne-nous, pour braver le sort qui nous attend, La bénédiction douce et réconfortante De tes mains où fleurit la palme qui nous tente ! […] Catulle Mendès Auguste et doux, serein comme un dieu sans athée, Droit comme les Césars d’un vieil armorial, Il tient ce siècle, ainsi qu’en sa main d’or gantée Charlemagne portait le Globe impérial. […] Ce qui n’était qu’une cloche de plomb devient entre ses mains un timbre d’acier.

1229. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Émery, d’ailleurs, se garda de lui en suggérer l’idée, Il n’avait pas conservé un bon souvenir de l’ancien système ; il préférait beaucoup garder ses jeunes clercs sous sa main. […] A la fin, se réveillant et serrant la main du jeune homme : « On voit bien, mon ami, lui dit-il, que ces hommes-là ne font pas oraison. » Le mot m’est dernièrement revenu à l’esprit, à propos de certains discours. […] Il porta la foudre dans ma conscience, comme je le dirai bientôt, et, d’une main brutale, déchira tous les bandages par lesquels je me dissimulais à moi-même les blessures d’une foi déjà profondément atteinte. […] À chaque instant, il me disait en se frottant les mains : « Oh ! […] Le Télémaque était le seul livre léger qui fût entre mes mains, et encore dans une édition où ne se trouvait pas l’épisode d’Eucharis, si bien que je n’ai connu que plus tard ces deux ou trois adorables pages.

1230. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Elle passe dans ce roman, qui est son histoire, comme ces natures supérieures qui ne savent pas aimer au-dessous d’elles, et qui s’en vont de ce monde sans donner leur main à un de ces êtres misérables que les femmes qui n’ont dégoût de rien, même de ce qu’elles méprisent, se résignent souvent à épouser. […] Tout au plus l’a-t-il achevé, a-t-il donné la dernière main à l’importance de cette précieuse créature des classes moyennes, dont il a fini, le pauvre Louis-Philippe, très prince de nature mais qui aurait voulu s’embourgeoiser lui-même, par désespérer ! […] Il était au Globe en habit noir boutonné, en gants jaunes et lorgnon d’écaille, avant que Louis-Philippe régnât avec la bonhomie du parapluie à la main et la cocarde tricolore à son chapeau gris. […] … M. de Goncourt, métamorphosé en capucin du Naturalisme, tend la main et demande l’aumône à toute femme et fille qui a la moindre petite piécette d’un document humain à lui donner. […] Pour un quêteur d’une main aussi blanche que la sienne, le document humain, c’est surtout le document féminin.

1231. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

C’est une source qui tiendrait dans le creux de votre main, mais qu’elle a de fraîcheur ! […] il lui a été donné d’élever d’une main paisible et lente le monument de sa vie. […] C’était la reprendre, à beaucoup d’égards, d’une main plus décisive. […] Partout le propos soudain et la main prompte ; et pour chef de chœur, Crispin lui-même. […] On en citerait dans Regnard vingt et vingt ; il les sème à pleines mains.

1232. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Un beau jour, la plume lui tombe des mains. […] Enfin, pour conclure par une de ses formules, cet instrument incomparable était entre les mains, non pas d’un auteur, mais d’un homme. […] C’est à découvrir cet idéal et conquérir cette sûreté de main que La Fontaine a travaillé toute sa vie. […] Cette musique achevait son être, comme ma main achève mon bras. […] Ainsi, vous avez cent grammes sur votre main, j’ajoute un gramme, deux grammes, quatre grammes, vous ne percevez pas une différence.

1233. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

lui disait-elle ; qu’un bourreau porte la main sur vous ? […] Invités par Burrhus, ils lui prennent la main et le félicitent. […] )  : « Votre main, lui dit-elle, m’est plus chère que la vie ; mais je ne la dispute point. […] Pauline proteste que la sentence de mort leur est commune et appelle la main du percusseur. […] Pourquoi donc arracher de leurs mains les ouvrages de Sénèque ? 

1234. (1927) Approximations. Deuxième série

Et sa main pressa passionnément la main de la jeune femme. […] Je songe à ce portrait de Mlle D… qui fut exposé chez Manzi en mars 1914 ; à la Femme aux mains jointes de la collection Gardner. […] … Leurs mains parlent, et leurs pieds semblent écrire. […] Être loin, vivre du travail de mes mains, rester en tête-à-tête avec moi-même, et peut-être aussi ne plus être aimé ! […] Nous le possédons aujourd’hui — savant, complexe, d’une analyse partout traversée de tendresse ; c’est dire que nous le tenons de dignes mains.

1235. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Si la littérature est tombée dans de fâcheuses mains en Angleterre, c’est bien pis en Allemagne. […] Sur le seuil, Mary lui tendit la main, puis elle se détourna et rentra dans la maison. […] Il ne fut sauvé du suicide que par la résolution qu’il prit de venger, de sa main, le meurtre d’Eustace. […] Il tenait sa main droite enfoncée dans l’ouverture de son veston couleur de cendres : l’autre main reposait sur la table, fatiguée, desséchée, osseuse, une main de bois. […] « — Écrire, je ne puis plus, — et il montrait sa main droite, — mais je puis encore dicter.

1236. (1925) Comment on devient écrivain

La littérature doit être une canne à la main, jamais une béquille. […] Il est bien entendu qu’ici mécanisme ne veut pas dire ouvrage de la main, mais affaire de métier, dans laquelle n’entre pour rien l’inspiration. […] Un auteur se croyait obligé d’accompagner son héros pour ainsi dire par la main. […] Pour être réellement bon juge, ne faudrait-il pas avoir mis soi-même la main à la pâte, comme le voulait Flaubert ? […] Si vous pouviez mettre la main sur la vraie, vous feriez une fière trouvaille et une révolution en littérature.

1237. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

J’aime ces extraits qui font voyager les pensées d’un auteur là où elles n’iraient jamais autrement, et qui sèment jusque dans les camps opposés le respect, parfois même un peu d’affection pour ceux que l’on combat ; cela civilise les guerres : « Il y a peu d’années, disait le Père Lacordaire, s’adressant à son jeune ami qu’il désigne sous le nom symbolique d’Emmanuel, les Martyrs de M. de Chateaubriand me tombèrent sous la main ; je ne les avais pas lus depuis ma première jeunesse. […] J’y reviens : cette lettre si spirituelle et si bien troussée me rappelle, par je ne sais quelle réverbération, le joli billet de Pline écrivant à Tacite qu’il a pris trois sangliers dans une forêt, étant assis ses tablettes à la main. […] N’ayant jamais eu aucune diversion d’humaine tendresse, tout avait tourné chez lui à l’ambition spirituelle, mais aussi à une certaine tendresse, également spirituelle, qui se manifestait dans la familiarité avec ceux qu’il appelait ses enfants, tant ceux de son Ordre que les élèves venus du dehors et qu’il tenait dans sa main.

1238. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

De la coupe d’exil j’ai bu jusqu’à la lie ; De quel fiel inconnu l’avais-tu donc remplie    Avant de la mettre en mes mains ? […] Souvent aussi la main qu’on aime, Effleurant le cœur, le meurtrit ; Puis le cœur se fend de lui-même, La fleur de son amour périt. […] Comme autour des fleurs obsédées Palpitent les papillons blancs, Autour de mes chères idées Se pressent de beaux vers tremblants ; Aussitôt que ma main les touche, Je les vois fuir et voltiger, N’y laissant que le fard léger De leur aile frêle et farouche.

1239. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Entre les mains d’observateurs habiles comme le sont MM.  […] Mais dans le cas où l’humanité ne serait pas encore tout à fait adulte et où elle n’aurait pas entièrement accompli, selon l’idée de Lessing, son éducation sous la main de Dieu, la psychologie actuelle ne serait pas elle-même définitive ni concluante, pas plus que celle de l’enfant ou de l’adolescent, par rapport à la condition de l’homme fait. […] Sainte-Beuve a publié dans l’appendice sur George Sand (tome I, page 510), une lettre entre autres de l’auteur d’indiana, où Jouffroy est caractérisé de main de maître et de philosophe.

1240. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

C’est que les documents passés se raniment à cette émotion résiduelle, sous laquelle tremble encore la main qui les écrit. […] À la suite d’excès de tous genres « la nuque devenait déjà sensible et la main remuait, droite encore lorsqu’elle saisissait un objet lourd, capricante et penchée quand elle tenait quelque chose de léger, tel qu’un petit verre ». […] État actuel. — Habitus extérieur : « Grêle jeune homme de 30 ans, anémique et nerveux, aux joues caves, aux yeux d’un bleu froid d’acier, au nez éventé et pourtant droit, aux mains sèches et fluettes. » Signes généraux : Il entreprend assez facilement une œuvre, mais la fatigue vient vite avec des étourdissements, un besoin de s’appuyer ou de s’asseoir s’il est debout.

1241. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Un jour, sa mauvaise humeur contre le temple lui arracha un mot imprudent : « Ce temple bâti de main d’homme, dit-il, je pourrais, si je voulais, le détruire, et en trois jours j’en rebâtirais un autre non construit de main d’homme 993. » On ne sait pas bien quel sens Jésus attachait à ce mot, où ses disciples cherchèrent des allégories forcées. […] Néanmoins, il est de tradition évangélique primitive, comme le prouvent les particularités singulières des versets 6, 8, qui ne sont pas dans le goût de Luc et des compilateurs de seconde main, lesquels ne mettent rien qui ne s’explique de soi-même.

1242. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Elle le prend en flagrant délit de fréquentation populaire, allant et venant dans les carrefours, « trivial », disant à tous le mot de tous, parlant la langue publique, jetant le cri humain comme le premier venu, accepté de ceux qu’il accepte, applaudi par des mains noires de goudron, acclamé par tous les rauques enrouements qui sortent du travail et de la fatigue. […] Et il ressemble à un grand vase plein d’humanité que la main qui est dans la nuée secouerait, et d’où tomberaient sur la terre de larges gouttes, brûlure pour les oppresseurs, rosée pour les opprimés. […] Tends-lui l’oreille, la main, les bras, le cœur.

1243. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Au commencement de ce siècle, le mordant pamphlétaire de la Restauration, Courier, meurt obscurément d’un coup de fusil tiré par une main invisible. […] et, excepté quelques intéressés de l’Académie, tout le reste lui donnait les mains. […] On sait quelle indignation éprouvant Saint-Simon à voir tomber aux mains des Pontchartrain, des Le Tellier, des La Vrillière, les ministères et les charges d’état, jusque là dévolus aux ducs.

1244. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Nous savons bien que la vie de la sœur Emmerich renverse ce que les savants appellent modestement les lois naturelles, comme s’ils les tenaient dans leur main ! […] Emmerich, décloîtrée par les événements qui ruinèrent son couvent, dans les premières années de ce siècle, était retombée aux mains d’une famille à l’esprit étroit, peureux et abaissé ; et, par le fait, elle était plus durement cloîtrée entre les deux rideaux de son lit de douleur, qu’entre les murs d’un monastère. […] Ces visions, qui ne sont jamais que l’entre-deux des lignes de l’Évangile, écrit par une main inspirée ; que les blancs remplis du Livre divin, ont, comme nous l’avons dit, trois parties distribuées maintenant en trois ouvrages : — la Vie de la Vierge, — la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, — et le Récit de sa Passion.

1245. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Non seulement Stendhal a un de ces mérites positifs qui forcent la main de la Critique, mais il a, de plus, une fascination singulière, qui a obligé à le regarder. […] La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue. — Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’Université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé. […] Nous y avons vainement cherché une vue, une opinion, une perspective, en dehors de la donnée correcte et maintenant acceptée de cet esprit, monté en bronze de sa propre main.

1246. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Non-seulement Stendhal a un de ces mérites positifs qui forcent la main à la Critique, mais il a, de plus, une fascination singulière qui oblige à le regarder. […] La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue… Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde, que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé. […] Nous y avons vainement cherché une vue, une opinion, une perspective, en dehors de la donnée correcte, et maintenant acceptée, de cet esprit, moulé en bronze de sa propre main.

1247. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

L’auteur les a laissés très respectueusement dans la Bible, mais il s’est permis de prendre leurs noms pour mieux dire que c’est l’homme et la femme de tous les mariages qui vont lui passer par les mains ! Et ils y passent (vous allez savoir comment), par ces mains qui n’appuient pas, mais qui touchent à tout avec une prestesse, une adresse, une justesse, une sûreté, et qui ont été créées de toute éternité, je crois, pour écrire la comédie de mœurs, et surtout quand les mœurs sont légères. C’est, en effet, pour cette espèce de comédie qu’est faite la femme de ces mains-là, et ce n’est pas non plus d’aujourd’hui qu’elle y débute.

1248. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Plusieurs figures animaient par leur mouvement cette décoration ; le Génie ardent et les ailes déployées ; une Minerve douce et austère, et qui mêlait le goût à ta fierté ; l’Étude méditant et dans un repos actif, la proportion légère marquée par une des Grâces ; l’âme de Michel-Ange sous l’emblème d’un génie céleste, s’élevant et semblant se perdre et se confondre dans des flots de lumière ; plus loin l’Envie ceinte de serpents, une vipère à la main, voulant vainement exhaler son poison sur la Gloire ; et la Haine enchaînée qui se débattait, qui cherchait, en frémissant, à se relever, et retombait sous ses fers. […] Les muses reconnaissantes avaient un tel protecteur ; mais leur noble fierté rejette avec dédain les secours fastueux que leur offre quelquefois la main insultante de la vanité. » Et à la fin : « Pardonne, ombre immortelle ! […] Voici les ports que sa main a creusés ; voilà les forteresses qu’il a bâties ; c’est ici qu’il arrêta le sang qui coulait de la blessure d’un de ses sujets.

1249. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Quand donc saurais-je faire Du spectacle vivant de ma triste misère Le travail de mes mains et l’amour de mes yeux ? […] Sa mère, dans sa réponse, lui parle d’« émancipation » et d’« extravagance » comme elle eût parlé de désertion et de vol à main armée. […] Et l’expérimentation réussit : « J’en conclus avec la plus vive satisfaction que j’avais en main deux instruments distincts. […] C’est un beau panneau lisse, propre et blanc sur lequel agit une main magnifiquement agile, adroite, sensible et posée. […] Le peintre est l’homme qui assume sur le plan le plus haut tout le sens impliqué dans le mot d’Anaxagore : « L’homme est intelligent parce qu’il a une main. » Et ce fut une belle idée d’avoir placé, au musée de Montauban, au milieu des dessins d’Ingres, le moulage de sa main.

1250. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Comment peser des phénomènes Dont les deux bouts s’en vont bien loin des mains humaines, Perdus, l’un dans la nuit, et l’autre dans le jour ? […] Il me dit : « La prière186. » Il y a, selon Hugo, « le labeur visible et le labeur invisible » ; penser, c’est agir : — « Les bras croisés travaillent, les mains jointes font. […] Il étend la main en frémissant vers toutes ces réalités resplendissantes qui ne seraient plus que des ombres s’il y touchait. […] Et cette âme trouvée et prouvée est une femme.Une main vous soutient, c’est la sienne ; une bouche effleure votre front, c’est sa bouche ; vous entendez une respiration tout près de vous, c’est elle. Tout avoir d’elle, depuis son culte jusqu’à sa pitié, n’être jamais quitté, avoir cette douce faiblesse qui vous secourt, s’appuyer sur ce roseau inébranlable, toucher de ses mains la Providence et pouvoir la prendre dans ses bras Dieu palpable, quel ravissement !

1251. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Or, bien que la Chine soit le pays le plus historique de tous les pays du globe, puisqu’il écrit depuis qu’il existe, et qu’il écrit jour par jour par ses mains les plus officielles et les plus authentiques, ce peuple n’en commence pas moins, comme toutes les races humaines, par le mystère. […] Les premiers chefs et les premiers sages chinois, pendant qu’ils sont occupés à faire écouler les eaux de leur déluge des basses terres de leur empire, apparaissent dès le premier jour des livres à la main. […] Il est vêtu d’un manteau d’étoffe à plis lourds qui enveloppe ses épaules et ses bras, et qui est ramené sur ses genoux ; ses deux mains, petites et maigres, sont jointes sur sa poitrine ; elles s’appuient sur une espèce de houlette à deux pieds, qui, à son extrémité inférieure, a un peu la forme allongée d’une lyre grecque. […] Malgré sa répugnance à sortir de ses études philosophiques pour se mêler aux soins du gouvernement, il consentit, à la voix du peuple et du roi, à prendre provisoirement en main le gouvernement pour rétablir l’ordre, les mœurs, la justice, la hiérarchie dans l’État. […] Ces peuples se divisent en factions contraires qui nient, les armes à la main, les droits anciens ou les titres nouveaux.

1252. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Les uns ont attribué ces embarras de fortune à des dissipations de main fabuleuses ou à des prodigalités de cœur sans prudence, afin d’avoir le droit de détourner les yeux et l’intervention du pays de revers selon eux trop bien mérités. […] Mais les événements transforment la scène ; la main se lasse, le public se rassasie, les ennemis dénigrent : qui dit public dit hasard ; le métier d’hommes de lettres n’est qu’un jeu de dé avec l’opinion. […] Ce fait, qui semble incroyable, est cependant vrai ; je consens à toute espèce de démenti si l’on peut me prouver que j’ai reçu une offre quelconque pour ces deux millions et demi de valeur morte dans mes mains. […] Le glaive qu’il a à la main le blesse dès qu’il le porte à faux, et tout l’éclat de sa couronne ne doit pas coûter un soupir au dernier de ses sujets. […] « De tous les traits de l’histoire que j’ai insérés dans mes ouvrages, il n’en est aucun que je n’aie lu moi-même et que je n’aie écrit de ma propre main.

1253. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Mais à son retour en Allemagne, et lorsqu’il se croyait en voie de devenir un artiste et un peintre, une indisposition physique, résultat de ses fatigues et de ses marches forcées, l’arrêta brusquement : ses mains tremblaient tellement qu’il ne pouvait plus tenir un pinceau. […] Il entendit pour la première fois prononcer le nom de Goethe, et un volume de ses Poésies et Chansons lui tomba entre les mains. […] En recevant le volume de poésies, Goethe reconnut vite un de ses disciples et de ses amis comme le génie en a à tous les degrés ; non content de faire à l’auteur une réponse de sa main, il exprima tout haut la bonne opinion qu’il avait conçue de lui. […] Ne rions pas de ces natures de modestie et d’abnégation, surtout quand elles nous apportent à pleines mains des présents de roi. […] Sa voix avait repris son timbre naturel, sa respiration était libre ; sa main n’était plus enflée, son apparence était celle de la santé, sa conversation était facile.

1254. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Le Roman de la Rose est l’œuvre de deux mains. […] Il sait trahir et frapper à mort, sans qu’on voie la main d’où partent les coups. […] Il prêcha en chaire contre l’auteur, et il écrivit un traité allégorique contre le poëme, alors dans toutes les mains. […] Elle tenait en main copie d’une plainte intentée contre Jean de Meung par la Chasteté. » La Conscience donne lecture de cette plainte, où la Chasteté énumère, sous sept chefs principaux, les outrages qu’elle a reçus d’un « certain étourdi » qui prend le nom d’Amant. […] De nouveaux larcins, dont il s’excuse sur la faim qui « fit une si rude guerre à son corps », le firent tomber de nouveau dans les mains de la justice.

1255. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il n’eût pas convenu aux rivaux de Sophocle & d’Euripide, d’Aristophane & de Térence, de Juvénal & d’Horace, de se couronner de leurs propres mains, ni de donner à nos écrivains du second ordre la palme sur les anciens. […] Quiconque oseroit, ajoute-t-elle, entreprendre de le faire sans cela, verroit bientôt la plume lui tomber des mains à mesure qu’il liroit l’original, & qu’il en connoîtroit toute la beauté. […] Quelle indécence n’y auroit-il pas eu de se mettre des pompons de la même main dont on écrivoit un passage Grec. » Tout ce que Cartaud de la Vilate, dans ses Essais historiques & philosophiques sur le goût, rapporte de madame Dacier, est écrit de ce ton & de ce stile. […] Le père enchanté lui mit entre les mains des grammaires, & elle y fit, en très-peu de temps, des progrès singuliers. […] Une main grossière & peu habile a entrepris d’achever l’ouvrage.

1256. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Si nous avons reçu le bien de la main de Dieu, pourquoi n’en recevrions-nous pas avec le même respect les maux ?  […] C’est sa main qui traça les sentiers de l’aurore, Qui pesa l’Océan, qui suspendit les cieux ; Pour lui l’abîme est nu, l’enfer même est sans voiles. […] Qu’il étende sa main, et qu’il m’arrache comme l’herbe !  […] On comprend qu’il ne dit pas le dernier mot, qu’il dissimule le dernier cri, qu’il comprime son cœur entre ses mains. […] C’est une pierre de Baalbeck, dont on se demande, en la mesurant, quelle main d’homme a pu remuer de telles masses de pierre et de telles masses d’idées… Mystère !

1257. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Il ne se charge point de nous expliquer comment lui vint la fantaisie de demander la main d’Hermione à une famille pour laquelle il était un objet d’exécration et d’horreur. […] Prêt à périr victime d’une jalousie barbare, il ne se venge d’un père dénaturé qu’en exposant sa vie pour le sauver des mains de ses ennemis. […] Dans Racine, Achille porte seulement la main à son cimeterre, et s’arrête aussitôt par respect pour le père de sa maîtresse. […] Mais, seigneur, notre gloire est dans nos propres mains. […] L’Ésope à la cour ne parut au théâtre qu’en 1701 ; Boursault était déjà mort, et il n’avait pas mis la dernière main à son ouvrage.

1258. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Seule l’onde fluente émotionnait mes mains. […] Ma main pour de l’azur n’était pas trop étroite. […] Notre main gauche n’ignore l’acte de notre main droite qu’afin de la laisser libre d’œuvrer selon son instinct. […] C’est pourquoi lorsque le roi déplia sa serviette elle se brisa entre ses mains. […] Et les Chevaliers se couchèrent La main dans la main pour la mort.

1259. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Arrivé à cette date de l’hôtel de Rambouillet, et tenant désormais en main un fil ininterrompu, Roederer insistait, divisait et subdivisait à plaisir. […] Le livre, non mis en vente, circula de main en main ; on en discuta, on disputa même. […] Pour moi, ce qui me frappe et me touche le plus dans ce paradoxe d’érudition française, c’est de voir l’homme qui se trouvait assister avec l’écharpe tricolore à la chute de l’ancienne monarchie, celui qui, le 19 Brumaire, suivait comme un volontaire des plus ardents le général Bonaparte à Saint-Cloud, se faire en vieillissant, par choix et par courtoisie, le chevalier d’honneur de Mme de Maintenon, et n’avoir de cesse qu’il ne l’ait reconduite, déjà plus qu’à demi vengée, entre les mains d’un Noailles.

1260. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

On a lieu de le craindre, en effet, si en présence de cet homme on parle inexactement et à la légère de ce qu’il possède à fond et qu’il a étudié de longue main : il n’a qu’un mot à dire pour dénoncer votre erreur et pour la révéler. […] Léon Feugère, cet autre éditeur qui a bien mérité de La Boétie, n’est pas et ne prétend pas être un amateur aussi déclaré ni aussi opiniâtrement en quête sur tel ou tel point, un défricheur ni un investigateur bibliographique du même genre : il ne s’adresse qu’à ce qui peut intéresser plus généralement le public ; universitaire des plus instruits, littérateur estimable, plein d’acquis, de culture, et utilement laborieux, il a pris à tâche de faire connaître avec étendue et de mettre aux mains de tout le monde des auteurs jusqu’ici peu répandus, et dont la lecture courante ne peut se faire qu’à l’aide d’un introducteur aussi complaisant qu’érudit. […] Les herbes ont chacune leur propriété, leur naturel et singularité ; mais toutefois le gel, le temps, le terroir, ou la main du jardinier y ajoutent ou diminuent beaucoup de leur vertu : la plante qu’on a vue en un endroit, on est ailleurs empêché de la reconnaître. […] Combien d’esprit, de bonté de cœur, d’attachement, de services et de complaisance dans les amis, pour faire en plusieurs années bien moins que ne fait quelquefois en un moment un beau visage ou une belle main !

1261. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

» Le Kalender secoua la tête et leva la main en signe d’improbation. […] Les Mémoires de Mme Du Hausset, femme de chambre de Mme de Pompadour, ont été conservés par M. de Meilhan, qui empêcha un jour M. de Marigny de les jeter au feu et qui les emporta ; ils passèrent de ses mains entre celles de M.  […] Ces pièces sont également entre vos mains, et vous avez toutes les dépêches, tous les mémoires de la main de mon père et toutes les lettres originales.

1262. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Ce manuscrit intitulé Mon portrait historique et philosophique, et qui des mains de la famille a passé dans celles de M.  […] C’est peut-être la faiblesse qui me retint, mais sans doute c’est encore plus la main suprême qui me soignait de trop près pour me laisser aller à cet égarement, et qui probablement voulait que je servisse à quelque chose dans ses plans. […] Quel dommage, se dit-on en l’étudiant, que cette belle et douce et si bénigne nature n’ait pas trouvé d’abord un bon guide, une main sûre et une plus large voie ! Au lieu de cela, il va tomber entre des mains équivoques et à demi ténébreuses : Après le duc de Choiseul, écrit-il naïvement, c’est Grainville, premier capitaine de grenadiers au régiment de Foix, qui a été l’instrument de mon entrée dans les hautes vérités qu’il me fallait.

1263. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Saint-Martin paraît avoir eu une veine, une nuance de gaieté en causant ; il y revient sans cesse pour l’expliquer ; mais, plume en main, cette gaieté disparaît et fait place à une plaisanterie lourde le plus souvent et du plus mauvais goût. […] Les crimes du dedans frappaient pourtant Saint-Martin, mais ils ne l’épouvantaient et ne le révoltaient pas autant, ce semble, qu’ils auraient dû le faire pour une âme aussi délicate et aussi sensible ; il nous en donne naïvement la raison, lorsqu’il avoue que le sort de tant d’émigrés traqués de toutes parts et sans asile ne laisse pas de lui paraître véritablement lamentable : Moi-même, dit-il, j’ai été embarrassé un moment de résoudre cette question ; mais, comme j’ai cru à la main de la Providence dans notre Révolution, je puis bien croire également qu’il est peut-être nécessaire qu’il y ait des victimes d’expiation pour consolider l’édifice ; et sûrement alors je ne suis pas inquiet sur leur sort, quelque horrible que soit dans ce bas monde celui que nous leur voyons éprouver. […] Je ne me charge pas ici d’entrer dans les points particuliers du débat, ni de voir si, parmi les assertions de Saint-Martin, il n’en est point de bien vagues et de bien fuyantes aussi, et si, parmi celles de Garat, il n’en est pas qui eussent pu se défendre dans un meilleur et plus véritable sens : ce qui est manifeste, c’est que Garat et les idéologues de seconde main qui se croyaient maîtres du jeu ont, ce jour-là, rencontré leur maître à l’improviste dans Saint-Martin. […] Sa profession de foi sur la Révolution française est simple, elle est celle d’un croyant : il pense que la Providence s’en mêle soit directement, soit indirectement, et par conséquent il ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, « puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule » : En considérant la Révolution française dès son origine et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées… Quand on la contemple, cette Révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national, qui est si éloigné de concevoir et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique ; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la Révolution, qui pût en écrire l’histoire.

1264. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il y inspire un tendre intérêt à une jeune dame qui, après bien des troubles et des luttes secrètes de cœur, devient veuve fort à propos, et qui n’aurait plus qu’à l’épouser si lui-même, forcé par l’honneur de se rendre à l’armée de Condé, il n’était fait prisonnier les armes à la main et condamné à périr sur l’échafaud ; il ne s’y dérobe qu’en se donnant la mort et en se frappant d’un coup de stylet, exactement comme Valazé. […] Tout le monde sait quelle a été la triste marche et l’humiliante entrée de Louis XVI ramené de Versailles à Paris dans la journée du 5 octobre : Son cortège, étonnant par sa composition, affreux par sa contenance féroce et ses cris, mit trois heures à passer dans la rue Royale où j’étais (dit un spectateur qui n’est autre que M. de Meilhan) ; des troupes à pied ou à cheval, des canons conduits par des femmes, des charrettes où, sur des sacs de farine, étaient couchées d’autres femmes ivres de vin et de fureur, criant, chantant et agitant des branches de verdure ; ensuite le roi et sa famille escortés de La Fayette et du comte d’Estaing, l’épée à la main à la portière, et environnés d’une foule d’hommes à cheval, voilà ce qui se présenta successivement à mes yeux pendant l’espace de trois heures. […] Mais ces matériaux, peut-on lui répondre, étaient tellement sous la main et de telle qualité, et si appropriés au dessein une fois conçu, ils étaient d’une nature si vive, si combustible, qu’ils donnaient terriblement envie sinon de bâtir une nouvelle maison, du moins de commencer par brûler l’ancienne. […] Mais sur toutes ses prescriptions, et par-dessus toutes les plaintes qui lui échappent, il plane un certain respect des dieux, de la main desquels il convient que l’homme reçoive tout ce qu’ils envoient, les maux comme les biens : « Il ne faut point jurer que telle chose n’arrivera jamais ; car cela irrite les dieux en qui réside tout accomplissement. » Théognis, courbant la tête sous la puissance mystérieuse qui régit le monde, consent à être quelquefois errant et mendiant comme Homère ; il ne porte point à tout propos dans sa bague le poison de Cabanis.

1265. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle avait le pied mignon et dansait à ravir ; elle avait une merveilleuse adresse des mains pour le dessin et pour tous les jolis ouvrages, des doigts de fée. […] j’aperçus vingt petites têtes et vingt petits corps rangés avec la plus parfaite symétrie dans ce petit réduit qui n’était guère plus grand que le creux de la main. […] Et dire qu’il y a des gens assez stupides pour oser porter la main sur un pareil chef-d’œuvre, assez cruels pour porter la désolation dans une si charmante famille ! […] Ma première pensée en me livrant à l’étude des Pères de l’Église après le mariage de mes filles, a été la curiosité de savoir ce qu’ils avaient dit de l’âme, eux qui ne cherchaient point avec les mains cette âme dont l’existence immortelle rend l’homme excusable de croire que le monde tout entier a été créé exprès pour lui.

1266. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard et de Danton ; mais le piquant est que tous deux se soient rencontrés, coudoyés, se soient touché la main, et que l’un, à son second point de départ, se soit si nettement souvenu et inspiré de l’autre pour le repousser, l’abhorrer et lui ressembler à tout jamais si peu. […] Elle n’avait fait jusqu’alors, par ses motions trop zélées et intempestives, qu’impatienter Louis XVIII : mais quand elle voulut lui forcer la main, non-seulement une première, mais une seconde fois, sur cet article capital, et empiéter trop à découvert, par voie d’amendement, sur l’initiative et la prérogative royale, elle le blessa : une légère rougeur lui monta à la joue en apprenant un dernier rejet opiniâtre et la substitution d’un nouveau projet à celui qu’on avait présenté derechef en son nom : « Eh bien ! […] Sa souplesse, dont on a trop parlé, avait ses limites, et il savait très-bien retirer sa main à M. de Villèle pour lui avoir manqué de foi, dans le même temps que le duc de Richelieu refusait la sienne au comte d’Artois pour la même cause. […] Dans la Chambre de 1815, un tel homme, l’homme du bon conseil, ne put manquer d’exercer, au sein de la minorité dont il faisait le lien, une influence des plus actives et des plus heureuses, et celle qui parut publiquement n’est que la moindre ; mais dans ces conférences de chaque jour où les chefs de la minorité discutaient les plans de défense, se distribuaient entre eux les rôles et se concertaient sous main avec quelques membres du Cabinet, que de bons et prudents avis, que de moyens ingénieux de tourner les difficultés, que de biais adroitement ménagés, il dut trouver et faire prévaloir !

1267. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Sur des rimes sans faste et sans art enlacées, Laisser tomber, pédant, la règle aux mains glacées ! […] Ils ont, demi-formés des mains de la tendresse, La grâce et les défauts, enfants de la paresse. […] « Par ce soleil d’automne, au bord de ce beau fleuve, Dont l’eau baigne les bois que ma main a plantés, Après les jours d’ivresse, après les jours d’épreuve, Viens, mon Ame, apaisons nos destins agités ; Viens, avant que le temps dont la fuite nous presse Ait dévoré le fruit des dernières saisons, Avant qu’à nos regards la brume qu’il abaisse Ait voilé la blancheur des vastes horizons, Viens, respire, ô mon Ame, et, contemplant ces îles Où le fleuve assoupi ne fait plus que gémir, Cherche en ton cours errant des souvenirs tranquilles Autour desquels aussi ton flot puisse dormir. […] Puisque j’ai remué des feuilles oubliées, j’en tirerai encore un seul passage qui servira à encadrer une autre élégie : la passion qui va saisir le héros en est déjà aux préliminaires ; c’est lui toujours qui raconte : « … Le dimanche, elle recevait volontiers du monde de la ville ; j’y fus invité, par un petit mot de sa main, pour le second dimanche qu’elle y passa : il ne devait y avoir que moi, m’écrivait-elle.

1268. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

D’abord ouvrier piqueur de meules (ses mains en portaient le stigmate), il avait conquis de haute lutte (au prix de quels efforts surhumains !) […] Sa cuiller à la main, nullement intimidée par l’importance des faux cols et le relief des bijouteries, elle désignait un siège et retournait à son bouillon ou à ses ravaudages. […] J’ai dit qu’ils avaient réussi un moment à mettre la main sur le Décadent. […] Sceptre à la main, comme un ânier, Vanier nous mène à la cravache.

1269. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet perdit de bonne heure ce père excellent ; il perdit aussi sa mère peu de temps après, et se trouva en bas âge aux mains de parents éloignés, qui furent des tuteurs négligents. […] Vous avez les mains fort blanches et la peau fort fine… Pour de l’esprit, vous en avez assurément autant qu’on en peut avoir, et votre esprit ressemble à votre visage ; il a plus de beauté que d’agrément. […] Rien n’est plus propre à faire connaître Huet, et par les côtés agréables, que sa correspondance avec Ménage, qui est en bonnes mains, et qui sera, j’espère, publiée un jour. Cette correspondance, dont j’ai eu sous les yeux soixante-dix-sept lettres, toutes de la main de Huet, de cette petite écriture, nette, fine, serrée, minutieuse et distincte jusque dans les abréviations, et qui se retrouve aux marges de ses livres, s’étend depuis l’année 1660 jusqu’en 1691, avec une lacune toutefois pour les années du milieu (1665-1682).

1270. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Tout à coup Asmodée va se percher avec son écolier au haut d’une tour, comme qui dirait au haut des tours de Notre-Dame ; de là il enlève d’un revers de main tous les toits de la ville, et l’on voit à nu toutes les hypocrisies, les faux-semblants, le dessous de cartes universel. […] Il s’en lit deux éditions en un an : « On travaille à une troisième, annonçait le Journal de Verdun (décembre 1707) ; deux seigneurs de la Cour mirent l’épée à la main dans la boutique de la Barbin, pour avoir le dernier exemplaire de la seconde édition. » Boileau, un jour que Jean-Baptiste Rousseau était chez lui, ayant surpris Le Diable boiteux entre les mains de son petit laquais, le menaça de le chasser si le livre couchait dans la maison. […] Il travailla pour la Foire, et sema son sel à pleines mains sur les tréteaux ; il eut cent succès réputés peu honorables.

1271. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Ce pouvoir périt dans ses mains, par ses propres fautes ; aussitôt grande rumeur ; il faut que toute l’Europe s’arme pour le lui restituer dans sa pureté et sa plénitude… Quelque usage d’ailleurs que ses conseillers en fassent, à quelques excès qu’ils se portent, de quelques inepties ou de quelques violences qu’ils se rendent coupables, ils n’en seront responsables qu’à Dieu ; et si la nation espagnole, ruinée, persécutée, réduite aux abois, poussée au désespoir, se relève enfin, et, sans attenter à la personne de son roi, sans porter atteinte à ses droits héréditaires, invoque et consacre un nouvel état de choses, cette nation ne sera plus qu’un assemblage de bandits qu’il faudra châtier et museler de nouveau. […] Car enfin, ce droit de compter sur soi-même, et de mesurer son obéissance sur la justice, la loi et la raison ; ce droit de vivre et d’en être digne, c’est notre patrimoine à tous ; c’est l’apanage de l’homme qui est sorti libre et intelligent des mains de son Créateur. […] Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu. […] Il fait sentir jusqu’à l’évidence qu’il est des choses qu’on ne refait ni à la main ni après coup ; qu’on ne change point les habitudes et les mœurs d’une nation à l’aide de trois ou quatre articles de loi.

1272. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Dans ses mains il tient les deux tables ! […] On n’en saurait douter, c’est habituellement de cette dernière qu’entend parler Camille, c’est elle dont il tient en main la ficelle et qu’il se plaît à faire danser méchamment et par manière de niche aux yeux de ses adversaires ; c’est avec elle qu’il joue comme un enfant gâté, dira Robespierre, et nous nous dirons, comme le gamin insolent, insouciant et cruel, qui n’a pas en lui le sentiment du bien et du mal, qui ne l’aura que tard et par accès, et qui périra par où il s’est trop joué. […] « Vous connaissez mieux que moi les principes, lui disait un jour Mirabeau en le flattant, mais je connais mieux les hommes11. » Danton fit comme Mirabeau, il mit la main sur le jeune homme et le tint jusqu’à la fin sous son ascendant. […] D’autres dresseront de leurs mains l’échafaud de Bailly, mais nul n’y a plus que lui coopéré à l’avance ; nul, on peut le dire, n’en a mieux préparé les pièces.

1273. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

On finit par croire qu’avec de l’esprit, beaucoup d’esprit, et un tour de main extrêmement habile, on peut tout faire, tout contrefaire : contrefaire, je ne le nie pas ; mais avec de l’esprit seul, on ne fera jamais ni du sentiment, ni de la passion, ni de la nature, ni du drame, ni de la religion. […] Et en général recueil, le malheur de Mme de Girardin comme écrivain, ça été qu’une organisation aussi forte, qui semble même puissante par accès, et qui, dans tous les cas, est si pleine de ressources, s’est jouée toujours dans un cercle artificiel et factice duquel, plume en main, ou lyre en main, elle n’est point sortie. […] Ses bonnes qualités se retrouvent là en nature, à leur source, et quand on la voit, on comprend encore cet éloge que lui accordent unanimement ceux qui l’ont beaucoup vue sous sa première forme de Delphine, « que, connaissant comme elle faisait ses avantages naturels, elle n’en usait ni pour tourmenter les hommes, ni pour accabler les femmes. » Plume en main, elle n’est pas toujours ainsi.

1274. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Le Noir, lieutenant général de police, homme bon et humain, touché dès l’abord de la situation de Mirabeau, lui permit de correspondre avec Sophie et avec quelques autres personnes, à la condition que les lettres passeraient par les mains de M.  […] Les lettres de Mirabeau allaient par ses mains à leur destination ; il exigeait seulement que les originaux lui fussent rapportés. […] On ne saurait assez déplorer cette publication de Manuel ; car de cette même masse de papiers, tombant en de dignes mains, au lieu de quatre volumes compromis et souillés, on aurait pu tirer, sans infidélité et moyennant de simples suppressions, deux ou trois volumes touchants, graves, éloquents, « un ouvrage à la fois attrayant et à peu près irréprochable, plein de piquants sujets d’études psychologiques et d’exemples de style, dont aucune impureté ne souillerait la grâce, dont aucun danger ne ferait condamner l’agrément ». […] Il écrivait sans cesse, ne lisait que plume en main, et s’intéressait à tous sujets.

1275. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Je sais que la correspondance de Bernardin avec Duval existe et qu’elle est à Genève aux mains des descendants de ce dernier : espérons qu’elle sera publiée un jour et qu’elle nous rendra le vrai ton55. […] quand pourrai-je, s’écrie-t-il, respirer le parfum des chèvrefeuilles, me reposer sur ces beaux tapis de lait, de safran et de pourpre que paissent nos heureux troupeaux, et entendre les chansons du laboureur qui salue l’aurore avec un cœur content et des mains libres ! […] Comment voulez-vous sortir d’un état qui vous peine, si vous repoussez les mains qui peuvent vous en tirer ?  […] Comment voulez-vous sortir d’un état qui vous peine si vous repoussez les mains qui peuvent vous en tirer ?

1276. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Où l’homme enfin avouera-t-il davantage l’homme, qu’en ces lignes échappées de sa main ? […] Mais cependant allons au fond des rapports de Mercy-Argenteau et des lettres de Marie-Thérèse, lettres devenues des armes aux mains des ennemis de la mémoire de la Reine, etc. […] Si, sans aucun doute, du moins un fragment incontestablement de la main de Sophie, — les quatorze pages que je possède, — et où elle recommence trois fois l’histoire de sa naissance et de ses premières années. Seulement, alors je croyais à une suite autographe des Mémoires, peut-être perdue, peut-être enfouie dans quelque collection inconnue ; à l’heure présente je n’y crois plus guère ; je suis presque convaincu que la paresseuse artiste, que l’écriture n’amusait pas, s’est arrêtée à la quatorzième page, et que les mémoires manuscrits que j’ai entre les mains, — sauf le commencement, — par un certain Talbot, sur la commande de Loiseau, n’ont pas été rédigés, dis-je, sur un brouillon de la chanteuse, mais bien d’après ses confidences et ses conversations.

1277. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Quand on entre, on le voit dans l’entrebâillement de la porte du vestibule, qui vous dit, avec un clappement de langue gourmand, et l’avance d’une main, qu’il n’ose pas vous donner : « Je fais un plat !  […] Et quand il disait cela, de la porte derrière laquelle elle écoutait, apparaissait la vieille servante, la figure cachée dans ses mains, et qui lui jetait : « Mais, mon cher maître, vous avez perdu la tête, comment pouvez-vous dire des choses comme cela ?  […] Et jusqu’à ce nom du cocher Ravaud, c’est le nom du cocher de mes cousines de Villedeuil, du vieux cocher entrevu à l’enterrement de mon frère, qui se rappelait, au bout de près de quarante ans, l’enfant qu’on faisait asseoir sur son siège, et aux petites mains duquel, parfois, il mettait ses guides. […] Puis tout à coup, au milieu de la démonstration, faite à deux mètres de la toile, dans une tranquille eurythmie ; d’un bond, le commis franchit la distance qui le sépare du tableau, et tout à coup, vous le retrouvez au bas de la toile, rasé à terre, appelant votre attention sur un détail, qu’il enveloppe dans le vide d’une main, ayant l’air de jouer amoureusement autour d’un sein de femme.

1278. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Le plus fougueux des ultramontains consentirait-il à remettre entre les mains du seul juge infaillible non-seulement sa conscience et sa pensée, mais encore ses intérêts et ceux de sa famille ? […] Ceux qui parlent ainsi croient sans doute défendre la cause de la vérité ; mais ils ne voient pas qu’ils lui portent de leur propre main les coups les plus redoutables et les plus profonds. […] D’ailleurs n’est-ce pas se faire une idée bien singulière de la vérité que de se la représenter comme une chose qui passe de main en main et que l’on met sous clef pour que personne n’y touche ?

1279. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Toujours ronds et frais comme des pommes d’api, le cœur sur la main, l’œil clair et souriant à la nature. […] Tel nez, tel front, tel œil, tel pied, telle main. […] Il la prenait dans ses mains, la tordait, la rarrangeait, l’expliquait, la commentait ; et la nature se transformait en apocalypse. […] Un échantillon entre mille : vous rappelez-vous cette grande et belle fille qui regarde avec une moue dédaigneuse un jeune homme joignant devant elle les mains dans une attitude suppliante ?

1280. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Louis XIV entoura donc son petit-fils de conseils ; lui-même il traça de sa main les règles qu’il crut les plus sages ; il composa la cour d’Espagne avec choix ; l’ambassadeur à Madrid, le duc d’Harcourt, fut en réalité le gouverneur du jeune roi, et la jeune reine reçut pour gouvernante, à titre de dame d’honneur, une Française célèbre par sa naissance et son mérite, Anne-Marie de la Trémoïlle, veuve du prince de Chalais, et depuis mariée en Italie à Flavio, prince des Ursins. […] Marmontel, qui avait eu entre les mains cette correspondance manuscrite, a jugé très favorablement madame des Ursins, et en vérité, d’après ce qu’on y lit, il est difficile de se défendre envers elle d’indulgence et d’estime.

1281. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Un jour, en Sicile, sur les flancs de l’Etna, au lever du soleil, il était assis, non pas seul, mais une autre main dans sa main, un autre œil sur le sien, une autre voix mariée à sa voix.

1282. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

Une fois, M. l’abbé Fulcran a trouvé son neveu en train de baiser ces saints ornements, auxquels les mains de Méniquette venaient de toucher ; et le digne prêtre, peu clairvoyant, a loué Ferdinand de sa piété. […] La main de Lo .   .   .   .   .   .

1283. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Nous n’aurons donc qu’à passer la main aux expérimentateurs, et en attendant qu’ils aient tranché définitivement le débat, à ne pas nous préoccuper de ces inquiétants problèmes, et à continuer tranquillement notre œuvre comme si les principes étaient encore incontestés. […] Il ne faudrait pas en conclure que la science ne peut faire qu’un travail de Pénélope, qu’elle ne peut élever que des constructions éphémères qu’elle est bientôt forcée de démolir de fond en comble de ses propres mains.

1284. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Celui qui voulut échapper au travail des mains, au seul travail, dut imposer sa part de peine à ses frères. […] * *    * On m’a trop déformé, on m’a rendu lâche devant les fatigues du corps et mes mains inexercées sont devenues si maladroites.

1285. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Au premier aspect, ce manuscrit n’est pas d’un intérêt considérable : l’écriture manque d’accent et on ne sent pas la maîtrise de la main, inséparable de la maîtrise de la pensée ; mais les premières épreuves révèlent quel coup d’éperon l’écrivain recevait de la typographie. […] Gustave Planche me contait un jour qu’ayant hasardé quelques critiques sur le style parfois tourmenté de Balzac, celui-ci l’avait prié de noter, plume à la main, les fautes qui le choquaient.

1286. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Cet homme qui devait tout à Napoléon, même sa gloire, et sur lequel Napoléon s’appuyait avec cette confiance des grands hommes, plus grands encore quand ils sont aveugles que quand ils y voient clair, ce Marmont enfin qui se rompit comme un roseau et perça la main de son maître, n’est point ce qu’on peut appeler brutalement un traître. Il est certain que Judas qui vendit son Dieu est au-dessous… Rapetti ne l’a pas rangé non plus parmi ceux-là qui vendirent leur pays, le visage nu, les mains ouvertes.

1287. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Il fourmilla d’observations sur elles, et il apporta même un jour, dans ses deux mains, sa fourmilière à L’Opinion nationale, où Guéroult le laissa faire ses expériences sur les âmes, qui ne sont point viles (animas viles), des fourmis. […] Jules Levallois, l’homme de la critique militante, n’entend pas ainsi les ermites, et sous sa robe d’ermite, à lui, il a gardé encore une main très prête et très propre au combat.

1288. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Il ne l’a pas écorché de la tête aux talons avec des mains d’Apollon irrité, mais il l’a moulé des pieds à la tête, avec des mains innocentes et presque pieuses, dans le plâtre d’une prose blafarde comme l’est le plâtre et d’autant plus exacte qu’elle est plus blafarde.

1289. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

La gloire éternelle du premier des Bonaparte, c’est d’avoir étouffé toute la métaphysique révolutionnaire dans sa main pratique et sensée. […] Ce n’est point une thèse de parti qu’il a soutenue, son esprit vise plus haut que cela ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il a mis une grande force aux mains de son parti en établissant un pareil système.

1290. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Est-ce qu’à la brochure qu’il publie on ne reconnaît pas cette main familière qu’il met partout, — et ne voilà-t-il pas qu’il la met sur nos institutions ? […] c’était la grandeur d’un conseil, c’était l’intuition claire de la situation présente avec son bilan dans la main, — de cette situation qui a ses charges, et dont plus qu’aucun autre Napoléon III connaît le poids, puisqu’il le porte !

1291. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Ils tiendraient, dispersés qu’ils furent et ramassés ici, comme ces clous d’or, dont parle Bossuet quelque part, qui tiennent dans le creux de la main. […] Émues, elles mettaient le front dans leur main, et peut-être qu’une larme furtive tombait dans leur verre… Monselet a cette note comme l’avait Beauvoir, perle qu’il a jetée dans tous les vins qu’il a sablés, depuis l’Αϊ jusqu’à l’Argenteuil, et qui ne s’y est pas dissoute.

1292. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples. […] Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.

1293. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

L’Asie poussa un long gémissement, se sentant ainsi t’rappée à deux mains par la guerre. » On le croira sans peine, ce n’était pas seulement par ces courtes épitaphes que devait se marquer l’admiration du poëte pour la gloire de son pays. […] Telle est cette ode sur Danaé : « Comme le vent frémissait106, soufflant sur le coffre artistement travaillé, et que les flots agités augmentaient la crainte, les joues baignées de larmes, elle jeta sa main autour de Persée et dit : “Mon fils, que j’ai de peine !

1294. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

« Il faut, dis-je à mes amis, confidents de ma pensée, il faut écrire pour ce peuple, dans une histoire impartiale, morale et pathétique à la fois, le commentaire vivant de sa première révolution, un Machiavel français, non dans l’esprit du Machiavel italien, mais dans l’esprit d’un Tacite moderne ; il faut prouver, par tous les faits de cette révolution, qu’en histoire, comme en morale, chaque crime, même heureux un jour, est suivi le lendemain d’une véritable expiation ; que les peuples, comme les individus, sont tenus de faire honnêtement les choses honnêtes ; que le but ne justifie pas les moyens, comme le prétendent les scélérats de théorie ou les fanatiques de liberté illimitée et de démagogie populacière ; que les plus justes principes périssent par l’iniquité des actes ; que la conscience ne subit pas d’interrègnes ; que la Providence est toujours là pour la venger, et que, si la Révolution de 1793 a noyé les plus belles pensées philosophiques dans le sang, c’est qu’elle est tombée des lèvres des philosophes dans les mains des tribuns, et des mains des tribuns dans les mains des Sylla et des César, lavant le sang dans le sang, et restaurant facilement la tyrannie, que les sociétés préfèrent justement aux crimes. […] Il tombe par la main de tous et paye pour tous au 9 thermidor et devant la postérité. […] Ils étaient nombreux, volumineux, sincères ; flattés de ce qu’une main libre cherchait dans leurs portefeuilles ou dans leur mémoire l’impartiale lumière qui ne luit qu’après que les partis sont morts et que les ressentiments sont éteints.

1295. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Jules Janin parlant tout le temps de notre livre, nous fouettait avec de l’ironie, nous pardonnait avec de l’estime et des paroles sérieuses, et présentait notre jeunesse au public en l’excusant, en lui serrant la main : une critique à la fois très blagueuse et très paternelle. […] Assise dans la salle à manger, d’une main tremblotante et dont les doigts se cognent, elle met ses bas, sur des jambes comme des manches à balai, sur des jambes de phtisique. […] Elle se tient de la main à la portière. […] Elle attendait Edmond jusqu’au matin pour lui ouvrir la porte de l’appartement, quand il allait, en cachette de ma mère, au bal de l’Opéra… Elle était la femme, la garde-malade admirable, dont ma mère en mourant avait mis les mains dans les nôtres… Elle avait les clefs de tout, elle menait, elle faisait tout autour de nous. […] Enfin, ce matin, je prends mon courage à deux mains.

1296. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

c’est la dernière… mais le décret est signé. » Quand il fut au moment de mourir, il dit à sa fille de s’approcher, lui prit la main, et soupira : « Tant que je te la serrerai, je serai vivant… Après cela, je ne saurai plus où je serai… » * * * — Un professeur d’esthétique disait, ces jours-ci, à une personne de ma connaissance, qu’il ne faisait aucune différence entre les jolies femmes et les autres… Après cette profession de foi, qu’il soit le mari de sa femme très bien, — mais professeur d’esthétique ? […] Il se voyait dans une chambre entouré de petites filles ; et de la cheminée sortait une vieille femme, une vieille fée, qui avait un piment, tout rouge dans sa bouche, sans doute pour faire croire à du feu, à de la flamme, et la vieille qui était une fillette, travestie, se faisait amener le petit poltron, et lui mettait des bonbons dans la main. […] Il dit, tout en laissant traîner, comme voluptueusement, la main dans ces étoffes, il dit que c’est l’été, devant les fleurs, qu’il cherche la gamme des tons de ses toilettes, et il se plaint qu’il trouve chez ses clientes une certaine résistance à accepter le jaune : que c’est la plus belle couleur. […] Et il la joue ainsi en effet, avec un rien de fléchissement dans les jambes, et en se calant au commencement, par l’enfoncement de ses mains, dans les poches de côté de son pantalon. […] Et la pauvre tata était renvoyée dans sa province, où elle mourait quelques mois après, dans un état d’enragement, et déchirant et mettant en pièces tout ce qui tombait sous ses vieilles mains.

1297. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Des passages comme celui-ci : Aujourd’hui recueil des Hanois éclaire la navigation qu’il fourvoyait ; le guet-apens a un flambeau à la main. […] Des personnages de son théâtre, aux héros de la Légende des Siècles aux femmes et aux enfants qui traversent certains poèmes, tous sont ainsi peints au décuple, saisis une première fois d’un coup, repris, traités à nouveau, enclos de mille contours semblables et déviants, obsédés et retouchés par une main sans cesse retraçante. […] S’il est des mots qui puissent rendre la vague terreur d’un tyran inquiet des murmures des honnêtes gens, ce sont des vers comme ceux-ci : Et ces paroles qui menacent, Ces paroles dont l’éclair luit, Seront comme des mains qui passent Tenant des glaives dans la nuit. […] Les plus simples scènes champêtres, une vache paissant dans un pré, des enfants qui jouent, un chêne dans une clairière, une fleur au bord d’un chemin, prennent sous ses puissantes mains de pétrisseur de verbe, une grandeur calme et menaçante, un aspect fatidique et géant, qui émeut intimement. […] Les sourdes ténèbres du lieu, les vieilles et puériles lois latines psalmodiées par le greffier, les paroles surhumainement graves, adressées par le juge, une touffe de fleurs à la main, à la misérable guenille d’homme devant lui, écartelé nu entre quatre piliers et oppressé de masses de fer, la bouche râlante, la barbe suante, la peau terreuse, muet et les yeux clos, cela est énorme et admirable.

1298. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

D’une main, M.  […] Feydeau se permettait de déshonorer l’adultère et fouaillait l’amant avec la femme coupable, d’une main plus hardie que pure, il est vrai, mais eux voyaient plus les coups que la main ! […] Le bourreau de l’adultère a écrit, en effet, sur la première page de son Daniel cette phrase de Chamfort, qui résume l’esprit du livre, mais qui ne lui en a pas donné : « Quand un homme et une femme ont l’un pour l’autre une passion violente, il me semble toujours que, quels que soient les obstacles qui les séparent, un mari, des parents, etc., les deux amantssontl’unàl’autredeparlanature, qu’ils s’appartiennent de droitdivin, malgré les lois et les conventions humaines », et jamais plus flagrante insolence ne fut portée par la main d’un bâtard enragé (et Chamfort était l’un et l’autre) à la face d’une société qui a mis le mariage plus haut, que ses institutions, puisqu’elle en a fait un sacrement. […] Sainte-Beuve, nous a donné récemment le spectacle de cette dernière grâce un peu tombante des pouvoirs, blasés ou séduits qui mettent une main protectrice sur quelque jeune épaule qui ne les soutient pas et qu’ils décorent.

1299. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

La main droite brandissait, toute prête à agir, une fourche d’importance vers le procureur somnolent et sa main gauche tenait trois fourches de mêmes dimensions, vraisemblablement destinées aux bons robins assis au comptoir à condamnation. […] qui dans le creux de ma main veniez boire Ce qu’une aube imbrifère y délaissait de pleurs ! […] ou minutieux jusqu’à cet excès qu’il faut impérieusement de d’aucunes mains dont on l’attend. […] Nous nous dirigeâmes ensuite vers la cuisine, où je me lavai les mains ; après quoi, mon hôte me conduisit au parloir. […] Nous nous lavâmes les mains et prîmes place à table avec quatre nouveaux convives, à peu près inconnus de moi.

1300. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Saint-Simon, dans son apologie, admet ou suppose toujours deux choses : c’est, d’une part, qu’il ne dit que la vérité, et, de l’autre, qu’il n’est pas impartial, qu’il ne se pique pas de l’être, et, qu’en laissant la louange ou le blâme aller de source à l’égard de ceux pour qui il est diversement affecté, il obéit à ses inclinations et à sa façon impétueuse de sentir : et, avec cela, il se flatte de tenir en main la balance. […] Il sent la plaie et la faiblesse morale de la France au sortir des mains de Louis XIV ; tout a été abaissé, nivelé, réduit à l’état d’individu, il n’y a que le roi de grand. […] Ils sortirent des mains de sa famille pour devenir des espèces de prisonniers d’État ; on craignait les divulgations indiscrètes. […] La marquise de Créquy, à propos d’une de ces premières compilations, écrivait à Sénac de Meilhan97 (7 février 1787) : « Les Mémoires de Saint-Simon sont entre les mains du censeur ; de six volumes on en fera à peine trois, et c’est encore assez. » Et, un peu plus tard (25 septembre 1788) : « Je vous annonce que les Mémoires de Saint-Simon paraissent, mais très mutilés si j’en juge par ce que j’ai vu en trois gros tapons verts, et il y en avait six. […] C’est ce qu’on ne saurait trop maintenir, et Saint-Simon n’a eu que raison quand il a conclu de la sorte en se jugeant : « Ces mémoires sont de source, de la première main : leur vérité, leur authenticité ne peut être révoquée en doute, et je crois pouvoir dire qu’il n’y en a point eu jusqu’ici qui aient compris plus de différentes matières, plus approfondies, plus détaillées, ni qui forment un groupe plus instructif ni plus curieux. » La postérité, après avoir bien écouté ce qui s’est dit et se dira encore pour et contre, ne saurait, je le crois, conclure autrement.

1301. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

L’œuvre d’Hogarth, qui lui tombait sous la main, lui déroulait l’histoire du bon et du mauvais apprenti, et les expressions de crime et de vertu, que ce moraliste-peintre a si énergiquement burinées sur le front de ses personnages, lui causaient, dit-il, cet attrait mêlé de trouble qu’un enfant préfère à tout. […] Les albums grotesques coururent de main en main, et il arriva qu’un ami de l’auteur, passant à Weimar, fit voir je ne sais lequel à Goëthe. […] Un beau matin je le trouvai cassé en deux morceaux : cela m’étonna, car il n’avait jamais fait de sottises qu’entre mes mains… Aussi n’était-ce pas une sottise, je venais de me marier. […] Charles rêve, il rêve beaucoup plus depuis quelque temps ; il aime Louise, la fille du chantre, et s’il en croit de chers indices, une main donnée et oubliée dans la sienne à une certaine descente de montagne, Louise tout bas le lui rend. […] Enfant trouvé, peut-il donc prétendre à la main de Louise ?

1302. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

On raconte qu’il avait composé un poëme sur les Amours des Reines de France, et qu’il le brûla par délicatesse à l’époque où ce poëme aurait pu, en tombant entre des mains parricides, devenir une arme d’infamie contre d’illustres victimes. […] un masque dans tes mains, Des pieds de chèvre et le poil d’un satyre ? […] Bonaparte n’eut garde de s’y tromper : il étendit la main à la littérature comme aux autres vices de la société, et ne tarda pas à y ramener la décence, la régularité, et par malheur aussi le mot d’ordre qu’il imposait en toute chose. […] On raconte que, quelques années auparavant, celle qui avait été Éléonore, devenue veuve et libre, et restée naïve, avait écrit de Bourbon à son chantre passionné pour lui offrir sa main ; mais il était trop tard, et Parny ne laissa échapper que ce mot : « Non, non, ce n’est plus Éléonore. » — Celle-ci alors, selon la chronique désormais certaine et très-positive, se remaria, vint en France, habita et mourut en Bretagne, et l’on se souvient d’elle encore à Quimper-Corentin. […] « Je te saisis, je t’atteignis enfin, ô Plaisir ; le long retard m’avait rendu comme insensé : je ne craignais pas dans ma fougue de déchirer les franges de ta tunique légère, d’arracher les fleurs de ta tète et de tes mains ; mais tout renaissait vite et se réparait comme sur la personne d’un Dieu.

1303. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Les bœufs, conduits par la main invisible de Ronan, marchèrent droit devant eux, au plus épais de la forêt. […] Regardant d’un oeil de mépris ceux qui mettaient la main dans l’urne : « Autrefois, disait-il, nous ne faisions pas ainsi. » Et il haussait ostensiblement les épaules sur la décadence des temps. […] J’en ai vu qui, au début de leur engagement, avaient entre les mains des sommes assez fortes. […] Elle prit ma mère, alors enfant, par la main, et elles firent ensemble un voyage de deux lieues, sous un soleil ardent. […] Sa taille admirable était dissimulée par une pèlerine ; ses mains, longues et blanches, étaient toujours perdues dans des mitaines.

1304. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Dans ces notes, on s’est borné strictement aux citations de première main, je veux dire à l’indication des passages originaux sur lesquels chaque assertion ou chaque conjecture s’appuie. […] On sent seulement qu’une main chrétienne a retouché le morceau, y a ajouté quelques mots sans lesquels il eût été presque blasphématoire 10, a peut-être retranché ou modifié quelques expressions 11. […] A quelle époque, par quelles mains, dans quelles conditions les évangiles ont-ils été rédigés ? […] Nous sommes donc ici sur un terrain solide ; car il s’agit d’un ouvrage écrit tout entier de la même main et de la plus parfaite unité. […] C’est un document de seconde main.

1305. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Eva n’est point seule : sa servante Madeleine la suit à pas comptés, en beaux atours, son livre d’Heures à la main, commère coquette et prudente. […] Lui aussi aspire à la main de la belle Eva. […] Sachs, l’alène et le marteau à la main, s’interroge lui-même, comme s’il avait la vision d’un art nouveau tout prêt à naître. […] La main d’Eva lui appartient, il a conquis sa bien-aimée ; il a conquis la Muse, et Sachs, ayant préparé sa gloire, le bénit. […] Trois d’entre eux sont dessinés de main de maître : placés au premier plan, Beckmesser, Pogner et Kothner ont pris une physionomie inoubliable.

1306. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

L’étonnement se manifeste par les yeux ouverts, les sourcils élevés, la bouche ouverte, les mains levées. […] Un homme est couché de son long dans une caisse en bois disposée comme une balance et en équilibre sur un couteau d’acier ; des appareils marquent le tracé du pouls pour les pieds et les mains, ainsi que les changements de volume subis par ces organes. […] L’enfant mal nourri a souvent ce que les médecins appellent la main nerveuse, c’est-à-dire agitée de perpétuels tressaillements ; une nutrition encore plus mauvaise peut aboutir à la chorée. […] La bouche, organe du goût, le nez, organe de l’odorat, les mains et la surface du corps, organes du toucher, les oreilles, les yeux prennent toujours une part directe ou indirecte à l’expression de tout sentiment. […] Le dégoût physique et le dédain moral se marquent par la bouche ouverte comme pour rejeter un aliment qui déplaît, par l’expiration à travers le nez comme pour repousser une mauvaise odeur, par les yeux demi-fermés comme pour ne pas voir, enfin par les mains levées comme pour écarter l’objet.

1307. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Quand les hommes forts de notre race ont paru dans la foule, quand Victor Hugo, Lamartine, Auguste Barbier, Alfred de Vigny, Balzac, ont parlé, il s’est fait tout à coup un grand silence autour d’eux ; on a recueilli religieusement chacune de leurs paroles, on a battu des mains, et, d’un seul élan, on les a placés si haut que nul encore de nos jours n’a pu les atteindre. […] Selon lui, en effet, il n’y a plus dans la littérature actuelle que de la forme, la pensée est absente ou sacrifiée : en architecture, en peinture, en sculpture, on ne rencontre, selon lui, que le pastiche, l’imitation du passé, une imitation confuse et entrecroisée des différentes époques, des différentes manières antérieures : « Il en est de même, dit-il, en littérature : on accumule images sur images, hyperboles sur hyperboles, périphrases sur périphrases ; on jongle avec les mots, on saute à travers des cercles de périodes, on danse sur la corde roide des alexandrins, on porte à bras tendu cent kilos d’épithètesa, etc. » Et dans ce style qui n’évite pas les défauts qu’il blâme, l’auteur s’amuse à prouver que tous, plume en main, jouent à la phrase et manquent d’une idée, d’un but, d’une inspiration : « Où sont les écrivains ? […] Je ne voudrais point, par exemple, qu’en célébrant avec reconnaissance cette bonne servante qui l’a soigné enfant en rappelant les promenades où elle l’emmenait, il allât jusqu’à dire : Et le froid Luxembourg où le long des parterres J’arrachais, malgré toi, les fleurs à pleine main, Pendant que tu causais avec des militaires Vers qui tu te penchais en disant : « À demain ! 

1308. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

L’abbé Le Dieu, ancien secrétaire de Bossuet, étant allé visiter Fénelon à Cambrai en septembre 1704, fut invité à dîner et à souper avec le prélat, et il nous a laissé un détail minutieux de tout ce dont il fut témoin en ce palais où régnait la politesse : « M. l’archevêque, dit-il, prit la peine de me servir de sa main de tout ce qu’il y avait de plus délicat sur sa table ; je le remerciai chaque fois en grand respect, le chapeau à la main, et chaque fois aussi il ne manqua jamais de m’ôter son chapeau, et il me fit l’honneur de boire à ma santé. » Du temps de M. de Luynes, il paraît que l’usage ordinaire de dîner le chapeau sur la tête subsistait encore, puisqu’il remarque qu’on se découvre quand on dîne avec le roi. […] Parmi les historiettes rétrospectives qui se glissent dans les nouvelles courantes et dans le menu du jour, il en est une des plus piquantes sur Colbert ; mais comme, ici, M. de Luynes ne la tient que de seconde ou de troisième main, il y aurait à vérifier si tout ce récit concorde en effet avec les circonstances auxquelles il se rattache : tel qu’il est, je le livre à l’exacte critique de l’historien de Colbert, M. 

1309. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Tout ceci est bien terre à terre, je le sais, aux yeux de cette opinion factice et amoureuse de popularité, qui tient le pouvoir, quelles que soient les mains qui l’exercent, pour l’adversaire présumé de la société. […] J’estime que, dans nos circonstances publiques, le pays courrait quelque risque, si le pouvoir passait actuellement dans d’autres mains. […] Il s’animait en parlant de ces choses ; il était pénétré ; sa main tremblait comme la feuille, sa parole vibrait de toute l’émotion de son âme : tout l’être moral était engagé.

1310. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Il n’était pas de ceux dont il s’est moqué quelque part, et qui, lorsqu’un génie trébuche ou qu’un grand homme tombe, se sentent tout enchantés et allégés, « comme si leur supérieur était mort et s’ils avaient reçu de l’avancement. » Une statue, érigée à Weimar, et due au talent de Reitschel, nous le montre rayonnant et heureux, imposant et doux, décernant la couronne à Schiller qui, debout à côté de lui, la reçoit de sa main presque sans y penser, le front inspiré et rêveur. […] On sait que Mirabeau avait bien des collaborateurs ; chacun lui aidait, lui apportait, qui une idée, qui une citation, un renseignement, un à-propos, et il pétrissait tout de sa puissante main, il animait tout de son souffle ardent, et vivifié, transformé, le jetait ensuite en pâture au monde. […] Lisant une des histoires quelconques de Napoléon qu’on publiait alors, il fait cette remarque, si justifiée depuis : « Le héros n’en est pas diminué ; au contraire, il grandit à mesure qu’il devient plus vrai. » Il essaye de lire Bourrienne, et le livre bientôt lui tombe des mains : « Cela », dit-il, « tiraille des brins à la frange et aux broderies du manteau impérial, déposé d’hier, et cela croit par là devenir quelque chose ! 

1311. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Non pas qu’il ait rédigé ses Mémoires ou son Journal dans le moment même où il agissait et administrait : il paraît n’y avoir songé que tard et après sa retraite des intendances ; mais il a rédigé ses notes sur pièces, à mesure que, dans la révision qu’il faisait de ses papiers, chaque lettre, chaque copie ou minute lui tombait sous la main et fixait ses souvenirs. […] Choisi pour la charge de procureur du roi des requêtes de l’hôtel, reçu haut la main avec honneur et sans subir l’examen, puis six ans après (1671) pourvu de la charge d’avocat général au grand Conseil, reçu également sans subir d’interrogatoire et avec dispense d’âge (il fallait avoir trente ans, et il n’en avait que vingt-huit), on voit que Foucault était ce qu’on appelle un excellent sujet, régulier, exemplaire, et même brillant dans les parties sombres : il s’agit d’un brillant qui n’est que relatif. […] Comme il convient de se bien définir à soi-même les termes, même les plus courants et les plus connus, on appelait proprement dragonnades l’opération, en apparence très-simple, qui consistait à faire arriver dans un pays des dragons ou tout autre corps de cavalerie, à les loger chez des bourgeois, métayers ou fermiers protestants, ou même des nobles, et à les ruiner par ces logements prolongés qui, dans l’état encore très-neuf de la discipline militaire d’alors, et surtout quand on voulait bien y donner les mains et fermer les yeux, étaient accompagnés de quantités d’exactions, vexations, coups, viols, sévices et parfois meurtres ; on exemptait qui l’on voulait de ces logements, et on écrasait les autres.

1312. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Il avait donné la nouvelle couronne ducale au roi de Saxe, le plus proche voisin, prince aimé et vénéré, mais qui n’était pas tout à fait un roi de Pologne : ce roi, il semblait que l’Empereur refit pu donner directement de sa main, s’il ne voulait se déclarer tel lui-même et céder au cri national. […] Une somme de quatre millions de florins, offerte à Varsovie par les Magnats pour obtenir son suffrage en faveur du rétablissement de leur pays, leur fut restituée après être restée déposée pendant plusieurs jours entre les mains du baron de Dalberg. […] M. de Senfft fut avec lui à Berlin, et depuis à Paris, sur un pied d’amitié et de confiance, auquel il dut, en 1809, la satisfaction de soustraire le fils aîné de Mmc la duchesse d’Esclignac, fait prisonnier en Espagne, à la rigueur des lois portées contre les Français pris les armes à la main. » On peut le remarquer, les parfaites liaisons de M. de Senfft à cette époque ne furent jamais qu’avec ceux qui, tout en servant alors la politique de Napoléon, avaient des restes d’ancien régime ou des avant-goûts et des prédispositions de régime futur différent.

1313. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Cet abbé, bizarrement célèbre, et qui s’était intitulé lui-même dans un de ses accès de flagornerie « l’aumônier du dieu Mars », avait été chargé, sous le titre d’ambassadeur, de prendre en main le mouvement de la nation polonaise au moment où la guerre contre la Russie se décida. […] La main de l’ambassadeur ne devait pas se laisser apercevoir dans ce mouvement national, « mais il devait tout voir, tout savoir, tout diriger, tout animer. » Un archevêque, un haut dignitaire de l’Église avait paru plus fait qu’un autre pour assister et pousser à cette œuvre militante dans un pays catholique, et comme devant aussi, par son caractère, moins prêter qu’un autre à tout conflit. […] Mécontent du rapport que devait prononcer le comte Matuchewitz au nom de la commission qui proposait la Confédération de Pologne, il l’avait refait de sa main.

1314. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

J’aurais eu de la sécurité, j’aurais eu un plan de vie suivi ; mes enfants auraient été plus tôt entre mes mains, etc. […] À plus forte raison des livres dont le sujet et la manière conviennent très-peu au xixe siècle français ne peuvent-ils faire sensation dans le public… « S’il me survient assez tôt des circonstances qui me mettent en état de vivre, je me féliciterai fort d’être resté étranger au commérage du monde ; de n’avoir point eu de rapport en général avec ceux pour qui vivre, c’est être en place ; de n’avoir vu que de loin les meneurs :de n’avoir pas ajouté à mes misères leurs vaines passions et de n’avoir pas mis la main à leur petit feu d’artifice… (Ici une lacune.)  […] D’ailleurs le malheur devrait à la longue influer bien plus sur mon humeur que sur mes opinions : or, j’aime extrêmement la gaieté de l’intimité, et je rirais comme un autre, quoique je sente le poids de cette main de fer qui reste appuyée sur moi : mais je pense que c’est dans ce qu’on appelle (bien ou mal) mélancolie que nous trouverons les lumières désormais utiles. 

1315. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

En même temps, quatre Indiens font un petit bal à la moresque ; enfin les perroquets s’envolent des mains de leurs maîtres et les laissent désespérés de cette perte ; après quoi s’achève la pièce, et s’en vont tous s’embarquer pour la guerre de Troie. » La Finta Pazza obtint un brillant succès, auquel les cantatrices, « la gentille et jolie Gabrielle Locatelli, qui était une vraie lumière de l’harmonie, Giulia Gabrielli et Marguerite Bertolazzi, dont la voix était si ravissante qu’on ne pouvait les louer dignement », paraissent avoir eu la plus grande part33. […] Là, le miroir en main et ce grand homme en face, Il n’est contorsion, posture ni grimace Que ce grand écolier du plus grand des bouffons Ne fasse et ne refasse en cent et cent façons : Tantôt, pour exprimer les soucis d’un ménage, De mille et mille plis il fronce son visage, Puis, joignant la pâleur à ces rides qu’il fait, D’un mari malheureux il est le vrai portrait. […] Loret, dans La Muse historique, raconte ou invente, sous la date du 14 février 1654, l’anecdote suivante dont le docteur Lolli et le Pantalon Turi sont les héros : Baloardo, comédien, Lequel encor qu’Italien N’est qu’un auteur mélancolique, L’autre jour, en place publique, Vivement attaquer osa Le Pantalon Bisognoza, Qui pour repousser l’incartade, Mit soudain la main à l’espade, Et se chatouillèrent longtemps Devant quantité d’assistants ; Qui, croyant leur combat tragique N’être que fiction comique, Laissèrent leurs grands coups tirer Sans nullement les séparer.

1316. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Valerio, masqué, sort de la maison de Pantalon avec Aurelia ; il lui dit que son carrosse est tout prêt, sur la lisière du bois voisin, Ottavio les surprend, met l’épée à la main, s’écrie qu’il est blessé. […] Nous voyons beaucoup de scènes comme celle que nous allons, par exemple, emprunter au scénario des Quatre Arlequins : « Arlequin vient, tenant une guitare à la main, et dans le dessein de donner une sérénade à sa maîtresse Diamantine. […] Arlequin se désespère, fait des sauts, des extravagances ; les autres l’imitent en tout, à l’exception du butor qui se remue lourdement. » Ces jeux se continuent longtemps et forment à eux seuls une partie du spectacle ; comme ils n’avaient pas eu grand succès à la première représentation, Dominique les redouble : il inscrit sur son livre : « Il faut que nous fassions des postures d’estropiés, de gros ventres, de tourner les mains derrière le dos, de former des attitudes singulières.

1317. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Ajoutez un teint éblouissant de fraîcheur, des bras, des mains admirables, un charmant sourire, une parole appropriée, et qui s’inspirait moins de l’esprit que de l’âme, du désir d’être bonne et de plaire. […] Et encore (10 octobre 1791) : « La reine, avec de l’esprit et un courage éprouvé, laisse cependant échapper toutes les occasions qui se présentent de s’emparer des rênes du gouvernement, et d’entourer le roi de gens fidèles, dévoués à la servir et à sauver l’État avec elle et par elle. » En effet, on ne revient pas d’une si longue et si habituelle légèreté en un jour ; ce n’eût pas été trop du génie d’une Catherine de Russie pour lutter contre les dangers si imprévus à celle qui n’avait jamais ouvert un livre d’histoire en sa vie, et qui avait rêvé une royauté de loisir et de village à Trianon : c’est assez que cette frivolité passée n’ait en rien entamé ni abaissé le cœur, et qu’il se soit trouvé dans l’épreuve aussi généreux, aussi fier, aussi royal et aussi pleinement doué qu’il pouvait l’être en sortant des mains de la nature. […] Au moment où ce voyage tant différé allait s’exécuter enfin, vers minuit, la reine, traversant le Carrousel à pied pour aller trouver la voiture préparée pour la famille royale par M. de Fersen, rencontra celle de M. de La Fayette qui passait : elle la remarqua, « et elle eut même la fantaisie, avec une badine qu’elle tenait à la main, de chercher à toucher les roues de la voiture ».

1318. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Cette personne avait mis aux mains de sa petite fille les Contes de Perrault, et elle demandait à M.  […] Plus j’avançais dans ma lecture, plus j’apercevais dans vos regards et dans tous vos traits une expression de compassion et de terreur, qui me remplissait moi-même d’inquiétude et de crainte. — Quand parut le malencontreux cuisinier et que vous vîtes briller le fer qu’il portait à la main, vous vous précipitâtes aussitôt sur moi. […] Les Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné commencèrent à paraître en 1842, et l’auteur, je l’ai dit, corrigeait hier de sa main mourante les épreuves du cinquième volume, qui en demandait un sixième encore.

1319. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Il ne pensoit pas que ce fût nuire à l’action que de tenir un cahier à la main & d’y lire d’excellentes choses, que d’être au moins rassuré par une personne dont l’emploi seroit de suggérer ce qui ne s’offre plus à la mémoire. […] Mais Chéminais est foible : ses productions sont celles d’un génie heureux, qui n’est point encore parvenu à sa maturité ; & sa mort l’a empêché de mettre la dernière main à ses ouvrages. […] Elle lui présentoit du tokai : Fanchon porte le dieu du vin     Et l’enfant de Cythère, L’un dans ses yeux, l’autre en sa main,     Pour nous faire la guerre.

1320. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Après avoir traité les differens genres d’affliction des autres personnages du tableau comme des passions qui pouvoient s’exprimer, il place à côté du lit de Germanicus une femme noble par sa taille et par ses vêtemens, qui se cache le visage avec les mains, et dont l’attitude entiere marque encore la douleur la plus profonde. […] Un autre porte le second doigt de sa main droite sur son nez, et fait le geste d’un homme qui vient d’être enfin éclairé sur des veritez dont il avoit depuis long-tems une idée confuse. […] Saint Petrone vêtu en évêque, et portant sur la main la ville de Boulogne caracterisée par ses principaux bâtimens et par ses tours, n’est pas une figure connuë en France generalement comme elle l’est en Lombardie.

1321. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

On roula sur un tas d’ossements, comme l’autre, cette nouvelle tête d’Yorick, de ce pauvre bouffon d’Yorick, dans laquelle avaient fleuri tant de pensées joyeuses et tendres, et ce ne furent pas les fossoyeurs de Shakespeare qui jouèrent à la boule avec cette tête de génie, ce furent, avec leurs mains sanglantes, des chirurgiens ! […] Mais nous disons, nous, que si le livre en question est de la main, il n’est point de la tête de Sterne ; que s’il est sorti, ébauche maigre, informe, mal venue, du portefeuille qui l’avait chastement gardé, il ne l’est pas de la plume divine qui a versé la vie, le sourire et les larmes, partout où elle s’est appuyée ! […] Dans un de ces moments, sans doute, un prébendaire d’York put écrire d’une blanche main fatiguée, et qui se mourait de langueur, cette file de pâles chapitres qu’on nous donne pour du Sterne, mais Yorick, lui, n’y a point touché… On l’y cherche en vain.

1322. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

C’est ainsi que le consul Décius, jaloux de ranimer l’ardeur des légions, s’était, au milieu du champ de bataille, solennellement dévoué, vêtu d’un manteau pontifical, les pieds posés sur le fer d’un javelot, proférant des paroles sacrées, chantant l’hymne de sa mort158, puis s’élançant à travers les rangs les plus épais des ennemis pour accomplir son vœu par leurs mains. […] Évidemment, lorsque la tragédie, sortant guerrière et parée des mains d’Eschyle, avait déployé son vol lyrique, l’avait soutenu si haut dans les chœurs majestueux de Sophocle et dans les hymnes gracieux d’Euripide, tous les arts à la fois s’empressaient autour d’elle pour la rehausser et l’embellir. […] Bien que cette nouveauté fût dès l’origine, et sous la main de Livius Andronicus, comme sous celle d’Ennius, importée de l’idiome grec, elle était bien loin d’en renouveler l’éclat lyrique.

1323. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

L’Avare de Plaute examinant les mains de son valet lui dit, voyons la troisieme, ce qui est choquant : Moliere a traduit l’autre, ce qui est naturel, attendu que la précipitation de l’Avare a pû lui faire oublier qu’il a déjà examiné deux mains, & prendre celle-ci pour la seconde. […] Auguste tendoit simplement la main à Cinna, en lui disant : soyons amis. […] Lorsque Ariane lit le billet de Thesée, les caracteres de la main du perfide se répetent comme dans un miroir sur le visage pâlissant de son amante, dans ses yeux fixes & remplis de larmes, dans le tremblement de sa main. […] Jean de Raphael, se borneroit à dire qu’il est de grandeur naturelle, porté sur une aigle, tenant une table de la main gauche, & une plume de la main droite ? […] Un très jeune officier, à qui son jeune âge ne permettoit pas d’y marcher de même, s’y faisoit porter de main en main.

1324. (1895) Hommes et livres

Après minuit sonné, l’épée à la main, on allait au cimetière du couvent de Saint-Denis, on grattait la terre avec les mains, à l’endroit où l’on avait enseveli un mort récemment et où elle n’était pas encore tassée. […] Docile et déposant ses haines, il laisse la main du roi amalgamer et fondre les partis. […] Est-ce le nom d’Aristote qui a retourné les idées de tout le monde comme en un tour de main ? […] Il la croit suffisante pour la grande œuvre qu’il rêve, à condition d’être en de bonnes mains. […] Il tend une main à Scarron, l’autre à Beaumarchais.

1325. (1925) La fin de l’art

En retour, elle enrichit assez sûrement les charlatans qui avaient eu la fortune de mettre la main sur un solide imbécile. […] Enfin, elle s’endormit et Ampère avança la main. […] Mais l’épée vint toute seule, laissant le fourreau, la dame se réveilla soudain, poussa un cri et des domestiques accourus la trouvèrent épouvantée devant un Académicien, l’épée nue à la main ! […] Quand on soulève de ces tristes questions, on devrait en tenir la solution dans sa main fermée et l’ouvrir au bon moment, pour en faire jaillir la surprise. […] Le philosophe même, qui ne croit pas à l’avenir et qui se sait parfaitement dans la main du destin, se sentirait mal à l’aise si sa fin, dont il ne doute pas qu’elle viendra à l’improviste, lui était marquée avec tant de certitude.

1326. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Son Napoléon est beau en son genre, mais simplifié comme un mécanisme construit de main d’homme, où tout le mouvement est produit par un seul rouage central : ce n’est là ni la complexité de la vie réelle ni celle du grand art. […] Dans la réalité, les grandes scènes d’une vie humaine sont préparées de longue main par cette vie même : l’individu des heures sublimes peut se révéler dans les moindres actes : il se fait pressentir à tout le moins, car celui qui sera capable ne fût-ce que d’un élan, et dût-il avoir besoin de toute une vie pour le préparer, n’est pas absolument semblable à celui qui ne renferme rien en soi. […] Et cet amour, quand il s’exaspère, Charlotte commence à le partager. « Comme je me retirais hier, elle me tendit la main et me dit : Adieu, cher Werther. » Dès lors Werther n’a plus de paix : l’image de Charlotte le suit partout, l’obsède : « Comme son image me poursuit ! […] C’est le type du Breton à l’esprit rempli de légendes, de superstitions dans lequel les idées irrationnelles s’implantent et ne peuvent être arrachées que par une brusque détermination ; comme celle qui décide Yann à demander la main de Gaud ; caractère obstiné dans une décision une fois prise, c’est la personnification des choses immobiles que voilent les brouillards gris de la Bretagne. […] Zola s’est évidemment, souvenu de la façon de conter de Jules Verne dans l’épisode du petit Jeanlin descendant dans le puits de mine abandonné, sa chandelle à la main.

1327. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

À peine échappé des mains de Simon Vouët, il s’est formé lui-même sur le modèle qu’il avait dans l’âme. […] Ici cet enfant aux cheveux bouclés, rempli d’un naïf enthousiasme ; là ce vieillard agenouillé et les mains jointes. […] On a beau relever dans Le Déluge quelques signes d’une main tremblante : l’âme qui soutenait et conduisait cette main se fait sentir à la nôtre et l’ébranle profondément. […] L’oratoire était peint de la main de Lesueur178. […] Un tyran, la mort à la main, peut vous contraindre à paraître l’admirer, mais non point à l’admirer en effet.

1328. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Sans doute, les œuvres de Bacon, loin d’être perdues, sont à la portée de toutes les mains. […] On le représente toujours tel qu’un béat, les yeux au ciel et les mains dans ses manches. […] Il se sent entre les mains de Dieu et sent qu’il ne peut rien sur Dieu. […] Ce fut un siècle doucement religieux ; sage comme un enfant sage, il ne retira jamais sa main de la main de sa bonne mère, la Religion. […] C’est une souffrance aussi de voir un beau paysage gâté par une main maladroite ou avide.

1329. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Denne-Baron a dans son talent quelque chose de cette grâce, et il est dommage qu’il ne l’ait pas su davantage, qu’on ne le lui ait pas plus dit ; car il était de ces chantres enfants qu’il aurait fallu guider par la main et diriger. […] Un dieu la pèse dans ses mains q.

1330. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

Il restait quelques ouvrages encore qui avaient appelé son attention au premier choix : l’un82, une agréable pièce de jour de l’an, qu’animait une inspiration sensible, une jolie idée née du cœur ; l’autre83, un grand drame touchant, construit de bonne main et avec habileté, plein de larmes, de repentirs, de fautes intéressantes cruellement expiées, et de naïves vertus ignorées de ceux qui les pratiquent. […] Quand la société était en péril continuel de verser, il était tout naturel que l’autorité mît fortement la main du côté opposé.

1331. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Nous nous rappelons très-bien, en énonçant cette loi fâcheuse, que Byron, Walter Scott, Chateaubriand, sont ou étaient au nombre des enrichis ou de ceux qui auraient dû l’être ; des sommes immenses, produit de leurs œuvres, leur ont passé par les mains ; mais ces grands exemples même ne font que nous confirmer dans la triste conséquence que nous tirons. […] En résumé ce couple méridional, ce par nobile fratrum, Barthélemy et Méry, a du trait, de la main d’œuvre, de la facture ; ce qui lui a toujours manqué, ç'a été l’invention, l’élévation et le sérieux.

1332. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Becq de Fouquières, jeune officier, avait conçu cette idée d’homme de goût et d’érudit dans le temps où, « un André Chénier à la main, il trompait les longues oisivetés de la vie militaire » ; devenu libre, il s’est empressé de se mettre à l’œuvre, et, d’abord, de se pourvoir de tous les instruments indispensables à l’exécution, parmi lesquels il faut compter au premier rang une connaissance des plus fines de la langue grecque. […] En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes.

1333. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Qu’il nous suffise de dire qu’un jour, pour courir là où l’appelaient son devoir et son cœur de citoyen, il força violemment la consigne du lycée et qu’il écarta de la main le proviseur. […] Il y gagna le cœur d’une jeune personne, fille d’un des principaux fonctionnaires de la ville, d’une condition et d’une naissance supérieure à la sienne, et qui, malgré sa famille, lui donna sa main.

1334. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Ceux qui se sont fait de Julie de Rambouillet une idée romanesque, veulent nous persuader qu’après que le duc de Montausier eut demandé sa main, elle le fit languir treize ans, le soumit à toutes les épreuves imposées aux amours fabuleux des romans du temps, exigea qu’il parcourût, dans toute son étendue, le royaume de Tendre, dont mademoiselle de Scudéry n’eut l’idée et ne publia la carte que dix ans plus tard. […] Ce fut pendant son séjour à Paris, dans l’hiver de 1641, que le marquis de Montausier fit à Julie cette fameuse galanterie d’une guirlande peinte sur vélin in-folio par Robert et, à la suite de laquelle se trouvent toutes les fleurs dont elle se compose, peintes séparément, chacune sur une feuille particulière, au bas de laquelle est écrit de la main de Jarry, célèbre calligraphe et noteur de la chapelle du roi, un madrigal qui se rapporte à cette fleur.

1335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Si on compare le coloris d’une description, à celui d’une autre entiérement opposée, quoique différent, il s’annonce pour être parti de la même main. […] Ce qu’il y a de plus absurde, de plus contraire aux mœurs & à l’honnêteté dans le Dictionnaire de ce Philosophe, devient, entre ses mains, le fond principal d’une Compilation odieuse, condamnée au feu par le Parlement, & punie par la détention de l’Auteur à la Bastille.

1336. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Il alloit souvent se perdre dans les bois de l’abbaye, un Euripide à la main, malgré la défense de quelques personnes dont il dépendoit, & qui lui en brûlèrent consécutivement trois exemplaires. […] On eut l’indignité de substituer aux vers les plus heureux des vers plats & ridicules ; jalousie horrible, partage des ames noires & lâches ; mais jalousie renouvellée depuis en différentes occasions par des écrivains obscurs & forcenés ; jalousie semblable à celle de ces peintres scélérats, dont les mains odieuses défigurèrent les plus beaux morceaux de le Sueur.

1337. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Vandyck a fait un grand tableau de chevalet, où cet infortuné general est représenté dans la posture d’un mandiant qui tend la main devant les passans. […] On fit entendre à ces religieux que la diversité des mains rendroit la suite de ces tableaux plus curieuse, et que l’émulation obligeroit encore chaque peintre à se surpasser lui-même dans un ouvrage destiné pour être comparé perpetuellement avec les ouvrages de ses concurrens.

1338. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Dans un temps où l’on n’avait pas vu que Mayenne, — le dernier des Guise, de toutes les manières, — mais le grand Guise lui-même, le magnifique Balafré, le charmeur de la France, recevoir vingt-cinq mille écus par mois du roi d’Espagne, non pour les besoins de son parti, — ce qui eût été légitime, — mais pour les besoins de sa maison, de son luxe et de sa personne ; quand les plus grands seigneurs de France tendaient leurs mains gantées d’acier, et les évêques leurs mitres de soie, à l’argent du roi d’Espagne qui y tombait ; quand partout, dans l’abominable politique du temps, il n’y a que gens qui se marchandent, espions tout prêts qui se proposent, assassins qui s’achètent, la Ligue ne fut pas plus innocente que les autres des vices qui dévoraient son siècle, et elle y ajouta le sien, qui était d’être une Démocratie… Philippe II fut ruiné, du reste, avant d’avoir acheté la France, et les victoires d’Henri IV firent le reste. […] … Nous le sommes déjà, — et par leurs propres mains !

1339. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Eh bien, le livre où vous croyez trouver ces choses, il est là, dans vos mains, et vous n’y voyez rien de plus qu’une femme qui pleure en se regardant pleurer, comme dans toutes les romances ! […] Et les lettres qu’on lui attribue sont-elles bien écrites de sa main ?

1340. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Mais il n’est pas de force qui ne puisse s’énerver, et Dalila, de sa main flatteuse, rasa Samson, comme l’eût fait le plus malin et le plus habile Figaro. […] elle en a peut-être d’autant plus qu’elle tranche davantage sur notre plaisanterie française, et qu’en France on aime l’accent, le ton, l’air étranger… Acéré d’ailleurs, et acéré avant tout, aiguisé sur les quatre côtés de sa lame, dès les premiers mots qu’écrivit le talent vibrant de Rochefort, quand il débuta dans la Chronique, on reconnut le petit sifflement de l’acier ou de la cravache dans la main qui les prend et qui sait s’en servir.

1341. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Le livre oublié d’Avellaneda remis en lumière par un homme qui porte à la main un flambeau, la grande affaire pour la Critique est dans l’appréciation du livre qu’il éclaire, quel que soit cet Avellaneda qui l’a signé ; car avant de discuter le livre, on en a discuté l’auteur. […] si les types créés par le génie pouvaient s’animer et se mouvoir sous la main du premier venu qui les aurait dérobés, comme un sac de marionnettes ?

1342. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Il faut plus que cela quand on prend en main sa cause. […] Jamais plus infortunée théorie ne tendit, par-dessous un livre, une main plus faible aux sociétés secrètes et aux révolutions.

1343. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Mais surtout que ce soit la main innocente d’un admirateur et d’un ami qui pousse un pareil miroir à poste fixe sous les yeux, voilà qui est d’une moralité spirituelle et que j’aime ! […] Mais, pour cela, il fallait surveiller cette eau suave, venue à travers les terrains vierges qui l’ont parfumée, prise dans une main de jeune pasteur, pour l’élever comme une coupe de reconnaissance vers le ciel bleu, et non pas la jeter, comme la poussière des Gracques, à la face usée des tyrans !

1344. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble. […] On y voit la Cassandre, les mains liées, et arrachée du temple de Minerve, et le cruel Pyrrhus traînant par les cheveux la vieillesse tremblante de Priam et l’égorgeant au pied des autels. — Pourquoi a-t-on si bien caché cette esquisse ?

1345. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Dans les églogues, déjà l’assassin est un dieu ; dans les Géorgiques, les astres se rangent humblement pour lui faire place, et lui demandent quelle est celle qu’il voudra bien occuper parmi eux ; et l’Énéide, comme on sait, n’est, d’un bout à l’autre, qu’un monument que la servitude éleva, par la main du génie, à la famille des Césars ; Virgile avait l’âme plus tendre qu’élevée, et plus douce que forte. […] Tandis qu’il gouverne le monde, et qu’il prouve combien, pour maintenir l’empire, les bienfaits sont plus puissants que les armes, tandis que le sort de l’univers est en ses mains, vous ne pouvez vous apercevoir que vous avez fait une perte.

1346. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Ensuite on représente Rome désespérée d’avoir perdu un si grand prince ; Rome suppliante et à genoux, lui tendant les mains, lui adressant un discours pathétique et touchant, pour le conjurer de vouloir bien encore régner sur elle. On le loue de sa piété céleste, et de ce qu’il a bien voulu se rendre aux instances de la patrie ; « Empereur éternel, tu n’as pu résister aux larmes de cette mère auguste. » Après cela on le compare au soleil, qui, en remontant sur son char, et de ses propres mains le guidant dans les cieux, a réparé les désordres du monde, embrasé par l’ignorance de Phaëton.

1347. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Est-ce une maison solide que je vais définitivement établir sur les ruines du vieux palais détruit par la main du Chevalier, sur les ruines de cet élégant pavillon qu’il a élevé ensuite comme une tente provisoire, en attendant une construction plus sérieuse ? […] Leurs pieds sont scellés l’un contre l’autre ; leurs bras descendent à angle droit sur leur corps où ils adhèrent ; leurs mains se touchent, posées sur leurs genoux serrés. […] Un jour, le duc de La Feuillade rencontrant Molière dans les galeries de Versailles, courut à lui comme pour l’embrasser, et lui prenant la tête entre ses mains, il lui frotta le visage contre les boutons de son habit, tellement qu’il le mit tout en sang. […] Le séducteur indifférent de done Elvire, de Charlotte et de Mathurine, le grand seigneur à la main si légère et si gracieuse quand il soufflette Pierrot, cet impertinent qui ose trouver mauvais que l’on caresse son accordée, est le frère aîné du comte Almaviva ; il représente tout un ordre de choses qui fut conduit aux abîmes par la main du Commandeur440. […] C’est un dangereux personnage ; il y en a qui ne vont point sans leurs mains ; mais l’on peut dire de lui qu’il ne va pas sans ses yeux, ni sans ses oreilles. » Ce contemplateur était triste.

1348. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Dès l’instant où il meurt, […] des parents maladroits, idiots ou malveillants mettent la main sur sa dépouille, le prennent au collet, lui passent les menottes, emprisonnent sa pensée ». […] Est-ce l’écrivain qui est responsable si son correspondant meurt et si ses lettres passent alors de mains en mains ? […] Mais des parents maladroits, idiots ou malveillants mettent la main sur sa dépouille, la prennent au collet, lui passent les menottes, emprisonnent sa pensée. […] Emerson a représente celle-ci par quelques géants41 qui, de siècle en siècle, se tendent la main au-dessus du troupeau des hommes. […] Que le destinataire d’une lettre strictement privée n’obéisse pas au contrat, que votre missive aille chez un marchand, vous pourrez la revendiquer, comme s’il s’agissait d’un objet quelconque illégalement sorti de vos mains.

1349. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

La fraîcheur du dehors vous caresse la tête et les mains. […] Et nous sommes contents de penser qu’il a un document sous la main. […] Sur la main de Rosette, une larme tombe, une larme de Perdican. […] Et de belles épaules, des mains parfaites. […] Il lance à la madone sa béquille et brise la main droite, qui tombe.

1350. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Quand l’enfant, vers six ou sept ans, sort des mains de la femme, l’homme est fait. […] Euclide allait lui tomber sous la main. […] Ce sont leurs mains pieuses et pures qui ont pétri le cœur de toutes les grandes amoureuses. […] Elle n’y a la main qu’à demi. […] Il faut être heureux, et c’est l’obéissance qui conduit par la main les hommes vers le bonheur.

1351. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

De ces terrasses de Coppet, au bord du lac de Genève, sa plus fixe méditation était de comparer l’éclatant soleil et la paix de la nature avec les horreurs partout déchaînées de la main des hommes. […] A Acosta, comme à Coppet, elle disait ainsi ; elle tendait plus que jamais les mains vers cette rive si prochaine63. […] Elle avait ajouté au bas, de sa propre main, d’une grosse écriture inégale et défaillante : Bien des compliments de ma part à René. […] Celui qui dans ta main sentit presser la sienne Pourrait-il du Destin désespérer jamais ? […] Ici une main dispensatrice rendait la scène facile et ouvrait une part large au drame et au roman, par une sage économie de moyens.

1352. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Ne donne-t-il pas une impression de déjà vu, de prévu, de gaufrier prêt pour les mains des parodistes ? […] (Alors) les deux mains pleines, elle me considéra et me dit : Comme tu es faible, papa !  […] Les sourciers, à toute minute égarés, retenant des deux mains leur baguette, arrivaient à des étangs inconnus, à des lacs. […] La mort les arrête comme un contour, elle ne les détruit pas comme une main qui touche une forme de sable. […] On pourrait appliquer à cette durée la phrase célèbre de Strabon sur la disposition de la Gaule par une main artiste.

1353. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il n’est pas impossible que le « bréviaire des rois » soit parti sinon de la main, du moins de l’esprit d’un roi de France. […] Ne s’avisa-t-il point, dans les rues de Paris, de faire échapper un prisonnier des mains des archers qui remmenaient ? […] Il fut curieux de bons textes et soucieux de s’entretenir la main. […] Calvin y tint la main jusqu’à sa mort avec une inflexible constance. […] La Cène se reçoit-elle seulement de l’âme, et non pas aussi des mains et de la bouche ?

1354. (1881) Le roman expérimental

Gustave Flaubert, la formule naturaliste passe aux mains d’un artiste parfait. […] Il n’a pas eu la main assez hardie ni assez vigoureuse pour se débarrasser des conventions qui encombrent la scène. […] Tout s’anime sous leurs mains ouvertes, tout prend une couleur, une odeur, un son. […] Ouvrez-les et vous les sentirez qui palpitent dans vos mains. […] Ils ne se trouvent pas entre les mains des écoliers, cela les condamne.

1355. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

» L’Ombre de Fénelon prit donc de bonne heure par la main M. […] » Un hasard heureux a mis entre nos mains une petite relation d’un pèlerinage au Mont-Cindre près Lyon, relation écrite par une jeune Languedocienne de seize ans. […] Ballanche ne put croire que le droit fût exclusivement d’un côté, et au lieu de prendre parti avec MM. de Bonald et de Maistre pour l’antique tutelle, ou avec Condorcet et Saint-Simon pour l’émancipation purement humaine, il s’avança, un rameau de paix à la main, pour expliquer comment chacun avait tort et avait raison, pour accorder aux uns la vérité dans le passé, aux autres le règne dans l’avenir. […] Je l’avais rencontré quelquefois chez Mme de Souza, et il se prévalait de cette circonstance pour obtenir de moi haut la main l’insertion de la lettre dans la Revue. […] Jules Bastide et Raspail, une lettre écrite tout entière de la main de M.

1356. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Cicéron, dont nous venons de vous entretenir, avait vu naître Horace ; Horace avait vu naître et avait entendu chanter Virgile ; Virgile, Horace, Cicéron ne forment qu’un seul groupe qui semble se tenir par la main. […] « Voilà déjà la seconde génération, s’écrie le poète, que dévorent nos guerres civiles ; Rome périt par les mains mêmes de ses enfants… Un seul salut reste aux hommes de cœur, pareils aux Phocéens abandonnant leur cité après l’avoir maudite. […] Auguste gouvernait si doucement qu’on ne sentait pas sa main ou qu’on ne la sentait que par ses bienfaits. […] Quand un peuple abdique par lâcheté ou par éblouissement entre les mains des soldats, il n’a plus le droit de se plaindre de la servitude ; celle de César était brillante, celle d’Auguste était douce, celle de Tibère pouvait être sinistre ; c’est la condition de l’hérédité du pouvoir absolu. […] Voltaire, à quatre-vingt-trois ans, adressa à l’ombre d’Horace une de ses plus juvéniles épîtres ; il ne manqua à ces vers que l’accompagnement du murmure des Cascatelles de Tivoli, qui mouillaient de leur écume les tablettes du poète latin quand il écrivait d’une main si légère ses propres épîtres badines à Mécène.

1357. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Or, ce royal cardinal, fils de Jacques III, roi d’Angleterre, rouvrait justement alors son séminaire et son collège, qu’il venait de retirer des mains de la Société de Jésus. […] Il le remit loyalement entre les mains du donateur. […] Cette nouvelle prit à peine consistance que l’on parla de faire le soir même la cérémonie du baisement des mains. […] Le soir venu, le doyen et les cardinaux, réunis autour de lui, vinrent en corps baiser la main de Chiaramonti. […] « Durant cette nuit, on tenta, dit-on, de faire avorter l’élection si solennellement assurée par le baisement des mains.

1358. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Le français était devenu, sous la main virile des écrivains de son siècle, la langue des chaires sacrées, des affaires d’État et des livres ; elle devait en faire la langue par excellence de la conversation et de la familiarité. […] Tant de nuances concourent à former cette atmosphère qu’il est impossible à l’homme qui la sent de la décomposer ; il aime ou il n’aime pas, voilà toute son analyse ; le jugement n’est qu’une impression aussi rapide qu’un instinct, et aussi infaillible en nous que l’impression que nous ressentons en plongeant la main dans une eau brûlante, tiède ou froide. […] Vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître. […] L’instrument survit à l’artiste souverain qui l’a touché, et, quand il naît un autre artiste, il trouve l’instrument tout monté sous sa main. […] dans un temple plein d’avance de la majesté des pensées qu’on va traiter devant lui ; s’abandonner à l’inspiration, tantôt polémique, tantôt lyrique, souvent même extatique, de ses plus sublimes pensées ; parler sans contrôle et sans contradiction des choses les plus augustes, les plus intellectuelles, les plus saintes, devant des foules recueillies qui ne voient plus l’homme dans l’orateur, mais la parole incarnée ; entraîner à son gré ces auditeurs du ciel à la terre, de la terre au ciel ; être soi-même, dans cette tribune élevée au-dessus de ces milliers de têtes inclinées, l’intermédiaire transfiguré entre le fini et l’infini ; formuler des dogmes, sonder des mystères, promulguer des lois aux consciences, tourner et retourner tout le cœur humain dans ses mains, pour lui imprimer les terreurs, les espérances, les angoisses, les ravissements d’un monde surnaturel ; descendre de là tout rayonnant des foudres ou des miséricordes divines avec lesquelles on vient d’exciter les frissons ou de faire couler les larmes de tout ce peuple : n’y a-t-il pas là de quoi transporter un orateur sacré au-dessus de ses facultés naturelles, et de lui donner ce mens divinior, cette divinité de la poésie et de l’éloquence, dernier échelon du génie humain ?

1359. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

D’Alembert lui demanda combien il y avait de secondes dans une année ; tandis que l’enfant rêvait à la question, D’Alembert la résolvait la plume à la main. […] Il y a la Grammaire de l’abbé Girard56, parsemée alternativement de pages d’un précieux qui fait rire et de pages d’une fermeté de style et de raison qui surprend ; on croirait que l’ouvrage est de deux mains. […] Eschyle est épique et gigantesque lorsqu’il fait retentir le rocher sur lequel les Cyclopes attachent Prométhée et que les coups de leurs marteaux en font sortir les nymphes effrayées ; il est sublime lorsqu’il exorcise Oreste, qu’il réveille les Euménides qu’il avait endormies, qu’il les fait errer sur la scène et crier : Je sens la vapeur du sang, je sens la trace du parricide, je la sens, je la sens… et qu’il les rassemble autour du malheureux prince qui tient dans ses mains les pieds de la statue d’Apollon. […] Presque tous ces écrivains sont peut-être sans conséquence entre les mains d’un homme fait ; mais je demande si l’on parle de bonne foi lorsqu’on assure que la langue de ces auteurs, difficiles pour le style, profonds pour les choses et souvent dangereux pour les mœurs, peut être la première étude de la jeunesse ; si l’on souffrira sous des yeux innocents et purs les leçons de Plaute, dont je n’ai point parlé ; celles de Térence que je me rappelle en ce moment, Térence, dont l’élégance et la vérité sont au-dessus de tout éloge, mais dont les peintures n’en sont que plus séduisantes ; les leçons d’athéisme de Lucrèce : j’aimerais encore mieux qu’on exposât les élèves à se corrompre le goût dans le dur, sec et boursouflé Sénèque le tragique, à qui je devais cette petite égratignure pour l’ennui qu’il m’a causé, et à qui j’en demande pardon pour quelques belles scènes qu’il a inspirées à notre Racine. […] Voyez là-dessus les dernières pages de cet ouvrage, où j’expose les raisons d’une opinion qui peut être contredite. — (Note du manuscrit do la main de Diderot.)

1360. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

« Ô Père, sois-moi propice ; donne-moi d’observer toujours ce grand culte ; écarte loin de moi les fautes, le en épurant ma conscience de toute mauvaise pensée, afin que je rende gloire à Dieu, levant vers lui des mains innocentes, que je bénisse le Christ, et qu’agenouillé, je le supplie de me recevoir pour serviteur, quand il viendra comme roi. […] pour toi je pars, parce que ta main me protège. […] Et cependant ce génie contemplatif, qui ne trouvait toute sa grandeur que dans le repos, sous la main de Dieu, dans la tristesse solitaire, avait été bien des années en butte au choc des passions humaines, entre les grands et le peuple, admiré, applaudi, calomnié, battu de toutes les agitations des conciles, ce forum du monde chrétien. […] Car l’insidieuse matière en renferme deux : l’homme qui, étendant la main sur la table, a touché la potion douce, regrettera le breuvage amer, sous les poids contraires dont il est lui-même entraîné. […] « Conserve aussi ma sœur et le couple de ces jeunes enfants, et cache toute cette maison paisible sous l’abri tutélaire de ta main !

1361. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Soumet, Alfred, Victor, Parseval, vous enfin Qui dans ces jours heureux vous teniez par la main, Rappelez-vous comment au fauteuil de mon père Vous veniez le matin, sur les pas de mon frère, Du feu de poésie échauffer ses vieux ans, Et sous les fleurs de mai cacher ses cheveux blancs. […] On a trop présent le grave et sublime caractère du capitaine Renaud et tout ce qu’il y a, sous cette mâle infortune, de philosophie humaine, d’abnégation stoïque attendrissante, de sagesse contristée et néanmoins incorruptible, pour que je fasse autre chose que d’y renvoyer Chez M. de Vigny, les grands sentiments de la pitié de l’amour, de l’honneur, de l’indépendance, se trouvent comme une liqueur généreuse enfermée dans des vases et des aiguières élégamment ciselées, avec des tubes, avec des longueurs de cou qui serpentent et qui ne la laissent arriver que goutte à goutte à notre lèvre : une source courante, à laquelle on puiserait dans le ci eux de la main, aurait son avantage ; mais la liqueur aussi a gagné en éclat et en saveur à ces retards ménagés, à ces filtrations successives. […] Lorsque j’eus à mon tour un article à écrire, je me gardai bien d’aller consulter De Vigny ni de l’interroger sur ses antécédents : j’eusse été obligé, sous peine de le froisser directement, de suivre sa version et de prêter les mains à une genèse poétique par trop complaisante. […] Il me restait encore un de ces livres, je ne pouvais le mieux placer que dans vos mains ; j’aurais voulu y joindre Éloa, mais elle n’existe plus, même chez moi. […] Et, en effet, dussé-je me montrer encore une fois sacrilége et au risque de profaner le fruit d’or en voulant y chercher l’amande, je dirai que, si la pensée de M. de Vigny est souvent élevée et grande, son développement est presque toujours précieux, à tel point que plusieurs des pièces esquissées dans ses albums sont certainement plus belles à l’état de projet qu’elles ne l’eussent été après exécution ; elles laissent d’elles une plus grande idée. — Je reviens à la lettre interrompue : je saute des lignes, des phrases élogieuses, et le donne ce qui revient à mon propos, lequel est encore une fois de montrer qu’en me permettant d’essayer de juger M. de Vigny et sa manière, je n’étais point tout à fait sans le connaître (autant du moins qu’il pouvait être connu) et sans avoir été initié et introduit de longue main par lui-même au sanctuaire de sa pensée, si riche en dédales et en mystères.

1362. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

la vie répandue à pleine main et renaissant d’elle-même comme un élément insensé, animé à la fois de l’existence et répandant en lui et autour de lui la folle ivresse de la vie ! C’est le délire de l’existence, la cascade des créations bouillonnant des mains de l’éternel créateur ! […] Une galerie étroite vous permet d’en contempler la profondeur, en appuyant vos mains crispées sur le parapet et la galerie. […] Dieu, en appliquant sa pensée ou sa volonté à la matière ou au néant sorti de ses mains, lui a imprimé ses qualités ou ses lois : étendue, poids, grandeur relative, et sa forme, et ses limites, et sa gravitation, et sa vie, et sa mort, et sa transformation quand sa vie est accomplie. […] Tout serait clair comme le jour, palpable comme la pierre, compréhensible comme la main qui contient ce que l’œil juge.

1363. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Roland essayant de briser son épée, battant sa coulpe, tendant son gant à Dieu son Seigneur, et rendant enfin son âme aux mains de saint Gabriel : toute cette partie est d’un pathétique naturel, élevé, sobre, vraiment puissant. […] Je n’en veux pour preuve que le morceau, si souvent cité et avec raison, de la mort de Raoul : cet Ernaut de Douai qui fuit devant Raoul, la main coupée, demandant grâce à son impitoyable ennemi, secours à tous les amis qu’il rencontre, reprenant haleine, chaque fois qu’un baron de son parti arrête Raoul, piquant son cheval avec désespoir, dès qu il voit son défenseur abattu, cette poursuite sans cesse interrompue et reprise, acharnée, haletante, puis Bernier enfin s’interposant, le combat de Bernier contre Raoul, et la mort de Raoul, combat et mort décomposés en chacun de leurs moments avec une vigoureuse précision, la tristesse du vainqueur, et la rage féroce d’Ernaut qui, se voyant sauvé, se venge de ses terreurs récentes sur son ennemi abattu, voilà, à coup sûr, une scène neuve, rare, émouvante. […] Il fait tomber les murs des villes, et les passions dans les cœurs : il arrête le soleil dans le ciel, l’épée dans la main du guerrier. […] Dès que l’auteur est à bout d’art ou de psychologie, la main de Dieu paraît. […] On vit alors, pour cette clientèle nouvelle, les barons accablés, protégés, éclipsés surtout par de petits nobles de campagne, par de bons bourgeois, par des vilains même : ridicules d’aspect par tradition, membrus, velus, trapus, larges d’épaules, courts de jambes, ayant sourcils broussailleux et mains énormes, les paysans sont vaillants, généreux, sublimes, et leur vertu caresse l’orgueil des foules que leur extérieur a gagnées.

1364. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

« Autre chose : j’ai eu entre les mains une lettre non signée et sans date, émanant évidemment de Marceline ; le style et l’écriture ne laissaient aucun doute. […] Je note quelques-unes de leurs apparitions, à mesure que je les rencontre dans la correspondance de Marceline. « On frappe… C’est Dumas lui-même, avec Charpentier ; Dumas, grand comme Achille, bon comme le pain, et qui se baisse en deux pour arriver à me baiser la main… Il est parfait, il a couru de suite à la maison du roi de toutes ses immenses jambes, mais il est rentré désolé. […] Un beau jour, il confia à l’excellente Mme Lagut son amour naissant pour Ondine et le projet qu’il avait formé de demander sa main. […] (Mais, pour l’affirmer, il faudrait consulter les dates ; et je n’ai point sous la main les poésies de Sainte-Beuve.) […] Buvons l’heure qui coule ; Ne perdons pas de temps à nous laver les mains : Hâtons-nous d’admirer le pigeon qui roucoule, Car nous le mangerons demain.

1365. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

la main sur la conscience, cet engagement-là, je n’y ai jamais manqué. je n’ai jamais eu d’autre intérêt que celui de la vérité et j’y ai fait des sacrifices. […] À un certain âge, il se réveille ; il veut agir… Impossible… ses bras et ses mains sont pris dans d’inextricables réseaux ; c’est Dieu même qui le serre, et la cruelle opinion est là, faisant un irrévocable arrêt des velléités de son enfance, et elle rira de lui s’il veut quitter le jouet qui amusa ses premières années. […] j’ai toujours pensé, me dit-il, qu’on vous faisait faire de trop fortes études. » L’habitude que j’avais prise de réciter mes psaumes en hébreu, dans un petit livre écrit de ma main que je m’étais fait pour cela, et qui était comme mon bréviaire, les surprenait beaucoup. […] Ce livre néanmoins lui déplut ; elle me l’arracha des mains ; elle sentait que, si ce n’était lui, c’étaient ses pareils, qui étaient les ennemis de sa plus chère pensée. […] J’ai là sous mes yeux un petit billet de sa main : « Avez-vous besoin de quelque argent ?

1366. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il n’importe ; votre vertu n’est point farouche, et jamais personne n’a mieux accordé Dieu et le monde que vous ne faites. » Le 26 juillet 1671, madame de Sévigné écrit à sa fille : « Hier, comme j’étais toute seule dans ma chambre avec un livre précieusement à la main… » Le 21 octobre suivant, elle écrit à sa fille : « L’honnêteté et la préciosité de mon long veuvage… » La langue, le bon sens et madame de Sévigné s’accordent très bien à consentir que précieuse soit entendu par la bonne compagnie comme signifiant qui a du prix, du mérite, de la valeur, et par opposition aux femmes communes, sans valeur et sans mérite, de toutes les conditions. […] C’est en effet une aristocratie que la société où le pouvoir passe d’une main à l’autre, comme la beauté passe d’un visage vieilli à un plus jeune, et comme l’éclat du bel esprit d’hier passe au bel esprit du jour. […] D’autres en ont de riches qui ne leur coûtent rien ; et d’autres en ont de propres et galants, qui sont à deux mains, font des vers, des chansons, quelquefois des cadeaux, donnent la comédie, l’assemblée et les marionnettes. […] J’aurais voulu voir eu action, entre leurs mains, l’aiguille, la navette, le fuseau, la fusée, le dévidoir ; j’aurais désiré de voir ces femmes broder, faire de la tapisserie, des nœuds, des pelotons, en même temps qu’elles écoutaient une lecture, ou entendaient discourir sur quelque sujet moral ou littéraire. […] Voici ce quatrain : En voyant les œillets qu’un illustre guerrier Arrosa d’une main qui gagna des batailles, Souviens-toi qu’Apollon bâtissait des murailles, Et ne t’étonne pas que Mars soit jardinier.

1367. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Toi qu’on a jamais vu les armes à la main, et moi qui suis un militaire ! Si je me battais avec toi, je serais un assassin   Il paraît que c’est nécessaire, répétait obstinément La Fontaine. » Il met l’épée à la main, Poignant le désarme. […] Les Contes furent accueillis avec un véritable enthousiasme ; ils eurent des éloges — il ne faut pas le dissimule — des plus grandes et des plus honnêtes dames du temps, comme Mme de Sévigné, Mme de La Fayette, et il y eut — ce qui surprend davantage — il y eut un grand éloge écrit tout entier de la digne main et de la grave main de Chapelain. […] Ce n’était certainement pas le cas pour les fables de La Fontaine, mais on voit qu’il a eu tout à fait l’idée que ses fables n’étaient peut-être pas des chefs-d’œuvre  il était comme cela, personne n’a été plus modeste  ensuite que c’était un livre d’éducation, un livre à mettre entre les mains des enfants et, par conséquent, qui comportait, qui appelait même les images.

1368. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Sa distance me fait juger de sa grandeur ; Sur l’angle et les côtés ma main la détermine ; L’ignorant le croit plat ; j’épaissis sa rondeur. […] Je ne crois point que la Nature Se soit lié les mains, et nous les lie encor Jusqu’au point de marquer dans les cieux notre sort : Il dépend d’une conjoncture De lieux, de personnes, de temps, Non des conjonctions de tous ces charlatans. […] Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ? […] De plus (et c’est un point très curieux), de plus Boileau faisait hommage  non plus dans la dissertation sur Joconde, dans une lettre  Boileau faisait, dans une lettre, hommage à La Fontaine de ce que La Fontaine avait employé des vers irréguliers avec une singulière maîtrise et une singulière dextérité, une main extraordinaire. […] C’est un malheur, pour La Fontaine, de tomber entre les mains d’un homme d’esprit.

1369. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Depuis les victoires de Bonaparte en Italie, il était évident, en effet, que les généraux et leurs troupes, au lieu de dépendre du gouvernement central qui les soldait, devenaient au contraire, par les contributions levées en pays conquis, les trésoriers de la nation et les percepteurs à main armée du gouvernement. Le sens de l’article était donc : Prenez garde aux généraux qui maintenant alimentent le Trésor public ; et vous, qui êtes le gouvernement, avisez à régulariser et à faire arriver à vous la nouvelle source de richesses qui est entre leurs mains. […] Si Bonaparte, comme je vous le disais hier, m’avait donné un beau livre de six francs, par exemple les campagnes de Bonaparte en Italie, avec ces mots de sa main : Donné par Bonaparte à Roederer, en témoignage d’estime ou d’amitié, il m’aurait fait un plaisir très sensible. — Mais d’où peut provenir celle idée de présent, et de présent précieux ? […] [1re éd.] exercée plume en main

1370. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

La première condition est de savoir en perfection la langue dont on va apprécier les écrits, distinguer les emplois et les styles, peser les locutions et les mots ; c’est bien le moins quand on prétend s’ériger en censeur ; et pour cela il n’est que de commencer par lire, la plume à la main, et, s’il se peut, en observant l’ordre chronologique, tous les auteurs d’une langue : c’est là le premier point. […] Coray, atteint et un peu piqué, le lui rendit et le traita presque comme un imberbe, en lui citant un vers d’Aristophane : « Il faut commencer par être rameur avant de mettre la main au gouvernail. » Boissonade n’eut guère jamais, depuis, de ces pointes de polémique : il eût trop craint les représailles. « Rien n’est si bon que la paix », écrivait-il un jour à un helléniste mieux armé que lui et qui sait vivre, quand il le faut, sur le pied de guerre13. […] Parmi les auteurs grecs dont il fit choix de bonne heure pour s’en occuper, il en est un qui est bien moins méprisable que les autres : c’est Aristénète, auteur peu connu, dont le nom même n’est pas certain, mais dont on a des Lettres galantes qui ne ressemblent pas mal à ce que pourrait être un tel recueil de la main de Dorât ou plutôt de Crébillon fils : il en est vraiment de charmantes dans le nombre, et toutes sont curieuses sur l’article des mœurs dans l’Antiquité. […] Fontainius in Conspicillis,La Fontaine dans le conte des Limettes ; Rulhierus in Ludis,    Rulhière dans le poème des Jeux de main ; Voltairius in Asoto, etc, Voltaire dans l’Enfant prodigue, etc.

1371. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

, il entr’ouvrit ses volets fermés, il ouvrit ses poudreux tiroirs, et deux volumes, l’un de 950 pages environ, l’autre de 500, écrits tout entiers de la main du Père Guerrier, déroulèrent en lignes serrées à l’avide lecteur une foule de lettres d’Arnauld, de Saci, de Nicole, de Domat, etc., etc., surtout de Pascal et de sa famille. […] Faugère trouvait un portrait précieux, celui de Pascal, jeune et beau, dessiné au crayon rouge par la main fraternelle de Domat. […] Je l’aime ainsi : je l’aime tombant à genoux, se cachant les yeux à deux mains et criant : Je crois, presque au même moment où il lâche d’autres paroles qui feraient craindre le contraire. […] Il y a ici un oubli de la main de M asquier.

1372. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Bayle, obligé de sortir de France comme calviniste relaps, réfugié à Rotterdam, où ses écrits de tolérance aliénèrent bientôt de lui le violent Jurieu, persécuté alors et tracassé par les théologiens de sa communion, Bayle mort la plume à la main en les réfutant, a rempli un grand rôle philosophique dont le xviiie  siècle interpréta le sens en le forçant un peu, et que M.  […] A dix-neuf ans, il fit une maladie causée par ses lectures excessives ; il lisait tout ce qui lui tombait sous la main, mais relisait Plutarque et Montaigne de préférence. […] Je fais cas de l’une et l’autre main : Tous deux ont un bon style et le langage sain. […] Aussi on m’avouera qu’un homme qui a presque toujours la plume et les livres à la main ne sauroit trouver assez de temps pour toutes ces choses.

1373. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Quand j’ai lu la série des romanciers anglais, Defoe, Richardson, Fielding, Smollett, Sterne et Goldsmith, jusqu’à Miss Burney et Miss Austen, je connais l’Angleterre du dix-huitième siècle ; j’ai vu des clergymen, des gentilshommes de campagne, des fermiers, des aubergistes, des marins, des gens de toute condition, haute et basse ; je sais le détail des fortunes et des carrières, ce qu’on gagne, ce qu’on dépense, comment l’on voyage, ce qu’on mange et ce qu’on boit ; j’ai en mains une file de biographies circonstanciées et précises, un tableau complet, à mille scènes, de la société tout entière, le plus ample amas de renseignements pour me guider quand je voudrai faire l’histoire de ce monde évanoui. […] Dans cet énorme monde moral et social, dans cet arbre humain aux racines et aux branches innombrables, ils détachent l’écorce visible, une superficie ; ils ne peuvent pénétrer ni saisir au-delà ; leurs mains ne sauraient contenir davantage. […] J’essaye de donner ici en abrégé les résultats de la comparaison ; si on la fait, la plume à la main, sur cent pages de deux textes, on sera étonné de la différence. […] Voltaire, Essai sur le poème épique [‘légère’]. « Notre nation, regardée comme si légère par les étrangers, est de toutes les nations la plus sage, la plume à la main.

1374. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

L’année 1660, où Louis XIV prend en main le gouvernement, marque aussi le point de partage de l’histoire littéraire du siècle. […] Il s’assure sous main des intentions du roi : alors, sans marchander, sans stipuler, sans se défier, il écrit au roi une lettre où il abandonne tout ; il se démet de l’archevêché de Paris. […] Par eux, et par les Vendôme et la cour du Temple, avant eux, par la Palatine et par Condé en sa jeunesse, par des courtisans tels que Montrésor et Saint-Ybal au temps de la Fronde, ou tels que ce Matha et ce Fontrailles qui chargeaient un crucifix l’épée à la main, en criant : « L’ennemi !  […] Encore soyez sûr qu’elle l’a bien en main, qu’elle la surveille, et ne la laisse pas s’emporter au hasard.

1375. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Utilisant ses relations avec les frères Paris, qui l’intéressèrent dans certaines entreprises, appliqué et entendu aux affaires d’argent, guettant les bons placements, il commença dès ce temps à se faire la plus grosse fortune qu’on eût encore vue aux mains d’un homme de lettres. […] Quand, en 1743, Voltaire vint à Berlin chargé d’une mission officieuse de la cour de France qui voulait faire reprendre les armes à son infidèle allié, il fut outrageusement berné comme envoyé de Louis XV, délicieusement cajolé comme poète et philosophe, et ami personnel de Frédéric : par une de ces petites perfidies qui ne lui ont jamais coûté, le roi prodiguait caresses, offres, promesses pour décider Voltaire à rester, et sous main tâchait de le brouiller avec le ministère français pour lui rendre le retour impossible. […] Il traversa l’Allemagne, on sait avec quelles aventures héroï-comiques : arrêté à Francfort, il eut de la peine à se tirer des mains d’un agent prussien qui réclamait un volume de poésies du roi son maître. […] Il eut entre les mains les mémoires encore manuscrits de Torcy et de Villars, ceux de Dangeau et de Saint-Simon : le maréchal de Noailles lui communiqua les mémoires de Louis XIV.

1376. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

L’humanité va ainsi, d’une main serrant dans les plis de sa robe les conquêtes du passé, de l’autre tenant l’épée pour des conquêtes nouvelles. […] Quand l’humanité se conduisait instinctivement, on pouvait se fier au génie divin qui la dirige ; mais on frémit en pensant aux redoutables alternatives qu’elle porte dans ses mains, depuis qu’elle est arrivée à l’âge de la conscience, et aux incalculables conséquences que pourrait avoir désormais une bévue, un caprice. […] Faudra-t-il donc que je cultive mes terres de mes propres mains ? […] Je suppose, par exemple, que la chimie découvrît à l’heure qu’il est un moyen pour rendre l’acquisition de l’aliment si facile qu’il suffit presque d’étendre la main pour l’avoir ; il est certain que les trois quarts du genre humain se réfugieraient dans la paresse, c’est-à-dire dans la barbarie.

1377. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

L’Église aura des indulgences pour les égarements du cœur, et puis il est si commode à la fatuité aristocratique de croire que la masse du genre humain est absurde et méchante et d’avoir sous la main une lourde autorité pour couper court aux raisonnements de ces impertinents philosophes, qui osent croire à la vérité et à la beauté. […] Il m’est tombé par hasard sous la main une brochure contre l’éclectisme, où Descartes est présenté comme un imbécile qui, pour tout problème philosophique, s’est demandé « si la raison n’est pas une chose qui déraisonne », Kant comme un sot qui ne sait pas s’il existe, ni si le monde existe, Fichte comme un impertinent qui prétend « que lui, Fichte, est à la fois Dieu, la nature et l’humanité », tous les philosophes, enfin, comme des fous pires que les magiciens, les alchimistes et les astrologues. […] Soit, par exemple, le XVIIIe siècle ; qui a tenu la haute main de l’humanité durant ce grand siècle ? […] Les affaires étaient entre les mains d’un roi incapable, de courtisans oubliés, de grands seigneurs sans vues ni portée.

1378. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Dans un autre poème (Garin le Loherain), la femme du roi Pépin voulant se mêler de lui donner un conseil politique, le roi lui assène un coup en plein visage, et, comme sa main est gantée de fer, la pauvre reine s’en va, toute saignante, méditer ce rappel au silence et à la modestie. […] Ils conduisaient ma main : ils enflaient mon courage ; Cette pleine victoire est leur dernier ouvrage. […] Au seizième siècle, Agrippa d’Aubigné ayant mécontenté son père par sa paresse, celui-ci le fit habiller comme un enfant d’artisan, lui mit des outils à la main et l’envoya en apprentissage. […] Damis, lui, comprend que la passion amoureuse convient mieux à la jeunesse qu’à la vieillesse, et non seulement il se retire de bonne grâce, mais il demande lui-même pour son fils la main de la jeune fille.

1379. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Au moment où il devint premier président, il était très occupé de l’Histoire naturelle de Buffon, dont les trois premiers volumes venaient de paraître (1749), et il s’attachait à y relever, plume en main, les légèretés et les inexactitudes, principalement en ce qui concernait la botanique, que Malesherbes savait si bien, et que Buffon savait peu. […] « Monsieur, lui écrivait Helvétius, je suis pénétré de vos bontés ; je compte toujours sur votre amitié : j’espère que vous ne m’aurez pas mis entre les mains d’un théologien ridicule. » Il s’agissait bien de cela, en vérité, et des belles protestations d’Helvétius qui s’écriait : « Je n’ai été animé, en composant mon livre, que du désir d’être utile à l’humanité, autant qu’un écrivain peut l’être. » L’affaire avait pris des proportions effrayantes. […] Après vous avoir répondu, monsieur, comme parent et ami de M. de Lamoignon, me permettrez-vous de vous dire mon avis comme amateur de la littérature et comme m’intéressant au succès d’un ouvrage périodique qui doit acquérir un nouveau lustre entre vos mains ? […] [NdA] Autre trait de nature : il aimait les enfants ; une personne aimable et distinguée, après avoir lu cet article dans Le Constitutionnel, me fait l’honneur de m’écrire quelques-uns des souvenirs que réveille en elle cette lecture : Je me rappelle qu’un jour ce noble vieillard tenant par la main une petite fille de cinq ans, et se promenant, avec elle dans les jardins de Malesherbes, lui proposa de jouer à la cachette, et que cette petite fille croyait que son vieil ami y prenait autant de plaisir qu’elle-même.

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