Nous avons simplement voulu montrer dans l’état d’âme démocratique un grand effort en sens inverse de la nature. […] Puisque nous avons mis en cause l’effort industriel, serrons-en de plus près la signification. […] Elle donne l’effort, et le résultat est une surprise. […] Pendant des années les peuples civilisés dépensèrent une bonne partie de leur effort extérieur à se procurer des épices. […] C’est possible ; mais pourquoi demande-t-elle aux bras plus d’effort qu’ils n’en devraient donner ?
Demain, questions d’esthétique À propos d’un livre de nouvelles théories esthétiques1, j’eus l’idée de consulter sur l’objet même de ce livre quelques-uns des écrivains que j’estime le plus foncièrement parmi ceux qui représentent les formules accomplies ; Il me semblait précieux d’avoir le sentiment des Maîtres actuels sur les tendances de la jeune littérature, sur sa valeur et sur son avenir : quoique mes conclusions personnelles fussent déjà prises, j’étais curieux de savoir comment, par les théories, les efforts de demain s’accorderaient avec les traditions d’hier et les œuvres d’aujourd’hui. […] Je vous demandais, Monsieur, à propos d’un livre ou je tâche de préciser le sens de la Littérature de tout à l’heure, votre sentiment sur la direction des efforts jeunes vers le beau, — quelle que soit sa nature. […] Nous lui devons de la reconnaissance et le louer même pour les défauts qui constituent, si je puis ainsi dire, ses qualités, — cette étroitesse sans quoi nous n’aurions pas l’unité de ses efforts, cette grossièreté au-delà de laquelle il a parfois trouvé la grandeur. […] Et à peine cette question est-elle formulée qu’on voit que le plus notable fait esthétique de cette heure consiste en l’effort manifeste d’une synthèse do tous les arts en chacun des arts. […] A cet effort synthétique pourquoi la poésie resterait-elle étrangère quand il lui fournit le seul bon moyen — peut-être — d’accomplir sa grande destinée finale : suggérer tout l’homme par tout l’art ?
Or, tous les efforts des épigraphistes ne vont pas à reconstituer la dixième partie de cet almanach, pour lequel, s’il existait, je ne me dérangerais pas. […] Il admet d’avance l’insignifiance possible du résultat de ses efforts. […] Mais, au reste, l’érudit est soutenu par cette idée qu’il travaille à une grande œuvre collective, où l’effort de chaque ouvrier peut sembler de peu de fruit, mais où l’effort de tous est nécessairement fécond. […] Ce travail est un de ceux qui nous montrent le mieux comment l’examen d’une question très particulière peut servir à l’éclaircissement de questions essentielles et très générales, et quel rapport il peut y avoir entre l’effort obscur d’un vieil archiviste acharné sur quelque manuscrit poudreux et l’œuvre glorieuse d’un Mommsen ou d’un Renan. […] On dira : — Ce n’est là qu’un effort de l’esprit critique, une sympathie artificielle et acquise.
Nous maintenons cette étiquette, Vers libre ; d’abord parce que ce fut celle qui s’imposa d’elle-même, spontanée, à nos premiers efforts ; elle dit mieux le sens de notre essai de rajeunissement que cet affreux mot, vers polymorphe, inventé par la critique hostile, et qui fait penser à quelque terme d’une nomenclature scientifique, déplacé d’ailleurs en matière d’esthétique du vers. […] Je crois que dès ce moment, et à ce moment (surtout), mes efforts porteront surtout sur la construction de la strophe, et Laforgue s’en écartait délibérément, volontairement, vers une liberté idéologique plus grande qui le devait conduire à cette phrase mobile et transparente, poétique certes, des poignantes Fleurs de bonne volonté. […] Il n’y a aucune raison pour que cette vérité s’infirme en 1888, car notre époque ne paraît nullement la période d’apogée du développement intellectuel. — Ceci dit pour établir la légitimité d’un effort vers une nouvelle forme de poésie. Comment cet effort fut-il conçu ? […] Car qui songerait, lors d’un effort suprême, à se démunir de ses ressources ?
Jean Ott, son premier volume l’Effort des Races, à tendance évolutionniste (et qui comprend un admirable et sobre drame en vers : la mort de Zoroastre), atteste une pensée philosophique, très haute, très sûre, en un tempérament poétique vigoureux. […] Car, si, dans le phénomène universel, dans le processus vital, nous constatons que tout organisme tende, par adaptation, à accomplir avec le moins de résistance possible, son acte veut-on en même temps concevoir quel long, quel patient, quel tenace et total effort, cette adaptation a demandé ? […] Nous avons vu que la nécessité de l’effort tient éternellement à la première Fatalité de « non-conscience ». […] Mais nous réduisons encore l’antinomie : et, couvert par une loi d’ordre naturel, ce n’est que lorsque l’Individu a pour lui-même acquis la sûreté de vie organique et morale, qu’il se doit à autrui et à son effort… J’arrive, en Politique, à un pouvoir intellectuel sous la loi scientifique, impersonnelle et évoluante. […] « Verhaeren brise son vers qui s’alourdissait des disciplines anciennes, et il retrempe son aspiration au matérialisme, à la croyance en l’idéal scientifique et en la nécessité de l’effort.
On n’y arrive point par effort, on y est au contraire entraîné. […] Les indifférents, les connaissances intimes mêmes, vous représentent, par leurs manières avec vous, le tableau raccourci de vos infortunes : à chaque instant, les mots, les expressions les plus simples, vous apprennent de nouveau ce que vous savez déjà, mais ce qui frappe à chaque fois comme inattendu ; si vous faites des projets, ils retombent toujours sur la peine dominante ; elle est partout, il semble qu’elle rende impraticable les résolutions mêmes qui doivent y avoir le moins de rapport ; c’est contre cette peine alors qu’on dirige ses efforts, on adopte des plans insensés pour la surmonter, et l’impossibilité de chacun d’eux, démontrée par la réflexion, est un nouveau revers au-dedans de soi. […] L’horizon recule devant soi à mesure que l’on avance ; on essaye de penser pour vaincre les sensations, et les pensées les multiplient ; enfin, l’on se persuade bientôt que ses facultés sont baissées, la dégradation de soi flétrit l’âme, sans rien ôter à l’énergie de la douleur ; il n’est point de situation dans laquelle on puisse se reposer, on veut fuir ce qu’on éprouve, et cet effort agite encore plus ; celui qui peut être mélancolique, qui peut se résigner à la peine, qui peut s’intéresser encore à lui-même, n’est pas malheureux.
Il faut alors que l’ame fasse des efforts continuels pour suivre l’objet de son attention ; et ces efforts rendus souvent infructueux par la disposition présente des organes du cerveau, n’aboutissent qu’à une contention vaine et sterile. Ou l’imagination trop allumée ne présente plus distinctement aucun objet, et une infinité d’idées sans liaison et sans rapport s’y succedent tumultueusement l’une à l’autre ; ou l’esprit las d’être tendu se relâche ; et une rêverie morne et languissante, durant laquelle il ne joüit précisement d’aucun objet, est l’unique fruit des efforts qu’il a faits pour s’occuper lui-même.
Ernest Charles est plus clairvoyant, quand il dit à propos de notre dernier volume, le Travail du style. « Ce livre ne nous enseigne pas le style ni le moyen de nous en procurer par le travail, mais il déroule les efforts héroïques des écrivains passés. » C’est cela même : Exposer les exemples de travail des grands écrivains et tirer des leçons de leurs refontes et de leurs ratures ; tel est le but. […] Voici exactement ce que j’ai dit dans le passage auquel vous faites allusion : « J’ai tâché d’écrire simplement et sèchement cet ouvrage qui n’est qu’une tentative de démonstration, réservant mon effort d’écrire pour des ouvrages d’imagination ou de critique proprement dite. » Loin d’être immodeste, je m’excusais d’avoir trop négligemment écrit ; je demandais l’indulgence, je promettais de mieux faire une autre fois, de réserver mes efforts pour d’autres œuvres.
Le besoin, l’appétit est un effort et un mouvement commencé pour traverser un intervalle. […] Le prestidigitateur divin serait déjoué, malgré l’artifice de sa lanterne magique, tant qu’Adam immobile n’aurait pas encore agi et, par l’action, par l’effort, réalisé en soi le temps, au moins une première fois. […] Mon chien, de sa niche, aperçoit devant lui l’écuelle que je lui apporte : voilà le futur ; il sort, se rapproche, et, à mesure qu’il avance, les sensations de la niche s’éloignent, disparaissent presque, parce que la niche est maintenant derrière lui et qu’il ne la voit plus ; voilà le passé. » En somme, pour Guyau, la succession est « un abstrait de l’effort moteur exercé dans l’espace ; effort qui, devenu conscient, est l’intention ». […] Quand nous parcourons de la main un objet, la série d’efforts dans l’espace laisse des résidus, qui sont des signes locaux ; pareillement, quand nous faisons attention successivement à plusieurs objets, nos efforts successifs d’attention laissent une série de résidus, qui varient à la fois en intensité et en distinction quand nous passons de l’un à l’autre129. […] La théorie de Ward est ingénieuse, et il est certain que les efforts successifs d’attention (qui d’ailleurs sont aussi en même temps des efforts musculaires) doivent laisser des traces formant série.
C’est que le présent lui échappe dans l’effort de se faire un lendemain plus beau. […] Celle-ci demande un certain effort. […] C’est si vrai qu’Antoine, fidèle à lui-même, essaie de le réouvrir en son vaste Odéon où nous voyons avec joie le succès récompenser enfin son inlassable effort, et que M. […] N’espérez pas qu’ils apprécieront vos efforts, qu’ils aimeront une œuvre saine, forte et belle. […] Selon Maurice Barrès, « le goût pour le théâtre indique une tendance au moindre effort ».
La première des difficultés, dans tous les gouvernements où les distinctions héréditaires sont établies, c’est la réunion des circonstances qui donnent de l’éclat à la vie ; les efforts que l’on fait pour sortir d’une situation obscure, pour jouer un rôle sans y être appelé, déplaisent à la plupart des hommes. […] Les plus nobles devoirs s’accomplissent en parcourant la route qui conduit à la gloire ; et le genre humain serait resté sans bienfaiteurs, si cette émulation sublime n’eût pas encouragé leurs efforts ! […] L’homme, jadis comblé de gloire, qui veut abdiquer ses souvenirs, et se vouer aux relations particulières, ne saurait y accoutumer ni lui, ni les autres ; on ne jouit point par effort des idées simples, il faut, pour être heureux par elles, un concours de circonstances qui éloigne naturellement tout autre désir. […] Enfin, quoique cette passion soit pure dans son origine et noble dans ses efforts, le crime seul dérange plus qu’elle, l’équilibre de l’âme ; elle la fait sortir violemment de l’ordre naturel, et rien ne peut jamais l’y ramener. En m’attachant avec une sorte d’austérité, à l’examen de tout ce qui doit détourner de l’amour de la gloire, j’ai eu besoin d’un grand effort de réflexion, l’enthousiasme me distrayait, tant de noms célèbres s’offraient à ma pensée ; tant d’ombres glorieuses, qui semblaient s’offenser de voir braver leur éclat, pour pénétrer jusques à la source de leur bonheur.
C’est à peine si nous en avons conscience ; nous ne faisons aucun effort. […] Quel est donc ici le terme, quelle est la direction de l’effort ? […] Mais celle-là est acquise ; elle a exigé, elle exige toujours un effort. […] L’effort est cette fois douloureux, et le résultat aléatoire. […] Cet effort devait d’ailleurs nécessairement être, chez quelques-uns au moins, un effort de création.
C’est peine perdue que nous cherchions à l’évoquer, tous les efforts de notre intelligence sont inutiles. […] Je demande à mon esprit un effort de plus, de ramener encore une fois la sensation qui s’enfuit. […] La déception de son effort objectif ne sera pas purement et simplement paralysante. […] Autrement dit son effort sur l’espace va se changer en un effort sur le temps. […] Nous pourrions suivre plus loin son effort vers la vérité, sa recherche des lois.
J’éprouve une douleur, et immédiatement je veux sa suppression, comme le montre mon effort réactif contre la douleur. […] Dire que les êtres combattent pour la vie, c’est dire qu’ils combattent pour se nourrir et se reproduire, qu’ils font effort, qu’ils désirent la nourriture et sentent du plaisir en se nourrissant. […] « Dans le consentement et dans la négation, la glotte, la respiration jouent un rôle considérable ; dans l’effort, la contraction musculaire des membres, de la poitrine, etc. » MM. […] — Mais, objecte-t-on, ces réactions n’ont point leur contre-partie mentale. — Si fait, cette contre-partie est l’affection pénible ou agréable, avec l’effort simultané pour retenir le plaisir et écarter la peine. […] James par la nôtre, nous ne parvenons pas, malgré tous nos efforts, à comprendre l’affection, le sentiment de plaisir ou de peine comme l’arrivée de tels ou tels objets devant la conscience, c’est-à-dire comme une représentation.
Nous nous donnions le métal pur, et nos efforts ne tendaient qu’à reconstituer le minerai. […] Nous le reconnaissons, je crois, à l’effort même qu’il nous amène à faire sur nous pour voir sincèrement à notre tour. […] Le bon sens est l’effort d’un esprit qui s’adapte et se réadapte sans cesse, changeant d’idée quand il change d’objet. […] Je parle des raisonnements extravagants et comiques où cette confusion se rencontre véritablement à l’état pur, encore qu’il faille un effort de réflexion pour la dégager. […] Le bon sens est cet effort même.
Celle-ci, pratiquée patiemment, a apporté une unité à sa vie, et une unité non limitée, car dans la science rien ne se perd, et, dans l’effort heureux, on a conscience de continuer, de couronner les efforts du passé, de capitaliser en même temps pour l’avenir. […] L’effort n’est pas nouveau, mais dans l’espèce il est involontairement dénué de sincérité.
Et de là, les âmes des deux amants s’unissent plus étroitement quand leurs actes s’opposent le plus ; grandis par l’effort, ils sont plus dignes d’amour, ils en obtiennent plus, à mesure qu’ils y cèdent moins. […] Par l’action extérieure : en fournissant à la volonté toujours de nouveaux obstacles, toujours de nouveaux efforts ; et nous sommes ainsi ramenés à la structure de l’intrigue indiquée plus haut. […] Plus d’effort à faire ; plus de passion, partant, ni de violence. […] Chaque caractère est analysé, pesé, dosé, de façon à concourir dans la juste mesure à l’action totale, et dans chaque effort fait paraître tout juste la quantité d’énergie qu’il faut, ou se dispose précisément dans la plus favorable attitude. […] Il ne crée pas, avec les mots, les images, les harmonies de son vers, une sorte d’atmosphère poétique où vivront ses héros ; au contraire, il dessine la courbe de leur effort sur un fond neutre, qui laisse la pensée libre, et ne dérobe aucune partie de l’attention.
Il y avait parmi eux des poètes en nombre mais aussi des orientalistes qui faisaient venir le mince fascicule jusqu’en des chancelleries d’Extrême-Orient et des jeunes hommes en le lisant se délassaient de la vue des cartons verts dans les ministères ; les autres vivaient à l’École normale ou s’intéressaient à notre effort entre deux cours des Hautes Études ou de la Sorbonne. […] Ceci dit pour établir la légitimité d’un effort vers une nouvelle forme de poésie. Comment cet effort fut-il conçu ? […] Ce n’est point que je ne saisisse l’intérêt et le mérite des efforts tentés pour expliquer scientifiquement le vers libre. […] Tous ces efforts partiels tentés scientifiquement convergeront à justifier la dernière synthèse du rythme poétique.
Il est trop évident que si une morale représente bien l’effort d’une société pour se former et se conserver, ou le résultat acquis par cet effort, ses principes et ses préceptes doivent dépendre étroitement de la nature de cette société. […] Jusque-là, elle devra tâtonner, chercher, suppléer par l’intelligence, l’effort, le sentiment, les conceptions à demi mystiques aux défectuosités de l’organisation. […] D’autre part, il y a quelque avantage social — avec bien des inconvénients — à laisser croire aux gens qu’un effort est un signe de supériorité morale. […] La grande excuse de l’idée que l’effort produit le mérite est dans la misérable condition de l’humanité. […] Alors, tout naturellement, il a divinisé l’effort et la souffrance.
De cette sentence, trop sommaire pour être juste, il faut excepter quelques œuvres que la sincérité du sentiment ou un effort original a mises hors de pair. […] Quel que soit le sort de cette tentative auprès du grand public, qui n’est pas toujours en goût de faire des efforts pour comprendre, elle mérite d’être signalée à deux points de vue, comme l’essai hardi d’un talent personnel et comme un symptôme des temps. À supposer que le jeune auteur n’ait pas réussi du premier coup dans son effort, c’est au moins là une œuvre de haut vol qui s’élève au-dessus de la plupart des productions contemporaines. […] Pourquoi donc, malgré tant d’efforts et de mérites, le succès est-il resté douteux ? […] On exige de nous trop d’efforts, non pour comprendre l’idée, qui est suffisamment claire, mais pour pénétrer dans l’expression trop ramassée en elle-même, trop condensée, où l’air et l’espace manquent.
Mais, quoi qu’elle en dise, et malgré l’effort douloureux pour elle, l’accord nous arrive en mainte rencontre bien vibrant et bien pénétrant, et comme il n’est donné qu’à un vrai poëte de le produire. […] Que d’efforts et quel douloureux acheminement, ô Nature, pour arriver à la puberté du talent ! […] Elle n’y arriva pas sans effort et dut souvent se vaincre. […] Il est bien vrai qu’en somme le poids de l’armure avait trahi l’effort de la courageuse Herminie. […] Elles sont nées du profond de la réalité, sans la décorer, sans l’interrompre, en présence et en continuité des instants d’angoisse ou d’ennui, sans oubli aucun et sous l’effort des choses existantes.
Liée à la condition organique des muscles, elle nous révèle les plaisirs et les peines venant de l’exercice, les divers modes de tension des organes en mouvement ; elle donne la mesure de l’effort. […] Enfin la sensation musculaire peut nous être donnée simplement par l’effort et indépendamment de tout mouvement ; par exemple, porter un poids, soutenir son corps, ce sont là autant de cas de tension morte. […] Les modifications diverses de l’action musculaire nous font connaître trois choses : d’abord la résistance qui est l’expérience fondamentale ; ensuite la continuation de l’effort, accompagné de mouvement ou non ; enfin la rapidité de la contraction du muscle qui correspond à la vitesse du mouvement dans l’organe. […] Ainsi le degré d’effort ou de force dépensée mesure non-seulement la résistance, mais l’inertie, le poids et les propriétés mécaniques de la matière. […] Distinctes des sensations musculaires, qui nous font connaître surtout le mouvement et l’effort des muscles, elles se révèlent à nous par le plaisir ou la douleur qu’elles nous causent ; elles sont, affectives le plus souvent.
Tout ce que la science pourra nous dire de la relativité du mouvement perçu par nos yeux, mesuré par nos règles et nos horloges, laissera intact le sentiment profond que nous avons d’accomplir des mouvements et de fournir des efforts dont nous sommes les dispensateurs. […] Telle nous paraissait en effet être la fonction du métaphysicien : il doit pénétrer à l’intérieur des choses ; et l’essence vraie, la réalité profonde d’un mouvement, ne peut jamais lui être mieux révélée que lorsqu’il accomplit le mouvement lui-même, lorsqu’il le perçoit sans doute encore du dehors comme tous les autres mouvements, mais le saisit en outre du dedans comme un effort, dont la trace seule était visible. […] Et des mouvements de la matière en général il ne pourra rien dire, sinon qu’il y a vraisemblablement des changements internes, analogues ou non à des efforts, qui s’accomplissent on ne sait où et qui se traduisent à nos yeux, comme nos propres actes, par des déplacements réciproques de corps dans l’espace. […] Si nous jugions nécessaire, quant à nous, d’admettre un changement absolu partout où un mouvement spatial s’observe, si nous estimions que la conscience de l’effort révèle le caractère absolu du mouvement concomitant, nous ajoutions que la considération de ce mouvement absolu intéresse uniquement notre connaissance de l’intérieur des choses, c’est-à-dire une psychologie qui se prolonge en métaphysique 14. […] Il n’y a qu’un mouvement, disions-nous, qui soit perçu du dedans, et dont nous sachions qu’il constitue par lui-même un événement : c’est le mouvement qui traduit à nos yeux notre effort.
Au-dessous de cette philosophie de la nature on trouverait maintenant une théorie de l’esprit ou, comme dit Descartes, de la « pensée », un effort pour résoudre la pensée en éléments simples : cet effort a ouvert la voie aux recherches de Locke et de Condillac. […] Enfin, au fond de la théorie cartésienne de la pensée, il y a un nouvel effort pour ramener la pensée, au moins partiellement, à la volonté. […] Ajoutons que le fondateur du positivisme, qui se déclara l’adversaire de toute métaphysique, est une âme de métaphysicien, et que la postérité verra dans son œuvre un puissant effort pour « diviniser » l’humanité. […] Il a montré que la connaissance que nous avons de nous-même, en particulier dans le sentiment de l’effort, est une connaissance privilégiée, qui dépasse le pur « phénomène » et qui atteint la réalité « en soi », — cette réalité que Kant déclarait inaccessible à nos spéculations.
Ce rêve fût-il impossible à réaliser, il n’en demeure pas moins le fait significatif, l’effort héroïque et la gloire de notre histoire. […] Les hommes de bonne volonté, s’ils unissaient leurs efforts, devraient arriver à une certitude à peu près suffisante. […] La faute en est à nous, qui avons créé peu à peu un abîme entre la science des faits et la conscience morale, entre le comment de l’existence et le pourquoi de nos efforts. […] Notre logique y voit en quelque sorte un cercle vicieux ; le plus sûr est encore de ne pas sortir de ce cercle, d’y rester courageusement, en l’élargissant par un effort séculaire. […] Il nous suffit de constater qu’ils sont, dans le marbre comme dans le verbe, l’expression la plus brève et la plus haute de l’effort humain.
pour diminuer cet éparsement il fallait diminuer la part de réalité ; et ce premier effort de l’art produisit le théâtre. […] J’approche au terme ; et déjà voici cette Gœtterdæmmerung, le plus véhément sinon le plus parfait effort humain vers la toute expression musicale. […] Car, contemplant le spectacle de l’univers, il voyait tout alentour le lamentable et triomphant et Lamentable spectacle des efforts vers l’accomplissement ; et artiste, il souffrait ces activités, partout éparses. […] « Petrus es… et portæ inferi non prævalebunt adversus eam. » Admirables et ridicules efforts, si destituées de leur guide surnaturel ! […] Contemplons, d’une tristesse placide, cette magnitude d’effort humain, l’art créé par un Wagner.
La philosophie ne peut être qu’un effort pour se fondre à nouveau dans le tout. […] Ce qui apparaît, du point de vue de l’intelligence, comme un effort, est en soi un abandon. […] Elle est comme un effort pour relever le poids qui tombe. […] L’entreprise était paradoxale, — si toutefois l’on peut parler ici, autrement que par métaphore, d’entreprise et d’effort. […] Comme on l’a remarqué plus d’une fois, la vie n’a jamais fait effort pour prolonger indéfiniment l’existence de l’individu, alors que sur tant d’autres points elle a fait tant d’efforts heureux.
Nous avons concentré tout l’effort de notre discussion sur un exemple tiré de la phylogenèse. […] Elle naîtrait de l’effort même de l’être vivant pour s’adapter aux conditions où il doit vivre. […] La vérité est qu’il faut creuser sous l’effort lui-même et chercher une cause plus profonde. […] Un changement héréditaire et de sens défini, qui va s’accumulant et se composant avec lui-même de manière à construire une machine de plus en plus compliquée, doit sans doute se rapporter à quelque espèce d’effort, mais à un effort autrement profond que l’effort individuel, autrement indépendant des circonstances, commun à la plupart des représentants d’une même espèce, inhérent aux germes qu’ils portent plutôt qu’à leur seule substance, assuré par là de se transmettre à leurs descendants. […] Plus l’effort de la main est considérable, plus elle va loin à l’intérieur de la limaille.
La gloire, la vertu, le génie viennent se briser contre cette force destructive ; elle met une borne aux efforts, aux élans de la nature humaine, son influence est souveraine ; car qui blâme, qui déjoue, qui s’oppose, qui renverse, qui se saisit enfin de la force destructive, finit toujours par triompher. […] L’occupation où l’on est de son ressentiment, l’effort qu’on fait sur soi pour le combattre remplit la pensée de diverses manières ; après s’être vengé, l’on reste seul avec sa douleur, sans autre idée que la souffrance ; vous rendez à votre ennemi, par votre vengeance, une espèce d’égalité avec vous ; vous le sortez de dessous le poids de votre mépris, vous vous sentez rapprochés par l’action même de punir ; si l’effort que vous tenteriez pour vous venger était inutile, votre ennemi aurait sur vous l’avantage qu’on prend toujours sur les volontés impuissantes, quelle qu’en soit la nature et l’objet : tous les genres d’égarement sont excusables dans les véritables douleurs ; mais ce qui démontre cependant combien la vengeance tient à des mouvements condamnables, c’est qu’il est beaucoup plus rare de se venger par sensibilité, que par esprit de parti ou par amour propre.
Évidemment, toutes ces doctrines n’ont rien de réconfortant ; elles proclament trop nettement la vanité de nos efforts ; elles sèment la douleur jusque sur le chemin de l’héroïsme et de l’idéal. […] Sully Prudhomme, avec ses poèmes, la Justice, le Bonheur, a voulu, et cet effort mérite tous les éloges, faire entrer dans les solides cadres de ses dogmes moraux et de ses conceptions sociales, la matière frémissante d’une riche sensibilité que tout ébranle, que tout froisse et meurtrit. […] [L’Effort (15 janvier 1900).]
On peut faire effort pour comprendre l’avarice et l’ambition : l’amour est compris de tous. […] L’effort vers le bien ne fait-il pas partie de notre nature, comme l’entraînement au mai ? […] On conçoit que l’inspiration soit presque toujours un effort, puisqu’elle est une création. […] Il faudra donc recommencer le même effort jusqu’à ce que l’on soit satisfait. […] La limite de cet effort est évidemment individuelle.
On copie et on fignole : nulle trace d’originalité ni d’effort créateur. […] Comment est-il humainement possible qu’un aussi formidable effort n’ait abouti qu’à un semblable résultat ? […] Ils n’ont pas eu la peine fortifiante de s’élever d’eux-mêmes, de s’initier progressivement, d’accomplir des efforts personnels. […] Ce serait là le contrepoids nécessaire de l’effort cérébral de l’enfant. […] Sentant leur appui disparaître, ils ne manqueraient pas de faire des efforts désespérés pour s’y cramponner.
Même en dehors de la lecture et de l’écriture, dans le jeune âge et chez les esprits peu exercés, encore enfants à cet égard, la parole intérieure « réclame », pour avoir quelque suite et nous tenir « isolés des causes de distraction, un plus grand effort d’attention » que la parole extérieure. […] Nous sommes passifs quand nous écoutons, quand nous lisons, et dans une variété de la méditation, lorsqu’une idée s’impose à nous avec les mots qui l’expriment : « A qui n’arrive-t-il pas d’être poursuivi, obsédé même, par des idées qu’aucun effort ne peut repousser ? […] On peut songer aussi à identifier l’activité avec l’innovation verbale, la passivité avec la simple remémoration ; à première vue, l’invention seule semble impliquer un certain degré d’effort mental ; mais quelquefois nous nous remémorons avec peine, et souvent nous inventons sans effort : il n’est pas besoin pour cela d’être inspiré ; quand nous lisons un texte pour la première fois, la suite des mots intérieurement prononcés est une combinaison nouvelle de souvenirs anciens, et pourtant nous n’avons conscience d’aucun effort. […] L’effort mental par lequel nous dirigeons et choisissons nos idées et nos expressions laisse après lui, s’il est persistant et répété, des habitudes ; si cet effort est méthodiquement réglé par un esprit bien fait, la parole intérieure se forme à l’exactitude et aux autres qualités d’un bon langage, et surtout elle devient souple, propre à exprimer toutes les idées, anciennes ou nouvelles, qui nous viendront à l’esprit [ch. […] Mais l’effort mental n’est pas le même chez tous les hommes ; l’empire que nous exerçons sur la parole intérieure est « proportionné à l’habitude », — c’est-à-dire aux habitudes que nous lui avons données, — et par conséquent à l’effort mental que nous avons déployé pour créer ces habitudes103. — Rien n’est plus juste.
Non-seulement les tendances et les efforts de l’Académie sont antilittéraires, mais il y a peu d’hommes dans son sein dont les actes n’aient nui aux lettres ou ne les aient flétries. […] Le gothique flamboyant fut le dernier effort de l’ogive mourante. […] Certes, ce livre a des qualités sérieuses ; son auteur a cherché, sinon trouvé, une voie nouvelle pour la science ; il faut lui en savoir gré et le remercier des efforts qu’il a tentés. […] Ses efforts qui ne se reposent jamais, ses créations incessamment fécondes, ses tâtonnements, ses longues méditations, ses rivalités, ses chutes même sont dignes d’avoir leur histoire. […] Qu’est-ce donc qu’Orphée, si ce n’est celui qui voulait substituer l’esprit à la matière, la lyre à la flûte, Apollon à Bacchus, et qui paya de sa vie ses efforts courageux ?
Je distinguerai dans les ouvrages de tout grand auteur ceux qu’il a faits selon son goût propre et son faible, et ceux dans lesquels le travail et l’effort l’ont porté à un idéal supérieur. […] Dans l’ordre poétique comme dans l’ordre moral, la grandeur est au prix de l’effort, de la lutte et de la constance ; l’idéal habite les hauts sommets. […] Molière, le grand comique, était sujet à se répandre et à se distraire dans les délicieuses mais surabondantes bouffonneries des Dandin, des Scapin, des Sganarelle ; il aurait pu s’y attarder trop longtemps et ne pas tenter son plus admirable effort. […] Pourquoi l’intelligence critique ne consentirait-elle pas au même effort équitable pour apprécier convenablement des œuvres moins hautes sans doute, plus délicates souvent, sociales au plus haut degré, et qu’il suffit de reculer légèrement dans un passé encore peu lointain, pour y ressaisir toutes les justesses et toutes les grâces ? Si jamais pièce réclama à bon droit chez le spectateur ce jeu quelque peu complaisant de l’imagination et du souvenir, c’est à coup sûr Bérénice ; mais cette complaisance n’exige pas un effort bien pénible, et l’on n’a pas trop à se plaindre, après tout, d’être simplement obligé, pour subir le charme, de se ressouvenir de Madame, de ces belles années d’un grand règne, des nuits enflammées et des festons où les chiffres mystérieux s’entrelaçaient.
En comparant, par exemple, les revues et les journaux d’aujourd’hui avec ceux d’il y a quinze ans, il semble qu’un effort critique supérieur à celui d’hier se développe à présent. […] Car on la lit, on se bouscule pour mieux la lire si elle offre un texte abondant, serré, qui demande beaucoup d’efforts pour être déchiffré par-dessus les épaules des badauds pressés devant elle. […] Critique de doctrine d’un Lasserre, incisive d’un Billy, poétique et lettrée d’un Henri de Régnier et d’un Mauclair, analytique d’un Le Cardonnel, d’un Thérive, d’un Pierre Lièvre, fragmentaire mais utile d’Orion et de Messieurs les Treize m’apparaissent les symptômes excellents de cet effort méritoire. […] L’effort critique des écrivains contemporains, qui est sérieux et suivi, paraît intéresser les lecteurs des journaux et des revues. […] Edmond Pilon n’ose plus prononcer le mot de renouveau ; il note simplement un « effort très sincère d’amélioration » de la critique « dans quelques journaux et dans les périodiques ».
Cinq petits traités nobles et naïfs, ailés et trébuchants, l’éducation d’un oiseau, je veux dire un effort pour aller en plein ciel et mieux voir. […] Il naît comme il peut, dans une patrie à grand effort défendue, à grand effort pacifiée, chargé cependant de l’inégalité corporelle et intellectuelle qui est dans la nature, des inégalités économiques et historiques qui sont dans la société. […] » Voilà l’effort, le cri d’une conscience en travail, sous le coup de la guerre. […] De là nos efforts pour sortir de ce chaos. […] Voudrons-nous nous imposer les efforts nécessaires pour conserver et accroître les trésors spirituels et moraux amassés pendant des siècles, éviter toute surprise et marcher avec sécurité vers nos hautes destinées ?
Quand nous disons que l’espace est plus grand ou plus petit, nous voulons dire qu’étant donnée une quantité égale d’effort musculaire, la série des sensations doit être plus longue ou plus courte. Si un autre objet G est sur la même ligne, nous jugeons que sa distance est plus grande, parce que, pour l’atteindre, nous devons prolonger la série des sensations musculaires ou ajouter ce surplus d’effort qui correspond à la vélocité accrue. […] Quand notre bras se meut, il parcourt une étendue : mais nous n’évaluons la grandeur de ce parcours que par les deux facteurs qui la mesurent, d’un côté par la quantité de notre effort musculaire, de l’autre côté par la durée de nos sensations musculaires successives. […] Ainsi l’étendue plus ou moins grande n’est que le pouvoir de provoquer en nous, à égalité d’effort musculaire, une série plus ou moins longue de sensations musculaires successives. […] Je passe ma main, en appuyant, le long de ce bord de table, à plusieurs reprises, de gauche à droite, puis de droite à gauche, toujours avec la même vitesse, c’est-à-dire avec le même degré d’effort locomoteur.
Vous ne tirerez jamais d’une idée par vous construite ce que vous n’y aurez point mis, et si l’unité avec laquelle vous composez votre nombre est l’unité d’un acte, et non d’un objet, aucun effort d’analyse n’en fera sortir autre chose, que l’unité pure ou simple. […] Dès lors, aucun effort d’invention ou de représentation symbolique ne nous est nécessaire pour les compter ; nous n’avons qu’à les penser séparément d’abord, simultanément ensuite, dans le milieu même où ils se présentent à notre observation. […] Nous allons donc demander à la conscience de s’isoler du monde extérieur, et, par un vigoureux effort d’abstraction, de redevenir elle-même. […] Et néanmoins, il me suffit d’un effort d’attention rétrospective pour faire la somme des quatre coups déjà sonnés, et les ajouter à ceux que j’entends. […] Ainsi, quand je mange d’un mets réputé exquis, le nom qu’il porte, gros de l’approbation qu’on lui donne, s’interpose entre ma sensation et ma conscience ; je pourrai croire que la saveur me plaît, alors qu’un léger effort d’attention me prouverait le contraire.
Il y a dans la conscience un conflit de représentations possibles dont chacune fait effort pour survivre ou revivre. […] Au point de vue mécanique, la mémoire a lieu en vertu du jeu des actions réflexes, où l’excitation extérieure est suivie d’un mouvement de contraction qui, une fois produit, est plus facile à reproduire ; au point de vue psychologique, elle a lieu en vertu de la loi parallèle qui fait qu’une sensation agréable ou désagréable est suivie d’un effort volontaire pour la conserver ou l’écarter, effort qui, une fois produit, est plus facile à reproduire. En effet, ayant une première fois surmonté cette résistance, l’effort a amené, parmi les conditions du milieu où il s’exerce, un changement dans le sens de son action, un changement favorable à la répétition du même acte avec un effort moindre. En outre, l’être même qui a fait effort en subissant une résistance s’est, de son côté, modifié plus ou moins, en harmonie avec cette résistance : il s’est adapté et réadapté : il s’est organisé lui-même en organisant le milieu qui lui résistait. […] L’habitude et la mémoire produisent dans le cerveau quelque chose d’analogue : à l’origine il faut, dans le centre cérébral, un acte de conscience et d’attention personnelle ; puis le travail se distribue entre les diverses cellules et entre les centres secondaires de la moelle ; il n’y a plus besoin ensuite que d’un rajustement des vibrations diverses pour reproduire sans effort l’image précise de l’objet.
Mais pour cela, outre la souplesse du génie, il faut de la patience : vertu qui manque plus que le génie aux François, & qui manque sur-tout aux Traducteurs ; car tout Ecrivain ne fait effort qu’à proportion de la gloire qu’il se promet de son Ouvrage ; & comme les Traducteurs savent que le préjugé du Public n’attache qu’une gloire médiocre à leur travail, aussi sont-ils sujets à ne faire que des efforts médiocres pour y réussir. » Après avoir condamné la maniere de traduire de Tourreil, on doit rendre justice aux deux Préfaces excellentes qu’il a mises à la tête de sa Traduction.
Une singularité de tactique, dans la formation des colonnes d’attaque, disposition exceptionnelle, adoptée ce jour-là par Ney et d’Erlon, sans doute en prévision de la solidité anglaise, devint une faute qui nuisit au développement des manœuvres ; ce trop de précaution de d’Erlon alla contre son but ; on n’avait obtenu dans ce premier et vigoureux effort au centre qu’un résultat incomplet : c’était à recommencer. […] Au dernier terme, il ne faut plus à Ney qu’un effort pour saisir la victoire ; les lignes anglaises sont trouées ou ébranlées de toutes parts ; la première ligne, la seconde est rompue, il ne reste à percer que la troisième et dernière ; un peu d’infanterie déciderait tout : Ney en fait demander en toute hâte à Napoléon par son aide de camp Heymès. « De l’infanterie ! […] Et puis, quand toute cette troupe, ces 10,000 hommes de superbe cavalerie, dans la main du plus brave des hommes, plus furieux et plus enragé d’héroïsme à cette heure suprême qu’on ne l’avait jamais vu en aucune rencontre, eurent chargé et rechargé maintes fois, eurent fait des miracles, eurent ouvert mainte et mainte brèche dans les rangs de la plus tenace des infanteries et en face du plus inébranlable des chefs de guerre dont la grandeur dans l’histoire est d’avoir résisté et vaincu ce jour-là ; quand Ney, après des heures tumultueuses que nulle montre exacte n’a comptées, se sentit à bout d’efforts, son quatrième cheval tué sous lui, à pied, son habit percé de balles et lui-même là-dessous comme invulnérable, il avait envoyé son aide de camp Heymès demander à Napoléon ce renfort d’infanterie, et Napoléon avait fait la réponse désespérée, inexorable. […] Les lieutenants de Blücher qui faisaient effort pour nous percer à Planchenois sont repoussés et battus d’abord, et Napoléon profite de ce répit pour envoyer Friant et se porter lui-même au plus vite, avec ce qui peut prendre d’infanterie de la garde, au secours de Ney et décider la retraite de Wellington.
Pour chercher le vrai, il faut deux choses données à peu de gens : douter qu’on le trouve à moins qu’on ne le cherche ; être capable de l’effort qu’il en coûte pour le trouver. […] Vient ensuite l’effort pour l’exprimer, pour l’orner, si Bouhours y tient ; ce sont encore deux mots différents pour la même chose, car où le vrai est exprimé, il est orné. Bouhours détruit l’ordre de Boileau ; ce qu’il nous conseille, c’est d’apprendre à écrire avant que de penser, comme si le premier effort ne rendait pas incapable du second. […] Il faut de l’effort pour s’élever vers l’idéal, il faut se vaincre pour s’assujettir à la règle.
ce devoir, que d’anciens souvenirs et des souvenirs récents m’annonçaient si pénible, de quel effort inutile et irrité je m’efforçais de le transformer en plaisir… Cet écrivain est mort et même, Lazare que Jésus ne visitera point, il sent déjà mauvais. […] J’aime l’habileté sans effort de sa versification. […] Seuls, ils s’affranchirent de la technique étroite : l’un pour dire en une musique plus libre, chanteuse, séduisante et navrante comme Ophélie, son âme musicale et folle ; l’autre pour essayer d’enfermer son noble et rigoureux esprit en je ne sais quelle forme informe, détruite par un trop grand effort d’absolu. […] Il restera le poète des amours froissées et du Vase brisé, du tremblement métaphysique et du Doute, de l’espérance lasse qui se relève avec effort et des Danaïdes.
Si cette « chère âme » était belle de quelque générosité native ou acquise, nous serions — malgré le néant de la pensée, malgré l’enfantillage des constructions et le manque de vie des personnages — payés un peu de notre effort à suivre les longues divagations. […] Mais supposez que Virgile ne soit pas une âme profonde et un esprit délicat : malgré tous ses efforts, l’imitation tournerait à la parodie et il ferait sans le savoir un Homère travesti. […] L’auteur semble d’abord occupé uniquement de Jude l’autodidacte, de ses efforts malheureux vers la conquête d’une position libérale, de ses efforts à demi heureux vers la conquête de la science désintéressée.
Son système, véritable effort d’esclave qui fait de la métaphysique comme le noir fait de la canne à sucre, ira rejoindre les autres systèmes de métaphysique qu’a vus passer le monde, dans ce vaste cimetière d’éléphants où ils gisent tous, oubliés ; mais on en rapportera les choses d’esprit comme des ivoires. […] Ils étaient parfaitement incapables de cet effort de respiration prodigieux sous la machine pneumatique de la métaphysique, où les plus forts esprits perdent, à certains moments, connaissance. […] L’homme comprend que la réalité est une illusion, la vie une douleur ; que le mieux pour la volonté est de se nier elle-même, car du même coup tombent l’effort et la souffrance qui en est inséparable. […] Beau résultat, après tant d’études, de méditations, de tâtonnements et d’efforts !
Il faut que, lassé de vains efforts pour obtenir le bonheur, on se résolve à l’abandon de cette dernière illusion, qui, en s’évanouissant, entraîne toutes les autres après elle. […] Je l’ai dit, celui qui veut mettre le suicide au nombre de ses résolutions, peut entrer dans la carrière des passions ; il peut y abandonner sa vie, s’il se sent capable de la terminer, alors que la foudre aura renversé l’objet de tous ses efforts et de tous ses vœux ; mais comme je ne sais quel instinct, qui appartient plus, je crois, à la nature physique qu’au sentiment moral, force souvent à conserver des jours dont tous les instants sont une nouvelle douleur, peut-on courir les hasards, presque certains, d’un malheur qui fera détester l’existence, et d’une disposition de l’âme qui inspirera la crainte de l’anéantir ? […] Comme il est rare d’arriver à la philosophie sans avoir fait quelques efforts pour obtenir des biens plus semblables aux chimères de la jeunesse, l’âme qui pour jamais y renonce, compose son bonheur d’une sorte de mélancolie qui a plus de charme qu’on ne pense, et vers laquelle tout semble nous ramener.
Faites effort pour comprendre et pour supporter que d’autres hommes tiennent de leur hérédité, de leur tempérament, de leur éducation, ou de leurs réflexions et de leur vie même, une conception métaphysique du monde différente de la vôtre. […] Cet effort, de l’aveu même de Pascal, qui n’est pas suspect, est dans la nature et selon la nature. […] Elle exige un grand effort, une perpétuelle surveillance de soi.
Elles apprendront ainsi quel effort elles ont à faire pour s’intensifier, et pour se dilater dans le sens même de la vie. […] A la différence des systèmes proprement dits, dont chacun fut l’œuvre d’un homme de génie et se présenta comme un bloc, à prendre ou à laisser, elle ne pourra se constituer que par l’effort collectif et progressif de bien des penseurs, de bien des observateurs aussi, se complétant, se corrigeant, se redressant les uns les autres. […] C’est un effort de ce genre que nous tentons, — bien incomplètement, — dans notre troisième chapitre.
Les efforts qu’on a faits pour imiter ses Caracteres, n’ont servi qu’à prouver combien ils sont inimitables. […] Il ne s’attachoit qu’à la nature, la peignoit sans effort ; & les caracteres, en s’offrant à lui, tels qu’ils étoient en effet, acquéroient sous son pinceau une vigueur qui en faisoit ressortir toute la vérité.
Je noterai cependant plusieurs efforts intéressons, et où paraissent mieux perçues, encore peu nettement, les destinations véritables de la peinture. […] Il éprouve des sensations fort simples, volontiers atténuées ; telles, sans un effort à trahir sa réalité, il nous les présente : exemplaire par cette artistique franchise. […] Kroyer, mais j’ai vu l’effort d’une sincérité précieuse et originale, dans la sobre peinture de la robe et l’attitude simple et vraie du corps. […] Mais l’effort était trop superbe, encore, et M. […] Elle préfère s’acharner, sans raison à des efforts vains.
On la voit débuter en physique par un grand effort vers l’unité. […] Tout mouvement, même de l’ordre purement physique, est déjà un effort ; toute force, si simple qu’elle soit, tend à une fin en vertu d’une activité spontanée. […] Elle a pour mesure non la puissance de l’effort, mais la force d’attraction qui emporte vers le bien. […] C’est ce qui fait que nulle théologie ne s’entend bien à la justice, cette chose morale qui a pour mesure propre le degré de mérite proportionnel à l’effort de volonté. […] Dans cette troisième vie, toute de sainteté, qu’il regarde comme le suprême effort de la vertu humaine, l’âme, en passant à Dieu, ne fait que rentrer de plus en plus dans l’essence même de son être propre, laquelle est l’idéal de toute perfection.
Du haut en bas de son œuvre, Flaubert est celui qui choisit avec rigueur et assemble avec effort des matériaux triés. […] En l’œuvre maîtresse, la Tentation de saint Antoine, le beau et le vrai s’allient par l’allégorie ; pénétrée de signification et décorée de splendeur, cette œuvre consigne en un dernier effort tout le testament spirituel et mystique de Gustave Flaubert. […] Sur la stupidité et la méchanceté de certains êtres, sur l’inconsciente grossièreté d’autres, sur l’injustice ironique de la destinée, sur l’inutilité de tout effort, la muette et formidable insouciance des lois naturelles, Flaubert ne tarit pas en dissimulés sarcasmes. […] Dans ce curieux livre, Bouvard et Pécuchet, qui est comme la nécrologie de toutes les occupations humaines, il s’attache à montrer comment tout effort peut aboutir à quelque échec, et accumulant les insuccès après les tentatives, il proscrit le délassement de toute entreprise. […] Il faut par un effort d’esprit se transporter dans les personnages et non les attirera soi.
Ronsard : effort vers l’ode et l’épopée Par la force du talent, par la grandeur de l’effort, par l’éclat du succès, Ronsard est le maître de la poésie du xvie siècle. […] Quelque admirée que la Franciade ait été à son apparition, elle fut sans influence : ce qui compte, ce ne sont pas les chants imprimés en 1572, c’est le dessein annoncé bien des années auparavant par Ronsard de tenter l’épopée, c’est la confiance unanime des poètes et du public qui, avec Du Bellay, le désignaient pour le souverain effort du poème héroïque, c’était l’admiration grave, le respectueux enthousiasme dont pendant tant d’années on entoura celui qui marchait dans les voies d’Homère et de Virgile. […] Cependant tout, ici, n’est pas à condamner : qu’on prenne la plus fameuse des odes pindariques, l’Ode à Michel de l’Hôpital, énorme machine de vingt-quatre strophes, antistrophes et épodes, et de huit cent seize vers : on y trouve, pour la première fois, un long poème d’une structure achevée, un rude effort de composition ; on y trouve du mouvement, et de ce mouvement lyrique qui tient à l’organisation rythmique, de l’éloquence aussi, une éloquence qui tient à la hauteur, au sérieux, à la sincérité de la pensée. […] On ne peut dire que l’immense effort des odes pindariques ait été du tout perdu pour Ronsard : cette rude gymnastique le fit maître de ses rythmes ; il n’eut qu’à mettre de côté l’antistrophe et l’épode, pour avoir à sa disposition une belle forme lyrique.
Efforts individuels. […] N’ayant plus d’espoir d’être employé, réduit bientôt après à l’inaction par la maladie, alors l’ambition qui bout en lui prend un autre cours, et tend à la gloire par d’autres efforts. […] Optimiste malgré les déboires de sa vie, il croit à la bonté de la nature ; il estime qu’au total l’effort de l’humanité tend au bien. […] Il marqua dans son prospectus, qu’« en réduisant sous la forme de dictionnaire tout ce qui concerne les sciences et les arts, il s’agissait de faire sentir les secours mutuels qu’ils se prêtent, d’user de ces secours pour en rendre les principes plus sûrs et leurs conséquences plus claires ; d’indiquer les liaisons éloignées ou prochaines des êtres qui composent la nature, et qui ont occupé les hommes, … de former un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ». […] Quelques philosophes L’Encyclopédie s’ajouta aux efforts individuels et leur donna plus d’efficacité.
La question est délicate qui consiste à faire la part, dans la production, de l’invention qui représente l’initiative individuelle et du travail qui représente l’effort collectif. […] Le mérite se mesurera à l’effort matériel dépensé. Et cet effort matériel aura seul une valeur morale. Peut-être évaluera-t-on l’effort dépensé dans un travail au moyen d’un mètre matériel tel que les graduations d’un dynamomètre ou le nombre de calories dépensées. […] La liberté n’est plus ici le caprice, l’essor effréné de l’égoïsme individuel, l’effort vers le gain à tout prix.
L’homme bon est de tous les temps, et de toutes les nations ; il n’est pas même dépendant du degré de civilisation du pays qui l’a vu naître ; c’est la nature morale dans sa pureté, dans son essence ; c’est comme la beauté dans la jeunesse où tout est bien sans effort. […] Du moins en parlant de bonheur, il est impossible de supposer une situation qui exige des efforts perpétuels ; et la bonté donne des jouissances si faciles et si simples que leur impression est indépendante du pouvoir même de la réflexion. […] Elle n’a rien à faire avec le passé, ni l’avenir ; une suite d’instants présents composent sa vie ; et son âme, constamment en équilibre, ne se porte jamais avec violence sur une époque, ni sur une idée ; ses vœux et ses efforts se répandent également sur chacun de ses jours, parce qu’ils appartiennent à un sentiment toujours le même, et toujours facile à exercer.
Leur effort surtout est fécond pour les auteurs grecs, dont la langue reste même alors accessible à peu de personnes : c’est par eux que Thucydide186, Hérodote, Platon. […] À un autre point de vue, Amyot, qui représente et résume l’effort de tous les traducteurs de son siècle, nous fait apercevoir comment se fondirent par une pénétration réciproque l’antiquité et l’esprit français. […] En somme, venant après le Pantagruel de Rabelais, après l’Institution de Calvin, le Plutarque d’Amyot est le plus considérable effort fourni par la langue française dans sa tentative d’égaler les langues anciennes : il rend Montaigne possible.
Notre langue coule des lèvres sans contraction et sans effort. […] Que d’efforts pour être clair, simple, précis, pour ne se servir que des termes propres, c’est-à-dire, pour n’être pas un méchant écrivain. […] Pour écrire clairement en français, c’est-à-dire, pour arracher les idées de ce fonds obscur où nous les concevons, et les amener à la pleine lumière, que d’efforts et de travail ! […] Combien d’inexactitudes dans les efforts même que nous faisons pour être exacts ! […] Quant à la liaison, à cette suite et à cette jointure des idées, dont Horace a admiré la puissance en homme qui en avait senti la difficulté, que d’efforts d’attention n’y faut-il pas ?
Il lui faut pour l’exercer, un énorme effort, une contention qui fait saillir les veines de son front, et le laisse brisé de fatigue. […] qui vous force à répéter, trois ou quatre fois, la même question, à laquelle il répond à la fin, avec un effort ennuyé. […] Alors ses lèvres jettent, avec effort, des sons qui ne sont plus des paroles, des murmures, des bruissements douloureux qui ne disent rien. […] Le désespoir de ce vouloir, la colère de cet effort ne peut s’écrire. […] De si déchirants efforts pour avaler de petits morceaux de glace, pas plus gros que des têtes d’épingles.
Ce trait, exprimé dans le dialogue le plus simple, et sans aucune pompe tragique, peint, selon moi, mieux que tous les efforts du poëte n’auraient pu le faire, la pusillanimité, la défiance et l’abjection du tyran demi-vaincu. […] Il les rejette enfin loin de lui avec effort. « Je marche, s’écrie-t-il, dans une carrière opposée. […] Son mécontentement contre la nature, qui, en lui donnant une figure hideuse et difforme, semble l’avoir condamné à ne jamais inspirer d’amour ; ses efforts pour vaincre un obstacle qui l’irrite, sa coquetterie avec les femmes, son étonnement de ses succès auprès d’elles, le mépris qu’il conçoit pour des êtres si faciles à séduire, l’ironie avec laquelle il manifeste ce mépris, tout le rend un être particulier. […] Quoi de plus simple que d’imaginer que cet effort de la nature pour pénétrer en nous n’est pas sans une mystérieuse signification ? […] C’est pour cette raison que je lui ai donné une teinte religieuse, et que j’ai voulu qu’elle cherchât un asile aux pieds de son Dieu, au lieu de se tuer sur le corps de son amant ou de son père, ce qui ne m’aurait pas coûté un grand effort d’invention ; mais la violence du suicide m’aurait semblé déranger l’harmonie qui doit être dans son caractère.
Il semblait alors que l’intervention néfaste de ce pouvoir détournât sans cesse l’esprit humain d’atteindre un état de certitude, de perfection et de repos, qui semblait devoir être le but de tout effort et dans lequel semblaient devoir se résoudre, en une harmonie bienheureuse, toutes les divergences et toutes les oppositions où se manifeste le fait de l’existence phénoménale. […] Cette remarque qui réduisait à néant l’idée d’une vérité régulatrice de l’effort universel, arbitre suprême de la conduite et but de la connaissance, l’idée, en un mot, d’une vérité objective, cette remarque releva la faculté bovaryque de la mésestime où elle était tenue du point de vue de la croyance à cette vérité.
Jannet, dont la Bibliothèque elzévirienne restera comme un monument de cet effort de régénération littéraire érudite. […] Il s’agit de l’effort qu’un jeune vassal et frère d’armes a à faire pour se détacher du seigneur envers qui il s’est lié, même quand ce seigneur est brutal, emporté, cruel, et qu’il veut mener son jeune vassal au pillage et à la guerre contre les proches parents de celui-ci. […] Guizot a très-bien dit, et au sujet même de ce généreux poète si méprisé par Malherbe : « Les hommes qui font les Révolutions sont toujours méprisés par ceux qui en profitent. » Il fut très-aisé ensuite, à ceux qui rabattirent de l’effort premier de Ronsard, de faire fi de lui et de lui reprocher la violence même de cet effort devenu, après lui et grâce à lui, inutile. […] Il se tentait de rudes efforts incomplets, insuffisants, de la part de Maurice Sève, et dans la petite et docte école de Lyon, pour atteindre aux parties élevées de la poésie : on avait perdu les qualités premières sans acquérir, pour cela, (es autres. […] Il est à déplorer que ces qualités acquises et conquises par tant d’efforts n’aient pu se transmettre insensiblement par voie de tradition et d’hérédité, qu’il y ait eu bientôt après perte, interruption, ruine, et qu’il ait fallu bien plus tard, de nos jours, un autre effort et une exhumation tout artificielle pour les retrouver et y revenir en étendant la main par-dessus deux siècles. » Cependant l’école de Ronsard avait fait son temps, avait suivi et accompli son cours ; elle avait eu très-vite ses trois saisons, et après Des Portes, avec Bertautet Du Perron, elle finissait par s’alanguir.
Il semble tout d’abord, pour le moi humain, comme pour l’Etre universel que cette utilité s’exprime dans la joie de connaître : tous les efforts de l’homme, pour augmenter la somme de ses sensations heureuses au détriment de ses déplaisirs, se heurtent, ainsi qu’on l’a montré, à cette faculté de mécontentement qui transforme l’assouvissement de ses convoitises en une sensation d’ennui ou en un malaise nouveau : à cette fin, que les individus semblent poursuivre et qu’ils ne réalisent jamais un surcroît de bien-être, il semblerait donc qu’il convienne do substituer cette autre qui se montre sans cesse et par chaque effort accomplie, l’embellissement et l’enrichissement du spectacle phénoménal offert à l’esprit. […] Il faut donc reconnaître que, pour la plus grande part de l’humanité, les joies et les souffrances attachées à la sensation et à ses dérivés sont si fortes qu’elles expliquent tous les efforts tentés pour augmenter et fixer les états de joie, pour diminuer et abolir les états de souffrance. […] L’effort des hommes pour se conformer au précepte, s’il échoua sous sa forme absolue, réussit du moins à contenir la volupté dans les limites de la monogamie, resserrant les mailles de la famille, ce milieu le plus propre, dans une société organisée, à faire éclore, à faire vivre et à développer l’enfant.
Gabriel Boissy écrit : « … D’une succession de faits, un fait majeur s’impose : les lettres françaises, sommeillantes ou vagissantes depuis l’époque romantique, entrent aujourd’hui en effervescence ; un nouvel âge se prépare par les efforts convergents d’un groupe nombreux d’esprits toujours jeunes ou de jeunes esprits. […] Silvain ; à Nîmes, à Cauterets, par les efforts de MM. le Dr Meillon et Labruyère ; je signalerai aussi les théâtres régionaux fondés par MM. […] Bien qu’il soit très italien, M. d’Annunzio a tant emprunté à la France qu’il participe, par les Victoires mutilées, à notre effort, accompagné d’une multitude d’autres poètes supérieurs ou remarquables : MM. […] Ces tendances dissemblables, M. de Bouhélier, confusément, il est vrai, les avait pressenties et les mêlait en sa Tragédie du Nouveau Christ et dans la Victoire, œuvres inégales, manquées, énorme effort égaré dans le vide mais qui dénote une ardeur considérable, un tempérament audacieux.
Monsieur le Directeur, De la critique littéraire Vous m’avez fait l’honneur de me demander si je voudrais m’associer aux efforts que vous faites pour remettre dans son ancien crédit cette Revue qui a compté et compte encore parmi ses rédacteurs tant d’hommes distingués. […] Les philosophes, les poètes, les critiques semblent avoir réuni leurs efforts pour le chasser ; je tremble qu’ils n’y réussissent ! […] C’est ce qui inquiète quelques-uns de nos grands hommes ; mais ils n’y peuvent échapper : les réputations usurpées s’évanouissent malgré les efforts de la camaraderie ; les réputations méritées s’établissent sans aide, lentement quelquefois, mais sûrement. […] On s’abandonne à ce facile travail et l’on devient peu à peu incapable d’ouvrages qui demandent un plus grand effort d’esprit.
Auguste Villeroy du noble effort qu’il a tenté. […] Chrysopolis, capitale de l’empire du Couchant, est, depuis de longs jours, assiégée par les Barbares ; le peuple demande qu’on se rende, et peut-être l’empereur Héklésias, affaibli par l’âge et les travaux, aurait-il cédé, si sa fille Hérakléa n’était là, sans cesse, pour le rappeler à l’effort et à la résistance.
Ses écrits fourniraient les plus belles et les plus précieuses maximes en ce sens et à ce sujet : « Que s’est-il donc passé dans la société, qu’on ne puisse plus faire aller qu’à force de bras une machine démontée qui allait autrefois toute seule, sans bruit et sans effort ? […] Peut-être même la tolérance n’est-elle jamais plus utile que lorsqu’elle autorise un talent supérieur à propager l’erreur et le vice : l’amour du bien et le sentiment du salut public excitent alors les cœurs généreux à faire effort sur eux-mêmes et à s’élever à la même hauteur pour faire prévaloir la vérité et la vertu. […] Et l’on ne saurait concevoir pour les âmes un exercice plus salutaire que l’effort à faire pour triompher de l’orgueil et de l’esprit de domination, qui n’ont jamais été plus redoutables que quand ils ont pu se fonder sur la défense des grands intérêts sociaux. » On n’arrive pas du premier jour à ce degré de conviction et de vertu. […] « Les individus s’exercent à la tolérance, comme les enfants à la marche, par l’effort de chaque jour et en s’exposant d’abord à tomber. » Je ne sais pas de plus belle page de moralité sociale à méditer, qu’on soit prêtre ou fidèle, ministre ou dépositaire du pouvoir à quelque degré, juge, militaire, — car les militaires eux-mêmes devraient s’accoutumer à être discutés dans ce futur régime, et M. de Turenne en personne, s’il revenait, n’échapperait point à la critique. […] Les sceptiques ont beau jeu, et les pessimistes aussi ; ils peuvent élever bien des objections et arguer de l’inutilité de pareils efforts, de l’impuissance de semblables remèdes palliatifs, quand une fois un principe dominant s’est emparé de la société : il semble alors qu’il faille que ce principe sorte tous ses effets et se produise, bon gré, mal gré, jusqu’au bout ; on ne le déjoue pas.
Ainsi les difficultés vont naître sous vos pas, et chaque effort que vous ferez pour dissiper l’une d’elles ne pourra que la résoudre en beaucoup d’autres. […] Ainsi naît la douleur, laquelle n’est point autre chose, selon nous, qu’un effort de l’élément lésé pour remettre les choses en place, — une espèce de tendance motrice sur un nerf sensible. Toute douleur doit donc consister dans un effort, et dans un effort impuissant. Toute douleur est un effort local, et c’est cet isolement même de l’effort qui est cause de son impuissance, parce que l’organisme, en raison de la solidarité de ses parties, n’est plus apte qu’aux effets d’ensemble. […] En elle se produit l’affection, c’est-à-dire son effort actuel sur elle-même.
Sans effort il a créé un symbole puissant et original. […] Faisons effort pour en maintenir le principe. Cet effort est nécessaire ; et s’il n’aboutit pas immédiatement, il sauvegardera du moins l’avenir. […] la plupart des livres qui ne sont pas pornographiques : « Il faut faire un effort énergique pour réaliser toute la perfection qui est en nous. […] Un double travail de la conscience et de la subconscience a lieu, dont tout l’effort est de réaliser l’œuvre aperçue ainsi dans l’absolu, comme en un éclair.
Arrivé à la dernière limite que les sensations puissent atteindre, et toujours affamé de sensations nouvelles, il s’imagine que de prendre la vie à rebours c’est le seul parti qui lui reste pour y trouver quelque goût et quelque saveur, et il le prend, ce parti de la vie à rebours, et il décrit tous les vains efforts qu’il fait pour l’y mettre. […] Eux seuls, ces esprits blasés et tombés dans l’enfance des vieilles civilisations, s’intéresseraient aux efforts et aux rétorsions de ce misérable Des Esseintes, corrompu par l’ennui, qui engendre toutes les autres corruptions, et qui s’imagine qu’on peut prendre à rebours la vie, — cette difficulté de la vie ! […] IV Et cela serait réellement insupportable s’il n’y avait pas, au fond de cet ennui et de tous ces impuissants efforts pour le tromper, un peu de douleur qui fait plus pour relever le livre que le talent même.
Pour mon compte, je n’ai jamais mieux saisi la sublimité du ciel qu’en gravissant avec effort une haute montagne, alors que je me sentais entrer pour ainsi dire dans le ciel même, le conquérir à chaque pas avec effort, et que le désir d’infini semblait devoir être rassasié sans cesse à mesure qu’il s’éveillait en moi plus intense. […] Le fond même de tout art, c’est l’effort pour créer, c’est la poésie (ποίησις), et si jamais cet effort pouvait entièrement réussir, si l’artiste pouvait être un véritable créateur, c’est la beauté et le bonheur qu’il voudrait toujours et partout réaliser. […] Aussi l’effort ne nous choque-t-il plus : au contraire, il est une condition de l’intérêt que nous portons au travail. […] Au contraire, si un jeu coûtait autant d’efforts, nous en serions désagréablement surpris ; il y aurait disproportion entre les moyens et la fin. […] En effet, un langage où tout est rythmé et régulier économise l’attention, l’effort intellectuel.
Il faut pour cela une volonté ferme et constante, une attention soutenue, une réflexion laborieuse : mais, par le temps et l’habitude, l’effort disparaît ; les idées restent dans l’esprit vivantes, actives, efficaces et fécondes ; rien ne s’y perd, tout y germe. […] Le mot spirituel, ému, pittoresque, sublime, germe sans effort et s’épanouit sur le riche fond de la vie morale : c’est le prolongement extérieur et le dernier terme d’une longue série île sentiments intimes et d’idées inexprimées.
Mais leur courage viendrait sans doute à défaillir s’il leur fallait constater que tous leurs efforts ne vont qu’à remplacer un mensonge par un autre et que les conditions mêmes de la vie phénoménale les condamnent à créer sans cesse des perspectives plus ou moins fausses. C’est que ces hommes sont menés par une croyance majeure qui est le ressort de leur activité : sous des noms plus ou moins symboliques et concrets ils croient à la véritéet tout leur effort se propose de réduire à cette conception idéologique les modes de la vie, d’imposer à la vie phénoménale ce joug : le joug de la vérité.
Un effort pour secouer le joug de l’autorité, mais un effort à la fois timide et désordonné, fougueux et éphémère, se gaspillant en intrigues et en aventures, condamné à l’impuissance par son incohérence même, capable d’exciter une révolte, incapable d’opérer une révolution, parce qu’il manque à ces velléités d’émancipation le sérieux, l’esprit de suite, des principes nettement formulés. […] Il n’y a pas du reste besoin de grand effort pour extraire le comique de la réalité. […] Vains efforts ! […] Ainsi encore, lors de la révocation de l’édit de Nantes, les efforts des pasteurs pour arriver jusqu’au roi furent vains pour la plupart. […] Il ne fallut pas moins de cent ans après la Renaissance pour que l’esprit français se coulât sans effort dans le moule classique et sût dégager son originalité de la servile imitation des anciens.
Quand vous croyez rêver le bonheur, vous ne rêvez tout au plus que la suppression de la souffrance ; encore vous ne la rêvez pas longtemps : bientôt votre songe vous paraît insignifiant et vain, et vous vous hâtez de rappeler la douleur, d’où naît l’effort et le mérite, et par qui seul se meut vers quel but ? […] Ce poème du bonheur, c’est donc en somme, le poème des efforts impuissants que fait l’esprit pour se le représenter et pour le définir. […] J’aime cet effort désespéré d’un poète triste et lucide pour exprimer l’ivresse et la joie. […] Une chose lui manque : la joie, la fierté de l’effort et du sacrifice accompli. […] Le Bonheur est (avec la Justice) un des plus vastes efforts de création poétique qu’on ait vus chez nous depuis les grands poèmes de Lamartine et de Hugo.
Mais, si le stoïcien est sans peine un satirique hautain ou véhément, il ne deviendra qu’après bien des efforts un poète comique ou un consciencieux réaliste. […] Mme Jacques Fréhel, inégale encore à l’effort de composer un livre harmonieux et encore impuissante à faire vivre les personnages qui lui répugnent, est admirable dans la peinture de quelques êtres nobles, qu’elle fait passer malheureusement sur les marges de l’intrigue. […] La réalité où se brisent ses flots chanteurs est dressée avec quelque effort peut-être, mais avec un effort triomphant. […] La poésie est donc simple grâce à un effort prolongé du poète. […] Mais il ne peut revenir en arrière et son effort deviendra enfin vaillant jusqu’au calme, car devant lui il apercevra, se confondant, s’unifiant, prometteuse d’il ne sait quelles joies pour les futures destinées : l’enfançonne dont le sourire précipita sa marche jusqu’à la chute ; la femme qui l’arrêta quelques jours et l’attarda des années.
Ce n’est point de jouir que l’activité se lasse ; c’est de l’effort qu’elle fait pour jouir, de la peine qui est le prix de sa jouissance. […] La loi même de similarité, au lieu d’être tout intellectuelle, se confond avec la loi qui veut que l’être sensible tende à son plus grand plaisir, car la similarité, en permettant la plus grande activité avec le moindre effort, produit par cela même du plaisir : le seul fait qu’une nouvelle expérience coïncide avec une expérience ancienne engendre un sentiment agréable. […] En associant les semblables, la conscience obéit à la loi universelle d’économie, qui veut que toute force s’exerce avec la moindre dépense possible, que toute appétition se satisfasse avec le minimum de peine : le rapprochement des semblables permet à la conscience d’embrasser d’un même regard une foule d’objets et de produire le plus grand travail avec le moindre effort. […] Enfin, c’est déjà jouir que se souvenir, car c’est contempler des semblables et doubler sans effort le présent avec le passé ; de là cette volupté secrète qui se retrouve jusque dans le souvenir de la douleur. […] Du côté psychologique, le vrai lien primitif des idées est leur rapports l’unité de l’appétition, de l’effort, de la volonté, jointe à l’unité de l’émotion et à l’unité de conscience.
La notion de l’Être absolu, pour Saint-Bonnet, donne l’être de l’homme, et c’est en creusant dans la notion de ces deux êtres, dont l’un a créé l’autre à même lui, qu’il arrive à la formation de la personnalité et du mérite dans l’homme, par l’effort et par la douleur. […] C’est l’effort et la douleur, fille de tout effort, qui font ce mérite, achèvement de sa création. […] Il conclut à la faire entrer dans le désir et la volonté de l’homme, qui doit vouloir l’achèvement de son être et sa rentrée, par la souffrance, dans l’Infini qui sera sa béatitude… Effort, travail, souffrance, voilà la loi. […] à cause même de sa faiblesse, l’homme doit s’édifier peu à peu, cran à cran, et pour ainsi dire seconde à seconde, par la vertu d’un effort sans répit.
Quelques hommes ont conservés, jusques à la fin de la vie, le pouvoir qu’ils avaient acquis, mais pour le retenir, il leur en a coûté tous les efforts qu’il faut pour arriver, toutes les peines que causent la perte ; l’un est condamné à suivre le même système de dissimulation qui l’a conduit au poste qu’il occupe, et plus tremblant que ceux qui le prient, le secret de lui-même pèse sur toute sa personne ; l’autre se courbe sans cesse devant le maître quelconque, peuple ou roi, dont il tient sa puissance. […] Quelques-uns d’eux craignent de se tromper, en renonçant au bien qu’il voulait leur faire ; aucun ne peut mépriser ni ses efforts, ni son but ; il lui reste sa valeur personnelle, et l’appel à la postérité ; et si l’injustice le renverse, l’injustice aussi sert de recours à ses regrets. […] Non : jamais un effort impuissant ne laisse revenir au point dont il voulait vous sortir, la réaction fait redescendre plus bas ; et le grand et cruel caractère des passions c’est d’imprimer leur mouvement à toute la vie, et leur bonheur à peu d’instants. […] quel prix pour de tels efforts !
Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’étaient tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir ou la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe […] Il en écoutait l’harmonie qui, volontiers, lui paraissait divine ; il en notait les avis, sans efforts, tantôt comme « le roseau qui soupire », tantôt comme le chêne qui crie dans la tempête, allant du doute à la foi, de la mélancolie à la joie, ballotté entre tous les extrêmes, sans seulement s’en apercevoir. […] Et enfin, et surtout, ce que l’on reconnaît, c’est que d’autres poètes ont eu peut-être d’autres qualités, plus d’art et de métier, par exemple, ou plus de passion ; ils ont encore été, ceux-ci, des inventeurs plus originaux ou plus puissants, et ceux-là, des âmes plus singulières ; mais nul, assurément, n’a été plus poète, si, dans la mesure on ce mot de poésie exprime ce qu’il y a de pins élevé dans l’idéal de l’humanité, nul ne l’a réalisé plus pleinement, ou n’en a plus approché, sans effort et sans application, naturellement, naïvement, par le seul effet de son instinct ou de la loi de son être, comme un grand fleuve coule scion sa pente. […] Il l’écrivit, dit-il, sans effort, comme en se jouant, pour se reposer de ses luttes politiques.
À mon sens, elle était mal faite ; ce n’est pas ainsi qu’on se débarrasse des gens ; il y faut d’autres procédés et plus d’efforts. […] Elles vous portent et vous font avancer d’elles-mêmes ; on n’a pas besoin d’effort, on pense sans le vouloir, et l’on ne s’aperçoit de son progrès et de ses découvertes qu’au plaisir paisible dont insensiblement on se trouve pénétré. […] Ils ne nous enseignent point à observer, à expérimenter, à induire ; ils ne font pas collection de faits, ils n’interprètent point la nature ; ils laissent Bacon gouverner les sciences expérimentales : c’est ailleurs qu’ils portent leurs efforts. […] On a dit que le propre de l’esprit français est d’éclaircir, de développer, de publier les vérités générales ; que les faits découverts en Angleterre et les théories inventées en Allemagne ont besoin de passer par nos livres pour recevoir en Europe le droit de cité ; que nos écrivains seuls savent réduire la science en notions populaires, conduire les esprits pas à pas et sans qu’ils s’en doutent vers un but lointain, aplanir le chemin, supprimer l’ennui et l’effort, et changer le laborieux voyage en une promenade de plaisir.
« Je ne pouvais plus, dit-il, m’orienter en la quittant, ou du moins il me fallait faire un long et pénible effort pour me retrouver. — Souvent il lui est arrivé de se trouver à une courte distance de sa demeure et de ne pouvoir reconnaître son chemin qu’après de longs efforts de réflexion ; deux ou trois fois, il s’assit sur la route, désespérant de retrouver sa maison, et se mit à pleurer à chaudes larmes. » Un autre malade130 écrit : « J’avais horreur d’aller à Divonne, pays nouveau pour moi. […] Je dus faire des efforts surhumains pour me rappeler que j’étais bien dans ma rue, que c’était bien moi qui marchais, qui parlais au cocher ; j’étais extrêmement étonné d’être compris par lui, car je remarquais en même temps que ma voix était extrêmement éloignée de moi, que du reste elle ne ressemblait pas à ma propre voix.
Théophile Gautier est le plus puissant limeur de cette littérature volontaire qui croit trop, mais enfin qui croit que l’effort humain l’emporte, en fait de poésie, sur la divine spontanéité. […] Romancier, critique, écrivain de théâtre, il a éparpillé quelquefois magnifiquement un talent poétique, fait essentiellement pour le vers, ce despote heureux de sa pensée ; puis, dans un effort suprême, lui, le poète de l’effort, il s’est ramassé en un volume, d’une condensation souveraine, qui résume son genre de talent avec une incroyable énergie, mais qui n’en est pas peut-être l’expression dernière et l’infranchissable limite.
Il se tentait dans l’art, dans la poésie, dans les diverses branches de la pensée, quelque chose de nouveau à quoi le public n’était pas encore accoutumé ; il a fallu bien des efforts pour qu’il y fût définitivement conquis. […] Nos successeurs diront sans efforts, et en deux mots, ce que nous nous sommes donné beaucoup de peine pour envelopper ou délayer.
La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. […] En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun.
Le mauvais larron s’est donc soulevé sur son gibet, et dans cet effort que la douleur lui a fait faire, il vient d’arracher la jambe qui a reçu le coup en forçant la tête du cloud, qui tenoit le pied attaché au poteau funeste. […] Rubens qui sçavoit si bien en imposer à l’oeil par la magie de son clair-obscur, fait paroître le corps du larron sortant du coin du tableau dans cet effort, et ce corps est encore la chair la plus vraïe qu’ait peint ce grand coloriste.
Thiers n’a pas eu d’effort à faire pour en saisir d’abord le courant principal et pour nous le faire remarquer. […] Aussi dans ce nouveau volume, après avoir commencé par une revue des derniers événements de guerre qui se prolongèrent quelque temps avec obstination sur quelques points de la circonférence, depuis Anvers défendu par Carnot, depuis Hambourg défendu par Davout, jusqu’à la bataille livrée dans la plaine de Toulouse par le maréchal Soult ; après avoir rendu justice à ces derniers efforts et avoir rallié, pour ainsi dire, tous les détachements de nos héroïques armées ; puis, avoir montré les Bourbons et Louis XVIII rentrant dans le royaume de leurs pères, avoir tracé du roi et des princes des portraits justes, convenables, et qui même peuvent sembler adoucis et un peu flattés plutôt que sévères (tant l’ancien journaliste polémique, l’ancien fondateur du National, a tenu à s’effacer et à se faire oublier dans l’historien !) […] Comme tout y est, et sans effort !
., indifférents aux questions théologiques, s’efforcèrent de rattacher les esprits aux principes de la liberté, et leurs efforts ne furent pas entièrement perdus pour la raison. […] Cependant les philosophes anglais, en général, ne se permettent pas de tout examiner ; et l’utilité, qui est le mobile de leurs efforts, leur interdit en même temps un certain degré d’indépendance. […] Cette disposition d’esprit, chez les Français, doit porter très haut le vrai talent ; mais elle entraîne la médiocrité dans des efforts gigantesques et ridicules.
Mais la religion, dans l’acception générale, suppose une inébranlable foi, et lorsqu’on a reçu du ciel cette profonde conviction, elle suffit à la vie et la remplit toute entière ; c’est sous ce rapport que l’influence de la religion est véritablement puissante, et c’est sous ce même rapport qu’on doit la considérer comme un don aussi indépendant de soi, que la beauté, le génie, ou tout autre avantage qu’on tient de la nature, et qu’aucun effort ne peut obtenir. […] On ne m’accusera point, je crois, d’avoir affaibli le tableau de l’influence de la religion, cependant je ne pense pas qu’indépendamment de l’inutilité des efforts qu’on pourrait faire à cet égard sur soi-même, on doive compter l’absorbation de la foi au rang des meilleurs moyens de bonheur pour les hommes. […] Les qualités naturelles, développées par les principes, par les sentiments de la moralité, sont de beaucoup supérieures aux vertus de la dévotion ; celui qui n’a jamais besoin de consulter ses devoirs, parce qu’il peut se fier à tous ses mouvements, celui qu’on pourrait trouver, pour ainsi dire, une créature moins rationnelle, tant il paraît agir involontairement et comme forcé par sa nature ; celui qui exerce toutes les vertus véritables, sans se les être nommées à l’avance, et se prise d’autant moins, que ne faisant jamais d’effort, il n’a pas l’idée d’un triomphe, celui-là est l’homme vraiment vertueux.
Nous n’avons d’autre moyen que de nous le figurer sur le type de ce que nous appelons agir, faire effort, tendre, désirer, vouloir. […] Vouloir, tendre et faire effort, par exemple pour prolonger un plaisir ou écarter une douleur, pour retenir ou repousser une idée, c’est là une attitude mentale que nous ne saurions confondre avec l’attitude passive. […] Aussi, tout en reconnaissant avec Maine de Biran la part du sentiment de l’effort dans l’idée de cause, il est faux de représenter l’effort comme une révélation de la causalité transitive ou « les deux termes et leur lien » seraient donnés. […] C’est dans l’effort mental, non dans l’effort musculaire, qu’il faut chercher l’origine de l’idée de lien causal entre deux états successifs, de nexus, de force plus ou moins intense amenant l’un à la suite de l’autre par une action nécessitante. […] Ce sentiment est au plus haut point dans la douleur subie malgré nos efforts, pour nous en délivrer.
Au moment de nous mettre en marche vers l’avenir, peut-être n’est-il pas mauvais de rallier vers un but commun les volontés hésitantes, en définissant plus nettement l’objet de nos efforts. […] Exciter, entretenir et finalement satisfaire la plus banale curiosité, à cela se réduit tout l’effort. […] Il est la plus haute expression de la vie dans son effort incessant vers l’ordre et la beauté. […] En dépit de tous ses efforts pour se guinder à la vertu, l’auteur de l’Émile reste le bohème et l’esclave en révolte. […] Des indices certains permettent d’espérer la guérison : quand ce ne serait que cet effort de quelques provinces pour recouvrer leur vitalité d’autrefois !
La forme est d’une nouveauté singulière, dans sa simplicité charmante et sans effort. […] Qui aurait pu penser que des efforts, même démesurés, auraient raison d’une constitution d’apparence si vigoureuse ? […] Ce n’était que le moindre effort dont Jouffret fût capable. […] Giraud, dans son étude des ouvrages de Paul Bourget, d’avoir dissimulé la valeur du critique et la portée des efforts du penseur. […] On sait l’inanité de ses efforts antérieurs pour faire aboutir à l’impression les Romances sans paroles.
Tous les efforts pour créer des ordres pauvres ne sont pas autre chose qu’un retour instinctif à l’esprit ancien de l’Église, et un effort pour retrouver contact avec le peuple, qui échappe. Mais ces efforts sont incomplets. […] D’abord c’est elle qui produit l’effort. […] Parler d’harmonie d’efforts où il n’y a point d’effort fait, c’est un peu inutile. […] C’est à quoi Ballanche met tout son dernier effort.
Pour quelque temps, du moins, les bornes de la destinée de l’homme, l’analyse de la pensée, la méditation de la philosophie, se sont perdues dans le vague d’un sentiment délicieux ; la vie qui pèse était entraînante, et le but, qui toujours paraît au-dessous des efforts, semblait les surpasser tous. […] Mais quand c’est au premier objet de ses affections que la vie est consacrée, tout est positif, tout est déterminé, tout est entraînant, il le veut, il en a besoin, il en sera plus heureux ; un instant de sa journée pourra s’embellir au prix de tels efforts. […] Des années de peines et d’efforts leur valent un jour, une heure de cet enivrement qui dérobe l’existence ; et le sentiment fait éprouver, pendant toute sa durée, une suite d’impressions aussi vives et plus pures que le couronnement de Voltaire, ou le triomphe d’Alexandre. […] Je crains qu’on ne m’accuse d’avoir parlé trop souvent, dans le cours de cet ouvrage, du suicide comme d’un acte digne de louanges ; je ne l’ai point examiné sous le rapport toujours respectable des principes religieux, mais politiquement, je crois que les républiques ne peuvent se passer du sentiment qui portait les Anciens à se donner la mort ; et dans les situations particulières, les âmes passionnées qui s’abandonnent à leur nature, ont besoin d’envisager cette ressource pour ne pas se dépraver dans le malheur, et plus encore, peut-être, au milieu des efforts qu’elles tentent pour l’éviter.
Et de l’effort que chaque artiste fait à rendre ce qui le frappe et le touche, provient son style individuel, la particularité de son vocabulaire et de sa syntaxe, qui révèle, le plus sûrement la qualité intime de son intelligence. […] La physionomie de la Faustin lui apparaît tantôt dessinée en ombres et méplats lumineux, par une lampe posée près de son lit, tantôt s’assombrissant, se creusant sous une émotion tragique : Subitement sur la figure riante de la Faustin, descendit la ténébreuse absorption du travail de la pensée ; de l’ombre emplit ses yeux demi-fermés ; sur son front, semblable au jeune et mol front d’un enfant qui étudie sa leçon, les protubérances, au-dessus des sourcils, semblèrent se gonfler sous l’effort de l’attention ; le long de ses tempes, de ses joues, il y eut le pâlissement imperceptible que ferait le froid d’un souffle, et le dessin de paroles, parlées en dedans, courut mêlé au vague sourire de ses lèvres entr’ouvertes. […] De ce goût pour la vie, de ce perpétuel et paradoxal effort à rendre le mouvement avec des mots figés et une langue plus ferme que souple, de cette artistique quadrature du cercle, provienne singulier style de M. de Goncourt. […] Personne ne pouvait mieux rendre les légers et coquets caprices d’une âme de fillette, la demi-pâmoison d’une femme amoureuse, la longue douceur de la passion satisfaite : En la paix du grand hôtel, au millieu de la mort odorante de fleurs, dont la chute molle des feuilles, sur le marbre des consoles, scandait l’insensible écoulement du temps, tandis que tous deux étaient accotés l’un à l’autre la chair de leurs mains fondue ensemble, des heures remplies des bienheureux riens de l’adoration passaient dans un far-niente de félicité, où parler leur semblait un effort.
Pourquoi nous efforcer d’enrichir nos corps et nos cerveaux, puisque le néant est au bout de nos efforts, la nature, une tromperie et un piège, la vie un châtiment ? […] L’animal humain, non chrétien par nature, possède en lui un instinct de vie et un inconscient désir d’accroissement qui durent entraver ses efforts énergiques pour parvenir à l’anéantissement, c’est-à-dire au seuil de la vie bienheureuse. […] C’est la décrépitude et presque l’agonie : il semble que les plus énergiques efforts pour restaurer cette ruine doivent demeurer sans effet. […] Rien n’existe que par elle et tout effort serait vain qui prétendrait s’opposer à ses énergies.
Religion, liberté, ordre public, littérature, rien ne s’est développé parmi nous qu’avec effort, au milieu de luttes sans cesse renaissantes, et sons les influences les plus diverses. […] La souveraineté des Pays-Bas, malgré les efforts des Hollandais pour la lui faire accepter, ne tenta point sa prévoyante ambition. […] Leurs efforts plus ou moins heureux, mais soutenus avec une grande activité, entretenaient ce goût pour le théâtre qui survit aux époques de ses chefs-d’œuvre. […] On est entré sans effort dans cette nouvelle partie de la situation ; elle suit son cours ; les assassins se présentent ; le massacre commence. […] On a vu combien d’art et d’efforts avait employés Shakespeare à surmonter celles qui sont inhérentes à son système.
Le filtre est très serré qui laisse pénétrer jusqu’à lui les efforts nouveaux. […] Qu’y a-t-il d’essentiel dans une méthode d’éducation qui habitue sans cesse l’esprit au petit effort sur lui-même, petit effort de traduction, petit effort d’ornement et d’élégance, sur des bases indiscutables et axiomatiques, avec interdiction de généralisation — heureusement d’ailleurs, car que généraliseraient-ils ? […] Comment cet effort fut-il conçu ? […] Les efforts du bûcheron sont infructueux, il s’y met lui-même. […] Rimbaud exige du sien un petit effort.
[L’Effort (mars 1898).] […] Bataille ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir… La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire ; tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort.
Guyard a largement travaillé pour sa part au grand édifice de la science moderne, dont les profondeurs cachent tant d’efforts anonymes. […] Tu as été un bon ouvrier dans l’œuvre excellente qui se construit avec nos efforts.
Lisez, par exemple, cette peinture du pécheur mourant : « Enfin, au milieu de ses tristes efforts, ses yeux se fixent, ses traits changent, son visage se défigure, sa bouche livide s’entrouvre d’elle-même, tout son esprit frémit ; et, par ce dernier effort, son âme s’arrache avec regret de ce corps de boue, et se trouve seule au pied du tribunal redoutable193. » À ce tableau de l’homme impie dans la mort, joignez celui des choses du monde dans le néant.
Ce philosophe a très bien senti l’insuffisance, le verbalisme où aboutissent certains efforts sociaux, tant d’enthousiasmes dépensés et tant de sang versé ; mais si le but qu’on déclarait viser, — à savoir la justice sociale — n’a pas été atteint (et cette sévérité pour l’œuvre de la Révolution, fort explicable dans la bouche d’un socialiste, ne vous étonne-t-elle pas un peu chez un admirateur des libertés anglo-saxonnes ?) […] J’ose dire que dans les œuvres dont la nature m’avait prescrit la tâche, j’ai travaillé nuit et jour sans me permettre la moindre distraction ; loin de là, mes efforts, mes recherches, mon activité, tout a été aussi consciencieux qu’il dépendait de moi.
La vertu commença par l’effort. […] Par suite de ce premier effort, la vertu commença à poindre dans les âmes.
Chaque geste, chaque trait du visage, chaque pli d’un vêtement rappelle un labeur immense : nous sommes opprimés sous le poids de notre expérience, et nous traînons après nous comme une chaîne le prix des efforts et des douleurs de quatre-vingts générations. […] Partout autour de nous, dans les objets les plus bruts et les plus inertes, il y a des tendances, des élans, des efforts, des impuissances et des victoires, en sorte que notre âme, se retrouvant en eux sous une autre forme, se contemple dans la plante qui est une puissance, comme elle s’est contemplée dans l’animal qui est une pensée. […] Une pousse est venue, une autre va venir ; voilà toute la vie végétale exempte d’effort, de privation et de recherche, encore plus douce à contempler que celle de l’animal. […] Dégagé de toute loi, il n’aspire plus à un but, et n’est plus contrarié dans son effort. […] Le propre des êtres sans forme est d’atteindre leur développement par les états contraires, d’être indifférents à l’issue de leur effort, de se continuer dans leurs voisins, et, par le manque de but et de limites, d’atteindre la perfection du calme et l’apparence de l’infinité.
Mais, entre la facilité qui pond sans effort et la fécondité laborieusement et quelquefois douloureusement puissante, il y a un abîme, et l’impossibilité, pour les esprits qui réfléchissent d’une confusion. […] Croyez-vous qu’il soit possible de mettre plus de réflexion, d’effort, de recherche, à exprimer des choses plus dégoûtantes dans un style plus fastueux ? […] Et si, un jour, on a cru voir la crinière du lionceau pointer autour de la tête de ce nouveau venu en littérature qui publia Madame Bovary, elle ne poussa bientôt plus, et le lion qu’on avait cru voir dans Flaubert, et qui s’est détiré opiniâtrement toute sa vie pour sortir de sa gaine, n’en est point sorti, et même ses efforts pour en sortir l’y ont enfoncé davantage ! […] Pour lui, le talent, c’est l’effort, l’effort continu, l’effort infatigable ; c’est l’étude, c’est l’étude acharnée. […] Parmi ceux-ci, qui sont une inondation, Gustave Flaubert a des admirateurs passionnés et presque des fanatiques, qui lui ont fait une gloire aussi disproportionnée avec son talent que le mérite de ses œuvres avec l’effort de travail qu’elles lui ont coûté.
Le dernier effort de l’art, c’est enfin de se dissimuler. […] Jules Lemaître à un tempérament nonchalant et ennemi de l’effort. […] Il est facile, coulant, sans rien qui dénote l’effort ni la recherche. […] Pour sa part, il a poussé jusqu’aux extrêmes limites cet effort de détachement. […] Il a une voix superbe, admirablement timbrée et qui remplit l’église sans effort.
Cette âme, qui possède comme faculté maîtresse l’imagination du sentiment, fait effort pour exalter en elle au plus haut point cette faculté. […] Elle et lui sont une œuvre incohérente et manquée ; — mais la beauté, où donc se rencontre-t-elle, si ce n’est par l’effort du raisonnement qui réunit en un faisceau toutes ces agitations éparses et se figure la poussée gigantesque de l’effort total ? […] Il est au contraire si compliqué, si vaste même qu’il peut servir de point de départ à des efforts très opposés. […] Aperçue sous cet angle de fatalisme absolu, la vie humaine n’est plus qu’une aventure triste et dangereuse, un effort inutile et condamné par avance. […] Le sentiment de l’inutilité de l’effort humain n’aboutit pas chez l’écrivain russe à la haine de l’homme.
Le xviiie siècle a fait effort pour ranimer la tragédie. […] Crébillon Elle était bien malade, dès le jour où elle perdit Racine : par un effort de génie qui ne sera pas renouvelé, il avait su pousser son observation bien au-dessous de la surface polie des mœurs actuelles jusqu’aux explosions immorales, douloureuses, brutales, des passions naturelles. […] De là son attachement à Quinault, et de là son effort pour établir à la Comédie Française la singularité des décorations, des costumes, et tout ce qui s’y pouvait transporter de la mise en scène de l’Opéra.
Toutes, elles nous suggèrent le sentiment d’une contrarié fatale entre la destination naturelle d’une énergie et le but vers lequel cette énergie oriente consciemment son effort. […] La seconde part de sa richesse lui est livrée avec plus ou moins d’abondance par l’éducation qui suscite en lui, par le moyen du mot, des images-notions et le met en possession des résultats acquis par l’effort des meilleurs représentants de l’espèce au cours des âges. […] Il semble que le risque de se concevoir autre qu’il n’est augmente pour l’être humain avec le développement de la civilisation : avec l’accroissement de la richesse collective, la difficulté devient plus grande pour l’individu de distinguer parmi tous les acquêts du passé, parmi toutes les conceptions réalisées par l’effort moral, intellectuel ou sentimental de l’Humanité antérieure, d’un mot, parmi toutes les notions qui s’offrent à lui, celles qui doivent demeurer pour lui des objets de connaissance et des spectacles de celles qui peuvent être pour lui des objets de pratique.
Il y a de l’effort, de la recherche courageuse et persistante, de la patience, du dévouement, des vertus ; car on fait un dictionnaire bien plus avec des qualités morales qu’avec des qualités intellectuelles, — et c’est pourquoi il y en a si peu de bons. […] Il a eu l’idée d’une telle histoire et il l’a dégrossie, mais il ne l’a pas chassée, toute vibrante, du bloc de travaux où elle sommeillait renfermée, et d’où une main plus violente, sinon plus vigoureuse que la sienne, ne la tirera qu’à force d’obstination et d’effort hardi. C’est que l’effort acharné et la hardiesse ne sont peut-être pas dans la nature de Quitard, esprit avisé, curieux, ingénieux, mais placide, et qui ne nous a donné depuis son Dictionnaire que le volume de cette Étude.
Nonobstant l’effort de ces grands hommes, — de ces grands Spirituels, — il resta au fond de l’enseignement, en s’aplatissant, il est vrai, en y rampant, en s’y coulant comme un reptile, mais il y resta. […] Le plus bel effort des esprits vigoureux est de renouer les traditions, en toutes choses, quand elles ont été rompues ; c’est de se rattacher à ce passé qui est toujours une vérité ensevelie. […] Tessier est une de ces intelligences qui travaillent à renouer la chaîne des enseignements scientifiques, et jamais il ne nous a paru plus heureux dans son effort qu’en posant (pourquoi n’est-ce que de profil ?)
Que M. de Vigny encourage les Gilbert et les Chatterton contemporains à compter plus sur eux-mêmes, à s’assurer l’indépendance par un libre effort. […] Lui aussi, peu jaloux des succès faciles, il n’aspire qu’à ceux qu’il faut payer des plus rudes efforts et des plus durs sacrifices. […] Plus il fait d’efforts pour nous arracher un éclat de rire, plus nous devenons froids. […] Le résultat ne vaut pas l’effort. […] Pourquoi donc, malgré tant d’efforts et de mérites, le succès est-il resté douteux ?
Elle était connue, assez mal connue, il est vrai, très-mal famée, et elle semblait condamnée sans appel ; il a fallu un certain effort de curiosité et une sorte de courage de goût pour revenir jusqu’à elle et y pénétrer. […] Lorsque, en 1827, à l’occasion du sujet proposé par l’Académie française, qui avait demandé le Tableau de notre littérature au xvie siècle, quelques esprits curieux se portèrent plus particulièrement vers la poésie de ce temps-là, leur première impression fut la surprise : on leur avait tant dit que cette poésie, celle qui remplissait l’intervalle de Clément Marot à Malherbe, était barbare et ridicule, qu’ils furent frappés de voir, au contraire, combien elle l’était moins qu’on ne le répétait de confiance ; combien elle offrait, après un premier et rude effort, d’heureux exemples de grâce, d’esprit, et parfois d’élévation. […] Émile Chasles, dans une thèse sur la Comédie en France au xvie siècle (1862), a rendu plus de justice qu’on ne l’avait fait encore à l’effort tenté par quelques poètes de la Pléiade pour instituer une comédie qui ne fût plus celle des carrefours et qui tendait à devenir la comédie des honnêtes gens. […] Ils ont beau vouloir se familiariser avec nous par l’étude, toujours l’effort se trahit par quelque étrangeté, et il est indubitable qu’un des nôtres, un Français, s’armât-il lui-même d’une méthode rigide, est mieux qualifié pour cette sorte d’anatomie de notre langue dans des parties qui sont encore à demi vivantes et où l’usage intervient à tout moment avec son tact et sa sensibilité. […] Il ne fallait pas moins qu’un tel effort si bien concerté pour couper court à la routine et se tirer une bonne fois de la vieille ornière.
En ces années finales de la Restauration, il y avait un effort dans l’ordre de l’esprit, un essor marqué qui s’essayait en bien des genres. […] Et restituant à la révolution de Juillet son sens général et unanime, la montrant indépendante des menées souterraines du carbonarisme, régulière, pour ainsi dire, et légale, et avouable en plein soleil, il ajoutait ces mémorables paroles, où un vrai patriotisme respire : Cette victoire est celle de la nation entière, et la nation qui n’a jamais conspiré, la nation qui croit ne s’être pas insurgée, mais avoir réprimé et puni l’insurrection du pouvoir, la nation, disons-nous, s’étonnerait et s’alarmerait de manifestations qui ne lui rappellent point des efforts et une gloire à elle, mais des dévouements particuliers à des affiliations politiques, et qui ne peuvent être appréciés à toute leur valeur que par ceux qui les ont vus de très près. […] … En vain Carrel a voulu se réprimer à force de raison et de prudence : cet effort, chez les bons esprits, mais qui sont doublés d’un cœur trop fervent et d’une bile trop ardente, cet effort pénible dure deux ou trois jours de la semaine : le quatrième, au plus tard, l’humeur reparaît, elle l’emporte et l’on s’abandonne. […] Tel qu’il était, il appelait aussitôt l’attention sans effort et la déférence naturelle autour de lui.
Le sentiment s’affaiblirait, s’éteindrait même dans l’orateur, par le soin froid et étudié qu’il se donnerait pour le rendre ; et tout le fruit de ses efforts serait de persuader à ses auditeurs qu’il ne ressentait pas ce qu’il a voulu leur inspirer. […] Un des moyens les plus sûrs pour juger si le style a cette simplicité si précieuse et si rare, c’est de se mettre à la place de l’auteur, de supposer qu’on ait eu la même idée à rendre que lui, et de voir si, sans effort et sans apprêt, on l’aurait rendue de même : Ô malheureux Phocas ! […] Peut-on rien lire de plus ridicule que le commentaire de Despréaux sur la première ode de cet auteur, et ses efforts pour travestir en sublime le mélange bizarre que le poète grec fait dans la même strophe, de l’eau, de l’or, et du soleil avec les jeux olympiques ? […] Cicéron, déjà tant cité, et qui ne saurait trop l’être dans un écrit sur l’éloquence, doit un de ses plus grands charmes à la facilité inimitable de son style : si on y aperçoit quelque légère étude, c’est dans le soin d’arranger les mots ; mais on sent que ce soin même lui a peu coûté, et que les mots, après s’être offerts à son esprit sans qu’il les cherchât, sont venus d’eux-mêmes, et sans effort, s’arranger sous sa plume. […] La plupart des poètes, accoutumés au langage ordinaire de la versification, le transportent comme malgré eux dans leur prose : ou s’ils font des efforts pour la rendre simple, elle devient contrainte et sèche ; et s’ils s’abandonnent à la négligence de leur plume, leur style est traînant et sans âme.
La force & la fécondité, l'élévation & la souplesse, le naturel & le sublime, un art supérieur d'exciter la surprise & d'entretenir l'admiration, sont, sous sa plume, des ressorts puissans qui élevent l'esprit du Lecteur, & le conduisent sans effort dans les routes sublimes que l'Auteur se fraye à lui-même. […] M. de Voltaire a beau s'épuiser en raisonnemens, se consumer en recherches, pour prouver que celui dont il se glorifioit autrefois d'être l'Eleve & l'Ami, est véritablement l'Auteur des Couplets qui occasionnerent ses malheurs ; tous ses efforts seront inutiles, & ne produiront jamais que cette réflexion : Comment l'Auteur de tant d'Ouvrages, plus condamnables & plus odieux que ces mêmes Couplets, ose-t-il se déclarer si obstinément l'accusateur d'un homme plus malheureux que coupable, plutôt soupçonné que convaincu ?
La première est d’ailleurs sortie d’un effort collectif, tandis que la seconde reflète le génie propre d’Einstein. […] Aucun effort d’analyse ne les résoudra en quantité pure.
Dramatique sans effort, lyrique délicieusement, polémiste et pamphlétaire, savant et amoureux, il eût fait des chefs-d’œuvre dans le roman psychologique, si sa forte culture classique ne l’eût fait céder tout naturellement à la tradition lettrée qui mettait la tragédie bien au-dessus du roman. […] Cet effort immense, que la littérature nous atteste et nous explique depuis huit cents ans, inspire le respect, l’admiration et l’amour. […] Cet effort est un fait indestructible de la civilisation, une partie intégrante de la conscience humaine. […] Que les peuples se succèdent, pourvu que l’effort continue ! […] Il s’aperçoit que tous les efforts de sa vie ont tendu à réaliser une destinée, logique sans doute mais imprévue.
Lire Dante et le lire de près, c’est presque inévitablement désirer de le traduire, c’est entrer dans les replis de son génie, et après y avoir pénétré (ce qui demande tout un effort), c’est concevoir la pensée d’y introduire les autres. […] Ce sont là les dispositions naturelles et sincères, c’est le point de départ d’où l’esprit français eut à s’élever graduellement pour arriver à la connaissance et à l’admiration sentie de Dante ; mais par combien d’efforts ! […] Louis Ratisbonne, en a tenté en vers une traduction complète qu’il poursuit : noble effort, en partie heureux, et qui est encore à saluer là même où il semble à peu près impraticable. […] Il y a une part à faire, en toute production plus ou moins ancienne, à ce qui est des mœurs, des coutumes, des particularités religieuses ou même de certaines conventions poétiques, et le beau immortel ne se dégage pour nous qu’après quelque effort et quand on s’est remis au point de vue.
Je le prends dans mes bras, je le soulève, je l’embrasse, alors ses lèvres jettent avec effort des sons qui ne sont plus des paroles, des murmures, des bruissements douloureux qui ne disent rien. […] Il est arrivé à ne distinguer que difficilement les poids avec lesquels il fait de la gymnastique, à ne reconnaître qu’avec un effort les gros des moyens, les moyens des petits. » « L’attention, cette prise de possession intelligentielle de ce qui se passe autour de nous, cette opération si simple, si facile, si alerte, si inconsciente de la santé des facultés cérébrales, l’attention, il n’en est plus le maître. Il lui faut, pour l’exercer, un énorme effort, une contention qui fait saillir les veines de son front et le laisse brisé de fatigue. […] De si déchirants efforts pour avaler de petits morceaux de glace pas plus gros que des têtes d’épingle.
Il semble, durant cette première période de la vie humaine, que l’effort héréditaire employé tout entier à composer le squelette, les tissus et les nerfs, et, d’une façon générale, l’être physiologique, soit impuissant alors à opposer une résistance importante, en ce qui touche à la mentalité, aux images-notion suscitées par le milieu. […] Cette faute de critique et cette préférence mettent au service d’une faculté relativement médiocre tout le pouvoir d’effort attentif et conscient, dont la faculté maîtresse se voit privée. […] L’absence du sentiment de l’effort, qui n’est point toujours synonyme d’une moindre dépense, l’aveugle sur l’intérêt et la grandeur des œuvres qu’il réalise, au lieu que cette sensation d’effort, intervenant dans les tâches où il voudrait en vain exceller, contraint son attention, excite en lui un désir de possession et de victoire.
Albalat, avec une érudition profonde et un esprit d’observation remarquable, aiguisés encore par la concentration d’un effort continu, s’est proposé de combler et qu’il a comblée, au jugement des critiques de valeur, qui ont pris la peine de suivre attentivement son œuvre. […] Il s’agit seulement de s’en approcher le plus près possible, et cet effort n’est pas une tentative vaine. […] Des mois et des années d’effort sont, bien entendu, nécessaires pour s’exercer à appliquer les préceptes contenus dans chacun de ces vingt chapitres. […] Ils croient écrire sans reproche parce qu’ils écrivent sans peine, et, prenant l’absence d’effort pour un signe d’inspiration, ils refusent d’en avoir le démenti ; il n’y a vraiment pas moyen de leur en vouloir.
Placer ses Héros dans des circonstances embarrassantes, les en tirer sans effort ; étonner le Spectateur par des sentimens, des réponses, des raisonnemens imprévus ; réunir à la fois l’élévation des pensées, la grandeur des images, la variété & l’énergie du style : tout cela n’étoit qu’un jeu pour un Génie devant qui les difficultés s’applanissoient d’elles-mêmes. […] Corneille ne cessera donc jamais d’être le Grand Corneille, malgré les efforts de ceux qui, n’ayant pu l’imiter, cherchent à miner le Colosse de sa réputation.
Elle met son suprême effort à se renoncer elle-même. […] Rosny se l’ait sans effort le contemporain de l’homme des cavernes. […] quelles minutes où se concentre et se résume l’effort de toute une vie ! […] Il a fait effort. […] Ils s’unissent en vue de l’effort commun.
C’est à peine si on tient compte de l’effort du xviiie siècle. […] Il s’était pris d’amitié, de bonne heure, avec Cézanne, qui devait devenir plus tard l’émule de Monet, dans le grand effort de l’école impressionniste. […] C’est le perpétuel effort du chaos pour limiter les formes et les différencier à l’infini. […] Car l’humanité redoute toujours un effort nouveau. » Ce sont là, n’est-ce pas, de violentes affirmations. […] Voyez : L’Œuvre et la formule, nos 2, 3, 5, 7 et 8 (l’Effort).
C’est ça qu’on nomme une révolution, ce grand effort momentanément couronné. […] Le cartésianisme a été dans son principe un effort pour conduire la raison à la recherche de la vérité dans les sciences, (mais par sciences Descartes entendait évidemment une partie de ce que nous nommons métaphysique, et au moins les métaphysiques des sciences). Le bergsonisme a été dans son principe un effort pour conduire la raison à l’étreinte de la réalité. […] Déjà le platonisme avait été dans son principe un effort pour conduire la raison par la dialectique idéale ou si l’on veut idéique à la source même de l’être. Le bergsonisme a été un effort aussi grand, un effort du même ordre, et je dirai un effort dans le même sens.
Cet acte de sa volonté, couronné par un succès inattendu, lui fit faire de nouveaux efforts. […] Ce ne fut même qu’en faisant un grand effort sur lui qu’il parvint à se rendre maître de l’agitation intérieure qu’il éprouva en ce moment. […] Mais, trompée dans ses calculs par la prolongation des affaires, elle faisait un dernier effort pour traverser le quai avant le passage du fatal cortège. […] Ne consume pas ton admiration stérile sur les efforts de l’art impuissant. […] Sa mère, depuis son veuvage, sentant la nécessité de préparer son fils à embrasser une profession lucrative, fit des efforts pour l’engager à s’occuper d’architecture.
L’effort qu’ils réclament et proclament, nos consciences ne peuvent l’accomplir. […] Cette phrase elle-même crée le vers sans effort et par son simple développement. […] Mais il y a une marche du connu vers l’inconnu, un effort graduel à fixer l’insaisissable, effort d’un cerveau neuf, ennemi des routines et des dogmes, vibrant à l’excès, passionné pour la vie. […] À la faveur de ces efforts, le mot se trouve et se définit. […] en faut-il du temps et de l’effort pour modifier ainsi le sol d’un grand pays.
Son talent principal a été de combiner ses Pieces de telle sorte, que la fable du Poëme, la disposition des Scenes, l’intérêt des personnages, l’appareil du Spectacle, se développent sans effort & sans aucune espece de confusion. […] Le naturel, il est vrai, s’énonce sans effort, quand l’esprit & le cœur, qui le produisent par leur accord, sont profondément pénétrés ; mais il n’exclut ni la noblesse, ni l’élévation, ni le choix des expressions, ni la finesse, ni l’élégance des tours.
Sans vocation, pas d’écrivain possible, cela va de soi, et c’est dans ce sens qu’on peut dire « qu’on ne se donne pas son style », Mais cette disposition obscure, ce don qu’on ne s’était pas découvert, nous disons, nous : c’est la volonté qui les dégage, c’est le travail qui les précise, c’est l’effort qui les développe. […] Je n’ai fait toute ma vie que des raisonnements, je suis habitué aux abstractions ; il faut que je sorte de moi-même, que je change toutes les allures de ma pensée, que j’apprenne le style descriptif23. » La question est donc tranchée, Taine lui-même nous le dit : son évolution a été réfléchie ; il a changé volontairement sa manière : cet effort lui a coûté ; il a peiné, travaillé, persisté, et le labeur a fini par développer ses dispositions naturelles, et c’est ainsi qu’il s’est assimilé le style descriptif, où il a, d’ailleurs, excellé.
Il est vrai que l’esprit positif, parvenu à son entière maturité, tend aussi à subordonner la volonté elle-même à de véritables lois, dont l’existence est, en effet, tacitement supposée par la raison vulgaire, puisque les efforts pratiques pour modifier et prévoir les volontés humaines ne sauraient avoir sans cela aucun fondement raisonnable. […] Dans ses spéculations journalières, il en reproduit spontanément l’actif sentiment élémentaire, en représentant toujours l’extension et le perfectionnement de nos connaissances réelles comme le but essentiel de nos divers efforts théoriques. […] Ainsi, cette idéale prépondérance de notre humanité sur notre animalité remplit naturellement les conditions essentielles d’un vrai type philosophique, en caractérisant une limite déterminée, dont tous nos efforts doivent nous rapprocher constamment sans pouvoir toutefois y atteindre jamais. […] L’esprit positif, au contraire, est directement social, autant que possible, et sans aucun effort par suite de sa réalité caractéristique. […] Aucune supériorité personnelle ne peut vraiment dispenser de cette gradation, fondamentale, au sujet de laquelle on n’a que trop l’occasion de constater aujourd’hui, chez de hautes intelligences, une irréparable lacune, qui a quelquefois neutralisé d’éminents efforts philosophiques.
C’est par de telles études préparatoires, quand on ne s’y oublie pas, c’est par de tels ingénieux secrets, longuement médités, que les vrais poëtes savent ressaisir, d’un puissant effort, les langues et les styles aux âges de décadence, parviennent à les arrêter au penchant, ou même leur font remonter avec honneur les pentes glorieuses. […] quelle ruse, ou quel long effort, ou quelle si grande puissance fut capable de t’enlever le manteau et les bandelettes d’or ? […] Les autres se préoccupaient davantage de l’Allemagne, du moyen âge et des théories dramatiques : lui, il resserra et poussa uniquement ses efforts dans la haute poésie lyrique, et aussi dans des écrits en prose d’une extrême perfection. […] On ne saurait, en France, comparer ce privilège heureux de l’Italie140 à nos efforts estimables et incomplets d’archaïsme studieux. […] Nous ne remontons guère par la pratique au delà de Rabelais ou de Ronsard, et encore que d’efforts et de faux pas pour y arriver !
Il faut des redites à la mémoire que paralyse souvent l’effort de l’intelligence, et c’est le sentiment qui écoute, plutôt que la raison. […] C’est à la raison froide, à la raison seule et universelle que se dédient leurs efforts. […] L’effort direct vers la pensée ne sera plus l’emploi principal de la vertu poétique, mais la pensée ne sera plus oubliée. […] C’est nous qui nous élevons vers elle et puis retombons, las de l’effort, cela rhythmiquement et d’une façon très harmonieuse. […] Il y aurait lieu de se demander s’ils n’ont pas imprudemment précipité leurs efforts : « Je renverserai le temple et je le rebâtirai… » Il y faudra plus de trois jours !
La vertu, c’est l’effort de l’être pour réaliser sa loi ; c’est l’effort vers l’ordre. […] Tous les défauts disparaissent dans la grandeur de l’ensemble, et lorsqu’on feuillette le Répertoire de la comédie humaine, on a besoin de faire effort pour distinguer les personnages fictifs des individus historiques qui sont mêlés parmi eux. […] Balzac nous montrait les faits : l’effort universel, la lutte brutale pour la fortune, pour les places, pour le pouvoir. […] Ceux qui sont d’honnêtes natures, douces et veules, se résignent à vivre mesquinement, à avancer lentement ou à marquer le pas dans leur carrière, contents du lopin qu’on leur abandonne, ou bien découragés par les compétitions, abrutis par l’effort. […] Il fait effort pour n’avoir pas l’air d’un écrivain de profession.
Les descriptions, les analyses de cœur, les conversations rapportées, les pièces diplomatiques citées au long, nous font plus d’une fois perdre de vue l’auditoire ; et quand le chien Rask remue la queue, ou que le sergent Thadée pousse une exclamation, on a besoin de quelques efforts pour se rappeler le lieu et les circonstances. […] Tant qu’on reste en effet sur le terrain moyen des aventures humaines dans la zone mélangée des malheurs et des passions d’ici-bas, comme l’ont fait Le Sage et Fielding, on peut garder une neutralité insouciante ou moqueuse, et corriger les larmes qui voudraient naître par un trait mordant et un sourire ; mais dès qu’on gravit d’effort en effort, d’agonie en agonie, aux extrémités funèbres des plus poétiques destinées, le manque d’espérance au sommet accable, ce rien est trop, ce ciel d’airain brise le front et le brûle.
De tels efforts étouffent les dons de la nature, au lieu de les perfectionner. […] Pourquoi les esprits distingués, quelle que soit la carrière qu’ils suivent, ne réunissent-ils pas leurs efforts pour soutenir toutes les idées qui ont en elles de la grandeur et de l’élévation ? […] Serait-il vrai qu’une âme fière et indépendante, de quelque supériorité qu’elle soit douée, ne doit attendre des adversaires des idées philosophiques, qu’injustice ou silence ; injustice, lorsqu’ils peuvent l’attaquer encore ; silence, lorsqu’une gloire consacrée la place au-dessus de leurs efforts ?
Alors que les autres revues ne représentent qu’une part de l’effort littéraire contemporain, la Plume résume cet effort considérable en son entier. […] Non, certes, l’effort considérable de ces dix années n’aura pas été stérile, puisqu’il a réussi à modifier le goût public.
On voit que l’auteur n’a pas besoin d’attendre l’inspiration : il fait des chansons comme la Fontaine fait des fables, sans recherche, sans effort, presque sans y penser. […] Je n’ai tracé qu’une esquisse rapide et légère, et cependant les événements s’y succèdent, les faits s’y enchaînent, sans effort ; on y voit la comédie suivre et recevoir l’influence du temps où elle a paru, et en devenir, si je puis m’exprimer ainsi, l’histoire dialoguée. […] Et si, malgré tant d’efforts, tes travaux étaient méconnus ; si, malgré tant de génie, tes chefs-d’œuvre étaient proscrits, tu te réfugierais aux pieds du trône, et tu trouverais encore un grand monarque pour les protéger.
C’est du talent qui vise au petit pour en avoir plus tôt fait ; car nous sommes en chemin de fer pour l’imagination comme pour le reste, et viser au grand demande, pour y atteindre, du temps et de l’effort, — de l’effort, cet auxiliaire du temps, et le seul auxiliaire qui puisse l’abréger ! […] Comme eux, c’est un concentrateur dont la force porte bien plus en dedans qu’en dehors, ainsi que nous l’avons montré en racontant son livre ; et l’on peut même douter, à la vigueur expérimentée de son esprit et à la décision de sa pensée, dont les plis sont trop marqués pour s’effacer, qu’il élargisse beaucoup cette « cuiller à café » dans laquelle Chamfort voulait faire tenir toutes les émotions et tous les efforts de la vie.
. — Mais quant à tout le reste, ce n’est au fond qu’une condensation, qu’une dramatisation de vieux mythes ; un effort qu’on aurait certes tort de déprécier, surtout puisqu’il a fourni un cadre si précieux à la tragédie ultérieure. […] Durant cette période de plus de trois années, de grands efforts furent faits pour la propagande et pour la défense des œuvres de Wagner. […] Il n’y eut, dans les efforts dont j’ai parlé, nulle poussée d’ensemble, nul élan commun. […] Mais je m’afflige de ce que presque tous aient, plus ou moins, « gardé leur moi » — leurs préoccupations personnelles, leurs intérêts actuels — dans les efforts qu’ils faisaient pour expliquer l’œuvre du maître à ceux qui l’ignoraient. […] A comprendre Wagner ils tâchent : je m’étonne même que leurs efforts n’aient rien enlevé à la délicate fraîcheur de leur teint.
Darwin semble l’admettre ; car son principe est « le combat universel pour la préservation de la vie. » Spinoza avait dit de même que c’est l’effort de l’être pour se conserver qui est le fond du désir, la source du mouvement universel. […] Pour lui, la vie est un effort continuel, et la conscience de cet effort est, à un degré plus ou moins intense, douleur. […] La jouissance est le sentiment du cours facile et progressif de la vie, mais, comme la vie est effort, « la douleur doit précéder toute jouissance ». […] Se sentir vivre, jouir, c’est se sentir continuellement forcé de sortir de l’état présent, qui doit être par conséquent une douleur toujours renaissante. » Schopenhauer n’a pas eu à faire de grands efforts d’invention pour imaginer sa théorie sur le caractère négatif du plaisir, qui, selon lui, ne serait senti qu’indirectement par l’intermédiaire de la douleur, et sur le caractère positif de la peine, seule sentie directement en elle-même. « L’effort vital » toujours « pénible », dont parlait Kant, est devenu chez Schopenhauer le « vouloir vivre », dont le perpétuel travail est un perpétuel échec et une perpétuelle souffrance. […] Selon nous, la doctrine de la peine comme moteur de l’action, — de la peine-force, — ne serait vraie que si toute activité était uniquement appliquée au changement vers un autre état : tel est l’effort, le besoin, le désir ; telles sont la faim, la soif, l’espérance, la colère.
Cette méthode présente, dans l’application, des difficultés considérables et sans cesse renaissantes, parce qu’elle exige, pour la solution de chaque nouveau problème, un effort entièrement nouveau. […] Il faudra donc se rejeter sur le sens métaphysique du mot, et étayer le mouvement aperçu dans l’espace sur des causes profondes, analogues à celles que notre conscience croit saisir dans le sentiment de l’effort. Mais le sentiment de l’effort est-il bien celui d’une cause profonde ? […] Chez le plus humble des êtres vivants, la nutrition exige une recherche, puis un contact, enfin une série d’efforts convergeant vers un centre : ce centre deviendra justement l’objet indépendant qui doit servir de nourriture. […] Aussi avons-nous beau la laisser indivisée, nous savons qu’elle peut attendre, et qu’un nouvel effort d’imagination la décomposerait à son tour.
Mais non pas au premier effort. […] Quant au livre en lui-même, c’est le premier effort dont nous parlions plus haut, et il n’a guères que le mérite d’un premier effort. […] Aussi Stello, qui vint après Cinq-Mars, Stello, qui est l’effort puissant et couronné du poète devenu enfin un grand artiste en prose, n’eut pas le succès colossal de Cinq-Mars, et vraiment ne pouvait pas l’avoir !
La voici : Toute la pensée de Ruskin, tous ses efforts, toute sa doctrine, son idéal esthétique et social sont orientés vers le passé. […] Or, l’effort de l’artiste moderne tend de plus en plus à ré-humaniser. […] Ils font ordinairement une retraite de corps pour se garer de la chose vers laquelle ils tendent la tête… Aucun membre n’est raidi pour un effort ; aucun geste n’est rapide, ni violent. […] L’art moderne, en effet, tel qu’il se dégage des efforts et des réalisations d’une élite de peintres, aussi différents que reliés entre eux par une perception confuse des nouvelles nécessités de la peinture, est un art de réalité criante et crue, sans autre doctrine que celles de l’individu qui le pratique et sans autre intention que lui-même.
Il s’agit cette fois de savoir définitivement si la France de 1898 se considère, toujours comme la fille aînée de l’Église, ou au contraire si elle se suffit à elle-même pour se créer sa foi et son idéal ; il s’agit de savoir si le vote qui prosterne aux pieds du Saint-Père la France repentante et gémissante de ses péchés, doit faire plus longtemps obstacle à l’effort spontané des meilleurs vers l’indépendance et la conscience. […] Bardoux et Lockroy firent des efforts inutiles pour empêcher que la politique française ne commît cette faute grave dont elle devait ressentir bientôt les effets. […] Tout à coup il a une pensée : pourquoi ne tenterait-il pas un dernier effort, en se montrant aux hommes qui ne veulent plus l’entendre, et en leur empruntant quelques-uns des mots nouveaux qu’il entend parfois sans les comprendre ? […] Adhérer encore une fois à ce symbole de réaction et d’antique servitude spirituelle, ce serait raturer l’immense effort de la pensée moderne pour son indépendance, souffleter l’humanité qui se lève, consciente de sa force, rejetant une à une toutes les pesantes et funèbres défroques d’erreur.
Il faut donc s’être habitué de bonne heure à faire d’un coup d’œil le tour d’un sujet, à le pénétrer d’une brève réflexion, à ramasser d’un seul effort toutes ses idées et à les disposer en un moment. […] Que les mots ne vous effrayent pas, et ne croyez pas que l’on propose à vos efforts un but inaccessible.
C’est sans doute un triste effort que de transporter son intérêt, de reposer son attente, à travers l’avenir, sur nos successeurs, sur les étrangers bien loin de nous, sur les inconnus, sur tous les hommes enfin dont le souvenir et l’image ne peuvent se retracer à notre esprit. […] Il vaut mieux réunir tous ses efforts pour descendre avec quelque noblesse, avec quelque réputation, la route qui conduit de la jeunesse à la mort. […] De la littérature dans ses rapports avec le bonheur On a presque perdu de vue l’idée du bonheur au milieu des efforts qui semblaient d’abord l’avoir pour objet ; et l’égoïsme, en ôtant à chacun le secours des autres, a de beaucoup diminué la part de félicité que l’ordre social promettait à tous. […] Dans ce siècle où tant de malheurs ont pesé sur l’espèce humaine, puissions-nous posséder un écrivain qui recueille avec talent toutes les réflexions mélancoliques, tous les efforts raisonnés qui ont été de quelque secours aux infortunés dans leur carrière : alors du moins nos larmes seraient fécondes ! […] Si tous les efforts devaient être inutiles, si les travaux intellectuels étaient perdus, si les siècles les engloutissaient sans retour, quel but l’homme de bien pourrait-il se proposer dans ses méditations solitaires ?
Objectera-t-on qu’en résistant, j’ai conscience de faire un effort, et que si la tentation dure longtemps, je suis aussi sensiblement épuisé par cet effort qu’après quelque exercice physique ? […] Or, cette conscience de l’effort dont on parle, c’est la conscience de cet état de conflit. […] Le sentiment de l’effort (mot très impropre ici d’ailleurs) est le résultat de la bataille : il vient des vaincus aussi bien que des vainqueurs. […] Enfin, la vraie doctrine de la causalité des actions humaines maintient, contrairement aux deux précédentes, que non-seulement notre conduite, mais aussi notre caractère dépend en partie de notre volonté ; que nous pouvons l’améliorer en employant des moyens appropriés, et que s’il est tel que par sa nature il nous contraint à mal faire, il sera juste d’employer des motifs qui nous contraignent à faire effort pour améliorer ce mauvais caractère.
L’orgue a-t-il été inventé pour l’unique plaisir des riches, ou n’est-il pas plutôt la preuve d’un effort de génie, pour assembler tous les instruments sous les doigts d’un seul homme et les faire entendre à des foules ignorantes, et, d’autre part, peut-on douter que l’âme de ces foules en ait été embellie et réjouie ? […] Et nous-mêmes, pouvons-nous penser le contraire, lorsque nous nous intéressons à tout ce qui peut relever la condition matérielle et morale du peuple, lorsque nous multiplions les écoles, les bibliothèques, les cours d’adultes, les conférences, lorsque nous préparons l’avènement d’un quatrième État, aussi bien par nos défauts et nos négligences, que par nos efforts directs ? […] Mais l’effort du siècle, et, à mon avis, l’effort généreux, tend à en diminuer le nombre. […] On a fait d’innombrables livres, avec un grand effort de recherche et souvent un grand talent, pour un petit public, déjà las de leurs défauts et de leurs qualités même.
Qui nous rendra la divine vertu de la joie dans l’effort et de l’espérance dans la lutte ? […] Un effort aussi complexe peut être considéré sous bien des faces. […] Seulement il paraît avoir trouvé les images de cet ordre par l’effort de sa logique plus que par le don de sa nature. […] Taine, au contraire, emploie tout son effort à simplifier. […] Partout et toujours, c’est un effort pour installer la méthode de la science.
Faire le bien n’est peut-être qu’une habitude ; le concevoir est quelque chose de plus ; il y faut plus d’effort, et l’effort seul importe. « Dans la bataille de la vie, la lutte vaut mieux que le prix de la lutte. […] Le résultat n’a de valeur que dans le temps ; l’effort vaut pour l’éternité. […] Chacun peut les pressentir sans un grand effort d’esprit. […] C’est quelque chose, pourtant : un effort louable, une fleur de bonne volonté. […] Qui sait surtout si leur effort ne profitera pas à d’autres ?
Tête d’Or représente le plus grand effort de l’homme pour suppléer Dieu, et son échec. […] En fait, notre effort a sans cesse tendu vers la plus grande liberté. […] Iberia est l’aboutissement de cet effort. […] Je sens soudain naturelle la pitié ; elle déborde de mon cœur sans effort et sans honte. […] Il est moins spontané ; il a été formé par un admirable effort de volonté.
A moins d’être un obstiné solitaire, chacun de nous tend à se rapprocher du groupe qui favorisera ses efforts. […] Ils n’aboutiraient qu’à découvrir au grand jour les sentiments de rivalité dont tendent à se défendre tous leurs efforts apparents. […] Car c’est ici que nous touchons au point central de notre effort, celui où les conclusions du moraliste viennent se déduire logiquement de l’enquête du psychologue. […] Créer, Conserver… ce sont les deux termes où vient aboutir l’effort du sexe qui nous donna nos mères, nos sœurs, nos amantes et nos épouses. […] Si j’atteins à l’établir, j’aurai terminé mon effort de synthèse, en recomposant le monstre.
On ne dira pas de cette saison qu’elle a porté une grande moisson de poëtes (magnum proventum tulit) ; évidemment il faut que les dernières générations qui ont donné aient été un grand effort pour que la nature se repose ainsi ; il faut que les années d’auparavant aient tout pris, et nous finirons par croire que 1829 fait époque. […] Ce sont d’humbles post-scriptum à ce qu’on imprime à Paris. — Jules Lefèvre est un poëte qui mérite des égards, de la considération : il a quelque chose d’élevé, le culte de la muse et des nobles sentiments ; mais on n’a jamais rien vu de plus fatigué ni de plus manqué en général que ses efforts poétiques.
De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire Un des plus grands obstacles à l’effort intellectuel est la croyance qu’il nuit à la sincérité du sentiment ; on s’applique à ne pas employer son esprit, afin que le cœur parle tout seul. […] Et, quand l’esprit sera agile, fin, éveillé, quand l’exercice incessant de toutes ses puissances lui sera une seconde nature, et que, se mêlant partout, il ne se désintéressera de rien, alors sans qu’on y songe, sans qu’on l’appelle, sans effort et sans affectation, il prêtera sa richesse et toute sa force aux effusions de la sensibilité ; alors on croira que le cœur parle tout seul.
Certes, la surprise fut pénible de voir Zola déserter, émigrer à Médan, consacrant les efforts — légers à cette époque —, qu’eût demandés un organe de lutte et d’affermissement, à des satisfactions d’un ordre infiniment moins esthétique. […] Nous répudions énergiquement cette imposture de la littérature véridique, cet effort vers la gauloiserie mixte d’un cerveau en mal de succès.
L’effort est pourtant sensible chez le fabuliste. […] Voulant obtenir la construction d’usines frigorifiques, on sollicitera d’elle « un effort à faire sous forme de construction d’usines frigorifiques », ce qui est une forme bien étrange d’effort. […] Il faut faire effort pour se persuader que c’est une lettre inventée. […] Le grand mérite de Leconte de Lisle, c’est son effort de littéralité. […] La conférence a un avantage : elle supprime l’effort.
Car le pauvre pécheur n’a pu soutenir jusqu’au soir « l’effort surhumain de vouloir ». […] Or, c’est là une illusion produite par l’intrusion inconsciente d’un effort musculaire. […] Sa logique n’acceptait que l’effort utile. […] Elle suscite chez l’homme qu’elle anime un essor et un effort. […] Les textes sont là pour prouver un effort conscient en vue d’un retour à l’inspiration nationale.
Au bout d’efforts sans nombre et d’un temps infini, je m’aperçus que faucille à son tour ne pouvait absolument pas disparaître. […] Talent énorme (c’est le mot) manifesté dès l’aurore, persistant jusque dans les suprêmes efforts contre la sénilité. […] mais la qualité, mais la bonne foi, mais l’effort des poètes soient tels qu’il est rare qu’un pareil spectacle, consolant et rassurant, ait jamais été donné avec cette intensité de talent, et de conscience dans le talent. […] Car Racine vécut en somme régulièrement, paisiblement, sans soucis pécuniaires ni grands efforts pour subsister. […] Alfred de Musset a dit cela infiniment mieux que tous mes efforts ne sauraient le faire, et il a laissé une œuvre vivante, l’œuvre vivante par excellence, bien que ne s’étant pas assez donné tout entier.
. — Pareillement encore, pour entendre un Pourana indien, commencez par vous figurer le père de famille qui, « ayant vu un fils sur les genoux de son fils », se retire selon la loi, dans la solitude, avec une hache et un vase, sous un bananier au bord d’un ruisseau, cesse de parler, multiplie ses jeûnes, se tient nu entre quatre feux, et sous le cinquième feu, c’est-à-dire le terrible soleil dévorateur et rénovateur incessant de toutes les choses vivantes ; qui, tour à tour, et pendant des semaines entières, maintient son imagination fixée sur le pied de Brahma, puis sur le genou, puis sur la cuisse, puis sur le nombril, et ainsi de suite jusqu’à ce que, sous l’effort de cette méditation intense, les hallucinations paraissent, jusqu’à ce que toutes les formes de l’être, brouillées et transformées l’une dans l’autre, oscillent à travers cette tête emportée par le vertige, jusqu’à ce que l’homme immobile, reprenant sa respiration, les yeux fixes, voie l’univers s’évanouir comme une fumée au-dessus de l’Être universel et vide, dans lequel il aspire à s’abîmer. […] Entre tant d’écrivains qui, depuis Herder, Ottfried Muller et Gœthe, ont continué et rectifié incessamment ce grand effort, que le lecteur considère seulement deux historiens et deux œuvres, l’une le commentaire sur Cromwell de Carlyle, l’autre le Port-Royal de Sainte-Beuve ; il verra avec quelle justesse, quelle sûreté, quelle profondeur, on peut découvrir une âme sous ses actions et sous ses œuvres ; comment, sous le vieux général, au lieu d’un ambitieux vulgairement hypocrite, on retrouve un homme travaillé par les rêveries troubles d’une imagination mélancolique, mais positif d’instinct et de facultés, anglais jusqu’au fond, étrange et incompréhensible pour quiconque n’a pas étudié le climat et la race ; comment avec une centaine de lettres éparses et une vingtaine de discours mutilés, on peut le suivre depuis sa ferme et ses attelages jusqu’à sa tente de général et à son trône de protecteur, dans sa transformation et dans son développement, dans les inquiétudes de sa conscience et dans ses résolutions d’homme d’État, tellement que le mécanisme de sa pensée et de ses actions devient visible, et que la tragédie intime, perpétuellement renouvelée et changeante, qui a labouré cette grande âme ténébreuse, passe, comme celles de Shakspeare, dans l’âme des assistants. […] Ce sont là les grandes causes, car ce sont les causes universelles et permanentes, présentes à chaque moment et en chaque cas, partout et toujours agissantes, indestructibles et à la fin infailliblement dominantes, puisque les accidents qui se jettent au travers d’elles, étant limités et partiels, finissent par céder à la sourde et incessante répétition de leur effort ; en sorte que la structure générale des choses et les grands traits des événements sont leur œuvre, et que les religions, les philosophies, les poésies, les industries, les formes de société et de famille, ne sont, en définitive, que des empreintes enfoncées par leur sceau. […] Si, au contraire, la conception générale à laquelle la représentation aboutit est une création poétique et figurative, un symbole vivant, comme chez les races aryennes, la langue devient une sorte d’épopée nuancée et colorée où chaque mot est un personnage, la poésie et la religion prennent une ampleur magnifique et inépuisable, la métaphysique se développe largement et subtilement, sans souci des applications positives ; l’esprit tout entier, à travers les déviations et les défaillances inévitables de son effort, s’éprend du beau et du sublime et conçoit un modèle idéal capable, par sa noblesse et son harmonie, de rallier autour de soi les tendresses et les enthousiasmes du genre humain. […] Ces grands ressorts donnés font peu à peu leur effet, j’entends qu’au bout de quelques siècles ils mettent la nation dans un état nouveau, religieux, littéraire, social, économique ; condition nouvelle qui, combinée avec leur effort renouvelé, produit une autre condition, tantôt bonne, tantôt mauvaise, tantôt lentement, tantôt vite, et ainsi de suite ; en sorte que l’on peut considérer le mouvement total de chaque civilisation distincte comme l’effet d’une force permanente qui, à chaque instant, varie son œuvre en modifiant les circonstances où elle agit.
Mais que son effort est respectable ! […] Daru écrivait à Picard sur sa comédie et dans lesquelles il lui faisait les vraies objections dont l’auteur, malgré son effort, n’a pu triompher, ont à mes yeux une valeur morale et plus que littéraire, si l’on songe qu’elles sont du même homme qui, vers le même temps, disait dans une lettre de Berlin adressée à Mme Daru : « Je t’écris d’une main fatiguée de vingt-sept heures de travail. » On le comprend, c’est moins le détail des conseils et ce qu’ils pouvaient avoir de plus ou moins motivé, que le sentiment même qui les inspire, cet amour et ce culte des lettres, tendre, délicat, fidèle, élevé, que je me plais à observer et à poursuivre en M. […] Et pour terminer ce petit épisode de Picard que j’ai introduit ici avec plaisir : on le voit donc, l’effort qu’au milieu de sa carrière tenta ce spirituel auteur pour atteindre à la haute comédie, fut manqué ; il livra sa grande bataille en cinq actes et en vers, comme je l’ai appelée, et il la perdit. […] … De tout cet effort pourtant et de ces regrets où nous voilà initiés, il devra rester dans l’esprit de chacun une idée de Picard, non moins agréable qu’auparavant, mais plus sérieuse et plus haute.
Etant doué de façon si particulière, il est nécessairement étroit et intransigeant (quoiqu’il lui soit arrivé, je le sais, de faire effort pour élargir ses sympathies). […] Alphonse Daudet aux procédés de Nabab, après l’effort de l’Evangéliste et de Sapho vers la classique unité d’action. […] Dans ce frénétisme de vivats, de bravos, la fillette volte, bondit, dissimule si harmonieusement le travail musculaire de tout son corps que sa danse paraîtrait facile, la distraction d’une libellule, sans les quelques pointes de sueur sur la chair gracile et pleine du décolletage et le sourire en coin des lèvres, aiguisé, volontaire, presque méchant, où se trahit l’effort, la fatigue du ravissant petit animal. » Je vous prie de méditer sur cette page. […] Et notez que l’effort s’arrête toujours au point extrême par-delà lequel il s’en irait tomber dans le précieux ou dans le charabia impressionniste.
Gide l’effort pour voir la vérité et pour la dire exactement. […] « Il avait fait un effort immense pour donner une grâce tranquille à cette tirade » dit Henry Bordeaux d’un de ses personnages. Voilà une des caractéristiques du style de Paul Adam, de Barrès ou de Bordeaux, du « style bibelot » : l’effort immense et ridicule pour maintenir en une grâce tranquille les reflets d’idées brutales ; pour parer d’un calme philosophique le souvenir microscopique des plus orageuses doctrines ; pour identifier dans la mort les vivants les plus contradictoires. […] » Il ne suffit pas au Christ de constater : « Mon effort a été vain. » Il continue gravement : « Et je n’ai pu réussir. » S’il gémit sur sa responsabilité, après avoir soupiré : « Combien j’en éprouve le poids !
Romiguières ne l’amena qu’après bien des efforts à un système de défense plus pratique, et il réussit à le faire acquitter (juillet 1824). […] Il lui fallut même quelque effort pour s’y plier. […] Pourtant l’effort longtemps est sensible et comme accusé. […] Une fenêtre légèrement entrouverte près de son lit a montré qu’après avoir éteint sa lumière et s’être plongé dans l’obscurité, il avait fait effort pour apercevoir un peu du jour qui naissait et qui ne devait plus éclairer que son cadavre… Enfin, il a senti qu’il était seul, bien seul, abandonné de tout sur la terre ; qu’il n’y avait plus autour de lui que les fantômes créés par ses derniers souvenirs.
Royer-Collard du haut de sa chaire dénonçait pour la première fois le danger des doctrines régnantes, un penseur solitaire, opiniâtrement absorbé dans la contemplation de lui-même, s’écartait peu à peu de la philosophie sensualiste par l’effort répété de son propre esprit. […] Tout leur effort est de réduire le nombre des faits, et leur science sera parfaite quand, au lieu de cent mille phénomènes, ils en auront un. […] Au lieu de tendances flottantes et contraires, une tendance finale et fixée ; au lieu d’efforts ébauchés et suspendus par d’autres, un effort définitif et unique.
Le charme du style dispense de l’effort qu’exige la conception des idées abstraites ; les expressions figurées réveillent en vous tout ce qui a vie, les tableaux animés vous donnent la force de suivre la chaîne des pensées et des raisonnements. […] Les hommes à imagination, en se transportant dans le rôle d’un autre, ont pu découvrir ce qu’un autre aurait dit ; mais quand on parle en son propre nom, ce sont ses propres sentiments que l’on montre, même alors que l’on fait des efforts pour les cacher. […] L’esprit public s’affaiblissait à chaque inutile effort qu’on tentait pour le relever ; on sollicitait l’enthousiasme, et l’enthousiasme était plus que jamais loin de renaître, par cela même qu’on l’avait en vain évoqué.
En revanche, le plus héroïque et patient effort pour le faire connaître tout entier, dans tous ses ouvrages même secondaires, dans tous ses aspects même accessoires. […] Je l’ai demandé aussi à l’un de ses intimes amis, le fidèle témoin et associé de ses premiers efforts, M. […] Et ce qui, dans le Marivaux, disparaissait un peu par l’effort critique et sous, l’amoncellement des matériaux, se dégageait ici avec puissance : la couleur et le mouvement de la vie.
Leur effort ne déviera-t-il vers un rôle plus apparemment actif que le rôle de créateur ? […] Ils eussent vu la beauté autrement peut-être ; ils eussent abouti, par le seul fait de leur libre effort individuel, à une forme — qui sait ? […] Faute de cet effort naturel, les voici employés à une création inverse.
Ceux qui l’ont adoptée l’ont reçuë sans l’examiner, ou s’ils l’ont examinée, leurs efforts n’auront peut-être pas été aussi heureux que pourront l’être un jour les efforts de ceux qui feront le même examen dans la suite, et qui profiteront des nouvelles découvertes, et même des fautes des premiers. […] Ce n’est que par effort d’esprit et par des refléxions dont les uns sont incapables par défaut de lumieres, et les autres par paresse, que nous en pouvons connoître la fausseté et en démêler l’erreur.
Par exemple, pour dire une chose impossible aux efforts humains, les latins disoient, arracher la massuë à Hercule , et nous disons en françois, prendre la lune avec les dents : la figure latine est-elle bien renduë par la figure françoise ? […] Ceux qui sçavent le latin ne sçauroient se rassasier de lire Horace et Virgile, tandis que ceux qui ne peuvent lire ces poëtes que dans les traductions, y trouvent un plaisir si médiocre qu’ils ont besoin de faire un effort pour achever la lecture de l’éneïde. […] Les plus capables et les plus laborieux se dégoûtent des efforts infructueux qu’ils tentent pour rendre leurs traductions aussi énergiques que l’original où ils sentent une force et une précision qu’ils ne peuvent venir à bout de mettre dans leur copie.
Par opposition à la littérature classique, on a nommé littérature romantique celle où l’on professe une plus grande indépendance des règles, où l’on se permet de nouvelles alliances de mots, et surtout de nouvelles inventions de style ; où l’on secoue les lois de l’analogie, où l’imitation étend son domaine, où la pensée fait effort contre la parole fixée, la parole écrite ; où les sujets sont tirés des traditions modernes. Nous luttons, en ce moment-ci, de toutes nos forces, contre l’invasion de la littérature romantique ; mais les efforts mêmes que nous faisons prouvent toute la puissance de cette littérature. […] Comment se fait-il donc que nous ayons déjà besoin d’un tel effort de l’imagination pour contempler Bossuet, bien que nous n’ayons pas cessé de le pratiquer, bien que la première admiration ait un retentissement qui a toujours duré ?
Ses efforts et ses précautions pour bien faire ont égalé le dévouement de ses intentions. […] Roselly de Lorgues ne s’est pas contenté de tirer de pareilles données tout ce qu’elles contenaient, mais, prenant de plus les faits d’une vie dont voilà l’effort et la pensée, il a montré qu’ils étaient providentiellement en harmonie avec la sainteté de Colomb, et nous avons eu une histoire dans laquelle le merveilleux et le romanesque, diront nos ennemis, mais la vérité catholique, dirons-nous, dominent les chétives clairvoyances et les clignotantes explications ! […] C’est une œuvre capitale d’effort et même de résultat.