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1563. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Cette superficie de littérature française donne aux plus lettrés d’entre eux le goût et quelquefois l’émulation d’écrire. […] On lui donna, sous le titre de régent de la chancellerie, la direction très insignifiante des tribunaux de cette petite île. […] Il sait très bien aussi donner à la fortune le nom majestueux et divin de Providence. […] (Nous avons montré que le simple particulier n’existait pas dans le ministre, à moins qu’il n’eût donné sa démission.) […] Est-ce pour lui donner les moyens de bâtir quelques citadelles de plus sur les Alpes, et de donner à l’Autriche, quand le roi de Sardaigne jugera à propos de s’allier avec elle, un poids décisif contre moi ?

1564. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Goulden me donnaient terriblement à réfléchir. […] Il fit cela lentement, comme attendri ; enfin il me donna la boîte. […] Catherine me serrait la main ; moi, le front penché, j’aurais donné ma vie pour rester. […] Mais vous avez tort, mère Grédel, de parler comme vous faites et de lui donner un mauvais conseil. […] Au-dessus de nous, le capitaine Vidal donnait des ordres.

1565. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Diderot lui donne à faire des articles de musique pour l’Encyclopédie. […] Rousseau a la réelle délicatesse de refuser des fonctions auxquelles il n’était pas disposé à se donner. […] Et voilà ce qui la différencie de la morale philosophique, ce qui lui donne un caractère hautement religieux. […] Il a rappris aux mères à aimer, à se donner : il en a fait des nourrices. […] Rousseau s’est défié de la raison, il a donné cours à son sentiment.

1566. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

La Crète refusait le secours que Corcyre promettait et ne donna pas. […] Xerxès donna dans le piège ; en quelques heures de nuit, il fit cerner le détroit. […] Athènes donna audience aux deux parties, le même jour. […] Aussitôt Pausanias donna le signal. […] L’attaque fut irrésistible, et Athènes en donna l’élan.

1567. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

L’écrivain en qui était déposée la vertu suprême de donner la vie, d’en reproduire les innombrables formes, de la comprendre totalement dans un immense embrassement d’intelligence, s’est détourné de soi, s’est repris au monde avec lequel il était entré en une plus intime communion qu’il n’appartient d’habitude à un homme, et s’est réduit aux pensées étroites d’un religieux qu’inquiètent seulement la pratique et la prédication d’une doctrine selon les pauvres d’esprit. […] L’auteur est donc contraint, pour donner essor à la multiplicité d’images, d’actes et d’âmes qui le hante, à traiter négligemment le récit, les descriptions, les expositions successives, les narrations, et à compliquer autant que le lui permettront ses notions traditionnelles de l’art d’écrire, la série des actions, des intrigues diverses de ses romans pour arriver, par cet artifice, à présenter ses nombreux personnages presque simultanément et parallèlement. […] De cet ensemble, Tolstoï a donné jusqu’ici le plus vaste aperçu. […] Le grand mouvement d’âme qui donne la tranquille assurance de l’héroïsme aux bataillons silencieux des défenseurs de Borodino, les larmes de Koutouzoff en apprenant le premier mouvement de retraite de Napoléon, l’exode instructif de toute la population de Moscou, sont des tableaux grandioses et graves qui remémorent aux âmes même les plus affranchies l’amour du sol natal. […] Cet écrivain, l’un des plus grands parmi les réalistes, perçoit et décrit le monde extérieur avec une vision originale immédiate, avec une pénétration dans ses détails et son intimité qui donnent la vérité même comme fraîchement découverte et saisie sur le fait.

1568. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Le soir, il donnait à la terre la bénédiction, le « barac ». […] Cette spiritualisation de la peine donne au poëme une puissante portée morale. […] passer le Rubicon, comme ça vous donne des femmes ! […] Ils donnent aux nations et aux siècles la face humaine. […] Ne pas donner prise est une perfection négative.

1569. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Il y résout ce double problème : donner une dot aux enfants trouvés, et procurer des travailleurs blancs aux planteurs, qui ne pouvaient plus, comme par le passé, aller chercher des noirs sur la côte africaine. […] Mais c’est en poursuivant de ses injures, de ses colères et de ses dénonciations les vaincus de juin, que l’Événement donne la mesure de son profond amour pour la République. […] La France républicaine a donné un mémorable exemple de cette politique raisonnable et agréable le jour qu’elle éleva au rang de sénateurs MM.  […] Sa mère ne lui permit pas de manger du Bon Dieu23, mais lui donna, en revanche, pour professeurs, des prêtres sceptiques, qui pendant la Révolution avaient jeté aux orties la soutane et le bréviaire. […] La Bourgeoisie donna une preuve significative de son identification avec « le grand homme » qu’elle enterrait au Panthéon.

1570. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Je me défiais de l’entraînement inopportun qu’il donnerait à son armée ou qu’il subirait de ses peuples. […] L’esprit humain veut donner un visage aux idées, un nom, un cœur, une âme, une individualité aux choses. […] Élevé dans la solitude et dans la simplicité de la campagne, la grande nature et la grande foule me donnaient des éblouissements. […] Il fallait donner une diversion aux rêves : il n’y en a point de plus forte qu’un voyage. […] J’avais à la main la lettre d’introduction qui m’avait été donnée par un gentilhomme notre voisin, ami de mon père.

1571. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Cette rivière s’appelle l’Albarine ; elle écumait déjà ainsi du temps des Romains, qui lui ont donné ce nom emprunté à la blancheur de cette écume. […] Ma physionomie en fut modifiée ; la légèreté un peu évaporée de l’enfance y fit place à une gravité tendre et douce, à cette concentration méditative du regard et des traits qui donne l’unité et le sens moral au visage. […] La mythologie classique de l’Olympe ne me donnait pas de tels enivrements ; je sentais que ces fables étaient mortes et qu’on nous faisait jouer aux osselets avec les os d’une poésie sans moelle, sans réalité et sans cœur. […] De ce moment le nom de M. de Chateaubriand fut une fascination pour nous ; il remplit notre esprit d’un éblouissement d’images et notre oreille d’un enivrement de musique qui nous donnait le vertige de la poésie. […] Cette révélation donna malgré moi le ton à plusieurs des essais de poésie vague et informe que j’écrivais au hasard dans mes heures d’adolescence.

1572. (1914) Une année de critique

Alfred Capus donna son premier « Courrier de Paris ». […] Alfred Capus donna aux honnêtes gens confiance et satisfaction. […] Saint-Preux et Julie avaient donné l’exemple. […] Félix se donnait selon Tolstoï ; il va, selon Nietzsche, se reprendre. […] Un malade de Weimar avait donné au monde l’évangile de la force.

1573. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Mais ce que la sélection naturelle ne saurait faire, c’est de modifier une espèce sans lui donner aucun avantage propre et exclusivement au bénéfice d’une autre espèce. […] — Afin de faire comprendre plus clairement de quelle manière, selon moi, agit la loi de sélection naturelle, je demande à mes lecteurs la permission de leur donner un ou deux exemples. […] Comme les Abeilles ne visitent jamais cette plante, au moins dans mon jardin, il en résulte qu’elle ne donne jamais de graines. […] J’en donnerai une seule preuve. […] La sélection sexuelle agit en ce cas surtout pour donner aux mâles seuls les caractères particuliers qui leur sont utiles dans leurs luttes contres d’autres mâles.

1574. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Ici je ne puis donner que des indications sommaires. […] Et si le hasard n’avait pas donné à Rodogune des jumeaux ? […] Le contraste de cette pauvreté avec l’exemple donné pourtant par Molière et Racine est significatif pour l’esprit du temps. […] Je donne un schéma ; il faudrait faire œuvre d’art. […] Pour le théâtre je donne la date des représentations et non de l’impression.

1575. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Ce sont ces notes authentiques dont le gouvernement romain d’aujourd’hui a donné communication à M.  […] Il continua ainsi : “Ce que nous vous donnons aujourd’hui n’est pas grand-chose, mais je n’ai rien de mieux, car il n’y a aucune autre place disponible. […] Il en donna le commandement au général Caprosa, employé alors au service de l’Autriche, et nomma une commission militaire, à la tête de laquelle il éleva Consalvi, malgré sa jeunesse : il n’avait alors que trente-cinq ans. […] « Après le scrutin, Chiaramonti pensa qu’il convenait de donner une marque de respect et d’estime au cardinal doyen et à Herzan. […] Afin d’honorer le cardinal doyen, celui-ci lui donna sa voix.

1576. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Gosselin, libraire et imprimeur déjà célèbre, se pressait d’imprimer et de donner au public mes premiers essais de poésie, intitulés : Méditations poétiques et religieuses. […] Il donnait le ton à l’auteur de Candide. […] Le pape, selon l’usage, lui donna à dîner en grande cérémonie au Vatican le jeudi saint. […] l’enfant dépérissait sur ce sein de neige : on n’achète pas la vie, Dieu la donne ou la refuse. […] J’en donne ici quelques extraits, comme pièces justificatives de cet étrange procès littéraire.

1577. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Il me donne d’amusants détails sur l’amour dans les hôpitaux, et sur la manière, dont il se faisait à Saint Louis, C’était à la messe. […] Ce banquet, ce banquet contre l’Institut, donné à Ribot, se trouve aussi un peu donné à moi ; et dans les coins, où je me blottis, des jeunes dont je connais vaguement le nom, se font, à tout moment, présenter à moi, et veulent bien saluer dans le vieux Goncourt : le grand littérateur indépendant. […] non, on ne donnera pas l’image de la jeune fille, si on n’indique pas les troubles physiques qui la traversent, un instant. […] Le meuble avait donné 1 500 francs d’or. […] Je crois que l’heure présente donne fièrement raison à cette pensée, écrite en 1830.

1578. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Écoute-moi donc, écoute les ordres qu’il te donne, et qui peuvent seuls te sauver de son sort ! […] Lorsque je pense et repense aux conseils que tu me donnes. […] Nous regrettons de ne pouvoir en donner ici que l’esquisse. […] Damayanti reprend sa route ; elle s’arrête au pied d’un arbre dont l’ombre donne la mort : « Ah !  […] Après avoir vaincu, il pardonne, et donne à ce frère la moitié de son royaume.

1579. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

toi qui donnes, quand on les demande, la sagesse et l’intelligence ! […] Nous ne discutons pas ici ces contrastes donnés par la foi même, ce chaos de grandeur et de misère. […] donne-nous de te chanter, roi et seigneur ! […] dans ton hymne matinal, le Dieu qui a donné la splendeur à l’aube, qui a donné à la nuit les étoiles, chœur circulant autour du monde. […] Fais briller à mon âme une lumière échappée de la source spirituelle ; donne à ma jeunesse la vigueur d’un corps sain et robuste, et la gloire de bien faire.

1580. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Et c’est là, si j’ose encore dire, ce qui peut donner un réel intérêt à notre rencontre. […] Plus il m’en donne, moins je suis content. […] Les dieux ne nous donnent ni le second ni le premier. […] » les seconds, de toute leur bienveillance, de toute leur âme, voudraient me donner raison. […] Chabaud par contre, serait peut-être moins heureux, et il donnerait prise à nos rationalistes.

1581. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Le fromage, qui nous est décrit « tendre, jaunet, et de bonne saveur », est sous la patte du Corbeau ; il y donne de grands coups de bec, mais pas si adroitement qu’il n’en laisse tomber plus d’une miette devant Renart qui l’a vu. […] Il avise un pieu brisé qui donne ouverture par le haut ; il s’y glisse et se laisse tomber tout d’une masse ; puis il se cache à plat ventre sous un chou. […] prévu, et donne l’alarme. […] Il se contente de donner à chacun des ordres un de ses fils pour gardien. […] Beaumanoir lui donne la chevalerie au nom de la sainte Vierge, lui rappelle son aïeul qui s’est illustré à Constantinople, et jure que les Anglais le paieront avant l’heure de complies.

1582. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Son père l’éleva sous ses yeux et lui fit donner par des maîtres habiles une instruction forte. […] Charles Nodier, qui fut en son temps un des enthousiastes et des adeptes du genre, a cru pouvoir donner de d’Olban une nouvelle édition, chez Techener, en 1829. […] Nodier en a eu connaissance d’après l’exemplaire autographe et l’a donnée au long : elle a tout à fait le cachet du genre : Malheureux Lenz ! […] Dix années pourtant devaient s’écouler encore avant que Saussure, après Balmat et Paccard, parvînt à atteindre la cime du Mont-Blanc (3 août 1787) ; mais de tous côtés le signal était donné, et il n’y avait plus de trêve dans cette conquête entreprise sur tous les points et ouverte désormais à la science comme aux pinceaux. […] Le soleil aussi offre un spectacle nouveau : petit et presque dépourvu de rayons, il brille cependant d’un éclat incroyable, et sa lumière est d’une blancheur éblouissante ; on est étonné de voir son disque nettement tranché, et contrastant avec l’obscurité profonde d’un ciel dont le bleu foncé semble fuir loin derrière cet astre et donne une idée imposante de l’immensité dans laquelle nous errons.

1583. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Un sentiment personnel élevé domine et donnera le ton au discours, à l’apologie tout, entière :  Si j’étais sorti de l’arène comme un vaincu renversé et mis hors de combat par ses vainqueurs, je ne tenterais pas, dit-il, de parler aujourd’hui des luttes que j’ai soutenues. » M.  […] Le prince qu’on se donnait pour roi, quels que pussent être ses désirs secrets, était si peu de l’étoffe dont sont faits les grands usurpateurs, qu’il ne semblait avoir eu d’autre pensée première que de se dérober : il avait fallu courir après lui et le prendre quasi au collet pour l’obliger à se faire roi. […] Guizot, de l’interprétation toute contraire qui fut donnée aux événements de Juillet dans la sphère des politiques gouvernants et dans la masse du peuple et de la nation. […] Je ne dis pas qu’on pût faire autrement, le régime et ses conditions étant donnés, avec un roi dont le mot d’ordre habituel à ses agents était : « Surtout ne me faites pas d’affaires ! […] Perier il disait assez imprudemment : « Perier m’a donné du mal ; mais j’avais fini par le bien enfourcher. » Ce roi avait du savoir-faire et s’en vantait.

1584. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Plusieurs s’autorisaient du nom du Dauphin, et, par présomption, se faisaient fort de son assentiment, ou du moins ils s’en donnèrent l’honneur et l’illusion après coup. […] Sa prudence et sa sagesse consistent donc plus à découvrir et à placer à propos la science et les talents qu’elle donne, qu’à les faire naître et à les multiplier. […] Et, comment, après quelque satisfaction incomplètement donnée au sentiment public et une première lune de miel à coup sûr, mais bien rapide et passagère, comment n’y aurait-il pas eu guerre profonde et irréconciliable en effet ? […] Il se donna à l’enfant, le nourrit de son âme… « Éducation très hasardeuse, peu saine assurément, qui ne put qu’augmenter la fermentation d’une nature passionnée. […] Il n’avait eu ni l’une ni l’autre… « Les réponses du prince (à Fénelon) sont fort touchantes, mais elles donnent peu d’espoir.

1585. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il lui donne des conseils sur la justice, l’économie, et contre la fureur de plaider. […] Tous les animaux, les poissons, les bêtes des forêts, les oiseaux, se dévorent l’un l’autre, parce qu’il n’y a pas de justice parmi eux : Jupiter a donné la justice à l’homme comme attribut distinctif. […] moi, en revanche, je leur donnerai un mal auquel tous tant qu’ils sont prendront plaisir, en embrassant leur propre malheur. » Et ce mal, c’est la femme. […] — mais c’est encor ma meilleure laitière ; Elle donne par jour vingt litres de bon lait. […] Au moment même où je loue le poète et où je le goûte, suis-je bien en position de lui donner un conseil un peu vif, celui de remettre son poème sur le métier pour le perfectionner, de le resserrer et d’y retrancher en plus d’un endroit ?

1586. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Delécluze un témoin très-attentif, un chroniqueur très-sincère, sinon toujours exact, des idées et des goûts de notre époque, un juge des hommes et des esprits d’autant plus à considérer et à contrôler qu’il ne se donne le plus souvent que pour un narrateur et un rapporteur impartial. […] Ce perpétuel Étienne, qui revient sans cesse comme le nom de César dans les fameux Commentaires, fait un premier effet assez singulier, mais qui n’est pas désagréable, la nature de l’homme étant donnée. […] Ces critiques classiques, qui donnent de si grands préceptes sur l’unité d’intérêt et de composition, ne les suivent pas toujours dans l’ordonnance de leurs livres. […] Delécluze qui, dans la pratique, ne craint pas de déroger à ses grands principes et qui aborde le réel et même le laid avec une sorte de gaieté, nous a donné à quelques égards un intérieur flamand. […] C’est la même que cette duchesse de Mouchy aimée de Chateaubriand, et qui eut l’idée de lui donner rendez-vous à l’Alhambra au retour du pèlerinage à Jérusalem.

1587. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss frémir devant « la noble tête de vieillard »   On se souvient qu’il y a quelques années, quand la Comédie-Française donna Œdipe, tout le monde fit cette réflexion que c’était un excellent mélodrame. […] On turlupine les maîtres reconnus et acceptés, et on ne s’est pas seulement donné la peine de les comprendre. […] Voici quelques passages qui nous l’expliqueront tant bien que mal : Il y avait alors (au temps de Louis-Philippe) une délicatesse et une générosité qui donnaient le ton à la littérature et le recevaient d’elle. […] La comédie que nous donnait toutes les semaines l’esprit de M.  […] Aucun de ces miroirs ne donne exactement la même image ; mais quelques-uns seulement en donnent une tout à fait originale et qu’on retient.

1588. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Je lui dis en sanglotant : « Donne-moi une de tes fleurs. » Il me la donna. […] Voilà un « mystère » qui sent un peu l’hérésie ; car l’Eglise enseigne que, non seulement les élus oublieront les damnés, mais que les damnés détesteront les élus (je ne donne pas ce dogme pour aimable). […] Strauss, que cet univers est un spectacle qu’un Dieu se donne à lui-même et dont il se délecte infiniment. […] » Et, de fait, nombre des romans de la nouvelle école sont des oeuvres violentes et froides et ne donnent que des émotions pessimistes, c’est-à-dire des émotions qui, par-delà les souffrances des individus, vont à la grande misère universelle. […] Mais qui me donnera la vraie caractéristique de M. 

1589. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Nous ne doutons pas, d’ailleurs, qu’on ne puisse donner des définitions plus profondes des deux tendances réaliste et idéaliste, telles qu’on les retrouve à travers l’histoire de la philosophie. […] Plaçons-nous donc d’abord au point de vue idéaliste, et considérons par exemple la perception des objets qui occupent, à un moment donné, le champ visuel. […] Un idéaliste a le droit de déclarer isolable l’objet qui lui donne une représentation isolée, puisque l’objet ne se distingue pas pour lui de la représentation. […] Or, vous avez commencé par vous donner un cerveau que des objets extérieurs à lui modifient, dites-vous, de manière à susciter des représentations. […] Ces quatre idées elles-mêmes en impliquent un grand nombre d’autres, qu’il serait intéressant d’analyser à leur tour parce qu’on y trouverait autant d’harmoniques, en quelque sorte, dont la thèse du parallélisme donne le son fondamental.

1590. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Le ton gai et le style moqueur lui donnèrent des ailes. […] Cela est plus agréable que de recevoir des coups de pied de Dorante et d’en donner à M.  […] Donnons-nous le spectacle d’un talent dépaysé. […] Il nous donne entre un duel et un billet doux le spectacle de ses lectures, de ses recherches et de ses perplexités érudites. […] Il nomme toutes les prieures, il expose en style ecclésiastique leurs caractères tous divers, mais tous également saints ; il marque leur famille, il donne des détails sur la généalogie, il explique les circonstances qui les ont retirées du monde.

1591. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

La rime ne nous donne que l’uniformité des finales, qui est ennuyeuse, & qu’on évite dans la prose, tant elle est loin de frapper l’oreille. […] S’il paroît quelquefois faillir & s’égarer, ce n’est qu’une adresse de l’Auteur, pour le rendre plus intéressant & donner un nouveau lustre à ses vertus. […] Mais comment n’a-t-il pas senti que de fausses idées suggérées sont toujours froides & révoltantes, quelque effort qu’on fasse pour les donner comme siennes ? Un siecle où l’on n’a pas rougi de comparer un fade & ennuyeux Roman1 à un Poëme divin, est-il donc fait pour donner des loix, contre les décisions d’un siecle plein de lumieres & de goût, qui avoit déjà fixé la question ? […] Sans adopter son systême, qui donneroit peut-être plus de ressort à l’imagination & aux vrais talens, les Orateurs Chrétiens doivent au moins en suivre les préceptes, & se garantir des défauts qu’il condamne.

1592. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

On a encore donné, continuë Horace, aux instrumens une portée plus grande que celle qu’ils avoient précedemment. […] Enfin il est devenu necessaire que le joüeur d’instrument qui doit donner des tons si difficiles à prendre, passât souvent d’un endroit de la scéne à l’autre, afin que les tons qu’il donneroit fussent mieux entendus des acteurs quand il seroit plus proche d’eux. […] En effet, cet auteur après avoir loüé les préceptes que Ciceron donne sur le geste de l’orateur, ajoute : nous sommes accoutumez présentement à voir un geste plus animé. […] D’autres les passent et donnent dans des excez outrez. […] Le succès des airs de vîtesse donna l’idée à Lulli d’en composer qui fussent à la fois et vîtes et caracterisez.

1593. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Donnez-moi des images poétiques semblables à celles de la ceinture de Vénus, à celles des prières dans Homère, de la Renommée dans Virgile, de Didon mourante et ouvrant les yeux pour les refermer, et mille autres aussi belles que je pourrais citer encore, j’admirerai le poète avec enthousiasme. […] Mais ce serait porter un jugement ridicule, que de donner en général la préférence aux uns ou aux autres. […] C’est là le grand mérite de Racine, la cause du charme qu’on éprouve en le lisant ; il a fort enrichi la langue, non par des expressions nouvelles, qu’il faut toujours hasarder très sobrement, mais par l’art heureux avec lequel il sait réunir ensemble des expressions connues, pour donner à son vers ou plus de force ou plus de grâce ; par la finesse avec laquelle il sait relever une expression commune, en y joignant une expression noble ; enfin par la simplicité unie partout à la noblesse, à la facilité et à l’harmonie. […] Je vois qu’on m’avait donné une très injuste opinion de vous ; vous me paraissez dans les bons principes, et je suis prête à signer tout ce que vous venez de me dire. […] Celui qui nous a donné la meilleure poétique est un des plus grands philosophes de l’antiquité ; les vers du Virgile de nos jours sont remplis d’une philosophie aussi solide qu’agréable ; enfin j’ai vu un roi, qui pour avoir gagné douze batailles n’en était pas moins philosophe et homme de lettres, avoir auprès de lui, sur la même table, Athalie et les Commentaires de César, et douter lequel des deux ouvrages il aimerait mieux avoir fait.

1594. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Ernest Semichon aime l’Église romaine, et cela seul donnerait à son livre une lumière et une valeur très supérieure à celle de l’érudition malveillante ou indifférente. […] Pourquoi donc Ernest Semichon ne nous a-t-il pas donné l’analyse profonde et intime de ce point d’honneur ? […] L’auteur de la Trêve de Dieu donne ce fait remarquable comme une preuve des extrémités où le royaume était réduit, et en cela il peut avoir raison, mais ce n’est pas, comme il l’ajoute, « une preuve de l’abaissement de la royauté ». […] De 983 à 1103, il nous donne, avec beaucoup de détail et d’information, les coutumes, les justices et les procédures de la Paix de Dieu. […] Dans le résumé de son histoire, il donne pour conséquence de la paix de Dieu la civilisation moderne et l’égalité politique de notre temps.

1595. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Il ne donne pas les femmes de la Révolution, mais quelques héroïnes, quelques femmes plus ou moins célèbres… Il dit telles vertus éclatantes, et il tait un monde de sacrifices obscurs d’autant plus méritants que la gloire ne les soutint pas. » Mais pourquoi ce remords tardif ? […] Un historien célèbre nous avait déjà donné l’ange de l’assassinat, en parlant de Charlotte Corday10. […] — elle a, dans sa robe blanche, quelque chose de la prosaïque propreté de l’habit bleu de Robespierre, et, s’il est un nom qui lui convienne et qu’on ne lui a pas donné encore, c’est : la bourgeoise de la liberté ! […] En avons-nous succinctement donné une idée ? […] car c’est le Sacerdoce qui l’a fait, Lamennais, ce Lamennais qui a donné, par son apostasie, un grand athlète de plus au parti de la Révolution !

1596. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Il était expédient de placer Gœthe et Diderot dans le cadre étroit d’un même volume, pour, rapprochés ainsi l’un de l’autre, les faire mieux juger et donner une idée plus exacte et plus nette de leur identité ; car, malgré les différences de pays et d’époque, de langue et d’idée, d’influence et de destin, Goethe et Diderot— pour qui creuse et pénètre au-delà — sont des esprits de nature identique… Gœthe — le dernier venu des deux — est certainement le plus grand dans l’opinion des hommes, comme Charlemagne est plus grand que Pépin ; mais c’est Diderot qui est le prédécesseur et le père, — et encore est-ce un père qui n’a pas donné tout son tempérament à son fils. […] Il s’est donné simplement la peine de naître, et tout de suite il a été heureux et glorieux… par les autres. […] Rien n’y suffirait, ni la décadence littéraire de la France, qui n’avait, au commencement du siècle, de l’ancien esprit français (madame de Staël et Chateaubriand exceptés), que les dernières gouttes qui tombent du toit après la pluie, ni le besoin de nouveauté enfantine qui nous emporte vers toute chose nouvelle avec notre délicieuse frivolité séculaire, ni cette espèce de catinisme intellectuel toujours prêt à se donner au premier venu, — qui nous fit Anglais à la fin du xviiie  siècle, comme il nous avait faits Latins Grecs, Italiens et Espagnols, dans les siècles précédents, et qui, pour l’heure, nous faisait Allemands, en attendant que quelque autre littérature nous fît autre chose. […] Cousin, ce grand indigent philosophique, qui avait demandé l’aumône à la porte de la philosophie écossaise, la demanda à la porte de la philosophie allemande, et Hégel lui donna ; et ce fut Cousin, lui plus que personne (était-ce de reconnaissance ?) […] Traduit et retraduit, commenté et recommenté, Goethe donne la sensation d’être pères à tous les chapons littéraires qui couvent des oeufs qu’ils n’ont pas pondus… La durée de sa gloire a donc pour garantie l’impuissance de ceux qui l’admirent.

1597. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Les raisons que l’éminent et fin critique donne à l’appui de son opinion, sont de plus d’une sorte. […] — pour donner un démenti à la mémoire qu’on leur fait, ou aux Mémoires qu’on leur attribue. […] Elle n’avait ni les engouements, ni les dégoûts, ni les besoins mendiants de société de cette femme d’un esprit qui tenait tête à Voltaire et qui périssait dans la solitude, tout en se croyant la fière philosophie de Diogène parce qu’elle avait donné à son fauteuil du coin du feu la forme étrange d’un tonneau. […] Si cette femme d’aperçu, et qui savait si nettement styler sa pensée, avait cru jamais que juger les hommes c’était donner le sacre de la confiance à ces grands enfants qui se permettent la fatuité ou se prendre pour eux de compassion intellectuelle, nous n’aurions jamais retrouvé ce volume de lettres, savoureux et sain, où la rigueur de la raison et la brusquerie de la vérité se mêlent délicieusement la svelte légèreté du tour et au charme calmant d’une religieuse tristesse. […] Et c’est même là le secret du vif plaisir qu’un esprit comme celui de la marquise de Créqui nous donne : Respirons les parfums même s’ils s’évaporent,         Ils n’en paraissent que plus doux !

1598. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Il y a un mot, très peu allemand, du reste, de Jean-Paul, que Benjamin Constant, qui savait l’allemand, aurait dû se rappeler et que voici dans sa magnifique brutalité : « Il faut se mettre à genoux devant les femmes, mais comme l’infanterie devant la cavalerie, — pour se relever et pour donner la mort !  […] IV Quand il la rencontra pour la première fois, c’était à Coppet, chez Madame de Staël, en 1807, où elle passa entre eux deux sans lui donner le coup de coude au cœur qui nous avertit que c’est là notre destin qui vient de passer ! […] Et, dans la rage de l’amour exaspéré auquel cette Image accomplie de femme ne donnait rien, le mendiant ne devint pas voleur, quand l’honneur d’un pareil amour et d’un pareil désespoir était peut-être de le devenir ! […] Quand il sera trop tard, vous vous reprocherez peut-être, quelque soin que vous preniez d’étouffer votre vie sous de bonnes actions de détail, de n’avoir pas fait ce qu’il était si facile de faire pour sauver un ami tel que le ciel en donne rarement… Pourquoi avez-vous craint de m’attacher au bien que vous faites ? […] Il n’y a point de murmure au fond de mon cœur, et si j’avais un moyen de vous causer un instant de plaisir, je serais consolé de toutes mes peines. » Voilà le langage et l’accent de ces lettres… J’en pourrais citer de plus enflammées, je me bornerai à celle-là, qui nous donne un Benjamin Constant humble à force d’amour, et qui fait précisément de sa nature une autre nature, qui est l’envers même de la sienne.

1599. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Qu’elles appartinssent donc à lui ou à d’autres, les opinions qui donnent la vie à son Étude sur Pascal, et qui n’ont été jusqu’ici dépassées par aucune vue nouvelle, méritaient l’attention d’une Critique, qui a bien le droit de se demander si ce sont là les derniers mots qu’on puisse dire sur Pascal, et s’il y aura même jamais un dernier mot à dire sur cet homme qui fait l’effet d’un infini, à lui seul ! Pascal, en effet, a été plus retrouvé, plus restauré, plus raconté que jugé de ce jugement définitif et suprême qui donne la raison suffisante d’un homme ; il a produit plus d’étonnement que d’admiration encore, et presque plus de frayeur que d’étonnement. […] il y resta jusqu’à son dernier jour, tenté comme le Sauveur Jésus, aussi sur la montagne ; et son tentateur, à lui, fut son propre génie, affamé de ce que les sciences de la terre n’ont jamais donné : la certitude ! […] ce qui le crée Pascal ; ce qui lui fait, par l’accent seul, une langue à lui à travers celle de Montaigne, dont il a les tours et dont il s’assimile les qualités ; ce qui lui donne une originalité incomparable entre tous les esprits originaux de toutes les littératures, et le fait aller si loin dans l’originalité que parfois il rase l’abîme de la folie et donne le vertige, c’est un sentiment, — un sentiment unique, un sentiment assez généralement méprisé par le superficiel orgueil des hommes, — et ce sentiment, c’est la peur ! […] L’ivresse de la terreur, d’une terreur sans bornes, a pu seule donner à l’âme d’un homme la force de briser un esprit pareil, car l’âme et l’esprit sont adéquats chez Pascal.

1600. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Il concentre ses forces sur un point donné. […] M. de Montalembert, qui nous donne aujourd’hui Les Moines d’Occident, nous eût plus donné en nous donnant moins. […] Cette faute, c’est que tous ces médaillons multipliés outre mesure, tous ces profils fuyants de moines, qui ne fuient pas assez, manquent de variété, et je prie qu’on soit attentif à la raison que j’en vais donner. […] devant Dieu par la foi, par l’abnégation, par l’œuvre collective, ils ont comme l’identité de la même vertu, de la même sagesse, de la même sainteté, et on pourrait tous les prendre les uns pour les autres, si Dieu n’avait pas donné à quelques-uns d’entre eux la différence qui compte devant l’Histoire, la différence ou d’un de ces caractères ou d’un de ces génies qui, en attendant l’égalité du Ciel, font la gloire et l’originalité parmi nous ! […] Laissons pour le moment la composition même du livre, qui ne sait pas faire profondément et magistralement l’histoire d’une influence, sans se perdre dans les feux de file des faits, ou qui, faisant l’histoire des faits, s’y perd encore, car il ne peut les donner tous, et il n’y a pas de raisons pour qu’il choisisse plus les uns que les autres ; laissons cette maladroite succession de légendes qui ne fait pas l’unité d’un livre, car se suivre n’est pas s’enchaîner, et dans l’exécution de l’histoire de M. de Montalembert, demandons-nous ce qu’il y a de plus que des traductions assez fidèles et des transcriptions très honnêtes, car les notes du bas des pages, malgré leur place, sont supérieures à l’en-haut, et l’auteur n’a pas craint la comparaison !

1601. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Il vit, je crois, quoique très avancé dans la vie, et s’il ne vit plus, il a cette supériorité de la vieillesse qui donne à l’expérience le calme et la certitude… et, avant de mourir, il a eu la jeune curiosité de savoir si ce siècle, justement méprisé par l’auteur des Ruines, comprendrait quelque chose à un ouvrage non moins impopulaire que le sien. […] L’auteur des Philosophes, qui a mesuré le danger qu’elle court et l’abaissement dans lequel elle est tombée et où elle tombe chaque jour davantage, a donné dans son histoire critique la preuve de cette dégradation de la pensée par le Matérialisme, qui est à la fin de tout dans l’ordre philosophique : Finis Poloniæ ! […] Il a fait des hommes qui nous laissent la liberté du mépris… Le Dr Athanase Renard nous a donné de ces hommes-là une biographie intellectuelle qui les tue. […] Je ne sache rien de moins philosophique dans le sens que les philosophes donnent à ce mot, et c’est bien quelque chose, mais cela est-il philosophique dans le sens de vérité que nous donnons à ce mot, nous qui nous vantons de n’être pas des philosophes ? […] Assurément, il ne s’agit point ici du christianisme du Dr Athanase Renard, qui soumet respectueusement son livre à l’examen et à la décision de l’Église, mais il s’agit de la rigueur d’une définition nécessaire, si elle n’est pas impossible… Et puisque le Dr Athanase Renard s’est donné le noble but de ramener la Philosophie à la Métaphysique chrétienne, il ne doit la ramener que par des moyens métaphysiquement chrétiens.

1602. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

De niveau avec ses contemporains, l’ancien évêque d’Alais n’avait rien du prophète qu’il aurait fallu pour faire lever de leur tombe les grands ossements de Bossuet et leur donner une seconde fois la vie dans une biographie tout ensemble ardente et lumineuse. […] Voilà ce qui donna une notoriété presque éclatante à un livre qui, littérairement, ne méritait pas tant de bruit. […] L’enthousiasme ne sait pas trembler, un écrivain qui a voué à Bossuet un culte véritable et qui, pour mieux vivre tête à tête avec lui, s’est retiré intellectuellement de son siècle et n’a plus habité que celui de cet imposant génie, Floquet, a entrepris de nous donner un livre nouveau sur Bossuet, et, quoique sa modestie le cache avec un goût parfait sous ce nom respectueux d’Études, ce livre, d’une érudition vaste et détaillée, n’en est pas moins une biographie. Il ne nous donne cette fois que les trois premiers volumes de cette histoire, qui doit absorber dans son flot grossi de renseignements les notions incomplètes du livre de Bausset sur le grand évêque. […] Ce n’est plus là le grand portail officiel que l’imagination idéalise, cette apothéose du plafond que la postérité regarde d’en bas et admire ; ce n’est plus le Bossuet de Versailles dont la main, brillant de l’émeraude donnée dans la mort par Madame Henriette, s’étend haut de la chaire sur le front pensif ou pénitent de Louis XIV ; ni ce prélat majestueux, ce grand artiste en dignité extérieure, qui ordonnait qu’on changeât dans ses jardins de Meaux un escalier en pente adoucie, pour que les flots moirés de sa robe violette traînassent derrière lui avec une décence plus grandiose.

1603. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Par là, il s’est donné vis-à-vis du public, auquel il veut avoir affaire, ce qui constitue aux yeux de ce public la suprême autorité. […] Je puis bien le dire maintenant à l’abbé Maynard, puisque la supériorité lui est venue : je ne le croyais pas capable du beau livre qu’il vient de nous donner. […] Il est bien évident, en effet, qu’il y a dans cette contemplation puissante des mérites inouïs de Vincent de Paul, de quoi assainir l’esprit d’un homme et l’élever aussi haut que, sa nature une fois donnée, cet esprit peut jamais monter. […] Cette omniprésence du saint à toutes ses œuvres, le soin infatigable qu’il y donnait, les lettres, instrumenta regni, par lesquelles il les gouvernait des distances les plus éloignées, toutes ces fortes qualités, incessamment appliquées, de direction, d’influence et d’irrésistible commandement, frappent plus encore que sa charité, et tout cela est d’une telle proportion en saint Vincent de Paul, qu’il est impossible de bien comprendre son action souveraine sur tout ce monde immense dont il ne cessa d’être, jusqu’à la mort, le père de famille et la providence, sans l’aide personnelle, directe et surnaturelle de Dieu ! […] Langue sans nom d’humilité volontaire, que Vincent, ce grand artiste en abaissements, s’était faite, et dont il nous a donné toute la rhétorique dans un seul précepte ravissant : « Entre deux expressions, — disait-il, — retenez toujours la plus brillante pour en faire un sacrifice à Dieu dans le fond de votre cœur, et n’employez que celle-là qui, moins belle, ne plaît pas tant, mais édifie. » L’humilité est, je crois, en effet, le caractère de sainteté de Vincent de Paul encore plus que l’amour ; personne, même parmi les saints, n’a eu cette soif de bassesse ; personne n’a dit comme cet homme : « Donnez-moi encore ce verre de mépris ! 

1604. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Nous connaissions, par expérience, la supériorité de ces historiens donnés par la nature. […] Il fallait nous donner la réalité de cette fougueuse et douloureuse vie de poète. […] Je conçois que vous, vous son frère, vous ne l’ayez pas donné… Mais pourquoi une biographie ? […] Alfred de Musset, cet amoureux immortel de femmes mortes maintenant, heureux par toutes, malheureux par une seule, a fini par mourir de celle-là… mais il a vécu par les autres, et vous n’empêcherez jamais l’imagination humaine, éprise de ses poètes, de s’intéresser à toutes celles qui ont doublé, par le bonheur qu’elles lui ont donné, les facultés du poète qu’elle a peut-être aimé le plus, et d’en désirer obstinément l’histoire. […] Galt, dans son Histoire, ne nous a pas donné un détail que nous ne tenions de lord Byron lui-même, et s’il y a des vides dans ses Mémoires qui embrassent la haute société de l’Angleterre contemporaine du poète, c’est le lâche Moore, épouvanté par les noms propres, c’est le lâche Moore qui les a faits !

1605. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Charles Bataille et qui leur donnent cette ressemblance à laquelle tout le monde, au premier abord, a été pris. […] Bataille nous la donne comme ayant la passion du devoir : mais qu’est-ce pour M.  […] Pour mon compte, je le trouve superbe quand il veut me donner l’idée de quelque boudin crevé dans un plat… Véritablement un talent aussi entripaillé que lui aurait dû être plus doux à une cuisinière comme Clémentine. […] une surprise qu’on ne peut pardonner, même à la bête humaine, car elle devient un arrangement et le plus honteux des esclavages entre ce mâle et cette femelle que l’on nous donne pour un homme mûr et pour une jeune fille ! […] Je n’ai pas d’autre conseil à donner aujourd’hui à ce fougueux jeune homme, à cet apoplectique de santé, de matérialité, de passion impure et brutale, et qui, pour le quart d’heure, semble bien moins relever de la plume de la Critique que de la lancette du médecin !

1606. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

S’il lui manque de ces expressions originales, et dont quelquefois une seule représente une masse d’idées, il a ce coloris toujours égal, qui donne de la valeur aux petites choses, et qui ne dépare point les grandes ; il n’étonne presque jamais l’imagination, mais il la fixe : il emprunte quelquefois de la poésie, comme Bossuet ; mais il en emprunte plus d’images, et Bossuet plus de mouvements. […] Ici Fléchier, comme on l’a dit souvent, paraît au-dessus de lui-même ; il semble que la douleur publique ait donné plus de mouvement et d’activité à son âme ; son style s’échauffe, son imagination s’élève, ses images prennent une teinte de grandeur ; partout son caractère devient imposant. […] Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que quelques lignes que madame de Sévigné a jetées au hasard dans ses lettres, sans soin, sans apprêt, et avec l’abandon d’une âme sensible, font encore plus aimer M. de Turenne, et donnent une plus grande idée de sa perte. […] J’ai eu un peu de peine ; je vous souhaite le bon soir ; je vais me mettre dans mon lit » ; et cette humanité envers un soldat qu’il trouve au pied d’un arbre, accablé de fatigue, à qui il donne son cheval, et qu’il suit lui-même à pied. […] Ce commerce continuel de mensonges… cette hypocrisie universelle par laquelle on travaille ou à cacher de véritables défauts, ou à montrer de fausses vertus, ces airs mystérieux qu’on se donne pour couvrir son ambition, ou pour relever son crédit, tout cet esprit de dissimulation et d’imposture ne convint pas à sa vertu.

1607. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Son style, toujours élégant et noble, s’élève au-dessus du style ordinaire de l’histoire ; mais il ne se permet nulle part ces mouvements, ces tours périodiques et harmonieux, qui semblent donner plus d’appareil aux idées et un air plus imposant au discours. […] Patru, qu’on ne lit plus, avait alors des admirateurs ; c’était la première curiosité d’un peuple étonné de ses richesses, et qui en jouit avec l’empressement que donne une fortune nouvelle : il y a d’ailleurs, comme noua avons vu dans chaque époque, un certain niveau que prennent les esprits, les âmes, les mœurs, la langue, le style même : tout tend vers ce niveau et s’en rapproche. […] Fontenelle et La Mothe, en donnant le ton à notre littérature, firent comme tous les législateurs ; ils donnèrent des lois d’après leur caractère. […] « Pourquoi, dit l’orateur, nous renfermer dans l’usage de ne célébrer après leur mort que ceux qui, ayant été donnés en spectacle au monde par leur élévation, ont été fatigués d’encens pendant leur vie ? […] Il peint de la manière la plus touchante la douleur des pères, des fils, des épouses et des mères ; mais en même temps il s’élève avec indignation contre la frivolité barbare de ces Sybarites, qui, incapables d’être émus par tout ce qui attendrit les âmes nobles et sensibles, avides de la misérable gloire que donne un bon mot, ingrats avec légèreté, au milieu des festins et des fêtes, prodiguent une raillerie insultante à ceux qui ont combattu et sont morts pour eux.

1608. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Mais parfois aussi son imprévoyance donne à son œuvre une fraîcheur, une vivacité singulières. […] Les regrets donnés à la dynastie exilée offraient à l’auteur un point de départ naturel. […] Certes, une pareille donnée était de nature à corriger la prédilection de M.  […] Bornons-nous donc à énoncer le démenti donné par l’histoire à M.  […] Étant donné les habitudes militaires que l’auteur lui prête, M. 

1609. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Qu’il se donne ou qu’il se vende, ce qui lui vaut un nom spécial, c’est qu’il donne ou vend des apparences et des déceptions. […] Paul Georges donne à son livre un titre latin. […] Max Lyan, qui a donné un premier roman en 1891, vient à peine de se décider à en publier un second. […] J’ai donné ses livres à la petite fille d’amis peu patients que j’aime à taquiner. […] des hors-d’œuvre au dessert, on ne m’a donné que de l’eau.

1610. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

et s’ils étaient moins brusques, la place et le temps donnés à leur préparation ne seraient-ils pas enlevés au déploiement des caractères ? […] Dans l’expression qu’en donne Molière, il y a simplification et grossissement, tant pour dégager le plaisant que pour manifester la vérité. […] Mairet donna les Galanteries du duc d’Ossone, œuvre italienne de goût et de facture. — À consulter : E. […] Dans la salle du Petit-Bourbon, il donne, le 18 novembre 1659. […] En 1668, il donne le Tartufe chez Condé, à Paris et à Chantilly.

1611. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Les habitants actuels de la terre que tu donnas à Érechthée, je les exalterai, je les flatterai. […] De tels récits me donnèrent de bonne heure le goût de la mythologie. […] Quant à moi, ce milieu étrange m’a donné pour les études historiques les qualités que je peux avoir. […] Et ton oncle Pierre, en voilà encore un qui m’a donné du souci. […] Il me donna le jour, vieux, au retour d’un long voyage.

1612. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Il faut aussi donner des remerciements à M.  […] À qui, de Beckmesser et de Sachs, les juges donneront-ils raison ? […] Le symbolisme de la donnée acquiert d’autant plus de puissance qu’il a pour base plus de réalité. […] Wagner adopte ces personnages, en modifiant un ou deux prénoms, et d’un trait de plume, il donne à chacun une silhouette caractéristique. […] Il donne l’exemple du « Bar » dans une note, forme que Wagner a utilisée dans les chants de Walther.

1613. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Il dogmatisa longuement, houspilla le récipiendaire pour ses folies passées, lui donna l’absolution, et lui déclara que maintenant ses péchés de jeunesse lui étaient remis en faveur de sa conversion. […] ils ont commis un crime de lèse-majesté littéraire que nous ne devons jamais oublier ; car, plus que tous les autres, ils ont donné raison aux calomnies, aux infamies qu’on jette sans cesse sur la route où nous marchons à travers les épines. […] Ces hommes nous ont donné le spectacle de toutes les apostasies, de toutes les trahisons, de toutes les défections. […] Il faut, en un mot, que chacun puisse rapprocher, la toucher, la comprendre et lui donner le baiser de la communion. […] En récompense, on donnait au pauvre hère quelques écus de six livres, une place à l’office et un lit dans les communs.

1614. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Un simple relâchement de l’effort de synthèse réclamé par la perception donnera bien à la réalité l’aspect d’un rêve, mais pourquoi ce rêve apparaît-il comme la répétition intégrale d’une minute déjà vécue ? […] Convenons, d’autre part, pour abréger, de donner le nom de perception à toute conscience de quelque chose de présent, aussi bien à la perception interne qu’à la perception extérieure. […] Au fur et à mesure que la situation progresse, le souvenir, qui tient à côté d’elle, donne à chacune des étapes l’aspect du « déjà vu », du déjà connu. […] Mieux il approfondit ce qu’il éprouve, plus il se scinde en deux personnages, dont l’un se donne ainsi en spectacle à l’autre. […] Quand on parle de « fausse reconnaissance », ou devrait spécifier qu’il s’agit d’un processus qui ne contrefait pas réellement la reconnaissance vraie et qui n’en donne pas l’illusion.

1615. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Elle donne la sensation de bêtes incomplètes, ratées. […] Elles achèvent, ces délicates mains, de donner à ces immondes créatures un aspect de monstres. […] » Oui, je sais, il y a comme cela des gens qui se sont donné pour tâche d’expliquer, et, par suite, d’aimer toutes les manifestations, quelles qu’elles soient, de la vie et de l’art humain à travers les pays et les âges. […] Je ne veux plus aimer que ce qui me donne du plaisir.

1616. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Son intervention est décisive, à la vérité ; sans lui, ces matériaux auraient été anéantis ou du moins bientôt ruinés ; il a donné aux monuments qu’il en a formés la solidité, la supériorité qui les rend immortels. […] Le creuset a donné parfois des résultats bien étranges : on a vu ce qu’il fallait d’éléments divers combinés et fondus ensemble pour former un chef-d’œuvre, et ce qu’il entrait de réminiscences dans la plus franche originalité. […] Deux littératures modernes, qui, à une certaine époque, avaient devancé la France, donnèrent l’impulsion à notre théâtre. […] Il était, du reste, parfaitement placé pour recevoir d’eux tout l’enseignement qu’ils pouvaient donner.

1617. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

On ne sait pourquoi plusieurs Ecrivains lui ont donné Rotrou * pour Maître. […] Aucun Tragique ne l’a égalé dans l’art unique d’imaginer des plans hardis, de les subjuguer, de les varier selon le choix du sujet, de donner à ses personnages une ame, une dignité, une chaleur, un caractere toujours conforme à leur siecle, à leur nation, à leurs mœurs, à leur situation. […] Corneille étoit plus âgé que Rotrou, dont la premiere Piece (l’Hypocondriaque) ne fut jouée qu’après la Mélite de Corneille ; ce qui donne à celui-ci la même autorité qu’il avoit par rapport à l’âge. […] Il devint dévot ; on lui donna pour pénitence de traduire en vers François l’Imitation de J.

1618. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

C’est ainsi que le déterminisme, qui, en nous déniant cette forme de pouvoir personnel qu’on appelle libre arbitre, semblait d’abord n’avoir qu’une influence morale dépressive, paraît aujourd’hui donner naissance à des espérances métaphysiques, très vagues encore, mais d’une portée illimitée, puisqu’il nous fait entrevoir que notre conscience individuelle pour rait être en communication sourde avec toutes les consciences, et que d’autre part la conscience, ainsi épandue dans l’univers, y doit avoir, comme la lumière ou la chaleur, un rôle important, capable sans doute de s’accroître et de s’étendre dans les siècles à venir. […] Le but de l’art, au contraire, est la réalisation immédiate en pensée et en imagination, et immédiatement sentie, de tous nos rêves de vie idéale, de vie intense et expansive, de vie bonne, passionnée, heureuse, sans autre loi ou règle que l’intensité même et l’harmonie nécessaires pour nous donner l’actuel sentiment de la plénitude dans l’existence. […] L’art est donc vraiment une réalisation immédiate par la représentation même ; et cette réalisation doit être assez intense, dans le domaine de la représentation, pour nous donner le sentiment sérieux et profond d’une vie individuelle accrue par la relation sympathique où elle est entrée avec la vie d’autrui, avec la vie sociale, avec la vie universelle. Nous espérons mettre en lumière ce côté sociologique de l’art, qui en fait l’importance morale en même temps qu’il lui donne sa vraie valeur esthétique.

1619. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Les personnages allegoriques parfaits sont ceux que la poësie créé entierement, ausquels elle donne un corps et une ame, et qu’elle rend capables de toutes les actions et de tous les sentimens des hommes. […] Les personnages allegoriques imparfaits sont les êtres qui existent déja réellement, ausquels la poësie donne la faculté de penser et de parler qu’ils n’ont pas, mais sans leur prêter une existence parfaite et sans leur donner un être tel que le nôtre. […] On peut s’en servir avec succès dans les fables et dans plusieurs autres ouvrages qui sont destinez pour instruire l’esprit en le divertissant, et dans lesquels le poëte parle en son nom et peut faire lui même l’application des leçons qu’il prétend nous donner.

1620. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Cette morale tout aristocratique et tout idéale a donné à M.  […] Il le vit sous un autre aspect, et il eut bientôt la franchise de le dire : « J’ai donné moi-même dans le travers de croire que M.  […] La mission moralisatrice qu’il se donne. […] Dumas donne à cette question. […] Et voici que les faits sont en train de donner un flagrant démenti à ces augures.

1621. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Hérondas nous donne le réquisitoire de l’honorable plaignant. […] Mais l’impression qu’elle donne est des plus étranges. […] Sarcey en a donné deux raisons. […] Maeterlinck au-dessus de ceux qu’il nous avait déjà donnés. […] … — J’en donne aussi… ici… sœur Ygraine !

1622. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Cette prière perpétuelle à Saint Décevant donne, à la longue, des courbatures. […] J’en ai donné ailleurs maints exemples. […] Elle se donna libre carrière avec les laissés pour compte du transformisme. […] Ce sera (tout donne à le penser) une des découvertes de demain. […] Puis, dans d’autres temps, ou d’autres mains, ils n’ont plus rien donné.

1623. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Salluste essaye de donner le change à son regret. […] Cependant l’auteur ne s’est pas contenté d’en donner l’esquisse. […] bien, qu’on leur en donne ? […] Pour lui donner le dernier élan, que lui faut-il ? […] Le moi se donne du bon temps.

1624. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Un gouvernement a encore plus besoin qu’un homme, de donner de lui l’idée qu’il est capable de se battre. […] J’étais dans une chambre, et un monsieur, en chapeau noir, donnait de furieux coups de tête dans les murs, et au lieu de s’y briser la tête, y entrait, en sortait, y rentrait encore. […] La petite se met à grogner et ils se donnent sournoisement des coups de pied. […] * * * — Quelle assurance la beauté donne à un enfant. […] Le rêve du czar avait été de donner à son fils la main d’une Napoléon.

1625. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Le plaisir physique que vous a donné, à telle minute, telle femme, le plat réussi que vous avez mangé, tel jour, vous ne le retrouverez plus jamais. […] La plus désagréable impression de papier mal peint, que puisse donner la peinture à l’œil d’un peintre coloriste. […] Le Torse, le seul morceau d’art au monde qui nous ait donné la sensation complète et absolue du chef-d’œuvre. […] On dresse la table dans le jardin : ce qui donne toujours à un dîner l’air d’un dîner de théâtre. […] Depuis Daudet et Zola se sont chargés de donner un démenti à ma note.

1626. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Une idée fixe l’occupait et le passionnait au milieu de cette vie aventurière, dans laquelle son caractère ombrageux et sa position mal définie lui donnaient de perpétuels déboires. […] L’église et l’allée des Pamplemousses ne valent pas, assure un récent voyageur, la description qu’en a donnée notre poëte. […] Bernardin de Saint-Pierre n’est pas un de ces génies multiples et vigoureux qui se donnent plusieurs jeunesses et se renouvellent ; il y gagne en calme ; il ne nous paraît ni moins doux ni moins beau pour cela. […] On ne saurait croire combien il sert, jusque dans les créations les plus idéales, de se donner ainsi quelques instants d’appui sur des souvenirs aimés, sur des branches légères. […] Et Jean-Jacques lui-même, ce roi des prosateurs, qui a donné quelques jolis vers dans le Devin, n’est-il pas convenu nettement qu’il n’entendait rien à cette mécanique-là ?

1627. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Raynal, afin de donner la vogue à son histoire du commerce dans les Indes, avait le soin d’y coudre les déclamations de Diderot. […] Ouvrons la prison où le préjugé les enferme ; donnons-leur l’espace et l’air libre ; qu’ils se déploient dans toute leur force, et tout sera bien. […] Voici que d’un autre côté le même cri s’élève ; c’est le bataillon de Rousseau et des socialistes qui, à son tour, vient donner l’assaut au régime établi. […] Qui vous a donné les alignements, pouvait-on lui répondre, et en vertu de quoi prétendez-vous être payé d’un travail que nous ne vous avons point imposé ? […] S’il y a des corvées à faire, une milice à lever, c’est à lui qu’on donne la préférence.

1628. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Moins lourde, mais plus sérieuse fut l’imitation française : la société précieuse est la réalité dont l’Astrée donne le roman. […] Les gens du monde y dominent et donnent le ton : c’est, dit Chapelain, « le grand monde purifié », « la pierre de touche de l’honnête homme ». […] Au théâtre, les Espagnols nous donnèrent des sujets, dispensant nos poètes du labeur de l’invention. […] Ces épiques ne savent éviter la platitude que par les pointes, et incapables de se concentrer, ils se boursouflent ; ils ne donnent que du fatras ou du clinquant. […] Pour Scudéry, l’épopée est un roman historique, en vers, ayant d’un bout à l’autre un sens allégorique, qui donne la moralité de l’œuvre.

1629. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Paul Adam « voit » les choses sous un angle inédit, et il sait donner à ses décors un relief saisissant, presque toujours vrai. […] C’est aussi l’amour de la France qui leur a donné l’inébranlable conviction d’un relèvement futur. […] Il donne à ses héros des traits pris aux gens d’aujourd’hui, et ces traits appellent aussitôt de piquants et de significatifs rapprochements. […] L’ensemble du roman, dont la donnée fut discutée, offre une réelle séduction. […] Bourget a donné dans l’Émigré une suite digne d’elles aux deux œuvres magistrales dont il est surtout question ici.

1630. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Quelle distillation nous donnera l’essence, toujours la même, à laquelle tant de produits divers empruntent ou leur indiscrète odeur ou leur parfum délicat ? […] Mais une expression comique du visage est celle qui ne promet rien de plus que ce qu’elle donne. […] Mais si l’on ne veut pas se donner la peine de les chercher, on n’a qu’à ouvrir au hasard un volume de Labiche. […] Donc, dès que le poète comique donnera la première note, instinctivement et involontairement il y surajoutera la seconde. […] Le difficile est de donner au mot sa force de suggestion, c’est-à-dire de le rendre acceptable.

1631. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Or la nature ne donne ni agencement, ni encadrement, ni commencement, ni fin. […] Et le daguerréotype se donne-t-il tant de peine ? […] Courbet, est bien plutôt le premier coup de pied donné par le réalisme à l’art, à la nature et même à la réalité. […] Allégorie réelle, telle est la qualification que le peintre réaliste donne à son œuvre. […] Ce n’est pas en vain qu’on laisse dormir en soi telle faculté qui pourrait y donner de beaux fruits.

1632. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Jeune, dans un moment de frénésie, il avait coiffé sa muse du bonnet rouge ; il avait donné des gages éclatants à un parti : quoi de plus simple et de plus inévitable que ce parti, se voyant quitté, le calomniât, méconnût ses intentions intimes les plus pures, travestît grossièrement les ressorts délicats et secrets de sa conduite ? […] Et pour se donner patience et courage, il passe en revue tous les martyrs de la muse, la grande procession des glorieux affligés à commencer par Homère, tous ceux que le monde a couverts d’insultes, qu’il a abreuvés de fiel et couronnés d’épines : Et c’est ainsi partout, et c’est ainsi toujours ! […] L’auteur semble préoccupé d’une idée qui revient souvent dans ses vers : c’est qu’il est plus poëte en dedans qu’en dehors ; il se méfie de sa force et de son art, il craint de ne point donner à son rêve tout l’éclat et la solidité d’une création. […] Le poëte prend son parti du labeur et de la peine que tout noble effort suppose, surtout quand il s’agit d’associer des contraires, de ne rien sacrifier, de ne verser d’aucun côté, de ne donner ni dans un idéal trop subtil et trop froid, ni dans une matière trop sensuelle et trop colorée. […] Mais eux, avec l’entrain de la force qui crée, Affrontent la fumée et le four éclatant : Le travail fait les cœurs ; cette douleur sacrée Donne un si mâle espoir qu’on la souffre en chantant !

1633. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Restent des leçons à donner : c’est une façon pas mauvaise de tuer le temps, mais ce n’est rien de plus. […] Topffer venait à peu près de terminer le roman de Rosa et Gertrude, dont la donnée et les situations lui avaient été suggérées par un rêve, et qu’il composa d’abord tout d’une haleine. […] Rien, même dans ses écrits, ne peut donner idée du charme de son intimité. […] Calame venait lui donner des conseils, et les petits tableaux assez nombreux qu’il a exécutés durant ces deux mois à peine attestent quelle était sa profonde vocation native. […] Xavier de Maistre, et à lui seul, que convient ce titre de parrain que lui donnait Topffer.

1634. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

un oubli complet de tout ce qui pouvait les rallier à temps, les concilier, surtout les nouveaux arrivants, leur offrir des cadres naturels d’activité, leur permettre de s’appliquer à d’honorables emplois, de donner cours et carrière à leurs facultés de production et de travail ; pas une Revue largement ouverte et solidement fondée ; pas un journal vaste, impartial, sans acception de personnes et libéralement hospitalier. […] Puisqu’on se donnait le temps de discuter si au long et de remanier sur quelques points le sénatus-consulte, j’aurais aimé qu’on tînt plus compte de l’amendement de M. de Sartiges et de la première partie du plan proposé par M. le président Bonjean, qui, l’un et l’autre, tendaient à ménager et à résoudre les conflits possibles entre le Corps législatif et le Sénat. Je n’aime pas que le Sénat, en eût-il le droit constitutionnellement, affecte de pouvoir s’opposer à la promulgation d’une loi sans même en donner ses motifs. […] Car figurez-vous bien, vous qui êtes des sages, une mesure commandée par l’opinion, votée par la Chambre élective, arrivant au Sénat, et le Sénat lui disant non, y opposant son vélo, un véto muet, sans vouloir donner ses raisons. […] « J’ai rédigé, comme secrétaire du Comité historique, la circulaire qui donne des instructions aux Correspondants de province sur les recherches littéraires concernant le moyen âge auxquelles ils devront se livrer, circulaire insérée au Moniteur le 18 mai 1835, et signée Guizot.

1635. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Au pain du corps ajoutez celui de l’âme, non moins nécessaire ; car, avec les aliments, il fallait encore donner à l’homme la volonté de vivre, ou tout au moins la résignation qui lui fait tolérer la vie, et le rêve touchant ou poétique qui lui tient lieu du bonheur absent. […] Ne croyons pas que l’homme soit reconnaissant à faux et donne sans motif valable ; il est trop égoïste et trop envieux pour cela. […] Hugues Capet pose la première ; avant lui, la royauté ne donnait pas au roi une province, pas même Laon ; c’est lui qui ajoute au titre son domaine. […] Le même sentiment vif se prolonge jusqu’à la fin du quinzième siècle dans les peintures de Beato Angelico et de Hans Memling. — La Sainte Chapelle de Paris, l’église supérieure d’Assise, le paradis de Dante, les Fioretti peuvent donner une idée de ces visions. […] Voir dans les Voyages de Caillaud en Nubie et en Abyssinie les razzias d’esclaves faites par les armées du pacha ; tel était à peu près le spectacle que donnait l’Europe de 800 à 900.

1636. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

» Sur quoi elle lui donne rendez-vous, la nuit prochaine, à l’assemblée des chrétiens, dans le propre temple de Rome et d’Auguste. […] De cette disposition surhumaine, Renan donne ces explications : « L’exaltation et la joie de souffrir ensemble les mettaient dans un état de quasi anesthésie. […] Ils étaient comme des athlètes émérites, endurcis à tout… Le martyre apparaissait de plus en plus comme une espèce de gymnastique, ou d’école de gladiature, à laquelle il fallait une longue préparation et une sorte d’ascèse préliminaire. » Peu s’en faut que Renan ne dise : « Le martyre était un sport. » — Il est certain que, d’être regardé, c’est une grande force : cela donne le courage de souffrir beaucoup, même pour des causes chétives et frivoles. […] … Je vous le donne ! […] Il viole la jeune Grecque Hébé, puis, l’ayant donnée pour femme à l’esclave germain Faustus, la lui enlève contre la foi jurée.

1637. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Cette étendue d’esprit, cette force d’imagination, cette activité d’ame, ne donnent-elles pas plus de prise à ce feu qui semble d’autant plus redoutable qu’on ose le combattre, & ne voila-t-il pas cet homme si orgueil, leux de sa sagesse, esclave comme un autre ; non. […] Ce sera lui qui étendra les idées des autres hommes, qui sous la forme du sentiment, développera les pensées qui reposoient au fond de leurs cœurs, & qui placera sur leurs lévres cette expression juste & facile dont il leur aura donné l’exemple. […] Donnerai-je ici la liste de ces beaux génies persécutés par elle, & qui contens dans leur noble independance ont rejetté tout esclavage, & ont opposé une ame inébranlable aux coups de l’adversité. […] Dignes compagnes de l’homme, osez penser avec lui ; la Nature vous a donné le même esprit. […] Pourquoi ne pas donner une égale éducation à des esprits également doués de raison ?

1638. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

N’as-tu rien donné au ressentiment ? […] Elle t’a donné ce sentiment exquis, ce discernement prompt & vif, cette ame honnête & sensible qui s’enflamme pour le beau, & le goûte avec transport. […] Tu seras saisi de respect, d’admiration & d’enthousiasme, lorsque le vulgaire ne sera pas même ému ; tu seras pour ainsi dire le point vivant ou viendront se refléchir les merveilles diverses de la Nature, & ton amour invincible pour le vrai, pour le bon, te donnera chaque jour une idée flatteuse de la sublimité de ton ame. […] Quelle joie plus pure en effet que celle que donne la découverte d’une utile vérité ? […] Mais l’ombre de la nuit survient, il se dérobe au sommeil ; à la lueur d’un flambeau qui le plonge dans une volupté douce, il converse avec ces morts illustres, ces sages de l’antiquité, réverés & bienfaisans comme les Dieux, héros donnés à l’humanité pour sa gloire & son bonheur.

1639. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

La pratique fondamentale qui donnait à la secte de Jean son caractère, et qui lui a valu son nom, a toujours eu son centre dans la basse Chaldée et y constitue une religion qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. […] Les Esséniens leur avaient donné une extension particulière 287. […] Jamais pourtant, avant notre baptiste, on n’avait donné à l’immersion cette importance ni cette forme. […] Ces bonnes relations devinrent ensuite le point de départ de tout un système développé par les évangélistes, et qui consista à donner pour première base à la mission divine de Jésus l’attestation de Jean. […] C’était plus qu’il n’en fallait pour décider celui-ci à donner suite à ses soupçons.

1640. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Nos mouvements spontanés donnent naturellement naissance à un plaisir ou à une douleur. […] La rétentivité et la répétition tendent à donner de la force à ces motifs qui n’ont pas pour but un objet actuel. […] La plupart des gens savent qu’ils pensent et sentent, sans connaître avec exactitude les lois de la pensée, les coexistences et séquences mentales, tout comme les sens leur révèlent les étoiles, rivières, montagnes, villes, etc., mais sans leur donner une connaissance précise et exacte. […] Ajoutons que, suivant les habitudes de l’école éclectique, ce Traité a donné à l’histoire des théories une place si ample, que la partie dogmatique s’en trouve singulièrement réduite. […] Cependant cette comparaison donnerait encore l’idée la plus exacte de ce qu’il a fait, et montrerait clairement combien cela était indispensable….

1641. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Walckenaer, par la riche et copieuse biographie qu’il est en train de publier, et que le quatrième volume, donné depuis peu, n’a pas épuisée encore, vient combler la mesure. […] Le soir même du mariage, qui s’était célébré à grande pompe, et où la reine avait fait à la mariée l’honneur de lui donner la chemise (style du temps), à peine tout ce monde retiré, Sidonia comprit dès les premiers mots qu’elle avait affaire, dans M. de Courcelles, à un homme grossier et vil, et elle le méprisa. Elle prit sur elle de dissimuler pendant huit jours, eu égard à l’équipage qu’on lui faisait et aux cadeaux ; puis elle ne se contint plus : Je crus, dit-elle, qu’il y allait de ma gloire de ne point paraître entêtée d’un homme que personne n’estimait, et je donnai un si libre cours à mon aversion pour lui, qu’en un mois toute la France en fut informée. […] Mais je crois que c’est un défaut qu’on m’impute, pour ne m’en avoir pu trouver d’autres, et que je dois pardonner à ceux qui disent que je n’ai point la bouche tout à fait régulière, quand ils conviennent en même temps que ce défaut est d’un agrément infini et me donne un air très spirituel dans le rire et dans tous les mouvements de mon visage. […] Deux choses nuisaient à Louvois dans son esprit, sans compter qu’il ne lui plaisait pas : la première, c’est que toute sa famille et son mari lui-même conspiraient honteusement à le lui donner pour amant, afin de pousser leur fortune.

1642. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Aucun avis n’avait été donné par le corps qui précédait ; et il ne s’agissait pas d’un simple détachement ennemi qui interceptait la route, c’était toute une armée de 80 000 hommes sous les ordres de Miloradovitch, qui s’interposait entre Ney et le reste de l’armée française. […] Pendant qu’on s’occupait à trouver un point où le Dniepr serait assez gelé pour donner passage, dans ce court intervalle de temps « le maréchal Ney seul, oubliant à la fois les dangers du jour et ceux du lendemain, dormait d’un profond sommeil ». […] La direction était donc assurée, et cette découverte donna aux soldats un moment de joie dont je profitai pour les encourager et leur recommander le sang-froid qui seul pouvait nous sauver. […] Ce sont pourtant les restes de ce corps, joints à quelques autres débris, qui reçoivent l’ordre de faire l’arrière-garde jusqu’à la fin, et de défendre tant qu’ils le pourront le pont de Kowno, pour donner au gros de la déroute le temps de s’écouler. […] Dans ces grandes épreuves qui demandent à l’homme plus qu’il ne peut donner, la nature humaine, épuisée à la longue et usée qu’elle est, laisse voir, pour ainsi dire, sa trame à nu.

1643. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Mais, si l’on dit que l’âme en soi nous est tout à fait inconnue, n’est-ce point par là donner gain de cause au scepticisme, et permettre toute hypothèse, par exemple celle du matérialisme aussi bien que celle du panthéisme ? […] Que puis-je répondre à Locke, lorsqu’il me dit que Dieu a pu donner à la matière la puissance de penser ? […] Pour nous qui aimons les idées précises, nous réservons le nom de matérialisme à la doctrine qui, partant de l’idée de matière telle qu’elle est donnée par les sens et représentée par l’imagination (à savoir une pluralité existant dans l’espace), et donnant à cette pluralité apparente une réalité substantielle, en fait non plus seulement la condition, mais le substratum de la pensée. […] En même temps que l’expérience intérieure nous donne l’unité du moi, l’expérience externe, aidée de l’induction, nous autorise à affirmer l’existence des autres hommes et par conséquent de consciences semblables à la nôtre. […] Maine de Biran a donné à la France une philosophie de l’esprit : il ne lui a donné ni une philosophie de la nature, ni une philosophie religieuse.

1644. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Le hasard et Bacchus donnèrent les premières idées de la tragédie en Grèce : l’histoire en est assez connue. […] Ainsi l’artifice, joint à la nature, justifie assez la conduite des premiers poètes tragiques, qui n’ont passé que de fort peu la durée de la représentation dans l’espace qu’ils ont donné à l’action de leurs tragédies. […] Le nœud est cependant la partie la plus considérable de la tragédie ; c’est ce qui lui donne cette espèce de vie qui l’anime, aussi bien que le poème épique. […] Il me semble que la plus grande utilité du théâtre est de rendre la vertu aimable aux hommes, de les accoutumer à s’intéresser pour elle, de donner ce pli à leur cœur, de leur proposer de grands malheurs, de fortifier et d’élever leurs sentiments. Il s’ensuit de là que non seulement il faut des caractères vertueux, mais qu’à la manière élevée et fière de Corneille, ils affermissent le cœur et donnent des leçons de courage.

1645. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Il nous a donné depuis sa Marie Stuart un livre bien plus considérable, et qui lui a coûté encore plus d’efforts et de travail que le règne isolé de la reine d’Écosse. […] Dargaud, qui ne croit ni à la Chute ni à la Grâce, mais à la Nature, a l’optimisme de ceux qui pensent que, dans un temps donné, rien n’est impossible à la puissance de la raison. […] l’historien de la liberté religieuse a rejeté ce joug du sien, et il nous a donné, pour la première fois, le Machiavel vrai, qui a fait tous les crimes de son siècle à l’image de sa pensée, et il nous a dit avec une merveilleuse éloquence qu’on n’est jamais plus grand que le mépris, lorsque l’on est un pervers. […] Mais l’Académie Française, qui en est la fin, a donné à M.  […] C’est déjà beaucoup pour l’Académie, qui aime la mort, par égoïsme, que de donner une moitié de couronne à la vie !

1646. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

le voyage qui la lui a donnée ; mais c’est le voyageur, le voyageur qui n’avait pas besoin de courir le monde pour trouver en soi ce qui fait les livres vivants, c’est-à-dire de l’aperçu pour les éclairer et de l’expression pour les écrire. […] on a le droit d’aller chercher partout ses couleurs et de les broyer sur sa palette, mais une palette, fût-elle splendide, ne peut jamais être donnée ou acceptée pour un tableau. […] En effet, c’est d’un séjour d’un an qu’il est question en cet écrit, et d’un séjour recommencé, ce qui donne à l’ouvrage un charme de passé que ne connaissent pas d’ordinaire les livres de voyage, qui poussent droit devant eux la tête en avant, et ne savent pas la retourner en arrière avec cette mélancolie qui convient si bien aux livres des hommes ! De plus, sous sa forme flottante, familière, épistolaire, peu littéraire par conséquent, il a comme un besoin d’unité vaguement obéi, un essai de secrète ordonnance qui sentie livre combiné, et donne comme une pointe d’unité dramatique à ces récits qui ne se suivent plus pour se suivre, à ces impressions d’ordinaire inconséquentes et sans autre raison d’être que les hasards de son chemin pour le voyageur, et qui tournent ici autour d’une figure et d’un fait central, — la figure et l’épisode d’Haouâ. […] IV Et si cela est pour un livre aussi véritablement distingué que celui d’Eugène Fromentin, que ne sera-ce pas pour tous ceux-là qui n’éveillent pas en nous le regret que donne aux esprits de noble origine la vue d’un talent fourvoyé !

1647. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

En d’autres termes, la figure rigide n’est pas la réalité même : ce n’est qu’une construction de l’esprit ; et de cette construction c’est la figure de lumière, seule donnée, qui doit fournir les règles. […] Son allongement représente donc exactement l’allongement du temps, tel que nous le donne la théorie de la Relativité. […] Bref, on se donne, avec toutes les vitesses possibles imprimées successivement au système, toutes les visions possibles d’une seule et même chose, cette chose étant censée coïncider avec toutes ces visions à la fois. […] Mais la combinaison des effets dans le Temps donne ce qu’on appelle une contraction de longueur dans l’Espace. […] En termes familiers elle s’exprimerait ainsi : « Étant donné, au repos, une coïncidence de la figure rigide d’espace avec la figure souple de lumière, étant donné, d’autre part, une dissociation idéale de ces deux figures par l’effet d’un mouvement que la pensée attribue au système, les déformations successives de la figure souple de lumière par les diverses vitesses sont tout ce qui compte : la figure rigide d’espace s’arrangera comme elle le pourra. » Par le fait, nous voyons que, dans le mouvement du système, le zigzag longitudinal de la lumière doit conserver la même longueur que le zigzag transversal, puisque l’égalité de ces deux temps prime tout.

1648. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Elle n’a ni goût ni délicatesse, et s’en veut donner l’extérieur. […] —  Donnez, grands Dieux ! donnez à votre petit garçon, à votre César, —  ce monde, un hochet pour jouer avec, —  ce colifichet d’empire. […] Ordinairement ses dédicaces donnent la nausée. […] On disait que le Virgile anglais allait donner le Virgile latin à l’Angleterre.

1649. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Plus tard, dans un article sur Béranger, il nous en a donné la théorie d’après nature. […] M. de Barante en fut très-frappé, et dit qu’il le voulait garder pour le donner comme article à M.  […] Dans les manifestations de presse qui donnèrent le signal à la révolution de juillet, M. […] Il ne hait pas ces sortes de diversions qui donnent le change à la curiosité oisive et qui déjouent la louange banale. […] Le Clerc se donnait pour éditeur (chez Delalain, 1814).

1650. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Un quidam arrive : « Je voudrais un roman. — On ne donne pas de romans. — Eh bien, alors, donnez-moi M.  […] Il donna son adresse pour se faire envoyer le livre : M*** à Rambouillet. […] — de la pièce à côté, un homme s’est élancé, joyeux, exultant, pour voir sur l’almanach, accroché au mur, le nom du saint du jour, et le donner à son enfant. […] Parce qu’il donnait des pensions pour qu’on le chantât…. […] J’ai fait vingt-deux leçons sur Bossuet… Et puis je donne tout ce que j’ai : le fond de toutes mes notes.

1651. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Je ne prétends pas affirmer ici qu’on ne saurait donner aucune autre raison de la classification des caractères des êtres organisés en groupes subordonnés à d’autres groupes. […] L’importance d’un ensemble combiné de divers caractères, même lorsqu’aucun d’eux n’est important, peut seule expliquer, je pense, cet aphorisme de Linné, que les caractères ne donnent pas le genre, mais que le genre donne les caractères. […] Cet exemple me paraît donner une idée assez juste de l’esprit selon lequel nos classifications doivent quelquefois être conçues. […] Cependant, il se pourrait que quelque langue très ancienne se fût peu altérée, et qu’elle n’eût donné naissance qu’à un petit nombre de langues modernes ; tandis que d’autres, par suite des migrations, de l’isolement ou des différents états de civilisation des races qui les ont parlées, se sont altérées considérablement et ont donné naissance à un grand nombre de langues ou de dialectes modernes. […] On peut en ce cas l’appeler un organe naissant ; et la sélection naturelle pourra plus tard lui donner son développement complet.

1652. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Il ne donne jamais dans ses vers ses larmes à l’état de larmes ; il les métamorphose, il en fait éclore des êtres comme Dolorida, Symétha, Éloa. […] Trop préoccupé du Cénacle qu’il avait chanté autrefois, il lui a donné dans ma vie littéraire plus d’importance qu’il n’en eut, dans le temps de ces réunions rares et légères. […] Je vous remercie dix fois de me la vouloir bien donner, et d’agir en ami avec un des hommes qui savent le mieux vous aimer et vous apprécier. […] Je vous écris les larmes aux yeux, et ne sais vraiment quel éloge littéraire vous donner. Tout mon cœur est pris par votre émotion profonde, vous êtes un poëte et cependant un homme, etc. » Mais je donnerai une partie du post-scriptum parce qu’il est d’un ton différent, toujours affectueux, mais non approbateur.

1653. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

J’ai voulu donner une Cornélie à la république. […] La chute de sa couronne ne donna pas un mouvement à sa tête. […] Elle leur donna beaucoup de lumières, beaucoup de principes, beaucoup de calcul. […] C’est à lui que le roi donna sa cravate. […] Il avait voulu lui donner beaucoup ; elle avait voulu arracher davantage : de là la lutte.

1654. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Voyez ses campagnes de l’Empire : il a et il nous donne l’illusion de lire à tout moment toute la pensée de l’Empereur, et de conduire le monde avec elle ; son récit est ordonné comme un budget où tout est prévu. […] Dans la Chambre la politique étroite, apeurée, matérialiste du gouvernement lui donnait beau jeu pour faire retentir les grands principes et les beaux sentiments : il y avait du reste bien de l’habileté et de la finesse sous les éclats de sa parole. […] Bourguignon, de la province qui nous a donné saint Bernard et Bossuet. […] Didon709, dominicain, qui a donné en ces dernières années d’éclatants exemples de hardiesse oratoire et de foi soumise. […] Il donne ensuite son Système des contradictions économiques (1846).

1655. (1772) Éloge de Racine pp. -

Mais de si beaux efforts ne sont point donnés à l’humanité ; elle n’a pas des conceptions si vastes. […] Tous ces différens mérites étoient inconnus avant lui, et il y a joint des traits d’une éloquence frappante, et ces mots sublimes qui, s’échappant d’une ame fortement émue, ébranlent fortement la nôtre, lui donnent une plus grande idée d’elle-même, et y laissent un profond souvenir de l’homme rare à qui elle a dû cette puissante émotion. […] Ce n’est qu’avec le temps qu’on a compris tout ce qu’il y avait d’admirable dans cette grande leçon dramatique donnée à tous les souverains. […] Oui, sans doute, dût cet aveu donner à la médiocrité jalouse des espérances consolantes, oui, le génie peut quelquefois s’arrêter au milieu de sa course. […] Qu’ils s’obstinent en vain à nier le talent qui les accable et les désespère, comme les stoïciens niaient la douleur qui leur donnait des convulsions ?

1656. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Ils donnèrent à ce qui n’était d’abord qu’une affectation, un faux pli dans les mœurs de la classe élevée, les proportions d’une monstruosité. […] Sa sobriété produit plus d’effet que la magnificence, et il prend l’imagination par tout ce qu’il ne lui donne pas. […] de la correction de la ligne, il rappelle, dans ces conditions que je ne veux ni dissimuler ni affaiblir pour donner une idée de ce talent étrange, oui ! […] Mais les mains qui auraient pu donner restèrent fermées. […] Mais s’ils ont été plus heureux que nous, pourquoi n’avoir pas dit nettement, dans une Introduction attachée à leur édition, ce qu’ils avaient à nous donner ?

1657. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Voltaire, qui s’était enrichi par d’autres voies, savait très-bien l’influence de la richesse sur les mœurs de la littérature (je prends mœurs dans le sens que lui donnent les rhéteurs), et quand on venait lui faire de grandes phrases à la Jean-Jacques, il vous répondait par le Mondain. […] On donna autrefois à Marc-Paul le sobriquet de Messer milione à cause des histoires merveilleuses et incroyables qu’il racontait de ses voyages : on pourrait donner le même surnom au Balzac d’aujourd’hui, et il ne fait que représenter en cela le rêve et la chimère de maint confrère. […] Cousin ne cesse de répéter que Port-Royal représente le stoïcisme chrétien : ces assimilations rapides, sans être fausses, ne sont pas suffisantes et ne sauraient se donner comme définitives. […] L'Odéon, alléché par son succès d’Antigone de l’an dernier, vient de donner les Nuées d’Aristophane.

1658. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Je pourrais vous les donner ici dans leur belle langue originale, mais j’aime mieux vous les traduire en m’aidant de la naïve traduction en pur français classique faite par le poète lui-même. […] Homère, nous n’en avons lu aucun qui ait eu pour nous un charme plus inattendu, plus naïf, plus émané de la pure nature, que le poète villageois de Maillane — Si nous étions riche, si nous étions ministre de l’instruction publique ou si nous étions seulement membre influent d’une de ces associations qui se donnent charitablement la mission de répandre ce qu’on appelle les bons livres dans les mansardes et dans les chaumières, nous ferions imprimer à six millions d’exemplaires le petit poème épique dont nous venons de donner une si brève et si imparfaite analyse et nous l’enverrions gratuitement, par une nuée de facteurs ruraux, à toutes les portes où il y a une mère de famille, un fils, un vieillard, un enfant capable d’épeler ce catéchisme de sentiment, de poésie et de vertu, que le paysan de Maillane vient de donner à la Provence, à la France et bientôt à l’Europe. […] C’est que, en effet, il règne sur cette Provence à qui il a donné conscience d’elle-même.

1659. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Il se charge de leurs messages, donne à la jeune fille des conseils pervers, et finit par lui persuader de fuir la maison paternelle. […] » Comme on le voit, Ipocrito reçoit de bonne grâce les présents qu’on lui fait de toutes parts ; comme Tartuffe, il a soin d’ajouter : « Je vous remercie pour le bon exemple que vous donnez. […] Il lui donne des leçons de philosophie fataliste et pyrrhonienne : la fortune persécute ceux qui sont sensibles à ses coups ; elle laisse en paix ceux qui s’en moquent. […] Qui donne là où besoin est acquiert une légitime louange. […] Il est vrai qu’on doit trembler pour la famille où cet intrus a pris un tel empire ; mais rien ne donne encore à prévoir ces éventualités funestes.

1660. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Pour nous, plus que la trivialité pâteuse de son style, nous déplorons le tour spécial qu’il a donné à une forme de roman, j’ai dit tout fi l’heure, admissible. […] Deux mois après les Nouvelles lettres de femmes, où j’ai plaisir à reconnaître que le libertinage grossier a disparu par quoi les premières étaient tachées, voilà qu’il nous donne Les Demi-Vierges. « Les Demi-Vierges, centième mille !  […] : 1º Les imaginatifs, à la façon de Cazotte ou de Coster, ou les fantaisistes, comme Bret Hart, — et vous ne songez pas à relever de leur genre, non plus que de celui des sentimentaux moutonneux ; 2º Les érotiques, de Beroalde de Verville à Crébillon ; mais ceux-là ont une connaissance du vice et de la volupté, aussi une verve ou une grâce en leur parler, — dont les passages mêmes où vos fillettes, à table, enfourchent les cuisses de leurs voisins, ne donnent qu’une maigre illusion ; 3º Les réalistes, la lignée de Le Sage, ceux qui nous documentent sur un temps et sur une société ; et pour cela il faut une acuité de vision, une audace de dire, une pénétration psychologique, que je suis confus de ne pas vous reconnaître. […] Votre succès, dont j’aurais tort de suspecter l’aloi (et d’ailleurs, quand vous iriez au-devant de la clientèle, le cas n’est pas pendable), votre succès vient de ce que vous êtes un peu imaginatif, sans envolée fatigante, un peu réaliste, sans floraison de description à donner le mal de tête, et un peu beaucoup érotique. […] Si on nous les donne comme « la littérature contemporaine », je me rebiffe.

1661. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

On cause, on rit fort bien avec elle. » Madame Scarron, pour donner le change aux curieux que sa retraite aurait pu mettre en campagne, prit avec elle la petite d’Heudicourt, et parut se charger de son éducation. […] Il me semble évident que quand madame Scarron se retira de la société qu’elle fréquentait, sans dire pourquoi, et se retira dans une grande maison isolée, avec des gens et un carrosse, il se trouva quelque mauvaise langue qui répandit, à petit bruit, ou que madame Scarron était grosse, qu’elle l’était du fait du roi, qu’elle avait fait cet affront à madame de Montespan, ou qu’après avoir cédé au roi, dans l’espérance de supplanter madame de Montespan, elle avait été déçue ; que le roi ayant passé sa fantaisie, était retourné à madame de Montespan avec plus d’ardeur qu’avant, et que le roi avait donné à la belle abusée une maison pour y cacher son dépit, sa honte, le repentir de son ingratitude envers sa bienfaitrice, et qu’elle cachait sa honte et son ingratitude dans une maison que le roi lui donnait en attendant qu’elle allât expier sa faute et cacher son infamie dans quelque refuge comme la Trappe. […] Mais laissant de côté des présomptions qu’il n’est pas donné à tout le monde d’apprécier, arrêtons-nous aux conséquences que le fait a dû amener. […] Dans le mois de septembre, le roi donne le gouvernement d’Amersfort au frère de madame Scarron.

1662. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Le même Génie, si habile à dessiner les caracteres, étoit également supérieur lorsqu’il s’agissoit de leur donner les couleurs propres à les embellir. […] Les Grecs l’avoient rejetée, comme indigne de la majesté de Melpomene ; & Racine en a fait le principal ressort de ses Pieces : ce qui leur donne un air de Roman, & annonce trop la marche de l’intrigue. […] M. de Voltaire s’est vainement efforcé de donner le même exemple : il y aura toujours loin de l’Enfant prodigue, de Nanine, & de ses autres Comédies, à celle des Plaideurs. […] Ils s’empresserent d’adoucir ses mécontentemens ; &, par l’entremise de Boileau, Racine supprima une troisieme Lettre qu’il se proposoit de donner, à la tête de laquelle il avoit placé une Préface très-mordante, s’il faut en juger par le morceau qu’on nous en a transmis. […] On ne sauroit donner trop d’éloges à Chapelain, pour avoir, le premier, employé son crédit à lui fournir les moyens de développer son génie.

1663. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Ils se sont donné une mission. […] Il a donné les Entretiens et il a publié le Civilisateur : « Déjà presque au terme de ma longue carrière, a-t-il écrit dans la préface de cet ouvrage, avant d’avoir perdu une seule note de ma voix, mon ambition serait de recevoir en bas, dans les rangs obscurs mais honorables du peuple, la naturalisation littéraire et poétique que j’ai reçue autrefois en haut, dans les rangs supérieurs et élégants de la société. […] Pourquoi ces intrépides esprits n’ont-ils pu réussir à nous donner les pages dont nous sommes désireux ? […] Ne pouvons-nous remplir la tâche que Dieu nous donne parce qu’elle présente un nombre trop grand d’obligations ? […] Il a essayé de donner aux peuples les paroles de foi qu’ils demandent, qu’ils attendent, qu’ils espèrent, qu’ils sollicitent sans cesse.

1664. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

L’aperception empirique, dit Kant, donne l’unité au contenu des sensations, l’aperception transcendantale est une forme pure : c’est la conscience que toutes nos représentations, pour être pensées, doivent être en relation avec le je pense ; c’est la condition fondamentale de toute connaissance. […] Selon nous, la volonté ne peut, par elle-même, donner naissance à aucune forme d’activité intellectuelle ; l’aperception intellectuelle ne peut donc être identique avec l’attention, comme il arrive dans la doctrine de Wundt. […] Il n’y a dans tout cela qu’une soudure des images intérieures avec des points de repère extérieurs, comme quand on fait passer une courbe par des points donnés. […] On persuade à une malade qu’il existe sur une table voisine un oiseau, puis, sans la prévenir, on interpose un prisme devant un de ses yeux : la malade s’étonne alors de voir deux oiseaux ; si on lui donne une lorgnette, l’oiseau imaginaire s’éloigne ou s’approche selon le bout par lequel elle regarde. […] La « production d’énergie intellectuelle » n’est point illimitée89 ; l’attention n’est libre que d’une liberté toute relative ; « l’aperception » est une certaine quantité de force donnée à une image, à une idée, elle est une des conditions de ce que nous appelons l’idée-force, mais, encore une fois, la réaction intellectuelle qui la constitue est elle-même causée par l’état général de la sensibilité, par l’intérêt que nous prenons à la chose, — intérêt déterminé, fini, en rapport avec les deux termes subjectif et objectif, et qui, en somme, est un désir.

1665. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Cela revenait à dire, la réalité nous étant donnée, qu’il n’y a pas de vérité objective. […] Que l’on mette en cause une conception de l’ordre moral, politique, social ou religieux, il ne s’agit plus de la comparer avec un modèle idéologique d’une valeur présumée absolue, dont on sait maintenant l’origine arbitraire, avec une idée divinisée de vérité ou de justice, dont on connaît qu’elle n’exprime autre chose qu’un état de sensibilité particulier et propre à un temps donné. […] Cette fuite trop rapide, cette ardeur trop vive de nouveauté, ne donnent naissance qu’une réalité falote jusqu’à devenir imperceptible. […] Ces diverses connaissances sont propres à déterminer quelles transformations peut subir encore cette réalité donnée, quelles transformations la briseraient. […] Cette confidence implique, comme loi du changement dans l’homme et sous le regard de la conscience, ce pouvoir de se concevoir autre, qui apparut dans l’œuvre de Flaubert avec un relief pathologique, et auquel on a donné le nom de Bovarysme.

1666. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

D’accord. " mais ce bras retourné et ce poignet appuyé sur la hanche donne de la noblesse et marque le repos " . Donne de la noblesse, si vous voulez. […] Son toupet gris avec sa mignardise lui donne l’air d’une vieille coquette qui fait encore l’aimable, la position, d’un secrétaire d’état et non d’un philosophe. […] C’est cette folle de Madame Van Loo qui venoit jaser avec lui, tandis qu’on le peignoit, qui lui a donné cet air-là et qui a tout gâté. […] Le vrai traité des sentimens moraux serait un pur traité de mécanique ; mais l’anatomie la plus perfectionnée ne nous donnera jamais cette théorie.

1667. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Premierement l’usage des anciens épargnoit aux comediens tous les contre-sens que les plus intelligents donnent quelquefois aux vers qu’ils recitent sans les bien entendre. […] Dans la musique même on ne sçauroit écrire en notes tous ce qu’il faut faire pour donner au chant son expression veritable, sa force et les agrémens dont il est susceptible. […] Jusques ici, je l’ai déja dit, le veritable mouvement d’une composition n’a pû se conserver que par tradition, pour parler ainsi, car les instrumens inventez pour tacher d’avoir par le moïen de l’horlogerie, le mouvement juste que les compositeurs avoient donné à leurs airs et à leurs chants, afin de le conserver avec précision, n’ont point eu jusques ici un grand succès. […] Le bon acteur qui sent l’esprit de ce qu’il chante, presse ou bien rallentit à propos quelques notes, il emprunte de l’une pour prêter à l’autre, il fait sortir de même ou bien il retient sa voix, il appuïe sur certains endroits, enfin il fait plusieurs choses propres à donner plus d’expression et plus d’agrément à son chant qu’un acteur mediocre ne fait pas ou qu’il fait mal à propos. […] Il ne s’ensuit pas même qu’ils continuassent à le blamer, s’ils s’étoient donné une fois la peine de reflechir sur ses avantages et sur ses inconveniens pour les compenser.

1668. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Mais ceux-là mêmes qui nient le plus dru l’héroïsme de par la race, sont les premiers et les plus obstinés à admettre que le talent, cet héroïsme de l’esprit, cette gentilhommerie du talent, qui ne s’est donné pourtant, comme l’autre, que la peine de naître, peut se transmettre de père en fils, — et même en fille, — et qu’en littérature, il y a des races, il y a des dynasties, il y a des Rois et des Dauphins, et, ce qui est plus fort, des Dauphines ; et, chose entièrement inconnue à cette vieille bête de monarchie qui ne connaissait que les Dauphines par mariage ! […] soufflet que se donne de ses propres mains le vieux monde renouvelé qui se croit rajeuni ! […] Le roman qu’elle a écrit est une étude de famille qu’elle leur donne à creuser, à ces deux grands romanciers, à ces deux puissants poëtes dramatiques ! […] Mme Marie-Alexandre Dumas nous a donné dans Au lit de mort, tout ce qu’elle pouvait nous donner.

1669. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Eh bien, ce sont les souvenirs de cette lointaine et première époque de sa vie que Vaultier avait écrits avec un détachement de tout, avec une absence de prétention si rare, que cela est presque de l’originalité dans ce temps où les grenouilles de l’individualisme crèvent dans tous les livres pour se donner des airs de bœuf insupportable ! […] Cette théorie, imitée des Grecs par un ignorant qui ne connaissait pas la Grèce, cette théorie imbécille, même comme hypothèse, donnait le pays non pas à tout le monde, comme il est de naïfs historiens qui le répètent encore, mais aux mineurs, qui sont nécessairement le plus grand nombre dans toute société. […] L’application de cette théorie, — qui supprimait la famille chrétienne en faisant égaux en droit le père et le fils, renversait le foyer domestique et son crédit, donnait une prime aux turbulents, toujours prêts, contre les pacifiques, toujours promptement dégoûtés de ces orgies, et tout cela pour se terminer irrévocablement par des réactions que la force des choses veut et que le législateur devrait prévoir, ne fût-ce que pour organiser, — telle est, sans phrases, girondines ou autres, sans déclamation et sans haine, la Révolution française. […] Selon la loi de toute révolution populaire, celle qui eut son prodrome à la prise de la Bastille et son épilogue au 9 thermidor était déchirée en deux parts lorsque le mouvement dit du Fédéralisme se produisit en 1793 ; et comme Caen, dit Vaultier, fut une des villes de France où le mouvement se prononça le plus (nous allons voir tout à l’heure avec quelle vigueur), ce qui se passa à Caen donne l’idée de ce qui se passa dans les autres villes, et cela fait véritablement pitié. […] Ils ont essayé d’enfler cette baudruche, d’animer ce fantôme, de donner un peu d’épaisseur à ce rien… Ç’a été peine perdue, recherche inutile.

1670. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Si nous voulions donner la preuve de ce que nous disons là, nous trouverions peut-être plus d’un grand exemple à l’appui de notre opinion. […] Et cependant ce petit livre vanté par tout le monde, ce chef-d’œuvre d’éloquence et de passion sincère, nous venons de le relire dans la nouvelle édition qu’on nous en donne, et il nous a été impossible d’y trouver tout ce qu’on s’obstine à y chercher et à y voir. […] Et nous disons romances, et non pas romans ; car le romancier le plus vulgaire, avec ce sujet d’une religieuse séduite et abandonnée, apostate de Dieu par amour d’un homme, aurait mis certainement plus de sang du cœur dans les larmes qu’il eût fait verser à sa chimère qu’il n’en passa jamais sur les joues de cette religieuse, qu’on nous donne comme une réalité. […] Si elles sont d’elle, en effet, on ne saurait trop admirer le mot qu’on s’est donné (et qu’on s’est tenu) de les traiter imperturbablement de chef-d’œuvre en fait d’expression passionnée. […] Ces lettres d’une religieuse qui n’a pas un remords, — qui n’a pas un scrupule, — qui, nous le répétons, ne parle pas une seule fois de Dieu dans sa chute, qui n’a pas même sur son front le signe de la Bête dont Dieu marque ses réprouvés, ce coup de marteau donné à l’arbre qui doit être coupé pour l’enfer ; — ces lettres à mignardises éplorées et à obscénités hypocrites sont apocryphes en nature humaine, et nous n’hésitons pas à le déclarer !

1671. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Eh bien, je regretterais beaucoup, j’ose le dire, celui d’Henri Rochefort, si, dans un temps donné, la Chronique, cette Jourdan vide-tête, allait nous en priver ! […] Pascal, bien autrement triste que Molière, Pascal, le janséniste rechigné, l’inquiet, l’épouvanté, le hagard Pascal, qui certainement n’a pas ri une seule fois dans sa vie tourmentée, a donné, en ses Provinciales, un exemple d’impayable comique que Molière aurait pu admirer… Les esprits les plus gais qu’on ait vus, au contraire, ont parfois manqué de comique. […] Rabelais, Regnard, Voltaire, Beaumarchais, ce n’est pas de cette lignée d’esprits que descend l’auteur des Français de la décadence ; mais s’il n’est pas leur descendant, s’il est apparenté à d’autres, il est cependant trop du même pays pour ne pas savoir quelle force la plaisanterie donne à la pensée et quelle fortune c’est pour un homme que de la manier avec supériorité. […] III En effet, ces observations, qu’Henri Rochefort, victime des exigences de la Chronique, nous donne trop en petits paquets, que seraient-elles, je vous le demande, sans la plaisanterie qui les accompagne, et sans son sel ranimant et conservateur ? […] Ce genre de raillerie qui touche au froid par son énormité même, ces hoax à la Swift, débités avec l’impassibilité et le sérieux d’un Anglais convaincu, et qu’écrit Rochefort dans une phrase qui ressemble à un visage où pas un muscle ne bouge, donnent toute la manière habituelle au spirituel écrivain ; mais, anglaise.

1672. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

L’homme qui la lui donna était Louis Wihl, l’auteur des Hirondelles 34 et du Pays bleu 35, le poète dont nous allons parler ; Louis Wihl, l’homme le mieux fait pour assister Heine à son heure dernière, car il était son parent par l’esprit, le talent, la faculté poétique, et il était son supérieur par la foi en Dieu, les grandes croyances gardées, la droiture morale de la vie, et, tronc solide, il était bien en droit d’offrir à la liane qui allait s’abattre un dernier appui. […] Tout fils qu’il est, comme nous, de cette pénétrante et éparpillante civilisation  qui tend de plus en plus à se substituer à toutes les patries, et qui éteindra un de ces jours jusqu’aux sons du cor de l’enfant des Alpes, l’auteur des Hirondelles a entendu, dans sa pensée, ce Ranz, qui n’était pas ailleurs, des montagnes de la Judée muette, et il en a mis l’écho dans des vers capables de donner le mal du pays aux âmes lâches qui ne l’éprouvent plus. […] Errant en Europe, venu en France, il se mêla un peu au journalisme, qui nous prend tous et qui nous dévore ; mais il retira son pied de ce gouffre, et dans la solitude d’une ville de province, où il donne noblement des leçons pour vivre, il put, quelques années après Les Hirondelles (1860), ces oiseaux bleus, publier son Pays bleu (1865), — une œuvre de tout autre aspect de génie, et qui, après le Juif, nous donnait l’Allemand. […] C’est sous ce titre de Pays bleu, rêveur comme les lointains, que Louis Wihl lança deux poèmes humouristiques (Les Dieux scandinaves et La Reine de Madagascar), qu’il est aussi impossible à la Critique de toucher pour en donner une idée qu’on ne touche à la bulle de savon sans la détruire… Certes !

1673. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Tous deux également célèbres, et tous deux jouissant de la gloire l’un de l’autre, ils goûtaient ensemble dans le commerce de l’amitié et des lettres, ce bonheur si pur que ne donnent ni les dignités, ni la gloire, et qu’on trouve encore moins dans ce commerce d’amour-propre et de caresses, d’affection apparente et d’indifférence réelle, qu’on a nommé si faussement du nom de société, commerce trompeur qui peut satisfaire les âmes vaines, qui amuse les âmes indifférentes et légères, mais repousse les âmes sensibles, et qui sépare et isole les hommes, bien plus encore qu’il ne paraît les unir. […] Il en fit presque un nouvel ouvrage, et lui donna par degrés cette étendue que la plupart des hommes ne pardonneraient pas même à une satire. […] Jusque dans les louanges que le consul donne au prince, il y a un détail minutieux de petits objets ; j’ose même dire que le ton n’a pas toujours la noblesse qu’il devrait avoir. […] Il se souvient qu’il est homme, il se souvient qu’il commande à des hommes29… « Les riches ont d’assez grands motifs pour donner des citoyens à l’État, il n’y a qu’un bon gouvernement qui puisse encourager les pauvres à devenir pères. […] Que le prince ne donne rien, pourvu qu’il n’ôte rien ; qu’il ne nourrisse pas, mais aussi qu’il ne tue point : et les enfants naîtront en foule31.

1674. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 75-77

Othello croit sa femme infidelle, à la vue d’un mouchoir qu’on lui persuade qu’elle a donné à un de ses Rivaux ; Orosmane entre en fureur à la vue d’une Lettre écrite par Zaïre à Nérestan, qu’il croit son Rival. […] lui donnent de nouveaux droits à notre reconnoissance. […] Les louanges peu justes & trop prodiguées dont il a chargé ce Journal, nous dispensent de lui en donner à cet égard.

1675. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Si nous trouvons tant de charmes à révéler nos peines à quelque homme supérieur, à quelque conscience tranquille qui nous fortifie et nous fasse participer au calme dont elle jouit, quelles délices n’est-ce pas de parler de passions à l’Être impassible que nos confidences ne peuvent troubler, de faiblesse à l’Être tout-puissant qui peut nous donner un peu de sa force ? […] Donnez Racine pour interprète à Héloïse, et le tableau de ses souffrances va mille fois effacer celui des malheurs de Didon par l’effet tragique, le lieu de la scène et je ne sais quoi de formidable que le christianisme imprime aux objets où il mêle sa grandeur. […] Après le morceau que nous avons cité, on lit ces vers : Chères sœurs, de mes fers compagnes innocentes Sous ces portiques saints, colombes gémissantes, Vous qui ne connoissez que ces faibles vertus Que la religion donne… et que je n’ai plus ; Vous qui, dans les langueurs d’un esprit monastique, Ignorez de l’amour l’empire tyrannique ; Vous, enfin, qui, n’ayant que Dieu seul pour amant, Aimez par habitude, et non par sentiment, Que vos cœurs sont heureux, puisqu’ils sont insensibles ! […] Qui ne sent combien cette transition repose agréablement l’âme agitée par les passions, et quel nouveau prix elle donne ensuite aux mouvements renaissants de ces mêmes passions ?

1676. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Belle leçon du roi des scythes expirant ; jamais plus belle leçon ne fut donnée ; jamais plus mauvais tableau ne fut fait. […] Dans nos campagnes les mieux ravagées par l’intendance et la ferme, dans la plus misérable de nos provinces, la Champagne pouilleuse ; là où l’impôt et la corvée ont exercé toute leur rage ; là où le pasteur réduit à la portion congrue n’a pas un liard à donner à ses pauvres ; à la porte de l’église ou du presbitère ; sous la chaumière où le malheureux manque de pain pour vivre et de paille pour se coucher, l’artiste aurait trouvé de meilleurs modèles. […] Jean Sobieski mourant n’aurait pu donner à sa nation rassemblée en diète une leçon plus sublime que celle que le roi Scilurus donne à sa nombreuse famille.

1677. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Sa valeur ne tient pas uniquement au temps qu’il fait, aux événements qui grondent sur nos têtes… Il n’y a que Méry pour donner à la glaise, fiévreusement pétrie, d’un livre de circonstance, l’éclat et la solidité d’un livre qui doit rester et durer quand la circonstance ne sera plus, parce que le talent y aura laissé son empreinte et sa signature de rayons. […] Mais ces qualités éminentes de coloriste et de poète, qui sont le fond de l’être artiste de Méry, ne nous ont donné qu’une volupté sans surprise ; nous les connaissions. […] Ce livre-ci nous donne la mesure du progrès accompli par cet esprit qui fait sa spirale éternelle, comme dit Gœthe, mais qui la fait en haut, du côté du ciel ! […] On sent que son catholicisme n’est pas un simple effet de coloris, mais une réflexion de son esprit devant l’Histoire, qui va donner à un talent jusqu’ici plus étincelant que profond la dernière main : la Profondeur.

1678. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Cette année-ci m’a donné raison. […] L’école Couture, — puisqu’il faut l’appeler par son nom, — a beaucoup trop donné cette année. […] Que les Français ont d’esprit et qu’ils se donnent de mal pour se tromper ! […] Papety donne, dans le même Salon, des tableaux d’un aspect tout différent. […] Lenglet, au contraire, est une certaine timidité, puérilité, sincérité excessive dans le travail, qui donne à son œuvre une apparence de sécheresse ; mais, en revanche, il est impossible de donner un caractère plus vrai et plus authentique à une figure humaine.

1679. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Maintenant, comment se fait-il qu’un souvenir intense ou une vision intense de l’avenir donne l’illusion du présent ? […] James reconnaît lui-même que l’explication n’est pas donnée. […] Nous ne croyons pas que l’existence simultanée de processus intenses et de processus faibles pût donner à Adam l’illusion d’avoir déjà vécu. […] La force des représentations, nous l’avons dit souvent, est celle des tendances sous-jacentes, qui elles-mêmes sont fonctions de l’état général au moment donné. […] Cette idée, au contraire, enveloppe une tendance de la volonté dont elle est la forme, et à laquelle elle donne une direction vers l’avenir prévu, anticipé, actualisé.

1680. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Il donna aussi quelques articles littéraires au Globe dans les premiers temps de sa fondation. […] voilà que tout à la fin, sans y songer, il donne un démenti à son projet contemplatif, et qu’avec un seul être de plus, avec une compagne telle qu’il s’en glisse inévitablement dans les plus doux vœux du cœur, il peuple tout d’un coup sa solitude. […] de Vatimesnil ne lui avait donné qu’un court espoir. […] « Je me plains du sort, « Qui ne m’a donné ni génie, ni richesse, ni naissance. […] « Aujourd’hui (dans les Consolations) il sort de sa débauche et de son ennui ; son talent mieux connu, une vie littéraire qui ressemble à un combat, lui ont donné de l’importance et l’ont sauvé de l’affaissement.

1681. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

C’est le signe de l’étude, donné par la nature ou par l’habitude, à tous ceux dont la vocation est de penser ; malheur à ceux dont le menton manque ou fuit en arrière ! […] Il a donné, depuis, son nom et son cœur à une jeune femme accomplie de beauté, d’éducation et de vertu, fille d’une famille d’élite de mon voisinage en Mâconnais. […] Je le voyais tous les jours ; il donnait, par pur intérêt de cœur, à ma santé encore frêle les soins d’une mère plus que d’un médecin. […] Nous le lui souhaitons, ce don, comme je me le serais souhaité à moi-même, à l’époque d’adolescence où j’aurais donné ma vie pour un sonnet de l’amant de Laure. […] Le monde l’appelait miss Blake ; je ne sais quel nom lui donnera la poésie, mais elle en aura un.

1682. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Ce qu’on appelle l’originalité, c’est-à-dire ce sens du terroir qui donne une sève étrangère aux esprits d’une race peu mêlée aux autres races, est le cachet des écrivains, des publicistes, des poètes francs-comtois, beaucoup de bon sens mêlé à beaucoup de rêves. […] On demande son nom au premier batelier qui passe et qui rattache son petit bateau de pêche à un tronc de saule pour verser son filet frétillant de truites sur le sable. — C’est la rivière d’Ain, vous dit-il avec un air de fierté locale, la rivière qui descend de Saint-Claude et qui donne son nom à toutes ces plaines. […] Mais pardon encore de cette digression déplacée à propos de la rivière d’Ain, à laquelle les Arabes avaient donné un nom sonore comme l’écho des rochers d’où il tombe en cascades de saphir, et que les Gaulois ont rendu muet comme leur langue de corne et de caoutchouc. […] La loyauté de sentiment jointe à la modération et au patriotisme de race donna à sa candidature une unanimité de convenances aristocratiques et de confiance populaire qui fut justifiée par ses votes ; il fut royaliste sans cesser d’être national. […] C’est là l’œuvre que nous donne M. 

1683. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

j’ai cette confiance, que tes sentiments religieux me donnent, que la miséricorde de Dieu m’inspire. […] Jamais ne me donneras-tu signe de là ? […] Il vint, Maurice, me trouver, causer un peu d’âme et de cœur, et me donna un cahier de papier avec un « Je veux que tu m’écrives là ton tous les jours à Paris. » Oh ! […] La vie est longue, il faut de temps en temps quelques cordiaux pour la course : il m’en vient du ciel, il m’en vient de la terre, je les prends tous, tous me sont bons, c’est Dieu qui les donne, qui donne la vie à la rosée ! […] Comme Marie me donne le sien tendrement, et que je me trouve bien là !

1684. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Au mois de février 1860, il donna ses concerts du théâtre italien ; le prélude de son Tristan y fut exécuté. […] La première des représentations de Tristan fut donnée, à Munich, en juin 1865. […] C’était au bord de cette fontaine que Tristan et Iseult se donnaient rendez-vous. […] Elle lui donna des habits de fille et Tristan s’en vêtit et il sembla une belle damoiselle. […] On remarquera le choix des pièces jouées en concert ainsi que leur découpage et le titre qui leur est donné.

1685. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rameau, Jean (1859-1942) »

Rameau a une rare connaissance du rythme et, par-dessus tout, un souffle de grand poète panthéiste qui donne son âme aux choses de la Nature, les rend vivantes comme l’homme et chante passionnément l’éternelle vigueur de l’existence universelle. […] Doué d’une réelle originalité, il a, comme l’a fort bien dit un critique, une rare connaissance du rythme et, par-dessus tout, un souffle de grand poète panthéiste qui donne son âme aux choses de la Nature, les rend vivantes comme l’homme et chante passionnément l’éternelle vigueur de l’existence universelle. […] Des vers ne se discutent pas, et la prose est mal venue à vouloir en reproduire l’impression ; mieux vaut en donner un échantillon.

1686. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 128-130

Nous ne dissimulerons pas qu’il est des Censeurs, dont la sévérité peu éclairée, les difficultés minutieuses, la foiblesse, la pusillanimité, l’esprit de parti, peuvent donner de justes mécontentemens aux Auteurs les plus irréprochables. […] Mais nous n’en sommes pas moins convaincus de la nécessité de donner des entraves aux esprits fougueux qui cherchent à égarer les autres, après s’être égarés eux-mêmes. […] Il étoit si accoutumé à ces fréquens voyages, qu’en voyant paroître l’Exempt Tapin, aussitôt, sans lui donner le temps de s’expliquer, allons vîte , disoit-il à sa Gouvernante, mon petit paquet ; du linge, du tabac .

1687. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XIV. Le procès funèbre de la bouche »

» Les mains, à leur tour, refusèrent la tâche : « Ce n’est qu’une ingrate à qui il est arrivé maintes fois de nous donner un coup de dent lorsque nous lui portions la nourriture !  […] C’était elle qui parlait pour moi quand j’éprouvais le besoin de me donner un peu de mouvement. C’était elle qui me donnait à manger164 ».

1688. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

À cela on peut répondre que c’est le changement des choses qui nous donne de l’appréhension… Combien de craintes avons-nous reçues depuis le malheureux jour du parricide de notre Henri le Grand ! La loi des États change selon les temps, on n’y peut donner de maximes certaines ; ce qui est utile à un roi est dommageable à un autre. […] Cette seconde guerre fut engagée par Soubise, qui en donna le signal par un acte audacieux (janvier 1625). […] Le plus souvent il n’avait qu’à se montrer pour donner courage à ses alliés du dedans, aux bons habitants qui entraînaient les autres : les consuls et échevins, plus circonspects d’ordinaire et gens déjà de juste milieu, ont besoin pour se rendre que la rue s’en mêle et qu’on leur force la main. […] Le maréchal de Thémines commandait l’armée que le roi opposa à Rohan ; il se présenta devant Castres, où la duchesse de Rohan, qui avait laissé son mari, avec un conseil ou abrégé d’assemblée, dut prendre sur elle, dans l’embarras de ses conseillers, de donner des ordres ; et la circonstance l’élevant au-dessus d’elle-même, cette personne mondaine, mais de courage, sut pourvoir à tout.

1689. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

On se donne bien du mal pour arriver à être juste, à voir juste, et quand on a à peu près atteint le point, entrent à l’instant de nouveaux venus qui brouillent tout encore une fois, remettent tout en jeu, et, au nom de leurs passions ou de leurs convictions, ne veulent voir qu’un côté, sont excessifs dans l’enthousiasme comme dans l’invective ; et c’est ainsi que tout est à recommencer toujours. […] On m’a écrit que M. le régent a donné sa parole, et comme j’ai celle de la personne qui l’a obtenue du régent, je ne crains point qu’on se serve d’un autre canal que le mien ; je peux même vous assurer que, si je pensais qu’ils eussent dessein (les hommes d’argent) de s’adresser à d’autres, mon peu de crédit auprès de certaines personnes serait assez fort pour faire échouer leur entreprise. […] Conçu, bercé, caressé et promené dans ces châteaux des Sully, des Caumartin, le poème de La Henriade n’y reçut jamais ce dernier achèvement de la méditation, de la solitude, ce je ne sais quoi de sacré que donne la visite silencieuse de la muse. […] Molière, louant le peintre Mignard, son ami, et célébrant ses grands travaux du Val-de-Grâce, lui disait, ou plutôt disait à son sujet à Colbert : L’étude et la visite ont leurs talents à part ; Qui se donne à la Cour se dérobe à son art. […] Il avait fait semblant de résister aux avances de ceux qui voulaient qu’il la donnât au public.

1690. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

ou même, ne fût-ce que pour changer, qui me donnera la délicatesse toute seule ? […] Le dernier devoir qu’il lui donne à faire avant le départ pour le collège et comme essai de sa force, a précisément pour sujet le départ d’Annibal à la veille de son retour en Afrique et ses adieux à l’Italie, à cette proie si chère dont il lui faut s’arracher. […] Le contraste avec Dominique, et en même temps certain rapport insaisissable qui les rapproche, donnent à penser pour la suite et commencent à diversifier le récit. […] Fromentin, si j’ose dire, a fait là, à sa manière, la critique des procédés différents du sien ; il a fait de la critique indirecte, comme il n’est donné qu’à l’artiste d’en savoir le secret ; il l’a mise en image et en action. […] Ces légères réserves et ces réflexions faites, on n’a que des remerciements à adresser à l’auteur pour le plaisir qu’on lui a dû ; on n’a que des éloges à lui donner pour la délicatesse des sentiments et le juste emploi des couleurs.

1691. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

L’excellent Droz, qui avait cette bonne et honnête mesure, a donné là-dessus des volumes judicieux qui renferment le verdict des sages. […] MM. de Goncourt ont donné ainsi leur Histoire de Marie-Antoinette, si vive de sources, si semée de pièces neuves, et si attachante d’accent. […] Un billet rapide, une lettre aimable, un généreux sentiment exprimé peuvent donner idée d’une nature, mais ne sauraient établir toute une ligne de conduite ni certifier toute une vie. […] Un des mérites de M. le comte d’Hunolstein sera, indépendamment de ce qu’il nous donne, d’avoir piqué d’honneur M.  […] J’ai été bien émue de cet événement, car M. de Choiseul a toujours été un ami de notre famille et m’a toujours à l’occasion donné de bons avis.

1692. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

M. de Lamartine, en moisson dans l’Orient, a chanté de beaux chants de départ ; Béranger va nous donner ses adieux. […] Je donne la moindre en cent à tous faiseurs, copistes, éplucheurs, gens de goût, etc. […] Un baiser, le premier qu’il ait donné à sa Mamette, comme il appelle Déidamia, va lui être rendu. […] Il a voulu rompre avec l’école dite de la forme, et, en rimant mal exprès, il a cru donner une ruade au Cénacle. […] Un aimable esprit qui donnait dans un autre abus, Émile Deschamps, pendant ce temps-là, n’avait pas de cesse qu’il n’eût remis sur de meilleures rimes les ballades de Moncrif.

1693. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Ecrire avec des termes généraux et des périphrases, c’est donner la définition de la chose au lieu de la montrer, et l’exprimer en savant ou en faiseur d’énigmes, non en poëte. […] Ils sont nés dans les tavernes ou dans les palais, dans le cabinet ou à la campagne ; ils apparaissent avec un cortège qui leur donne leur titre et leur rang, humble ou élevé, dans le discours. […] 192 Cet enchaînement des mots donne à la phrase une régularité qui n’est pas dans la nature. […] Ce n’était pas assez, pour donner à la fable l’air naturel, de ployer l’alexandrin et de chiffonner la roide draperie classique. […] Monsieur le mort, laissez-nous faire On vous en donnera de toutes les façons, La multitude des rimes rapprochées étourdit le lecteur et l’accable sous le bruit, en même temps qu’elle oppresse son imagination sous les images, et agrandit l’objet décrit.

1694. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Et il ne fait ni leur portrait ni leur biographie ; il n’analyse point leurs livres et n’étudie point leurs procédés ; il ne définit point l’impression que leurs livres lui ont donnée en tant qu’œuvres d’art : il cherche seulement à bien expliquer et décrire ceux de leurs états de conscience et celles de leur idées qu’il s’est le mieux appropriés par l’imitation et par la sympathie. […] Renan, il tient le dédain aristocratique et surtout le dilettantisme, « cette disposition d’esprit, très intelligente à la fois et très voluptueuse, qui nous incline tour à tour vers les formes diverses de la vie et nous conduit à nous prêter à toutes ces forme sans nous donner à aucune » ; de M.  […] En somme, le baudelairisme, le renanisme et le beylisme sont des habitudes et des goûts de son esprit, peut-être aussi des acquisitions préméditées d’un artiste qui s’est donné pour tâche de refléter et de porter en lui l’âme d’une certaine époque littéraire. […] Sais-je ce que je ferais si d’aventure je découvrais qu’au temps où j’étais enfant un fort galant homme a fait tuer mon père   étant donné que le meurtier, aimé de ma mère et follement épris d’elle, l’a épousée et rendue parfaitement heureuse, et qu’il va du reste mourir sous peu d’une maladie de foie ? […] Cet attendrissement, fait de méditation sérieuse, de tristesse et de pitié, c’est lui qui donne tant de prix aux romans de M. 

1695. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Il y a, semble-t-il, une contradiction cachée dans toute tentative pour donner une formule parfaite et définitive de la beauté artistique. […] Il ne peut pas davantage se laisser paresseusement aller au gré de ses prédilections ; ce serait une autre façon d’être étroit et d’ôter à son histoire le fondement solide qu’il veut lui donner. […] Irons-nous demander à l’Allemagne une équitable appréciation de la bonhomie fine et malicieuse qui donne aux fables de La Fontaine une saveur de terroir si piquante et si agréable à des palais français ? […] Il convient avant tout de donner au mot de moralité l’extension large qu’il doit avoir. […] Avant tout, il faut qu’elle donne à la sensibilité et à l’intelligence les légitimes satisfactions que celles-ci réclament.

1696. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

En peu de générations, la race saxonne n’a-t-elle pas donné naissance à la variété anglo-américaine, et il s’en forme même une autre en Australie. […] De plus, chacun des changements produits donne lui-même naissance à d’autres changements. […] 1° Ce que la science révèle est plus éloigné de la perception que ce qui est donné par la connaissance vulgaire ; la prédiction d’une éclipse de lune par l’astronome diffère, sous ce rapport, de cette prévision d’une servante quelconque, que le feu fera bouillir l’eau. […] Cette expérience, sans cesse répétée, nous a donné nos premières leçons. […] Quoiqu’il n’y paraisse guère, la recherche intrépide tend sans cesse à donner une base plus ferme à toute vraie religion.

1697. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

On vit qu’après la gloire de faire de grandes choses, il avait de plus conçu l’ambition de les écrire avec détail et avec étendue, et de composer moins encore des mémoires proprement dits qu’un corps d’histoire et d’annales : J’avoue, disait-il en parlant de ce travail de rédaction et de dictée qui, au milieu de tant d’autres soins si impérieux, avait partagé ses veilles, j’avoue qu’encore qu’il y ait plus de contentement à fournir la matière de l’histoire qu’à lui donner la forme, ce ne m’était pas peu de plaisir de représenter ce qui ne s’était fait qu’avec peine. […] Il consulte cette même Mme de Bourges, bonne économe : Si vous me donnez bon conseil, vous m’obligerez fort, car je suis fort irrésolu, principalement pour un logis, appréhendant fort la quantité des meubles qu’il faut ; et, d’autre côté, tenant de votre humeur, c’est-à-dire étant un peu glorieux, je voudrais bien, étant plus à mon aise, paraître davantage, ce que je ferais plus commodément ayant un logis à moi. […] À la comtesse de Soissons, à l’occasion de la mort du comte son mari, il dira assez singulièrement et pour lui persuader qu’elle y a gagné plutôt que perdu : « Si vous désirez votre bien, il est meilleur que vous ayez un avocat au ciel qu’un mari en terre (sur la terre). » Une fois, il donne des conseils intérieurs et tout spirituels à une âme dévote qui éprouvait des peines et des découragements dans l’oraison ; il essaye avec elle d’un langage et d’une science mystique, où il est aisément vaincu par les saint François de Sales et les Fénelon. […] La reine, d’après les conseils énergiques qui lui sont donnés, et voyant les intrigues croissantes du prince de Condé et de ses alliés les Bouillon, les Vendôme et les Nevers, qui, sous prétexte de s’élever contre le maréchal d’Ancre, vont à conspirer contre elle-même et contre son fils, jusqu’à songer à le détrôner peut-être, se décide à faire arrêter le prince de Condé au Louvre. […] Et Richelieu, qui nous démêle toutes ces intrigues et nous les peint avec plus d’un trait de Tacite, ajoute de ce Thémines qui arrêta ce jour-là le prince de Condé que, s’il fit bien, aussi crut-il l’avoir fait ; car depuis ce temps-là il ne fut jamais content, de quelques récompenses que le pût combler la reine : Elle le fit maréchal de France, lui donna comptant cent et tant de mille écus, fit son fils aîné capitaine de ses gardes, donna à Lauzières, son second fils, la charge de premier écuyer de Monsieur ; et, avec tout cela, il criait et se plaignait encore : tant les hommes vendent cher le peu de bien qui est en eux, et font peu d’estime des bienfaits qu’ils reçoivent de leurs maîtres !

1698. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

J’ai donné le nom de sélection naturelle au principe en vertu duquel se conserve ainsi chaque variation légère, à condition qu’elle soit utile, afin de faire ressortir son analogie avec la méthode de sélection de l’homme. […] C’est rester au-dessous du vrai que d’assurer qu’il se reproduit dès l’âge de trente ans, et continue jusqu’à quatre-vingt-dix ans, après avoir donné trois couples de petits dans cet intervalle. […] Je n’en veux donner qu’un exemple, qui, bien que fort simple, m’a vivement intéressé. […] Je suis tenté de donner encore un exemple pour montrer comment les plantes et les animaux les moins élevés dans l’échelle naturelle sont reliés ensemble par un réseau de relations complexes. […] J’ai aussi constaté que les visites des Abeilles sont nécessaires à la fécondation de quelques espèces de Trèfle : par exemple 20 têtes de Trèfle hollandais (Trifolium repens) donnèrent 2, 290 graines, tandis que 20 autres têtes protégées contre les Abeilles n’en donnèrent pas une.

1699. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Sainte-Beuve, il donna ce qui suit : [1863] Elle a le front haut et fier, fait pour le diadème ; les cheveux, d’un blond cendré, relevés en arrière, découvrent de côté des tempes larges et pures, et se rassemblent, se renouent en masse ondoyante sur un cou plein et élégant. […] Elle témoigne de sentiments aussi honorables pour vous qu’ils sont agréables pour moi ; puisque, suivant votre expression, la nouvelle fortune de la France est venue vous chercher, jouissez des faveurs qu’elle vous donne : elles ne sauraient être mieux placées que dans des mains aussi reconnaissantes que les vôtres. […] L’empereur Nicolas y répondit par une lettre qui touche de trop près à l’histoire pour que nous n’usions pas de la permission qui nous est donnée de la produire ici : Je vous remercie bien sincèrement, ma chère nièce, des nobles sentiments que m’exprime votre lettre. […] Il n’est point donné à la prévoyance humaine de le pénétrer ; mais ce que je puis vous assurer, ma chère nièce, c’est que dans toutes les conjonctures possibles, je ne cesserai d’avoir pour vous les sentiments affectueux que je vous ai voués, etc. (9 février 1854). […] On serait heureux d’avoir donné une idée, qui ne fût pas trop incomplète, d’une nature riche, loyale, généreuse, d’une personne qui, dans le plus haut rang, unit le don de beauté au feu sacré de l’art ; qui a le courage de ses pensées et le charme de ses sentiments.

1700. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Il est le contraire de ceux qui donnent au public des papiers plutôt que des idées. […] Les Grecs avaient un précepte dont je ne puis donner ici que le sens, à défaut des mots mêmes qui, par leur jeu et leur cliquetis de son38, y ajoutaient de l’agrément : ce précepte et ce conseil, c’était d’exprimer autant que possible les choses neuves simplement, et au contraire les choses communes avec nouveauté (inaudita simpliciter, proprie communia dicere). […] La vérité, au lieu de s’imposer, se donne comme un plaisir d’esprit dont Voltaire nous invite à essayer. […] Tous les genres d’esprit de la correspondance brillent dans les lettres, sauf l’esprit de se faire louer, dont Vollaire donne plus volontiers la commission aux autres, et dont Cicéron se charge lui-même. […] Que si on prétendait donner pour type de l’esprit français tout autre plus sérieux, plus grandiose, Bossuet par exemple, on se tromperait, en visant trop haut ; on déplacerait le centre.

1701. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

, en faisant sa fortune, à faire celle de plusieurs théâtres ; 3° enfin, qu’à cette misérable anarchie dramatique se joignent d’impudents plagiats, des billets donnés à la claque, et des éloges payés dans les journaux. […] Car, disons-le en passant, l’abus de la claque, le scandale des billets donnés, contre lequel M.  […] Les Vêpres siciliennes, si on les donnait cette année pour la première fois, réussiraient peut-être tout juste autant que la Princesse Auréli. […] On remarquera, en effet, que nous passons brusquement, dans l’article qui suit, de juillet 1828 au mois d’avril 1830, sans rien donner de 1829. […] Sainte-Beuve a donnée par mégarde, dans les Portraits littéraires, tome I, à son Étude sur l’Histoire de la vie et des ouvrages de Pierre Corneille, par M. 

1702. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Mérimée ; ces sortes de comparaisons sont toujours assez hasardeuses et ne peuvent se donner que pour de lointains à peu près ; ce qui est certain, c’est que M.  […] C’est le nom d’un chef cosaque zaporogue, et, dans ce caractère sauvage, féroce, grandiose et par instants sublime, le romancier a voulu nous offrir un portrait de ce qu’étaient encore quelques-uns de ces chefs indépendants des bords du Dnieper durant la première moitié du xviie  siècle, date approximative à laquelle se rapportent les circonstances du récit : « C’était, dit-il, un de ces caractères qui ne pouvaient se développer qu’au xvie  siècle, dans un coin sauvage de l’Europe, quand toute la Russie méridionale, abandonnée de ses princes, fut ravagée par les incursions irrésistibles des Mongols ; quand, après avoir perdu son toit et tout abri, l’homme se réfugia dans le courage du désespoir ; quand sur les ruines fumantes de sa demeure, en présence d’ennemis voisins et implacables, il osa se rebâtir une maison, connaissant le danger, mais s’habituant à le regarder en face ; quand enfin le génie pacifique des Slaves s’enflamma d’une ardeur guerrière, et donna naissance à cet élan désordonné de la nature russe qui fut la société cosaque (kasatchestvo). […] Le voyage à travers les steppes, l’arrivée au quartier général, les groupes divers qui s’y dessinent, les provocations belliqueuses de Tarass Boulba qu’ennuie l’inaction et qui veut donner carrière à ses fils, la déposition du kochevoï ou chef supérieur qui ne se prête pas à la guerre, et l’élection d’un nouveau kochevoï plus docile, toutes ces scènes sont retracées avec un talent ferme et franc ; le discours du kochevoï nouvellement élu, lorsqu’il prend brusquement en main l’autorité et qu’il donne ses ordres absolus pour l’entrée en campagne, me paraît, pour le piquant et la réalité, tel que M.  […] Mais il se taisait : il voulait leur donner le temps de s’accoutumer à la peine que leur causaient les adieux de leurs compagnons ; et cependant il se préparait en silence à les éveiller tout à coup par le hourra du Cosaque, pour rallumer avec une nouvelle puissance le courage dans leur âme. […] Nous donnons maintenant la suite et le complément de ses œuvres encore éparses ou inédites en librairie.

1703. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

L’on m’a reproché d’avoir donné la préférence à la littérature du Nord sur celle du Midi, et l’on a appelé cette opinion une poétique nouvelle. […] Les lumières de l’expérience et de l’observation n’existent-elles pas aussi dans l’ordre moral, et ne donnent-elles pas aussi d’utiles secours aux développements successifs de tous les genres de réflexions ? […] Il n’est pas probable toutefois qu’ils oublient l’écrivain qui a donné le plus de chaleur, de force et de vie à la parole ; l’écrivain qui cause à ses lecteurs une émotion si profonde, qu’il est impossible de le juger en simple littérateur. […] » Je pourrais récuser une objection tirée de Virgile, puisque je l’ai cité comme le poète le plus sensible ; mais en acceptant même cette objection, je dirai que, lorsque Racine a voulu mettre Andromaque sur la scène, il a cru que la délicatesse des sentiments exigeait qu’il lui attribuât la résolution de se tuer, si elle se voyait contrainte à épouser Pirrhus ; et Virgile donne à son Andromaque deux maris depuis la mort d’Hector, Pirrhus et Hélénus, sans penser que cette circonstance puisse nuire en rien à l’intérêt qu’elle doit inspirer. […] Ce système a donné lieu à tant d’interprétations absurdes, que je me crois obligée d’indiquer le sens précis que je lui donne dans mon ouvrage.

1704. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Mais au-dessous des compositions subtiles et savantes, en partie par réaction contre leur essentielle inanité, en partie par leur influence qui fit reconnaître la dignité des vers, et à l’aide de leurs procédés de facture, on vit se développer une poésie plus matérielle, qui donnait satisfaction à l’esprit bourgeois des auteurs et du public. […] L’important, c’est qu’il vécut à Paris : la grande ville lui donna son esprit et son âme. […] Le clergé est avare ; les chevaliers, Je n’y vois Rollant n’Olivier, ni surtout cet Alexandre, qui savait donner aux ménestrels. […] C’est surtout, la pensée de tout ce que donne le roi, et il faut le voir annoncer que tout cela n’aura qu’un temps, il faut l’entendre gronder à mots fort peu couverts : « Attendez, attendez ! […] Donc vous allez grands coups donner Sur le Soudan et sur sa gent : Fortement les endommagez : Quand vous vous levez au matin, Avez changé votre latin : Car guéris sont tous les blessés, Et les abattus redressés.

1705. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Corneille et Racine donnent des modèles à Zeno ; et, malgré ses fureurs de misogallo, Alfieri leur doit, ainsi qu’à Voltaire, plus qu’aux Grecs. […] La mélancolie des Nuits d’Young, les effrénées et vagues effusions de YOssian de Macpherson donnent à la loi une satisfaction et un stimulant aux besoins intimes qui portent les cœurs vers les nobles rêveries et les ardents enthousiasmes. […] Mais, au xviiie  siècle, l’Angleterre nous donne sans comparaison plus qu’elle ne nous emprunte. […] Ce fut une grande époque dans la vie du pauvre Galiani quand Aufresne vint donner des représentations à Naples. […] Œuvres, éd. de l’Acad. de Berlin, 1846-1857, 31 vol. in-4 ; une éd. populaire in-8 a été donnée par le Dr Preuss. qui a dirigé l’autre. — À consulter : E.

1706. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Arrive une députation des Aquicoles : il s’agit de donner une nouvelle constitution à leur cité. « Toutes les victimes nécessaires pour obtenir l’assistance des dieux, nous les fournirons  Consultez l’esprit des pères, répond Antistius ; pratiquez la justice et respectez les droits des hommes  Hé ! […] Un jour, à un point donné du temps et de l’espace, ce qu’il a voulu se réalisera. […] Renan s’est enfin purifié de Métius, ou, si vous préférez, il ne lui donne plus, dans les dialogues qu’ont entre eux les lobes de son cerveau, qu’un rôle d’avertisseur. […] On s’est habitué à ne donner presque le nom de foi qu’aux croyances imposées par les religions. […] J’ai donné moi-même dans ce travers de croire que M. 

1707. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Certains, donnés inédits, manquaient tout de même un peu trop d’originalité comme ces Marguerites du temps passé, de Mme James Darmesteter, dont les pages les plus savoureuses avaient un parfum un peu vif de Brantôme : les musiciens, n’est-ce pas, madame, ne sont point seuls exposés aux fâcheuses réminiscences… D’autres écrivaines, Mesdames Bertheroy, Judith Gautier, Stanislas Meunier, Augustine Filon, Andrée Theuriet, et Jane Dieulafoy accaparèrent la Collection que, jusque hier, le seul M.  […] Renan l’avait fort bien compris qui, dans la préface d’un de ses derniers recueils de pages fugitives, s’excusait sans aucune sincérité, son sourire l’avouait, de ses fantaisies sans conséquence, se reprochait, à un âge où on ne devrait plus s’occuper que de travaux sérieux, de vérités éternelles, de donner ses soins à des publications qui l’amusaient sans plus. […] Il n’a ni la vanité que donne le savoir, ni l’orgueil que donne la foi. […] Des circonstances adviennent en son impériale famille à l’occasion desquelles il est avoué, recherché, trouvé dans les bagnes français, ramené en Orient, dans sa gloire, ses honneurs, avec, miracle, la princesse Isabelle, jadis aperçue à Rugen, dès lors adorée sans espoir, qu’une mère chérie lui retrouve et lui donne : le bonheur sans phrase, le bonheur des mains jointes, des extases, de l’impuissance à remercier le Créateur que crée le flux de notre félicité, à qui la vertu de notre reconnaissance veut une personnalité… La vie s’attaque à ce bonheur. […] Et je n’arrive pas à donner une idée de ces prestigieuses aventures, plus grandes que nature où s’est complu le pur talent d’Élémir Bourges, et que tachent à peine, en fin de roman, de superflus dialogues d’un scepticisme facile.

1708. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Nous avons donné nos vieux habits noirs et n’en avons point fait refaire, pour être dans l’impossibilité d’aller quelque part. […] Rien de l’Occident ne m’a donné cela ; il n’y a que là-bas, où j’ai bu cet air de paradis, ce philtre d’oubli magique, ce Léthé de la patrie parisienne qui coule si doucement de toutes choses ! […] — C’est comme j’ai l’honneur de vous le dire… ce n’est pas un théâtre, non, Monsieur, et c’est tout simple… Je donne à mes actrices 50 ou 60 francs par mois… pourquoi ? […] mes Goncourt, les vilains échantillons de petite bourgeoisie qu’il m’a été donné de voir dans ma vie, s’écriait un soir Gavarni. […] Une maison où se donnaient de petites fêtes peuplées d’intrus étranges, de particuliers bizarres, de gens à industries indevinables.

1709. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Un passage de Tite-Live le donne à entendre. […] Il dit qu’il a consulté là-dessus des musiciens, & qu’ils l’ont tous assuré qu’il étoit très-facile d’en exprimer les inflexions avec les notes actuelles de la musique ; qu’il suffiroit de leur donner la moitié de la valeur qu’elles ont dans le chant, & de faire la même réduction à l’égard des mesures. […] Duclos, ne doit pas être donné pour une règle générale. […] Riccoboni donne la déclamation théâtrale pour cause de la plupart des fausses idées que nous avons du véritable héroïsme. […] On peut donner Racine & M. de Voltaire pour chefs aux partisans de la déclamation noble & soutenue.

1710. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Leuret, on peut lire dans son ouvrage sur le Traitement moral de la folie la critique vraiment scientifique à laquelle il soumet tous les résultats pathologiques donnés par la science. […] Les médecins le savent bien, car lorsqu’ils sortent des hypothèses pour donner une définition caractéristique de la folie, ils ne sont plus que psychologues. […] Définir la folie par le rêve, c’est donc en donner une définition psychologique, non physiologique. J’en dirai autant de celle que donne un autre médecin très éclairé, le docteur Baillarger : celui-ci ramène la folie à un fait fondamental qu’il appelle l’automatisme de l’intelligence. […] On a pourtant fait des expériences de ce genre : telles sont celles du docteur Moreau (de Tours) sur le haschisch ; mais, outre qu’elles ne peuvent pas se renouveler sans danger, elles ne donnent guère de résultats appréciables sur l’état physiologique du cerveau pendent l’ivresse.

1711. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Cependant tout le monde sait que cette lutte existe : un acte célèbre, il y a quelques années, en a donné le secret au public indiscret. […] Bien souvent, dans l’Église protestante, on a essayé de constituer une autorité ; les synodes ont voulu jouer le rôle des conciles ; les confessions de foi ont essayé de se donner pour des credo ; mais la radicale contradiction qui éclatait dans ces tentatives d’organisation doctrinale devait les faire échouer infailliblement ; et malgré les résistances des dogmatiques, malgré les anathèmes de Bossuet, le protestantisme continua de donner l’exemple, si nouveau en Europe, d’une religion mobile et incessamment transformée. […] On accuse notre philosophie d’être à la fois froide et timide, de ne donner complètement satisfaction ni à l’esprit religieux ni à l’esprit scientifique. […] Telle est aussi la conclusion à laquelle arrive un savant et profond penseur qui vient de nous donner l’intéressant tableau des études philosophiques en France au xixe  siècle36. […] Lévêque (la Science du beau) nous a donné un bel essai d’esthétique.

1712. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Je ne sais si ce tableau est destiné pour une église ; mais c’est à faire damner le prêtre au milieu de sa messe, et donner au diable tous les assistants. […] Deshays n’a eu garde de lui donner cet air indigné et farouche qui convient si peu à un galant homme qu’une femme charmante prévient. […] Si l’on me donne à choisir un tableau au Salon, voilà le mien ; cherchez le vôtre. […] Est-ce une physionomie traditionnelle dont il ne soit pas possible de s’écarter ; et Rubens a-t-il eu tort dans son Élévation de la Croix, de lui donner un caractère grand et noble ? […] Celui qui peut rendre la vie, peut aussi facilement donner la mort… Pas un qui se soit avisé de faire pleurer une des sœurs du ressuscité, de joie ; pas un des parents qui tombe en faiblesse !

1713. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Pas de doute, pourtant, que cette femme, aux relations immenses, et plus Européenne encore que Française, qui touchait aux plus hautes sociétés de son temps et dont l’esprit, tout le temps qu’elle vécut, ressembla à l’urne penchée et bouillonnante d’un fleuve, n’ait laissé derrière elle d’autres lettres que celles qui ont donné sa goutte de vie à ce maigre livre de Weymar et Coppet, mort-né, sans ces lettres ! […] … Eh bien, c’est de cette édition, nécessaire et oubliée, que je voudrais donner l’idée aujourd’hui, en parlant de de Staël, — de cette adorable et admirable femme, à laquelle la littérature féminine n’a rien à comparer dans aucun temps, et surtout dans celui-ci, où les femmes qui se mêlent d’écrire se donnent des airs d’homme si prodigieusement ridicules, que c’est à nous faire prendre des jupons, à nous autres… pour ne pas leur ressembler ! […] Elle ne l’a jamais pris ; mais tout le monde, bête comme tout le monde, le lui a, donné. […] … Toutes auprès d’elles paraîtraient si inférieures et si minces, que c’est là peut-être la meilleure raison à donner de l’effet qu’elle produit d’être un homme, quand elle ne l’est pas ! […] Et quel meilleur exemple à donner, du reste, aux insolences des femmes de ce temps, qui se croient des forces et qui, mettant des talons à leurs amours-propres comme elles en mettent à leurs bottines, veulent se jucher jusqu’au front des hommes, et les égaler en hauteur !

1714. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Puisqu’on a songé à le donner aux divers écrits de Daumas, qu’on nous permette de dire quelques mots sur cette espèce de panoplie littéraire, faite avec des livres beaux et étincelants comme des armes, et qui devront tenir une si noble place dans la littérature historique et militaire de notre temps. […] La bavarderie de l’art pour l’art lui est inconnue… L’étonnement qu’on eut donc quand le général Daumas donna ses livres au public fut un sentiment qui tenait à beaucoup d’ignorance, de superficialité et d’injustice, mais, bien loin de nuire à son succès, il en augmenta la rapidité. […] Plus tard, seulement, c’est-à-dire deux ans après, on put juger, quand parut la Grande Kabylie 20, d’un genre de talent qu’on n’avait fait encore que soupçonner et qu’entrevoir ; car ce talent donna largement sa mesure et sa couleur dans ce vivant morceau d’histoire. […] Et ce mot, semé partout comme une dent de Cadmus, nous avait donné des ennemis en masse et une foule d’insolences à vaincre. […] Quand, par exemple, nous lisons sa Grande Kabylie, qui est l’histoire pied à pied de la plus rude de nos conquêtes, nous comprenons parfaitement les résultats que devait donner cette magnifique gymnastique en permanence pendant vingt-cinq ans, cette lutte acharnée contre un peuple qui avait, au plus haut degré, toutes les énergies de la résistance !

1715. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

n’a pas vu, en raison de sa science ; car il n’est donné qu’à l’idée fixe d’une science quelconque de passer les yeux ouverts auprès des plus grosses vérités sans les voir, et seule, peut-être, une intelligence d’économiste ou de philosophe, émoussée par la préoccupation de la matière et de ses vaines combinaisons, devait attendre uniquement d’un peu de poussière : de la production matérielle, le soulagement de cette souffrance organisée et infinie qui constitue l’âme humaine, et à laquelle les hommes, par leurs institutions ou par leurs vices, ont trouvé moyen d’ajouter. […] Seulement, nous le demandons à Alphonse Jobez, pourquoi, si cette philosophie est sienne, s’il l’a acceptée après examen, ne l’a-t-il pas hardiment posée au front de son livre, pour qu’elle pût donner à ce livre l’autorité d’un ensemble de vues sans lequel l’Économie politique ne sera jamais rien ? […] Car, s’il les avait aperçues, averti par tout ce qui eût répugné à sa pensée dans cette philosophie dont il est un des derniers disciples malgré lui, il aurait certainement à relier une donnée économique, qui ne peut jamais être qu’une conclusion, à un système plus élevé que la philosophie du xviiie  siècle. […] Sans croire, comme Alphonse Jobez, que la terre, avec toutes les richesses qu’elle pourrait donner, renferme assez de biens pour assouvir cette âme de l’homme qui n’a point été faite avec une si grossière substance, mais avec un souffle de Dieu ; sans avoir cette mysticité du sol, nous croyons aussi, pourtant, que les peuples et les hommes dépendant de leurs besoins et de leur bien-être, — quoique ces besoins et ce bien-être soient le plus petit et le plus bas côté de leur destinée, — la voie de prospérité la meilleure est encore la culture du morceau de globe sur lequel ils sont nés. […] Il n’entend guères que la France joue à ce pastiche de dupe irressemblant et dangereux, l’imitation de la Hollande et de l’Angleterre ; et s’il nous cite ce dernier pays, c’est pour nous donner un exemple frappant de l’énorme profit qu’une nation, industrielle pourtant de nécessité et par excellence, a tiré de l’agriculture, en appliquant les plus actifs procédés d’une exploitation intelligente aux ingratitudes natives de son sol… Alphonse Jobez, il est vrai, a vu ce qu’il est impossible de ne pas voir quand on regarde l’Angleterre.

1716. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

C’était une Romaine, nous l’avons dit ; mais une Romaine baptisée, adoucie, attendrie par cette religion qui aurait donné des entrailles à la louve d’airain de Romulus. […] Seulement, si l’ardente sympathie qu’il éprouve pour madame de Montmorency lui donne le courage de regarder, les yeux bien ouverts, cette robe rouge qui les fait ordinairement baisser, tant elle est rouge, trempée du sang des Montmorency ! […] Les peines qu’il se donne, dans la première partie de son récit, sont incroyables quand il s’agit de créer une importance, une valeur, une poésie quelconque à ce beau buste vide. […] La mort seule de Montmorency a donné une mémoire à ces choses. […] … Et même, pour donner une idée de l’accent de l’auteur, qu’y avait-il ?

1717. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il n’est pas non plus ce qu’on appelle un philosophe, et je lui en fais mon compliment ; mais il ne nous en donne pas moins, avec un laisser-aller charmant, toute une philosophie de l’histoire. […] Il nous donne les femmes et la société du temps d’Auguste, et pour commencer ses impertinences de dandy, que je ne hais pas, il place Cléopâtre sous Auguste, quoiqu’elle fût à côté, et quoique, des femmes sous Auguste, il n’y en ait dans son livre que deux : Livie et Julie, — plus Horace, qui, selon moi, n’était d’aucun sexe, lui, mais un impuissant de tête et de cœur, habile seulement dans l’art physique de faire des vers. […] Pour eux, on peut dire justement que l’Histoire est un art… Mais l’Histoire, comprise par les Modernes, dont les besoins de vérité et de moralité sont bien supérieurs à ceux des Anciens, l’Histoire a la noble ambition d’être une science indépendante de l’historien, et d’arriver à l’objet de toute Science, qui est la Certitude, quel que soit le talent ou l’art de celui qui s’est donné fonction de l’écrire. […] Voici peut-être ce qui s’est passé… Le dilettante littéraire rassasié, dégoûté de cette vieille histoire romaine racontée par des copistes et des professeurs, et de l’éternelle sensation théâtrale qu’elle nous cause, a voulu se donner un petit quart d’heure de plaisir en la descendant, sans cérémonie, de son socle, et en la racontant comme il la voyait dans les vaporeux souvenirs de ses lectures, dans les raisonnements et quelquefois les rayonnements de son cerveau ; car c’est là surtout qu’il l’a vue. […] Tout ce qu’on sait, c’est qu’on a une sensation neuve ; c’est que le condiment qui la donne est très subtilement arrangé ; que le tout est très savoureux, et qu’on prend goût à cette cuisine.

1718. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Nous ne dirions rien, car nous n’ignorons pas que le bonnet des masses est plutôt fait pour leur donner de la chaleur que de la lumière. […] Prendre à la religion chrétienne, qui nous a pétris dans le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ (qui nous a donné le sein, si nous ne sommes pas sortis de son flanc ; qui est notre nourrice, si elle n’est pas notre mère), prendre à la religion chrétienne la plus belle civilisation qui fut jamais, — la civilisation de la chevalerie, — pour la donner à une société morte, atroce et barbare ; opposer et substituer à cette monarchie faite par des évêques, comme disait Gibbon, une monarchie faite… par des druides, voilà de l’habileté profonde, car elle semble désintéressée et ne prétend être que scientifique ! […] On dirait un ordre donné et une même manière d’y obéir. […] Il cite César, Strabon, Ammien-Marcellin, Polybe, Athénée, Diodore de Sicile, Tite-Live, Pline, Pomponius Méla, Plutarque, Solin, qui tous ont donné une si épouvantante idée de cette société dont les druides furent les chefs et dont l’inextinguible esprit flambe encore, à ce qu’il paraît, jusque dans les veines de M.  […] Les raisons qu’il donne contre l’unique argument sont sans réplique, mais à quoi bon tout ce luxe, toute cette générosité d’érudition et de discussion, quand on a affaire à une bouffonnerie sterling qui en renferme vingt-cinq autres, aussi difficiles de digestion pour le bon sens que faciles à avaler pour la gaîté qui se moque de l’extravagance !

1719. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Jusque-là, tout est bien… Mais, au moment où l’on fait si virilement sa confession d’un système, il ne faut pas faire profession d’un autre et ajouter : « Je me suis efforcé, en cette nouvelle édition, d’introduire, dans la résurrection de mes personnages, la réalité cruelle que moi et mon frère nous avions introduite dans le roman, m’appliquant à les dépouiller de cette couleur épique que l’Histoire leur donne, même dans les époques les plus décadentes… » Assurément, si l’Histoire donne de la couleur épique à des événements ou à des personnages qui n’en ont pas ou qui ont peut-être tout le contraire, l’Histoire a tort. […] Et cette charmante et tranquille situation dans la renommée, ils la doivent au parti-pris de la réalité cruelle, qui leur a fait donner, à eux, les premiers, le nom de réalistes, — la sottise du temps !  […] Eh bien, dans cette réimpression que nous a donnée M.  […] Le portrait qu’il en trace n’est pas du xviiie  siècle… On n’y a jamais peint dans cette manière juste, méprisante, inflexible : « Un singulier homme, ce jeune mari, — dit-il, — ce jeune souverain, que, hors la chasse et les chiens, rien n’intéressait, n’amusait, ne fixait, et que le cardinal — (le cardinal de Fleury) — promenait vainement d’un goût à un autre, de la culture des laitues à la collection d’antiques du maréchal d’Estrées, du travail du tour aux minuties de l’étiquette et du tour à la tapisserie, sans pouvoir attacher son âme à quelque chose, sans pouvoir donner à sa pensée et à son temps un emploi… Imaginez un roi de France, l’héritier de la régence, tout glacé et tout enveloppé des ombres et des soupçons d’un Escurial, un jeune homme, à la fleur de la vie et à l’aube de son règne, ennuyé, las, dégoûté, et, au milieu de toutes les vieillesses de son cœur, traversé des peurs de l’enfer qu’avouait, par échappées, sa parole alarmée et tremblante. […] L’oubli de son personnage de roi, la délivrance de lui-même, toutes choses que ne lui donnait pas la reine, voilà ce que Louis XV demandait à l’adultère, voilà ce que, toute sa vie, il devait y chercher… » Tel il est, ce portrait que je n’ai pas voulu abréger et que je trouve, presque à ma surprise, dans cette histoire de Madame de Châteauroux, dans le récit des amours de madame de Mailly, de ce premier de tous les adultères qui vont suivre !

1720. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

nous venons de le lire et nous pouvons affirmer que, quoique la position de Vacquerie fût, dans son genre, considérable, quoique la renommée donnât pour lui un assez joyeux coup de trompette, la position s’est augmentée encore et la trompette doit être remplacée par un instrument moins héroïque et plus folâtre. […] Le critique, selon Vacquerie, n’a pas autre chose à faire dans ce monde qu’à « proclamer les poètes dramatiques, à donner les chefs-d’œuvre à la foule et la foule aux chefs-d’œuvre, à remonter le poète dans ses instants de défaillance, à se tenir derrière lui pendant qu’il écrit, à ramasser sa plume à terre et à la lui remettre entre les doigts. » Ici la grimace recommence : « Critiques, — dit-il, — figures sublimes ! […] Nous voudrions donner un exemple de cette surprise… agréable, et nous le trouvons dans le chapitre intitulé : Le Style-Pensée. […] Mais nous, nous pourrions lui donner l’adresse qu’il oublie ; et c’est alors qu’il aurait horreur de sa vérité de hasard et qu’il se replongerait, la tête en bas, dans la vague de ces hautes fantaisies dont il est le Protée fougueux ! […] Cela donne de l’aplomb à un homme !

1721. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Forgues a donné, lui, tout ce qu’il a pu de cette correspondance qui, malheureusement, s’arrête de 1839 à 1840, c’est-à-dire au curieux moment où Lamennais, âgé de plus de cinquante ans et cessant d’être ce qu’il avait été jusque-là, venait de publier ces Paroles d’un croyant que, dans la cécité de son illusion, il croyait un livre exclusivement politique, et qui firent l’effet, quand elles parurent, d’une torche dans un champ de blé. […] L’un et l’autre ont parfaitement absous Lamennais des accusations d’orgueil, d’ambition, de haine et d’envie accumulées sur sa mémoire par ses contemporains, à qui ses actes et ses écrits avaient donné sur lui cette terrible barre. […] » si réellement il n’y en a pas… Si Lamennais est grand pour avoir manqué à une parole d’honneur donnée à Dieu, devant son autel (la seule parole d’honneur à laquelle on puisse manquer, apparemment !) […] Ce roseau pensant de Pascal, qui n’avait pas besoin que la nature s’armât pour l’écraser quand il remuait, lui, l’univers, et qui, comme tous les roseaux, aimait le bord de l’eau, même la plus humble, ce fortuné de renommée qui s’appelait Félicité, le nom le plus mélancoliquement moqueur qui puisse être donné à un homme, ne fut jamais heureux et n’était rien de plus qu’une âme triste dans un corps malade. […] Forgues, ont cité des passages de la plus merveilleuse éloquence, il est vrai, mais qui étaient dans la donnée du talent connu et presque public de l’homme qui a écrit l’Essai en matière d’indifférence, les Paroles d’un croyant, la Révolution et l’Église, etc. ; ces passages, magnifiques comme expression, n’apprenaient rien de nouveau, ne modifiaient rien de ce qu’on sait sur la manière de Lamennais, et n’avaient le droit d’étonner personne.

1722. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Jean Reynaud nous certifie, avec une gravité de Christophe Colomb astronomique, au débotté de son voyage, et dont il nous donne somptueusement sa parole d’honneur. […] Mais — disons-le à son éloge — le dix-huitième siècle, dont il procède, n’a pu lui donner ce mépris de brute pour les problèmes surnaturels qui distingue ses plus beaux génies. […] Ainsi donc, en nous résumant, nous trouvons à côté de la donnée vicieuse et puérile du livre de M.  […] Le sophisme épicurien, le plus compromis des sophismes grecs, qui donnait à la Divinité la forme de l’homme, parce qu’on n’en connaît pas de plus belle, est le genre de preuves le plus familier de M.  […] Tout au plus donnera-t-il le bras à M. 

1723. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Conséquent à la manière des grands observateurs, qui généralisent quand ils concluent, anatomiste de la pensée comme Bichat et Cuvier l’étaient des organes, il a pris la tête humaine dans sa main et il a dit : Cette tête étant conformée comme elle est, il est évident que telles idées ou tels sentiments qu’on y infiltre quand elle est vierge encore doivent produire tel effet funeste, — absolument comme le chimiste dit : Tel liquide versé dans un autre liquide doit produire tel précipité à coup sûr ; — et par là il a donné à une argumentation épuisée le degré de solidité qui devait la rendre invincible. […] Alors seulement on comprendra le magnifique titre qui surprend d’abord : De l’affaiblissement de la Raison en Europe, donné à une brochure sur la question des classiques ; et ce titre, si plein de choses, sera complètement justifié. […] Mais, comme tous les grands esprits philosophiques qui savent que les mots représentent la pensée, qui poinçonnent la langue et donnent le vocabulaire de leurs conceptions, M.  […] Pour cela, la philosophie pesa sur l’esprit de l’homme de deux manières, par les sciences qui ne s’adressent qu’à l’esprit et qui finissent par lui donner le vertige de sa force, et par l’effet du paganisme sur l’âme, influence — il faut le reconnaître — que le dix-huitième siècle n’avait pas créée ; qui existait depuis la Renaissance, mais qui, grossie chaque jour, avait fait avalanche sur la pente escarpée de ce siècle, où toutes les erreurs entassées avaient fini par se précipiter. […] Daniel, le Rollin de la Compagnie de Jésus, qui nous donne aujourd’hui un nouveau Traité des études, plein de renseignement et de lumière.

1724. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Le talent qu’elle aurait reconnu, en l’admettant dans son sein, était, il est vrai, un talent oratoire, mais l’Académie, qui donne des prix d’éloquence, ne répugne pas aux orateurs, quoi que le but de son institution ne soit pas le développement de l’art oratoire, mais bien de la littérature. […] Lacordaire, qui avait fait vœu d’humilité et qui tenait trop à son vœu pour se donner les soins mondains d’une candidature, pensait encore moins à l’Académie que l’Académie ne pensait à sa Révérence, quand tout à coup l’élection provoquée par MM. de Falloux, Cousin et Villemain, a eu lieu. […] Religieusement, catholiquement, au point de vue de la doctrine et de la direction à imprimer aux esprits le livre du Père Lacordaire est un malheur d’autant plus grand que les âmes sur lesquelles il n’opérera pas, les âmes ennemies, en verront très bien la portée et s’empresseront de la signaler comme inévitable, puisqu’un prêtre la donne à son livre. […] Devenu le Richardson étrange de la Madeleine dans cet inconcevable petit roman d’amitié entre elle et Notre-Seigneur, donné comme le chevalier Grandisson de toutes les perfections humaines, le prêtre qui a consommé une telle chose l’a consommée dans un de ces styles qu’on ne pourra pas louer, même à l’Académie ! […] nulle part, ni dans sa Vie de saint Dominique, ni dans ses Mélanges, les défauts en question n’ont été d’une plus triste évidence que dans le livre de Sainte Marie-Madeleine, et j’en veux donner un exemple par plusieurs citations, plus convaincantes que toutes les critiques.

1725. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Aujourd’hui, il nous donne un poème de ce temps-là, — un poème d’âme, — d’une inspiration qui n’est plus guères l’inspiration de ceux qui ont encore la prétention d’être des poètes… Ceux-là, qui sont une bande, et oui, malheureusement pour eux ne sont pas des bandits, appelleront, je n’en doute pas, s’ils ont a en parler, l’auteur d’Armelle un romantique attardé. […] … Écartez l’idée de Corneille, dont le grand nom écrase tout, mais pourtant remarquez bien que c’est là la donnée — variée et simplifiée — du Cid, le combat de l’amour et du devoir. […] Mais la respectueuse obéissance à la volonté paternelle, et le sacrifice de sa vie, et de celle pour qui on donnerait dix fois sa vie au serment qu’on a fait à une mère mourante ; cet obscur et cruel devoir qui n’a pas, lui, d’attitude sculpturale et plastique, est plus difficile à comprendre dans la noblesse de son humilité. […] Chose rare, et qu’il faut savoir apprécier ce qu’elle vaut, l’émotion que le poète ressent et qu’il donne, cette émotion, contenue et continue, qui est le caractère de son poème, ne cesse pas une minute, dans ce récit en vers de plus de trois cents pages. […] Pendant que les autres, depuis Fourier jusqu’à Cabet, enflaient et crevaient leurs bulles de savon, lui, du Clésieux, réalisait au profit des masses pauvres, qu’il christianisait et auxquelles il donnait l’intérêt du travail, des choses superbes et solides, et dans l’exercice de sa charité il montrait presque des facultés de gouvernement.

1726. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

C’est un Allemand, né en France, dont l’érudition est allemande, la science allemande, et qui a la naïveté allemande de croire nous donner des poèmes épiques en français. […] … c’est peut-être parce qu’il n’est plus tout cela que, de loisir forcé, cet homme, fait pour les grandes besognes, et de prétention épique dans l’action comme dans la pensée, nous a donné ce ruminement d’Ahasverus, L’Enchanteur Merlin ! […] Quinet, au lieu de trouver une inspiration personnelle, un fond de choses vierge, comme on est en droit de l’exiger de tout homme qui se donne les grands airs d’une épopée, on est assailli des plus importunes et, que dis-je ? […] Dans son épopée, burlesque sans gaieté et criminelle avec niaiserie, le bon Merlin, « qui n’a pas été éclipsé par la splendeur du Christ » (textuel), s’est donné pour mission de convertir Satan, son père, et de supprimer l’enfer ! […] … Épopée emphatique, auprès de laquelle La Pétréide de Thomas, redoutée de Gilbert, ne serait que la plus légère des étrennes mignonnes, conte de fées pataud et niais, satire sociale où le thyrse de Rabelais, avec lequel ce Bacchant du rire enivré savait frapper son temps, est remplacé par l’arme bourgeoise d’un Prudhomme socialiste en mauvaise humeur, qui donne des coups de parapluie à son époque ; enfin, pour achever le tout, l’amphigouri panthéistique dans sa splendeur, voilà l’œuvre de M. 

1727. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Mais on n’a pas trouvé que ce fût assez, et on nous a raconté sa vie, et on nous a donné le dessous de cartes de ses travaux, l’envers et le déshabillé de son œuvre, — ce qui va nuire à son effet et en diminuer la magie. […] C’est là une impression donnée avec une légèreté coupable, et qui, malheureusement, est dans les mœurs de ce temps-ci, que M.  […] Je n’ignore pas que ce que j’écris là est contraire à la donnée commune de la Critique, mais ce n’est point une raison pour moi de ne pas risquer mon opinion. […] … André Chénier finit lui-même par sentir que tout ce travail de fourmi, engrangeant dans son cerveau tant de miettes de latin et de grec, finirait, de ses petits tas, par encombrer son génie : « Je donne trop à ma mémoire », disait-il dans les derniers temps de sa vie. […] Était-ce donc bien la peine de les donner ?

1728. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Les paperasses poétiques du vieux reître, qu’il emportait, comme Camoëns son poème, non à la nage, dans les mers furieuses, mais à travers le feu des guerres et des partis, s’étaient finalement englouties dans la terre la plus prosaïque qui ait jamais existé, à Genève, dans le cabinet de la famille qui a donné le jour à Tronchin. […] Le protestant ne saurait avoir la grâce que donne Jésus-Christ. […] dans l’Hécatombe à Diane, en ces cent sonnets qui se suivent sous le titre de Printemps, lequel semble vouloir leur donner l’unité d’un poème, savez-vous combien j’en ai compté dignes d’être repêchés au fil du torrent qui les emporte et mis à l’écart et gardés comme les épaves d’un génie écumant, mais qui s’est noyé dans sa propre écume ? […] Que mon cœur enfelonné Ne s’enfle contre personne : Donne moy que je pardonne, Afin d’estre pardonné. […] Je n’ay vu depuis ta personne Rien qui doive estre souhaité, Ainsi je n’ay rien apporté Que ce cristal que je te donne.

1729. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Paradoxe est le mot que les préjugés, qui ne sont pas si bêtes qu’ils sont faux, ont donné à beaucoup d’idées vraies. […] … Est-il assez supérieur pour pouvoir attendre son succès, et son succès certain, dans un temps donné, — inévitable ? […] En vain se cachait-il d’elle pour lui donner l’envie de le découvrir, et croyait-il faire étinceler, en rondes bosses d’or, toutes les lettres de son nom à travers les ternes pseudonymes qu’il écrivait au front de ses œuvres : la Gloire lui répondit en vraie femme qui a le caprice de ne plus faire de contradiction. […] Il valait le coup de burin de la médaille ou du moins le mordant de l’eau-forte, cet esprit à la Machiavel qui nous donna le Traité du Prince en action dans La Chartreuse, a dit Balzac, et la création de cette figure borgienne de Julien Sorel, le séminariste-officier de Rouge et Noir, aussi fort d’hypocrisie que le frère Timothée de La Mandragore. […] Il ne donnait jamais à la pensée cet étonnement dont parle Rivarol, qui le donnait, lui, toujours.

1730. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

pour donner à ce temps autre chose que des globules homœopathiques de talent, puisqu’il ne lui faut plus que cela ! […] Les journaux, ces dignes camarades qui aiment à déjeuner, exposaient avec jubilation le menu des déjeuners qu’on y donnait à la fourchette. […] Si ce n’était pas cette grande fille qui a aussi ses faiblesses, c’était son gamin de frère qui se donne souvent pour elle, c’était le bruit ! […] About, qui conçoit ses chevaliers avec une tache au milieu du cœur, nous donne pour un Cid de noblesse, Germaine n’a pas trois mois à vivre. […] About nous donne le mélodrame dans un wagon.

1731. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Pour n’en donner qu’un seul exemple : dans la Lydie de Colomba, M.  […] Intellectuellement, il lui donna de sa crudité verte, de sa puissance de réalité poignante et basse, de son athéisme affreusement net, et de son insouciance absolue de la moralité humaine. Dans la vie littéraire (il ne peut être question ici que de celle-là), il lui donna encore de ces petits procédés sans bonne foi, qu’on pourrait appeler les coquetteries de la publicité. […] … Depuis, ne s’est-il pas inspiré de la poésie des chants de la Grèce moderne, publiés par Fauriel, pour nous donner une fausse poésie illyrique ? […] L’auteur de La Double Méprise donne ce démenti à la physiologie.

1732. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Au fond, cet article du Gaulois me donne le trac. […] « Voulez-vous me donner une assiette de soupe, dis-je au ménage, en entrant dans le cabinet de Daudet ?  […] » Et après des embrassades des uns et des autres, on s’achemine chez Daudet, où l’on me donne la place du maître de la maison. […] L’Histoire avec ses personnages défunts, ne vous donne pas cette illusion, cette hallucination, si vous voulez. […] et cependant si j’étais encore jeune, encore en quête d’amours, je ne voudrais d’elle que sa coquetterie, il me semblerait que si elle se donnait à moi, je boirais sur ses lèvres un peu de mort.

1733. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Car le livre est obscur, on ne saurait le nier ; et la preuve s’en trouve dans la diversité des interprétations qu’on en donne. […] Mais si c’est ainsi que l’art, bien loin d’aider en vous la nature, l’y a d’abord comprimée, puis asservie, et finalement pervertie, quel est le remède à ce mal, et quel enseignement votre exemple nous donne-t-il ? […] Il ne leur reste plus, pour achever leur triomphe, qu’à jeter le discrédit sur l’administration ; et justement, aux environs de 1768, les « Économistes » paraissent pour leur en donner l’occasion. […] C’est ainsi que Suard a donné pour première fois en 1806 le Traité sur le libre arbitre ; — que quinze de ses dix-huit Dialogues n’ont vu le jour qu’en 1821 ; — et qu’enfin sa Correspondance avec Mirabeau ne figure que dans la dernière édition qu’on ait donnée de lui. […] La meilleure édition des Œuvres de Condorcet, ou la seule, pour mieux dire, est celle qu’en a donnée Arago, Paris, 1847-1849, Firmin Didot.

1734. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Pour confirmer ses soupçons, il lui donne audience. […] Delavigne nous a donné pour une tragédie. […] Une femme qui se livre et ne se donne pas n’inspire aucun intérêt. […] Homodei disparaît, et Tisbe se fait donner la clef toute-puissante. […] Ou bien a-t-il cédé aveuglément à l’impulsion qu’on lui a donnée ?

1735. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 344-346

On doit être peu étonné, après cela, des éloges que M. de la Chalotais donne à cet Auteur, dans le Réquisitoire prononcé par lui, à l’occasion de l’affaire des Jésuites. […] Il n’a pas prétendu sans doute qu’on l’en crût sur sa parole ; une pareille décision donne une idée trop foible de son jugement & de sa Littérature, pour être adoptée par ceux qui connoissent combien cette Société a été féconde en bon Littérateurs. […] Il est facile de concevoir, par ces Pieces, qu’il eût pu se distinguer dans plus d’un genre, si son état lui eût permis de donner carriere à tous ses talens.

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