Lacordaire, n’est pas d’aujourd’hui ; et l’Académie, qui, comme toutes les douairières, a toujours aimé les très petits jeunes gens et qui les fait tout de suite académiciens à leurs premiers vers de comédie ou de tragédie, aurait pu, il y a vingt-cinq ans, avoir un jeune homme de plus dans son écrin de jeunes hommes, et un jeune homme qui lui aurait apporté une renommée éclatante. […] Prêtre égaré par un bon motif, je le veux bien, mais égaré pourtant, il a spéculé sur le fond de la tendresse humaine pour faire aimer son Dieu, en montrant l’homme aux âmes déjà si pleines de l’homme, qu’elles s’en vont faiblissant dans leur ancien amour de Dieu ! […] le journaliste de L’Ère nouvelle que l’on croyait enfin détourné du monde auquel, disait-on, il ne voulait plus même parler de cette voix dont le souvenir devenait plus grand dans le silence, est ressorti de son cloître, une fois de plus, pour devenir un candidat d’Académie, et vient de payer sa bienvenue dans la compagnie où il est entré entre deux philosophes, avec ce livre de Sainte Marie-Madeleine, sacrifice aux idées les plus malsaines d’une époque qui aime tant ses maladies !
En France, depuis Condorcet, cette foi au progrès est connue, quoiqu’on ne la professe tout haut que sous les réserves du bon sens d’un peuple qui n’aime pas qu’on se moque de lui, et en Allemagne, où l’on n’a rien à craindre à cet égard, cette foi a été redoublée par des systèmes philosophiques qui sont du moins de formidables erreurs, les efforts puissants de grands esprits faux. […] nous savons trop ce que, dans les préoccupations presque religieuses du penseur, devient ce Génie de la forme, qui vous aime et que l’on n’aime plus !
Quinet aime l’immensité ! […] Nous aimons mieux vraiment, quel qu’il ait été, le monsieur Quinet de l’entre-deux d’Ahasverus et de Merlin. Nous aimons mieux l’historien, le professeur, l’archéologue, le critique, même le poète, infortuné en vers, et même le colonel de la garde nationale ; oui, littérairement, même le colonel !!
Placé sur la frontière des deux mondes, Espérit (nous aimons ce nom presque symbolique), est, de fait, l’esprit même, l’intuition, le pressentiment, la vie plus haut, l’art et ses divinations. […] Ils l’appellent l’esprit de la lune, l’espérit des ciales, et même l’évêque des cigales, les jours où ils l’aiment davantage, car ils l’aiment, cet homme qui en sait plus long qu’eux, par les seules forces mystérieuses de sa pensée, sans avoir comme eux rien appris !
Le public, qui en général n’aime point à croire aux grands hommes, rit de ces créations nouvelles, et se moque également de l’apothéose et de celui qui l’a faite. […] Les uns, nés dans la pauvreté, ou se précipitant dans une indigence volontaire, aiment mieux renoncer à subsister qu’à s’instruire ; les autres, nés dans ce qu’on appelle un rang, bravent la mollesse et la honte, et ont le double courage et de devenir savants et de l’avouer. […] D’abord elle donne le plaisir de la surprise par le contraste et par les nouveaux rapports qu’elle découvre ; ensuite on aime à voir un homme qui n’est pas étonné de grandes choses ; ce point de vue semble nous agrandir.
Le besoin de sortir de la foule obscure et anonyme peut s’exaspérer jusqu’à une telle frénésie qu’il devient indifférent d’être aimé ou haï, adoré ou maudit par elle, pourvu qu’on s’en distingue. […] Ce dernier instant de ma vie, qui sera suivi d’un anéantissement éternel, doit être rempli par un acte d’amour pur et pleinement désintéressé… Je vais être anéanti tout à l’heure, jamais je ne verrai Dieu ; il me refuse son royaume, qu’il donne aux autres ; il ne veut ni m’aimer ni être aimé de moi éternellement ; je suis obligé néanmoins en expirant de l’aimer encore de tout mon coeur et de toutes mes forces ; si j’y manque, je suis un monstre et une créature dénaturée. […] « Il n’aime passionnément que ce qui est obscur, il ne s’enflamme que pour ce qu’il ne comprend pas. […] Ils aiment leur poétique sommeil et ne savent aucun gré au savant qui détruit leurs rêves, au critique qui leur ôte leurs illusions. […] James n’aime pas Spencer ni Darwin.
J’aime à me renseigner, surtout à peu de frais. […] Vraiment, j’aimerais mieux le système anglais. […] Mais les retenues et le pensum ont-ils donc la vertu de faire aimer le travail ? […] On en envoie à qui l’on aime, on en reçoit de qui vous aime, car le muguet porte bonheur et on ne saurait que vouloir le bonheur des êtres que l’on aime. […] J’aime cette préoccupation d’harmonie.
J’aimerais mieux pour lui, je l’avoue, qu’il y eût pris moins de part. […] On ne les aimait guère, à ce qu’il raconte ; cependant on les écoutait tout de même. […] On aime assez à voir ce géomètre dans ce rôle ou sous cet aspect. […] Vous n’aimeriez sûrement pas plus de tomber à plomb que de glisser sur des malheurs. […] Aimez-vous mieux la farce ?
Il craint un procès d’adultère et se croit ruiné s’il l’affronte ; il ne tarde pas à se glacer et revient encore à Turin, où il reste deux ans ; il devient le chevalier servant d’une dame qu’il n’estime pas et qu’il n’aime guère, puis il la quitte et se fait lier par son valet de chambre sur sa chaise pour s’empêcher d’aller la revoir ! […] Et c’est ainsi que, par une étrange rencontre, ce divin auteur qui devait aussi faire, un jour, mes plus chères délices, venait, une seconde fois, se placer sous ma main, grâce à un autre ami véritable, semblable sous bien des rapports à ce cher d’Acunha que j’avais tant aimé, mais beaucoup plus savant et plus instruit que ce dernier. […] Ce coup lui fut terrible : l’abandon de ce qui vous a aimé dans le malheur est le pire des malheurs. […] Le ministre de Louis XV s’était-il demandé si Charles-Édouard, avec ses habitudes invétérées d’ivrognerie, n’était pas, à cinquante et un ans, le plus misérable des vieillards, et si une âme pouvant encore aimer habitait les ruines de son corps ? […] Rentré chez lui, il s’adresse au grand-duc ; mais toutes ses plaintes, toutes ses prières, toutes ses protestations sont vaines : Pierre-Léopold aimait la justice sommaire et ne rendait pas compte de ses actes.
Mon amie connaissait aussi et elle aimait tendrement ce cher François Gori. L’année d’avant, après m’avoir, comme je l’ai dit, accompagné jusqu’à Gênes, de retour de Toscane, il s’était rendu à Rome presque uniquement pour faire connaissance avec elle, et pendant son séjour, qui dura plusieurs mois, il l’avait vue constamment, et l’avait accompagnée dans ses visites de chaque jour à tous les monuments des beaux-arts, qu’il aimait lui-même passionnément, et qu’il jugeait en appréciateur éclairé. […] Quelques amis de mon ami, et qui m’aimaient à cause de lui, comme moi-même je les aimais, accrurent démesurément mon désespoir, pendant ces premiers jours, en ne me servant que trop bien dans mon désir de savoir jusqu’aux moindres particularités de ce funeste accident. […] « Avec tout cela, écrit-il, inébranlable dans ma conviction du beau et du vrai, j’aime mieux (et je saisis toutes les occasions de renouveler à cet égard ma profession de foi), j’aime beaucoup mieux encore écrire dans une langue presque morte et pour un peuple mort, et me voir enseveli moi-même de mon vivant, que d’écrire dans ces langues sourdes et muettes, le français ou l’anglais, quoique leurs armées et leurs canons les mettent à la mode ; plutôt mille fois des vers italiens, pour peu qu’ils soient bien tournés, même à la condition de les voir pour un temps ignorés, méprisés, non compris, que des vers français ou anglais, ou dans tout autre jargon en crédit, lors même que, lus aussitôt par tout le monde, ils pourraient m’attirer les applaudissements et l’admiration de tous. […] Saint-René-Taillandier, fait allusion au même nom, donné jadis par moi, dans Jocelyn, au plus aimé de mes chiens célèbres.
Après quoi il lui enseigne ses commandements : c’est tout un traité de l’art d’aimer. […] Ce poëme est, en plusieurs endroits, inspiré et, en quelques-uns, traduit de l’Art d’aimer d’Ovide. […] Tous ces couples qui forment le cortège de l’Amour, ce sont toutes les qualités séduisantes de la jeunesse qui est la saison d’aimer. […] Le seul air de famille qui leur soit demeuré, c’est qu’ils semblent être les mêmes personnages se moquant, dans leur âge mûr, de ce qu’ils ont aimé dans leur jeunesse. […] Au reste, après la perte de cette maîtresse réelle ou imaginaire, Charles d’Orléans ne voulut plus aimer.
Il aima Jésus, puis ne put rien aimer. […] Quand on l’interrogeait sur le mystère, il répondait : Aimez-vous les uns les autres. […] Ceux du dehors, que le paganisme appelait les barbares et que le christianisme appelle les gentils, il les aime ; il se donne à eux. […] Aimez-vous. […] Elle est la Patrie allemande, la grande terre aimée, Teutonia mater.
J’aime à assister, par la pensée, à cette lente conception dans l’esprit de l’exilé de Florence. […] Il sait le secret des cœurs tendres, qu’il ne faut pas dire trop haut, même aux enfers : c’est que l’amour défie tout, excepté la séparation, le seul enfer de ceux qui aiment. […] J’aime à lui rendre ce tribut de reconnaissance sur sa tombe ; il y est descendu tard ; il s’y repose d’une vie honorable et laborieuse dans un champ des morts de Paris. […] Les Italiens devraient revendiquer sa dépouille comme ils devraient revendiquer un jour la mienne, si l’homme doit dormir en effet dans la terre qu’il a le plus aimée. […] nous avons aimé comme ami et pleuré ce studieux et pieux jeune homme.
Ce succès reste à la louange de l’auteur qui aura dédaigné les procédés trompeurs, et du public qui aura aimé la beauté véritable. […] Vous allez me reprocher de prêcher pour mon saint ; mais, vraiment, de quoi parlerait-on, si ce n’est de ce que l’on connaît, et que défendrait-on, sinon ce que l’on aime ? […] « Mon vieil ami Edmond de Goncourt, à la mémoire duquel je garde tant d’affectueux respect, aurait aimé se retrouver physiquement dans le plus grand des frères Leblond et retrouver son frère dans le plus jeune. » Charles-Henry Hirsch : Nous avons vu M. […] Pierre Villetard : On avait aimé le premier livre de M. […] Un style négligé avec correction et intention y, traduit des aveux tels que le xviiie siècle les eût aimés, mais que notre époque d’hypocrisie romantique les goûtera difficilement.
Plus tard, dans ses loisirs occupés sous la Restauration, il fera de même : indépendamment de ses grands travaux d’histoire, de ses devoirs comme pair de France, de son assiduité aux commissions et aux sociétés dont il était membre, des rapports et discours académiques qu’on aimait à lui voir faire et dont il s’acquittait volontiers, il trouvait encore moyen de se donner des tâches surérogatoires : il écrivait en détail des remarques, des cahiers d’observations sur les ouvrages que des amis lui soumettaient ; il y a telle tragédie qu’il examinait plume en main, acte par acte, scène par scène, comme il eût fait aux premiers temps de sa jeunesse dans sa petite académie de Montpellier. […] Daru ne soit point devenu le serviteur actif d’un nouveau régime, et que dans l’avenir son nom demeure attaché à un seul et incomparable règne par le clou de diamant de l’histoire. — En parlant ainsi, il ne saurait me venir à la pensée de faire injure à la Restauration, dont j’apprécie les mérites et les hommes : je ne songe qu’à l’unité dominante qu’on aime à voir dans l’étude d’une vie, à cette lumière principale qui tombe sur un front, et si en ceci je parais sentir un peu trop l’histoire en artiste, qu’on me le pardonne. […] Daru pendant les années de la Restauration ; elle aimait à l’avoir pour président les jours de séances délicates et solennelles, soit qu’en recevant M. de Montmorency (1826) on eût à faire la part de l’homme de bien pour couvrir l’absence de l’homme de lettres, soit qu’en fêtant M. […] Enfin, les revers, les chagrins sont venus ; peu de vies en sont exemptes : j’ai dû alors au goût et à l’habitude du travail les seuls remèdes que l’on puisse opposer soit au vide de l’âme qui suit souvent la perte du pouvoir, soit aux épreuves qui vous frappent dans la vie de ceux que l’on aime.
Elle publia, avant la fin de cette même année 1714, son livre intitulé Des causes de la corruption du goût, une des productions solides de l’ancienne critique française, et où il y a plus d’esprit qu’on ne pense : La douleur, dit-elle en commençant, de voir ce poète si indignement traité, m’a fait résoudre à le défendre, quoique cette sorte d’ouvrage soit très opposée à mon humeur, car je suis très paresseuse et très pacifique, et le seul nom de guerre me fait peur ; mais le moyen de voir dans un si pitoyable état ce qu’on aime et de ne pas courir à son secours ! […] Elle lui opposait une autorité, selon elle, convaincante, celle du délicat et très dédaigneux Alcibiade, qui n’aimait rien que le neuf et qui ne pouvait souffrir d’entendre la même chose deux fois : Cependant cet homme, si ennemi des répétitions, disait-elle, aimait et estimait si fort Homère, qu’un jour, étant entré dans l’école d’un rhéteur, il lui demanda qu’il lui lût quelque partie d’Homère ; et le rhéteur lui ayant répondu qu’il n’avait rien de ce poète, Alcibiade lui donna un grand soufflet. […] Cette idée bizarre du père Hardouin allait bien avec tout ce qu’on savait de lui, et quand on lui représentait qu’il aimait trop à s’écarter en tout des opinions communes : « Croyez-vous donc, répondait-il, que je me serais levé toute ma vie à trois heures du matin pour ne penser que comme les autres ?
On aime à savoir où ce grand écrivain et ce grand esprit s’est trompé et a décidé trop à la légère avant de bien savoir ; où il a été épigrammatique et injuste envers des prédécesseurs illustres et considérables ; où il a donné dans l’hypothèse pure et hasardée ; où il a deviné juste par étendue d’esprit et par aperçu de génie ; on aime à saisir avec précision sa marche progressive, à mesurer sa prise de possession graduelle de son sujet, à noter l’endroit certain où il devient complètement naturaliste, de physicien qu’il était en commençant. […] « Buffon, disait Linné vers la fin de sa vie, n’a point recalé les bornes de la science, mais il sut la faire aimer ; et c’est aussi la servir utilement. » Cet éloge ne dit point assez sans doute : voyons-y du moins une sorte de réparation accordée par le prince des botanistes, par le naturaliste qui l’était de naissance et de pur génie, à celui qui l’était devenu par volonté et qui régna, lui aussi, du droit du génie et de la puissance. […] Il aimait assez, dans son premier ordre, à prendre les choses et les êtres par rang de taille, si l’on peut dire, et de grandeur physique ; c’est ainsi qu’il croit convenable de commencer l’histoire des oiseaux par celle de l’autruche qui est comme l’éléphant du genre.
J’aime bien ces vins qui ont corps, et condamne ceux qui ne cherchent que le coulant à boire de l’eau. » Tout en se piquant, et avec raison, de n’être point coulant de style et d’être plutôt rude et fort de choses, d’Aubigné ne s’interdisait pas d’être recherché et alambiqué au besoin en certaines de ses productions poétiques. […] Il comprend la dignité du genre qu’il traite ; il est des particularités honteuses ou incertaines que l’histoire doit laisser dans les satires, pamphlets et pasquins, où les curieux les vont chercher : d’Aubigné, qui aime trop ces sortes de pasquins ou de satires, et qui ne s’en est jamais privé ailleurs, les exclut de son Histoire universelle, et, s’il y en introduit quelque portion indispensable, il s’en excuse aussitôt : ainsi en 1580, à propos des intrigues de la cour du roi de Navarre en Gascogne, quand la reine Marguerite en était : J’eusse bien voulu, dit-il, cacher l’ordure de la maison ; mais, ayant prêté serment à la vérité, je ne puis épargner les choses qui instruisent, principalement sur un point qui, depuis Philippe de Commynes, n’a été guère bien connu par ceux qui ont écrit, pour n’avoir pas fait leur chevet au pied des rois… Quand il s’étend longuement sur certaines particularités purement anecdotiques, il s’en excuse encore ; il tient à ne pas trop excéder les bordures de son tableau ; il voudrait rester dans les proportions de l’histoire : mais il lui est difficile de ne pas dire ce qu’il sait de neuf et d’original ; et d’ailleurs, s’il s’agit de Henri IV, n’est-il pas dans le plein de son sujet, et n’est-il pas en droit de dire comme il le fait : « C’est le cœur de mon Histoire ? […] Les guerres civiles n’épouvantent point d’Aubigné ; bien qu’il y abhorre la cruauté lâche et l’assassinat, bien qu’en racontant quelques exploits dont se vantaient les massacreurs de la Saint-Barthélemy, il lui échappe de dire énergiquement : « Voici encore un acte qui ne peut être garanti qu’autant que vaut la bouche des tueurs » ; bien qu’il déteste autant que personne ces atroces conséquences des factions parricides, il aime la chose même qui s’appelle luttes et combats entre Français pour cause religieuse ; il en est fier, et non attristé ; il s’y sent dans son élément ; il a bien soin de marquer les époques des grandes guerres de ce genre, conduites avant 1570 sous le prince de Condé et l’amiral de Coligny ; il traite comme enfants et nés d’hier ceux qui ne font commencer ces grandes guerres que depuis la journée des Barricades, quand elles ont recommencé en effet. […] Il intervient plus d’une fois dans son Histoire par des discours qu’il est censé tenir à son prince ; il aime cette partie oratoire et y excelle ; il la traite en homme de talent et en écrivain.
Et le roi le lui permettant, il commença un de ces discours comme il aime à les faire, et dont il prétend se souvenir exactement de tout point après vingt ou trente ans écoulés comme si ce n’était que d’hier. […] Il méprise fort les écritures en bien des cas ; en matière de reddition de place et de capitulation, par exemple, il répète mainte et mainte fois qu’il aimerait mieux être mort que « si on le trouvait mêlé en ces écritures ». […] Hors cela, et dans ses guerres d’Italie, on le voit faisant tout pour ses soldats, aimé d’eux et possédant le secret de leur « mettre les ailes aux talons et le cœur au ventre », dès que l’un et l’autre étaient nécessaires. […] le maréchal de Brissac, qui l’estimait et l’aimait on ne saurait plus, mais qui craignait de le perdre comme l’un de ses capitaines et auxiliaires essentiels, s’il allait à Sienne, écrivit au roi pour établir dans son esprit (à côté de beaucoup d’éloges) cette fâcheuse réputation de quinteux qu’avait Montluc ; et en même temps il écrivait à celui-ci pour le dissuader d’accepter.
je l’entends avec mon épée au côté. » Le xviiie siècle, qui aimait la déclamation, poussa le plus possible dans le sens du Henri débonnaire et vertueux. […] Il aimait le peuple, les gens de campagne, les pauvres gens. […] Plutarque me sourit toujours d’une fraîche nouveauté ; l’aimer c’est m’aimer, car il a été l’instituteur de mon bas âge.
Santeul, le poète latin si fier de ses vers, si heureux de les réciter en tous lieux ou de les entendre de la bouche des autres, et qui aimait encore mieux qu’on dît du mal de lui que si l’on n’en avait rien dit du tout ; Santeul, qui dans une de ses plus grosses querelles écrivait à l’abbé Faydit, qui l’avait attaqué sur son épitaphe d’Arnauld : Je fais le fâché par politique, mais je vous suis redevable de ma gloire ; vous êtes cause qu’on parle de moi partout, et presque autant que du prince d’Orange ; vous avez rendu mes vers de l’épitaphe de mon ami plus fameux que l’omousion du concile de Nicée ; ceux des autres poètes sur le même sujet sont demeurés ensevelis avec le mort, faute d’avoir eu comme moi un Homère pour les prôner et les faire valoir ; — Santeul, qui était si fort de cette nature de poète et d’enfant qui tire vanité de tout, serait presque satisfait en ce moment. […] Il passe par la place Maubert, et les harengères du lieu, qui le connaissent et qui aiment à l’attaquer, ont quelquefois les prémices de la pièce de vers du matin. […] Tout cela est poétique ; mais quand je pense à la sainteté et à la majesté redoutable de Dieu, à qui nous devons rendre compte de toute notre vie, et qui condamnera tout ce qui n’aura pas été fait pour lui, en vérité, mon cher monsieur, il faut trembler, et j’aimerais mieux lui demander pardon par mes pleurs que faire encore des vers où, en avouant mes fautes, je ne laisse pas de demander récompense de mes ouvrages. […] Le Tourneux qui la lui suggéra, qui la lui dicta presque dans les mêmes termes, que le poète docile a suivis ; il n’a fait qu’y changer quelques mots pour la latinité : J’aimerais mieux, lui écrivait en effet M.
Je ne veux pas être en désaccord avec ceux que j’aime et que j’estime, et je n’ai pas l’ambition de les mener. […] Un certain oncle Bouvet, personnage un peu solennel, le lui prédisait dès 1804, en lui rappelant l’exemple des hommes de talent qui s’étaient formés d’eux-mêmes : « La mesure de votre gloire sera celle des difficultés que vous aurez vaincues ; j’aime à me le persuader et vous attends impatiemment au but. » Un second point qui me frappe dans ce commencement de la Correspondance et qui a été contesté cependant, c’est la gaîté, une gaîté entremêlée de réflexion, de travail, de méditation même ; mais je maintiens la gaîté. […] Jean-Jacques Rousseau eût aimé à être de ce déjeuner-là. […] Il aimait à s’occuper des autres et de leurs affaires ; cela le menait à bien des commérages, à des familiarités moqueuses, mais aussi à des bienfaits très réels.
Il n’est pas le seul des poëtes critiques que des adversaires de secte et de coterie aient accusé « d’être plus qu’un esprit sceptique, d’être un cœur sceptique ; de n’avoir ni enthousiasme, ni amitié ; de faire vanité de n’aimer qui que ce soit, quoi que ce soit au monde, etc. » Nous connaissons ces injures pour nous avoir été dites51 : mais n’ont-elles pas été dites à Gœthe notre maître, tout le premier ? […] Malgré les dédains et les ironies de Gœthe les jours où sa parole coupait comme la bise, sa fréquentation, au total, sa familiarité prolongée est saine pour l’esprit et rassérénante (sain est un mot qu’il aime). […] Gœthe, à ses débuts, est un homme du xviiie siècle ; il a vu jouer dans son enfance le Père de Famille de Diderot et les Philosophes de Palissot ; il a lu nos auteurs, il les goûte, et lorsqu’il a opéré son œuvre essentielle qui était d’arracher l’Allemagne à une imitation stérile et de lui apprendre à se bâtir une maison à elle, une maison du Nord, sur ses propres fondements, il aime à revenir de temps en temps à cette littérature d’un siècle qui, après tout, est le sien. […] Lui qui aimait assez la France, et qui n’avait jamais pu se résoudre à épouser contre elle les haines de ses compatriotes (ce dont il avait recueilli tant de reproches amers), il avait cependant un premier jugement sur les Français, qui n’était pas tout à fait à leur avantage : « Les Français, disait-il en parlant des traductions allemandes qu’on faisait chez nous (novembre 1824), ont de l’intelligence et de l’esprit, mais ils n’ont pas de fonds et pas de piété.
Saint Bernard, qui retrouve quelquefois la langue de Cicéron, n’échappe pas à la subtilité et aux pointes de Sénèque ; Abélard cite l’Art d’aimer d’Ovide dans des discussions sur les textes sacré. […] Je suis vostre mère desollée, vostre petite ancelle, laquelle vous avez tant digné aimer et honorer de vostre seule grace, sans mes mérites. […] J’aime l’esprit français, dans l’image naïve que nous en ont donnée nos écrivains du xiie au xvie siècle ; mais combien l’aimerai-je mieux au xvie , alors que la Renaissance en aura fait l’esprit humain Vienne donc cette époque désirée où la connaissance du passé doit ajouter aux forces naturelles de l’esprit français une force qui le tirera pour ainsi dire hors de lui-même, et qui le transformera en ce sens supérieur de l’humain, de l’universel image de la raison elle-même !
Philosopher est le mot sous lequel j’aimerais le mieux à résumer ma vie ; pourtant, ce mot n’exprimant dans l’usage vulgaire qu’une forme encore partielle de la vie intérieure, et n’impliquant d’ailleurs que le fait subjectif du penseur solitaire, il faut, quand on se transporte au point de vue de l’humanité, employer le mot plus objectif de savoir. […] Il aime mieux s’abstenir que de tout accepter indistinctement ; il préfère la vérité à lui-même ; il y sacrifie ses plus beaux rêves. […] Si vous élevez autel contre autel, on vous dira : « Nous aimons mieux les anciens ; ce n’est pas que nous y croyions davantage, mais enfin nos pères ont ainsi adoré. » On nous chargerait de l’éducation religieuse du peuple, que nous devrions commencer par son éducation dite profane, lui apprendre l’histoire, les sciences, les langues. […] C’est ainsi, du moins, que j’aime à l’entendre.
Nul ne veut avoir l’air d’être vaincu par des étrangers, nul n’aime ces étrangers ». […] Pellenc, je définirai Mallet du Pan un Pellenc énergique, d’une trempe supérieure, qui n’a pas peur, qui, consulté par les cabinets, dit ce qu’il pense, mais aime encore mieux le dire à tous, au public, exhalant sa pensée, ses vues, son indignation d’honnête homme et d’homme sensé, sans quoi il est condamné à ce qu’il a appelé lui-même le « tourment du silence ». […] Autant il est peu de l’école de Jean-Jacques et du Contrat social, autant il aime à se proclamer de celle de Montesquieu. Si je pouvais faire en sorte, disait Montesquieu, que tout le monde eût de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois ; qu’on pût mieux sentir son bonheur dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque poste où l’on se trouve, je me croirais le plus heureux des mortels.
J’aime le déshabillé d’un esprit charmant, je ne puis admettre cette nudité que l’Arsinoé de Molière aime tant. […] Permettez-moi seulement de défendre contre vous le répertoire comique que vous invoquez ici un peu à contre-sens, car c’est justement dans les tableaux qu’Arsinoé n’aime pas les nudités, Elle fait des tableaux couvrir les nudités, Mais elle a de l’amour pour les réalités. […] Le ménage Leroy est le plus uni des ménages… sauf quelques discussions entre les conjoints à propos des difficultés grammaticales, qui sont un des divertissements aimés et préférés du couple.
Ils inventent tout ce qu’ils pensent, et ils créent tout ce qu’ils sont ; ils sont originaux comme le vulgaire est imitateur, par nature ; ils aiment l’indépendance comme le vulgaire aime l’autorité, par instinct. […] Je n’ai rien su que ce que j’ai trouvé, et quand il m’est entré dans la tête des opinions qui étaient aussi celles des autres, c’est que mes recherches comme les leurs y avaient abouti. » Un peu plus tard, traitant des signes, il ne voulut ouvrir aucun des ouvrages de ses prédécesseurs, et expliqua son étrange refus comme Descartes : « Notre première raison, c’est que les idées qu’ils nous suggéreraient gêneraient la liberté de notre esprit qui aime à se conduire à sa façon, et dépouilleraient pour lui cette recherche de son plus grand charme, qui est dans la recherche même plutôt que dans le résultat qu’elle peut donner à la science ; la seconde, c’est que les idées d’autrui, quand nous n’avons pas d’abord exploré nous-même la matière à laquelle elles se rapportent, n’ont pour nous qu’un sens vague, et nous troublent plutôt qu’elles ne nous éclairent54. » Cette habitude et ce goût sont le signe du véritable philosophe. […] Il n’aimait pas les exemples particuliers, les cas précis, les petits faits distincts.
On en rencontre jusqu’à cinq ou six, et, après quelques années de soins, si l’on aime véritablement la discussion abstraite, on acquiert le droit d’aller se chauffer, le soir au coin de leur feu. […] Ils aiment à raisonner. […] Il ne croit guère au dévouement et n’aime que médiocrement les gens à principes. […] La force n’est que la liaison ou dépendance du second vis-à-vis du premier, ou, si vous l’aimez mieux, la propriété qu’a le premier d’être nécessairement suivi du second.
La Renaissance, effrénée et inventive, avait livré les esprits aux fougues et aux caprices de l’imagination, aux bizarreries, aux curiosités, aux dévergondages de la verve qui ne se soucie que de se satisfaire, qui éclate en singularités, qui a besoin de nouveautés, et qui aime l’audace et l’extravagance, comme la raison aime la justesse et la vérité. […] J’aime votre honneur — parce qu’il est le mien. […] Il aime son général en bon et honnête dogue, et ne demande pas mieux que de mourir, pourvu que ce soit aux pieds de son maître. […] nous avons fait plus que vaincre César, à présent. — Non-seulement ma reine est innocente, mais elle m’aime. — M’en aller, où ? […] Par contraste il a aimé la nature ; ce goût a toujours duré en Angleterre ; les sombres passions réfléchies se détendent dans la grande paix et l’harmonie des champs.
Moi, si j’avais voté, j’aurais voté pour Boulanger, quoique ce soit l’inconnu, mais si c’est l’inconnu c’est la délivrance de ce qui est, et je n’aime pas ce qui est, et à l’avance j’aime n’importe quoi qui sera — quitte à ne pas l’aimer après. […] Je n’aime plus que les livres qui contiennent des morceaux de vie vraiment vraie, et sans préoccupation de dénouement, et non arrangée à l’usage du lecteur bête que demandent les grandes ventes. […] — Daudet, lui dis-je, vous aimez la plaine, vous ? — Oui, me répond-il, la verdure ne me comble pas de joie… Nous les gens du Midi, nous aimons les grillades de toutes sortes, et c’est pour nous une stupeur, quand nous arrivons à tout ce vert qui est dans le Nord. […] … une longue application m’est défendue depuis ma maladie. » Et revenant aux jouissances qu’il éprouve encore ; il cite la conversation avec un être qui a l’intelligence des choses qu’il aime, et il finit en me demandant d’une voix caressante, et presque humble, de l’inviter à déjeuner.
. — C’est l’aimée ni tourmentante ni tourmentée. L’aimée. — L’air et le monde point cherchés. […] … Je t’aime ! […] Faire naître un « Je t’aime » ! […] Ils n’ont pas la grâce délicate et la souplesse que nous aimons chez d’autres poètes.
Critique des comédiens de l’hôtel de Bourgogne ; il excepte Floridor, acteur aimé du public. […] Nous le verrons aimé du public. […] On a dit que Molière, qui aimait beaucoup mademoiselle De Brie, aimait fort peu son mari : c’était assez logique ; et que De Brie était un grand bretteur26. […] Vous me direz sans doute qu’il faut être poète pour aimer de cette manière ; mais, pour moi, je crois qu’il n’y a qu’une sorte d’amour, et que les gens qui n’ont point senti de semblables délicatesses n’ont jamais aimé véritablement. […] Les deux anciens condisciples aimaient à se reporter quelquefois aux discussions de leur jeunesse.
J'aimerais mieux un simple narré, tel que pouvait faire dom Le Nain38, que l’éloquence affectée. » — Ce n’est ni aux bénédictins, ni même aux jésuites qu’on songe à plaire de nos jours, mais à flatter madame Sand, à ne pas choquer M. de Lamennais, à chatouiller M. de Béranger, leurs noms et leurs doctrines, et de là une dégradation véritable du sujet. […] Sans doute de tout temps il y a eu des regrets sur la fuite des années légères : Voltaire en cela ne faisait que suivre Horace et il l’égalait même le jour où il chantait à demi-voix : Si vous voulez que j’aime encore… Fontanes a fait aussi sur ce ton une pièce mélancolique et presque morose intitulée La Cinquantaine.
Glaire en effet à cette simplicité bourgeoise, à ce phlegme incorruptible, qui mieux que la philosophie du grand monde le garantissait des illusions, qui lui faisait dire à Voltaire dont, à la lecture de Pellisson, les yeux se remplissaient de la splendeur de Louis XIV : « Mon cher, vous n’êtes qu’un enfant, qui aimez les babioles et rejetez l’essentiel ; vous faites plus de cas des pompons qui se font chez mesdemoiselles Duchappe que des étoffes de Lyon et des draps de Van-Robais. » ou bien encore qui lui faisait comparer un état épuisé qui donne des fêtes pour mettre l’argent en circulation à une vieille comtesse ruinée qui ouvre brelan et donne à souper avec l’argent des cartes ! […] Chacun apportait sa portion de zèle et de lumières ; l’un était chargé de l’histoire des finances ; l’autre, de celle du commerce ; un troisième, d’une histoire des États-généraux et des Parlements ; mais le plus inépuisable lecteur était sans contredit le digne abbé de Saint-Pierre que notre auteur aime à nommer en toute occasion son bon ami ; il y épanchait ses rêves bienveillants, y enfantait ses projets pleins d’espérance, et puisait dans les regards et jusque dans les sourires de l’amitié ses croyances les plus fermes à un bienheureux avenir.
Nous reviendrons aujourd’hui, quoiqu’un peu tard, sur ce bel ouvrage que tout le monde a lu ; et sans chercher à en donner une sèche et inutile analyse, nous en causerons un instant avec nos lecteurs, comme d’une ancienne connaissance dont on aime de part et d’autre à se ressouvenir. […] Poète descriptif, poète rêveur, patriote sincère, il a cherché avant tout dans le cadre du roman historique une occasion d’épancher son âme, d’ouvrir son imagination, de célébrer une patrie et une cause qu’il aime.
La jeune fille aimait Julien, et son chagrin se comprend du reste. […] Quant au public, le drame moderne ne l’a pas changé : le peuple d’Athènes aimera toujours la comédie.
J’aime bien les tableaux de ce genre dont on détourne la vue ; pourvu que ce ne soit pas de dégoût, mais d’horreur. […] J’aimerais assez qu’on ne vît Minerve que par le dos, et qu’elle fût la moins éclairée.
Je ne parle pas de celle qui dit son rosaire, qui fait de sa cour un couvent, et qui n’est pourtant pas une petite femme ; mais de celle qui donne des lois à son pays qui n’en avait point ; qui appelle autour d’elle les sciences et les arts, qui fonde les établissemens les plus utiles, qui a su se faire considérer dans toutes les cours de l’Europe, contenir les unes, dominer les autres, qui finira par amener le polonais fanatique à la tolérance ; qui aurait pu ouvrir la porte de son empire à cinquante mille polonais, et qui a mieux aimé avoir cinquante mille sujets en Pologne ; car vous le savez tout aussi bien que moi, mon ami, ces dissidens persécutés deviendront persécuteurs, lorsqu’ils seront les plus forts, et n’en seront pas moins alors protégés par les russes. […] J’aime son caractère, parce qu’il est simple et non maniéré.
On remarquera que je ne parle ici que des personnes qui étudient ; car celles qui lisent principalement pour s’amuser, et en second lieu pour s’instruire (c’est l’usage cependant que les trois quarts du monde font de la lecture) aiment encore mieux les livres d’histoire dont le stile est interessant, que les livres d’histoire mal écrits, mais pleins d’exactitude et d’érudition. […] Enfin si le charme du coloris est si puissant qu’il nous fasse aimer les tableaux du Bassan, nonobstant les fautes énormes contre l’ordonnance et le dessein, contre la vrai-semblance poëtique et pittoresque dont ils sont remplis, si le charme du coloris nous les fait vanter, bien que ces fautes soient actuellement sous nos yeux lorsque nous les loüons, on peut aisément concevoir comment les charmes de la poesie du stile nous font oublier dans la lecture d’un poeme les fautes que nous y avons apperçues.
Ceux qui aiment avec passion les fortes individualités exprimeront peut-être ce regret. […] Les jeunes gens et les femmes, à une certaine heure, suivirent l’auteur de la Vie de Jésus, l’aimèrent comme un apôtre, parce qu’il portait dans ses bras les beaux trésors héréditaires mêlés au bagage de la critique moderne.
Bien que nous soyons parfaitement convaincus que les parlementaires ne nous donneront jamais une liberté en faveur de laquelle ils ont écrit tant de diatribes antigouvernementales, mais qui, naturellement, les gênerait pour gouverner, bien que l’homme pratique en conséquence aime autant faire des ronds dans la Seine que faire des interjections sur cet éternel plat du jour de la conférence Molé, il demeure intéressant de calculer le mal que cette incapacité de s’associer produit dans notre pays. […] Il était bien trop dégoûté pour attendre rien d’excellent même de ce qu’il aimait. « Lorsque, sous l’influence d’un mauvais régime, un organisme a contracté un vice qui l’atteint jusque dans ses éléments, ce régime lui devient presque nécessaire ; en tout cas, il ne faut pas songer à le modifier tout d’un coup. » Soyons tranquilles là-dessus !
Vous êtes ceux-là mêmes qui, dès demain, aurez pour office et ministère spécial de veiller à la tradition, à la transmission des belles-lettres classiques et humaines, de les interpréter continuellement à chaque génération nouvelle de la jeunesse ; je me vois chargé, pour ma part, — avec une bienveillance qui m’honore et dont je rends grâce à qui de droit, — sous les yeux d’un directeur ami70, — à côté de tant d’excellents maîtres dont on voudrait avoir été, ou dont on aimerait à devenir le disciple, — je me vois, dis-je, chargé de vous préparer à ces dignes et sérieuses fonctions. […] Jamais a-t-on mieux parlé de cette ville heureuse, ou rien de chagrin, de jaloux, de rigide et d’austère s’affligeait le regard et ne mortifiait la joie du voisin ; où l’on jouissait rien qu’à y vivre, à y respirer, à s’y promener, et où la seule beauté des bâtiments et des constructions, la beauté du jour et certain air de fête secouaient loin de l’esprit la tristesse72 ; où l’on aimait le beau avec simplicité et la philosophie sans mollesse, où la richesse était à propos et sans faste, où le courage n’était pas aveugle (comme celui du Mars fougueux), mais éclairé et sachant ses raisons (comme il sied à la cité de Minerve) ; véritable Athènes selon l’idéal de Périclès, sa création et son œuvre à lui, l’école de la Grèce (Ελλάδος Ελλάς Αθήναι), telle qu’il l’avait faite durant les longues années de sa domination personnelle et puissamment persuasive : car on a dans Périclès le type le plus noble et le plus brillant du chef populaire, d’un dictateur de démocratie par raison éloquente, par talent et persuasion continue. […] Goethe, sans son goût pour la Grèce qui corrige et fixe son indifférence ou, si l’on aime mieux, sa curiosité universelle, pouvait se perdre dans l’infini, dans l’indéterminé ; de tant de sommets qui lui sont familiers, si l’Olympe n’était encore son sommet de prédilection, où irait-il, — où n’irait-il pas, lui, le plus ouvert des hommes et le plus avancé du côté de l’Orient ? […] Le classique, je le répète, a cela, au nombre de ses caractères, d’aimer sa patrie, son temps, de ne voir rien de plus désirable ni de plus beau ; il en a le légitime orgueil. […] quand je vois ces titres qu’on y affiche pas trop complaisamment, ces promesses et ces engagements publics de découvertes, tel ou tel personnage d’après des documents inédits, je me défie un peu du goût et de la parfaite justesse des conclusionsad ; je ne conseillerai pas de mettre, mais j’aimerai tout autant qu’on mît en tête une bonne fois : tel ou tel personnage d’après des idées et des vues judicieuses fussent-elles même anciennes.
En province surtout où les existences de quelques femmes sont plus souffrantes, plus étouffées et étiolées que dans le monde parisien, où le désaccord au sein du mariage est plus comprimant et moins aisé à éluder, M. de Balzac a trouvé de vifs et tendres enthousiasmes ; le nombre y est grand des femmes de vingt-huit à trente-cinq ans, à qui il a dit leur secret, qui font profession d’aimer Balzac, qui dissertent de son génie et s’essayent, plume en main, à broder et à varier à leur tour le thème inépuisable de ces charmantes nouvelles, la Femme de trente ans, la Femme malheureuse, la Femme abandonnée, c’est là un public à lui, délicieux public malgré ses légers ridicules, et que tout le monde lui envierait assurément. […] M. de Balzac fut donc transplanté de bonne heure ; ce ne fut pourtant qu’après avoir fait ses premières études au collége de Vendôme probablement, car j’aime à croire que son récit de Louis Lambert n’est en rien une fiction, et qu’il a été lui-même cet ami inséparable du pauvre et sublime enfant extatique. […] La phrase suivante fait tache à mes yeux dans la première lettre de Louis Lambert à Mlle de Villenoix : « J’ai dû comprimer bien des pensées pour vous aimer malgré votre fortune, et pour vous écrire en redoutant ce mépris si souvent exprimé par une femme pour un amour dont elle écoute l’aveu comme une flatterie de plus parmi toutes celles qu’elle reçoit ou qu’elle pense. […] Il a peur de mal exprimer son amour ; il ne voit que des difficultés et s’en effraye ; il tremble de ne pas plaire ; il serait hardi s’il n’aimait pas tant. […] Je sais une femme qui a pour mari un homme de génie ou qu’elle croit tel (ce qui revient au même), et dont elle craint de n’être pas assez aimée ; cette femme a été séduite à Balzac par Mme Claës.
Ceux qui détestent les principes de la constitution de France, qui se montrent les ennemis de toute idée libérale, et font un crime d’aimer jusqu’à la pensée d’une république, comme si les scélérats qui ont souillé la France pouvaient déshonorer le culte des Catons, des Brutus et des Sidney : ces hommes intolérants et fanatiques ne persuadent point par leurs véhémentes déclamations les étrangers philosophes ; mais que l’Europe écoute les amis de la liberté, les amis de la République Française, qui se sont hâtés de l’adopter, dès qu’on l’a pu sans crime, dès qu’il n’en coûtait pas du sang pour la désirer. […] Rien n’est plus contraire, il est vrai, aux premiers mouvements de la jeunesse, que l’idée de se rendre indépendant des affections des autres ; on veut d’abord consacrer sa vie à être aimé de ses amis, à captiver la faveur publique. Il semble qu’on ne s’est jamais assez mis à la disposition de ceux qu’on aime, qu’on ne leur a jamais assez prouvé qu’on ne pouvait exister sans eux ; que l’occupation, les services de tous les jours ne satisfont pas assez au gré de la chaleur de l’âme, le besoin qu’on a de se dévouer, de se livrer en entier aux autres ; on se fait un avenir tout composé des liens qu’on a formés. […] La perte des affections les plus chères n’empêche pas de sentir jusqu’au plus faible tort de l’ami qu’on aimait le moins. […] Le public aussi, dont on avait éprouvé la faveur, perd toute son indulgence ; il aime les succès qu’il prévoit, il devient l’adversaire de ceux dont il est lui-même la cause ; ce qu’il a dit, il l’attaque ; ce qu’il encourageait, il veut le détruire : cette injustice de l’opinion fait souffrir aussi de mille manières en un jour.
Le peuple, qui aime surtout le merveilleux, et qui préfère partout les Jeanne d’Arc et les Dunois aux vieux rois, s’enthousiasme pour ce berger ; il l’élève au-dessus de Saül lui-même dans ses bénédictions sur la route. […] Si je dis à mon serviteur : Les flèches sont en deçà de la pierre, cela voudra dire : Reviens avec assurance ; je te le jure par le Dieu vivant, il n’y a pas de danger ; mais si je dis à mon serviteur : Les flèches sont au-delà de la pierre, alors sauve-toi, car le roi t’aura disgracié. » « Fils d’une courtisane », dit Saül à Jonathas son fils, « pourquoi aimes-tu le fils d’Isaï de Bethléem ? […] Aucun poème épique ne présente une plus touchante contradiction entre l’ambition et le cœur dans la destinée de deux adolescents qui s’aiment, pendant que leur destinée s’abhorre ! […] « Mais le pauvre n’avait qu’une petite brebis qu’il avait achetée en nourrice, et qui avait été élevée sous son toit avec ses enfants, mangeant son pain, buvant dans son écuelle et dormant sur son sein, et il l’aimait comme sa fille ! […] S’il y a écho dans nos oreilles, il y en a un également dans nos pensées ; l’esprit de l’homme aime à se répéter deux fois ce qu’il pense et ce qu’il sent, comme pour s’affirmer davantage à lui-même ce qu’il a pensé ou ce qu’il a senti, et comme pour jouir ainsi deux fois de sa propre faculté de penser et de sentir.
Il a besoin des souffrances de ses martyrs : plus il les aime, plus il faut croître leurs mérites. […] Mais ici l’émotion humaine se mêle au mystère incompréhensible, et nos vieux poètes ont senti dans la Vierge une mère qui aimait son fils comme toutes les mères. […] Dans le Vieux Testament, quelques touches du caractère de Caïn, une esquisse du pathétique moral auquel le sacrifice d’Abraham peut donner lieu dans les rôles du père et du fils, une notation un peu sèche, mais essentiellement juste des sentiments respectifs de Samson et de Dalila, une discrète et délicate peinture de la belle âme de Suzanne, d’heureux traits de foi timide dans Enther, et d’orgueil féroce dans Aman : voilà où l’esprit aime à se reposer dans la platitude aride de l’immense mystère. […] Ou bien c’est la jeune fille qui nourrit sa mère de son lait dans une prison, c’est la villageoise qui aime mieux avoir la tête coupée par son père que de céder à l’amour de son seigneur : c’est l’empereur qui tue de sa main un scélérat de neveu dont il a fait son successeur. […] Mais il a peur du qu’en-dira-t-on : comme il aime à se gausser d’autrui, il craint plus que le feu de donner prise aux rieurs.
Il aimait trop les lettres pour ne pas s’apercevoir qu’il y avait là une grande littérature : il découvrit Shakespeare, et Milton, et les comiques de la Restauration, Wycherley, Congreve. […] Elle aime les sciences, la physique, la philosophie : elle a un laboratoire, fait des expériences, étudie Newton. […] Ses idées de bonne administration l’inclinent même plutôt à aimer le despotisme, dès que le despote est vigilant, laborieux, dévoué à la grandeur de l’État. […] Mme du Châtelet n’aimait pas l’histoire : pour vaincre son aversion, Voltaire entreprit de la lui montrer comme une science expliquant les phénomènes de la vie collective de l’humanité ; il commença de lui esquisser à grands traits la suite des événements de l’histoire universelle. […] Cependant il croit au progrès ; il aime la civilisation : la marche inégale, hésitante, de l’humanité sera le résultat de deux contraires, l’ignorance superstitieuse, fanatique, stupide, et la raison éclairée, bienfaisante.
On aime à se représenter ce poète en seigneur de jadis, et pourquoi pas choisir, à cause de son nom, ce Thibaut de Champagne qui parcourut la terre d’Ardenne et connut les rives de la Meuse ? […] Il a de Thibaut l’élégance et l’esprit ; mais s’il avait aimé la comtesse de Moha il se fût refugié au plus profond des sylves de l’Ardenne. […] Vielé-Griffin, il eût assurément tenté lui-même ces prouesses, par la hache et le glaive, car il aime tout ce qui montre en action la magnificence de la force. […] Mais la suprême Beauté ne suppose point qu’on les sépare : De tout notre instinct et de toute notre énergie nous devons aimer et poursuivre le premier, — admirer le second par tout ce que notre esprit contient de jugement et de lumineuse raison, — mais infrangiblement les unir si nous voulons que notre œuvre soit vivante et sacrée, tressaillante et surnaturelle. […] Ils ne sont pas ceux que l’on aime ou que l’on admire : ils suscitent à la fois l’élan vierge du cœur avec l’assentiment de la hautaine intelligence dont ils agenouillent le respect. — Or nous tous, voyageurs qui gravissons l’âpre montagne, si quelque fierté d’âme convie notre faiblesse à ne point nous trahir, nous ne pourrons nous arrêter à l’aube par crainte des brûlants midis torrentiels.
« Ce que je dois faire pour te plaire, ô dieu de la foudre, fils de Cronos, pour être aimé des Muses et pour rester sous la garde du calme heureux de l’âme, voilà ce que je demande de toi12. » Une telle foi, un tel amour devaient inspirer d’autres images que les souvenirs de la fable, un autre sublime que celui d’Homère. […] Il n’a pas seulement, comme le dit Horace, chanté les dieux et les rois issus des dieux : il a aimé cette forme de puissance ; il l’a louée, en la voulant soumise aux lois. […] Il aime Lacédémone, d’où sa famille était issue ; il aime cette ville où règnent, dit-il, « la sagesse des vieillards et les lances des jeunes hommes, et les chœurs harmonieux, et la muse et la douce allégresse20 ». […] Pindare ne divinise pas ces maîtres, dont il aime le stable pouvoir ; il n’adore pas leurs passions, mais la paix de leur règne et cette magnificence qui fait de l’éclat du trône la splendeur du peuple.
Si vous aimez la liberté et la patrie, fuyez ce qui les a perdues. […] Oui, l’âme aime la vérité. […] C’est en effet l’infini que nous aimons en croyant aimer les choses finies, même en aimant la vérité, la beauté, la vertu. […] Comment aimer ce qu’on ignore ? […] Le Dieu qu’elle peut admettre s’aime lui-même et n’aime que lui.
Mais il aime mieux ajourner le moment de la possession que de n’y pas arriver par la voie légitime. […] Aimerait-on mieux la découverte de quelque loi des corps, ou l’invention de quelque nouvelle preuve métaphysique de l’existence de Dieu, laquelle n’a pas besoin de preuves ? […] Noble exemple, dans ce monde où tant d’habiles gens, qui n’ont rien à donner, invitent néanmoins les autres à les aimer, afin de les avoir plus sous la main pour le service de leur fortune ! Pascal est trop honnête homme pour se servir de ceux qu’il n’aimerait pas ; il est trop humble pour se laisser aimer gratuitement. […] Je ne le vois pas, sans regret, quitter la scène à la fin de la dixième Provinciale, alors que Pascal, passant tout à coup de la raillerie déguisée à l’attaque ouverte, et prenant le père à partie sur la maxime qui dispense d’aimer Dieu, l’exhorte à ouvrir les yeux et à se retirer des égarements de sa Société, ajoutant ainsi à l’effet moral de cette petite pièce par le sérieux du dénoûment.
Il me dit aimer l’Angleterre, Londres, l’odeur du charbon de terre, parce que ça sent la bataille de la vie. […] De son contemporain, il passe à Rabelais, son auteur aimé, dont il a nombre d’éditions, se vantant même de posséder le fameux exemplaire, que le Régent lisait à la messe. […] — C’est pas mal, pas mal, reprend Zola, et ma foi, oui, j’étais à la représentation, par moments, furieux contre les lâches, qui n’osaient pas applaudir… j’aurais aimé à leur dire des sottises. […] * * * — Il est peut-être possible que quelques honnêtes gens n’aiment pas le vrai en littérature, mais on peut être certain que tous les malhonnêtes gens l’abominent. […] Sur sa réponse affirmative il lui a dit : « Eh bien, c’est tout à fait inutile que je continue à vous soigner. » Et l’on me demande pourquoi, je n’aime pas les inventions modernes, parce qu’elles sont ou dangereuses ou tout au moins destructives du confort de la vie.
Je ne suis décidément pas aimé des hommes politiques, et je le mérite par mon mépris pour eux. […] J’avoue que j’aurais aimé assister à la vacation, mais c’est vraiment gênant de se voir vendre. […] On constate la tendance de la jeunesse actuelle à n’aimer que le nuageux, le nébuleux, l’abscons, à mépriser la clarté. […] Ce qui fait Daudet s’écrier, que pour les gens qui aiment vraiment la musique, la musique est un art qui n’a pas besoin de l’accommodage d’un autre art, bien au contraire. […] Pourquoi une figure aimée, souvent regardée, ne revient pas, précisée, arrêtée, lignée, dans votre œil, comme ce bouchon de liège.
mais certes j’aimerais mieux une seule promenade avec toi dans tes bois d’Auteuil que tous ces règnes usurpés ; ou plutôt j’aimerais mieux mourir mille fois que de penser une seule fois quelque chose de tel. » — M.
Flaubert, particulièrement, avec sa haute taille, ses gros yeux ronds, sa moustache de pirate normand, aimait à “faire le méchant.” […] Comment, d’ailleurs, les belles-lettres seraient-elles les consolatrices si ceux qui les aiment ne savaient pas la souffrance ?
Le cœur plein d’une ardente amitié, on écrit ; quand on a mis : je vous aime bien, que reste-t-il, qu’à le répéter ? […] De tout temps des pères ont pleuré la mort d’un enfant ; de tout temps des mères ont senti les déchirements de la séparation, quand elles ont marié leurs filles : et ces pères, ces mères aimaient autant leurs enfants, étaient aussi dignes de pitié que l’orateur romain et que notre marquise.
J’aime tout comme une âme ; d’amant ? […] Anatole France Disons tout de suite qu’elle était douée entre toutes les femmes pour aimer et souffrir, et montrons ses premières douleurs, ses premières blessures, avec respect, comme la source cachée d’où coula un flot abondant et pur de poésie… Faible, elle obsédait les puissants pour leur arracher des grâces.
Fort est parfois très obscur et n’aime pas l’alinéa. […] et je t’aime de ne plus me comprendre, dans ta foule, ô Forêt, que comme une floraison très pâle seulement.
C’est un malheur sans doute ; mais, à tout prendre, nous aimons mieux un crocodile qu’un crapaud ; nous préférons une barbarie de Shakespeare à une ineptie de Campistron. […] On ne doit détrôner Aristote que pour faire régner Vaugelas, et il faut aimer l’Art poétique de Boileau, sinon pour les préceptes, du moins pour le style.
J’aime mieux me renfermer dans la bibliothèque de Sa Majesté Impériale et m’occuper de la tâche qu’elle m’a prescrite que de m’exposer aux éclaboussures d’une chaudière qui bout toujours et où il ne cuit rien. […] Si vous étiez bien aimable, ou vous nous précéderiez ou vous nous suivriez au Grand-Val ; mais vous aimerez mieux écrire un billet doux ou même une belle page que de faire une bonne œuvre.
Il est du nombre des écrivains qui ont fait des enthousiastes, mais qu’on aime mieux encore estimer que lire. […] Il fut aimé de trois empereurs, fit leurs panégyriques selon l’usage de tous les siècles ; et, pour se conformer au sien, les fit en vers plats, durs et barbares.
Adore, Aime comme ton Maître et bénis qui t’abhorre. […] Je t’aime cependant, Arno, d’avoir été leur muet confident. […] Toujours et toujours le Pendent opera interrupta de ce Virgile dont Dupré aimait à citer les vers ! […] Puis il me dit du ton d’un hôte qui reçoit un invité : « Aimez-vous le veau ? […] Le voilà dans le voisinage de cette allée des philosophes où il aimait à cheminer avec ses amis.
Il fait aimer à chacun son rôle sur la terre ; il ne veut pas d’une timidité inquiète qui ferait craindre à l’homme de s’engager dans la vie. […] Nul écrivain chrétien n’a fait à Dieu plus d’holocaustes de la gloire humaine, et nul n’en a tracé des images plus propres à la faire aimer. […] Il aime mieux l’imperfection qui se repent que la perfection qui s’abstient d’agir. […] Doué d’une imagination tendre et d’une âme passionnée, dans une profession qui lui interdisait de donner son cœur à aucune créature vivante, il ne trouva que Dieu qui lui fit connaître la douceur d’aimer impunément. Encore craignait-il de se trop aimer lui-même dans cet amour ; c’est ce qui lui fit imaginer cette étrange échelle de cinq manières d’aimer Dieu, de cinq amours de Dieu, avec lesquels se combine, dans des proportions décroissantes, un mélange d’intérêt propre, et dont le dernier est cet amour entièrement désintéressé, sans espérance, sans crainte, sans alliage d’aucun sentiment humain, qui forme le suprême état de perfection enseigné par les quiétistes.
Filles de Tyr et de Sidon, fleurs de Cos et d’Ionie, toutes celles qu’il aima et qu’il célèbre, savaient ou entendaient probablement les chansons de Sapho, aussi bien que les vers qu’il leur adressait à elles-mêmes. […] C’est de lui non moins que d’Asclépiade, qu’André Chénier a pu emprunter le motif d’une de ses élégies à l’antique : O Nuit, j’avais juré d’aimer cette infidèle, etc. […] Parmi les autres femmes qu’aima Méléagre, et dont il nous a déjà énuméré un groupe assez complet, il n’est pas impossible de ressaisir les traits, au moins de quelques-unes, et même des différences assez sensibles de physionomie. […] » Il n’est pas toujours jaloux du moucheron qui vole, il ne se courrouce pas toujours contre le cousin qui peut piquer la belle dormeuse ; il lui confie aussi au besoin de délicats messages : « Vole pour moi, Moucheron, léger messager, et, effleurant l’oreille de Zénophila, murmure-lui ces mots : « Tout éveillé il t’attend, et toi, oublieuse de ceux qui t’aiment, tu dors ! […] qu’il paraît avoir le plus aimée, et il ne l’a pas appelée seulement par métaphore l’âme de son âme.
Et dans l’épisode de la mort de Bégon, ces limiers fidèles qui s’acharnent éperdument au cadavre de leur maître, léchant ses plaies, brayant, hurlant et menant grand deuil ; ce qui fait dire aux assistants attendris : « Il faut que ce soit un bien gentil homme, puisque ses chiens l’aimaient tant ! […] Victor Hugo lui-même, qui aime si sincèrement le moyen âge, et qui est habitué à être si souvent vainqueur dans l’arène lyrique, ne m’en voudra certainement pas si j’estime que, pour cette fois, sur le terrain d’une épopée limitée, l’avantage reste du côté du vieux trouvère sans renom, Bertrand de Bar-le-Duc, à qui échoit cet honneur insigne dans le concours ouvert à l’improviste après six cents ans. […] La critique de nos jours a trouvé à s’évertuer sur Villon ; en général, elle aime les auteurs à moitié obscurs, elle n’est pas fâchée d’avoir à pêcher en eau trouble. […] Pour remettre les choses de l’esprit, dans notre idiome vulgaire, en digne et haute posture, il était besoin d’un sursaut, d’un assaut, d’un coup de main vaillant dont Marot et ses amis n’étaient pas capables, d’un coup de collier vigoureux ; car c’est ainsi que j’envisage, c’est par ces termes expressifs que j’aime à caractériser la Poétique de Du Bellay et de Ronsard, Poétique toute de circonstance, mais qui fut d’une extrême utilité. […] Ces deux rivaux d’Horace, héritiers de sa lyre, a dit La Fontaine, parlant de Malherbe et de Racan ; il l’aurait pu dire également de Maynard, à moins qu’on n’aime mieux croire que Maynard a eu cet insigne bonheur de faire une ode et quelques stances plus fortes que son talent.
Ces amours débutent d’ordinaire par une paire de jarretières, que la malade demande à l’interne aimé, de lui acheter. […] ce n’est pas assez que mon pays soit en république, il fallait encore qu’il se plaçât sous l’invocation de Voltaire, de cet historien prenant le mot d’ordre des chancelleries, de ce bas flatteur des courtisanes de la cour, de cet exploiteur de la sensibilité publique, de ce roublard metteur en œuvre de l’actualité, de ce poncif faiseur de tragédies, de ce poète de la poésie de commis voyageur, de ce poète anti-français de la Pucelle, de ce lettré enfin, que je hais autant que j’aime Diderot. […] Il n’aimait qu’une certaine eau-de-vie fabriquée près de la Rochelle, et dont la provision était vendue tous les ans, à l’Angleterre. […] * * * — Un mot profond de femme à un homme, parlant de l’impossibilité de se faire aimer avec des cheveux blancs : « Les femmes ne regardent pas ou du moins ne voient pas les hommes qu’elles aiment. » Aujourd’hui à l’aquarium de l’Exposition, je suis resté une heure, devant les truites. […] Lundi 30 décembre Un joli mot d’une vieille femme de mes amies, à qui sa bru disait qu’elle aimait à lire, à faire de la musique, mais détestait les travaux de femme, la tapisserie, la broderie, etc., etc. : « Ma chère, c’est que vous avez été toujours heureuse, que vous n’avez pas eu de chagrins… Oui, bien souvent ces travaux sont une occupation mécanique, derrière laquelle on s’enfonce dans ses regrets !
Dès son enfance, il avait aimé la discussion sur les matières religieuses ; il avait du goût pour le raisonnement et la dialectique : il lut des livres de théologie et de controverse, Middleton, Bossuet surtout, qu’il proclame le grand maître en ce genre de combats. […] Il vit, durant son séjour à Lausanne, Mlle Curchod, fille d’un pasteur des environs, belle, savante et vertueuse : il l’aima très sincèrement, fit agréer sa recherche et ses vœux, et ne désespéra point d’obtenir le consentement de son père. […] Mais, dans tous ces passages, c’est encore le studieux chez Gibbon qui goûte la nature, et, soit qu’il parle en son nom, soit qu’il se souvienne de son digne précepteur, c’est toujours entre une lecture et une autre, et ayant., pour ainsi dire, le livre entrouvert sur sa table, qu’il aime à donner accès à la distraction champêtre, à s’accorder les perspectives naturelles, et à en savourer le sentiment tout à fait sobre, sincère pourtant chez lui et très doux. […] Suard, qui aimait si peu et à voir et à faire surtout des caricatures, peignait souvent M.
Il aimait à raconter comment, un matin, il la vit jaillir, en quelque sorte, tout entière du front lumineux, jusque-là chargé d’un triple nuage. […] Je me remets au Trésor avec des idées beaucoup meilleures que celles dont j’avais fait usage dans mon premier plan… Vous ne me parlez pas de votre santé ; j’aime à conclure qu’elle est meilleure, et que les courses, le travail, la fatigue même, vous auront fait du bien. […] Il n’en est point qui n’aiment l’indépendance, il en est peu qui n’aient embrassé quelques illusions de gloire ; et presque tous se trouvent cependant obligés de se contenter de ces illusions, et de s’astreindre à des occupations qui ne sont point selon leurs goûts. […] Littérairement, Fontanes fut le critique accepté et autorisé de l’Empire : c’était lui que l’Empereur aimait à faire causer et à entendre sur ces questions délicates et dans ces discussions animées où son actif génie se délassait.
Le printemps le dissipait trop pour qu’il pût beaucoup s’y recueillir ; il aimait mieux en profiter avec l’abeille et avec l’oiseau : mais les soirs d’hiver, près de son intelligente et silencieuse amie, dans ce doux confort domestique qu’il a si bien exprimé, ayant là près de lui la bouilloire qui chante, et la tasse pleine de cette liqueur « qui égaye et qui n’enivre pas », il s’appliqua pour la première fois à traiter en vers d’assez longs sujets, tout sérieux d’abord et presque théologiques, qui montrent, à leur titre seul, le fond de ses pensées : Le Progrès de l’erreur, La Vérité, L’Espérance, etc. […] car j’ai aimé les promenades rurales à travers les chemins creux d’un vert sombre, que tond de près la dent grapilleuse des brebis, et que borde un épais entrelacement de branches épineuses ; j’ai aimé la promenade rurale sur les collines, à travers les vallées et le long des rivières, depuis le temps où, enfant vagabond, je franchissais mes limites pour faire une école buissonnière sur les bords de la Tamise ; et toujours je me souviens, non sans regretter ces heures que le chagrin, depuis, m’a rendues bien plus chères, combien il m’arriva souvent, ma provision de poche épuisée, mais affamé encore, sans argent et loin de la maison, d’apaiser ma faim avec des baies d’églantier sauvage et avec le fruit pierreux de l’aubépine, ou de petites pommes rouges, ou la mûre noire comme le jais qui garnit la ronce, ou l’âcre petite prune qui se cueille dans la haie ! […] Aucun sopha alors ne m’attendait à mon retour, et je n’avais point besoin de sopha alors ; la jeunesse répare la dépense de ses esprits et de ses forces en un rien de temps ; par un long exercice elle n’amasse qu’une courte fatigue ; et quoique nos années, à mesure que la vie décline, s’enfuient bien rapidement et qu’il n’y en ait point une seule qui ne nous dérobe en s’en allant quelque grâce de jeunesse que l’âge aimerait à garder, une dent, une mèche brune ou blonde22, et qu’elle blanchisse ou raréfie les cheveux qu’elle nous laisse, toutefois le ressort élastique d’un pied infatigable qui monte légèrement le degré champêtre où qui franchit la clôture ; ce jeu des poumons, cette libre et pleine inhalation et respiration de l’air qui fait qu’un marcher rapide ou qu’une roide montée ne sont point une fatigue pour moi ; tous ces avantages, mes années ne les ont point encore dérobés ; elles n’ont point encore diminué mon goût pour les belles vues naturelles ; ces spectacles qui calmaient ou charmaient ma jeunesse, maintenant que je ne suis plus jeune, je les trouve toujours calmants et toujours ayant le pouvoir de me charmer.
Le voyage de Prusse et son essai d’établissement à Berlin furent pour Voltaire une triste campagne, dont il a été assez parlé, et dont on aime à sortir comme lui le plus tôt possible. […] Ce n’était pas un démocrate que Voltaire, et il n’est pas mauvais de le rappeler à ceux qui de loin, et pour le besoin de leurs systèmes, veulent nous donner un Voltaire accommodé à la Jean-Jacques ; quand on aime à étudier les hommes et à les voir tels qu’ils sont, on ne saurait s’accoutumer à ces statues symbolisées dont on menace de faire les idoles de l’avenir. […] Ce que Voltaire aimait mieux que d’être ministre, c’était d’être bien avec les rois, de se voir compté et caressé par eux, de les flatter à son tour et de les égratigner doucement : Vous serez peut-être surpris, écrivait-il à d’Argental (janvier 1765), que Luc (Frédéric) m’écrive toujours. […] L’homme dont parle Grimm a tout l’air d’être le prince de Ligne, qui, de son côté, raconte ce qui suit d’une conversation de Voltaire, à Ferney : Je n’aime pas, disait Voltaire, les gens de mauvaise foi et qui se contredisent.
Il comptait bien d’ailleurs, l’épicurien et le raffiné, ne parler que pour une élite ; il a lâché son mot dans une lettre à Thomas Moore ; il n’écrit, dit-il, que pour un petit nombre d’élus, « happy few très-fâché que le reste de la canaille humaine (c’est son mot) lise ses rêveries. » Depuis Siéyès et l’avénement de la démocratie, pensait-il encore, il n’y a plus que l’aristocratie littéraire qui ose aimer les phrases simples et les pensées naturelles : il entendait bien rester de cette aristocratie ; et il narguait le reste du monde qui se prend au bombast, au bouffi et au fardé en tout genre. […] » Que cet homme qui passait pour méchant auprès de ceux qui le connaissaient peu était aimé de ses amis ! […] Delécluze, et Beyle les aimait, mais il en trouvait peu à sa guise. […] Et en conséquence, il va nous le dessiner ainsi : « Faible de santé, lourd dans ses mouvements, ce pauvre homme avait la tête et particulièrement le visage concassés comme s’ils eussent reçu deux ou trois coups de pilon dans un mortier… Tout le temps qu’il ne donnait pas à l’étude, il le consacrait à Mme Récamier, qu’il aimait et a toujours vénérée comme une sainte.
Madame Royale (ainsi nommait-on la duchesse mère qui prit en main la Régence) tint toute la première, à l’égard de son fils, une ligne de conduite très peu maternelle : elle aimait le pouvoir, elle ne haïssait pas le plaisir, elle ne songea point à élever son fils en vue d’un prochain partage et exercice de l’autorité ; elle le traita avec froideur, avec roideur, non en mère française, mais en mettant sans cesse l’étiquette entre elle et lui. […] Louvois, avec les précautions minutieuses qu’il aimait, avec ce mélange de terreur et de mystère qui ne lui déplaisait pas, a bien pu, effectivement, en ordonner ainsi à l’égard d’un homme dangereux qu’il avait tout intérêt à supprimer et à faire disparaître. […] On aime à voir quelque chose de plus qu’un petit ministre intrigant et traître dans le personnage devenu légendaire. […] Catinat, à la tête d’une petite armée, reparaît en Piémont en 1690 : c’est l’homme que Louvois aime à opposer de ce côté aux ennemis de la France et qui possède le mieux cet échiquier.
Don Quichotte, après avoir écouté tous les détails sur la vocation obstinée du jeune homme, dont le seul crime est de trop aimer Homère et Virgile, et de vouloir converser tout le jour avec Horace, Tibulle et autres Anciens, répond aux craintes du père par un discours d’une merveilleuse sagesse, et qui, pour la grâce comme pour la modération, pourrait être tout entier (sauf quelques mots) d’un de ces aimables vieillards de Térence : « Les enfants, lui dit-il, sont une portion des entrailles de leurs parents ; il faut donc les aimer, qu’ils soient bons ou mauvais, comme on aime les âmes qui nous donnent la vie. […] De tous les livres que j’ai lus, Don Quichotte est celui que j’aimerais mieux avoir fait : il n’y en a point, à mon avis, qui puisse contribuer davantage à nous former un bon goût sur toutes choses.
Taine nous fait comprendre et presque aimer, à la façon éprise et enivrée dont il en parle, les premiers moteurs et les héros de cette Renaissance littéraire anglaise : en prose, Philippe Sidney, ce d’Urfé antérieur au nôtre ; en poésie, Spenser, le féerique, qu’il admire au-delà de tout. […] Il aime, en effet, la force jusque dans la grâce ; il ne hait pas la surabondance et l’excès. […] J’aimerais en littérature à proportionner toujours notre méthode à notre sujet et à entourer de soins tout particuliers celui qui les appelle et qui les mérite. […] Il eut de bonne heure du goût pour Homère et le lisait dans l’original ; après Virgile, c’était Stace entre les Latins qu’il aimait le mieux.
Un homme qui n’est pas suspect quand il s’agit de juger les femmes célèbres, qui ne les aimait ni savantes, ni politiques, ni philosophes, et qui n’a jamais pu pardonner à Mme de Staël une certaine affectation de sentimentalité et une teinte de métaphysique, Fontanes, ennemi d’ailleurs de la Révolution et des révolutionnaires, écrivait dans un journal, le Mémorial, à l’occasion d’une Histoire du Siège de Lyon qui venait de paraître (1797) : « L’auteur dévoile très bien les intrigues assez basses du ministre Roland qui réunissait à quelques connaissances un orgueil sans bornes et un pédantisme insupportable ; mais il paraît injuste envers Mme Roland. […] Sa plus grande ambition littéraire (et ce n’en est pas une petite en effet) eût été de s’exprimer à l’imitation de Tacite ; elle revient à cette idée à plus d’une reprise dans sa prison, et avec des alternatives de regret ou d’espérance : « Si j’échappe à la ruine universelle », écrit-elle à un ami, « j’aimerai à m’occuper de l’histoire du temps ; ramassez de votre côté les matériaux que vous pourrez. […] Il était, ne l’oublions pas, de six ans plus jeune qu’elle, ce qui, de la part de la femme, favorise l’illusion et la tendresse, — marié lui-même à une femme estimable, mais peu distinguée ; on pouvait l’aimer sans aller sur les brisées d’aucune rivale. […] Sur quoi Bussy-Rabutin lui répondait assez agréablement : « En amour il n’est pas vrai, mon Révérend Père, qu’on ne tutoie jamais sa maîtresse ; mais vous n’êtes pas obligé de savoir cela. » Ici c’est la femme qui aime, qui tutoie son ami, et elle n’est pas sa maîtresse.
quand on est bien élevé et bien appris, on aime à glisser, à ignorer le plus qu’on peut de certaines misères, à regarder surtout les beaux côtés. […] La première Restauration fut, on peut le dire, l’œuvre de M. de Talleyrand : ç’a été le grand acte historique de sa vie ou, si l’on aime mieux, le triomphe de son savoir-faire. […] C’est une anecdote qui m’arrive par tradition, en droite ligne, et que Berryer aimait à raconter. […] « À ce moment, l’abbé de Pradt, archevêque de Malines, qui aimait passionnément jouer au moins le rôle de marmiton dans toutes les cuisines politiques, eut vent de l’affaire, et il me conta (c’est Berryer qui parle) l’anecdote en ces termes : « Je voulais savoir (disait donc l’abbé de Pradt) de quoi il était question, et il était impossible de faire parler le prince de Talleyrand entouré de monde et sur ses gardes.
Il faut compatir, ma tante, à la vanité des femmes ; même quand elles vont mourir, elles veulent, malgré tout, laisser une image d’elles avenante, dans l’œil de celui qu’elles aiment. […] — Aimez-vous sur la terre, mes pauvres enfants, nous dit-il tout bas, pour vous aimer à jamais dans le paradis ; je vous unis pour l’éternité. […] On ne leur refuse pas chez nous, monsieur, en Italie, l’innocent plaisir d’écouter les airs de leurs montagnes, et de causer, tout le temps qu’ils ne travaillent pas, librement avec leurs parents, leur femme, leur fiancée, s’ils en ont, à travers les barreaux de fer de leurs cages qui prennent jour sur leurs cours, ni même de s’entrelacer leurs doigts dans les doigts de celles qu’ils aimaient pendant qu’ils étaient libres.
Il avait « le don des larmes », une âme frémissante, qui partout aimait, partout sentait, partout mettait la vie. […] Il lira dans les textes tout ce qu’il voudra, avec une subtilité féroce d’inquisiteur ; il n’y aura bassesse, ou crime, qu’il ne prête à ceux qu’il n’aime pas. […] Alors, comme il dit, il se mit à aimer l’histoire « pour elle-même » (Préface des Lettres sur l’Hist. de Fr.). […] Les doctrinaires aiment l’Angleterre : Michelet la hait.
Il aime à dresser l’une contre l’autre deux parties symétriques, contraires de sens ou de couleur879. […] Il aime les mots étranges, inconnus, pour les effets d’harmonie qu’on en peut tirer. […] Il aime les formes sobres, pleines, solides, le vers large, signifiant, résonnant886 . […] Leconte de Lisle aime les fugitives apparences de l’être.
Hoffman était celui des trois auquel, évidemment, il accordait le plus, et c’est sur la même ligne qu’il aurait aimé sans doute à être rangé, au-dessus de Dussault, à qui, sans le dire expressément, il reconnaissait plus de forme que de fond, et plus d’acquis que d’esprit. […] Il aime Molière, sa franchise, son naturel, sa gaieté ; à défaut d’autres, ce sont là les vertus de Geoffroy. […] Tout judicieux et sensé qu’il se montrait d’ordinaire, il n’était pas sans aimer le paradoxe ; c’est le faible des gens qui sont oracles et qui ont l’habitude d’être écoutés. […] Hoffman, dans la critique, aimait d’ailleurs les sujets sérieux et suivis : il a écrit des séries d’articles sur le magnétisme, sur la crânologie, sur la géographie, et finalement sur les Jésuites.
J’aime les beaux vers à la folie. […] Il leur prête des discours qui rappellent avec talent ceux des anciens dans les assemblées publiques, mais j’aimerais mieux quelques-uns de ces mots vrais et qui transportent dans la réalité. […] C’est une histoire qui, pour être si contemporaine, ne paraît pas assez voisine des sources et qui sent trop la rédaction, ou, si vous aimez mieux, la palette. […] Mais ceux qui aiment à se rendre compte ne s’en tiendront pas à cet aspect de coloris un peu lointain, et ils se demanderont ce qu’il y a au revers de cette toile immense.
Il y a un an qu’à pareil jour, en prenant congé de Florian, j’ai donné rendez-vous à Perrault pour les futures étrennes : c’est une promesse que j’aime à tenir aujourd’hui. […] Plein de facilité, faisant des vers plus volontiers que de la prose, il aimait de plus à discuter, à demander la raison des choses, à trouver des arguments neufs pour soutenir son opinion. […] À peine introduit, il y apporta le mouvement et une sorte de révolution, comme il aimait en toutes choses. […] J’aimerais à voir le buste en marbre de Perrault placé à l’ombre du grand marronnier.
J’aime surtout à relire ceux que j’ai déjà lus nombre de fois, et par là j’acquiers une érudition moins étendue, mais plus solide. […] Courier, on l’a deviné déjà, n’a pas l’ardeur de la guerre, ni l’amour de son métier : homme de la Révolution et de la génération de 89, il en a tout naturellement les idées, mais non la ferveur et la flamme ; il en aime les résultats et il les défendra un jour, mais il n’est pas de ceux qui les arrachent ni qui les conquièrent. […] La fortune traitait cette fois Courier avec faveur : elle lui faisait trouver chez un ancien ce qu’il aurait aimé à inventer lui-même. […] On ne se fait pas un nom par là, mais on passe doucement la vie… En supposant que toutes les lettres qui portent la date de ces années aient été réellement écrites alors telles que nous les avons, il imitait, en effet, les anciens sans fatigue et avec un art adorable dans de petits sujets, soit qu’il adressât à sa cousine, Mme Pigalle, du pied du Vésuve des contes dignes de Lucius et d’Apulée (1er novembre 1807), soit qu’aux bords du lac de Lucerne, du pied du Righi, il envoyât à M. et à Mme Thomassin (25 août et 12 octobre 1809) des idylles malicieuses et fraîches où il aime à montrer toujours, à côté des jeunes filles joueuses ou effrayées, le rire du Satyre44.
Sa mère l’aime, et rit ; elle le trouve beau. […] Henri de Régnier, malgré qu’il aime les mourantes muettes, oublie aussi leur existence, parfois, car est-il bien sûr qu’en écrivant : Qu’ils portent en grappes aux pans de leur robe écarlate il ait voulu un vers de quatorze syllabes ? […] Il ne suffit pas d’avoir de bons sentiments, un cœur doux et d’aimer bien sa tendre amie, pour écrire de bons vers libres ; il faut aussi beaucoup de talent et même beaucoup de science. […] Il faut cependant les comprendre et les aimer telles qu’elles sont et selon leur écriture tronquée.
Il n’aime pas qu’on viole son domicile, qu’on fasse un lougan sur son terrain (Le chien de Dyinamissa, —Les coups de main du guinnârou), qu’on vienne chercher du bois dans ses futaies (Le feu des guina). […] Ils n’aiment pas les abeilles ; aussi n’habitent-ils pas les arbres où se trouvent des ruches (v. […] On peut aussi deviner leur véritable nature à leur façon de parler (le guinné aime à parodier l’accent de ses interlocuteurs) et à leur prononciation nasale. […] Le gottéré peuhl aime à provoquer à la lutte ceux qu’il rencontre.
Il semblait dans les mœurs comme dans la destinée de la nation : elle ne tendait plus au grand ; elle n’aimait plus ni la religion, ni la gloire, sans doute pour avoir abusé de l’une et de l’autre. […] Coleridge, excessif dans ses opinions, inégal et rêveur dans sa vie, était un élève de la Muse allemande : il en avait aimé le tour vague et mystique, l’abondance descriptive, avant d’y mêler les passions de la liberté. […] Le venimeux serpent ne s’abrite pas sous un si frais bocage : fils du soleil, il aime à reposer sur une couche de feu allumé par la nature, un sol sec et brûlant, entre quelques débris de tours écroulées, au-dessus desquels le pepel étend son ombre ; ou bien, autour d’une tombe, il enlace ses écailles, gardien naturel des portes de la mort. […] Son nom est demeuré célèbre et surtout aimé dans toutes les communions protestantes.
Loin d’être enivré du succès, il ne voit que les difficultés surgissantes, et il se méfie de la Fortune « qui aime, dit-il, à changer de parti ». […] Il était républicain sincère, il aimait la loi et la discipline ; il s’indignait de la connivence des autorités du département qui favorisaient les déserteurs et n’envoyaient pas à l’armée les réfractaires. […] je ne suis jaloux que des suffrages des Français qui n’en adoptent aucun, qui aiment la gloire de leur pays et la prospérité d’un gouvernement établi, ne ressemblant ni à la royauté ni à l’anarchie, qui enfin n’ont aucune pensée, royaliste ou jacobine.
Il avait goût pour ce genre de pédagogie ; il n’aimait rien tant qu’avoir des disciples : il en eut. […] C’était le propre en tout de cette nature active et rapide : rien ne se passait avec elle tranquillement, posément, dans les termes d’une modération appropriée et proportionnée au sujet ; il ne faisait rien comme un autre ; il avait du vainqueur en lui ; il y mettait du faste et de l’éclat. « Il est vrai, j’aime à faire du bruit », disait-il un jour. […] Ce dernier n’était peut-être pas la plume la plus désignée pour un portrait d’elle : elle le goûtait médiocrement, elle l’aimait peu, tant pour certains de ses procédés politiques que pour les formes personnelles de son moi ; et le grand ami de Mme de Boigne, M.
comme elles savent que ce n’est pas dans la flatterie que consiste l’art tout-puissant des hommes pour se faire aimer d’elles ! […] Elle aima mes malheurs, et j’aimai sa pitié.
Il essayait des dizains, des ballades, des rondeaux, des virelais ; il revenait à la source gauloise, au style naïf, au petit vers leste et campagnard, qui aime les mots francs, qui dit en courant toutes les choses vraies. […] Ce sermon l’ennuie ; il n’aime pas les cérémonies, trouve les alignements trop droits et l’orgue trop ronflant. […] Il aime les jardins, mais parmi eux il voudrait encore « quelque doux et discret ami. » Il loue la paresse et le somme ; « ajoutez-y quelque petite dose d’amour honnête, et puis le voilà fort. » Ajoutez aussi les curiosités et le vagabondage de l’esprit, le discours promené au hasard sur tous les sujets, depuis la bagatelle jusqu’aux affaires d’Etat et au système du monde20, vous aurez la vie qu’il nous propose en exemple.
non ; nous ne voudrions pas à ce prix de vos éloges ; nous aimons mieux être invectivé pour notre innocence que d’être loué pour la peur que nous aurions faite au plus timide de nos concitoyens. […] Quand l’homme se resserre à sa juste mesure, Un coin d’ombre pour lui, c’est toute la nature ; L’orateur du Forum, le poète badin, Horace et Cicéron, qu’aimaient-ils ? […] Le jardin qu’il aimait but le sang de son maître… De son bouquet sanglant ardente à se repaître, Fulvie, en recevant la tête dans son sein, Passa sa bague au doigt du tribun assassin ; Puis, dans l’organe mort pour punir la harangue, De son épingle d’or elle perça la langue, Et sur les Rostres sourds fit clouer les deux mains Qui répandaient le geste et le verbe aux Romains !
Les jeunes aiment les ouvrages des jeunes. […] Si des critiques soutiennent un jour que la Revue des Deux Mondes et Le journal des Débats me gâtèrent en m’apprenant à écrire, c’est-à-dire à me borner, à émousser sans cesse ma pensée, à surveiller mes défauts, ils aimeront peut-être ces pages, pour lesquelles on ne réclame qu’un mérite, celui de montrer, dans son naturel, atteint d’une forte encéphalite, un jeune homme vivant uniquement dans sa tête et croyant frénétiquement à la vérité. […] Mieux vaut un peuple immoral qu’un peuple fanatique ; car les masses immorales ne sont pas gênantes, tandis que les masses fanatiques abêtissent le monde, et un monde condamné à la bêtise n’a plus de raison pour que je m’y intéresse ; j’aime autant le voir mourir.
En général, il aimait peu le temple. […] Le charmant docteur, qui pardonnait à tous pourvu qu’on l’aimât, ne pouvait trouver beaucoup d’écho dans ce sanctuaire des vaines disputes et des sacrifices vieillis. […] Jésus prétend que tout homme de bonne volonté, tout homme qui l’accueille et l’aime, est fils d’Abraham 633.
» Un jour, il accompagne Mme d’Épinay dans une visite qu’elle rend au précepteur de son fils, et, comme on cause de la manière dont l’enfant doit être élevé, Duclos, avec sa brusquerie habituelle, lance tout à coup ces paroles : « N’allez pas faire la bêtise de lui dire du mal des passions et des plaisirs ; j’aimerais autant qu’il fût mort que condamné à n’en pas avoir. » Rousseau va plus loin encore. […] « Je veux avoir, dit-elle, un mari qui n’aime que moi et qui m’aime toujours. » Elle ajoute naïvement qu’elle est belle et riche ; mais elle veut que l’élu de son cœur se fasse protestant, et cette pieuse exigence met fin au roman ébauché.
J’honore cette franchise, je respecte cette foi de Polyeucte, qui repousse les tièdes, et qui, forte d’un espoir supérieur, réclame le combat, même inégal, sans douter de la victoire ; mais, politiquement et moralement, j’aurais mieux aimé laisser un peu plus de confusion sur ces objets. […] C’est là le point sur lequel j’aime à insister. […] Ce n’est qu’à titre de reconnaissance qu’il a lieu maintenant de regretter la Chambre des pairs ; mais ces assemblées nouvelles, si diversement composées et si orageuses, lui vont à merveille ; il ne craint pas les interruptions, il les aime ; il y trouve grand honneur, dit-il, et grand plaisir.
Valmy-Baysse, La Peur d’Aimer de G. […] Laide d’abord, belle ensuite, elle est l’attirante… Et c’est ainsi que Magnus, l’homme — la Beauté, la Perfection, la Vie — tombe à ses pieds, tranché par son coup de faulx, après avoir donné tous les baisers d’amour à sa vierge aimée, à Divine, pâle fleur de lis qui meurt, elle aussi, peut-être parce qu’elle ressemblait trop à l’Aurore ! […] Je suis l’esclave entière à ton service Et qui sera selon ta chair et qui sera selon ton âme ; Et mon âme et ma chair veulent ce que tu veux, Que tu daignes m’aimer saintement à genoux Ou traîner dans la boue l’or ingénu de mes cheveux !
On aime à voir que les entrailles du destructeur des villes sont formées comme celles du commun des hommes, et que les affections simples en composent le fond. […] On aime cette main cachée dans la nue, qui travaille incessamment les hommes ; on aime à se croire quelque chose dans les projets de la Sagesse, et à sentir que le moment de notre vie est un dessein de l’éternité.
Plus on est enfant, plus on aime les incidens entassés les uns sur les autres ; le strapassé, le groupe, la masse, le tumulte, en peinture, en sculpture, au théâtre. ô Guyart ! […] Si vous aimez la richesse et la richesse à profusion, voyez ce sep et ces raisins qui décorent le piédestal ; et quand vous aurez jetté un coup d’œil sur l’ouvrage du sculpteur, vous cracherez sur celui du peintre. […] Notre abbé Galiani que j’aime autant écouter quand il soutient un paradoxe que quand il prouve une vérité, pense comme Webb ; et il ajoute que Michel-Ange l’avait bien senti ; qu’il avait réprouvé les cheveux plats, les barbes à la juive, les physionomies pâles, maigres, mesquines, communes et traditionnelles des apôtres, qu’il leur avait substitué le caractère de l’antique, et qu’il avait envoyé à des religieux qui lui avaient demandé une statue de Jésus-Christ, l’Hercule Farnèse la croix à la main ; que dans d’autres morceaux, notre bon sauveur est Jupiter foudroyant ; st Jean, Ganymède ; les apôtres Bacchus, Mars, Mercure, Apollon, etc.
Pouchkine, il est vrai, a commencé de jeter sur le tambour des journaux français son nom cymbalique, un de ces noms, par parenthèse, que la gloire aimerait à faire sonner ! […] Peut-être ne n’avait-il jamais eu, ou l’avait-il hébété dans ces immenses soûleries (orgies ne dirait pas assez) dont, il nous donne l’affreux détail et qu’aiment ces buveurs d’essence de feu qui vivent dans la neige. […] Le beau mérite de subjuguer celles qui ne résistent pas… qui aiment et qui obéissent !
Je ne me soucie pas beaucoup des amis de Lamartine, qui avait, lui, ses raisons pour les aimer, et je crois que la Postérité s’en souciera aussi peu que moi. […] Ce n’est donc ni les Girondins, qui furent un tonnerre pour ceux qui aiment le bruit, ni tant de discours éloquents, ni ce qu’on appelle enfin les œuvres politiques ou historiques de Lamartine qui font sa gloire immobilisée, — c’est-à-dire : son immortalité ! […] je le regrette aussi, car s’il l’était, j’aurais plus intimement le Lamartine que j’aime.
Tout docteur, philosophe et intellectuel qu’il pût être, Goethe aima cette jeune fille à l’âme transparente, tranquille et profonde, qui resta fidèle à Kestner et ne donna, en retour, à Goethe, que sa main fraîche et cette placide amitié qui tue sans croire être cruelle. […] Goethe, qui a joui d’un bonheur sans égal durant sa vie, ce Polycrate moderne qui aurait pu jeter toutes ses bagues — sans crainte de les perdre — aux carpes du Rhin ; Goethe, qui n’était pas né sur le trône et qui a montré pour la première fois au monde ébahi la poésie aux affaires, qui a été tout ensemble Richelieu et Corneille ; son Excellence M. de Goethe, qui avait été un beau jeune homme, puis un beau vieillard ; qui fut aimé d’amour dans sa vieillesse comme Ninon de l’Enclos dans la sienne ; qui mourut tard, en pleine gloire, en pleine puissance, que dis-je ? […] C’est là une rêverie, une rêverie de l’amour dans ceux qui aiment Goethe.
J’aurais aimé qu’il n’y fût pas. […] J’ai le malheur et la dépravation de l’aimer. […] J’en fais ce qu’il est, l’hébétement, la destruction et la mort… Je n’aperçois qu’un monde d’insectes de différentes espèces et de tailles diverses, armés de scies, de pinces, de tarières et d’autres instruments de ruine, attachés à jeter à terre mœurs, droits, lois, coutumes, ce que j’ai respecté, ce que j’ai aimé ; un monde qui brûle les villes, abat les cathédrales, ne veut plus de livres, ni de musique, ni de tableaux, et substitue à tout la pomme de terre, le bœuf saignant et le vin bleu.
Accordez-moi la riche abondance qui vient des dieux immortels, et donnez-moi d’obtenir toujours de tous les hommes bonne renommée, d’être ainsi doux à ceux que j’aime, amer à mes ennemis, respectable à ceux-ci, terrible à ceux-là. […] Cette comparaison des prospérités coupables et passagères avec les nuées dont le ciel est obscurci, cette tempête du printemps qui les dissipe, et, au prix de quelques maux, rend la sérénité au ciel et une lumière féconde à la terre ; ce sont là des images dont la plus belle invention lyrique aimerait à se parer. […] Alors, le guerrier est beau à voir vivant ; il est aimé des femmes ; et il est encore beau tombé au premier rang.
Notre siècle, après les excès philosophiques qui ont signalé la fin du précédent, est devenu prudent à bon droit dans ces considérations générales ; les cœurs honnêtes ont peur de toute témérité, et il semble même qu’on aime à s’en tenir, dans cette sphère élevée, aux apparences lumineuses, aux traditions générales et aux impressions premières du sentiment, plutôt que de les décomposer et de creuser trop avant, comme si l’on n’était pas sûr de pouvoir recomposer ensuite ce qu’on aurait trop indiscrètement analysé. […] Car, pour louer ensuite plus à mon aise M. de Latena, je veux en passant avouer une disposition de mon esprit qui est peut-être un faible, mais dont je ne puis faire tout à fait abstraction dans mes jugements : je suis (sans être Alcibiade) du goût de celui-ci, à qui Socrate disait : « Vous demandez toujours quelque chose de tout neuf ; vous n’aimez pas à entendre deux fois la même chose. » Je suis de ceux qui, dans cet ordre moral, pencheraient plus volontiers du côté du nouveau (si le nouveau est possible) que du trop connu ; en ce qui est de l’expression, le brillant du tour et la pointe (dans le sens des anciens) ne me déplaisent pas non plus autant qu’à d’autres.
C'est pour cela que j’aimais mieux envoyer ma critique parlée en Suisse2. » C'est dans un sentiment analogue qu’il alla un jour écrire à Liége le livre sur Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’empire. […] Un témoignage, non suspect d’hérésie en faveur de la critique littéraire, est celui du vertueux Malesherbes, qui s’exprimait ainsi à ce sujet, du temps qu’il était Directeur de la Librairie : « Presque tous ceux qui ont joué un rôle dans les affaires publiques n’aiment point à voir écrire sur la politique, le commerce, la législation.
C’est dans ce mélange habile, dans cette mesure discrète de merveilleux et de réel que consiste une grande partie du secret d’Hoffmann pour ébranler et émouvoir ; je l’aime bien mieux et le trouve bien plus original en ces sortes de compositions, dont la Cour d’Artus est le chef-d’œuvre, que dans les égarements capricieux d’un fantastique effréné, et les rêveries incohérentes d’une demi-ivresse. […] Zacharias Werner, Berthold, Kreisler, vous tous artistes de nos jours, au génie inquiet, à l’œil effaré, que l’air du siècle ronge ; inconsolables sous l’oppression terrestre, amoureux à la folie de ce qui n’est plus, aspirant sans savoir à ce qui n’est pas encore ; mystiques sans foi, génies sans œuvre, âmes sans organe ; comme il vous a connus, comme il vous a aimés !
On aime aujourd’hui à défaire ses phrases, à ne plus les construire, à braver l’antique et régulière structure des propositions, à jeter les sujets sans verbes au milieu d’une mer d’épithètes et de compléments, à greffer d’étranges et singulières incidentes sur le tronc des phrases, à faire chevaucher les prépositions les unes sur les autres, à supprimer toutes les articulations des périodes, tous les mots qui liaient les termes expressifs, et les assemblaient selon les exigences de la syntaxe, pour ne laisser subsister que ces termes expressifs, dépositaires de l’impression et du sentiment, qu’on plaque les uns à côté des autres comme des couleurs sur la toile, sans rien qui les assemble ou les sépare, que les seules lois de l’accord et de l’opposition des tons. […] Affectionner quittait son vieux sens de donner de l’affection, pour venir remplacer aimer.
Mais soyez tranquilles, vous qui l’aimez. […] Rappellerai-je que ce roi de l’élégie amoureuse et religieuse est aussi le poète de la Marseillaise de la paix, des Révolutions, des Fragments du livre antique ; que nul n’a plus aimé les hommes, ni annoncé avec une éloquence plus impétueuse l’Evangile des temps nouveaux ; qu’il a fait Jocelyn, cette épopée du sacrifice et le seul grand poème moderne que nous ayons ; que nul n’a exprimé comme lui la conception idéaliste de l’univers et de la destinée, et qu’enfin c’est dans Harold, dans Jocelyn et dans la Chute d’un Ange que se trouvent les plus beaux morceaux de poésie philosophique qui aient été écrits dans notre langue ?
Ma fille, que j’aimais tendrement, avait le tort de donner dans une dévotion outrée ; et cela n’était point pour plaire à un peuple jeune et généreux, qui commence à s’affranchir de la superstition et chez qui les lumières de la philosophie se répandent de jour en jour. […] Puis, j’aime les voyages.
Gautier aurait été enchanté, lui qui aimait tant les « transpositions d’art », de ce poète rival, en un seul volume, du peintre le plus éclatant et du musicien le plus puissant. […] Lorsqu’on a pénétré leur ordonnance intime, ils vous mettent dans l’état d’harmonie où l’on aime les morts mêlés aux vivants.
car, au milieu d’un décor superbe et d’irréel, des personnages magnifiés passent, se meuvent, parlent, s’aiment et souffrent. […] Magnus aime Divine et va s’unir à elle ; survient la terrible Dame, qui le voit, le Veut, l’envoûte par la séduction de ses divers avatars, et finalement… le fauche.
J’aimerais qu’à ces éphèbes on répondit en toute sincérité, et avec la seule ironie socratique, par cette interrogation : « Mais qu’entendez-vous par littérature ? […] Au besoin ils poliraient des verres de lunettes, comme Baruch Spinoza ; il est vrai qu’ils aiment mieux être bibliothécaires ; mais ils copieraient de la musique, plutôt que d’interdire à leur esprit, par un renoncement une fois consenti, de se développer librement, de toucher à la physiologie après le roman, et à la géométrie après la physiologie, si les déplacements successifs de leur point de vue les y poussaient… Mais ces intelligences sont rares parmi la jeunesse lettrée.
Environ le temps Que tout aime…. […] Le voilà qui s’intéresse au sort de cette alouette, qui a passé la moitié d’un printemps sans aimer.
On aime à se le représenter dans la compagnie des Pascal, des Arnauld, des Nicole, des Boileau, des Racine : c’est alors qu’il eût été forcé de changer de ton. […] Il aimait naturellement les beaux-arts, les lettres et la grandeur, et il n’est pas rare de le surprendre dans une sorte d’admiration pour la cour de Rome.
Ils auront donc mieux aimé réciter leurs vers que de les donner à lire. […] Aussi voïons-nous que tous les poëtes, ou par instinct ou par connoissance de leurs interêts, aiment mieux réciter leurs vers que de les donner à lire, même aux premiers confidens de leurs productions.
Au contraire nous avons du côté du nord des voisins qui sont naturellement moins sensibles que nous au plaisir d’entendre de la musique. à en juger par les instrumens qu’ils aiment davantage, et qui nous sont presqu’insupportables, soit à cause du trop grand bruit qu’ils font, soit à cause de leur peu de justesse et leur peu d’étenduë, il faut que ces voisins aïent déja l’oreille plus dure que nous. […] Aimerions-nous dans un cabinet un clavecin dont les touches, au lieu de faire resonner des cordes de fil-d’archal, feroient sonner des clochettes ?
Comme tous les écrivains actuels qui ont parlé avec enthousiasme de Voltaire (et ils sont nombreux), Houssaye n’a pas dit le mot suprême, l’éloge suprême, auquel strictement, pour ceux qui l’aiment, Voltaire a droit. […] nous l’avons dit déjà : ils portent la flèche barbelée de cet homme au milieu du cœur, cette flèche dont on aime la blessure.
Le démon n’est, après tout, qu’un ange tombé, et qui a emporté un peu de sa grâce divine dans la poussière… Mais, puisque le nom de Voltaire s’est trouvé là sous notre plume, qu’on nous permette de citer sur lui un mot de Joubert, que nous oserons modifier pour l’appliquer à Nicolas : « Voltaire — dit Joubert — aime la clarté et se joue dans la lumière, mais c’est pour la briser et en disperser les rayons comme un méchant. » Nicolas, lui aussi, aime la clarté et se joue dans la lumière, mais c’est pour en concentrer les rayons et vous les renvoyer dans le cœur, comme un homme bon.
Quoi qu’il en soit, Charles Perrault était lié avec un parent de Colbert, qui avait occupé plusieurs places importantes, mais dont les places ne faisaient pas tout le mérite : il avait encore celui d’aimer les arts avec passion, de s’intéresser à leurs progrès, comme un courtisan s’intéresse à sa fortune ; et surtout il avait l’enthousiasme de son siècle et de sa nation. […] Le public n’aime ni les tyrans d’autorité, ni les tyrans d’opinions.
On racontait qu’Apollon l’aimait et lui donnait des marques de cette faveur divine. […] On peut y voir seulement la preuve du caractère merveilleux dont l’imagination des Grecs aimait toujours à entourer le nom du grand poëte qui les avait charmés.
Aimes-tu vraiment les hommes ? car il faut les aimer, quand on veut leur écrire. […] J’aime l’innovateur, en fait de style ; il remplit la langue de termes & de tours vigoureux. […] On s’accommode mieux du commerce de ceux que l’on aime, que de la société de ceux qu’on admire. […] L’emploi du Poète est d’orner des vérités précieuses & de les faire aimer.
Quel tour heureux dans ce début du bon ami du vieux Williams : « Vous l’aimez autant que je l’aime, n’est-ce pas ? […] Aimer la musique, tel fut le secret de Stendhal pour en parler avec éloquence, en prophète parfois, en poète toujours. […] Bien qu’il ait vécu en solitaire à Paris et en mahométan à Constantinople, Gérard a aimé, — une seule femme, — et l’a aimée jusqu’au tombeau. […] Son succès comme individualité aide beaucoup à ses succès comme écrivain… il se fait aimer en raillant comme d’autres se font aimer en flattant. […] Qui sait haïr sait aimer, d’ailleurs, et si Verdi est un dieu, assurément M.
A ce moment il rencontre Charlotte, il l’aime, et alors son amour remplit toutes ses pensées. […] Elle était assise les jambes croisées sur une natte et faisait des traits par terre avec son doigt… — Je ne t’aime plus ; toi, tu m’aimes encore et c’est pour cela que tu veux me tuer. » Durant toute l’action, l’un des traits distinctifs des deux caractères, c’est que Carmen, plus froide, a toujours su ce qu’elle faisait et fait ou fait faire ce qu’elle voulait ; tandis que l’autre ne l’a jamais bien su. […] Auparavant, une dernière contradiction qui résume toutes les faiblesses et toutes les incertitudes de ce violent, « Je me rappelai que Carmen m’avait dit souvent qu’elle aimerait à être enterrée dans un bois. […] Seulement il est des poètes qui aiment à montrer l’illusion nouvelle surgissant tout aussitôt, — car, si nos rêves comme les choses nous trompent et passent, le sentiment, qui avait produit notre attente, demeure ; — mais à notre époque, tout assombrie, tout oppressée de pessimisme, on aime à méditer sur le rêve qui s’est trouvé vide de sens. […] C’est d’abord l’attente douce, presque certaine, dans le rêve qui la reporte à ce bal où il lui a semblé qu’elle était aimée, puis douloureuse dans l’amour dédaigné, et enfin désespérée dans l’absence indéfinie du bien-aimé ; attente, désespoir qui doivent finir dans la certitude de la mort.
C’est une perpétuelle exclamation ; cette âme expansive aime, admire, adore ; si dès lors elle avait su chanter, elle aurait exprimé plus d’un des sentiments dont la poésie de M. de Lamartine fut plus tard l’organe. […] » La Harpe, devenu dévot, aimait à citer les Psaumes. […] Ballanche est atteint d’un mal tout à fait semblable ; il désespère de la société et de lui-même ; il voit des ruines en lui, autour de lui, et il les aime, et il ne veut pas s’en arracher. […] C’est ce milieu du tableau que j’aime et que j’admire dans l’Orphée ; c’est là que circule le sentiment des temps incertains, cette musique du passé dont M. […] Dans les mêmes morceaux d’Orphée que j’admire pour le sens antique et primitif qu’ils respirent, je n’aime pas moins à retrouver les sources secrètes des affections, des anciennes larmes et du génie de M.
C’est le véritable nom de ce gouvernement à deux têtes ou plutôt à deux cœurs, qui a traversé tant d’années de calamités sans se diviser, après quoi le ministre est mort de douleur de la mort du souverain, laissant pour toute fortune une tombe sacrée à celui qu’il a tant aimé. […] Or jamais il ne demanda rien, et, chose rare et même unique, il fut constamment estimé et aimé par trois papes successifs, Clément XIII, Clément XIV et Pie VI, qui tous, comme on sait, différaient d’habitudes et de caractère. […] « C’était un homme que le Pape aimait et qui, par ses rapports favorables sur les talents et les études de plusieurs de mes compagnons, avait commencé leur fortune. […] Dès que les quinze jours furent écoulés, le commissaire grand-ducal me força de quitter Sienne, et je me séparai avec chagrin de cette famille, que j’aimais beaucoup. […] Bien plus, Chiaramonti était la créature la plus aimée de Pie VI, qui l’avait, quand il n’était que simple moine sans fonctions dans son ordre, créé évêque de Tivoli, puis cardinal, et enfin évêque d’Imola.
Nous aimons, sans nous en douter, tout ce qui nous livre à nos penchants, nous séduit et excuse notre faiblesse. […] Mais vous, mon ami, convenez qu’à la manière dont je juge un artiste que j’aime, que j’estime et qui montre vraiment un grand talent même dans ce morceau, on peut compter sur mon impartialité. […] Ils aimaient le bon vin, et ils en buvaient beaucoup. Ils aimaient les femmes, et quand ils étaient ivres ils allaient voir des filles. […] Heureusement je ne sais plus ce que c’est, et je ne me répéterai pas ; mais en revanche je regrette beaucoup l’occasion qui se présente et que je manque bien malgré moi de vous parler du temps où nous aimions le vin et où les plus honnêtes gens ne rougissaient pas d’aller à la taverne.
Ces grandes conversations intérieures, où, tout en y prenant sa petite part, on aime encore mieux se supposer un moment spectateur, sont de ces journées qui laissent la meilleure idée du mérite et même du charme qu’on retrouve toujours dans l’illustre Compagnie. […] L’Académie a relevé le plus possible la fondation Lambert en décidant simplement que ce prix serait affecté, chaque année, « à tout homme de lettres, ou veuve d’homme de lettres, auxquels il serait juste de donner une marque d’intérêt public. » Le nom si recommandable de Mme Géruzez, veuve de l’instruit et ingénieux critique, indique assez comment l’Académie aime à placer cette récompense. […] La nouvelle Académie, sans doute, se soucie assez peu de ces questions d’origine : si on lui demandait son avis, elle aimerait à dater principalement de l’élection de Royer-Collard, de ce choix mémorable par lequel, en 1827, elle arbora le signal du libéralisme parlementaire. […] Quoiqu’on n’aime aujourd’hui que le saillant et le coloré, je citerai le passage : « En voyant un si grand homme dans le négligé de sa vie domestique, j’admirais encore en lui une simplicité de manières qui encourageait la modestie timide, sans permettre cependant la familiarité ; un entier oubli de sa gloire, mais qui n’excluait pas le goût de la louange ; une habitude de distractions toujours réparées par les retours d’une bonté naïve ; une vivacité de discours qui avait l’air de l’abandon, mais d’où s’échappaient des éclairs de génie. » C’était le goût d’alors, tout en nuances : on ne saurait moins appuyer et mieux dire. — Il y avait une chose que Suard n’eût jamais dite en pleine Académie, mais qu’il aimait à raconter.
Bonaparte n’était ni bon ni méchant ; il n’aimait ni ne haïssait les hommes ; il ne les estimait guère qu’en tant qu’ils pouvaient lui nuire ou le servir. […] Et pourtant ces souvenirs des commencements doivent être pleins de pureté et de charme, lorsque le prisonnier de Joux, jouissant d’une demi-liberté, venait à Pontarlier chez le vieux marquis de Mounier dont la maison lui était ouverte, lorsqu’il racontait devant lui et sa jeune femme les malheurs et les fautes qui l’avaient conduit là, et qu’elle, comme Desdemona aux récits d’Othello, comme Didon aux récits d’Énée, comme toutes les femmes qui écoutent longuement des exploits ou des malheurs, pleurait et l’aimait pour ce qu’il avait fait et subi, pour ce qu’il avait souffert. […] Hugo a tout d’abord tendu la main à ce haut et grave vieillard ; c’est ainsi qu’il les aime, qu’il les peint et qu’il les rêve : don Ruy Gomès de Sylva, dans Hernani, n’est pas d’une autre souche ; et lui-même, poëte, il m’a fait souvent l’effet de représenter cette sorte de type inflexible, transporté, dépaysé dans la littérature et dans l’art de nos jours : de là en partie, j’imagine, ce qu’il y a de faussé dans sa puissance. […] Et cet homme avait mille qualités sensibles, profondes, compatissantes, et par moments l’éloquence sublime du cœur, comme le prouvent ses lettres adressées au conseil des prud’hommes qu’il avait fait élire à ses vassaux ; il avait des accents de morale riante ; il appelait La Fontaine son vrai père de l’Église ; il aimait les champs, la vie agreste et simple, les coups de chapeau des fermiers, la gaieté diligente des faneuses, ou la mélancolie des automnes prolongés ; et chaque soir, en mettant la main au premier bouton de son habit pour se déshabiller, il se disait : « Voilà la démission d’un des jours qui te furent donnés : qu’en as-tu fait ? […] Aussi nous ne lui en ferons pas un sujet de reproche, tant qu’il se contente d’augmenter et de rajeunir les immortalités révérées ; nous lui passerons même quelques impétueux éloges qui veulent trop prouver sur le côté faible des modèles, comme lorsqu’il dit de Voltaire : « Voltaire pouvait parler de Dieu, car il l’aimait ardemment.
Je l’aime bien mieux âme vierge, si longtemps contenue et tout d’un coup trop dévorée, quand elle se livre à des perspectives infinies d’espérance pour ces neveux qu’elle ne verra pas, quand elle proclame avec larmes et ravissement sa foi sans réserve en celte religion de l’avenir si respectable à ceux même qui n’en distinguent pas bien le fondement. […] Chacun y est touché et marqué en quelques lignes ; ils passent tous l’un après l’autre devant nous dans leurs physionomies différentes, et le digne Sers (depuis sénateur), aimable philosophe, habitué aux jouissances honnêtes, mais lent, timide et par là même incapable en révolution ; et Gensonné si faible à l’égard de Dumouriez dans l’affaire de Bonne-Carrère, qui ne sait pas saisir le moment de perdre un homme quand il le faut ; avec trop de formes dans l’esprit et pas assez de résolution dans le caractère ; et l’estimable Guadet, au contraire trop prompt, trop vite prévenu ou dédaigneux, s’étant trompé d’ailleurs sur la capacité de Duranthon qu’il a poussé aux affaires, et ayant à tout jamais compromis son jugement par cette bévue sans excuse ; et Vergniaud qu’elle n’aime décidément pas ; trop épicurien, on le sent, trop voluptueux et paresseux pour cette âme de Cornélie : elle ne se permettrait pas de le juger, dit-elle, mais les temporisations subites de l’insouciant et sublime orateur ne s’expliquent pas pour elle, aussi naturellement que pour nous, en simples caprices et négligences de génie ; mais elle le trouve par trop vain de sa toilette, et se méfie, on ne sait pourquoi, de son regard voilé, qui pourtant s’éclairait si bien dans la magie de la parole. […] on aime à le croire, et rien dans sa conduite d’alors ne dément l’idée d’une audace clairvoyante, d’une capacité supérieure et applicable. […] Elle aime à associer les noms de l’amitié aux émotions publiques qui envahissent son âme et la transportent : « C’est ajouter, » dit-elle en un style plein de nombre et dont le tour accompli rappelle le parler de Mme de Wolmar, « c’est ajouter au grand intérêt d’une superbe histoire l’intérêt touchant d’un sentiment particulier ; c’est réunir au patriotisme qui généralise, élève les affections, le charme de l’amitié qui les embellit toutes et les perfectionne encore. » Les lettres du 24 et du 26 janvier 91 à Bancal, alors à Londres, par lesquelles elle essaie de le consoler de la mort d’un père, méritent une place à côté des plus élevées et des plus éloquentes effusions d’une philosophie forte, mais sensible. […] Mme de Staël disait qu’elle aimerait assez l’agriculture, si l’agriculture sentait moins le fumier.
La Bruyère, qui aimait la lecture des anciens, eut un jour l’idée de traduire Théophraste, et il pensa à glisser à la suite et à la faveur de sa traduction quelques-unes de ses propres réflexions sur les mœurs modernes. […] Cela est moins facile à celui qui est engagé ; il semble que le mariage met tout le monde dans son ordre. » Ceux à qui ce calcul de célibat déplairait pour La Bruyère, peuvent supposer qu’il aima en lieu impossible et qu’il resta fidèle à un souvenir dans le renoncement. […] Mais il n’appartient qu’à lui d’avoir eu l’idée d’insérer au chapitre du Cœur les deux pensées que voici : « Il y a des lieux que l’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre. » — « Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. » Jean-Jacques et Bernardin de Saint-Pierre, avec leur amour des lieux, se chargeront de développer un jour toutes les nuances, closes et sommeillantes, pour ainsi dire, dans ce propos discret et charmant. Lamartine ne fera que traduire poétiquement le mot de La Bruyère, quand il s’écriera : Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? […] La rêverie, enfin, à côté des personnes qu’on aime, apparaît dans tout son charme chez La Bruyère.
On lui indique un seigneur Agnoste, du pays d’Aléthée, de la ville d’Éleuthère, habitée par les Parisiens, « gentilhomme de bonne affaire et point trompeur qui aime mieux le concile de vin que de Trente162. » Il demeure, lui dit-on dans la rue du Bon Temps, à l’enseigne du Riche Laboureur. […] Les généralités nous fatiguent ; nous aimons mieux les idées particulières qui nous donnent la réputation d’esprit, et qui nous laissent libres de notre conduite. […] J’ai peur que ce ne soit pour s’aimer, que Montaigne est si affamé de se connaître, et que le mauvais qu’il voit en lui ne lui paraisse simplement une chose différente du bon. Il s’en faut que les autres connaissances l’intéressent aussi vivement que celle-là ; les plus importantes n’ont pas la vertu de l’attacher ; il n’y a pas de risque qu’il s’y fasse une maîtresse qu’il aimerait plus que lui. […] Chemin faisant il parle à chacun selon ses besoins, s’aidant pour les persuader de tout ce qu’ils voient et de tout ce qu’ils aiment, tirant ses comparaisons des usages de leur vie, de leurs habitudes domestiques, de leurs souvenirs, rendant les enseignements sensibles en y intéressant leur imagination et leur cœur.
Ces hommes alors aiment la guerre pour la guerre, et ils la cherchent en un lieu quand ils ne la trouvent pas dans un autre. […] Bérénice se résigne à vivre sans Titus ; Monime à épouser Mithridate ; Atalide à voir Bazajet s’unir à Roxane ; Esther n’aime point Assuérus. […] Thécla ne peut lutter ni céder : elle aime et elle attend. […] Elle est si loin de considérer comme une faute sa fuite de la maison paternelle, lorsqu’elle apprend que celui qu’elle aime a été tué, qu’elle croit au contraire accomplir un devoir. […] Nous pouvons, par le talent du poëte, être entraînés à sympathiser avec l’individu particulier qui l’éprouve ; mais il ne peut jamais servir de base à un système général, et nous n’aimons en France que ce qui peut être d’une application universelle.
Soudain un coup de sonnette, cette sonnette avec laquelle le peuple aime à jouer, comme un enfant, à la Chambre des députés. […] Au-dessus de Meudon, un haut de ciel, auréolé de grands rayons blancs, semblable à ces effets de lumière électrique, avec lesquels Gudin aime à éclairer l’orage de ses mers. […] Savez-vous comment le général l’a reçu : « Monsieur, je n’aime pas le zèle intempestif ! […] Petits et grands viennent, de temps en temps, donner un coup d’œil à leur immeuble aimé. […] Un vieil homme de la campagne qui passe par là, et qui aime les arbres, comme la vieillesse, lève les yeux au ciel, douloureusement.
Quand on veut peindre les jolis riens de la conversation et du monde, il est à propos de les aimer. […] Écoutez ce chant du premier berger : « Les poireaux sont chers au Gallois, le beurre au Hollandais, — la pomme de terre est le mets du berger irlandais. — L’Écossais broie l’avoine pour son festin, — les raves douces sont la nourriture de ma maîtresse. — Tant qu’elle aimera les raves, je mépriserai le beurre […] Van Ostade et Téniers aiment ces idylles triviales et bouffonnes, et chez Gay, comme chez eux, la drôlerie crue et sensuelle ne manque pas. Les gens du Nord, gros mangeurs, ont toujours aimé les kermesses. […] Il voyait et aimait la campagne jusque dans ses plus minces détails, non par grimace, comme Saint-Lambert, son imitateur ; il en faisait sa joie, son divertissement, son occupation habituelle, jardinier de cœur, ravi de voir venir le printemps, heureux de pouvoir enclore un champ de plus dans son jardin.
Parmi ceux-ci, les montres, ces petits chefs-d’œuvre de l’art industriel avec les délicates imaginations de leur riche décor, sont parmi les bibelots que j’aime le mieux. […] Puis, c’est la religion encore plus bêtement fanatique d’une coloration sang de bœuf ou foie de mulet, dans une poterie, et l’on arrive à aimer cela, mieux qu’une forte pensée, qu’une belle phrase. […] Jeudi 12 juin Quand on aime quelqu’un, comme j’ai aimé mon frère, on le réenterre toujours un peu dans les enterrements auxquels on assiste, et tout le temps revient en vous cette désespérante interrogation : « Est-ce vraiment la séparation éternelle, éternelle, éternelle ? […] Jeudi 16 octobre En corrigeant les épreuves d’Outamaro, je pensais à la tendance de mon esprit de n’aimer à travailler que d’après du neuf, d’après des matériaux non déflorés par d’autres. […] Mais permettez-moi d’aimer surtout, avec tout le monde, le talent de Flaubert dans Madame Bovary, dans cette monographie de génie de l’adultère bourgeois, dans ce livre absolu, que l’auteur jusqu’à la fin de la littérature, n’aura laissé à refaire à personne.
Cependant malgré ces abus, on aime les Poëtes, & je suis bien éloigné de blâmer ce goût. […] Un autre défaut, c’est qu’il aime à s’égayer jusques dans les sujets les plus graves & les plus sérieux. […] Ce Jésuite a mieux aimé s’accommoder au goût du siécle, que de représenter le Poëte absolument tel qu’il est. […] Lorsque Lucain, par trop de précision est obscur, l’Académicien, pour développer ou déterminer la pensée, a mieux aimé allonger le texte, que de le commenter en notes. […] Il se soutint sous des regnes orageux & fut même aimé par des Princes, dont l’amitié étoit déshonorante.
L’époque du Directoire est une de ces époques décourageantes qu’on aimerait mieux voiler que raconter, quand on a un peu de pudeur pour son pays. […] Le nouvel historien du Directoire a mieux aimé résumer les choses que de les étendre, concentrer les faits de sa narration que de les développer. […] En France, nous aimons les choses difficiles, et, à tort ou à raison, cela paraissait difficile et même dangereux pour Granier de Cassagnac d’écrire l’histoire qu’il a entreprise sans trembler. […] Voilà pourquoi on ôte de son nom, dans l’intérêt de ce qu’on veut apprendre aux hommes, l’injure glorifiante des partis que par fierté peut-être on aimerait à y laisser. […] C’est lui qui a écrit ces magnifiques paroles que l’Histoire, sévère jusque dans son amour, doit répéter souvent aux pouvoirs qu’elle aime : « Dans le monde politique moins qu’ailleurs, on ne sait pas prévoir les malheurs et s’y préparer.
Notre amie 5 lui a donné les plus fortes preuves d’amitié, et le roi aussi. » Ce qui passe la condoléance, c’est qu’on ne songe qu’à lui procurer une revanche, et Bernis lui-même, puisqu’il le faut, s’y prêtera : Le roi aime M. de Soubise, écrira-t-il le printemps prochain à Duverney ; il voudrait le mettre à portée d’avoir sa revanche du 5 novembre (journée de Rossbach) ; voilà la vérité. […] M. de Choiseul se trompe ; le grand habit arrive avec les dépêches fin de mars : « Il est fond blanc et les fleurs bleues ; on me le demandait fond bleu avec les fleurs blanches, mais on l’aimera autant tel qu’il est. » Et plus loin : « On a trouvé le grand habit fort joli. » L’abbé-ministre n’était pas entièrement brouillé, on l’entrevoit, avec les chiffonneries galantes. […] Bernis trouve ici quelque accent généreux : « Pour moi, j’aurais mieux aimé détruire notre armée par un combat que par une retraite. […] On aime en tout ceci à retrouver de part et d’autre les procédés et le ton des honnêtes gens.
Au milieu de ce qu’on regardait comme mon délire, je devins de quelque intérêt pour des gens aimant le bien ; j’en fus aimé et estimé. […] Sur ces questions, ainsi que sur beaucoup d’autres, Roederer, qui aimait la discussion et qui la provoquait volontiers, n’admettait pas le travestissement de son opinion ; et l’on va voir avec quelle vigueur et même quelle roideur il releva Mirabeau, un jour qu’il croyait avoir à se plaindre de lui. […] L’abbé Sieyès est un homme de génie que je révère et que j’aime tendrement. Je ne puis pas vous parler de vous ; mais j’espère qu’il est assez connu combien je vous estime et vous aime, et combien je m’en honore.
Telles étaient donc les relations très convenables et et très dignes de ces deux célèbres auteurs de lettres, du vieux Balzac, comme celui-ci aimait à s’appeler depuis longtemps, et du brillant Voiture, lorsque celui-ci mourut et laissa le dernier mot à dire à son devancier. […] Les gens du monde, les femmes, dans ce court intervalle des deux Frondes, se jetèrent sur les restes de leur auteur bien aimé. […] Il aimait la vérité quand elle lui était favorable, et la révérait quand même elle lui était contraire… Il m’est arrivé souvent de l’entendre parler de l’ambition déréglée de ces écrivains qui se proposaient pour fruit de leurs veilles l’approbation universelle… En le louant ainsi de cette facilité à écouter la critique, Costar se mettait peu en devoir de le suivre : car l’instant d’après il reprenait en détail toutes les objections de Girac, il se faisait fort de les réfuter une à une, et de maintenir Voiture sans tache d’un bout à l’autre et, pour ainsi dire, impeccable. […] M. de Girac, poussé à bout, traité comme un sauvage qui, pour juger des élégances, sortirait tout hérissé de la lecture d’un rabbin ou du scholiaste de Lycophron, ne se contint plus, et, comme s’il eût voulu justifier le reproche, il se mit à puiser à pleines mains dans l’arsenal des Scaliger et des Scioppius, ou, si l’on aime mieux, dans le vocabulaire de Vadius.
Son style aime le panache, et ce panache ne lui messied pas, non plus qu’à la nation qu’il conduit et qu’il représente. […] Le cardinal, au contraire, regardant d’un cœur assuré toute cette tempête, dit au roi : […] On a, en cet endroit, un de ces discours indirects, développés, comme le cardinal aime à les coucher sur le papier, où il déroule toutes les considérations en divers sens, non sans quelque complaisance et en s’écoutant un peu, mais avec tant de clarté, d’élévation, d’étendue et de justesse, qu’on lui sait gré de sa disposition communicative et qu’on l’en admire davantage. […] D’un côté, il savait bien que dans dix ou douze jours on les aurait la corde au cou, mais d’autre côté il considérait qu’il fallait se hâter… » Il raille donc, il insulte, il n’a nul égard aux vaincus, et il les maltraite à proportion qu’ils ont été plus constants et courageux : Le Cardinal conseilla au roi d’envoyer le maire (l’énergique Guiton) hors de la ville, à cause de la grande inhumanité dont il avait usé envers ses citoyens, ayant mieux aimé les laisser misérablement périr de faim que d’avoir recours à la clémence du roi pour mettre fin à leurs misères ; d’envoyer à Niort Mme de Rohan la douairière, comme étant indigne que Sa Majesté la vît, pour avoir été le flambeau qui avait consumé ce peuple. L’expression est belle, mais le sentiment est dur : on eut aimé en cet endroit un accent de générosité, de clémence, d’intelligence du vaincu, ce que l’âme de Henri IV entendait si bien.
Parmi ses neveux, il en avait un qu’il aimait, qu’il admirait presque en un âge encore tendre, et qu’il s’était accoutumé à considérer comme son propre enfant : c’était un prince Henri aussi, le second fils de ce prince Guillaume qu’on a vu mourir après sa disgrâce. […] J’ai aimé cet enfant comme mon propre fils. […] Notez que, la première douleur épanchée, Frédéric n’aimait pas à y revenir en paroles : il remuait le moins qu’il pouvait les tristes souvenirs, et ne rentrait pas volontiers dans les pertes sensibles qu’il avait faites : « Pour moi, j’évite avec soin, disait-il, tous les endroits où j’ai vu des personnes que j’ai aimées : leur souvenir me rend mélancolique, et quoique je sois tout préparé à les suivre dans peu, je souffre cependant de ne plus jouir de leur présence. » C’est que son deuil était un deuil qu’un rayon consolateur n’éclairait pas. — « Le système merveilleux répugne à la sincérité de mon espritag », disait-il encore.
On aimera et l’on comprendra en action dans sa personne ce que l’on ne se donne pas la peine de chercher dans ses exposés scientifiques un peu embrouillés. […] Il parle en un endroit et « de la décadence de ce corps qu’il a tant aimé », de la prétention qu’il avait eue « d’être placé au premier rang par les qualités agréables et solides, par la beauté du corps comme de l’esprit ». […] Quoiqu’il se soit laissé faire et qu’il n’ait jamais refusé les fonctions publiques, tous ses penchants, toutes ses qualités étaient pour la vie privée : « Les goûts simples qui s’allient avec les études abstraites donnent une sorte de candeur, de timidité, qui fait aimer la vie domestique. » N’ayant de valeur que dans la solitude ou dans un cercle intime qui l’appréciait, et où ses facultés reluisent quelques instants, son état habituel, au sein d’une grande assemblée, tout le temps qu’il en fut membre, était un état de timidité et de crainte : Je me sens plus faible, disait-il, au milieu de tant d’hommes forts ; je ne me mets pas en rapport avec eux : je cesse d’être moi sans me confondre avec les autres. […] Parce qu’il a été vers la fin un adversaire du gouvernement impérial, on aurait tort de le prendre pour un grand partisan du régime constitutionnel ou parlementaire ; selon lui, le seul bon gouvernement est celui sous lequel l’homme trouve le plus de moyens de perfectionner sa nature intellectuelle et morale et de remplir le mieux sa destination sur la terre : or, sûrement, ajoute-t-il, ce n’est pas celui où chacun est occupé sans cesse à défendre ce qu’il croit être ses droits ; où les hommes sont tous portés à s’observer comme des rivaux plutôt qu’à s’aimer et s’entr’aider en frères ; où chaque individu est dominé par l’orgueil ou la vanité de paraître, et cherche son bonheur dans l’opinion, dans la part d’influence qu’il exerce sur ses pareils.
— A-t-elle aimé ? […] De bonne heure elle s’était dit : « Le Ciel, c’est aimer en paix » ; et elle brodait là-dessus ses variations de métaphysique religieuse : «… Avez-vous, comme moi, disait-elle, l’idée la plusfaite pour adoucir celle de la mort ? […] Peut-être cependant, sans que je veuilleôter à son mérite, que si elle avait aimé une seule fois, leur nombre à tous en aurait été considérablement diminué… » Quelques semaines après, une liaison était nouée entre elles, et Mme Swetchine se mettait elle-même au ton de l’inévitable enchanteresse, elle feignait même d’être sous le charme, lorsqu’elle lui envoyait de Naples tes cajolantes paroles : « Je me suis sentie liée avant de songer à m’en défendre ; j’ai cédé à ce charme pénétrant, indéfinissable, qui vous assujettit même ceux dont vous ne vous souciez pas. […] A Genève comme à Paris on aime sans doute la vérité, mais on l’arrange un peu.
Mais ce n’est pas d’elle non plus que nous avons en ce moment à parler ; femme aimable et qu’on aime à rencontrer dans ce monde-là, elle n’a pas, dans l’histoire de la société d’alors, le degré d’importance des deux autres […] Delécluze, comme s’il avait eu quelque pressentiment de sa fin sinistre, lui dit : « On se débarrasse lestement de ceux qu’on n’aime pas, en ce pays. […] Quand il vivait familièrement avec ceux qu’il aimait, il était simple dans ses manières, mais c’était la simplicité du génie : dans la société, il était le premier à bannir toute contrainte ; il s’en trouvait gêné lui-même au point d’en témoigner de l’impatience. […] Si quelqu’un de ceux qu’il aimait était malade, il ne manquait pas de le visiter régulièrement ; je l’ai vu, pendant six semaines, aller tous les jours chez M. de Pont-de-Veyle, et ne pas l’abandonner jusqu’au dernier moment.
Elle aimait l’Angleterre et les Anglais ; elle causait bien politique, et ce fut une des femmes du xviiie siècle qui, les premières, surent manier en conversant cet ordre d’idées et de discussions à la Montesquieu. […] « La gracieuse beauté qui aime à connaître, — et qui ne craint point la neige inclémente du Nord ; — qui force son accent poli à se plier — aux sons plus rudes de l’idiome britannique, — lira sa louange dans tout climat — où la Presse pourra parler et où les poëtes chanteront. » Mme d’Usson avait aussi son petit couplet. […] « Sa petite belle-fille a de l’esprit, mais elle est bizarre, folle, et je la trouve insupportable ; sa belle-mère est son esclave et paraît l’aimer avec passion. » Ce qui est dit là de la comtesse Amélie et de sa bizarrerie ne paraît pas trop fort. […] Au milieu de ces rigueurs forcées, on a pour elles des égards ; elles sont aimées dans la Commune ; un de leurs anciens fermiers ou régisseurs, le citoyen Caillot, est commandant de la garde nationale du lieu ; il agit immédiatement en leur faveur : « An II, 5 pluviôse (24 janvier 1794). — Délivrance au cit.
Il aimait, on l’a dit, les Lettres. […] L’un et l’autre s’acquittèrent assez mal de leur tâche : « Le prélat n’en fut point fâché, remarque à ce sujet Legendre, qui a bien son grain de causticité ; il aimait à briller aux dépens d’autrui ; c’était assez sa coutume de faire agiter devant lui des problèmes de toute sorte, afin d’avoir le plaisir de donner à ce qu’on avait dit, et qu’il ne manquait point de résumer exactement, un tour si fin, si délicat, que l’on admirait dans sa bouche ce qui avait paru plat dans celle des autres. » On aime d’ordinaire ce qu’on fait bien : le prélat aimait à jouer aux arbitrages.
Montaigne aimait et admirait fort son père, « l’âme la plus charitable et la plus populaire qu’il eût connue. » Mais lui, il n’est point tel ni débonnaire de nature et d’humeur à ce degré ; il n’est point disposé à être, comme son père, perpétuellement agité et tourmenté des affaires de tous ; il confesse ne pouvoir le suivre et l’égaler en cela ; il n’est pas homme à se jeter à tout moment, comme un Curtius, dans le gouffre du bien public. […] « J’aime le bruit, je ne m’en défends pas », disait un grand philosophe (ou professeur de philosophie) de ce temps-ci, qui est en tout le contraire de Montaigne. […] Le maréchal de Matignon, au lieu d’écrire, aima mieux communiquer verbalement les nouvelles, et Montaigne fut chargé de les porter en personne à Bergerac où se trouvait alors Henri. […] Des lettres de Du Plessis-Mornay à Montaigne, d’une date antérieure à 1585, mais écrites dans le même temps de cette mairie de Bordeaux, nous montrent combien, du côté du roi de Navarre, on se fiait en lui à titre de caractère modéré et conciliant, et nous prouvent qu’on aimait en toute circonstance à le prendre pour témoin et garant des intentions, comme quelqu’un qui, « en sa tranquillité d’esprit, n’était ni remuant ni remue pour peu de chose. ».
Dans ces jeux où l’esprit nous apprend à charmer, Le cœur doit apprendre à se taire ; Et lorsque tout nous ordonne de plaire, Tout nous défend d’aimer… Ô des erreurs du monde inexplicable exemple, Charmante Muse ! […] Creuzé de Lesser, un auteur croisé d’administrateur, et qui n’était pas sans mérite, lui écrivait de Montpellier (1er décembre 1827) : « … Il y a longtemps, madame, que j’ai, — que j’ai lu — et que j’aime ce que vous avez publié. […] Ne demande qu’à Dieu… qu’à toi, si je t’aimais ! Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes, C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
Il n’y obtint qu’un bénéfice de 800 livres qu’il résigna après quelques années de jouissance, au profit, dit-on, de la demoiselle Marie Poncher de Bretouville qu’il avait aimée et qui se faisait religieuse. […] Non, il n’est pas indispensable, pour provoquer en nous cette vive et profonde intelligence des choses naturelles, de s’en aller bien loin, au-delà des mers, parcourant les contrées aimées du soleil et la patrie des citronniers, se balançant tout le soir dans une gondole, à Venise ou à Baïa, aux pieds d’une Elvire ou d’une Guiccioli. Non, bien moins suffit : voyez Horace, comme il s’accommode, pour rêver, d’un petit champ, d’une petite source d’eau vive, et d’un peu de bois au-dessus, et paulùm sylvae super his foret ; voyez La Fontaine, comme il aime s’asseoir et s’oublier de longues heures sous un chêne ; comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours. Et le bon Ducis, qui demeura lui-même à Auteuil, comme il aime aussi et comme il peint les petits fonds riants et les revers de coteaux !
Quand l’émotion, au contraire, est extrême, exaltée, infinie sur les fibres sensitives de l’instrument humain, quand l’imagination de l’homme se tend et vibre en lui jusqu’à l’enthousiasme et presque jusqu’au délire, quand la passion imaginaire l’exalte, quand l’image du beau dans la nature ou dans la pensée le fascine, quand l’amour, la plus mélodieuse des passions en nous parce qu’elle est la plus rêveuse, lui fait imaginer, peindre, invoquer, adorer, regretter, pleurer ce qu’il aime ; quand la piété l’enlève à ses sens et lui fait entrevoir, à travers le lointain des cieux, la beauté suprême, l’amour infini, la source et la fin de son âme, Dieu ! […] IX Mais vous approchez des Alpes, les neiges violettes de leurs cimes dentelées se découpent le soir sur le firmament profond comme une mer, l’étoile s’y laisse entrevoir au crépuscule comme une voile émergeant sur l’Océan de l’espace infini ; les ombres glissent de pente en pente sur les flancs des rochers noircis de sapins, des chaumières isolées et suspendues à des promontoires, comme des nids d’aigles, fument du feu du soir, et leur fumée bleue se fond en spirales légères dans l’éther ; le lac limpide, dont l’ombre ternit déjà la moitié, réfléchit dans l’autre moitié les neiges renversées et le soleil couchant dans son miroir ; quelques voiles glissent sur sa surface, chargées de branchages coupés de châtaigniers, dont les feuilles trempent pour la dernière fois dans l’onde ; on n’entend que les coups cadencés des rames qui rapprochent le batelier du petit cap où sa femme et ses enfants l’attendent au seuil de sa maison, ses filets y sèchent sur la grève, un air de flûte, un mugissement de génisse dans les prés interrompent par moment le silence de la vallée ; le crépuscule s’éteint, la barque touche au rivage, les foyers brûlent çà et là à travers les vitraux des chaumières, on n’entend plus que le clapotement alternatif des flots endormis du lac, et de temps en temps le retentissement sourd d’une avalanche de neige dont la fumée blanche rejaillit au-dessus des sapins ; des milliers d’étoiles, maintenant visibles, flottent comme des fleurs aquatiques de nénuphars bleus sur les lames, le firmament semble ouvrir tous ses yeux pour admirer ce coin de terre, l’âme la quitte, elle se sent à la hauteur et à la proportion de s’approcher de son Créateur presque visible dans cette transparence du firmament nocturne, elle pense à ceux qu’elle a connus, aimés, perdus ici-bas et qu’elle espère, avec la certitude de l’amour, rejoindre bientôt dans la vallée éternelle, elle s’émeut, elle s’attriste, elle se console, elle se réjouit, elle croit parce qu’elle voit, elle prie, elle adore, elle se fond comme la fumée bleue des chalets, comme la poussière de la cascade, comme le bruissement du sable sous le flot, comme la lueur de ces étoiles dans l’éther, avec la divinité du spectacle. […] C’est aussi cette voix intérieure qui lui parle à tous les âges, qui aime, chante, prie ou pleure avec elle à toutes les phases de son pèlerinage séculaire ici-bas. […] Il ne tarda pas à captiver la cour tout entière, à l’exception des envieux et du roi, qui avait contre le génie les préventions du plus simple bon sens, et qui n’aimait pas qu’on regardât trop un autre homme que lui dans sa cour.
Cette idée aventureuse, qui tentait Jeanne, de s’en aller guerroyer en France, avait transpiré malgré elle, et déplaisait fort à son père, honnête homme et de bonnes mœurs, qui disait qu’avant d’être témoin d’une telle chose, il aimerait mieux voir sa fille noyée, ou la noyer de ses propres mains. […] Interrogée devant les juges sur ce qu’elle aimait mieux porter, de l’étendard ou de l’épée, elle répondit qu’ elle aimait quarante fois mieux l’étendard ; elle ajouta qu’elle portait elle-même cet étendard quand elle se précipitait au milieu de l’ennemi, pour éviter de tuer personne, et qu’en effet elle n’avait jamais tué d’homme. […] Ce qui montre que, si elle ne frappait pas, comme on dit, d’estoc et de taille, si elle se servait le moins possible de la pointe, elle aimait assez à frapper du plat de la lame, comme elle faisait volontiers de son bâton.
Pourtant il ressemblait beaucoup à sa mère, cette propre sœur des Corneille ; il disait, avec cette indifférence qui lui était particulière en toute chose, et que la pudeur filiale elle-même n’atteignait pas : « Mon père était une bête, mais ma mère avait de l’esprit ; elle était quiétiste ; c’était une petite femme douce qui me disait souvent : Mon fils, vous serez damné ; mais cela ne lui faisait point de peine. » — Pour maintenir quelque rapport de ressemblance entre Fontenelle et son oncle illustre, une seule remarque est essentielle, et je la livre à ceux qui aiment à réfléchir sur ces liens délicats. […] Il convient que son héros n’a guère aimé qu’une seule fois avec une sorte de tendresse : c’est dans l’affection qu’il eut pour son ami et camarade d’enfance, M. […] En s’adressant à sa belle marquise, il s’adresse à l’esprit de tous les ignorants, et à la fois il aime à se les figurer sous cette forme coquette et à y mêler ce jeu perpétuel qui va autoriser toutes ses finesses. […] Il a donné le premier exemple et le modèle de ces ouvrages où la science est ornée, enjolivée et sophistiquée à l’usage des dames, de ces ouvrages métis, tels qu’en ont composé sur divers sujets les Pougens, les Aimé Martin, ces émules de Demoustier encore plus que de Fontenelle : c’est là le côté frivole.
Michaud, vous devez être content, il y a de l’esprit dans notre journal. » — « Oui, répondit l’ami de M. de Bonald, et c’est précisément ce que je n’y aime pas : il y a toujours quelque chose de satanique dans l’esprit. » On croit entendre M. de Bonald lui-même. […] « Il n’aimait pas les Grecs, a dit quelqu’un, et les Grecs le lui ont bien rendu : il manque d’atticisme. » Il manque de grâce, de délicatesse et de charme. […] Mais, à côté de ces travers tout à fait désagréables du dialecticien, on aime à dégager de belles et justes pensées comme celle-ci, qu’il ne faut pas que la loi conspire avec les passions de l’homme contre sa raison : « Ainsi, du côté que l’homme penche, la loi le redresse, et elle doit interdire aujourd’hui la dissolution à des hommes dissolus, comme elle interdit, il y a quelques siècles, la vengeance privée à des hommes féroces et vindicatifs. » La conclusion de ce traité Du divorce, adressée sous forme d’allocution aux législateurs du Code civil, est d’une grave et réelle éloquence ; l’âme de l’homme de bien et du bon citoyen s’y fait jour par des accents qui ne se laissent pas méconnaître ; on y entend ce cri vertueux et ce vœu de réparation qui s’élève de la société après chaque grand désordre, et qui ne demande qu’à être régulièrement dirigé : Commandez-nous d’être bons, et nous le serons. […] J’aime à noter les mots vrais, et que d’ordinaire on n’écrit pas.
Quand je viens en parler aujourd’hui, ce n’est point toutefois pour y chercher aucune application politique, ni pour y pratiquer aucune perspective selon les vues du moment ; j’aime mieux les prendre d’une manière plus générale, plus impartiale, et plus en eux-mêmes. […] Il était déjà de cette race de ceux qui, en fait d’agitations et de révolutions, aiment le jeu encore plus que le dénouement, grands artistes en intrigues et en influences et s’y complaisant, tandis que les plus ambitieux plus vrais et plus positifs tendent au but et aspirent au résultat. […] Venons au détail. » N’admirez-vous pas ce début à la Bossuet, ou, si vous aimez mieux, à la Montesquieu ? […] On dirait d’un médecin curieux qui décrit avec amour la maladie, cette maladie qu’il a toujours le plus désiré voir de près ; évidemment il aime mieux la voir que la guérir : Il paraît un peu de sentiment, dit-il en parlant du corps abattu de l’État, une lueur ou plutôt une étincelle de vie ; et ce signe de vie, dans les commencements presque imperceptible, ne se donne point par Monsieur, il ne se donne point par M. le Prince, il ne se donne point par les grands du royaume, il ne se donne point par les provinces ; il se donne par le Parlement, qui, jusqu’à notre siècle, n’avait jamais commencé de révolution, et qui certainement aurait condamné par des arrêts sanglants celle qu’il faisait lui-même, si tout autre que lui l’eût commencée.
Il aimait les disputes sur ces matières et y aiguisait sa subtilité dialectique ; mais il s’efforça peu à peu de s’en corriger. […] Franklin y retourne et, tout en restant ouvrier imprimeur, il continue de se former à l’étude, à la composition littéraire ; il se lie avec les jeunes gens de la ville qui aiment comme lui la lecture ; il fait un peu la cour à miss Read ; puis, tenté de nouveau par les promesses du gouverneur, qui lui parle sans cesse d’un établissement, il se décide à faire le voyage d’Angleterre pour y acheter le matériel d’une petite imprimerie. […] Il appliquera à l’examen de la chevalerie une méthode d’arithmétique morale qu’il aime à employer, et partant de ce principe « qu’un fils n’appartient qu’à moitié à la famille de son père, l’autre moitié appartenant à la famille de sa mère », il prouvera par chiffres qu’en neuf générations, à supposer une pureté de généalogie intacte, il ne reste dans la personne qui hérite du titre de chevalier que la cinq cent douzième partie du noble ou chevalier primitif. […] Pour peu que vous aimiez la vie, ne gaspillez pas le temps, car c’est l’étoffe dont la vie est faite.
Madame, j’ai reçu les chapes que vous m’avez envoyées, qui sont venues extrêmement à propos ; elles sont extrêmement belles, et ont été reçues comme telles de la compagnie à qui je les devais… Je suis maintenant en ma baronnie, aimé, ce me veut-on faire croire, de tout le monde ; mais je ne puis que vous en dire encore, car tous les commencements sont beaux, comme vous savez. […] Il semble, par votre lettre, que vous étiez en mauvaise humeur lorsque vous avez pris la plume ; pour moi, j’aime tant mes amis que je ne désire connaître que leurs bonnes humeurs, et il me semble qu’ils ne m’en devraient point faire paraître d’autres. […] Elles sont pourtant la seule moralité supérieure qui serve de garantie dans les personnes publiques, qui les sauve du pur machiavélisme ; et on aime à retrouver le signe de cet esprit religieux sous une forme ou sous une autre, ce sentiment sacré d’une divinité singulière invoquée et reconnue de tous les grands chefs et fondateurs d’États et des conducteurs de peuples. […] J’aime à opposer ces paroles de Richelieu, dignes d’une grande âme, à ce qu’il offrira plus tard de cruel et d’impitoyable dans sa propre conduite, et par où il a excédé, à certains jours, les nécessités mêmes de la plus austère politique.
Et cette vie dont il aime les bas commencements, il l’adore en ses deux grandes manifestations masculine et féminine, la sensualité de la femme et la force de l’homme. […] Son pessimisme vient de la contradiction incessante entre la réalité qu’il ne peut ne pas voir et l’idéal dynamique que sa nature de lutteur le force à créer et à aimer. […] Ce que nous y aimons, c’est cette Christine si bonne, si douce, sensée, aimante, d’une si belle noblesse d’âme et toute simple ; c’est même cette brute de Lantier, qui, s’il ne mettait une grossièreté de manœuvre à clamer des théories ridicules, serait en somme un être bon, simple et fort, qui eût pu être un brave homme faisant des heureux autour de lui, s’il n’était allé se perdre dans une carrière où il est, malgré son intransigeance, un médiocre et un raté ; c’est Sandoz, d’une si belle fermeté, têtu, paisible et solide, ayant une idée en tête et la réalisant patiemment sans se tourner aux clameurs sur ses talons. […] Zola, qui n’aime pas la psychologie, n’est en effet pas un grand psychologue, et ce défaut interdit de le classer avec les très grands.
Dites-leur d’aimer Dieu, de ne pas offenser Dieu, ils vous comprendront à merveille. […] Renan ne craint pas de dire qu’il crée la sainteté de ce qu’il croit et la beauté de ce qu’il aime. […] Écrites avec pureté, et quelquefois avec une transparence colorée, ces Études, logiquement et scientifiquement sans valeur, ont des détails qui attireront, qui ont attiré déjà les esprits de peu de pensée et qui aiment l’expression partout où elle s’attache. […] Comme tous les savants qui n’ont point la hauteur de la vue adéquate à l’état de leurs connaissances, il aime les bagatelles difficiles.
Nous sommes en plein Pétrarque, en plein Dante, si vous aimez mieux. […] « Je m’arrête, monsieur ; il est difficile de ne pas se laisser entraîner à quelque émotion quand on parle des souvenirs les plus doux et les plus mémorables de sa vie. » Notre siècle aime ces détails intimes, il n’en a jamais trop. […] Victor Le Clerc : il passait ainsi volontiers d’un climat à l’autre, il aimait ces sortes de contrastes et de brusques antithèses d’impressions et de pensées, ces sortes de bains russes intellectuels. […] Je suppose que toute cette érudition qui sort et pétille de partout est exacte ; j’ai pourtant quelque peine, je le confesse, à ne pas me défier un peu des entraînements auxquels je la vois sujette, et j’aimerais à ce qu’un vrai critique, la loupe à la main, y eût passé. […] Tâchez de venir demain, et aimez toujours un peu.
Il avait élevé et aimé purement une jeune fille charmante, instruite, honnête, Esther Johnson, qui dès l’enfance l’avait chéri et vénéré uniquement. […] Mais d’autre part vous tolérerez et même vous aimerez le monde, si, pénétrant dans sa nature, vous vous occupez à expliquer ou à imiter son mécanisme. […] Pareillement Son Excellence est un de ceux que je n’aime ni ne hais personnellement. […] Il jure solennellement qu’il vous aime et veut vous servir, et, votre dos tourné, dit aux assistants que vous êtes un chien et un drôle. […] L’esprit positif ne peut ni l’aimer ni l’entendre ; il n’y voit qu’une machine ou une mode et ne l’emploie que par vanité ou convention.
Gabriel Séailles aime ces entretiens familiers où se plaît sa bonne humeur charmante. […] On aime pourtant le joli soleil qui luit doucement entre les ormes, le thym qui parfume les côtes sèches, les abeilles qui bourdonnent au-dessus du sarrasin en fleur : beautés légères qu’une race sobre et fine peut seule goûter. […] Au terme des évolutions successives, si l’univers est jamais ramené à un seul être absolu, cet être sera la vie complète de tous ; il renouvellera en lui la vie des êtres disparus, ou, si l’on aime mieux, en son sein revivront tous ceux qui ont été. […] Nous sommes aujourd’hui moins accommodants que cet Eudoxe ; mais nous sommes moins tranquilles, plus inquiets, plus passionnés que ce Philalèthe ; et c’est justement parce que nous aimons le vrai que nous sommes plus passionnés ; je n’ai point voulu arrêter par des réflexions ou par des commentaires un texte aussi exubérant, aussi plein, aussi fervent ; je me rends bien compte qu’un texte aussi plein dépasse de partout ce que nous voulons lui demander aujourd’hui ; que de lui-même il répond à toutes sortes d’immenses questions que nous ne voulons point lui poser aujourd’hui ; et je suis un peu confus de retenir si peu d’un texte aussi vaste ; c’est justement ce que je disais quand je disais que tout le monde moderne est dans Renan ; on ne peut ouvrir du Renan sans qu’il en sorte une immensité de monde moderne ; et si le Pourana de jeunesse était vraiment le Pourana de la jeunesse du monde moderne, le testament de vieillesse est aussi le testament de toute la vieillesse de tout le monde moderne ; je me rends bien compte qu’ayant à traiter toutes les autres immenses questions qu’a soulevées le monde moderne c’est au même texte qu’il nous faudrait remonter encore ; et c’est le même texte qu’il nous faudrait citer encore, tout au long ; nous le citerions, inlassablement : nous l’avons cité aujourd’hui, tout au long, sans l’interrompre, et sans le troubler de commentaires, parce que s’il porte en même temps sur une infinité d’autres immenses questions, il porte aussi, tout entier et à plein, sur la grosse question qui s’est soulevée devant nous ; et sur cette question nous ne l’avons pas interrompu, parce qu’il est décisif, pourvu qu’on l’entende, et sans même qu’on l’interprète ; il est formellement un texte de métaphysique, et j’irai jusqu’à dire qu’il est un texte de théologie. […] Dans sa grande franchise et netteté universitaire il passe d’un énorme degré les anticipations précautionneuses de Renan ; Renan ne donnerait pas prise à de tels reproches ; il ne donnerait pas matière à de telles critiques ; il ne donnerait pas cours à de tels ridicules : Renan n’était point travaillé de ces hypertrophies : lui-même il endossait trop bien le personnage de ses adversaires, de ses contradicteurs, de ses critiques éventuels ; toute sa forme de pensée, toute sa méthode, tous ses goûts, tout son passé, toute sa vie de travail, de mesure, de goût, de sagesse le gardaient contre de telles exagérations ; il n‘a jamais aimé les outrances, et, juste distributeur, autant et plus averti sur lui-même que sur les autres encore, il ne les aimait pas plus chez lui-même et pour lui-même qu’il ne les aimait chez les autres ; il aimait moins les outrances de Renan que les outrances des autres, peut-être parce qu’il aimait Renan plus qu’il n’aimait les autres ; comme Hellène il se méfiait des hommes, et des dieux immortels ; comme chrétien, il se méfiait du bon Dieu ; comme citoyen, il se méfiait des puissances ; et comme historien, des événements ; comme historien des dieux, et de Dieu, mieux que personne il savait comment en jouer, et quelles sont les limites du jeu ; il était un Hellène, un huitième sage ; il connaissait d’instinct que l’homme a des limites ; et qu’il ne faut point se brouiller avec de trop grands bons Dieux ; il s’était donc familièrement contenté de donner à l’humanité, à l’historien, les pouvoirs du Dieu tout connaissant ; il n’eût point mis à son temple d’homme un surfaîte orgueilleux et qui bravât la foudre.
En un mot, il est un point élevé où l’art, la nature et la morale ne font qu’un et se confondent, et c’est à cette hauteur que tous les grands maîtres dramatiques que l’humanité aime à reconnaître pour siens se sont rencontrés. […] Aujourd’hui, la Commission n’a pu faire en quelque sorte que reconnaître le terrain, et surtout bien établir l’esprit de la fondation en vertu de laquelle elle était convoquée : elle a mieux aimé être sobre et négative sur bien des points que de fausser cet esprit dès l’origine, en l’interprétant avec trop de facilité et de complaisance.
Il n’y a toujours que peu ou pas de publications : on a donné, dans la Collection des Documents du Gouvernement, les Lettres de Henri IV (un ou deux volumes pour commencer) ; on en a cité une charmante à Marie de Médicis sur Plutarque : Qui l’aime, m’aime, charmante épigraphe à mettre à un petit nombre de ces livres selon le cœur.
Les commissions de la Chambre aiment d’avance, en chaque projet qui leur est déféré et pour lequel on leur demande assistance, à voir des résultats nets, et, s’il est possible, des produits ; on aime enfin à rentrer tôt ou tard dans ses fonds.
Rien cependant n’inspire autant d’horreur que la possibilité d’exister uniquement, parce qu’on ne sait pas mourir ; et comme c’est le sort qui peut attendre toutes les grandes passions, un tel objet d’effroi suffit pour faire aimer cette puissance de philosophie, qui soutient toujours l’homme au niveau de la vie, sans l’y trop attacher, mais sans la lui faire haïr. […] Le philosophe, qui doit cette paix au travail de sa pensée, aime à jouir de lui-même dans la retraite.
Les Anglais de 1590, heureusement fort ignorants, aimèrent à contempler au théâtre, l’image des malheurs que le caractère ferme de leur reine venait d’éloigner de la vie réelle. […] On aime l’opposition.
La science était à la mode déjà : mais Buffon fit aimer une science sérieuse, de première main et d’incontestable valeur ; nous sommes loin avec lui de la physique amusante et des expériences d’amateur, qui, depuis Fontenelle, faisaient partie des divertissements de la vie mondaine. […] Le châtelain de Montbard n’aimait pas la terre improductive, qui ne donne pas de revenu, ni la vie désordonnée, dont l’épanouissement n’est pas réglé par la géométrie de l’esprit humain : il avait, je l’ai dit, la passion de l’ordre.
Pour moi, j’aime mieux la superstition que le fanatisme. […] J’ai été un torpilleur à ma manière ; j’ai donné quelques secousses électriques à des gens qui auraient mieux aimé dormir.
Car le roman de la Rose n’est qu’une imitation de l’art d’aimer : mais une imitation libre, & telle qu’on y trouve souvent un génie original. […] Raison, parlant ensuite pour le Meun, l’excuse sur ses bonnes intentions ; sur ce qu’il en veut moins aux femmes qu’il a toujours fort aimées, qu’aux maris qui plus d’une fois l’ont maltraité ; & à la jalousie, ce monstre si odieux au sexe.
Pour qu’il tombe de plus haut et qu’il se brise mieux, il l’élève ; puis, quand il l’a mis au plus haut de ses facultés exagérées, il le précipite dans cette conclusion (page 129) : « Il est le modèle achevé, pour ainsi dire idéal, de ces riches et pauvres natures, communes à toutes les époques, mais qu’il était donné à notre xixe siècle de mettre en pleine lumière… qui sont à la fois sincères et fausses, aptes et inaptes à tout, font le bien avec ardeur, le mal avec passion, aiment l’idée pour l’idée, l’art pour l’art, et, sublimes égoïstes, se prêtent toujours pour ne se donner jamais. […] » Nous avons décrit la manœuvre de cette polémique contre un homme, et, quoique nous reconnaissions que Wallon ait eu raison de nier dans Cousin la bonne foi intégrale, l’impersonnalité, la solidité, la découverte, c’est-à-dire tout le génie philosophique d’un seul coup, nous n’aimons pas, nous l’avouerons, cette méthode, qui surfait un homme par tous les côtés pour l’affamer et le tuer par le côté qui est toute la prétention de sa vie.
Si les préfaces signifient quelque chose, c’est quand elles sont les prévisions de la Critique en faveur des obscurs, qu’elle distingue dans leur obscurité et qu’elle doit aimer à faire monter dans la lumière. […] J’aime mieux le garder pour Léon Bloy, et puisse cet atome être la première étincelle qui luira sur un talent ignoré encore aujourd’hui, mais qui, demain peut-être, va tout embraser !