La renaissance était un temps subtil, un temps de réflexion. […] Shakespeare, fidèle à l’esprit de son temps, devait ajouter Laërtes vengeant son père à Hamlet vengeant son père, et faire poursuivre Hamlet par Laërtes en même temps que Claudius par Hamlet ; il devait faire commenter la piété filiale de Cordelia par la piété filiale d’Edgar, et, sous le poids de l’ingratitude des enfants dénaturés, mettre en regard deux pères misérables, ayant perdu chacun une des deux espèces de la lumière, Lear fou et Glocester aveugle. […] Pendant ce temps-là le génie continue son éruption. […] IV Un homme considérable de notre temps, historien célèbre, orateur puissant, un des précédents traducteurs de Shakespeare, se trompe, selon nous, quand il regrette, ou paraît regretter, le peu d’influence de Shakespeare sur le théâtre du dix-neuvième siècle. […] S’entre-tuer a fait son temps.
Lui, Jules Janin, qu’on pourrait appeler Félix Janin, car il fut certainement le plus heureux des hommes de lettres de ce temps, a eu aussi cette fortune dernière, comme si à tous les autres bonheurs de sa vie il avait eu besoin d’ajouter encore celui-là. […] J’ai vu dans ma jeunesse des professeurs de rhétorique — des Cuvillier-Fleury du temps — traiter de germanico-savoyard le style romain du grand de Maistre, — en retard de gloire, ce grand homme, parce que, de génie, il avançait trop ! […] Cet homme, heureux dès sa jeunesse, qui n’eut jamais, comme les bohèmes de son temps — qui fut le temps de la Bohème — de déchirure à son coude, n’eut pas non plus pour s’en venger le luxe momentané de Balzac, aux boutons d’or pur, chez la princesse de Belgiojoso… Il ne se sentait aucun goût pour ces somptuosités d’artiste, — quoique pourtant il en fût un ! […] À l’heure de la vie où l’on est frivole et où l’homme tient à relever ses avantages extérieurs par les soins de la mise et les détails de la toilette, à une époque où tant de gens de lettres affectaient d’être des Beaux, parmi les de Musset, les Roger de Beauvoir, les Roqueplan, les Sue, qui furent des dandies, des gants jaunes, des furieux (un mot du jargon de la mode du temps), Janin, très à la mode par l’esprit et par le talent et très en vue, Jules Janin, qui n’était pas sans beauté alors, ne pensait point à la faire valoir, cette beauté, par les ressources que la mode offre à la coquetterie. C’était en ce temps-là un joyeux garçon aux belles dents rieuses, frais comme une rose-pomme épanouie parmi tous ces pâles de Paris, au regard très doux et un peu indécis, un de ces regards qu’on appelle à la Montmorency et dont l’indécision, qui vous lutine, est plus piquante… Il avait de magnifiques cheveux noirs bouclés comme un pâtre de la campagne romaine, et qui, pour boucler, n’avaient pas besoin des papillotes que se plantait le grave Lerminier sur sa forte tête philosophique et législative.
Mazarin, l’Italien Mazarin, résume en lui les qualités et les défauts de l’Italie des derniers temps. […] Toutes célèbres à des titres divers, cette cargaison de nièces, venues d’Italie par le coche, étaient et furent les crampons à l’aide desquels l’officier de fortune, devenu cardinal et ministre d’État, entra dans le cœur des plus grandes familles de son temps. […] Attiré, mais non enivré, esprit trop solide pour ne pas savoir résister à l’ivresse, Amédée Renée a la légèreté et l’aplomb qu’il faut pour badiner agréablement avec ces dentelles et passer outre, et, comme les femmes qu’il nous raconte touchaient à tout dans le monde de leur temps, il se rencontre qu’en ayant l’air de ne s’occuper que de cette heptarchie de nièces, il nous raconte le temps lui-même, et nous le montre par des côtés moins solennels et moins pompeux que ceux-là sous lesquels nous sommes habitués à le regarder. […] L’auteur des Nièces de Mazarin est un Aristophane historique discret, qui s’arrête à temps, et qui vous enlève une figure sans la faire grimacer jamais. […] Elle tourna son orgueil aux grandes choses ; elle vint à temps, et son action fut décisive.
Parmi les réimpressions d’un temps assez stérile en œuvres, le livre sur Marie Stuart de M. […] Dargaud, tout le monde l’a dit dans le temps et tout le monde l’a déjà oublié. […] Dargaud, de ce Michel de l’Hôpital qui était, lui, l’homme de l’avenir, et le philosophe religieux des temps très religieux, comme vous savez, que nous voyons ! […] Dargaud, qui ne croit ni à la Chute ni à la Grâce, mais à la Nature, a l’optimisme de ceux qui pensent que, dans un temps donné, rien n’est impossible à la puissance de la raison. […] Qui ne sait les faiblesses d’imagination du plus grand génie de notre temps pour Catherine de Médicis ?
Il faut nous résigner aux trouble-fête, si nous ne roulons pas avoir besoin, à brève échéance, d’un syndic de faillite 55. » Voilà donc trois publicistes français, d’une influence incontestée, considérés par l’opinion publique comme de bonne foi, et tous trois d’esprit essentiellement français, qui n’ont pas hésité à écrire, dans des journaux tels que le Figaro, le Journal et le Temps, les mots de « misère », de « décadence » et de « faillite » s’appliquant à la société française actuelle. […] Le temps des grandes naïvetés est passé, et il est grand temps d’étudier les causes de la grandeur et de la faiblesse des autres peuples ; il faut apprendre aussi à connaître les dessous des choses ». […] Demolins, que pendant ce temps, le monde marche et qu’il marche sans nous »59. […] La France semble encore posséder en elle des ressources suffisantes pour prendre ce dernier parti ; il est temps toutefois qu’elle se décide, car le manque de décision équivaut lui-même à la ruine. […] Le Temps, 11 juillet 1897.
Je sais que ces sortes d’actions sont extraordinaires et doivent le paraître ; mais la nature passionnée a son prix, comme la nature réfléchie ; et les hommes peut-être les plus estimables ne sont pas ceux qui règlent froidement et sensément tous les mouvements de leur âme, qui avant de sentir ont le loisir de regarder autour d’eux, et se souviennent toujours à temps qu’ils ont besoin d’être modestes. […] Cet éloge, où un particulier loue un prince avec lequel il a quelque temps vécu dans l’obscurité, pouvait être précieux ; le souvenir des études de leur jeunesse et cette heureuse époque où l’âme, encore neuve et presque sans passions, commence à s’ouvrir au plaisir de sentir et de connaître, devait répandre un intérêt doux sur cet ouvrage ; mais nous ne l’avons plus, et nous n’en pouvons juger ; nous savons seulement qu’il était écrit en grec. […] On dira peut-être que ce sont là plutôt des vertus d’un cénobite que d’un prince ; on se trompe ; on ne pense point assez combien, dans celui qui gouverne, cette vie austère retranche de passions, de besoins, combien elle ajoute au temps, combien elle laisse au peuple, combien elle diminue les moyens de corruption et de faiblesse, combien, par l’habitude de se vaincre, elle élève l’âme. […] Deux fois il crut voir celui de l’empire : l’une en songe et dans les Gaules, lorsqu’il délibérait s’il accepterait le trône ; l’autre dans la Perse, et peu de temps avant sa mort, lorsque, pendant la nuit, il méditait sous sa tente. […] Ce serait être également lâche, et de vouloir mourir quand il faut vivre, et de regretter la vie quand il est temps de mourir. » 57.
Le rythme du vers est indépendant de la phrase grammaticale ; il place ses temps forts sur des sons et non sur des sens. […] Où est le temps où Gerbert était élu pape parce qu’il était le plus grand génie de l’Europe ? […] L’homme le plus hautement religieux de notre temps, Tolstoï, est hérétique à toutes les confessions. […] En ces temps derniers on abusa un peu de cette poésie subjective. […] reviendras-tu tous les ans, Oiseau bleu, couleur du temps ?
faites vos preuves dans un livre, on vous lira si on a le temps. […] Il insulte même son père dans un temps où rien n’égale la puissance paternelle. […] Puis, quand il eut fait son temps : — Comment va le lord Protecteur ? […] c’est pour si peu de temps ! […] On prenait son temps, on choisissait son heure et l’heure du roi.
La collection riche et complète qu’il avait su rassembler des poëtes de cette époque et de la suivante, dans un temps où la plupart étaient à peine connus de nom par les littérateurs même instruits, fournissait une base essentielle à une histoire de la poésie, et était déjà une partie de cette étude. […] A l’article d’Olivier de Magny, il n’a garde d’oublier le singulier Sonnet Dialogue entre le nocher Caron et l’amant, sonnet qui dans le temps eut une telle vogue, et fut mis en musique à l’envi par Orlande, Lejeune et d’autres célèbres compositeurs3. […] Le lien qui unit la forme lyrique de notre temps à celle du XVIe siècle, et moyennant lequel le style poétique de plus d’un de nos contemporains s’apparente réellement à celui de Regnier et des vieux maîtres, a été suffisamment indiqué et démontré en mainte occasion.
Comme on s’écarte d’un point de vue pour le contempler, le moi s’écarte de soi-même, et, s’avançant sur la ligne du temps, il ne saisit dans le passé qu’une image dont la conscience a conservé le reflet, une image qu’une mémoire plus ou moins fidèle présente à sa vue, plus ou moins déformée, privée de vie toujours. […] Il faut donc de toute nécessité qu’il se conçoive autre qu’il n’est : lui, l’unique, le voici dispersé sur la ligne du temps en mille représentations diverses, et ces représentations n’existent que pour un sujet qui, lui-même, se modifie insensiblement et sans cesse, c’est-à-dire pour des sujets multiples, entre lesquels n’existe qu’une présomption d’identité que la fiction conventionnelle d’une unité. […] Par le sortilège de ce geste métaphysique la diversité des choses apparaît dans le décor de l’espace et du temps parmi les intrigues complexes de la causalité.
Malgré son premier nom, on ne sçait pas au juste le temps ni le lieu de sa naissance. […] Le pauvre Homère se trouva la victime de cette rapacité honteuse des gens de lettres de son temps. […] L’un & l’autre firent quelque temps l’entretien de la Grèce.
Dieu est la loi éternelle ; son origine et tout ce qui tient à son culte doit se perdre dans la nuit des temps. […] On se trouvait tout à coup reporté à ces temps où les cénobites, après avoir médité dans les bois de leurs monastères, se venaient prosterner à l’autel, et chanter les louanges du Seigneur, dans le calme et le silence de la nuit. […] Plus ces temps étaient éloignés de nous, plus ils nous paraissaient magiques, plus ils nous remplissaient de ces pensées qui finissent toujours par une réflexion sur le néant de l’homme, et la rapidité de la vie.
. — Retour de l’âge divin D’après les rapports innombrables que nous avons indiqués dans cet ouvrage entre les temps barbares de l’antiquité et ceux du moyen âge, on a pu sans peine en remarquer la merveilleuse correspondance, et saisir les lois qui régissent les sociétés, lorsque sortant de leurs ruines elles recommencent une vie nouvelle. Néanmoins nous consacrerons à ce sujet un livre particulier, afin d’éclairer les temps de la barbarie moderne, qui étaient restés plus obscurs que ceux de la barbarie antique, appelés eux-mêmes obscurs par le docte Varron dans sa division des temps.
Les choses invisibles elles-mêmes participent à cette loi : ainsi Dieu, l’infini, le temps. […] Entre les deux derniers sens, l’équivoque est fréquente aujourd’hui encore ; entre les deux premiers elle a dû exister en son temps, de même qu’au temps d’Homère le sens des mots […] et […]42 restait indécis entre l’acception biologique et l’acception psychologique274. […] Ce privilège a deux raisons : d’abord, la production matérielle du mot en fait de temps à autre un état fort et le ravive comme état faible [§ 7, fin] ; ensuite, l’attention se porte de préférence sur la série des mots intérieurs [ch. […] Ainsi le temps, qui respecte les mots, use peu à peu leurs significations. […] « au temps d’Homère le sens des mots phrèn et thumos restait indécis entre l’acception biologique et l’acception psychologique » : de fait, il n’y a pas de différence dans le vocabulaire entre physiologie et psychologie.
. — Cette opération est distincte de la sensation et exige un certain intervalle de temps pour s’accomplir. — Expériences des physiologistes. […] … Le soir, elle pria son frère de lui montrer sa montre… et la regarda un temps considérable en la tenant près de son œil. […] Qu’on lui donne un peu de temps, il renaît en partie. Qu’on lui donne un temps suffisant, il renaît tout entier. […] Sans doute, pour percevoir un objet nouveau, il leur faut plus de temps qu’à nous, puisqu’ils sont obligés de l’explorer en détail par le toucher.
Tableau des influences réciproques des temps et des nations sur les poètes, et des poètes sur les nations et sur les temps. […] Vous rapprocherez avec une pareille justesse les pensées générales du temps où vivait Lucain, des fruits de son imagination épique. […] Est-ce durant le règne de la Régence qu’il crut nécessaire de chercher en des temps reculés le tableau des mauvaises mœurs ? […] … Lui fera-t-on un crime d’avoir déploré ces temps malheureux où le meurtre, l’inceste et l’adultère souillèrent le trône pontifical ? […] Ce n’est pas du temps perdu que la citer en modèle à tous les poètes jaloux d’une estime inaltérable.
Il n’aura pas le temps de se sauver, que le Français se souviendra qu’il a son fusil ! […] Il ouvrit les yeux juste à temps, pour voir Forestier fermer les siens comme deux lumières qui s’éteignent. […] Cette belle fille qui sait que la jeunesse n’a qu’un temps, en use du mieux qu’elle peut. […] Mais un accident lui a fait manquer l’heure ; il rentre dans la nuit pour passer le temps d’attendre un autre train. […] Messieurs les officiers n’ont rien à faire en temps de paix, ils chassent sur le terrain d’autrui.
Un temps splendide. […] Les temps seraient plus favorables à l’épopée. […] Et c’est, dit-il, afin de gagner du temps. […] Du temps s’écoula. […] La longueur du temps, c’est tout l’enfance.
Note J’ai peu à ajouter à ces articles au point de vue littéraire, et toute la gamme des sentiments du critique, depuis l’enthousiasme premier jusqu’au temps d’arrêt et à la résistance finale, vient d’être, ce me semble, parcourue et comme épuisée. […] J’aurais voulu, par exemple, un La Mennais devenu catholique et libéral, comme au lendemain de l’Avenir, mais ayant la force de demeurer tel sous le coup même des encycliques et malgré l’appel et l’attrait de la démocratie : je l’aurais désiré s’enfermant pendant quelque temps dans un religieux silence, et n’en sortant depuis qu’à de rares intervalles par des écrits de réflexion et d’éloquence où il aurait tout concilié, tout maintenu du moins, où il n’aurait rien sacrifié, où il serait resté opiniâtrément le prêtre de la tradition antique et des espérances nouvelles : en s’attachant à un tel rôle bien difficile sans doute, mais si fait pour imposer à tous le respect et l’estime, il aurait fini, sans la chercher, par retrouver son heure d’action et d’influence, et il n’aurait pas eu à l’acheter au prix de la considération. […] Même dans le discours de réception de Lamartine à l’Académie, en 1830, on trouve un grand parallèle établi entre la poésie et l’action, entre la vie du littérateur en temps régulier et cette même existence dans les siècles d’orage, en « ces époques funestes au monde, glorieuses pour l’individu. » Dans les temps calmes, chacun est classé, chacun suit sa voie ; avec plus ou moins de distinction, selon nos forces ou nos faiblesses, « nous arrivons au terme. Si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots, et voilà la page de notre vie dans un siècle. » Dans les temps d’orage, au contraire, « dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté, dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit,… tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes… Tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe, parce qu’il porte l’autre ; nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ; il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le Conseil, des hymnes pour les triomphes… On cherche un homme !
Pour mieux faire apprécier ces temps et leur historien, nous voudrions, d’après lui et sous l’impression qu’il nous a laissée, donner une esquisse de son magnifique tableau. […] Les Girondins, rappelés aussi peu de temps après les soixante-treize, ne restèrent pas toujours fidèles à l’engagement solennel et touchant que Chénier prenait pour eux en votant leur retour : « Non, non, Condorcet, Rabaut-Saint Étienne, Vergniaud, Camille Desmoulins, ne veulent pas d’holocaustes, et ce n’est point par des hécatombes qu’on apaisera leurs mânes. » Mais l’oubli des torts est moins facile que celui des services. […] A l’instant où il allait recevoir le coup fatal, on s’aperçut que le couteau n’avait pas été remonté ; il fallut disposer l’instrument : il employa ce temps à proférer encore quelques paroles ; il assurait que « nul ne mourait plus dévoué à son pays, plus attaché à son bonheur et à sa liberté. »Depuis le désastre de prairial, le jacobinisme perdit le rang de parti, et retomba à l’état de secte, jusqu’à l’affaire de Gracchus Babeuf, où il acheva de se dissoudre. […] Si, dans l’enivrement de l’âge et du patriotisme, leur imagination s’exagéra les périls et se méprit sur les remèdes, le temps et l’expérience auraient fini par tempérer cette fougue généreuse, et la Révolution eût conservé en eux des vertus civiques d’autant plus utiles qu’elles allaient devenir plus rares, et qu’on touchait à une époque de tiédeur et de corruption. […] Mais ils appartenaient à un parti extrême, et un tel parti n’a jamais deux règnes dans une même Révolution : une fois tombé, il ne se relève pas ; il est maudit ; et ceux qui meurent à son service, fussent-ils dignes de regrets, ne peuvent espérer pour eux pitié et réparation qu’après un long temps et auprès de la postérité.
sinon qu’il élimine le lyrisme au profit de l’éloquence, qu’il donne à la raison la préférence sur le sentiment, et qu’enfin il est d’un temps où le moi commence à paraître haïssable. […] Avant toute chose, il est de son temps ; et c’est pour cela qu’il réussit. […] On peut trouver sa forme étriquée, ses rythmes monotones et simples : songeons que la liberté antérieure était indétermination, confusion : il a réglé la cadence de la poésie comme il était possible en son temps, et il fallait passer par la simplicité classique pour arriver à la complexité plus riche de l’harmonie romantique. […] Mais s’il satisfaisait par tant de côtés l’esprit de son temps, il l’enrichissait aussi, et, par un juste instinct de la grande poésie, il imposait au rationalisme le respect de la forme d’art, que celui-ci n’aurait eu que trop de pente à méconnaître. […] Or, au temps même où il travaillait ses strophes éloquentes, un des plus négligents faiseurs de vers qu’il y ait eu, un des plus grossiers adeptes de la théorie du naturel facile, un barbouilleur qu’on ose à peine nommer un écrivain, et qui, dans les rares moments où les doctrines littéraires le préoccupaient, ne jurait que par Ronsard ; Alexandre Hardy, fournissait à l’esprit classique cette forme nécessaire que Malherbe ne savait pas découvrir, et fondait la tragédie.
C’est un mauvais tableau, qui sent le bon temps et la bonne école ; c’est d’un mauvais artiste qui en a connu de meilleurs que lui. […] J’ai bien changé d’avis depuis ce temps-là ; l’oreille de notre ami D’Alembert est restée la même. […] Mon ami, le beau texte, s’il m’était venu plus tôt ou que j’eusse eu le temps de m’extasier ; mais j’écris à la hâte, j’écris au milieu d’un troupeau d’importuns, ils me troublent, ils m’empêchent de voir et de sentir ; ils s’impatientent et moi aussi. […] Au pied d’un trône, un temps les ailes arrachées, la faux brisée et chargé de chaînes ; sur le dos de ce temps, une table d’airain où on lit : amor invenit, veritas sculpsit. et puis des femmes, des génies d’arts qui parent de fleurs un autel, y jettent de l’encens, une Renommée qui prend son vol, un tapage à étourdir, une allégorie enragée à faire devenir fous les sphynxs et les Oedipes avec son noir et son jaunâtre.
Les ascètes et les Saintes, les Saintes, comme sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse, dont nous avons tant de prières touchantes de foi ou sublimes, ne les publiaient pas, de leur vivant, avec des approbations enthousiastes des Alexandre Dumas de leur temps ! […] Lord Byron, qui a cravaché les bas-bleus dans une comédie de leur nom, prétendait que sa femme, qui était un bas-bleu, savait les mathématiques… Mais de ces temps-là à ces temps-ci, la tendance des femmes vers le bas-bleuisme, ce ridicule transcendant de l’histoire des mœurs contemporaines, s’est généralisée et précisée d’une façon si effroyable, qu’on ne trouvera bientôt plus de femmes en France, on n’y trouvera que des bacheliers. […] Mais le bas-bleuisme a marché, comme tout marche dans ce temps à bottes de sept lieues. […] Sur un être ardent et surchauffé qui, dans tout son livre, ne sait gouverner ni son cœur ni sa main, le culte de la Vierge Marie doit être de la plus grande puissance, non pas en vertu des augustes et surnaturels attributs de la Mère de Dieu, mais en vertu de son sexe même… Les impies de ce temps d’impiété opposent depuis quelques années au Christianisme ce qu’ils appellent le « Marianisme ».
Dans quelque temps que ce pût être, cette grande figure historique, enfoncée et comme perdue en des chroniques qu’on ne lit plus, mais entrevue d’abord et finalement déterrée, aurait passionné de sa beauté singulière toute imagination qui serait restée poétique sous les formes sévères et sobres de l’histoire et de l’érudition. […] Et ce n’est pas non plus au temps qui passe qu’il l’a donnée, car pareille histoire restera. […] Les prêtres concubinaires voulaient le mariage, et Grégoire, en s’opposant à cette ambition sacrilège, « en s’attaquant à un ordre de choses que le temps avait affermi, n’entreprenait pas moins — dit Renée — que de briser les mœurs et la vie habituelle de plusieurs millions d’hommes ». […] Tous les intérêts du temps, l’avenir des institutions chrétiennes, remplissaient sa vaste pensée. […] On peut admirer Grégoire sans accepter sa doctrine ; ses idées convenaient à son temps, car, en fait de gouvernement et de société, elles valaient mieux que les pratiques grossières d’un monde barbare.
Nous avons bien des histoires de France, dues à des plumes de notre temps plus ou moins habiles, et dans lesquelles le xviiie siècle est traversé et jugé, en passant, comme les autres siècles qui forment la longue vie de la monarchie et de la société françaises. […] Il faut être juste : la philosophie, qui se moque des hypocrites religieux et qui a les siens, les révolutions, qui ont détruit les grandes fortunes et rendu la vie si exiguë, ne devaient-elles pas arriver à ce résultat de nous pousser l’imagination, de toute la force de l’ennui enragé qu’elles ont créé pour les peuples modernes, vers le temps passé des grandes existences et des plaisirs largement conçus et splendidement réalisés ? […] Alors, au lieu de quinze années, nous en aurions peut-être cinquante, mais il resterait toujours à écrire cette histoire dont Moret signale l’absence, cette œuvre, une et vaste, dont le Temps lui-même a tracé le cadre avec des dates et des événements. […] comme nous avons tous vécu plus ou moins intimement depuis notre enfance avec les grands hommes de ce temps, le mieux connu de tous parce qu’il est le plus glorieux de nos Annales ; comme jamais époque ne produisit plus de ces Mémoires personnels qui sont les fruits des civilisations avancées, nous avons peine à reconnaître, malgré la fidélité des portraits, dans cette clarté sagement distribuée de l’histoire, les hommes que nous avons contemplés sous une lumière ardente et rapprochée, à travers cette lentille de cristal brûlant des Mémoires. […] Sous Louis XIV, les questions politiques étaient encore doublées de questions religieuses, et les écrivains d’un temps sans religion comme l’est le nôtre l’oublient trop.
Marier sa fille et la marier bien, l’élever, de longue main, en vue de ce grand fait du mariage qu’il croit la destinée la plus sublime de la femme, ce notable embarras qui a tant fait gauloiser l’esprit français, cette vieille difficulté que les moralistes de l’ancien temps, les moralistes anti-rêveurs, croyaient éternelle, — comme, du reste, ici-bas, toutes les manières d’être heureux, — Alexandre Weill a cru qu’il pourrait, en s’y prenant bien, la diminuer, ou complètement s’en rendre maître. […] II Ce livre qui, malgré le déboutonné de son titre, était un livre très difficile à faire, car c’est le catéchisme des filles à marier, commence, non par Dieu, comme le catéchisme ordinaire de Nos Seigneurs les Évêques, mais par l’homme et la femme, lesquels sont, du reste, les dieux de ce temps humaniste et laquais, qui porte la livrée d’Hegel sur toutes les coutures. […] Josse, passe tout le temps de son livre à faire reluire la beauté de cette vertu aux yeux de sa fille, comme celle d’un bijou dont il voudrait lui faire envie, et il a raison ! […] Alexandre Weill rejette avec beaucoup de mépris, et je l’en estime, la morale folle ou perverse des romans du temps, qui prêchent philosophiquement ou poétisent l’adultère ; mais il croit — Weill, que nous appellerons désormais Candide et non plus Alexandre ! […] L’étiquette à mettre sur la philosophie ou les philosophies de Weill m’est bien indifférente, mais ce qui me cause presque de l’horreur dans ce livre dont je me promettais tant de joie, c’est la radicale impiété que j’y trouve, malgré l’âme honnête que j’y sens ; c’est enfin l’extinction, et l’extinction la plus complète, du sentiment chrétien, — de ce sentiment par lequel Weill, l’ingrat, est encore tout ce qu’il est quand il a raison contre l’immoralité de ce temps !
Insupportable, si elle l’est, en effet, cette ubiquité, elle n’est plus divine, et Gœthe, réputé l’Olympien, Gœthe divinisé par l’admiration universelle, n’est plus le Dieu, comme on l’a fait, de la philosophie et de la poésie de ces derniers temps. […] Publiée immédiatement après nos défaites, l’étude sur Gœthe fut regardée par les journaux allemands de ce temps-là comme une vengeance tardive de vaincu ; mais les opinions qui y étaient exprimées n’étaient pas de la veille à l’état fixe dans la tête de l’auteur, et pas n’était besoin de la guerre pour les en faire sortir. […] Il avait acheté la sienne — et c’est toujours plus qu’elle ne vaut — avec du temps, des efforts, des dangers, des misères. […] Il est vrai que l’empereur Napoléon, pendant quelque temps, lui fit un peu tort dans la renommée… Le fameux coup de pistolet de Werther fut légèrement couvert par les tonnerres de l’Empire, qui empêchaient d’entendre autre chose qu’eux. […] , qui égara l’esprit français — si clair même quand il est profond — dans la brume épaisse de ces systèmes où l’on voit tout ce qu’on veut y voir, comme dans la musique et les nuages… De son côté, le Romantisme, en train d’accomplir, vers ce temps, la révolution dont nous sommes sortis, accepta, dans l’ébriété de sa jeune vie, — car il était la vie alors !
Il s’est livré au Minotaure du temps. […] Où est le temps où il écrivait sa Profession de foi du xixe siècle ? Au moins il y avait là une idée, sinon un système, un essai de philosophie, malheureux, j’en conviens, défaillant, impossible à organiser, mais qui montrait dans les tendances de son auteur des besoins de zénith et d’horizon que sa pensée, ramenée sur la terre par la politique au jour le jour, ne connaît plus… Pelletan était jeune encore dans ce temps-là ; plein d’un enthousiasme, qui avait l’excuse de son inexpérience, pour des idées qui lui paraissaient généreuses. […] Il n’a pas faibli, il n’a pas trébuché, il n’a pas tremblé dans le chancellement universel de l’Europe de son temps. […] Pelletan n’a jamais été plus fort que la sienne ; il est plus que jamais entraîné par elle, comme tant d’esprits de ce temps de démence chez qui l’imagination, cette singesse de l’intelligence, comme disait Schiller, tord si souvent le cou à la raison.
… Voilà ce que nous nous demandions en lisant ces deux gros volumes d’Alexis de Tocqueville (qui, nous annonçait-on, devaient être suivis, dans un temps donné, de plusieurs autres), publiés sous le vieux nom éternel d’Œuvres et Correspondances inédites. […] Aucun des hommes de ce temps à qui le succès fut facile, n’en eut un plus rapide et plus grand que le sien. […] En très peu de temps, Tocqueville arriva à tout. […] Ou le vit à la Constituante et quelque temps après au ministère… Puis, quand, plus tard, il retomba dans la vie privée, il repartit d’un second livre, qui eut un succès moins éclatant que le premier, mais très retentissant encore. […] Ainsi, avec deux livres, avec ce mince bagage de deux livres, dans un temps où l’abondance de la production intellectuelle semble avoir passé dans les mœurs littéraires, Tocqueville était presque arrivé à la hauteur de considération qu’on ne doit vraiment qu’au génie et à une tranquillité de possession dans l’influence que le génie n’a pas toujours.
Dans un pays et dans un temps où, depuis deux siècles, nul grand système n’a eu la force de se produire, et où ce qui reste de mouvement philosophique ne s’exprime plus que par de chétives monographies ou par des histoires de la Philosophie qui sont des signes de mort, car ces histoires sont les cimetières des philosophies et on n’enterre pas les vivants, les grandes polémiques ne peuvent plus exister. […] Il n’est point pédant comme les philosophes qu’il combat, et dont quelquefois il se moque avec une bonhomie meurtrière… Du fond de sa province, où il est peut-être resté toute sa vie, — comme Rocaché, le grand médecin des Landes, cet immense praticien, plus haut que la fortune et que la gloire, inconnu à Paris, mais regardé comme un dieu de Bordeaux à Barcelone, où il régna cinquante ans sur la santé et sur la maladie, — le Dr Athanase Renard, dont j’ignore la valeur comme médecin, apparaît dans son livre comme un robuste penseur solitaire, et ce qui étonne davantage, comme un homme de la compétence la plus éclairée sur toutes les questions d’enseignement, de méthodes et de classifications de ce temps, et comme s’il avait vécu dans le milieu philosophique où ces questions s’agitent le plus… Par ce côté, il ressemble encore à Saint-Bonnet, le grand esprit métaphysique dont le rayonnement finira un jour par tout percer, et qui aussi vivait au loin de ce que les flatteurs ou les fats de Paris appellent insolemment la Ville-lumière. […] Le Dr Athanase Renard n’est point un théologien comme Saint-Bonnet, dont la philosophie s’appuie sur une théodicée, et à qui les imbéciles de ce temps athée sont bien capables de reprocher sa théologie ! Il a, lui, la science moderne, la science dont le moindre grimaud est fier, la science qui fait tous les genres de cuisine, à cette heure, dans l’affreux baquet des sorcières de Macbeth, qui est l’état intellectuel de ce temps ! […] Quoique sans génie, sans talent, sans esprit, sans homme d’intelligence première, elles s’emparent de l’esprit moderne avec un effroyable ascendant, et elles rencontrent précisément dans le « sens commun » d’un temps matérialisé de mœurs par une corruption de deux siècles, le plus redoutable auxiliaire.
En ce temps-là, les études historiques et biographiques n’avaient pas le degré d’importance et de profondeur qu’elles ont acquis depuis cette époque, et que, grâce à Dieu ! […] Goethe peut-être, dans ces derniers temps, eut un bonheur qui rappelle celui de Bossuet par l’éclat soudain et par la constance. […] Là, enfin il s’enveloppa dans sa fonction de simple chanoine, vivant entre sa maison studieuse et sa cathédrale, embrassant tous les soirs sa sœur et la quittant pour s’en aller à matines ; et cette vie régulière et cachée, racontée pour la première fois par Floquet, cette vie devenue de l’inconnu par l’éloignement et par le temps, cette pénombre au fond de la gloire, cette brune draperie tirée contre le jour, qui tombe toujours plus fort par la fenêtre de cette cellule, tout cela nous prend au cœur et nous fait entrevoir un Bossuet inattendu et touchant. […] Enfin, il se faisait lentement ce Bossuet dont un moine de ces derniers temps a pu dire, pour montrer qu’il avait aussi bien en lui la douceur résignée, le sentiment de l’immolation, — toute la mélancolie chrétienne qu’on lui refuse, — que la force qu’on ne lui nie pas : « Il avait la main droite sur le lion de Juda, et la gauche sur l’Agneau immolé avant tous les siècles. » Mot le plus plein et le plus résumant qui ait été dit sur Bossuet ! […] Ni les controverses du temps de Bossuet, mortes maintenant, ni les conversions dues à sa parole et qu’on a oubliées parce que tout le monde n’est pas Turenne, ni les commissions apostoliques dont il fut chargé pour la réformation des monastères, ni les fondations auxquelles il prit part, ces travaux immenses ne pouvaient être rejetés sur le second plan quand il s’agissait de Bossuet.
Claude écrivait avec pureté, et composa l’histoire de son temps. […] Les panégyriques, d’ailleurs, étaient l’esprit de ce temps-là, comme les satires et les chansons ont été en usage chez d’autres peuples. […] On s’étonnera moins de la bizarrerie de cette idée, quand on saura qu’Homère jouait un très grand rôle dans tous les discours de ce temps-là. […] Mais le choix est dangereux : la méchanceté adroite sait tromper ; et de tous les maux qu’elle fait, le plus funeste c’est qu’elle prend le masque des vertus, et abuse ainsi ou l’ignorance qui ne voit pas, ou la précipitation qui ne se donne pas le temps de voir. […] Faibles et lâches envers leurs bienfaiteurs, ces mêmes hommes sont fiers et ardents avec leurs ennemis ; leur reconnaissance est glacée, leur haine est implacable. » Par le peu que j’ai cité, il est facile de connaître le ton et le mérite de Julien, dans ses éloges ; on doit les estimer par certaines vérités de détail, et des idées philosophiques qui sont de tous les pays et de tous les temps : mais il faut en convenir, le fond intéresse peu.
répond-il, de mon temps j’étais un chanteur, c’est vrai, mais les miroirs aujourd’hui sont brisés ! […] Donnez le temps que l’on rêve, le temps qu’à tout le moins ils rêvent le bonheur ! […] Raymond l’agrée, fait venir Mireille ; mais Mireille demande du temps, pleure et se sauve. […] Le temps était serein et calme et resplendissant d’étoiles. […] Silence tout à l’entour, et sommeil, et repos dans la lande embaumée ; le temps était serein et calme et resplendissant d’étoiles.
C’est là que tu t’assoiras pour y rester tout le temps que nous mettrons à gagner la cité et à arriver au palais de mon père. […] mon cher ami, dévoré du temps comme vous êtes, et préoccupé jusqu’à la mort de vos soucis, il vous reste encore de ce temps assez pour venir consoler un misérable, et assez de ces soucis pour en donner aux autres ? […] — Donnez-moi cela, lui dis-je, et ne le publiez jamais ; les poètes aussi doivent jeter leur manteau sur les nudités de leur temps. […] Je me souviens du temps où l’on me demandait : Qu’est-ce donc que Xavier de Maistre qui a écrit le Lépreux ou le Voyage autour de ma chambre ? […] On lui représenta qu’il était à craindre qu’arrivé à l’âge où tout se calme, ces bains amers ne lui donnassent des secousses qu’il convient d’éviter, quand la nature elle-même se traite par la résignation et par le temps.
Le ton de moraliste eût été déplacé dans de pareils ouvrages ; &, s’il y paroît quelquefois, ce n’est que pour peu de temps. […] Elle le représente triomphant de la mort, du temps & de l’envie. […] Le père enchanté lui mit entre les mains des grammaires, & elle y fit, en très-peu de temps, des progrès singuliers. […] Ce sont les traditions fabuleuses de leur temps que les deux poëtes ont mises en œuvre. […] Un poëte n’est pas historien : l’ordre des temps & des lieux ne le regarde qu’à un certain point.
dans un temps où la décadence intellectuelle et morale marche en sens inverse du progrès matériel et industriel ? […] Oui, nos temps, qui nous semblent vieux, sont jeunes. […] Ces siècles ont épuisé pour un temps ses forces. […] J’avais lu aussi ses mémoires, qui venaient d’être publiés par la comtesse d’Albany, peu de temps après la mort de son ami. […] Elle avait vécu quelque temps dans un couvent de Rome, sous la protection du souverain pontife et du cardinal d’York.
Il me semble que je me juge bien en convenant, avec une juste modestie, que je ne fus pas un grand poète, mais en croyant, peut-être avec trop d’orgueil, que dans d’autres circonstances et dans d’autres temps j’aurais pu l’être. […] Cette rivière s’appelle l’Albarine ; elle écumait déjà ainsi du temps des Romains, qui lui ont donné ce nom emprunté à la blancheur de cette écume. […] Le maître sourit et reprit : « La nature a ses temps de solennité, pour lesquels elle convoque des musiciens des différentes régions du globe. […] L’oiseau qui a perdu ses petits chante encore ; c’est encore l’air du temps du bonheur qu’il redit, car il n’en sait qu’un ; mais, par un coup de son art, le musicien n’a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur. […] Dieu nous donna, dans ce petit tableau, une idée des grâces dont il a paré la nature…… » XXV L’heure sonna trop prompte à la lugubre horloge de la chapelle : nous aurions voulu que le temps n’eût plus d’heures ; le grand peintre d’impressions et le grand musicien de phrases nous avait enlevé le sentiment du temps écoulé.
On a essayé plus d’une fois de refuser et de ravir à Louis XIV son genre d’influence utile et d’ascendant propice sur ce qu’on a appelé son siècle : depuis quelque temps, on semblait cependant revenu de cette contestation injuste et exclusive, lorsqu’un grand écrivain de nos jours, M. […] Louis XIV eut de tout temps la parole la plus juste, de même qu’il avait, dit-on, la rectitude et la symétrie dans le coup d’œil. […] À la honte du temps, le nombre des admirateurs de Bourdaloue dépassa en peu de temps celui des enthousiastes de Bossuet. […] À l’honneur et non à la honte du temps, le goût et le sentiment public se rendirent compte de la différence. […] Je fus quelque temps à penser à qui je ferais avoir sa charge… » C’est ainsi que s’exprime un roi.
On m’a fait l’honneur de me dire que c’était moi-même qui, dans le temps, avais le premier attaché le grelot. […] » Celle des Gueux est de ce temps-là, et bien d’autres d’une veine très-naturelle, et plus ou moins libres, plus ou moins honnêtes, quelques-unes déjà de sensibles. […] Sa philosophie diffère peu de celle de Montaigne, de ce Michel dont l’Éloge en ce temps-là était mis au concours par l’Académie, et que, lui, sans tant de façons, il lisait et relisait sans cesse : « Il ne m’eût fallu peut-être que sa fortune pour le valoir de tout point, génie à part cependant. […] L’âme publique du poëte n’est pas éveillée encore ; il lui fallut quelque temps pour s’orienter. […] Béranger l’arrête à temps, lui prêche la patience ; il en avait le droit, car il pouvait lui dire ce qu’il redira à d’autres : « A quarante-deux ans, je n’avais pas de feu dans mon taudis, même au plus fort de l’hiver.
L’auteur, Arnoul Gresban, était un notable bachelier en théologie, chanoine de l’église du Mans, du temps de Louis XI. […] les temps annoncés, et dont les signes ont été prédits, seraient-ils venus ? […] , sa mission sur la terre et déclare que, pour lui, le temps d’agir, de sauver et de régénérer le monde, est venu. […] C’était une grande lanterne magique au naturel, l’amusement des hommes de ce temps-là, c’est-à-dire de grands enfants. Cela semble fait pour des gens qui ne restent pas jusque la fin, qui n’en auront pas le temps, pour des artisans et des gens de métier.
Il avait charge de convertir les gens bon gré, mal-gré, et de justifier ce mot du roi répondant à M. de Croissy qui le proposait vers ce temps pour l’ambassade de Constantinople : « Il sera plus utile à mon service, dans la conjoncture des affaires de la religion, en France qu’à Constantinople. » II. […] Le Béarnais a l’esprit léger, et l’on peut dire qu’avec la même ; facilité, que la reine Jeanne les avait pervertis, ils sont revenus à la religion, de leurs pères. » Il y a des assemblées de gentilshommes, des villes entières qui demandent le temps de la réflexion, un répit d’une quinzaine, d’une huitaine de jours ; Foucault le leur refuse et les fait capituler à heure dite, montre en main : « La ville d’Orthez a été la dernière à se convertir. […] Ce terme expiré, ils me demandèrent encore huit jours pour donner le temps à leur courrier d’arriver. […] L’Édit de Révocation venait enfin d’être lancé (octobre 1685), et c’était le thème sur lequel Foucault prêchait à ces gentilshommes d’un ton impératif la plus absolue doctrine de religion politique et administrative, cette grande erreur du temps et de plus d’un temps. […] Il avait vendu tout cela avant sa mort à différentes personnes, parce qu’il a été mécontent de son fils qui a été obligé de se retirer en Espagne pour une impertinence faite chez Mme la duchesse de Berry… Le Père a toujours été mal depuis ce temps là et s’est défait de toutes ses curiosités.
Lamennais, le fougueux, le personnel, l’obstiné, celui qui croyait que la volonté de l’individu suffît à tout, ne pouvait s’empêcher à certain jour d’écrire : « Plus je vais, plus je m’émerveille de voir à quel point les opinions qui ont en nous les plus profondes racines dépendent du temps où nous avons vécu, de la société où nous sommes nés, et de mille circonstances également passagères. […] Vers le même temps, il préparait pour l’Académie française son travail sur Tite-Live qui fut couronné en 1855. […] Il est d’une génération qui n’a pas perdu assez de temps à aller dans le monde, à vaguer çà et là et à écouter. […] Je puis vous assurer que ces endroits, qui ne vous semblent indélicats que par comparaison avec la Princesse de Clèves, paraissaient, de mon temps, à la plupart des lecteurs, tout à fait indélicats en eux-mêmes. […] On n’y réussit d’abord qu’incomplétement, et l’on pourrait citer plus d’une exception heureuse, plus d’un élève distingué qui, par son tour et son ressort d’esprit déjoua le régime mortifiant de ces froides années, — l’israélite Bréal, l’ingénieux mythologue de l’école de Renan ; le protestant George Perrot, savant archéologue et voyageur ; le spirituel voltairien Goumy, et bien d’autres encore. — (Voir à l’Appendice, à la fin du volume, une lettre d’un ancien élève sur l’École normale de ce temps ; j’aime à noter et à recueillir ces témoignages directs.)
C’est alors que Frédéric avertissant à temps le duc des Deux-Ponts, héritier présomptif après l’Électeur palatin, et qui lui-même était près de céder, saisit le beau rôle, l’occasion propice qui s’offrait à lui, de prendre en main la cause des princes lésés, de soutenir les stipulations formelles, les articles du traité de Westphalie, qui réglaient ou confirmaient cette succession de Bavière, et de faire respecter les immunités, les libertés et les droits du Corps germanique. […] Jugez combien j’en suis affectée ; l’intérêt de nos deux maisons, mais surtout celui de nos États et de l’Europe même en dépend : qu’on ne se précipite en rien et qu’on tâche de gagner du temps pour éviter l’éclat d’une guerre, qui, une fois commencée, pourra durer et avoir des suites malheureuses pour nous tous. […] Frédéric avait divulgué une correspondance secrète que Joseph II avait entamée avec lui à la veille des hostilités pour gagner du temps, et dans laquelle tous deux, sous forme courtoise, avaient fait assaut d’ironie : « Le roi (de Prusse) se vante de temps en temps d’être très bien avec vos ministres, écrivait Marie-Thérèse à sa fille (17 mai 1778) ; il prétend même leur avoir communiqué la correspondance secrète entre l’empereur et lui. […] On ne trouverait, au contraire, dans les lettres de Frédéric écrites dans le même temps, que des louanges pour la grandeur d’âme et l’humanité de l’impératrice. […] En 1777, ces temps héroïques étaient loin ; Marie-Thérèse, entière par l’esprit et par l’âme, n’était plus la même par l’ardeur et par le caractère.
Il est plus difficile qu’on ne le croirait de saisir tout d’une venue les grands hommes en tout genre : il faut du temps et passer par plus d’un degré pour arriver à les embrasser dans leur ensemble. […] L’avare Carthage, en son temps, n’était pas plus l’ennemie nécessaire de Rome. […] Que n’a-t-il eu le temps de profiter de toutes les lumières répandues aujourd’hui sur cette période historique et qui n’auraient fait qu’apporter de nouvelles forces à ses arguments ! […] Il a su, dans les divers morceaux écrits par lui à des temps différents, éviter l’écueil de la contradiction : entre le morceau du 15 avril 1838 et ses dernières publications de 1857, il y a une harmonie frappante, et ce n’est nullement par fatalisme ou par un excès de logique qu’il est arrivé à ce cachet d’unité, c’est par un esprit d’examen rigoureux et sévère. […] Armand Lefebvre, c’est que l’Empire, passé un certain moment qui remonte même jusqu’au temps du Consulat, ne put jamais fermer son cercle : ce cercle à peine rejoint se rompait et se rouvrait toujours, condamné à s’élargir de plus en plus, et par conséquent de plus en plus sujet à fragilité.
Il était bien avec Mme de Pompadour ; il était au mieux de tout temps avec les frères Paris, ces gros bonnets financiers de l’époque et d’une intelligence qui allait au génie ; le maréchal de Noailles lui avait dans toutes les circonstances témoigné une affection tendre, et il se fit fort de le détacher de l’infante pour le convertir à l’alliance saxonne. […] Et tout d’abord le maréchal crut devoir prendre une précaution d’homme sage et qui se préoccupe à temps des convenances. […] Ce sont mes amis intimes de tous les temps, et ce sont les plus honnêtes gens et les meilleurs citoyens ; ce que sont peu de Français. » Il y a cela, je ne l’efface pas. […] Je me flatte que cette proposition ne déplaira ni à la princesse, ni à Votre Majesté, car, en vérité, monseigneur le Dauphin est un fort bon parti, et je voudrais vivre assez de temps pour voir notre divine princesse reine de France. […] Donnez-nous votre princesse, et je dirai du bien de vous. » Il est tout le temps avec Bruhl comme avec une coquette, sur le pied d’une agacerie et d’une plaisanterie à demi piquante.
Il porta quelque temps l’habit religieux, mais s’en dégoûta vite. […] Ce fut un peu, de tout temps, sa destinée. […] Malouet, explorant le pays, fut fort surpris de rencontrer dans un îlot, au milieu de l’Oyapock, un invalide du temps de Louis xiv, blessé à la bataille de Malplaquet, et qui avait 110 ans en 1777. […] Je signe tout ce qu’on demande à Versailles, et je ne conçois pas qui peut avoir le temps de le lire après moi. […] Ce petit volume de Chabanon, publié par Saint-Ange, paru dans le même temps que les Œuvres de Chamfort, données par Ginguené.
Cependant un petit nombre de nouveaux venus prirent rang avec éclat ; mais, depuis dix ans, ces nouveaux venus eux-mêmes ont eu le temps d’en venir à leurs phases secondes. […] Mais, contradiction singulière, et qui est un des caractères de ce temps ! […] M. de Balzac est né depuis, en effet, malgré les cinquante romans qu’il avait publiés d’abord ; nous voudrions ne pas ajouter qu’il a déjà eu le temps de mourir, malgré les cinquante autres qu’il s’apprête à publier encore. […] Or, depuis ce temps-là, cette malheureuse alcôve est restée entr’ouverte, que dis-je ? […] La critique est la seconde face et le second temps nécessaire de la plupart des esprits.
C’est alors qu’il est bon de se partager, de se faire à temps un goût, une étude durable, ce que j’appellerai un cabinet de curiosités ou un cloître pour la seconde moitié de la vie, la partie de whist ou d’échecs des longues heures paisibles. […] De tout temps et jusque dans le premier entrain de l’imagination, on a pu remarquer sa vocation d’étudier de près les choses, de les bien savoir, de les savoir avec précision seulement. […] Mais il leur faut du temps pour se rhabiller, et la femme du consul attend un instant à la porte des thermes. […] Enfin la guerre éclate ; le meurtre de Drusus, patron des Italiotes à Rome, donne le signal, et le complot, depuis quelque temps tramé, se déchire à nu. […] Le profil lui-même apparaît, l’attitude grandiose se dessine du moins : l’injure des temps et de la fortune est en quelque sorte réparée.
Le caractère romain ne s’est montré tout entier que pendant le temps qu’a duré la république. […] Les moyens par lesquels on acquiert la popularité, occupent entièrement le temps, et n’ont presque point de rapport avec les travaux nécessaires à l’accroissement des lumières. […] C’est par la perfection et non par la variété, par la dignité et non par la chaleur, par la sagesse et non par l’invention, que les écrits de ce temps sont remarquables. […] Plusieurs de leurs discours existaient encore par écrit du temps de Cicéron. […] On dit que la littérature italienne a commencé par la poésie, quoique du temps de Pétrarque il y eût de mauvais prosateurs dont on pourrait objecter les noms, comme on prétend opposer Ennius, Accius et Pacuvius aux grands orateurs, aux philosophes politiques qui consacrent la gloire des premiers siècles de la république romaine.
Il convient d’apprécier d’une manière générale les progrès de cet esprit et de cette langue dans le long espace de temps qui s’est écoulé entre le xiie et le xvie siècle, c’est-à-dire entre l’époque où s’est formée la langue française et celle où elle va devenir la plus grande langue littéraire des temps modernes. […] C’est l’idée même de l’humanité ; c’est l’idée de l’homme, non pas borné à un pays ni à une époque, non d’hier ni d’aujourd’hui, mais occupant tout l’espace et tous les temps. […] A deux conditions qui d’ordinaire s’accomplissent dans le même temps, la connaissance du passé et une expérience assez longue de la vie sociale pour appliquer au présent les enseignements du passé. […] Ils ne connaissent point le passé, ou ils le connaissent encore plus mal que les clercs ; ils pensent dans un lieu et dans un temps, avec une raison qui n’a pas de traditions qui ne sait pas qu’elle est la raison universelle. […] Il en a été du premier effet des idées générales au moyen âge, comme du premier effet des pièces d’artillerie du même temps elles ont tué les premiers qui s’en sont servis.
L’adversité, qui, dans le même temps, menaçait les intérêts politiques du roi, concourut puissamment à arrêter l’essor du poète, devant le changement des mœurs de la haute société. […] Boileau, à dater de 1677, époque de son épître à Racine, jusqu’en 1693, temps où parut la satire des Femmes, ne publia aucun autre écrit que son discours de réception à l’Académie française, en 1684. […] Cette imputation est contraire à tous les documents que nous avons de ce temps-là ; et il importe à l’opinion que j’ai à cœur d’établir, de faire tomber cette erreur. […] Mais les amours finis, elle épargna moins les éloges au grand poète ; elle se livra au charme de ses ouvrages, à mesure que le temps de ces amours s’éloignait. […] Mais qu’est-il nécessaire de tant discourir pour prouver que madame de Sévigné n’était en butte aux traits ni de la comédie, ni de la satire des grands poètes du temps ?
Il serait temps, aujourd’hui que l’expérience a suffisamment parlé, et que les hommes de mérite qui se sont chargés par pur zèle de ces humbles lectures ont assez montré dans quel sens utile et désintéressé ils les conçoivent, que de son côté aussi le public a montré dans quel esprit de bienséance et d’attention il les vient chercher, il serait temps, je crois, de donner à cette forme d’enseignement la consistance, l’ensemble, l’organisation enfin qui peut, seule, en assurer le plein effet et la durée. […] À cette époque si rude de la saison, dans une salle de spectacle non chauffée comme celle du Conservatoire, il serait difficile de prendre une juste idée de ce que sont les réunions en temps ordinaire ; l’auditoire se trouve nécessairement très réduit. Quand le temps est convenable, le nombre des auditeurs va jusqu’à 300 environ ; ce nombre descend, par les soirées rigoureuses, à 80 ou 100 ; on flotte entre ces deux extrêmes. […] La biographie bien comprise et bien maniée est un instrument sûr pour initier à l’histoire des hommes et des temps, même les plus éloignés de nous. […] J’ai vu un temps où nous étions loin de songer à ces choses ; c’était le beau temps des athénées, des cénacles, des réunions littéraires choisies, entre soi, à huis clos.
Pariset, c’est que ce dernier, malgré l’intervalle des temps, peut être considéré véritablement comme son successeur. […] Il dut être plus hardi à l’Athénée, plus circonspect aux bonnes lettres ; les fluctuations se ressentirent des temps et des rivages. […] Mais Pariset avait assurément une faculté rare, à laquelle il n’a manqué que d’être plus contenue à temps pour acquérir toute sa force et tout son ressort. […] Ce n’est pas tant à Pariset que je fais le procès en ce moment qu’au genre académique lui-même, qu’il est temps, surtout dans l’ordre des sciences, de rapprocher de la vérité et de baisser d’un cran. […] L’écueil de tout temps, depuis qu’il y a eu lecture publique d’éloges, a donc été, pour celui qui les prononce, de chercher son succès dans des ornements étrangers et dans des digressions à l’ordre du jour.
On la voit dès lors douée de cette activité méthodique qui ne laisse échapper aucune parcelle du temps sans lui demander tribut, et qui met tout à profit pour l’étude, pour l’acquisition et la superficie d’étendue des connaissances. […] Au château de Genlis, où elle passe une saison, elle trouve le temps de jouer la comédie toujours, de faire de la musique, d’écrire un journal de tout ce qui se voit ou se dit au château, de lire Pascal, Corneille et Mme de Sévigné, de repasser avec un chirurgien de l’endroit son ostéologie (elle savait déjà l’ostéologie), d’apprendre de plus à saigner. […] Mais sa condition ne fut tout à fait complète que lorsque quelque temps après (1781) le duc de Chartres, qui n’était pas moins sous le charme, lui eut conféré les fonctions et le titre de gouverneur de ses fils. […] Voilà pourtant jusqu’où la passion entraînait le critique en titre, l’homme de goût de ce temps-là. […] Ces ouvrages, remarquables par un intérêt facile, de fines observations et des portraits de société, un style coulant et clair, et de justes prescriptions de détail, sont tous plus ou moins gâtés par du romanesque, de la sensiblerie factice, de l’appareil théâtral ; et, sous leur première forme, ils ont fait leur temps.
Ses occupations de professeur lui laissaient le temps de faire chaque année un voyage à Paris, et, après la suppression des écoles centrales, il y vint tout à fait habiter (1803). […] Ainsi Droz fera de tout temps ; il essaie de rapprocher et de concilier tant qu’il peut ; il est plus enclin à saisir les rapports qui unissent les hommes, que les oppositions qui les séparent. […] Droz s’est fait l’objection à lui-même, et il y a répondu en disant : Il est une révolution paisible, lente, mais sûre, que le temps opère, et qui conduit le genre humain vers de meilleures destinées. […] Ce témoignage est d’un homme dont les paroles, considérables de tout temps, ont pris plus d’autorité par sa mort généreuse ; c’est ainsi que M. […] L’idée qui a présidé à son Histoire est celle-ci : il y aurait eu moyen, si un homme éclairé et ferme s’était trouvé investi à temps du pouvoir, de régler la Révolution française, de l’empêcher de dégénérer en violence aveugle et en anarchie, et de la faire arriver au port avant d’avoir traversé et épuisé toutes les tempêtes.
Nous avons eu, à côté de Carrel et de son temps, de très habiles et très distingués journalistes politiques ; nous en avons, nous en avions hier encore, parmi les plus jeunes, de très originaux et de très saillants. […] Il s’est peint lui-même au vrai dans une lettre familière de ce temps, et qu’il écrivait à un de ses plus anciens amis, M. […] Le temps de la politique brutale est passé, avec les défaites de la force brutale qui nous a plus ou moins poussés en 1831 et 1832, et à laquelle nous avons payé tribut par esprit de chevalerie. […] Je ne sais où nous mèneraient de telles idées si nous ne nous livrions nous-mêmes, pendant qu’il en est temps, à la recherche de vérités un peu plus praticables. […] Il est amené, à son corps défendant, à discuter les derniers discours de celui qu’il appelait en d’autre temps le chef sinistre de la Montagne : il y met toutes ses précautions et ses ressources d’analyse ; il cherche pour un moment à ôter à Robespierre sa férocité, pour ne lui laisser que la philanthropie : opération d’alchimie qui, certes, peut aussi s’appeler le grand œuvre.
Je me détourne de ses Contes qu’il entreprit d’abord (1665) pour plaire à la duchesse de Bouillon, une des nièces de Mazarin, et qu’il continua de tout temps pour se complaire à lui-même, et j’en viens aux Fables qui lui avaient été demandées pour Monseigneur le Dauphin. […] Le fond de ses Fables est emprunté de toutes parts ; la vieille littérature française en fournissait en abondance et plus même que La Fontaine de son temps n’en connaissait. […] Nul en son temps n’a plus spirituellement que lui réfuté Descartes et les cartésiens sur l’âme des bêtes, et sur ces prétendues machines que ce philosophe altier ne connaissait pas mieux que l’homme qu’il se flattait d’expliquer aussi. […] On a eu, du temps de d’Urfé, un essai de roman qui rappelle à quelques égards le genre métaphysique et analytique moderne. […] Ma conviction bien paisible, c’est que La Fontaine, comme Molière, n’a rien qu’à gagner du temps ; le bon sens, si profondément mêlé à son talent unique et naïf, lui assure de plus en plus l’avenir.
Il est évident que notre temps n’est pas et ne peut pas être celui des liseurs. […] Presque personne n’a plus le temps de s’enfermer « à l’ombre » pendant plusieurs jours pour lire un livre. […] On n’a pas trop de temps pour se faire une position. « Tu liras quand tu seras vieux, quand tu te seras tiré d’affaire. » Il y a bien quelque bon sens là-dedans. […] Le livre très ancien est franchement d’un autre temps, il a tout son caractère archaïque ; il peut plaire pleinement ainsi ; il peut n’en plaire que davantage. […] De son temps, « esprit critique » signifiait le plus souvent esprit de dénigrement, ou tout au moins esprit de mécontentement.
Le père de Chasles, athée, révolutionnaire et régicide, éleva son fils, si même on peut dire qu’il l’éleva, dans l’atmosphère païenne du temps. […] Sainte-Beuve, auquel je reviens toujours parce que l’opinion de ce temps le préfère injustement à Chasles et le classe plus haut, l’éternelle sotte qu’elle est ! […] Et Chasles se rajeunissait, s’arrangeait, s’adonisait, se peignait, comme Roqueplan, un beau sarcastique de son temps, que sa nièce, digne d’un tel oncle, par piété pour ses élégances défuntes, qu’elle aurait voulues immortelles ! […] Il n’est pas le jugeur haut et ferme, — inconnu, d’ailleurs, à ce temps sans doctrines et sans caractères, — mais il n’est même plus la personnalité étincelante et de libre fantaisie qu’il a été quelquefois. […] Beaucoup d’esprits, en vivant quelque temps en Angleterre, ont contracté quelque chose de l’esprit anglais.
C’est un livre pâle d’un Walter Scott du faubourg Saint-Germain, pays qui n’a ni originalité ni montagnes, mais beaucoup d’élégance et fort peu d’énergie ; c’est enfin de l’histoire de France en vignettes, gracieusement dessinées même quand le sujet de la vignette est terrible, très digne donc en tout de l’album des jeunes filles qui se mariaient, dans ce temps-là, à Saint-Thomas d’Aquin. […] V Grandeur et servitude militaires est, dans l’ordre du temps, la grande œuvre dernière de Vigny. […] Ce sont les miettes d’une vie exquise et malheureuse, dont l’exquisité a couvert le malheur jusqu’au point de faire croire aux plus pénétrants, tout le temps qu’elle dura, que cette vie était heureuse. […] Maintenant que le Beaumanoir s’est démasqué, après son rude combat contre la vie, on n’a retrouvé au fond du masque que la noirceur du désespoir, et c’est là ce qui fera la physionomie d’Alfred de Vigny supérieure à celle de tous les poètes de son temps, qui n’ont pas souffert d’une blessure si haute et si profonde que lui. […] On n’avait pourtant, du temps de Carrel, qu’une partie de l’âme de Vigny, qu’on croyait heureuse et qui ne l’était pas… C’est nous qui l’avons tout entière, complétée et embellie par la douleur… qui embellit toujours les âmes !
Le résultat n’a de valeur que dans le temps ; l’effort vaut pour l’éternité. […] Leur nombre variera selon la dureté des temps. […] Il se demandait, en ce temps-là « Qu’est-ce donc que le mal ? […] Peu de temps après, dans un second essai sur M. […] L’historien du temps présent.
Il est clair que toute idée l’ennuie dès qu’il l’a considérée quelque temps. […] Il n’y a personne dans notre temps qui puisse sentir sans effort cet art d’un tout autre temps. […] Il avait besoin de beaucoup de temps pour voir, et aussi pour comprendre. […] C’était un homme d’un autre temps. […] Votre temps ne veut plus de moi !
Le temps et les communes défaites ont effacé bien des différences. […] Ces messieurs, pendant tout ce temps, furent pour moi d’une bonté extrême. […] Là, j’eus beaucoup plus de temps pour réfléchir. […] Puissé-je voir le jour où ce christianisme prendra une forme capable de satisfaire pleinement tous les besoins de notre temps ! […] Il s’agit ici d’une éducation privée, dont il fut question pour moi durant quelque temps.
Ce temps de cataclysme où elle avait vécu seyait à son caractère ; elle était Romaine plus que Française. […] s’écriait un grand juge des poètes de son temps, que tu es préférable dans ta naïveté à ces raffinements de la pensée, qui ne valent pas à eux tous un cri de la nature ! […] Quelque temps avant la révolution de 1848, elle s’éloigna de Paris au premier murmure de la tempête qui couvait dans les âmes. […] La nation n’eut pas la patience qui fonde et qui laisse s’user les difficultés ; elle ne donna pas le temps aux choses qui ne s’enracinent que par un peu de temps. […] Ceux d’entre eux qui l’ont vue comme moi dans ces derniers temps, étaient frappés du caractère solennel, majestueux et serein qu’avait contracté sa beauté plus mûre.
Les livres qu’on publiait alors sont encore là pour l’attester, ainsi que les réputations bâties sur ce grossier pilotis qui finira par s’écrouler et se fondre au souffle du temps. […] Gustave Doré a la vision de ces temps, qui ont cent coudées dans l’imagination des hommes. […] Doré, qui comprend si bien le côté physique du Moyen Âge et n’a peur d’aucun détail poignant ou immonde des passions naïves de ce temps, n’en comprend pas si bien le côté pur, fermé, intime et religieux. […] Quand il s’agit d’un homme célèbre qui a marqué dans les œuvres de son temps, — et Balzac a fait plus que de marquer dans les œuvres du sien, — les ouvrages de cet homme n’importent pas seuls aux lecteurs. L’homme, le cerveau de l’homme, les développements successifs de ce cerveau, intéressent peut-être encore plus les lecteurs que ses ouvrages, et c’est pourquoi il n’est jamais permis de rien changer à l’ordre chronologique des œuvres d’un homme ; car le temps est l’accoucheur de la pensée !
Il ne se mouche qu’à trois temps, il regarde son ombre. […] On sait que ce fut dans sa compagnie que mourut le régent, & qu’on n’eut pas le temps alors d’appeler un médecin. […] On n’a que le temps d’en voir les titres & les tables. […] Il ne rencontre personne, qu’il n’ouvre son porte-feuille, & qu’il ne leur enleve une demi-heure de son temps. […] D’ailleurs, l’ironie, dans tous les temps, fut un sujet de dérision.
Ils ont toujours été tels, en tous les temps. […] Charles a le temps de devenir mesuré. […] Vous savez, je suis sûr que ce temps viendra. […] Je n’ai pas le temps. […] C’est du style du temps.
Il ne dîne aujourd’hui qu’une vieille habituée, que j’y ai vue, pendant tout le temps du siège. […] Un sentiment de lâcheté, que je ne me suis jamais senti, du temps des Prussiens. […] » Un tragique épisode de ces temps-ci. […] Un signe du temps. […] On lui a répondu qu’on n’en avait pas le temps.
Le Henri IV personnel et anecdotique qu’on s’est attaché à dessiner dans ces derniers temps, le Henri IV tel qu’on s’est plu à le déduire des récits de d’Aubigné, non pas de d’Aubigné dans sa grande Histoire, mais dans ses Mémoires particuliers, tel aussi que Tallemant le faisait entrevoir dans ses commérages irrévérents ; ce Henri IV que M. […] Poirson, soit dans les auteurs originaux qu’il indique) le récit des années qui précédèrent l’entrée de Henri IV dans Paris, on a bien le sentiment des différents temps de la crise et du degré de danger pour la conjuration duquel il fallut un prince aussi vaillant, aussi habile et aussi heureux. […] Poirson prise fort et à laquelle j’ai emprunté beaucoup, celle de Hurault Du Fay, un petit-fils de L’Hôpital, qui fit deux libres et excellents Discours sur les affaires du temps, dont le second se rapporte à l’année 1591. […] De joindre une longue délibération avec un fait pressé, cela lui est malaisé, et c’est pourquoi, au contraire, aux effets de la guerre il est admirable, parce que le faire et le délibérer se rencontrent en un même temps, et qu’à l’un et à l’autre il apporte toute la présence de son jugement ; mais aux conseils qui ont trait de temps, à la vérité il a besoin d’être soulagé… Il a cela néanmoins qui doit fort contenter ses conseillers : c’est qu’encore qu’il n’ait nullement pensé ni été disposé à une affaire, si ses serviteurs, après l’avoir bien ruminée et bien digérée, la lui viennent représenter, il est si prompt à toucher au point et à y remarquer ce qu’on peut y avoir ou trop ou trop peu mis, qu’on jugerait qu’il y était déjà tout préparé. […] Plus d’un laboureur dut se dire comme le vieillard de la comédie grecque, chez cet antique Philémon dont on n’a que des fragments : Les philosophes cherchent, à ce qu’on m’a dit, et ils perdent à cela beaucoup de temps, quel est le souverain bien, et pas un n’a encore trouvé ce que c’est.
Comme ils expriment du moins, même dans les données mythologiques, des sentiments humains et naturels de tous les temps ! […] Et pourtant il est heureux pour Sophocle et Euripide, et pour l’honneur entier de leurs tragédies, que la légende ait régné dans l’antiquité sans partage, et nous ne pouvons savoir toute la gravité de l’échec qu’auraient subi leurs héros si l’on avait retrouvé au temps d’Aristote la correspondance d’Oreste et si l’on avait publié les papiers de Simancas de la famille d’Agamemnon. […] Un ambassadeur vénitien, qui était à la source de tous les bruits dans les Pays-Bas et qui paraît bien informé, écrivait vers ce temps au Sénat de Venise : « Le prince don Carlos est âgé de douze ans. […] Le genre humain s’est pris de tout temps, avec une facilité extrême, à ces espérances prématurées. […] La reine Elisabeth accoucha vers ce temps et lui prouva qu’il y avait à espérer de ce côté une nouvelle tige féconde.
Il fut un temps où, sous prétexte que l’esprit est au premier rang et que la matière ne vient qu’après, bien après, un homme qui lisait dans les livres et qui en faisait avait assez en dédain les artisans, si habiles qu’ils fassent : il se mettait sans façon au premier rang et dans une autre classe, naturellement supérieure. […] J’ai parlé d’observation ; et qui donc, si l’on cherche parmi les noms d’auteurs ceux qui peuvent le plus prétendre en notre temps à ce genre de mérite, qui pourra-t-on citer de préférence à Gavarni ? […] Cette géométrie première, qu’il poussera plus tard jusqu’à la science, lui servit de tout temps à mieux saisir les disproportions et les désaccords ; il eut de bonne heure, comme on dit, le compas dans l’œil. […] On jouait aux maximes autour du fauteuil de Mme de Sablé, dans le même temps que La Rochefoucauld, de son côté, faisait les siennes : on pourrait de même jouer aux légendes, le soir, autour de la table où Gavarni dessine ses figures non encore baptisées, et pendant qu’elles se succèdent de quart d’heure en quart d’heure sous sa plume rapide. […] Il y eut dix années, où, à partir de 1837, il s’empara de la curiosité publique, de la vogue ; et lui et Balzac, ils se mirent à peindre, à silhouetter dans tous les sens la société à tous ses étages, le monde, le demi-monde et toutes les espèces de mondes. ; ils prirent la vie de leur temps, la vie moderne par tous les bouts.
Franceschi, par une charge vigoureuse exécutée à temps, refoula une colonne anglaise qui prenait l’offensive, et fit que la retraite put s’opérer du moins avec plus d’ordre. […] Franceschi, sentant le prix du temps, s’était mis en marche au galop et à toute bride. […] Il y eut un temps où il crut à la délivrance, où il espéra. […] « Les Espagnols, qui se montraient de temps à autre dans notre prison, témoignèrent le désir de voir le général, à ses derniers moments, approcher des sacrements, et comme ils insistaient sur ce point, disant qu’en cas de refus les autres prisonniers pourraient en être plus maltraités, j’en parlai amicalement à notre malade. […] Traditions et Souvenirs, ou Mémoires touchant le temps et la vie du général Auguste Colbert (1703-1809) ; Paris, Didot, rue Jacob, 56. — Trois volumes sont publiés.
Camille Roussel, ce ne sont pendant les premiers temps que recommandations et instances de Ney pour appuyer Jomini et pour se l’attacher régulièrement. […] Depuis 1763, les Prussiens n’ont fait que les tristes campagnes de 1792-1794, ils sont peu aguerris. » — « Oui ; mais ils ont les souvenirs et des généraux expérimentés du temps du grand roi. […] Bernadotte n’avait pas reçu son ordre ; Ney allait-il recevoir à temps le sien ? […] Il faisait un temps affreux ; la neige tombait abondamment jusqu’à voiler le champ de bataille et à faire ressortir les feux des troupes comme des éclairs dans une nuit d’orage. […] Le temps était affreux ; mon cheval s’abattit six fois pendant ce voyage ; j’admire encore comment je pus arriver à Eylau.
De tout temps la littérature industrielle a existé. […] Ce champ, en un mot, a été de tout temps infesté par des bandes ; mais jamais il ne lui arriva d’être envahi, exploité, réclamé à titre de juste possession, par une bande si nombreuse, si disparate, et presque organisée comme nous le voyons aujourd’hui, et avec cette seule devise inscrite au drapeau : Vivre en écrivant ! […] vous ferez des annonces, leur répondait-on. — Les journaux s’élargirent ; l’annonce naquit, modeste encore pendant quelque temps ; mais ce fut l’enfance de Gargantua, et elle passa vite aux prodiges. […] Il en fut ainsi en tout temps : mais, dans une histoire du théâtre depuis dix ans, on suivrait le contre-coup croissant et désordonné de ce mauvais régime littéraire. […] Ce serait une liberté de plus que nous aurions conquise, et semblable à beaucoup d’autres en ce siècle de liberté : Boileau le satirique et le portraitiste La Bruyère auraient eu meilleure condition en leur temps.
Avec lui, elle se disait et se croyait de plus en plus voisine de la nature, et, dans le même temps, elle trouvait moyen de faire un compte de 20, 000 francs chez la marchande de modes de la Reine, Mme Bertin. […] Elle se dit donc qu’il est temps pour elle d’ajouter, de substituer insensiblement un attrait à un autre ; elle veut devenir célèbre par le talent, et elle ne ménage pour cette fin aucun moyen. […] Dans ce même temps, Mme de Krüdner écrivait à une amie plus simple, à Mme Armand, restée en Suisse, et elle lui parlait sur le ton de l’humilité, de la vertu, en faisant déjà intervenir la Providence : « Quel bonheur, mon amie ! […] Un spirituel et sage moraliste, Saint-Évremond, qui avait vu en son temps bien des conversions de femmes du grand monde, a écrit d’agréables pages pour expliquer et démêler les secrets motifs et les ressorts qu’il continuait de suivre sous ces changements193. […] « A qui voyons-nous quitter le vice dans le temps qu’il flatte son imagination, dans le temps qu’il se montre avec des agréments et qu’il fait goûter des délices ?
Il a fait, sans se douter qu’il en faisait, des transpositions d’art étonnantes pour le temps : il a rendu par des mots, dans des vers, des effets qu’on demande d’ordinaire au burin ou au pinceau. […] Chapelain fut en son temps un des ouvriers de la doctrine classique. […] On conçoit aussi pourquoi il n’y a rien de servile dans le respect de Boileau pour les œuvres consacrées par le temps. […] La querelle des anciens et des modernes, dont nous parlerons en son temps, montra que l’accord n’était pas parfait entre l’auteur de l’Art poétique et le monde qui l’admirait. […] Il a eu conscience de ce qu’on pouvait faire en son temps, et il a aidé de plus grands génies que lui, La Fontaine, Racine, Molière, à en prendre conscience.
L’extrême vieillesse est pour lui le temps de la pleine fécondité. […] Il tient les hommes de son temps par le charme de son esprit, par la surprise aussi ; il tient leur intelligence, leur curiosité toujours en éveil, toujours dans l’attente, de ce qui peut venir du côté de Ferney. […] Mais le théâtre et le roman, ce sont de trop grands genres, des ouvrages de temps et de patience : il faudra bien six jours pour faire Olympie. […] Cette comédie se passait à huis clos ; mais en voici d’autres qui réjouirent dès ce temps-là le public. […] Mais il faut dire deux choses à la décharge de Voltaire : d’abord qu’il attaquait, non pas la religion idéale, mais l’Église de son temps ; et il est excusable de n’avoir pas compris celle-là en regardant celle-ci.
Remercions madame Gros d’avoir fait revivre dans notre âge, devenu étranger aux grands secrets de l’âme, les merveilles de conversion qui semblaient réservées aux temps où la grâce vivante se promenait sur la terre avec ses trésors d’indulgence et de pardon. […] Le temps me presse, Messieurs. […] Le moulin Nadaud, mis en détresse par la concurrence des voisins plus sobres, chôme la plupart du temps. […] Un jour (il y a de cela quelques années), Emmeline revenait de porter la farine de ses clients ; elle était assise sur sa mule, tricotant comme elle le fait d’ordinaire dans ses courses, pour ne pas perdre le temps. […] Selon votre vieille et bonne manière d’entendre les choses, la littérature n’est pas seulement ce qui s’écrit ; le grand politique qui résout avec éclat les problèmes de son temps, l’homme du monde qui représente bien l’idéal d’une société brillante et polie, n’eussent-ils pas écrit une ligne, sont de votre ordre.
En parlant, il y a quelque temps, de Mme d’Épinay, j’ai été conduit vers l’abbé Galiani, avec qui cette dame entretint une correspondance pendant les douze dernières années de sa vie. […] Galiani, vers ce temps, se livrait aux études les plus sérieuses : il publiait à vingt et un ans un livre sur la monnaie ; il rendait à un savant illustre, alors très vieux et presque aveugle, à l’abbé Intieri, le service de décrire en son nom, dans un petit traité substantiel et tout positif, un procédé nouveau pour la conservation des grains. […] Il vint à Paris en 1759 en qualité de secrétaire d’ambassade, et, à part de courtes absences, il y résida jusqu’en 1769, c’est-à-dire pendant dix années : il ne comptait avoir vécu d’une vraie vie que durant ce temps-là. […] Amateur de musique, et de musique exquise, comme le sont les Napolitains, comme devait l’être l’ami de Paisiello, il en voulait à l’Opéra français du temps, qui faisait trop de bruit, et comme après l’incendie de la salle du Palais-Royal, cet Opéra ayant été transféré aux Tuileries, quelqu’un se plaignait que la salle était sourde : « Qu’elle est heureuse ! […] Cette théorie, très vraie peut-être, se trouve en défaut par rapport à lui dès qu’il est en présence d’une perte vive et qui lui tient réellement au cœur ; il n’en est pas venu encore à l’insensibilité qu’il suppose : « Le temps, remarque-t-il, efface les petits sillons, mais les profondes gravures restent.
Le fond pourtant s’y fait sentir à qui le cherche ; et, après avoir vécu quelque temps auprès d’elle, on se dit qu’il n’est rien de tel encore qu’une race forte quand la grâce s’y mêle pour la couronner. […] Toutes ces grâces négligentes et un peu légères, qui auraient couru risque de s’émanciper trop tôt et de se jouer au hasard, vont se régler et s’accomplir ; elles reparaîtront bien à temps. […] Il pensait juste, s’exprimait noblement ; et ses réponses les moins préparées renfermaient en peu de mots tout ce qu’il y avait de mieux à dire selon les temps, les choses et les personnes. […] Mais les femmes alors, avec cette facilité de nature qui de tout temps les distingue, réussirent mieux encore que les hommes à offrir de parfaits modèles de ce que nous cherchons, et dont les semences étaient comme répandues dans l’air qu’on respirait. […] Cette correspondance remonte au temps où Mme de Caylus, jeune et jolie veuve, était en disgrâce à Paris et avant son retour à Versailles.
Opposant l’édition des Pensées de Pascal, d’après Condorcet, à celle que donnèrent, dans le temps, les amis de Pascal lui-même, M. […] Il pousse quelque part l’espérance du progrès jusqu’à conjecturer qu’il pourra arriver un temps où il n’y aura plus de maladies, et « où la mort ne sera plus que l’effet ou d’accidents extraordinaires, ou de la destruction de plus en plus lente des forces vitales. […] Il était dans sa ligne encore, et, en ces temps d’exaltation, il y avait une large part à faire aux essais et aux audaces en tout genre. […] Ramond absent depuis quelque temps. […] Par une inconvenance qu’il ne paraît pas avoir sentie, il ne discontinua point, dans le temps même où il était président de l’Assemblée (février 1792), de rendre compte des séances et d’analyser, comme journaliste, les débats qu’il était censé diriger comme président.
Sa mère, femme de beaucoup d’esprit, une précieuse en son temps (avant que le mot fût devenu ridicule), belle, active, intrigante, était arrière-petite-fille de l’illustre et grave chancelier de L’Hôpital. […] Ne nous plaignons jamais des mœurs de notre temps, quand nous lisons le récit de celles qu’on n’interdisait pas absolument à l’abbé de Choisy. […] C’est une de ces natures qui sont en tout des échos, des reflets fidèles et variés de leur temps et de leurs entours : excellents témoins de la langue courante, toutes les fois que leur parole se fixe par écrit. […] On a besoin de se quitter quelque temps, afin de se retrouver plus tard sans trop de déplaisir. […] Tels étaient les écrivains qui passaient presque pour médiocres du temps de Louis XIV.
Il a pris pour elle les ornements de la pensée, et toute la poésie qui était en lui à un degré supérieur d’énergie, tout le temps qu’il savait moins, et par conséquent qu’il était plus sincère, la poésie est morte enfin, indigérée de littérature ! […] Non, ce n’est pas la monumentale Contemplative du peintre allemand, tenant dans sa main sa joue de marbre ; c’est cette petite maigre, laide, rechignée et souffrante, que les bégueules du romantisme, Mesdemoiselles Jouffroy et Charles Magnin, trouvèrent dans le temps par trop souffrante, quand M. […] Une fille en tout temps y lave un linge usé. […] le beau coup de vent de la jeunesse, bouton d’émétique qui se remettait à tacher la tempe ou le front, de son corail enflammé, et qui disait de temps à autre que tout le poison, dont on se croyait débarrassé, n’était pas encore sorti ! […] N’oublions pas que c’est à la première ligne de ce recueil qu’on trouve ces fameux coteaux modérés, qui ont fait un bruit si gai dans le temps et sur lesquels, depuis ce temps-là, on voit toujours un peu M.
Amédée Pommier, l’auteur des Crâneries, des Assassins, du Livre de sang, des Océanides, un des grands poètes à outrance de ce temps, ne pouvait manquer d’attirer le regard quand il publiait un nouvel ouvrage, et un ouvrage intitulé L’Enfer ! […] On n’a guère aperçu, dans sa tentative, que la gageure d’un esprit ardent et robuste, et l’exécution rythmique, plus ou moins réussie, d’une idée qui n’est plus de ce temps. […] Amédée Pommier avec l’âpre plaisir que donne un livre de moralité sévère dans un temps où tout s’est énervé, et nous savons si le matérialisme est le vice du livre et du poète. […] on appartient toujours à son temps par quelque souillure, mais un homme de la valeur de M. […] Pommier a publié, en ces derniers temps, les Colifichets ou Jeux de rimes.
Incapables d’agir et d’ailleurs n’y pensant pas, elles planent au-dessus du temps, en dehors de l’espace. […] Alors on illumine l’inscription pendant un temps très court, trop court pour que l’observateur puisse apercevoir toutes les lettres. On a commencé en effet par déterminer expérimentalement le temps nécessaire à la vision d’une lettre de l’alphabet ; est donc facile de faire en sorte que le sujet ne puisse pas distinguer plus de huit ou dix lettres, par exemple, sur les trente ou quarante qui composent la formule. […] Mais il est temps de conclure. […] À l’état de veille, le souvenir visuel qui nous sert à interpréter la sensation visuelle est obligé de se poser exactement sur elle ; il en suit donc le déroulement, il occupe le même temps ; bref, la perception reconnue des événements extérieurs dure juste autant qu’eux.
Essayons donc de prouver a posteriori qu’il se rencontre, dans quelques temps et quelques lieux, mais non dans tous les lieux et tous les temps, des idées sociales semblables à celles que nous avons définies a priori. […] Une conscience collective et impersonnelle existerait alors en dehors des consciences personnelles et particulières : comme elles, et indépendamment d’elles, « l’âme de la cité » le « Volksgeist », l’« esprit du temps » aurait ses pensées propres. […] Toutefois, sous l’empreinte originale des personnalités, il sera possible de retrouver, dans les œuvres d’un pays et d’un temps, les traces d’un même esprit ; ces notions communes qui, malgré les divergences des pensées personnelles, se seront imposées aux unes comme aux autres, on dira légitimement qu’elles « règnent ». […] Si l’on se rappelle les éléments de notre définition de l’idée de l’égalité, on reconnaîtra aisément que nous n’avons eu, pour les ressembler, qu’à chercher autour de nous, dans les sociétés modernes et occidentales : c’est des réalités les plus proches que nous nous sommes inspirés ; c’est bien l’esprit de notre temps qui nous a soufflé nos mots. […] Cet égalitarisme que nous ne trouvons ni dans la préhistoire ni au moyen âge, ne se rencontre-t-il pas dans un temps trop dédaigné des ethnographes : l’antiquité classique ?
Dès les premiers instants de la Restauration et du sein même de ses souvenirs naquit en France une poésie qui frappa, quelque temps, par son air de nouveauté, ses promesses brillantes de talent et une sorte d’audace. De jeunes esprits, nourris du Génie du Christianisme, tournés par leur nature et leur éducation aux sentiments religieux et aux croyances mystiques, avaient pensé, à la vue de tant d’événements mémorables, que les temps marqués étaient accomplis et que l’avenir allait enfin se dérouler selon leurs vœux. Tout amoureux qu’ils étaient cependant des âges chevaleresques et monarchiques, des légendes et des prouesses, le spectacle de nos exploits et de nos désastres récents, les grandes révolutions contemporaines, surtout la merveilleuse destinée de Napoléon et sa double chute, les avaient fortement remués : champions du vieux temps, et remplis d’affections modernes, ils étaient novateurs, même en évoquant le passé. […] Cette fois, ils pourraient rencontrer la gloire et mériter la reconnaissance du public : car, il ne faut pas s’y tromper, malgré ses goûts positifs et ses dédains apparents, le public a besoin et surtout avant peu de temps aura besoin de poésie ; rassasié de réalités historiques, il reviendra à l’idéal avec passion ; las de ses excursions éternelles à travers tous les siècles et tous les pays, il aimera à se reposer, quelques instants du moins, pour reprendre haleine, dans la région aujourd’hui délaissée des rêves, et à s’asseoir en voyageur aux fêtes où le conviera l’imagination.
Ils ont composé quelques pastorales, sous la forme de romans, qui datent du temps où les Grecs cherchaient à occuper les loisirs de la servitude ; mais avant que les femmes eussent créé des intérêts dans la vie privée, les aventures particulières captivaient peu la curiosité des hommes ; ils étaient absorbés par les occupations politiques. […] Les affections morales, unies, dès la jeunesse, aux passions brûlantes, peuvent se prolonger par de nobles traces jusqu’à la fin de l’existence, et laisser voir encore le même tableau sous le crêpe funèbre du temps. […] Un crime retentissait pendant une longue suite d’années ; et nous avons vu des cruautés sans nombre, presque dans le même temps commises et oubliées ! […] Toutes les fois que le cours des idées ramène à réfléchir sur la destinée de l’homme, la révolution nous apparaît ; vainement on transporte son esprit sur les rives lointaines des temps qui sont écoulés, vainement on veut saisir les événements passés et les ouvrages durables sous l’éternel rapport des combinaisons abstraites ; si dans ces régions métaphysiques un mot répond à quelques souvenirs, les émotions de l’âme reprennent tout leur empire.
Mais comme dans ce mouvement d’habitude qui le fait remonter continuellement d’un groupe de faits à un autre groupe, il arrive en un rien de temps au fin fond des choses et à des questions comme celle-ci : « L’univers existe-t-il en dehors de nous ? […] J’ai lu — dans des traductions— un peu de leur littérature de tous les temps, de Chaucer à George Elliot. […] Tout le temps à Oxford ou à Florence, quand il n’est pas à Grenade ou à Sélinonte ! […] Soyons inintelligents, et n’aimons que qui ne nous hait point, du moins pour un temps.
Il avoit mauvaise opinion des femmes, & s’égayoit sur leur compte par des comparaisons applaudies de son temps, & fort insipides aujourd’hui. […] Si l’on retrouve quelque part ce dernier, son enjoûment, son aimable désordre, ses bouffonneries, ses transperçans & cyniques, c’est sur le théatre de notre comédie Italienne ou sur celui de la Foire ; théâtres de tout temps en possession de relever les ridicules célèbres, de contrefaire la figure, la voix, les gestes, les manières de ceux qu’on juge devoir être l’objet de l’amusement du public. […] La manière dont Socrate se comporta dans le temps qu’on annonça les Nuées, caractérise bien ce philosophe. […] Mais, combien de mauvaises ne fait-elle pas réussir, au moins pour quelque temps ?
Comme nous reprochons aujourd’hui aux anciens d’avoir cru l’horreur du vuide et l’influence des astres, nos petits neveux nous reprocheront un jour de semblables erreurs, que le raisonnement entreprendroit en vain de démêler, mais que l’expérience et le temps sçauront bien mettre en évidence. […] Quand l’archiduc Albert entreprit le fameux siege d’Ostende, il fit venir d’Italie pour être son principal ingénieur, Pompée Targon le premier homme de son temps dans toutes les parties des mathematiques, mais sans expérience. […] L’importance de ces principes dépend encore d’une infinité de circonstances des temps et des lieux où le poëte a composé. […] Un peu de temps les met d’accord avec eux-mêmes comme avec les autres.
Quintilien rapporte que ce Gracchus un des plus celebres orateurs de son temps, avoit derriere lui lorsqu’il haranguoit, un joueur d’instrument à vent qui de temps en temps lui donnoit le ton. […] Le son des instrumens n’étoit pas donc un son continu durant les dialogues, comme peut l’être le son de nos accompagnemens, mais il s’échappoit de tems en tems pour rendre à l’acteur le même service que C. […] Or l’auteur de cet écrit, quel qu’il ait été, ne l’a composé que pour faire voir qu’un chrétien ne devoit point assister aux spectacles de ces temps là, qu’il ne devoit pas, comme le dit saint Augustin, participer aux infamies du théatre, aux impietez extravagantes du cirque, ni aux cruautez de l’amphithéatre.
Or, c’est lui, Alfred de Musset, qui le premier, en France, nous apprit le nom fascinant et menteur de Leopardi, qui cache en ses huit lettres tout ce qu’il y a de moins léopard au monde… Sous le rayon de quelques vers de de Musset, lueur de lampe dans un caveau funèbre, le poète italien brillait mystérieusement, depuis ce temps-là, dans la pénombre d’une langue étrangère, toujours d’accès plus ou moins difficile ou désagréable à l’esprit français. […] Valéry Vernier, moi qui ne mêle point la politique à la littérature et qui ne trouve pas l’Italie de ces derniers temps grande dans autre chose que dans l’opéra et dans le ballet, je me permets de nier résolument le grand poète qu’on nous fait de Leopardi. […] S’il n’y avait pas une littérature en Italie, Leopardi ne la commencerait pas… C’est un lettré de la Renaissance attardé dans l’époque moderne, rêvant pour l’Italie des réveils comme on en rêvait dans ce temps-là, païen, mythologue, athée, comme on l’était alors. […] Pour ce blême Leopardi, ce Pierrot mélancolique de la poésie italienne qui chante au clair de lune romantique de son temps, la vie est mal faite et la vieillesse épouvantable, et c’est entre ces deux inspirations monotones que se balance éternellement le triste pantin !
Louandre10 La littérature nous a offert dans ces derniers temps quelques livres supérieurs à ce qui se publie d’ordinaire, et nous les avons examinés avec le soin et la conscience que tout homme qui a le respect du travail et de l’effort ne manquera jamais d’avoir, même quand il s’agirait d’œuvres surfaites. […] Assurément, s’il est un homme fait pour mieux que le petit livre, c’est Louandre, le robuste traducteur de Tacite, un des érudits les plus râblés de ce temps, et dans tous les temps l’homme le plus capable d’œuvres fortes, noblement laborieuses et difficiles ; et cependant, obéissant, malgré lui sans doute, aux exigences de ce siècle superficiel et pressé, Louandre publie aussi un petit livre, comme s’il appartenait, lui, à la race des écrivains sans haleine qui ont inventé la phrase courte, le hachis des petits paragraphes et les écrits de quelques pages à l’usage d’une société qui ne lit plus ! […] Un rare esprit qu’on n’accusera point de mysticité, un des critiques de ce temps qui prend le mieux l’aire de vent de l’esprit humain dans une époque, Philarète Chasles, signalait hier encore ce mouvement singulier de la pensée moderne vers le surnaturel et vers l’infini, et nous prouvait par toute une littérature spéciale, en Angleterre et en Amérique, à quel point ce mouvement actuel est entraînant et accéléré.
Les Poésies de l’Empire, qu’est-ce à dire, sinon les poésies d’un temps qui fut tout poésie, d’un temps que la raison sans doute peut juger plus ou moins sévèrement dans ses excès ou dans ses fautes, mais que l’imagination subjuguée amnistiera toujours en l’admirant ! […] Belmontet, qui l’a bien compris, nous dit dans la préface de son livre que la poésie des civilisations comme la nôtre ne doit plus être que sociale, et que les temps de la poésie individuelle sont révolus. […] Tout ce qui est, dans ce temps, âme ou seulement fibre de poète, le sait pour y avoir touché… Quand, au matin, vous voyez descendre de toutes les collines dans la vallée des jeunes filles, leur cruche à la main, vous dites, sans crainte de vous tromper, qu’il y a par là une fontaine.
Il est difficile que dans les plus beaux temps de la Grèce, on ait rendu ces honneurs à un homme médiocre ; d’un autre côté, Aristote n’en parlait qu’avec mépris : Il est honteux de se taire, disait-il, lorsqu’Isocrate parle. […] Je me rappelle ce Français pendu en effigie à Paris, et dans le même temps, ministre de France en Allemagne. […] C’est à la tête de ce discours qu’Isocrate se plaint que de son temps on aimait à louer des héros, qui peut-être n’avaient jamais existé, tandis qu’on refusait quelques éloges à d’excellents citoyens avec qui on avait vécu. […] Il en est d’un peuple qui entend parfaitement une langue, et de l’orateur qui lui parle, comme de deux amis qui ont passé leur vie ensemble, et qui conversent ; les lieux, les temps, les souvenirs attachent pour eux, à chaque mot, une foule d’idées dont une seule est exprimée, et dont les autres se développent rapidement dans l’âme sensible.
D’un bout à l’autre de cette rue, l’ancienne grand-rue de Saumur, ces mots : “Voilà un temps d’or ! […] Ce mot, dit de temps à autre, formait depuis longtemps une chaîne d’amitié non interrompue, et à laquelle chaque exclamation ajoutait un chaînon. […] Le désir d’avoir tout le temps nécessaire pour se bien habiller l’avait fait lever trop tôt. […] N’est-il pas avide de saisir le temps, d’avancer dans la vie ? […] Eugénie, pendant ce temps-là, priait pour Charles.
L’homme, par un instinct occulte, mais universel, semble avoir senti, dès le commencement des temps, le besoin d’exprimer dans un langage différent ces choses différentes. […] Platon, Tacite, Fénelon, Bossuet, Buffon, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand, madame de Staël, madame Sand en France, une foule d’autres en Allemagne et en Angleterre, ont écrit des pages aussi émouvantes, aussi harmonieuses et aussi colorées que les poètes versificateurs de nos temps et des temps antérieurs. […] Notre procédé, à cet égard, ne sera pas celui de la science systématique et arbitraire qui divise par genres ; il sera celui de la nature, qui procède par succession de temps et qui divise par époques. […] Mais le dieu de l’abîme, son époux, la rend chaque année pour un temps aux lamentations de sa mère ; elle y reparaît en été au temps des moissons, saison où les âmes des morts s’occupent particulièrement des vivants, en leur assurant le blé ou le riz, leur nourriture sur la terre. […] On voit que, dès ces temps primitifs, le poète indigné peignait la dureté déjà proverbiale des trafiquants de l’Inde.
Sa conduite, dans toutes les circonstances difficiles de ces temps de contrastes et de revirements de fortune, fut aussi noble que ses sentiments. […] Nous ne l’avons jamais vu remplacé ; c’était une de ces grâces dont on ne peut se passer, une de ces inutilités nécessaires au cœur et qui manquent au bonheur comme elles manquent au temps. […] Voilà la vision à la fois charmante et surnaturelle que le hasard aurait dû placer à temps sur la route du poète dont nous parlons ! […] Enrichis-toi et jouis était le catéchisme du temps. […] Il en fut exactement ainsi à Rome du temps de César.
Delacroix est décidément le peintre le plus original des temps anciens et des temps modernes. […] Grâce à la justice tardive des heures qui amortissent les rancunes, les étonnements et les mauvais vouloirs, et emportent lentement chaque obstacle dans la tombe, nous ne sommes plus au temps où le nom de M. […] Delacroix avait progressé dans la science de l’harmonie. — En effet, déploya-t-on jamais en aucun temps une plus grande coquetterie musicale ? […] La couleur en est roussâtre comme un vilain temps plein de poussière. […] Autres temps, autres mœurs ; autres modes, autres écoles.
— Il y a eu une petite révolution dans le journal même (le Constitutionnel) ; le vieux parti des Jay, des Étienne, battu à l’Académie, a été de plus évincé de ce journal où il régnait et trônait de temps immémorial. […] — La Revue des Deux Mondes publie un très-intéressant travail du comte Alexis de Saint-Priest sur la destruction des jésuites en Portugal, en Espagne, en France et à Rome, vers le milieu du dernier siècle ; c’est pour l’auteur une occasion de soulever un coin du voile qui recouvre encore l’histoire diplomatique de ce temps-là. […] — La question des jésuites, si artificielle et si factice qu’elle soit de notre temps, est enfin inoculée et, sans agiter, occupe.
On peut par là marquer les deux temps de ma manière critique, si j’ose bien en parler ainsi : dans le premier, j’interprète, j’explique, je professe les poëtes devant le public, et suis tout occupé à les faire valoir. […] Dans le second temps, ce point gagné, je me retourne vers eux, je me fais en partie public, et je les juge. […] En réimprimant ces portraits, je leur laisse exactement le caractère qu’ils eurent dans le temps de leur publication première, sans m’interdire toutefois les petites notes qui complètent ou restreignent.
Quand un peu de terre eut couvert la marquise de Rambouillet, le roi ne laissa pas à la duchesse de Montausier le temps de pleurer sa mère : il la fit passer de la place de gouvernante des enfants de France, à celle de dame d’honneur de la reine, la première dignité du palais. […] Mais suivons le cours des temps. […] Boileau publia dans le même temps son Discours au roi, dont j’ai déjà parlé : c’est un de ses meilleurs écrits.
Il effaça la réputation des Patru & des le Maître, qui n’avoient eu de célébrité que pour s’être écartés du mauvais goût qui régnoit de leur temps dans la Plaidoirie. […] Est-ce par des phrases philosophiques, par des ironies indécentes, par un style épigrammatique, par un ton & par des manieres conformes aux mœurs énervées de notre temps, qu’on prétendroit nous retracer, dans la plus noble des fonctions, cette élévation, cette force, cette vive sensibilité, & sur-tout cette décence qui caractérisoit chez les Romains les Défenseurs des Loix & les fléaux de l’iniquité ? […] Vous êtes, Monsieur, si supérieur aux autres hommes, lui dit une autre fois une femme de qualité, pour qui il venoit de plaider, que si c’étoit le temps du Paganisme, je vous adorerois comme le Dieu de l’Eloquence. — Dans la vérité du Christianisme, Madame, lui répondit le sage Orateur, l’homme n’a rien dont il puisse s’approprier la gloire.
Toute la série des temps antédiluviens et des temps historiques, n’est qu’un pont immense jeté entre la création et le jugement dernier, sous lequel passent l’orgueil, le crime et le repentir. […] Arnolphe a étudié les mœurs de son temps et se vante de les bien connaître. […] Delavigne et les choses ou les hommes de ce temps-ci. […] Delavigne a été de son temps, mais à quelles conditions ? […] Il se garde bien de hâter la maturité des idées qui n’ont pas eu le temps de grandir.
Mais, avant de mourir, il a le temps de discourir pendant vingt pages, en interrompant chacune de ses phrases par des exclamations et des parenthèses navrantes. […] Autrefois, au temps où la reine Berthe filait et où M. […] pas davantage pour que les cœurs les plus déchirés aient le temps de cicatriser leurs blessures. […] La séparation ne se fait que par gradations successives, et, dans le temps comme dans l’espace, le voisin ressemble au voisin. […] Richelieu, nous le croyons, a été un peu trop surfait dans ces derniers temps.
J’ai griffonné une description bien longue, parce que je n’ai pas eu le temps de l’abréger, de Patterdale. […] Je ne suis pas un Hercule, et il me faut du temps pour les expédier. […] Ces inconséquences sont ordinaires de tout temps ; elles l’étaient surtout à la veille de 89. […] Nous sommes dans un temps d’orage, et quand le vent est si fort, le rôle de roseau n’est point agréable. […] Châtelain, de Rolle, habile en son temps à ces sortes de supercheries et d’espiégleries.)
Ce billet est d’un petit amant à moi que j’ai eu pendant quinze jours, il y a six ans, du temps de mon premier mari, du temps de M. […] C’est une affaire de temps. […] La sédition des cinquièmes actes classiques a fait son temps ; le duel des cinquièmes actes (1850) a fait son temps. […] S’il en est encore temps, prende garde ! […] Seulement, je n’ai pas le temps de la réfuter.
ne s’étend-il pas à tous les êtres moraux sans distinction de temps et de lieu ? […] Comment avons-nous acquis l’idée du temps et celle de l’espace, sinon à l’aide du principe que les corps et les événements que nous voyons sont dans un temps et dans un espace ? […] Je n’ai ni le temps ni le droit d’entrer à cet égard dans aucun détail. […] Depuis quelque temps nous avons changé tout cela. […] Mignard, si admiré de son temps, si peu connu aujourd’hui et si digne de l’être.
Connaissance du Temps. […] Connaissance du Temps. […] Connaissance du Temps. […] Connaissance du Temps. […] Connaissance du Temps.
Beaucoup d’auteurs, dans ces derniers temps, ont rapporté les phénomènes hypnotiques à une inhibition corticale. […] Tantôt l’impression est déterminée quant à sa nature et à son énergie, mais non quant au temps où elle doit se produire. Tantôt l’impression est complètement déterminée (nature et temps), un signal avertissant le sujet que l’impression va suivre. […] Le temps de la réaction peut devenir nul et même négatif. […] Si l’on s’obstine à réagir, le temps grossit démesurément, jusqu’à une seconde d’après Exner.
… Gustave qui, à certains moments de sa solitude enthousiaste, se rapproche aussi de Werther ; qui égale même cette voix éloquente et poétique, en cette espèce d’hymne où il s’écrie : « Je me promène dans ces montagnes parfumées par la lavande…, » Gustave s’en distingue encore à temps et demeure lui-même, rejetant l’idée de se frapper, pieux, innocent et pur jusque dans son égarement, rendant grâce jusque dans son désespoir. […] Le style de Valérie a, comme les scènes mêmes qu’il retrace, quelques fausses couleurs de la mode sentimentale du temps : je ne saurais aimer que le Comte envoie, pour le tombeau de son fils, une belle table de marbre de Carrare, rose (dit-il) comme la jeunesse, et veinée de noir comme la vie. […] Le séjour à Berlin, l’intimité avec la reine de Prusse, et les événements de 1806, y mirent le comble ; c’est vers ce temps, en Suède, je crois, au milieu d’une vie encore toute brillante, mais à l’âge où l’irréparable jeunesse s’enfuit, qu’une révolution s’opéra dans l’esprit de Mme de Krüdner ; qu’un rayon de la Grâce, disait-elle, la toucha, et qu’elle se tourna vers la religion, bien que pourtant d’abord avec des nuances légèrement humaines, et sans le caractère absolu et prophétique qui ne se décida que plus tard. […] Ses illusions sur les choses de fait étaient extrêmes, et souvent piquantes ; elle les avait eues faciles de tout temps. […] Au temps d’Ausone, saint Paulin, depuis sa conversion, se permit ou même s’imposa toutes sortes d’incorrections dans ses vers.
Vers ce même temps de 1823, de mémorables travaux historiques, appliqués soit au Moyen-Age par M. […] Et puis, nous l’avouerons, comme science, la philosophie nous affecte de moins en moins : qu’il nous suffise d’y voir toujours un noble et nécessaire exercice, une gymnastique de la pensée que doit pratiquer pendant un temps toute vigoureuse jeunesse. […] Jouffroy, en y apportant des branches pour les ranimer, se rappelait les irruptions des Barbares, lesquels, comme des brassées de bois vert, la Providence avait jetés de temps à autre dans le foyer expirant des civilisations. […] La verdeur de certains articles allait, de temps à autre, éveiller leur sévérité et raviver les nuances. […] On le conçoit ; dans ses habitudes de pensée et de parole, il a besoin d’espace et de temps pour se dérouler, et de silence en face de lui.
LVIIIe entretien I C’est vers ce même arbre du ravin de Saint-Point que nous vîmes s’avancer, quelque temps après, un autre jeune poète, encore inconnu à lui-même et aux autres. […] Le préjugé français des hommes spéciaux, c’est-à-dire des hommes qui ne savent faire qu’une seule chose, ce préjugé, la plus grande bêtise nationale de ce temps-ci, ce préjugé inventé par la médiocrité pour s’en faire un rempart contre la concurrence du talent multiple, ce préjugé, émané de l’École polytechnique, qui produit d’excellents outils et peu d’hommes complets, ce préjugé, dis-je, qui m’était déjà connu, qui règne encore à l’heure où j’écris, et qui sera un jour relégué parmi les mémorables inepties de notre siècle, ce préjugé, je le répète, me faisait craindre qu’un peu de célébrité poétique, répandu mal à propos sur mon jeune nom, ne me fît rejeter comme un intrus de toute candidature diplomatique, carrière que je préférais mille fois à quelques battements de mains ou à quelques battements de cœur des poètes ou des femmes des salons de mon temps. […] Quelquefois ils sont si pressés de s’enfuir qu’ils n’ont pas le temps de reprendre leurs sabots, et qu’ils se sauvent pieds nus en abandonnant leur chaussure de bois sur le chemin. […] La poésie grecque des temps intermédiaires entre l’épopée et le chant klephte populaire a-t-elle rien de plus domestique, de plus gracieux, de plus paysannesque, de plus terre à terre et de plus aérien à la fois que ce petit poème ? […] Je méditais, les yeux baissés, en silence, mon étonnement, bien plus étonné encore lorsqu’en relevant les yeux je me trouvais en face d’une enfant de seize ans, pâle comme un spasme, calme comme l’héroïsme, belle comme l’idéal traversant la sombre réalité du temps.
Écoutez : quand on en a le temps comme aujourd’hui, il ne faut jamais passer à côté d’un phénomène sans l’étudier. […] Hommes d’élite, très respectés dans la contrée, ces Christins avaient été très liés du temps de Voltaire, leur voisin de Ferney, avec mon grand-père paternel et surtout avec l’aîné de mes oncles, grand propriétaire à Saint-Claude. […] C’est le progrès selon la doctrine des progressistes indéfinis, ces adorateurs obstinés du temps qui les dément dans les langues comme dans les choses ; ces adorateurs du présent qui les dévore eux-mêmes et qui anéantit tout autant de choses humaines qu’il en crée. […] Cette maison, moitié seigneuriale, moitié bourgeoise, ressemble au donjon d’un vieux manoir féodal dont le temps a emporté les deux ailes, et qui est resté debout comme un vestige et comme un asile de l’antique famille dont elle abrite encore les débris. […] Des fenêtres de ce pavillon, on plonge à gauche sur la profonde gorge descendant vers la ville de Saint-Claude, de l’autre sur le château de Prat, dont mon père a porté quelque temps le nom et qui était un des domaines de mon grand-père dans cette contrée.
Notre pensée, au contraire, est un point qui se meut sur la ligne du temps et n’y occupe jamais qu’un moment à la fois. De là le premier problème que la nature avait à résoudre : traduire pour l’esprit les choses simultanées en choses successives, faire prendre à l’espace la forme du temps. […] Ainsi deux opérations inverses constituent notre connaissance du monde : faire s’écouler l’espace sous la forme successive du temps, c’est la sensation ; fixer le temps sous les formes simultanées de l’espace, c’est la mémoire. […] Pour d’autres philosophes encore, comme Renouvier, c’est moins la reconnaissance des idées que la distinction des temps qui est constitutive du souvenir. […] Après un peu de temps, il se rappelle qu’il s’est frappé la tête contre une pierre, mais ne peut se rappeler comment.
Il faut se souvenir que le caractère de saint Chrysostome était de parler aux grands et aux puissants, même dans le temps de leur plus grande prospérité, avec une force et une liberté vraiment épiscopales. […] Pour l’histoire, ils veulent qu’on l’étudie à rebours, à commencer de nos temps pour remonter avant le déluge. […] « Je prouverais bien que les choses passables de ce temps-ci sont toutes puisées dans les bons écrits du siècle de Louis XIV. […] Dites-moi si les bons livres de ce temps n’ont pas servi à l’éducation de tous les princes de l’empire ? […] était-elle aussi étendue du temps de Henri IV ?
que toutes choses s’évanouissent en peu de temps ! […] Les Mémoires du temps enregistrent sur la même page ces excès divers. […] Toutes les années, il va au mesme temps à ses maisons de plaisance. […] Il fit ouvrir tous les cercueils par ordre de temps et de succession. […] Ce signe de race a été observé et constaté de tout temps.
En temps ordinaire, toutes ces circonstances qu’on énumère avec soin et qu’on relève auraient eu moins d’importance, car toutes n’auraient pas donné à la fois ; l’une, en manquant, aurait corrigé et compensé l’autre ; mais ici tout s’ajouta par l’effet du courant général des idées et des événements. […] On avait le temps d’avoir affaire aux Prussiens isolément. […] Thiers montre que la difficulté n’est pas là, et que la lettre fut rendue bien à temps dans la matinée (avant onze heures). […] Mais Napoléon lui-même ne commençait-il pas trop tard sajournée, et n’avait-il point perdu de temps en demeurant à Charleroi jusqu’à près de onze heures du matin ? […] » À bien lire cet ordre et à tout peser, il était évident que ce qui se faisait aux Quatre-Bras et qui aurait dû être décisif si on s’y était pris de ce côté à temps, ne devenait plus que secondaire ; que l’important était Fleurus, que le succès y dépendait d’une manœuvre, d’une attaque à revers contre les Prussiens, que le sort de la France se décidait là, et qu’il y fallait peser à tout prix.
Si ce volume, qui ne doit pas contenir moins de six mille vers, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les vers, et ceux d’amour en particulier ; si, d’après la façon austère et assez farouche qui essaye de s’introduire, on se mettait aussitôt à morigéner l’auteur sur cet emploi de sa vie et de ses heures, à lui demander compte, au nom de l’humanité entière, des huit ou dix ans de passion et de souffrance personnelle que résument ces poëmes, et à lui reprocher tout ce qu’il n’a pas fait, durant ce temps, en philosophie sociale, en polémique quotidienne, en projets de révolution ou de révélation future, l’auteur aurait à répondre d’un mot : qu’attaché sincèrement à la cause nationale, à celle des peuples immolés, il l’a servie sans doute bien moins qu’il ne l’aurait voulu ; que des études diverses, des passions impérieuses, l’ont jeté et tenu en dehors de ce grand travail où la majorité des esprits actifs se pousse aujourd’hui ; qu’il s’est borné d’abord à des chants pour l’Italie, pour la Grèce ; mais qu’enfin, grâce à ces passions mêmes qu’on accuse d’égoïsme, et puisant de la force dans ses douleurs, en un moment où tant de voix parlaient et pleuraient pour la Pologne, lui, il y est allé ; qu’il s’y est battu et fait distinguer par son courage ; que, s’il n’y a pas trouvé la mort, la faute n’en est pas à lui ; qu’ainsi donc il a payé une portion de sa dette à la cause de tous, assez du moins pour ne pas être chicané sur l’utilité ou l’inutilité sociale de ses vers. […] Lefèvre ; car il y a dans ce livre autant de fonds et de précieuse matière poétique qu’en aucune publication, même célèbre, de ce temps-ci. […] Par contre, il faut toujours aller au fond de ses peines ; le temps qu’on emploie à les peindre est autant de pris sur nos larmes. » J’ai noté un endroit où l’auteur se juge lui-même avec une parfaite sévérité dans la personne de son héros ; il s’agit des lettres de celui-ci dont le style est lourd et contourné, trop souvent bariolé d’ornements parasites. […] Victor Hugo disait de lui en ce temps-là : « Jules Lefèvre a été mordu par Latouche. » Il donnait l’idée de quelqu’un qui a bu d’un breuvage vénéneux et qui n’en peut ni guérir ni mourir. […] Son intime ami Émile Deschamps, à qui nous devons quelques-uns de ces détails particuliers, l’a défini ainsi, tel qu’il était dans son meilleur temps et dans la saison des espérances. « Génie poétique, cœur ingénu, ayant du bel esprit dans la région du sublime. »
M. de Caumartin avait charge du Roi de tenir les sceaux pendant la durée des Grands-Jours : c’était un magistrat poli, de cour, ami de Retz qui lui rend bon témoignage, et fort lié avec les gens d’esprit de ce temps-là. […] Les éditeurs de ses œuvres avaient toujours jugé à propos d’éliminer un écrit, selon eux, trop familier : « Ce fut pendant ce voyage (d’Auvergne), est-il dit dans le Discours préliminaire de l’édition de 1782, et à l’occasion de tous les événements dont il y fut témoin, qu’il composa la relation des Grands-Jours, ouvrage écrit à la hâte, et qui ne ressemble en rien ni pour la gravité du ton, ni pour l’élégance du style, aux autres productions de sa plume… Aussi Fléchier, parvenu aux honneurs de l’Église et compté déjà parmi les hommes célèbres de son temps, n’a-t-il jamais permis que cette bagatelle devînt publique par l’impression. […] On y reconnaît, à chaque phrase du narrateur, le Fléchier tel qu’il s’est retracé lui-même dans un portrait déjà connu, adressé, selon toute apparence, à mademoiselle Des Houlières43, portrait à la mode du temps, dans le goût un peu flatté des ruelles et des bergeries, tout peint et comme peigné par lui de charmantes caresses. […] Ces Mémoires de Fléchier, au pis, peuvent s’appeler une Gazette des Tribunaux de ce temps-là, avec l’avantage du style en sus, et même avec celui de la singularité des causes. […] Ne l’avez-vous pas vu donner le bal et des fêtes à grand bruit en un temps où tout le peuple regrettoit la mort de M. de Canillac, et où il venoit presque lui-même de le condamner ?
Des soirées littéraires ou les poètes entre eux Les soirées littéraires, dans lesquelles les poëtes se réunissent pour se lire leurs vers et se faire part mutuellement de leurs plus fraîches prémices, ne sont pas du tout une singularité de notre temps. […] Remarquons toutefois qu’au xive siècle, du temps de Pétrarque et de Boccace, à cette époque de grande et sérieuse renaissance, lorsqu’il s’agissait tout ensemble de retrouver l’antiquité et de fonder le moderne avenir littéraire, le but des rapprochements était haut, varié, le moyen indispensable, et le résultat heureux, tandis qu’au xvie siècle il n’était plus question que d’une flatteuse récréation du cœur et de l’esprit, propice sans doute encore au développement de certaines imaginations tendres et malades, comme celle du Tasse, mais touchant déjà de bien près aux abus des académies pédantes, à la corruption des Guarini et des Marini. […] De plus faibles, de plus jeunes, de plus expansifs, après lui, ont senti le besoin de se rallier ; de s’entendre à l’avance, et de préluder quelque temps à l’abri de cette société orageuse qui grondait alentour. […] Pour ceux-là, ils peuvent avec le temps, et sous le coup des infatigables éloges, s’égarer en des voies fantastiques qui les éloignent de leur simplicité naturelle. […] On y répondait indirectement et sans amertume à un article de la Camaraderie littéraire qui fit du bruit dans le temps, et que le très-spirituel auteur (M. de Latouche) me permettra de qualifier de partial et d’exagéré.
Cousin a eu une heureuse idée, celle de revoir, de retrouver en quelque sorte son Cours de 1815 à 1820, et de le donner au public aussi fidèlement qu’il a pu le ressaisir, mais sans se faire faute au besoin de suppléer l’éloquent professeur de ce temps-là par le grand écrivain d’aujourd’hui. […] A vrai dire, quand une philosophie en est arrivée là, quelles qu’aient pu être sa valeur et sa vérité au point de départ, il est temps qu’elle finisse et soit détrônée ; car toute philosophie, digne de ce nom, n’existe qu’à la condition d’être sans cesse en question, sur le qui-vive, et de recommencer toujours. […] Ne faisant remonter la philosophie, comme science, que jusqu’à Descartes, le jeune professeur la voyait s’égarant presque aussitôt et ressaisissant seulement la vraie méthode au commencement du dernier siècle, mais avec des préventions exclusives dans les différentes écoles qui s’étaient alors partagé l’Angleterre, la France et l’Allemagne : « Le temps, disait-il, qui recueille, féconde, agrandit les moindres germes de vérité déposés dans les plus humbles analyses, frappe sans pitié, engloutit les hypothèses, même celles du génie. […] Il y a quelques écrivains de notre temps, en très-petit nombre qui ont un don bien rare, ou plutôt une heureuse incapacité : ils ont beau écrire en courant et improviser, ils ne sont jamais en danger de rien rencontrer qui soit contre le goût et le génie de la langue. […] Mais nous avions à peine le temps de former ce vœu, que M.
Carrel n’avait pas eu le temps de se faire dans le public une place à beaucoup près aussi apparente que celle qu’occupaient MM. […] Mais c’est un spectacle trop grandiose et trop rare en ce temps-ci pour ne pas l’admirer et s’incliner d’abord devant, dût-on argumenter et analyser ensuite, que cette trempe de caractère poétique, cette vaillance presque fabuleuse dans l’art qui, depuis tantôt douze ans, combat, construit et conquiert. […] Un succès dramatique que nous enregistrons avec plaisir est celui des Malheurs d’un amant heureux, comédie-vaudeville qui rappelle le meilleur temps du Gymnase et la meilleure manière de M. […] Scribe, pour l’acquit de ma conscience (car il le sait aussi bien que moi), que de notre temps, dans le monde, la profession d’homme à bonnes fortunes n’est pas si essentiellement distincte de celle d’avocat, médecin, agent de change, etc., qu’il le représente communément : ce sont là des classes artificielles qu’il imagine, des contrastes qui prêtent aux plaisanteries et aux couplets du genre, mais que des provinciaux seuls peuvent prendre au sérieux ! […] La pleine vérité, en aucun temps, a-t-elle jamais tenu un tel langage ?
Il y a en ce temps-ci un certain nombre d’esprits ardents, studieux, intelligents, qui, jeunes, après avoir passé déjà par des phases diverses, et avoir joint à un enthousiasme non encore épuisé, une maturité commençante, savent assez de quoi il retourne dans ces mouvements douloureux de la société, ressentent l’enfantement d’un ordre nouveau, y aident de grand cœur, mais ne croient pas qu’il soit donné à une formule unique et souveraine de l’accomplir : car le temps de ces découvertes magiques est passé ; un fiat lux social n’est possible qu’à l’aurore ; et aujourd’hui le progrès humain se fait sous le soleil, avec force sueurs, par tous, moyennant, il est vrai, quelques guides de génie, dont aucun pourtant n’a le droit de se croire indispensable. […] Il y aurait un singulier rapprochement, non pas tout à fait chimérique, à établir entre le saint-simonisme de cette période, et les congrégations mystiques, et à la fois ambitieuses, des premiers temps de la Restauration. […] Et le temps fut pour toi comme un rude oiseleur. […] Cyprien est une de ces jeunes et ardentes âmes, comme Bucheille, que le mal social agite, dévore, mûrit ou tue avant le temps ; mais Cyprien est plus ferme que Bucheille ; sous son accent amer, sous sa parole un peu fatiguée, on sent l’énergie morale ; il vivra et trouvera à sa volonté intelligente quelque application digne d’elle.
L’histoire de ces temps peut donc servir à la nôtre, ou plutôt le spectacle de ce que nous avons eu sous les yeux et le sentiment de ce que nous avons observé nous-mêmes peuvent nous servir à entendre complètement cette histoire du passé ; car c’est moins l’histoire ancienne qui, en général, éclaire le présent, que l’expérience du présent qui sert à rendre tout leur sens et toute leur clarté aux tableaux transmis et plus ou moins effacés des anciennes histoires. […] Aujourd’hui, abordant le temps de César et de la guerre civile, M. […] On l’est comme chez les modernes, chez les parlementaires du temps de Louis XIV, comme on l’était à Bâville en se promenant dans le beau parc de M. de Lamoignon et en déclarant par manière de plaisanterie qu’on aurait poignardé César. […] On s’est longtemps accoutumé parmi nous à croire qu’il n’y a d’indépendance que dans les oppositions : il y en a ailleurs ; mais il faut quelquefois une véritable fermeté de raison et, qui plus est, de caractère pour soutenir la cause qui, à quelque temps de là, sera presque unanimement reconnue avoir été celle de la société et de la patrie. […] Tenir à la fois présents tous les ressorts, y avoir l’œil pour les tendre et les détendre insensiblement : prendre une détermination dans les crises, la maintenir ou ne la modifier qu’autant qu’il faut pendant les difficultés et les lenteurs de l’exécution ; être naturellement secret ; porter légèrement tout ce poids sans que le front en ait un nuage ; entremêler la paix à la guerre, et, sans faiblir, les mener de front, songer en toutes deux au nécessaire, c’est-à-dire aussi, chez de certaines nations, à la grandeur des résultats et à la gloire : dans le même temps exalter les courages et continuer d’apaiser les passions, les tenir comprimées de telle sorte que les gens de bien, selon la belle expression de Richelieu, dorment en paix à l’ombre de vos veilles, et que les laborieux dont la masse de la société se compose se livrent en tous sens au développement légitime de leur activité, que dis-je ?
Il va au-delà de Marot, comme Béranger au-delà de Collé, par le même travail et grâce aux mêmes ressources, ayant réformé son petit cadre d’après l’art ancien, et l’ayant rempli de toutes les grandes idées de son temps. […] Il retrouve le grand sentiment de Lucrèce pour décrire « le temps où tout aime et pullule dans le monde », et pour sentir la puissance et la fécondité de la nature immortelle. […] 23 Il avouait lui-même qu’il « fabriquait ses vers à force de temps. » Il n’atteignait l’air naturel que par le travail assidu. […] Il exagère juste à point, il s’arrête à temps au bord des déclarations, il atténue l’adulation par un sourire. […] Pendant ce temps, sa main écrit des lignes non finies, terminées par des syllabes pareilles ; et il se trouve que ces lignes sont la même chose que ce rêve ; ses phrases n’ont fait que noter des émotions.
Les hommes occupés aux travaux de l’esprit n’ont même pas le temps et n’auraient point le goût de les parcourir. […] Et ce prince des chroniqueurs, dès qu’il cesse de nous raconter des anecdotes et s’élève à des « idées générales », écrit la plupart du temps dans une langue qui n’a pas de nom : un pur charabia de cheval d’outre-Rhin. […] Rochefort (La Gloire à Paris) : 1° « L’action très grande de Rochefort est dans cette belle gaieté qui est le fond de son tempérament vraiment français » 2° « Rochefort est un des rares Parisiens de l’ancien temps qui ait conservé dans l’âge mûr cette belle insouciance et cette bonne humeur qui furent autrefois les qualités maîtresses de la race française. » (Je pense qu’il faut entendre : « Rochefort est un Parisien le l’ancien temps, un des rares Parisiens qui aient conservé », etc. ) 3° « Chacun dans sa sphère plisse le front… Je ne vois plus guère que Rochefort qui ait conservé la gaieté de la vieille race française » 4° « Après avoir exaspéré beaucoup de ses contemporains par la violence excessive de ses écrits, il les ramène aussitôt à lui par les éclats de sa gaieté si française. » Pour Offenbach, le refrain est : « Quel artiste ! […] Je lis dans un autre article : « Quand un homme a tenu une telle place dans l’art, quand il a exercé une si grande influence sur son temps… » De qui croyez-vous qu’il s’agisse ?
Arlequin lui dit qu’il perd son temps. […] Pedrolino sourit, lui demande combien il y a de temps qu’il n’est allé à la comédie, l’interroge sur tous les acteurs et en dernier lieu sur la signora Vittoria. […] Infortunée, pourquoi perdre plus de temps à servir ce cruel ? […] Cette troupe demeura à Paris pendant trois années : long espace de temps, car les troupes italiennes avaient le caractère essentiellement ambulatoire. […] Nos poètes de ce temps-là adressèrent à l’envi leurs vers à Isabelle Andreini, pour l’engager à ne pas quitter la France.
Josèphe, né l’an 37 et écrivant dans les dernières années du siècle, mentionne son exécution en quelques lignes 1234, comme un événement d’importance secondaire ; dans l’énumération des sectes de son temps, il omet les chrétiens 1235. […] L’Église a eu ses époques et ses phases ; elle s’est renfermée dans des symboles qui n’ont eu ou qui n’auront qu’un temps : Jésus a fondé la religion absolue, n’excluant rien, ne déterminant rien, si ce n’est le sentiment. […] Il se peut que, dans la « Physique » et dans la « Météorologie » des temps modernes, il ne se retrouve pas un mot des traités d’Aristote qui portent ces titres ; Aristote n’en reste pas moins le fondateur de la science de la nature. […] Le grand homme, par un côté, reçoit tout de son temps ; par un autre, il domine son temps.
Au temps d’Eschyle, la Thessalie était un lieu sinistre. […] Il vivait là, il doit en convenir, beaucoup plus parmi les pierres du temps passé que parmi les hommes du temps présent. […] Seulement, en l’employant, l’auteur voulait réveiller un grand souvenir, glorifier autant qu’il en était en lui, par ce tacite hommage, le vieux poëte de l’Orestie qui, méconnu de ses contemporains, disait avec une tristesse fière : Je consacre mes œuvres au temps ; et aussi peut-être indiquer au public, par ce rapprochement bien redoutable d’ailleurs, que ce que le grand Eschyle avait fait pour les titans, il osait, lui, poète malheureusement trop au-dessous de cette magnifique tâche, essayer de le faire pour les burgraves. […] En effet, il y a aujourd’hui une nationalité européenne, comme il y avait du temps d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, une nationalité grecque.
Les penseurs de ce temps, les poètes, les écrivains, les historiens, les orateurs, les philosophes, tous, tous, tous, dérivent de la Révolution française. […] A temps nouveaux, devoirs nouveaux. […] Après tout, pourtant, ces temps d’arrêt n’ont rien que de normal. […] Oui, génies, oui, poètes, philosophes, historiens, oui, géants de ce grand art des siècles antérieurs qui est toute la lumière du passé, ô hommes éternels, les esprits de ce temps vous saluent, mais ne vous suivent pas ; ils ont vis-à-vis de vous cette loi : tout admirer, ne rien imiter. […] Aucun génie actuel ou possible ne vous dépassera, vieux génies, vous égaler est toute l’ambition permise ; mais, pour vous égaler, il faut pourvoir aux besoins de son temps comme vous avez pourvu aux nécessités du vôtre.
Jeté, à quelque temps de là, dans le monde, sans fortune et sans appui, Chamfort se trouva bientôt réduit à l’état le plus misérable ; il ne subsistait que de son travail pour quelques journalistes et pour quelques prédicateurs, dont il faisait les sermons. […] Dans le temps qu’il travaillait à sa comédie de la Jeune Indienne, et qu’il faisait l’Épître d’un père à son fils, il disait à Sélis : « Savez-vous ce qui m’arrivera ? […] Pendant tout le temps de cette liaison, que la mort seule de Mirabeau paraît avoir rompue, il soumettait à Chamfort non-seulement ses ouvrages, mais ses opinions, sa conduite ; l’espérance ou la crainte de ce qu’en penserait Chamfort, était devenue pour l’âme fougueuse de Mirabeau une sorte de conscience. […] « Ce n’est point à la vie que je suis revenu, disait-il, c’est à mes amis. » Toujours plus indigné des horreurs dont il avait voulu s’affranchir par la mort, on l’entendit dire plus d’une fois : « Ce que je vois me donne à tout moment l’envie de me recommencer. » Obligé, par la perte presque totale de ses moyens d’existence et par les frais considérables de sa détention et de son traitement, à vivre de privations, il alla s’établir, avec ce qui lui restait de ses livres, dans une modeste chambre de la rue Chabanais, sans regretter pourtant le temps où il occupait un appartement au Palais-Bourbon, ou dans l’hôtel de M. de Vaudreuil. […] Ramené insensiblement à ses habitudes littéraires, ce fut presque uniquement pour l’occuper d’une manière utile que Ginguené et quelques autres conçurent le projet du journal intitulé : la Décade philosophique ; mais la mort qui naguère s’était trop fait attendre, quand il s’en remettait à elle du soin de l’affranchir des tyrans, ne lui laissa pas le temps d’y travailler.
L’homme ne vit pas avec autant d’intensité dans le temps qu’on le pense. […] Une grande tristesse est accourue les saisir ; ils ont été dégoûtés de la vie sans oser désirer la mort, ou plutôt sans chercher ce qui peut consoler de vivre dans des temps aussi terribles. […] Dans tous les temps, sans doute, l’homme a enfanté des pensées vaines et gratuitement angoisseuses ; mais elles mouraient dans l’imagination qui les avait conçues, dans le cœur qui les avait nourries. […] Bonaparte, l’homme le plus antique des temps modernes, Bonaparte y avait songé ; car toutes ses conceptions étaient très harmonieuses entre elles. […] Il voulait donc, et il était conséquent, faire rétrograder le genre humain vers les temps qui ont précédé le christianisme.
Ne dit-elle pas dans sa préface : « Le temps des guerriers à armures noires n’est plus… » et la Clorinde littéraire a levé sa visière. […] La forme de l’ouvrage est évidemment prise aux Soirées de Saint-Pétersbourg, du grand comte de Maistre ; mais c’est surtout deux femmes, — deux femmes de ce temps, dont Mme de Blocqueville le plus immédiatement relève, Eugénie de Guérin et Mme Swetchine. […] Là elle toucha à Chateaubriand et à Sainte-Beuve et s’en mit une goutte dans son verre d’eau claire, où depuis tombèrent des larmes qui firent reprendre au verre d’eau sa limpidité et sa clarté premières… Mme Swetchine, sans sa piété vraie et avec son éducation pédantesque, aurait été un bas-bleu de forte espèce, parfaitement caractérisé, et Mme de Blocqueville tient beaucoup plus d’elle que d’Eugénie de Guérin, sous le charme de laquelle elle se débat un peu, comme elle se débat, mais plus convulsivement, sous la puissance magique de cet enchanteur à poison qui s’appelle Henri Heine, et qui est le péché mignon de la haute Dévote de son livre, — la duchesse Eltha, qui pourrait bien, au fond, n’être qu’une marquise… Mme de Blocqueville a beau assurer dans sa préface, avec des airs oraculaires et mystérieux, qu’Eltha et Lucio, qui se font l’amour tout le temps du livre, ne sont pas des amants et qu’elle ne peut pas en dire davantage. […] On trouve tout, hommes et choses du temps présent et du passé, dans ce livre qui semble un vomitorium de lectures indigérées et qui reviennent. […] Tout bas-bleu qu’elle fût de nature et d’étude, Mme Swetchine, nous l’avons vu, s’arrête à temps toujours, pour ne pas faire tomber son catholicisme dans la fondrière d’indigo où l’auteur des Soirées de la villa des Jasmins a fini par noyer le sien !
Puisqu’on a songé à le donner aux divers écrits de Daumas, qu’on nous permette de dire quelques mots sur cette espèce de panoplie littéraire, faite avec des livres beaux et étincelants comme des armes, et qui devront tenir une si noble place dans la littérature historique et militaire de notre temps. […] Je veux parler d’un talent de style très brillant et très littéraire, lequel, se rencontrant avec éclat sous la plume d’un officier qui n’a pas le temps d’être artiste, étonna beaucoup tout le monde, — du moins tous ceux qui ne savent pas ce que l’esprit militaire cache d’aptitudes et de puissances, et de quelles forces il arme un homme (c’est le mot ici) quand il est profond. […] Nous comprenions bien que ce dernier panorama du désert, que ces dernières fantasias d’un peuple équestre et nomade, seraient un spectacle que ne verraient pas nos enfants ; mais nous nous disions aussi que toute cette poésie qui doit céder à la prose, que ces mœurs éloquentes qui seront un jour — un jour plus prochain qu’on ne croit, — remplacées par les habitudes étriquées et plates des temps modernes, auraient du moins ici leur daguerréotype ineffaçable et fidèle, et que l’image qu’elles y auraient laissée en consacrerait le souvenir. […] À cette raison de tous les temps s’ajoute une raison de circonstance plus haute que l’intérêt de l’auteur et de ses ouvrages, plus haute que l’intérêt de curiosité que nous inspire l’Algérie, et cette raison, c’est l’armée de Sébastopol qui nous la fournit. […] II Ce Génie militaire, caractéristique et traditionnel de la France, un jour ceux qu’il avait écrasés l’avaient nommé « la furie française (furia francese) », mais ce vol de l’alouette des Gaules vers l’ennemi, qui devait plus tard devenir le vol de l’aigle porte-foudre, un homme, en ces derniers temps, l’avait rabaissé dans un mot pervers, taillé comme un proverbe pour qu’il s’incrustât mieux dans toutes les mémoires de l’Europe.
Il faut que la critique le sache : en exaltant le comédien comme elle le fait depuis trente ans, en quintuplant son importance, en s’occupant de lui avec un dilettantisme si passionné et si exclusif, la critique n’a pas seulement montré ce genre peu touchant de reconnaissance — la reconnaissance du plaisir goûté — que des voluptueux, plus ou moins blasés, peuvent avoir pour de toutes-puissantes courtisanes, mais, à part son abaissement à elle-même, elle a exercé sur la société de son temps une action visible et funeste. […] On se moqua beaucoup, dans le temps, de cette vision ridicule. […] Pendant que nous parlions de l’idolâtrie au théâtre et que nous dénoncions l’histrionisme comme un des signes de la fin des temps pour les peuples, les mœurs publiques nous répondaient. […] Ceux-là qui croient, avec la bêtise mystique des fakirs, que l’art est le but de la vie, nous parleront-ils des intérêts de l’art à propos des affectations artistiques des petits jeunes gens du temps actuel et de la comédie de société ? […] Nous ne passons pas notre temps à foudroyer des tourterelles ; seulement il nous est impossible d’admettre, et nous vous défions de la supposer, l’innocence ou la moralité de ces comédies de société où le comédien est mandé pour apprendre le rôle à monsieur, et la comédienne pour l’apprendre à madame et à mademoiselle, et où, dans le laisser-aller de la coulisse, les professeurs peuvent faire échange de fonction et intervertir leur personnage avec la souplesse de leur art et les habitudes de leur état !
I La maison Garnier a publié, dans ces derniers temps, une singulière traduction d’Horace qui n’a pas moins que vingt-deux traducteurs, — la moitié d’une académie ! […] On savait que de forts cerveaux se mettaient à deux ou à trois, selon le tirage, pour la confection en commun d’un livre, soit roman, soit drame, — mais vingt-deux personnes à la file, toute une multitude, toute une tribu, cela ne s’était pas encore vu dans ce temps d’association facile, et on ignorait cette littérature à l’Adam Smith, où chacun faisait son vingt-deuxième de traduction. […] Un homme seul, dans les temps modernes, faillit la renverser un jour… Et cet homme fut Byron, qui, de nature, devait peu se soucier d’Horace et de sa petite lampe, et de son petit atrium, et de sa petite salière de sel attique ; Byron, dont la gloire est une torche ! […] Oui, lord Byron est le seul, dans ce temps, qui ait osé dire un mot cruel et insolent sur Horace (je me l’explique, il l’avait paraphrasé), sur le poète le plus accepté, le plus incontesté, le plus classique de l’antiquité tout entière ; car Horace est tout cela. […] il voulait conserver l’état politique de son temps, parce qu’il voulait se conserver lui-même.
Parce que bien des choses de ce temps sont mortes, on croit que rien n’en subsiste plus. […] Selon nous, jamais erreur ne fut plus grande ; mais c’est toute l’erreur de ce temps. […] L’Histoire ouverte et splendide lui offrait un enseignement plus fécond que tous les systèmes ; mais il s’est détourné de l’Histoire, et, homme de système avant tout, il s’est mis à tourner autour de la chimère de ce temps : la production de la richesse. […] Dans le mouvement d’idées qui s’est produit depuis quelque temps, cette grande question a été posée, au milieu des économistes ébahis. […] Du reste, on le voit, ce livre, contre lequel on n’a pas beaucoup plus à dire que contre tous les autres ouvrages économiques de notre temps, n’apporte pas plus que ceux-là de solution nouvelle à cette question de la misère qui épouvante les intelligences sans religion et sans courage.
Il ajoute encore : « Il n’est plus permis de douter que l’idéal de la chevalerie ne soit tout celtique », et il finit par assurer « que les tendances de l’esprit celtique se retrouvent dans les manifestations de l’esprit français », conclusion qui embrasse tout et qui ne va à rien moins qu’à la plus insolente négation, et la plus hypocrite, de tous les mérites chrétiens du Moyen Âge, le temps le plus détesté par les philosophes, parce qu’il est le plus catholique de tous les temps, de ce Moyen Âge auquel on essaie de voler sa gloire, quand il est impossible de la nier ! […] Le savant critique de cet historien examine et ruine le seul argument sur lequel la thèse gauloise s’appuie, et qui est tiré (par les cheveux) de ces chansons galloises qui furent traduites et remaniées en français du temps, au douzième siècle. […] Henri Martin, si druidant qu’il soit, n’a pas été assez hardi pour affronter son propre ridicule en promenant des Druides à travers les temps modernes, quoique pourtant Fénelon, Voltaire, Rousseau, Montesquieu, etc., soient au fond aussi des druides, mais des druides de robe courte comme nous avons des jésuites de robe courte, — d’anciens druides déguisés ! […] L’histoire de ces temps auxquels nous touchons devient plus facile.
C’est cette anecdote, désavouée dans le temps par une critique superficielle et amie de Voltaire, qui a été l’occasion du livre nouveau que M. […] » Et sous le dard de cette question qui l’aiguillonne, l’auteur du Ménage, avant de toucher à Voltaire, nous retrace le tableau de la société de son temps et nous la peint à tous les degrés de l’amphithéâtre social, depuis les rois jusqu’aux honnêtes gens, comme disaient les philosophes en parlant d’eux-mêmes, et cela avec un détail si prodigieux qu’on dirait le pointillé le plus patient et le plus sûr de toutes les saletés de cette époque et de toutes ses infamies ! Ce long et terrible morceau d’histoire que les esprits assez élevés pour se trouver naturellement au-dessus de l’intérêt de curiosité individuelle qui s’attache à Voltaire regarderont comme le morceau capital du livre que nous annonçons, prépare merveilleusement la biographie de cet homme qui domina son temps aussi bien par le genre de ses vices que par le genre de son génie, et qui n’aurait pas exercé une si colossale influence sur ce temps-là et sur le nôtre, s’il n’avait pas surpassé le premier en lui ressemblant et marqué le second à son image. […] L’auteur de Ménage et Finances de Voltaire a eu l’honneur d’être un des hommes les plus insultés de ce temps.
… Entre la mort de Crétineau-Joly et cet énorme volume, il n’y a guères eu que le temps de le bâcler. […] Il y a des conditions de temps et d’espace nécessaires à l’histoire. […] J’ai dans le temps parlé avec une chaleureuse approbation de cette vie de saint Vincent de Paul. […] Son poinçon est une plume, émoussée par l’usage et par cette méticulosité qui est le caractère de beaucoup de prêtres, dans ce triste temps où tous ceux qui sont le plus faits pour se mettre au-dessus de l’opinion se mettent le plus au-dessous. […] Ce chouan manqué, qui n’avait pu l’être comme il l’aurait été du temps de Charette, avait le génie de l’action et la lestesse d’exécution des chouans militaires, et il le prouva dans deux occasions, dans deux aventures de police rapportées par son biographe.
D’injustice véritable, nous venons de montrer qu’il n’y en avait point ; et, d’ailleurs, tout s’arrange avec le temps, — le temps, ce grand Juste, qui finit toujours par mettre chacun à sa place. […] Le Kosmos, l’idole intellectuelle de ce temps, qui cache sous un nom grec la préoccupation universelle et moderne des esprits qui ont désappris les choses invisibles du ciel, a été salué par de telles acclamations qu’on éprouve quelque embarras à jeter cette goutte d’eau froide sur tous ces fronts brûlants et fumants d’enthousiasme ; le Kosmos, après tout, n’est qu’une description. […] Le Kosmos, cette pyramide de faits, cette colonne Vendôme de grains de poussière superposés, lui a paru, tout inachevé qu’il est, beaucoup plus beau et surtout plus utile (la toquade du temps, l’utile !) […] Malgré ce défaut qui l’a suivi partout, excepté en ces lettres, et malgré des inconvénients bien plus graves qui tenaient à de véritables indigences de cerveau, — par exemple son manque de métaphysique et son scepticisme religieux, et même très souvent scientifique, — il n’en fut pas moins — je ne l’ai pas contesté en ce chapitre — une des forces spirituelles de son temps, mais il ne fut point le grand homme absolu qu’on l’a fait.
dans un autre temps et pour un autre livre, ils auraient souri de ces trois puissances qui correspondent à des faiblesses. […] De tous les ennemis de la religion de nos pères, de tous ceux qui disent que le catholicisme est une doctrine dépassée par l’esprit humain et qui a fait son temps (comme les conscrits) dans l’histoire, cet excellent M. […] L’auteur de Terre et Ciel a beau s’en défendre : il n’est réellement qu’un panthéiste de notre temps sous les guenilles de tous les hérétiques de ce Moyen Âge contre lequel il se permet tant de mépris. […] pour exprimer notre pensée), un perpétuel coq-à-l’âne sur les relations du temps à l’éternité. […] Jean Reynaud n’occupera une place élevée dans la hiérarchie des intelligences de son temps.
D’aucun côté (jusqu’ici du moins) ne s’était levée, pour en finir, une de ces intelligences supérieures qui ferment les débats sur une question, comme Cromwell ferma la porte du parlement et en mit la clef dans sa poche ; et la Critique attendait toujours le mot concluant et définitif qui devient, au bout d’un certain temps, la pensée de tout le monde, ce mot qui est le coup de canon de lumière après lequel il peut y avoir des ennemis encore, mais après lequel il n’y a plus de combattants. […] Seulement, comme tous les livres d’un talent très élevé ou très profond, il a besoin du temps pour son succès. […] Quand on n’a pas ce bienheureux côté de médiocrité dans le talent qui nous vaut la sympathie vulgaire, on a besoin du temps pour la renommée de son nom ou la vérité qu’on annonce. […] Daniel a opposé la tradition scholaire d’un temps où l’Europe et la France étaient chrétiennes, comme, hélas ! […] … Nous prions ceux qui séparent la question de l’éducation des besoins et des périls du dix-neuvième siècle, pour ne la considérer que dans la tradition de temps moins menacés et moins à plaindre, de vouloir bien songer à cela.
D’injustice véritable, nous venons de montrer qu’il n’y en avait point ; et d’ailleurs, tout s’arrange avec le temps, le temps, ce grand Juste, qui finit toujours par mettre chacun à sa place. […] Le Kosmos, l’idole intellectuelle de ce temps, qui cache sous un nom grec la préoccupation universelle et moderne des esprits qui ont désappris les choses invisibles du ciel, a été salué par de telles acclamations qu’on éprouve quelque embarras à jeter cette goutte d’eau froide sur tous ces fronts, brûlants et fumants d’enthousiasme : le Kosmos, après tout, n’est qu’une description. […] Cet amour des faits, dans une nation qui n’a jamais beaucoup rêvé, mais dont le beau front pensif savait méditer, même sous la tente, cet amour des faits a fait accepter à la France, comme un des siens, cet Allemand, — mais Allemand de Berlin, — qui ne rêvait pas et qui s’occupait d’empiler les faits comme un statisticien français du dix-neuvième siècle, Le Kosmos, cette pyramide de faits, cette colonne Vendôme de grains de poussière superposés, lui a paru, tout inachevé qu’il est, beaucoup plus beau et surtout plus utile (la tocade du temps, l’utile !) […] Malgré ce défaut qui l’a suivi partout, excepté en ces lettres, et malgré des inconvénients bien plus graves qui tenaient à de véritables indigences de cerveau, — par exemple, son manque de métaphysique et son scepticisme religieux, et même très souvent scientifique, — il n’en fut pas moins — je ne l’ai pas contesté en ce chapitre — une des forces spirituelles de son temps, mais il ne fut point le grand homme absolu qu’on l’a fait.
… Comme tous les esprits distingués d’une société assez avancée pour n’avoir plus peut-être à écrire que de l’histoire et à juger que des résultats, Dargaud, l’auteur connu de Marie Stuart, est entraîné vers les études historiques par la double tendance de son esprit et de son temps. […] Troncs d’arbres coupés par la foudre, troncs de statues mutilées par le temps, troncs de bonheurs interrompus par le train ordinaire de la vie, n’êtes-vous pas ce qui convient le mieux à nos yeux, chargés d’une éternelle tristesse ? […] On y sent l’erreur de l’esprit sous le talent qu’y déploie une imagination charmante et puissante à la fois, et cette erreur qu’on y sent, qu’on y entrevoit, qui s’y glisse partout et y respire, c’est la grande erreur de notre temps, cette erreur tranquille et souriante, aux yeux purs, au front pur, au cœur presque pur ; par-là d’autant plus dangereuse ! […] Esprits sans hardiesse, moitiés d’athées qui s’arrêtent, d’horreur ou de lâcheté, dans le déisme, comme déjà Bossuet le leur reprochait dans son temps, ils s’imaginent que la lettre d’une loi religieuse, cette lettre qui prescrit et qui fonde, est un voile destiné à tomber devant l’esprit, et pour cette raison ils la rejettent. […] Exquis d’organisation primitive, Dargaud doit s’arracher dans un temps donné à tout ce qui est vulgaire, et quoi de plus vulgaire que l’erreur que nous venons de signaler ?
Venir à temps, voilà une grande chose ! […] Caro pourrait bien arriver à temps pour enfin terminer un débat sans bout dont tout le monde est las, et dont il restera, je le crains, à l’esprit français, — cet esprit qui d’ordinaire traverse les questions comme une balle, — un immense appesantissement ! […] Mais, pour notre part, nous remercions très fort Caro de ce verre d’eau, limpide et frais, qu’il nous donne, et dont nous avions un cruel besoin après ces effroyables boissons que nous avons, tout ce temps, été obligés d’absorber, et qui nous ont été versées par tant d’empoisonneurs contemporains ! […] Excepté Vera, seul hégélien franc du collier que je connaisse, qui prend bravement Hegel et son système et qui avale le tout, — ce qui n’est pas facile, — les autres philosophes du temps ont de l’Hegel plus ou moins dans l’estomac ou dans la veine ; ils l’éructent ou le suent plus ou moins ; mais ils ne sont jamais du pur Hegel, et même ils ne voudraient pas l’être, l’orgueil anarchique des esprits étant monté si haut que personne bientôt ne voudra plus être le disciple de personne, et qu’un homme à qui vous direz qu’il est d’une École se regardera comme insulté. […] Caro ferme son volume par un compte rendu général et rapide des œuvres quelconques de ce temps où l’Idée de Dieu apparaît, comme elle a l’habitude d’apparaître dans la pauvre tête moderne, qui est si troublée.
les cinquante originaux, si même ils y sont, qui aiment encore le beau dans un temps qui préfère le laid… probablement par fatuité. […] Et, de fait, pour qu’il chantât comme le voici qui chante, il fallait les temps où nous sommes arrivés. […] De son temps, qui pourtant n’est pas très lointain, le poète athée, organisé dans toute l’animalité de son athéisme, n’était encore qu’une larve roulant dans son chaos. Pour qu’il s’accomplît, ce lion monstrueux, pour qu’il s’articulât et se mît sur pattes, il fallait le temps où nous sommes parvenus. […] L’athéisme, cette teigne du temps, aurait-il desséché sa noble tête de poète et condamné son génie à la stérilité des terres maudites ?
On pourrait plutôt reconnaître dans le langage de ces chants une sorte de piété panthéiste analogue à celle qui, dans des temps plus reculés, et chez des ancêtres oubliés de la race grecque, avait inspiré quelques accents des Védas. […] Un tel langage appartient à ces temps de la Grèce, où le courage et le génie du peuple étaient le plus liés aux croyances et aux fêtes du culte religieux. […] Mais, de nos jours, comment, avec quelques rares débris, quelques épaves fortuites échappées aux naufrages du temps, refaire ou deviner cette poésie ? […] Avec la différence des temps, la modération de désir recommandée par le fougueux satirique de Paros sert d’exemple à celle d’Horace49 : « Je ne me soucie nullement, avait dit Archiloque, des trésors de l’opulent Gygès ; jamais je ne fus pris du sentiment de l’envie ; je n’ambitionne pas les grandeurs des Dieux, ni je n’aspire aux pompes de la tyrannie ; je la laisse bien loin en arrière de mes regards. » À cette modération se joint l’abandon au destin, ou à la Providence. […] Il en avait fait la musique comme les paroles, et le chanta lui-même aux fêtes olympiques, où il obtint la palme vers la quinzième olympiade, près de deux siècles avant Pindare, au temps duquel ce poëme se redisait encore à l’ouverture des jeux.
Il s’arrêtait de temps à autre, et d’une voix tranquille stimulait les traînards. […] Il marchait sans se hâter, et sifflait de temps à autre dans son appeau. […] J’aperçus une élévation circulaire, entourée d’un fossé presque comblé par le temps. « Est-ce encore un maïdane ? […] — Certainement, il a un fils ; et quel voleur ce sera avec le temps ! […] On avait battu de l’avoine au fléau, mais on n’avait pas eu le temps de ramasser le dernier tas avant la nuit.
André Hallays de quelques écrivains de notre temps vers qui vont notre goût et notre confiance. […] Cette aisance souveraine, cette chaude beauté, sont pourtant l’ouvrage du temps et des hommes. […] En ce temps-là, on « allait au peuple » ; Félix, lui, va à l’amour. […] Madeleine et Félix traînent quelque temps encore leur chaîne. […] Mais quel rapport fournir de ce temps d’expérience ?
Il doit être un des rares auteurs de ce temps-ci qui réciteraient par cœur des pages de Rabelais. […] Il y dormit, il y souffrit encore un peu de temps, il y mourut. […] D’autres critiques de ce temps ont poursuivi d’autres desseins. […] Mais, à chaque tâche, son temps. […] Depuis ce temps, M.
Les influences nuisibles n’ont d’ordinaire qu’un temps ; les influences bienfaisantes sont éternelles. […] Il est un mérite que personne ne songe à lui contester, c’est d’avoir été le plus grand écrivain de son temps et un des plus admirables écrivains de la France de tous les temps. […] Il est en cela un représentant éminent de son temps. […] C’est autant comme penseur que comme historien que Renan a été le fidèle interprète du temps où il a vécu. […] Martin, il fut enfin élu en novembre en remplacement de M. de Loménie, peu de temps après Renan.
Cette crise un peu fiévreuse n’eut qu’un temps. […] Les temps de la chevalerie présentent le même caractère. […] Charles rêve, il rêve beaucoup plus depuis quelque temps ; il aime Louise, la fille du chantre, et s’il en croit de chers indices, une main donnée et oubliée dans la sienne à une certaine descente de montagne, Louise tout bas le lui rend. […] Presque surpris une seconde fois par le chantre soupçonneux qui rôde, il n’a que le temps de se réfugier dans l’église ; il s’y laisse enfermer, y passe la nuit, et, accablé de fatigue et d’émotions, s’y endort profondément. […] Par bonheur, l’orgue (Charles s’en ressouvient à temps) est en réparation et ne doit pas jouer ce jour-là ; il s’y cache.
Les races et les climats produisent simultanément dans l’humanité les mêmes différences que le temps a montrées successives dans la suite de ses développements. […] La morale elle-même, en attachant à ce mot l’acception complète et quasi évangélique que nous lui donnons, a-t-elle été une forme de tous les temps ? […] Dans les derniers temps de la littérature hébraïque, les savants composaient des psaumes imités des anciens cantiques avec une telle perfection que c’est à s’y tromper. […] Ce nom lui-même est un mensonge ; ce n’est pas lui, c’est la nation, c’est l’humanité, travaillant à un point du temps et de l’espace, qui est le véritable auteur. […] Mais la façon dont le peuple prenait la vie, le système intellectuel sur lequel le temps se reposait, on ne s’en occupe pas, et là pourtant est le grand principe moteur.
Carvalhof, et, peu de temps après, le traité fut signé. […] Johannès Weber, dans le Temps. […] Les jeunes gens du temps allèrent au théâtre munis de sifflets, avec l’intention de ne pas écouter cet artiste. […] Pensez-vous que, pendant ce temps, M. […] Laissez faire le temps, ce grand justicier qui met toutes choses à leur place véritable.
Il réalise ce qu’il peut de la fortune de sa femme, la laisse achever en Bretagne toute seule sa lune de miel et file sur Paris : en un rien de temps il gaspille dans des maisons de jeu et de débauche l’argent de sa légitime. […] C’était le temps où il était permis à tous d’aspirer à tout, d’espérer tout ; des petits avocats, des boutiquiers, des artisans, des palefreniers se révélaient généraux d’armée, législateurs et dictateurs de peuples. […] L’héroïne meurt à la trentième page du premier volume, mais son cadavre ensanglanté sort du tombeau et toutes les nuits va se coucher à côté de son mari, un Othello du temps de Charlemagne. […] Oscar aime Malvina, la femme de son ami, qui meurt au deuxième acte, ressuscite au quatrième, juste à temps pour empêcher le mariage d’Oscar et de Malvina. […] Les hommes de ce temps se montaient la tête et tendaient leurs forces afin de sortir de leur situation, afin de s’élancer par-delà le monde tangible pour épuiser l’ardeur et la passion de mouvement qui bouillonnaient dans leurs crânes.
Sacountala réveille tous les souvenirs à demi effacés des temps heureux qu’elle a passés avec le héros dans les délices de l’ermitage. […] il est temps que tu remontes sur le char d’Indra, ton protecteur, avec ton épouse et ton fils, et que tu retournes occuper le siège de ton empire. […] Le père de Bavahbouti était un brahmane appartenant à cette illustre race, dont l’origine se perdait dans les temps héroïques. […] Des paons innombrables, avec des cris discords, dans les débris des arbres que le temps abat et détruit, poursuivent les serpents effrayés. […] Mes années s’écoulent, et, en dépit du temps, rappelées à toute heure par le souvenir, mes douleurs me survivent à moi-même… Hélas !
Comment le Parisien aurait-il le temps de travailler, lui qui n’a pas le temps de vivre ? […] On ne se sent pas vivre, on oublie la vie ; on ne savoure pas le temps, le temps vous emporte. […] Cet esprit même, qui est de tous les temps, n’est plus du tout celui de notre temps. […] Il n’est que temps. […] Non, il a réfléchi et il connaît son temps.
Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon16 Lundi 6 novembre 1854 Vivre en plusieurs temps, être en plusieurs lieux, est devenu de jour en jour plus facile. […] Ces précautions et ces craintes se montrent à chaque ligne dans les maximes et avis que Mme de Maintenon écrivait pour les maîtresses des élèves, dès avant Saint-Cyr et dans le temps de Rueil ou de Noisy. Cependant une grande révolution allait s’opérer dans sa vie ; on en saisit une trace et un indice dans une de ses lettres de 1685 à Mme de Brinon : « Saint-Cyr et Noisy m’occupent fort ; mais, grâce à Dieu, je me porte fort bien, quoique j’aie de grandes agitations depuis quelque temps. » Ces agitations se rapportaient sans doute à la résolution du roi de l’épouser et au mariage secret qui se fit vers cette époque. […] Une fois Saint-Cyr établi, Mme de Maintenon s’y adonne tout entière ; se considérant comme chargée d’une mission par le roi et par l’État, elle y consacre les moindres parcelles de son temps et y dirige toute la lumière et tout l’effort de son esprit. […] Une lettre de Mme de Maintenon à Mme de Fontaines, maîtresse générale des classes, du 20 septembre 1691, expose cet état périlleux et cette crise ; elle sent d’ailleurs et convient avec sincérité que c’est elle-même qui a introduit le mal, et elle prend tout sur son compte : La peine que j’ai sur les filles de Saint-Cyr ne se peut réparer que par le temps et par un changement entier de l’éducation que, nous leur avons donnée jusqu’à celle heure ; il est bien juste que j’en souffre, puisque j’y ai contribué plus que personne, et je serai bien heureuse si Dieu ne m’en punit pas plus sévèrement.
Mais après avoir encore une fois savouré ces tristes délices de la lecture d’Adolphe, avoir goûté cette finesse consommée d’expérience sociale, cette vérité aride et terne, si bien dissoute et démêlée, et avoir reconnu, par-dessus tout, le cachet d’élégance et de distinction achevée empreint dans l’ensemble, je n’ai pu m’empêcher d’admirer la différence des temps, des sociétés, des écoles diverses. […] L’amour supplée aux longs souvenirs par une sorte de magie. » Mais il ne nous indique aucun de ces détails qui lui ont paru si charmants, ou il ne les indique que d’une façon très générale ; il aime mieux s’écrier : « L’amour n’est qu’un point lumineux, et néanmoins il semble s’emparer du temps, etc. » — Un jour il écrit à Ellénore, pour lui donner idée de ce qu’il souffre pendant les heures qu’il vit séparé d’elle : « … J’erre au hasard courbé sous le fardeau d’une existence que je ne sais comment supporter. […] Une de ses amies, frappée de son silence et de son abattement, lui demanda si elle était malade. — Je n’ai pas été bien dans ces derniers temps, répondit-elle, et même à présent je suis fort ébranlée. — J’aspirais à produire dans l’esprit d’Ellénore une impression agréable ; je voulais, en me montrant aimable et spirituel, la disposer en ma faveur, et la préparer à l’entrevue qu’elle m’avait accordée. […] Ce n’est pas que du temps d’Adolphe on ne fût aussi sensualiste, aussi sensible aux choses réelles et palpables, aussi sujet aux choses de la bile et du sang, qu’on peut l’être aujourd’hui ; l’Adolphe véritable, si je me l’imagine bien, ne s’en faisait pas faute. […] Un des moralistes qui ont le mieux observé et noté la passion, La Rochefoucauld a dit : « La jalousie naît avec l’amour, mais elle ne meurt pas toujours avec lui. » Pourquoi donc alors cette jalousie, qui peut très bien s’irriter et s’ulcérer dans les derniers temps par amour-propre, n’est-elle pas née en Roger du premier jour qu’il a aimé Fanny ?
Vous y avez, sur chaque personnage du temps, des jugements agréables ou non à l’amour-propre, mais qu’il faut connaître, et des expressions presque inévitables désormais au sujet d’un chacun, des expressions qui s’accrochent à vous en passant et qu’on ne peut plus secouer. […] Il y a un certain progrès de civilisation, un certain résultat de lumières (vous avez beau rire) qui a filtré jusqu’à lui, et qui me le fait très-bien supporter quelque temps, à travers ses ridicules. […] Il n’entend pas certaines allusions que lui font les beaux esprits convertisseurs avec qui il cause, et qui tendraient à le ramener aux effrois et aux pratiques d’un bourgeois de Paris du temps de Robert le Pieux. […] Le temps, ce ravisseur de toute joie humaine, Nous prend jusqu’à nos pleurs, tant Dieu veut nous sevrer ! […] Le temps n’a pas marché ; c’est hier, c’est tout à l’heure : J’étais là, près du lit de mon père expirant, J’allais d’un ami mort vers un ami mourant… ; Et vous, trésors de Dieu, trésors qu’au moins je pleure, Biens que j’eus un instant et dont j’ai su le prix, Doux enfant, chaste épouse, ô gerbe moissonnée !
Une révolution se préparait depuis quelque temps ; pour ceux qui prêtent l’oreille aux moindres bruits, elle était imminente ; on l’attendait de jour en jour ; elle vient d’éclater : ne vous troublez pas, tranquillisez-vous ! […] Il est vrai encore que, depuis ce temps, M. […] Et, en vérité, avec nos grands écrivains du xviie siècle, nous marchons depuis quelque temps de secousse en secousse, de surprise en surprise ; on ne nous laisse pas un instant sommeiller en paix sur l’oreiller de nos admirations établies. […] Elle reste bien la même, la spirituelle et l’éblouissante railleuse, celle qui porte partout la vie, celle qui a en elle la joie et le charme, celle que de tout temps nous connaissons, mais plus abandonnée, plus vive de parole et de plume, plus à bride abattue, plus drue et gaillarde, plus sœur de Molière, plus elle-même, pour tout dire, que jamais. […] En lui l’auteur paraît toujours ; sa conclusion est bien de l’homme qui, dans le temps, n’a pas voulu perdre ce vilain Portrait si bien fait ; qui n’a pas eu le courage de sacrifier et de jeter au feu cette production de son esprit : « Ne trouvez-vous pas, dit-il, que c’est grand dommage que nous ayons été brouillés quelque temps ensemble, et que cependant il se soit perdu des folies que nous aurions relevées et qui nous auraient réjouis ?
Le vieux tronc, avant de se dessécher, produisit entre ses racines deux fleurs, et ces deux fleurs fragiles, d’une saison à peine, moissonnées avant le temps, (ô triomphe de l’esprit !) […] Louise de Bayne en son château de Rayssac, passant de l’adolescence à la jeunesse, eut tout le temps de voir les saisons se succéder, les printemps courir, sa première fleur pâlir et se décolorer déjà, avant qu’un mariage sérieux la vînt prendre et enlever à sa terre natale. […] De tout temps, deux pensées dominantes la remplissent : Dieu et son frère. […] tandis que tout le monde pleure, deux enfants couvrent de fleurs ce tombeau céleste, et, après un peu de temps, comme celui que nous passerons dans la tombe, le drap se replie peu à peu et laisse voir la radieuse sainte qui se lève au chant du Te Deum et, conduite par la mère supérieure, va donner un baiser à chacune des sœurs. […] L’Esprit des Femmes de notre temps, par Camille Selden, auteur du roman de Daniel Vlady ; un vol. in-18, bibliothèque Charpentier.
J’en sais, dans ce temps-ci, un assez grand nombre, de distingués et même d’assez ordinaires, simples majors ou caporaux déjà vieillis dans le régiment dont ils ne seront jamais colonels. […] Brizeux s’est fait sa place à part dans le groupe des maîtres-chanteurs du temps. […] Une part plus juste se fit bientôt avec le temps. […] Marie est le livre poétique le plus virginal de notre temps, c’est même le seul véritablement tel que je connaisse. […] A ce second temps, à cette seconde saison, il a gardé encore de la fraîcheur et de la facilité des inspirations premières ; mais elles ont acquis plus de développement, de fermeté, la pleine maturité déjà : c’est le lucide moment, la nuance épanouie.
Voilà, si je compte bien, la troisième fois depuis 1800 que la vogue et la publication se tournent aux Mémoires de ce temps-là. […] Mais de quelque utilité que cette personne d’esprit ait pu être dans un autre temps à l’abbé de Chaulieu plus que septuagénaire, ce n’est pas sur ce genre d’aveu que je fais porter le plus ou moins de sincérité d’un auteur femme dans les Mémoires qu’elle, écrit. […] Ce ne sont là, du reste, que des intentions, à temps réprimées, qui affectent à peine une diction exquise et de la meilleure langue. […] Comme tous les vrais médecins, elle sait bien mieux l’état véritable du malade que les moyens d’y remédier ; elle n’y peut opposer que des palliatifs, et elle-même alors elle le dirigeait vers l’ambition : « J’avois bien espéré, lui écrivait-elle, du temps et de l’absence ; mais il semble qu’ils n’ont rien produit, et que infinie le mai est empiré. […] On n’y regardait pas de si près en ce temps-là, quand il s’agissait de s’assurer les plaisirs de l’esprit.
Pour quelque temps, du moins, les bornes de la destinée de l’homme, l’analyse de la pensée, la méditation de la philosophie, se sont perdues dans le vague d’un sentiment délicieux ; la vie qui pèse était entraînante, et le but, qui toujours paraît au-dessous des efforts, semblait les surpasser tous. […] Une femme dans ces temps affreux, dont nous avons vécu contemporains ; une femme condamnée à mort avec celui qu’elle aimait, laissant bien loin d’elle le secours du courage, marchait au supplice avec joie, jouissait d’avoir échappé au tourment de survivre, était fière de partager le sort de son amant, et présageant, peut-être, le terme où elle pouvait perdre l’amour qu’il avait pour elle, éprouvait un sentiment féroce et tendre, qui lui faisait chérir la mort comme une réunion éternelle. […] qu’il est beau ce sentiment qui, dans l’âge avancé, fait éprouver une passion peut-être plus profonde encore que dans la jeunesse ; une passion qui rassemble dans l’âme tout ce que le temps enlève aux sensations ; une passion qui fait de la vie un seul souvenir, et dérobant à sa fin tout ce qu’a d’horrible, l’isolement et l’abandon, vous assure de recevoir la mort, dans les mêmes bras qui soutinrent votre jeunesse, et vous entraînèrent aux liens brûlants de l’amour. […] Si, au contraire, il a existé dans la vie un heureux moment où l’on était aimé ; si l’être qu’on avait choisi était sensible, était généreux, était semblable à ce qu’on croit être, et que le temps, l’inconstance de l’imagination, qui détache même le cœur, un autre objet, moins digne de sa tendresse, vous ait ravi cet amour dont dépendait toute votre existence, qu’il est dévorant le malheur qu’une telle destruction de la vie fait éprouver ; le premier instant où ces caractères, qui tant de fois avaient tracé les serments les plus sacrés de l’amour, gravent en traits d’airain que vous avez cessé d’être aimé ; alors, que comparant ensemble les lettres de la même main, vos yeux peuvent à peine croire que l’époque, elle seule, en explique la différence, lorsque cette voix, dont les accents vous suivaient dans la solitude, retentissaient à votre âme ébranlée, et semblaient rendre présents encore les plus doux souvenirs ; lorsque cette voix vous parle, sans émotion, sans être brisée, sans trahir un mouvement du cœur, ah ! […] Une sorte de trouble sans fin, sans but, sans repos, s’empare de leur existence, les unes se dégradent, les autres sont plus près d’une dévotion exaltée que d’une vertu calme ; toutes au moins sont marquées du sceau fatal de la douleur : et pendant ce temps, les hommes commandent les armées, dirigent les Empires, et se rappellent à peine le nom de celles dont ils ont fait la destinée ; un seul mouvement d’amitié laisse plus de traces dans leur cœur que la passion la plus ardente ; toute leur vie est étrangère à cette époque, chaque instant y rattache le souvenir des femmes ; l’imagination des hommes a tout conquis en étant aimé ; le cœur des femmes est inépuisable en regrets, les hommes ont un but dans l’amour, la durée de ce sentiment est le seul bonheur des femmes.
Diamantine se présente, appelle Arlequin monseigneur, ce qui l’amuse quelque temps et lui déplaît ensuite. […] Depuis ce temps-là jusqu’à la mort de ce rare acteur, M. de Harlay le reçut toujours chez lui avec une estime et une distinction particulière ; le monde, qui le sut prétendait qu’Arlequin le dressait aux mimes, et qu’il était plus savant que le magistrat ; mais que celui-ci était aussi bien meilleur comédien que Dominique. » Dominique modifia très sensiblement le caractère d’Arlequin. « De tout temps, dit Louis Riccoboni, Arlequin avait été un ignorant. […] Dominique a laissé un manuscrit des scènes qui lui étaient personnelles dans les pièces représentées de son temps, manuscrit où il notait avec un soin égal ses bons mots et ses culbutes. […] Il la prend, commence à en jouer : pendant ce temps-là.
Il faut attendre le temps du voyage de Barèges, et le faire si le petit duc le fait… J’ai grande envie d’aller à Maintenon, mais les maux de ces enfants me retiennent. » Les irrésolutions concernaient l’alternative de se retirer de la cour ou d’y continuer sa résidence. […] Peu de temps après, un mot tout à fait inattendu, que le roi prononça tout simplement et comme par habitude, marqua l’époque d’un changement heureux dans la condition de la gouvernante. […] Trente pages de La Beaumelle contiennent cette histoire presque toute dialoguée, à laquelle il ne manque que l’appui d’un témoignage quelconque, ou au moins de quelque indication conforme dans les correspondances du temps. […] Pendant ce temps-là, madame de Montespan partageait son temps entre l’embellissement de Clagny et des empressements pleins de respect pour la reine, qui prenait plaisir favoriser son beau repentir, et sa résignation à une vie plus régulière. […] Une lettre que madame de Maintenon écrit à Gobelin, de Versailles, sans date, mais qui est de peu de temps postérieure à son retour des eaux, exprime la tristesse qu’elle éprouvait alors.
Le philosophe qui étudie les idées des autres est trop enclin à les voir à travers les siennes : il se retrouve lui-même partout, il impose aux écrivains du passé les cadres artificiels de son propre système, comme a fait Hegel dans son Histoire de la philosophie, ouvrage éminent, mais d’un philosophe plus que d’un historien ; ou bien il les juge avec une sévérité excessive, leur demandant ce qui est de son temps et non du leur, exigeant des réponses à des questions qu’ils n’ont point connues, ce qui a été quelquefois le tort de l’école française. […] Après tout, c’est un grand mal sans doute si dans un temps donné il n’y a pas de grand philosophe ; mais ce n’est pas une raison pour qu’il n’y ait point d’historien de la philosophie, de même que, s’il n’y a pas de grand peintre, ce n’est pas une raison pour ne pas faire l’histoire de la peinture. […] Mais s’il a fallu beaucoup de temps et une attention très-particulière pour s’apercevoir que la nature a changé, il est au contraire une classe d’êtres où le changement est si visible et où le passé joue un rôle si considérable, que l’on a dû être de très-bonne heure frappé d’un fait si éclatant. […] Quelquefois ils naissent d’une protestation de la conscience contre les mœurs et les institutions d’un temps, et par là ils ont encore leurs raisons d’être dans le temps lui-même : par exemple, la révolution de Socrate ou celle de Rousseau ; mais il ne faut pas exagérer le point de vue des origines extérieures des systèmes philosophiques. […] Un illustre érudit du xviiie siècle, le chef de l’école de Leyde, Tibère Hemsterhuys, se plaignait que de son temps « l’histoire de la philosophie, cette matière si riche des recherches savantes, n’eût pas encore attiré les études de la critique, qu’elle fût livrée à des compilateurs sans génie et sans lettres, qui ne connaissaient les philosophes anciens que par de vicieuses traductions, et qui tiraient d’une lecture superficielle un résumé aride et sans intelligence37. » Il y a un siècle à peine que ces paroles ont été prononcées.
C’est une grande question que de savoir si la seule étude des langues anciennes vaut le temps qu’on lui consacre, et si cette époque précieuse de la jeunesse ne pourrait pas être employée à des occupations plus importantes. […] On perd trop de temps avec ces fadaises, et c’est souvent avoir appris à déraisonner méthodiquement. […] J’observe qu’il serait bon, dans ces Lese-Schreib und Rechen-Schulen, de pousser l’instruction plus loin qu’elle ne va communément en Allemagne, et d’y faire enseigner, par exemple, à ceux qui se destinent aux professions mécaniques et au commerce, la manière de tenir les livres en parties doubles, la science du change, et tout ce qu’il est bon, dans ces professions, de savoir pour y devenir plus habile en moins de temps. […] On voit, du reste, par son Voyage en Hollande, que, s’il n’était pas ami du déplacement, lorsqu’il se déplaçait, il mettait son temps à profit pour se rendre compte, non des particularités pittoresques, mais des choses utiles : mœurs, coutumes, produits, revenus, industrie, établissements publics, etc. […] Wagner, et même mieux que cette Mlle Cardel, qui fut en son temps le chandelier portant la lumière de son siècle, sans les avoir.