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41. (1890) L’avenir de la science « II »

Dès qu’il pense, il cherche, il se pose des problèmes et les résout ; il lui faut un système sur le monde, sur lui-même, sur la cause première, sur son origine, sur sa fin. […] La science, en effet, ne valant qu’en tant qu’elle peut remplacer la religion, que devient-elle dans un pareil système ? […] Vivre sans un système sur les choses, c’est ne pas vivre une vie d’homme. Je comprends certes le scepticisme, c’est un système comme un autre ; il a sa grandeur et sa noblesse. […] À mes yeux, ce système est le plus illogique et le plus irrévérencieux envers les choses divines.

42. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Un des traits les plus caractéristiques de l’état social en France, depuis la chute de la Restauration, c’est assurément la quantité de systèmes généraux et de plans de réforme universelle qui apparaissent de toutes parts et qui promettent chacun leur remède aux souffrances évidentes de l’humanité. […] La quantité de systèmes généraux et de théories sociales qui s’élèvent est pourtant un symptôme notable bien digne de grave réflexion. […] Pour tout ce qui concerne l’industrie principalement, et l’association des travailleurs, nul doute qu’il n’y ait beaucoup à profiter des vues neuves, précises, jetées en avant par les économistes de ces divers systèmes, et opposées à l’art de grouper des chiffres, ainsi qu’aux autres jongleries de nos financiers. […] Carnot et Leroux, paraissent s’être rendu compte à peu près ainsi de la situation présente des doctrines, et c’est à la conciliation des systèmes nouveaux d’économie politique et d’organisation des travailleurs avec les libertés des citoyens et les inaliénables conquêtes de notre Révolution, que leur recueil estimable semble de plus en plus consacré. […] Nous ne concevons le système de M. 

43. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Une fois M. de Talleyrand mort, nul de nos hommes d’État, quoique éminents, n’avait sur le roi Louis-Philippe et sur les cabinets européens l’ascendant, l’expérience et l’autorité acquise nécessaires pour diriger d’une main magistrale le système extérieur de la France. […] Notre système diplomatique d’inviolabilité des peuples et des trônes en fut confirmé au lieu d’en être altéré ; au lieu de demander une réparation, le cabinet républicain n’eut à recevoir que des remerciements. […] Et pour moyen, l’équilibre ; L’équilibre, maintenu, autant que possible, par la force relative propre, ou par la force des alliances qui mettent le poids des petits États à côté des grands pour égaliser les systèmes. […] Il n’y a donc point de système d’alliance naturel et permanent pour un peuple ; les alliances sont dépendantes des circonstances, des avantages, des dangers, des groupements de forces qui résultent pour les nations alliées de la situation des choses en Europe. Prenons pour exemple la France, et, sans remonter trop haut et sans utilité dans le vague de l’histoire, examinons quel était le système de ses alliances avant la révolution, et quel système d’alliance lui serait réellement le plus profitable aujourd’hui, dans l’état tout différent où se trouve maintenant l’Europe.

44. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Le sixième aspect est un système du droit naturel des gens. C’était avec le commencement des peuples, que Grotius, Selden et Pufendorf devaient commencer leurs systèmes (axiome 106 : les sciences doivent prendre pour point de départ l’époque où commence le sujet dont elles traitent). […] En premier lieu, Grotius procède indépendamment du principe d’une Providence, et prétend que son système donne un degré nouveau de précision à toute connaissance de Dieu. […] — Quant à Pufendorf, il commence son système par jeter l’homme dans le monde, sans soin ni secours de Dieu. […] Leurs systèmes n’embrassent pas la moitié du droit naturel des gens.

45. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Lhuys, essaye de la développer dans un système complet d’explication des phénomènes psychiques. […] Vulpian, Leçons sur la physiologie générale comparée du système nerveux. […] Du système nerveux, Préface. […] Physiologie générale et comparée du système nerveux, p. 105 et suiv. […] Système nerveux cérébro-spinal, p. 314, 323, 352, 359, 371, 379, 381.

46. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Ne pouvant se donner ce plaisir lui-même, il appelle les autres à son aide ; il expose un, deux, dix, vingt systèmes. […] Il suit de là que Dieu est dans la nature aussi bien que dans l’homme. » Et il ajoute : « Ce système est le vrai. […] Il donnait le nom de panthéisme à divers systèmes autres que celui de Schelling, et prouvait qu’il ne professait pas ceux-là. […] Nous rejetons donc tous les systèmes qui nient ou affaiblissent la certitude, et mettent à la place le doute ou la probabilité. […] Saisset, a réfuté à l’École normale la théorie des quatre systèmes.

47. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Chaque nouvelle sève de production littéraire y est déterminée par un nouveau système d’esthétique ; de là, dans sa littérature, tant de maniéré et d’artificiel. […] Dans une hypothèse que je suis loin de prendre d’une manière dogmatique, mais seulement comme une belle épopée sur le système des choses, la loi de Dieu ne serait pas autre. […] Comme pourtant le besoin d’une religion est de l’humanité, ils trouvent commode de prendre tout fait le système qu’ils rencontrent sous la main, sans examiner s’il est acceptable 156. […] Mais, n’ayant pas le sentiment du mouvement théologique, elle n’a pas vu de milieu entre un système donné et la répudiation moqueuse de ce système. […] Un système tout fait, qu’il ne soit pas nécessaire de comprendre et qui nous épargne la peine de chercher, voilà bien ce que la France demande en religion, parce qu’elle sent fort bien qu’elle n’a pas le sens délicat des choses de cet ordre.

48. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

À vrai dire, le système n’a point eu de métaphysique ; les sciences positives se sont développées sans lui, ne recevant de lui aucune idée générale et directrice, contredisant même celle que M.  […] Défendu par des hommes médiocres, le système eût réussi, tant il était populaire ; défendu par des hommes de talent, dont quelques-uns eurent quelquefois du génie, il devait tout abattre et tout subjuguer. […] Toujours quelque grand philosophe surgissait à point pour réveiller la curiosité lassée, ou pour appuyer le système chancelant. […] Aujourd’hui encore le système paraît durable. […] Le système reste maître de l’enseignement, professeur et possesseur des générations qui naissent, défendu par une escorte d’hommes instruits, d’hommes de talent et d’hommes de cœur.

49. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Parti de la philosophie, écossaise, cette pauvre doctrine aphone du sens commun, pour arriver plus tard aux raucités et aux embrouillements de ventriloques de gens comme Kant et Hegel, qu’on n’entendait guères alors que dans leur patrie, Cousin mit toujours une expression, peu sincère, mais éclatante, au service de divers systèmes qu’après tout il vulgarisa. […] Malheureusement, Cousin ne suivit pas cette vocation de vulgarisateur qui était la sienne, et qu’il a mal remplie ; car il a souvent faussé ce qu’il a vulgarisé, par la faute d’une intelligence ambitieuse qui voulut avoir ses idées et ses systèmes à elle, et qui fut toujours radicalement impuissante à en produire qu’on dût respecter. […] Destiné à l’enseignement de la philosophie, vivant dès sa jeunesse dans l’accointance des philosophes et dans la préoccupation de leurs études et de leurs influences, il crut, parce qu’il entendait et sentait vivement leurs écrits, que lui aussi aurait le pouvoir d’éjaculer, comme eux, quelque système avec lequel la pensée humaine aurait à se colleter plus tard ; mais, pendant toute sa vie, il put apprendre à ses dépens que la faculté de jouer plus ou moins habilement avec des idées qui ne vous appartiennent pas n’est pas du tout la vraie fécondité philosophique, qui n’a, elle, que deux manières de produire : — par sa propre force, si l’on appartient à la grande race androgyne des génies originaux, — ou en s’accouplant à des systèmes qui ont assez de vie pour en donner à la pensée qui n’en a pas, si l’on n’appartient pas à cette robuste race des génies originaux et solitaires. Certainement, l’intelligence très vive de Cousin, qui a des promptitudes de moineau, s’est accouplée à beaucoup d’idées et de systèmes, mais elle n’en est pas moins restée stérile. […] Il a du talent cependant, nous le voulons bien, comme l’autre infortuné en avait aussi ; mais ce n’est pas le talent qui fait… des systèmes !

50. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Non, « l’ancien système » n’a pas disparu. […] Il vit mémo des essais de réalisation de son système. […] Elle consiste à donner pour cause ce qui est effet, à faire sortir de la réalisation de son système ce dont le système aurait besoin pour se réaliser. […] Un changement, et profond, dans la nature humaine, voilà ce qui est la condition nécessaire du système de Fourier et de tout système analogue. […] Son système religieux n’est guère qu’un souhait, une aspiration.

51. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Ce système, ou du moins son esprit, se répandit parmi les plus beaux génies du siècle de Louis XIV. […] L’Angleterre était tombée sous le joug du système de Locke, et la France avait échangé le cartésianisme exagéré, mais sublime, de Malebranche pour des imitations superficielles de la philosophie anglaise. […] Tels sont, en quelques mots, les traits généraux du nouveau système que Kant a donné à l’Allemagne et l’Allemagne à l’Europe. […] Par là il ne faudrait pas entendre une critique de tel ou tel système. […] En parlant avec ce dédain de tous les systèmes qui ont précédé, et en les présentant comme un amas d’hypothèses arbitraires, qui contiennent à peine quelques vérités comme par hasard, il ne lui vient pas une seule fois à l’esprit que les auteurs de ces systèmes, ce sont des hommes ou ses égaux ou ses supérieurs, Platon, Aristote, Descartes, Leibnitz.

52. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Il est dû à la subordination des organes ; toutes les parties ont des rapports ; toutes agissent ensemble par le moyen du système nerveux. […] L’unité du système nerveux dans tout le règne animal a été généralement reconnue ; mais, chose étrange, on n’en a pas déduit l’unité de conscience. « Les diverses formes de la conscience ou sensibilité peuvent être groupées convenablement sous ces trois titres : 1° Conscience du système (systemic consciousness) ; 2° conscience des sens (sense-C. […] )249. » La conscience du système, qui nous donne les principaux éléments du sens de l’existence, renferme toutes les sensations naissant du système en général et en particulier des fonctions organiques. […] Tout ce que le physiologiste peut faire, c’est d’indiquer les rapports de cette forme de la conscience, avec les forces intérieures et les parties du système nerveux qui lui servent d’organes. […] Mais nous avons déjà vu qu’il y a diverses espèces de sensations formant deux groupes principaux : sensations des sens, sensations du système.

53. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

. — L’individu animal ou humain n’est qu’un système. […] Par suite, l’on verrait, dans les groupes de sensations rudimentaires dont nous n’avons pas conscience, des âmes rudimentaires ; et, de même que l’appareil nerveux est un système d’organes à divers états de complication, de même l’individu psychologique serait un système d’âmes à divers degrés de développement. […] Or il n’y a point de différence entre un système nerveux ainsi composé et le système nerveux d’un mammifère, sinon que les segments du premier sont plus complets et plus indépendants que ceux du second. […] Enfin, au plus bas degré de l’échelle animale, dans les zoophytes pair exemple, où nul système nerveux ne se montre et où là matière nerveuse n’existe probablement qu’à l’état diffus, la pluralité et la division sont plus grandes encore ; car on peut couper un polype en tous sens et même le hacher ; Chaque fragment se recomplète et fournit un animal qui a toutes les facultés et tous les instincts de l’animal primitif. […] À mesure que nous descendons dans le règne animal, nous la voyons perdre, de sa domination et de sa complexité et se réduire au niveau des autres, pendant que celles-ci, relâchant elles-mêmes leurs attaches mutuelles, se dégradent insensiblement. — Au point de vue de la perception extérieure, elles ont toutes pour condition l’intégrité et le renouvellement du système nerveux dont elles sont l’action propre, et les êtres plus ou moins étroitement associés qu’elles constituent, quels qu’ils soient au point de vue de la conscience, de quelque nom que l’illusion métaphysique ou littéraire les habille, sont assujettis à la même condition.

54. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

En effet, dans les animaux inférieurs, tels que les zoophytes, qui sont privés de cerveau et qui, selon toute apparence, n’ont pas même de système nerveux, nous ne remarquons, suivant Gall, aucun instinct, aucune aptitude industrielle, à peine quelques penchants analogues à ceux des plantes. Avec les ganglions et le système nerveux ganglionnaire commence la sensibilité, liée aux phénomènes du mouvement : c’est ce qu’on remarque chez les mollusques, réduits à une sorte de vie végétative. A mesure que le système nerveux se perfectionne (c’est toujours Gall qui parle), lorsque paraît un petit cerveau au-dessus de l’œsophage, paraissent aussi quelques instincts, quelques aptitudes innées. […] Enfin on propose de peser non-seulement le cerveau, mais le système nerveux tout entier, la moelle, les nerfs sensoriels, les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs ; mais qui pourrait faire un pareil travail ? […] « Dans l’ordre intellectuel, dit Leuret, passer des insectes aux poissons, ce n’est pas monter, c’est descendre ; dans l’ordre organique, c’est suivre le perfectionnement du système nerveux.

55. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

voilà qui produit un rude effet sur l’ignorant et qui l’agenouille, tandis qu’au contraire la facilité de comprendre le système, très peu compliqué de M.  […] Comte le philosophe, le grave, celui qui n’amuse pas, mais qui croit éclairer, est aussi un escamoteur, et son système de philosophie n’est qu’une longue suite de tours d’escamotages. […] Comte le philosophe escamote littéralement, dans son système de philosophie positive, qui n’est que le vide positif, — d’abord Dieu et tout l’ordre surnaturel ; ensuite la métaphysique tout entière et le monde d’abstractions et d’explications qu’elle traîne à sa suite ; enfin, les causes finales et les causes premières ! […] Et cette inconséquence n’est pas la seule dans le système de M.  […] Quoi donc lui appartient dans son système ?

56. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Comme La Fayette, comme Bailly, comme Pétion, comme Carnot, La Révellière fut l’homme d’un des systèmes qui régnèrent durant notre Révolution ; il comprit ce système, le pratiqua, le soutint et ne l’abandonna qu’à la dernière heure. […] Signalons encore une vue large et féconde sur les deux systèmes politiques dont le duel opiniâtre a ensanglanté l’Europe. […] Que l’Autriche désire sincèrement la paix, et le Directoire aussi ; ils se feront pourtant la guerre, parce que la guerre est implacable entre les deux systèmes qui les divisent, et que rien n’est irrésistible comme un système. […] Mais le 9 thermidor, le 31 mai, la rupture de la paix d’Amiens, celle de la paix de Tilsitt, étaient des résultats tôt ou tard immanquables, auxquels les hommes ont contribué de part et d’autre, bon gré, mal gré, en vertu de systèmes plus forts qu’eux.

57. (1915) La philosophie française « II »

Par là même, elle répugne le plus souvent à prendre la forme d’un système. […] À cette idée on pourra toujours en opposer une autre, avec laquelle on construira, selon la même méthode, un système différent ; les deux systèmes seront d’ailleurs également soutenables, également invérifiables ; de sorte que la philosophie deviendra un simple jeu, un tournoi entre dialecticiens. […] On aura bien là, si l’on veut, une espèce de système ; mais le principe même du système sera flexible, indéfiniment extensible, au lieu d’être un principe arrêté, comme ceux qui ont donné jusqu’ici les constructions métaphysiques proprement dites.

58. (1932) Les idées politiques de la France

Il y a là deux systèmes de morcelage assez différents. […] Elle jouait dans le système de la paix un rôle privilégié. […] Le traditionalisme est un système de continuité dans le temps. […] De sorte que par système industrialiste on entend à peu près, tout simplement, le système des affaires. On remarquera que système des affaires ne signifie pas nécessairement système des hommes d’affaires.

59. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Il a, par pudeur, retaillé et recousu dans la morale indépendante, moins indépendante, il est juste de le reconnaître, dans son système, que dans celui du marchand de robinets. […] D’un autre côté, en tant qu’invention, que système religieux, — et un système religieux est loin d’être une religion encore, — la Religion progressive, — même à nos yeux, à nous, catholiques, qui, comme ce grand siècle marcheur, ne cherchons pas la vérité sur toutes les routes, parce que nous savons où elle se tient, immobile et rayonnante ! […] C’est un enfantillage de penser qu’en cessant d’être la religion qu’il fut toujours, le catholicisme sauvera le monde, qui ne croit plus au catholicisme et qui le repousse ; et c’est la contradiction la plus effroyable pour un philosophe qui devrait avoir l’habitude du raisonnement, que d’appeler une Religion progressive celle dont on a ôté le Dogme, c’est-à-dire la seule chose qui donne aux systèmes religieux, — qui, sans elle, ne seraient que des systèmes, — leur caractère sine quâ non de religion.

60. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

L’essentiel était de manifester une originalité personnelle, de créer de l’esprit ou un système, et de se montrer avantageusement à l’occasion de son auteur. […] Pas de philosophie de l’histoire littéraire ; pas de loi universelle, prétendant expliquer la genèse des œuvres ; pas de système dont Marivaux fût employé à donner la démonstration. […] Mais en répondant à l’appel de Sainte-Beuve, il retint de la forte discipline de Benoist une méthode impersonnelle et rigoureuse, le respect des textes et des faits, l’habitude de l’enquête patiente et scrupuleuse, la défiance de l’esprit brillant et de l’esprit de système. […] Brunetière : il ôtait à leurs idées ce qui en faisait des systèmes, il en gardait ce qui donnait moyen d’interroger, d’embrasser le plus de réalité possible. […] Brunetière ; mais son ambition n’était pas là, et, eût-il écrit vingt volumes de plus, il n’eût pas ajouté un système aux systèmes de la critique constructive.

61. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

L’âge actuel serait, dans le système que je me propose de développer, l’âge d’une seconde émancipation, celle de la pensée par l’affranchissement des liens de la parole. […] On aura beau faire, il faut absolument choisir entre deux systèmes : ou l’homme a reçu le pouvoir de créer les langues, ou cette faculté lui a été refusée. […] Ceci est donc très important, puisqu’il s’agit, en dernière analyse, d’établir que les deux systèmes sont fondés en raison, c’est-à-dire de faire tout reposer sur les traditions, au moment même où les traditions nous échappent. Comme l’origine de la parole et l’origine de la société sont absolument la même question, il en résulte que les deux systèmes relativement à la parole s’appliquent aussi à la société, et peuvent se résoudre de la même manière. […] Voilà pourquoi leurs opinions ressemblent quelquefois à des systèmes, et pourquoi il leur arrive de protéger des principes consacrés par l’autorité des siècles antérieurs avec des arguments, et des raisons puisés dans la sphère des idées de ce siècle.

62. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Le foie est un organe glandulaire considérable qui ; chez tous les vertébrés, forme une sorte de barrière entre le système circulatoire digestif et le système circulatoire général. […] Le système afférent est donc formé par la veine porte, et le système efférent par les veines sus-hépatiques. […] Il n’est pas non plus dans le système veineux général. […] Dans ces conditions, à peu près tout le sucre versé par le foie disparaît dans le poumon et l’on en retrouve à peine des traces dans le système artériel et dans le système veineux général. […] Nous avons à poursuivre aujourd’hui l’action du système nerveux sur cette fonction.

63. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Leur entraînement naturel les exposant aux plus cruels malheurs, ils ont plus besoin du système qui a pour but unique d’éviter la douleur. […] Je m’attends aux diverses objections de sentiment et de raisonnement qu’on pourra faire contre le système développé dans cette première partie. […] Votre système de vie est attaqué, chaque coup ébranle l’ensemble : celui-là aussi s’éloigne de moi, est une pensée douloureuse, qui donne au dernier lien qui se brise un prix qu’il n’avait pas auparavant. […] Mais j’ai tâché d’offrir un système de vie qui ne fut pas sans quelques douceurs, à l’époque où s’évanouissent les espérances de bonheur positif dans cette vie : ce système ne convient qu’aux caractères naturellement passionnés, et qui ont combattu pour reprendre l’empire ; plusieurs de ses jouissances n’appartiennent qu’aux âmes jadis ardentes, et la nécessité de ses sacrifices ne peut être sentie que par ceux qui ont été malheureux. […] Leurs adversaires peuvent sans doute éprouver la juste horreur du crime, mais comme ces crimes mêmes servent d’argument à leur système, ils ne leur font pas ressentir, comme aux amis de la liberté, tous les genres de douleur à la fois.

64. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Le monde n’est qu’un système de concepts logiquement liés. […] Au moment précis où un peuple entreprend de se refaire un système d’idées, il peut bien, dans une crise d’enthousiasme et de confiance juvénile, croire que la tâche est aisée ; mais il ne tarde pas à en éprouver toutes les difficultés, et les illusions qu’il peut avoir eues ne font que rendre son désenchantement plus amer. […] En tout cas, dès le xviie  siècle, Hobbes la constitua à l’état de système. […] On a imputé au système certaines conséquences pratiques qui ne pouvaient pas ne pas alarmer l’opinion. […] La morale est une réalité vivante et agissante ; c’est un système de faits donnés ; en faire l’étude du point de vue de la science *, ce n’est pas chercher à la mettre d’accord avec telle ou telle doctrine métaphysique, c’est l’observer telle qu’elle est et tenter de l’expliquer.

65. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Il a du talent, et il a un système. […] En religion, en philosophie, en politique, dans l’art, dans la morale, chacun de nous doit s’inventer ou se choisir un système : invention laborieuse, choix douloureux… La vie n’est plus un salon où l’on cause, mais un laboratoire où l’on pense. […] De là les raisonnements, les abstractions, le système ; la poésie est en fort mauvaise compagnie. […] Il avait dit ailleurs, en parlant de l’action dans les fables du poète, de cette action qui semble si éparse et qui se rattache toute à une idée, à un but : « Poésie et système sont des mots qui semblent s’exclure, et qui ont le même sens. » — Oui assurément, si l’on entend par système un tout vivant, animé, coloré ; oui, si ce mot de système a le même sens que cosmos et que monde ; mais chez nous (et cela tient peut-être à notre peu de goût pour la chose), le mot de système se prend dans une acception moins entière et moins belle ; il implique la dissection, l’abstraction. […] Son étude de Tite-Live surtout nous montrera dans un beau jour ses qualités littéraires supérieures, mais encore adhérentes à un système.

66. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Il y a loin de là à la belle et austère simplicité d’un La Place dans l’Exposition du Système du Monde. […] Notre globe n’est placé dans le système solaire ni au premier rang (tant s’en faut !) […] Bernardin de Saint-Pierre est dépassé dans ses rêves d’harmonie céleste : Jean Reynaud est devenu le prophète et le saint Jean-Baptiste du système dont M.  […] Enfin plusieurs siècles de travaux ont fait tomber le voile qui lui cachait le système du monde. Alors il s’est vu sur une planète presque imperceptible dans le système solaire dont la vaste étendue n’est elle-même qu’un point insensible dans l’immensité de l’espace.

67. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Enfin, en littérature, il a inventé le système si connu de la faculté maîtresse. […] Un tel système ne pouvait toutefois tenir longtemps devant l’application. […] Dans le système de M.  […] Or, si nous comprenons quelque chose au système de M.  […] Mécanisme et fatalité, voilà le système de M. 

68. (1842) Discours sur l’esprit positif

C’est uniquement ainsi que nos connaissances positives peuvent former un véritable système de manière à offrir un caractère pleinement satisfaisant. […] Le polythéisme s’adaptait surtout au système de conquête de l’antiquité, et le monothéisme à l’organisation défensive du Moyen Âge. […] C’est ainsi qu’elle rend une scrupuleuse justice, non seulement aux divers systèmes de monothéisme autres que celui qui expire aujourd’hui parmi nous, mais aussi aux croyances polythéiques, ou même fétichiques, en les rapportant toujours aux phases correspondantes, de l’évolution fondamentale. […] On doit, il est vrai, reconnaître, en général, que l’introduction de toute règle morale a dû partout s’opérer d’abord sous les inspirations théologiques, alors profondément incorporées au système entier de nos idées, et aussi seules susceptibles de constituer des opinions suffisamment communes. […] Telle est l’éminente utilité, non moins sociale que mentale, qu’il s’agit ici de retirer enfin d’une judicieuse exposition populaire du système actuel des saines études astronomiques.

69. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Champfleury ; Desnoireterres »

C’est un écrivain qui, nous l’espérons pour l’honneur de son diamant futur, est encore tout entier dans sa gangue, et pour lequel nous serons obligé d’être sévère parce que nous lui croyons du talent en germe, et que l’esprit de ce système qui perd tout dans les arts et dans la littérature pourrait étouffer ce talent que nous tenons à voir s’épanouir. […] Attachés à la réalité la plus vulgaire, parce que pour des hommes comme eux, aveuglés de matière, elle est la plus indéniable des réalités, s’ils exilent l’imagination des systèmes d’expression qu’ils préconisent, ce n’est point qu’ils se défient d’elle, mais c’est qu’au fond ils n’en ont pas ! […] Champfleury, comme tous les hommes de son triste système, décrit pour décrire, mais il ne peint pas ; car peindre, c’est nuancer les couleurs, c’est entendre les perspectives, c’est creuser ou faire tourner par les ombres, c’est éclairer par le sentiment presque autant que par la lumière. […] … Si jeune dans les lettres, du moins par le nombre de ses ouvrages, Champfleury serait-il déjà ossifié dans le système qu’il a collé sur sa pensée, au lieu de la laisser indépendante dans la liberté de ses instincts ?

70. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Bain en distingue sept espèces : Les sensations dues à l’état des muscles, la douleur ressentie lorsqu’on les coupe, la souffrance causée par une fatigue excessive, les os brisés, les ligaments déchirés, en un mot, tous les dommages violents portés au système musculaire. Le système nerveux n’est pas seulement l’instrument propre de la faculté de sentir, il a aussi des sensations organiques résultant de l’état même de son tissu ; les névralgies, l’épuisement nerveux, le tic douloureux sont des exemples de douleurs venant du tissu lui-même. […] Enfin, on peut dire qu’il y a une loi générale d’harmonie dans tout le système musculaire qui fait que quand nous regardons ou écoutons attentivement, le corps s’arrête, les traits du visage restent fixes, la bouche est ouverte, notre élocution s’accorde avec nos gestes ; une marche rapide avive la pensée, etc. […] Elle se traduit : 1° par les mouvements produits dans le système musculaire, surtout par les divers muscles de la face, d’où résulte le jeu de la physionomie165 ; 2° par des effets organiques, c’est-à-dire par une influence sur les viscères. […] Le système nerveux peut ainsi se comparer à un orgue, dont les soufflets sont constamment pleins d’air, et se déchargent dans telle ou telle direction, selon les touches particulières qui sont mises en jeu.

71. (1915) La philosophie française « I »

On devait y être porté par la tendance même des philosophes à mettre leur pensée sous une forme systématique, car le « système » par excellence est celui qui a été, préparé par Platon et Aristote, définitivement constitué et consolidé par les néo-platoniciens ; et il serait aisé de montrer (nous ne pouvons entrer dans le détail de cette démonstration) que toute tentative pour bâtir un système s’inspire par quelque côté de l’aristotélisme, du platonisme ou du néo-platonisme. […] Tandis que Spinoza et Leibniz construisaient leur système, Malebranche 4 avait le sien. […] Là est une des marques de la philosophie française : si elle consent parfois à devenir systématique, elle ne fait pas de sacrifice à l’esprit de système ; elle ne déforme pas à tel point les éléments de la réalité qu’on ne puisse utiliser les matériaux de la construction en dehors de la construction même. […] Quoiqu’il n’ait pas construit un système, il a inspiré en partie les systèmes métaphysiques du XIXe siècle : le Kantisme d’abord, puis le « romantisme » de la philosophie allemande lui durent beaucoup. […] Vue géniale, dont il a tiré les conséquences sans s’amuser à des jeux dialectiques, sans bâtir un système.

72. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

III Son système ressemble à son esprit ; il est plutôt clair et ingénieux que profond ou nouveau. […] Le système des facultés de l’âme se compose de deux systèmes, le système des facultés de l’entendement, et le système des facultés de la volonté. […] Tel est l’abrégé du système. […] Ils nous montrent comment des collections d’idées se rassemblent en une seule idée en se résumant sous un seul signe, comment la langue et la pensée marchent ainsi peu à peu vers des expressions plus abrégées et plus claires, comment la série immense de nos idées n’est qu’un système de transformations analogues à celles de l’algèbre, dans lequel quelques éléments très-simples, diversement combinés, suffisent pour produire tout le reste, et où l’esprit peut se mouvoir avec une facilité et une sûreté entières, dès qu’il a pris l’habitude de considérer les jugements comme des équations, et de substituer aux termes obscurs les valeurs qu’ils doivent représenter.

73. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guimberteau, Léonce »

On voit de quels systèmes modernes se réclame une telle philosophie ; mais les vers de M. Guimberteau ne sont rien moins que la mise en œuvre d’un système ; ils ont toute la liberté, et parfois la grandeur d’une confession personnelle. […] Il s’inspire surtout du panthéisme brahmanique, et tout particulièrement du système de Hegel et de son évolutionnisme tout intellectuel.

74. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Système naturel. — III. […] Système naturel. […] L’ingénieuse utilité de ce système est indiscutable. Mais beaucoup de naturalistes entendent quelque chose de plus par ce mot de système naturel ; ils y voient une révélation du plan créateur. […] Plusieurs auteurs ont insisté sur la nécessité de classer les variétés d’après un système naturel, et non pas d’après un système artificiel.

75. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Voilà pourtant le système de M.  […] Assertions hasardées, systèmes à l’état de dentelles ; on n’invoquerait pas les raisons qui, selon lui, simplifient et éclairent l’histoire, pour se, décider dans la plus vulgaire action de la vie ! […] Renan, l’homme s’ajuste avec le système, l’esprit avec le caractère, pour redoubler autour de soi l’indécision et la confusion. […] Renan, qui trouve également éloignés d’une explication scientifique le système du caprice individuel et des onomatopées de la brute, qui fut la toquade du dix-huitième siècle, et le système religieux que nous venons de signaler, a donné le sien à son tour, et nous ne croyons pas que, dans des esprits passablement faits, il puisse remplacer le système de l’école théologique, comme dit M.  […] Ce système, qui consiste à affirmer sans preuves possibles, du moins dans l’Essai actuel de M. 

76. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Les systèmes succéderont éternellement aux systèmes, et la vérité restera toujours inconnue. […] Si le système de Copernic fut méconnu de la cour de Rome, n’éprouva-t-il pas un pareil sort chez les Grecs ? « Aristarchus, dit Plutarque, estimoit que les Grecs devoient mettre en justice Cléanthe le Samien, et le condamner de blasphème encontre les Dieux, comme remuant le foyer du monde ; d’autant que cest homme taschant à sauver les apparences, supposoit que le ciel demeuroit immobile, et que c’estoit la terre qui se mouvoit par le cercle oblique du zodiaque, tournant à l’entour de son aixieu147. » Encore est-il vrai que Rome moderne se montra plus sage, puisque le même tribunal ecclésiastique qui condamna d’abord le système de Copernic, permit, six ans après, de l’enseigner comme hypothèse148. […] Elle a des paradoxes, des apparences de contradiction, des conclusions de système et de concession, des opinions de sectes, des conjectures même, et même des paralogismes156. » Si nous en croyons Buffon, « ce qu’on appelle vérités mathématiques se réduit à des identités d’idées, et n’a aucune réalité 157. » Enfin l’abbé de Condillac, affectant pour les géomètres le même mépris qu’Hobbes, dit, en parlant d’eux : « Quand ils sortent de leurs calculs pour entrer dans des recherches d’une nature différente, on ne leur trouve plus la même clarté, la même précision ni la même étendue d’esprit. […] qu’y a-t-il de moins positif que les sciences, dont les systèmes changent plusieurs fois par siècle ?

77. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Le système du hasard n’explique rien, et il a ce très grand danger de porter les âmes à l’irréligion, mal social qui perd les individus et que le législateur doit énergiquement combattre. Platon flétrit avec insistance ce système, qui est aussi pernicieux qu’il est vain, et il ne serait pas loin de porter des peines contre les naturalistes qui y croient et s’en font les apôtres. […] Il n’accepterait point le système actuellement en vogue auprès de quelques savants, qui proscrit la métaphysique, et la relègue parmi les hochets dont s’amuse la science à ses premiers pas. […] À l’exception de Cuvier, les naturalistes français n’ont fait que des modèles de style, des hypothèses et des systèmes. […] De là, dans tous les systèmes de morale dignes des regards de la postérité, tant de règles sur la tempérance et sur l’éducation.

78. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Si l’histoire de l’esprit humain n’est qu’une succession de systèmes qui se renversent, il n’y a qu’à se jeter dans le scepticisme ou dans la foi. […] Sans doute on peut opposer religion et philosophie, comme on oppose deux systèmes, mais en reconnaissant qu’elles ont la même origine et posent sur le même terrain. […] L’institut de Pythagore, avec ses degrés, ses initiations, ses épreuves, sa teinte prononcée d’ascétisme, rappelle les grands systèmes organisés de l’Asie. […] Voir une belle page de Laplace, à la fin du Système du Monde, 1re éd. […] Les efforts que l’on a faits pour retrouver la loi de la succession des systèmes grecs dans la philosophie indienne sont à peu près chimériques.

79. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Questions de l’année Il y a en M. de Girardin l’homme positif, pratique, qui a le tact et le sentiment des situations, des occasions décisives et des crises ; il y a l’homme de théorie et de système ; les deux coexistent sans se confondre et sans se nuire. […] C’est au milieu de ces luttes de chaque jour que M. de Girardin, obéissant à l’un des instincts et à l’une des lois de son esprit, s’est formé de plus en plus un système complet et radical de politique ou plutôt d’organisation de la société, qui est généralement peu compris, et qu’il ne cesse d’appliquer comme pierre de touche en toute circonstance. […] Ce système, qui ne comporterait guère une application partielle et qui demanderait à être expérimenté tout d’un coup et d’ensemble, n’est pas le système parlementaire ou libéral au sens ordinaire : M. de Girardin va beaucoup plus loin et plus à fond. C’est un système où l’État prend et empiète le moins possible sur l’individu, lequel se développe et agit dans la plus grande latitude et la plus entière liberté. […] La liberté dans le Mariage par l’égalité des enfants devant la mère, 1 vol. in-18, 1854 ; — et pour l’ensemble du système, voir l’article Souveraineté dans le Dictionnaire général de la Politique, publié sous la direction de M. 

80. (1890) L’avenir de la science « V »

S’il fallait admettre à la lettre tout ce que les légendaires et les chroniqueurs nous rapportent sur les origines des peuples et des religions, nous en saurions bien plus long qu’avec le système de Niebuhr et de Strauss. […] Un homme conséquent dans son système de vie est certainement un esprit étroit. […] S’il veut un système tout d’une pièce, il sera donc réduit à nier et exclure. […] Strepsiade se faisait un système de météorologie analogue, quoique un peu plus burlesque (Aristophane, Nuées, v. 372). […] Cela est si vrai que des peuples entiers ont manqué d’un tel système religieux ; ainsi les Chinois, qui n’ont jamais connu que la morale naturelle, sans aucune croyance mythique.

81. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Mais, dans cet état d’abstraction, d’abstraction, n’est qu’un système de gouvernement, une simple spéculation politique. […] Je n’ignore point qu’il y a une véritable appréciation à faire du système de l’égalité ; et que même cette appréciation a été faite par de fort bons esprits ; mais il n’en est pas moins vrai que ce système, proclamé sans précaution, a jeté dans bien des erreurs, et que les conséquences rigoureuses qu’on en a tirées ont produit bien des crimes. […] Ce que je voudrais que l’on sentît, c’est que notre système social était un, car, sans cela, il n’aurait pas pu subsister si longtemps. […] Le bon goût et l’élégance des manières, qui pour être parfaits ont besoin d’être des choses naturelles au lieu d’être des choses apprises, donnent tout de suite de grands avantages aux femmes sur les hommes, et entretiennent dans notre nouveau système social des limites analogues à celles qui existaient auparavant. […] Le trône des Bourbons fut donc la clef de la voûte pour notre système social ; il fut le trône conservateur de la civilisation européenne.

82. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Donc de la nutrition on peut déduire les changements que subit d’espèce à espèce tout un système de faits. […] Donc, de la nutrition on peut déduire les changements que subit, dans un même individu, tout un système de faits. […] Nous n’aurons plus qu’une formule unique, définition génératrice, d’où sortira ; par un système de déductions progressives, la multitude ordonnée des autres faits. Vous entreverrez alors le but de la science, et vous comprendrez ce que c’est qu’un système. […] Cette hiérarchie de causes est le système d’une histoire.

83. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Le système des examens et des concours n’a été appliqué en grand qu’en Chine. […] Il n’y a pas de système électif qui puisse donner une représentation comme celle-là. […] La médiocrité du souverain n’a même en un tel système que de faibles inconvénients. […] Ce serait l’inverse de notre système français, procédant par l’exclusion des sujets brillants. […] Dans ce système, l’individu, très peu protège par l’État, aussi très peu gêne par l’État.

84. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

J’insiste sur ce point parce que beaucoup de gens qui s’élèvent contre le système de la fatalité historique ont cru y voir la ruine de tout sentiment moral. […] Nous dirons tout à l’heure comment il conçoit ce système dans son universalité ; mais, à cette époque et en cette crise de notre révolution, cela lui devenait plus évident encore. […] S’il y eut des traces trop manifestes de système et comme des plis forcés à certains endroits, je répondrai : Que voulez-vous ? […] La hardiesse ici et l’extrême nouveauté étaient, encore une fois, dans l’application qu’il faisait à une catastrophe d’hier : c’était d’oser introduire un système de lois fixes au sein de souvenirs épars et tout palpitants. […] Et en général, c’est quand un personnage s’identifie avec une idée, avec un système et une des faces de la pensée publique, que M.Mignet s’y arrête le plus heureusement et excelle à le peindre.

85. (1903) La pensée et le mouvant

Les systèmes philosophiques ne sont pas taillés à la mesure de la réalité où nous vivons. […] Tels sont les systèmes qu’étudient l’astronomie, la physique et la chimie. L’univers matériel, dans son ensemble, forme-t-il un système de ce genre ? […] Là est le vice initial des systèmes philosophiques. […] Plus de grand système qui embrasse tout le possible, et parfois aussi l’impossible !

86. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

S’ils deviennent impropres à tel système d’actions, tel système d’images, et partant tel groupe d’idées ou de connaissances, fait défaut. […] « Ici évidemment, comme dans toutes les autres portions du système nerveux, l’activité spéciale appartient à la substance grise. […] Vulpian, Leçons sur la physiologie du système nerveux, p. 55. […] Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux, 24. […] Vulpian, Anatomie et physiologie du système nerveux, 666, 669.

87. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

La force, comme telle, est proscrite de son système. […] Mais ce système soulève aussi des difficultés. […] Berthelot, jette une ombre sur tout le système. […] La finalité plane sur tout le système. […] Le système fournit des tables de présence.

88. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

D’autre côté, ces mêmes inégalités prouvent que la faculté de croisement est en connexion intime avec des différences de constitution inappréciables pour nous et qui, sans doute, affectent exclusivement le système reproducteur. […] J’ai plus d’une fois fait allusion à un ensemble considérable de faits que j’ai recueillis, et qui montrent que lorsque les plantes et les animaux sont placés hors de leurs conditions naturelles, leur système reproducteur en est très fréquemment et très gravement affecté. […] Enfin, et ceci me semble la plus importante de toutes les considérations, les nouvelles races d’animaux domestiques et de plantes cultivées sont produites par la sélection méthodique ou inconsciente de l’homme, pour son utilité ou son agrément ; mais de légères différences dans le système reproducteur ou d’autres différences en corrélation avec ce système, ne sont jamais et même ne peuvent être l’objet de son action sélective. […] Il faut en conclure que le système reproducteur d’une seule de ces variétés avait été exceptionnellement modifié de quelque manière ou en quelque degré. […] D’autre part, il est évident que dans la formation artificielle des variétés domestiques les plus tranchées, la sélection de l’homme ne peut agir que sur les caractères extérieurs, mais n’a jamais et ne peut avoir pour objet de produire des différences cachées dans les fonctions du système reproducteur.

89. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Cependant ils n’ont point de symbole arrêté ; ils n’ont encore que quelques idées vagues et incohérentes qu’ils s’efforcent de donner pour des opinions réduites en système, et quelques mots de ralliement qu’ils ne sont pas sûrs de comprendre, mais au moyen desquels ils se reconnaissent dans la foule. […] Je n’ai parlé que du théâtre ; mais c’est que le théâtre est le seul genre de littérature auquel puissent être appliqués des systèmes de composition différents. […] Rien, dans notre système littéraire, ne s’oppose à ce qu’on pénètre plus avant encore, s’il se peut, dans les causes mystérieuses et infinies de notre sensibilité morale. […] Aucun système de littérature ne peut s’attribuer exclusivement, et contester au système opposé ce principe de la double vérité du fond et de la forme, de la nature et du costume. […] Le romantisme n’est donc rien comme système de composition littéraire ; ou plutôt le romantisme n’existe pas, n’a pas une vie réelle.

90. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Tous sentent que, s’il y a un grand mouvement dans la sphère de l’intelligence humaine, il y a néanmoins un centre fixe, un axe sur lequel repose tout le système. […] Le système social s’appuie dès lors sur une base inébranlable. […] Ancillon s’est donc arrêté à une cause seconde sans chercher s’il était possible de remonter à une cause première ; mais ce qui a dû se passer dans son entendement lorsqu’il a été retenu ainsi sur les dernières limites du système de l’invention du langage par l’homme, est un exemple de plus ajouté à tous ceux que j’ai cités et aux autres faits que j’ai présentés pour prouver l’émancipation de la pensée. […] Rousseau dit que la nécessité du tempérament se fit sentir tout à coup lorsque le système musical se perfectionna. Je pense que rien ne se fait sentir tout à coup ; et ce perfectionnement du système musical pourrait bien avoir une grande analogie avec le genre de perfectionnement dont parle Smith pour les langues.

91. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Or c’est précisément ce détachement, cet isolement de tout système de philosophie, qui fait le danger de cette morale, écrite seulement dans nos cœurs, et peu importe par quelle main ! […] Tout système de philosophie a des complications qui n’entrent pas facilement dans l’esprit de l’homme, ou des parties tellement ridicules (Voyez comme exemple seulement, les Monades du grand et sage Leibnitz !) […] Il nous a donné son petit système, qui] marche sur les trois roulettes que voici : les devoirs de l’homme envers lui-même d’abord (à tout seigneur tout honneur !) […] Tel est le système de M.  […] Tel est le système à la lueur duquel l’historien va jeter ses regards sur la Chine.

92. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Les systèmes actuels, qui tendent à refaire un monde sans modèle, ces systèmes insulteurs du passé et que j’appellerais parricides, car ils mordent au sein la tradition dont nous sommes tous les fils, il en a pris le souci qu’ils méritent : il les a laissés dormir et rêver sur cette rude question de l’organisation du travail. […] Son livre n’est pas un système, c’est un récit ; mais c’est un récit qui vaut une leçon, et qui vaut même beaucoup mieux si c’est une leçon d’économie politique. […] Qu’on le sache et qu’on le nie, avec l’hypocrisie des partis qui ont leur chemin à faire et qui veulent tourner pacifiquement les résistances, ou qu’on l’avoue, au contraire, avec cette foi exaltée aux idées fausses qui a ses racines dans l’orgueil, de tels systèmes, si on les acceptait comme on les donne, ne seraient pas seulement avec le passé une rupture haineuse et profonde, ils mèneraient droit à l’effacement radical de tout ce qui a produit pendant dix-huit siècles la gloire, la force et les vertus de la société européenne. […] Ceci, comme on voit, n’est pas seulement de l’organisation du travail, c’est aussi de l’organisation politique, preuve de plus — car rien n’est simple en science sociale — que l’idée de Francis Lacombe est juste, puisque, dans son système, ces deux organisations se donnent la main.

93. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Il nous était connu déjà par des admirations qui l’avaient compromis et un système littéraire qui n’était pas même sorti de sa tête, mais dans lequel plutôt sa tête était entrée, en se déformant. Si, dans tout état de cause, la littérature systématique est la pire des littératures, que faut-il penser de celle-là qui pour système a le réalisme ? […] Duranty, tant l’inspiration et le tempérament sont victimes d’un système ! […] Duranty peut aujourd’hui nous en convaincre… Écrivain diminué par son système, il est encore plus diminué comme observateur. […] à l’aplatissement il a mis le ragoût du détail et du système, et c’est au moment où elle va s’enfuir de la maison paternelle, cette créature jusque-là de chêne et d’acier, qu’il l’a fait se dissoudre misérablement, comme une argile, sous quelques gouttes d’eau.

94. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Quand le vainqueur et le vaincu sont de la même religion, ou plutôt, quand le vainqueur adopte la religion du vaincu, le système turc, la distinction absolue des hommes d’après la religion, ne peut plus se produire. […] Le faux système d’après lequel la noblesse dut son origine à un privilège conféré par le roi pour de grands services rendus à la nation, si bien que tout noble est un anobli, ce système est établi comme un dogme dès le XIIIe siècle. […] Il n’y a pas en France dix familles qui puissent fournir la preuve d’une origine franque, et encore une telle preuve serait-elle essentiellement défectueuse, par suite de mille croisements inconnus qui peuvent déranger tous les systèmes des généalogistes.

95. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Il a tenté, un instant, de l’écrire en philosophe ; il a voulu trouver les lois des faits, et l’ordre de leur succession ; il a improvisé la fameuse théorie des quatre systèmes, les seuls, disait-il, qui puissent exister, et qu’on retrouve à toutes les époques de la philosophie. […] Vous sortez d’un commentaire docte et aride, ayant pour but d’établir, d’après Stobée, Diogène de Laërte et d’autres, le système probable de Xénophane, et, parmi des arguments de commentateur, vous tombez sur la phrase suivante : La partie du système de Xénophane qui porte l’empreinte de l’esprit ionien est et devait être sa partie cosmologique et physique. […] Le système des apparences. […] Tel est en effet le système de Xénophane ; et rien n’est plus agréable que de voir une idée générale confirmer par une déduction ingénieuse ce que la discussion des textes avait indiqué. […] Il avait provoqué des luttes immortelles et enfanté des systèmes qui s’étaient longtemps maintenus debout l’un contre l’autre.

96. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

En fait de devoir, on n’apprendra rien des systèmes. […] Le livre des Maximes ne renferme ni un système, ni même les éléments d’un système. Les grands seigneurs font peu de systèmes. […] Ils ont avancé là-dessus plusieurs systèmes ; mais ce ne sont que des systèmes. […] Ce système est donc une rêverie.

97. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Les vrais maîtres du xviiie  siècle sont donc ceux qui lui ont appris à détruire le système du christianisme. […] Le mouvement cartésien aboutit, avec le pieux Malebranche et ses disciples, à dresser un système hétérodoxe, et avec le juif hollandais Spinoza, qui inquiéta, épouvanta les penseurs chrétiens, à exclure totalement jusqu’à la possibilité même d’une vérité chrétienne. Fontenelle465, qui n’a pas fondé de système, porta sans en avoir l’air un coup violent à la religion : son œuvre ne fut pas théorique, mais pratique. […] Il exposa le système de Copernic et les découvertes de tous les académiciens de telle sorte que tout le monde entendait et retenait. […] Bayle n’a point de système, évite de dresser des théories.

98. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Pour trouver un livre digne d’occuper la Critique et les conversations, il faut remonter jusqu’à cette Histoire de la littérature anglaise par Taine, dont la beauté d’exécution n’a cependant pu me faire oublier le vice du système sur lequel elle est appuyée… Eh bien ! […] Mais si la moquerie n’est plus ici, il y a toujours, et plus avivé que jamais, le sentiment littéraire avec toutes ses sagacités et l’écrivain avec toutes ses fantaisies, l’écrivain qui couvre et parfois fait oublier le faux d’un système que je m’obstine à reprocher à M.  […] Mais cette exposition d’idées pures n’avait et ne pouvait avoir ni le relief, ni le piquant, ni le montant, ni la chaleur de la notice sur Carlyle, qui n’était pas, elle, seulement une exposition de système mais l’étreignement par la flamme d’un talent qu’elle allume, d’une passionnante individualité ! […] Nous les connaissions… Mais, puisqu’il n’est plus le moqueur des Philosophes français et qu’il s’est fait compréhensif et grave, croyant à la philosophie dont il a commencé par douter, quand nous donnera-t-il un système qui ne soit pas la poussière du système des autres, tombée (sic) sur ses ailes… hélas !

99. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Il a montré que, si le système est tombé, ce n’est point par le vice de son principe, mais par des fautes d’exécution…. […] Il a aussi peint, avec un rare talent, les passions nouvelles que le système avait soulevées…. » Ainsi jugeait M. […] Il ne projetait donc rien moins, à cette époque, qu’une Histoire générale d’après ce système. […] Thiers à ses amis plus exagérés ; soutenons que la monarchie représentative est le plus beau système possible (et M. […] Le système est indifférent pour les personnes ; mais si elles n’étaient pas indifférentes pour le système, si elles le haïssaient, l’attaquaient, alors la question deviendrait question de choses et de personnes à la fois.

100. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Cette théorie une fois admise, on accordait que Racine et surtout Corneille ne manquaient pas de génie, mais que ce génie avait été enchaîné et gâté par un faux système. […] Ce système dramatique pouvait donner naissance à deux formes différentes : dans l’une domine la vertu, dans l’autre la passion. […] A eux deux, ils expriment dans sa perfection et ils épuisent le système dramatique que nous avons analysé. […] Le concret ne tient dans notre système dramatique que la moindre place possible. […] Ce que je ne puis comprendre, c’est que l’on ne sente pas l’extrême originalité, la profondeur de ce système, les rares et merveilleuses beautés que Racine et Corneille en ont tirées.

101. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Bref, pour prévoir l’état d’un système déterminé à un moment déterminé, il faut de toute nécessité que quelque chose s’y conserve en quantité constante à travers une série de combinaisons ; mais il appartient à l’expérience de prononcer sur la nature de cette chose, et surtout de nous faire savoir si on la retrouve dans tous les systèmes possibles, si tous les systèmes possibles, en d’autres termes, se prêtent à nos calculs. […] Les sciences de la nature ne perdraient rien par là de leur précision ni de leur rigueur géométrique, comme on l’a prétendu dans ces derniers temps ; il demeurerait seulement entendu que les systèmes conservatifs ne sont pas les seuls systèmes possibles, ou même peut-être que ces systèmes jouent, dans l’ensemble de la réalité concrète, le même rôle que l’atome du chimiste dans les corps et leurs combinaisons. […] On conçoit du moins ce retour comme possible, et l’on admet que, dans ces conditions, rien ne serait changé à l’état primitif du système tout entier ni de ses parties élémentaires. […] Tandis que le temps écoulé ne constitue ni un gain ni une perte pour un système supposé conservatif, c’est un gain, sans doute, pour l’être vivant, et incontestablement pour l’être conscient. […] Nulle part le mécanisme n’a été poussé plus loin que dans ce système, puisque la forme même des éléments ultimes de la matière y est ramenée à un mouvement.

102. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Mais ce système a un ordre spécial qu’il faut déterminer. […] Ce système aujourd’hui est à peu près tombé. […] En effet, dit-il, pour que l’homme ait pu créer un système de signes, il aurait fallu qu’il eût à sa disposition un autre système de signes. […] Ce système, il a été obligé de le faire lui-même. […] Ainsi peu à peu s’est formé un système de signes.

103. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Cette vanité (la suite l’a fait voir) s’était toute concentrée dans un point chez Condorcet, dans la confiance absolue qu’il avait en l’excellence de ses idées et de son système relativement au perfectionnement de l’humanité. […] Le système de Condorcet lui venait de Turgot, et il n’en fut nullement inventeur ; il le développa seulement, l’étendit et s’attacha de plus en plus à le réaliser, à le propager. […] En exposant le vaste système de vues et d’idées de cet ami et de ce maître, son aîné de quinze ans, et pour qui il avait un véritable culte, il expose le plus souvent ses propres pensées ; mais ici, plus voisines de leur source, elles ont gardé quelque chose de plus net et de plus lumineux. […] Plus tard, en reprenant et en exposant pour son propre compte un système semblable, Condorcet retranchera toute idée divine, toute espérance d’une vie ultérieure, et aussi toute lumière de style. […] De la part d’un homme si habile à saisir les ridicules et les défauts des gens qu’il avait sous les yeux, on ne s’explique point une pareille crédulité ; ou plutôt on se l’explique très bien par l’esprit de système, qui sait concilier ces sortes de contradictions.

104. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Nous suffira-t-il, pour découvrir leurs vrais traits d’union, d’examiner le premier venu, — ou nous faudra-t-il interroger ceux qui font profession de réfléchir, les penseurs, les faiseurs de systèmes ? […] Chacun, suivant la formule de Bentham, « doit y compter pour un et n’y compter que pour un » — Ainsi la diversité des systèmes de morale modernes n’exclut pas la possibilité d’un accord, à un certain « moment », sur les prescriptions de l’égalité. […] — Soit, mais n’oublions pas notre but : nous ne cherchons nullement ici à connaître, dans ce qui caractérise et distingue, chacun d’eux, les différents systèmes élaborés par les théoriciens mais bien à discerner le sens général des idées qui ont « réussi », c’est-à-dire s’imposent aux sociétés modernes, et pénètrent leur organisation. […] Par où s’expliquerait la nécessité de faire également participer les individus différents à la surveillance d’un système d’institutions, qui a pour fin la juste appréciation des différences individuelles. […] Rien donc, dans le système des institutions que nos sociétés s’imposent, qui permette de conclure qu’elles avouent l’existence des classes, et professent ces distinctions collectives et préjugées devant lesquelles s’effaceraient, nous l’avons vu, les justes distinctions individuelles.

105. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

D’où l’on doit conclure que ce système de mesures d’ordres vitruviennes et rigoureuses, semble n’avoir été inventé que pour conduire à la monotonie et étouffer le génie. […] En s’approchant de cette statue qui devient tout à coup colossale, sans doute on est étonné, on conçoit l’édifice beaucoup plus grand qu’on ne l’avait d’abord apprécié ; mais le dos tourné à la statue, la puissance générale de toutes les autres parties de l’édifice reprend son empire, et restitue l’édifice grand en lui-même, à une apparence ordinaire et commune : en sorte que d’un côté chaque détail paraît grand, tandis que le tout reste petit et commun ; au lieu que dans le système contraire d’irrégularité, chaque détail paraît petit, tandis que le tout reste extraordinaire, imposant et grand. […] Et que l’on ne se presse pas de choisir : car enfin Saint Pierre de Rome, grâce à ses proportions si vantées, ou n’obtient jamais ou n’acquiert qu’à la longue ce qu’on lui aurait accordé constamment et subitement, dans un autre système. […] La figure sera sublime, non pas quand j’y remarquerai l’exactitude des proportions, mais quand j’y verrai tout au contraire un système de difformités bien liées et bien nécessaires.

106. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

On aurait fait un intéressant chapitre, indépendamment de tout système et de tout lien, des cas psychologiques singuliers et des véritables découvertes de détail dont il semait ses leçons. […] Ampère était près, vers 1820, de produire une exposition de son système de philosophie, lorsque l’annonce de la découverte physique de M. œrsted le vint ravir irrésistiblement dans un autre train de pensées, d’où est sortie sa gloire. […] Étant un soir avec ses amis Camille Jordan et Degérando, il se mit à leur exposer le système du monde ; il parla treize heures avec une lucidité continue ; et comme le monde est infini, et que tout s’y enchaîne, et qu’il le savait de cercle en cercle en tous les sens, il ne cessait pas, et si la fatigue ne l’avait arrêté, il parlerait, je crois, encore. […] On doit donc diviser tous les phénomènes que présente l’intelligence en quatre systèmes : le système sensitif, le système actif, le système comparatif et le système étiologique. » Dans un résumé des idées psychologiques de M. […] Bredin, de Lyon, je trouve : « On peut rapporter tous les phénomènes psychologiques à trois systèmes : sensitif, cognitif, intellectuel. » Ce système cognitif et ce système intellectuel, qui semblent un double emploi, sont différents pour lui, en ce qu’il attribue seulement au système cognitif la distinction du moi et du non-moi, qui se tire de l’activité propre de l’être d’après M. de Biran : il réservait au système intellectuel, proprement dit, la perception de tous les autres rapports.

107. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

Par suite de ses préoccupations d’économiste, sans doute, Cochut a voulu surtout tracer l’idée nette du système, et il l’a pris à part, l’isolant de tous les faits généraux et ne l’expliquant que par l’état où les prodigalités de Louis XIV avaient mis les finances et la monarchie ; et, pour parler la langue économique, il s’est très bien tiré de ce dix-huitième d’épingle historique. […] tout économiste moderne doit se sentir des entrailles pour l’homme du système, car c’est de cet homme que date, en France, « cette vive surexcitation de l’industrie » qui a remplacé la grande existence agricole d’autrefois. […] Law et son système (Pays, 19 avril 1853).

108. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

J’ose à peine citer Burke, parce que son nom ressemble, pour la thèse que je défends, à un nom de parti : cependant il n’est pas hors de propos de remarquer que cet illustre antagoniste de la révolution française puisait aussi ses arguments dans un système opposé à celui de la réformation. L’Angleterre, au reste, dans la révolution qui a appelé au trône Guillaume d’Orange, a solennellement protesté contre ce même système, système qui avait fait couler le sang de Charles Ier sur l’échafaud, système, chose bien plus étonnante ! […] Ce n’était point assez que le monde physique fût livré aux incertitudes et à l’esprit de système, nous voulions dénaturer encore le monde moral et achever de décolorer la vie.

109. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

L’Histoire ouverte et splendide lui offrait un enseignement plus fécond que tous les systèmes ; mais il s’est détourné de l’Histoire, et, homme de système avant tout, il s’est mis à tourner autour de la chimère de ce temps : la production de la richesse. Cette méprise, et, tout ensemble, cet esclavage du système, ont communiqué à la partie qui traite du sort de l’enfant et de la femme une sécheresse incompatible avec le sujet. […] Retirer la douleur, ce serait retirer la création tout entière. » Quand l’Économie politique, telle qu’elle s’est posée depuis sa naissance, a soulevé de pareilles répliques à ses prétentions obstinées, il n’est plus permis, enfin, sous peine de superficialité, de traiter une question économique en la détachant de sa tige, c’est-à-dire de tout un système philosophique qui l’appuie et dont elle soit la conséquence et l’achèvement. […] Car, s’il les avait aperçues, averti par tout ce qui eût répugné à sa pensée dans cette philosophie dont il est un des derniers disciples malgré lui, il aurait certainement à relier une donnée économique, qui ne peut jamais être qu’une conclusion, à un système plus élevé que la philosophie du xviiie  siècle.

110. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Jusque-là, tout est bien… Mais, au moment où l’on fait si virilement sa confession d’un système, il ne faut pas faire profession d’un autre et ajouter : « Je me suis efforcé, en cette nouvelle édition, d’introduire, dans la résurrection de mes personnages, la réalité cruelle que moi et mon frère nous avions introduite dans le roman, m’appliquant à les dépouiller de cette couleur épique que l’Histoire leur donne, même dans les époques les plus décadentes… » Assurément, si l’Histoire donne de la couleur épique à des événements ou à des personnages qui n’en ont pas ou qui ont peut-être tout le contraire, l’Histoire a tort. […] C’est elle qui a conduit, en peu de temps, à ce système bête et grossier qu’on appelle, en ce moment, « le Naturalisme », et qui passera dans le rire et dans le mépris, comme tous les systèmes littéraires. […] Edmond de Goncourt ne sont pas, pour lui, le ruisseau de Narcisse, et qu’il a l’esprit de se juger et la courageuse volonté de se corriger, la correction devrait aller jusqu’au retranchement absolu d’un système qu’il a tant de peine à s’arracher de la pensée. […] Pour des imaginations comme MM. de Goncourt, dont la nature poétique a toujours résisté au prosaïsme de leur système quand ils ont voulu faire de cette prétendue réalité, qu’ils appellent cruelle et que j’appelle simplement crue, les femmes sont, en effet, ce que je sais de plus dangereux et de plus mortel pour la supériorité d’un homme, — pour son sang-froid, sa justice et son impartialité.

111. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

D’ailleurs cette fécondité très générale des variétés n’est aucunement surprenante, si nous songeons qu’il est peu probable que, soit leur constitution générale, soit leur système reproducteur ait été profondément modifié. […] Pourquoi ne trouvons-nous pas au-dessous du système silurien de puissantes assises de strates renfermant les restes des ancêtres du groupe de fossiles de cette époque ? […] Cette variabilité semble principalement due à ce que le système reproducteur est éminemment susceptible d’être affecté par des changements dans les conditions de vie ; si bien que ce système, s’il n’est pas rendu totalement impuissant, du moins ne reproduit plus exactement la forme mère. […] Le système naturel est un arbre généalogique dont il nous faut découvrir les lignées à l’aide des caractères les plus permanents, quelque légère que soit leur importance vitale. […] L’embryon vertébré manifeste dès le commencement un système de développement bien caractérisé et le jeune être ne prend, à aucune de ses phases fœtales, la forme de l’articulé, du mollusque ou du rayonné.

112. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Si donc, en célébrant les grands hommes, vous voulez être mis au rang des orateurs, il faut avoir parcouru une surface étendue de connaissances ; il faut avoir étudié et dans les livres et dans votre propre pensée, quelles sont les fonctions d’un général, d’un législateur, d’un ministre, d’un prince ; quelles sont les qualités qui constituent ou un grand philosophe ou un grand poète ; quels sont les intérêts et la situation politique des peuples ; le caractère ou les lumières des siècles ; l’état des arts, des sciences, des lois, du gouvernement ; leur objet et leurs principes ; les révolutions qu’ils ont éprouvées dans chaque pays ; les pas qui ont été faits dans chaque carrière ; les idées ou opposées ou semblables de plusieurs grands hommes ; ce qui n’est que système, et ce qui a été confirmé par l’expérience et le succès ; enfin tout ce qui manque à la perfection de ces grands objets, qui embrassent le plan et le système universel de la société. […] Faites agir ou penser les grands hommes ; vous verrez naître vos idées en foule ; vous les verrez s’arranger, se combiner, se réfléchir les unes sur les autres ; vous verrez les principes marcher devant les actions, les actions éclairer les principes, les idées se fondre avec les faits, les réflexions générales sortir ou des succès, ou des obstacles, ou des moyens ; vous verrez l’histoire, la politique, la morale, les arts et les sciences, tout ce système de connaissances liées dans votre tête, féconder à chaque pas votre imagination, et joindre partout, aux idées principales, une foule d’idées accessoires. […] Qu’il oublie alors et les idées rétrécies d’un cercle, et les préjugés d’un moment, et les systèmes de l’indifférence ou de l’erreur ; alors sa marche sera souvent impétueuse. […] Voyez dans le monde tous ceux qui, par système, veulent paraître sensibles (aujourd’hui surtout) ; il y a des hypocrites de sensibilité comme des hypocrites de vertu : tout les trahit ; ils parlent avec glace de leur tendre amitié ; ils vantent avec un visage immobile leur douleur profonde ; eh ! […] vous tromperez tout au plus l’âme indifférente et glacée qui n’a pas le secret de cette langue ; mais l’âme sensible, vous la repoussez ; elle démêle votre jeu, vos systèmes, vous voit arranger vos ressorts ; votre ton n’est pas le sien, et vos âmes ne sont pas faites pour s’entendre.

113. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Les poètes, sous le règne d’Auguste, adoptaient presque tous dans leurs écrits le système épicurien ; il est d’abord très favorable à la poésie, et de plus, il semble qu’il donne quelque noblesse à l’insouciance, quelque philosophie à la volupté, quelque dignité même à l’esclavage. Ce système est immoral, mais il n’est pas servile ; il abandonne la liberté, comme tous les biens qui peuvent exiger un effort ; mais il ne fait pas du despotisme un principe, et de l’obéissance un fanatisme, comme le voulaient les adulateurs de Louis XIV. […] Le système d’Épicure, le dogme du fatalisme, les mœurs de l’antiquité avant l’établissement de la religion chrétienne, dénaturent presque entièrement ce qui tient aux affections du cœur. […] On a fait trop souvent la comparaison du siècle de Louis XIV avec celui d’Auguste, pour qu’il soit possible de la recommencer ici ; mais je développerai seulement une observation importante pour le système de perfectibilité que je soutiens.

114. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Condillac qui dormait, lui, dans sa tombe, du sommeil non des justes, mais des ennuyés qui ont fini par s’écouter, Condillac au grêle système, le Pygmalion mystifié de cette statue qu’il ne put jamais animer, Condillac revient à la vie et à la mode de par Taine, à la mode lui-même, et cela après les travaux des Écoles écossaise, française et allemande, après Reid, Dugald-Stewart, Royer-Collard, Jouffroy, Cousin, Kant, Fichte, Schelling, Hegel. […] , des possibilités de sonnettes qui mettent en branle toutes sortes de sonneries en nous ; car nous ne sommes que des possibilités de systèmes de sonnettes fort compliqués, à ce qu’il paraît. […] Je m’en voudrais de les discuter, d’agiter pour cela ma sonnette ou mon système de sonnettes. […] Le caractère de cela, c’est précisément ce que le système nie.

115. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Ce monde est un chaos de systèmes, une poussière d’éléments plus ou moins importants, plus ou moins compliqués, depuis l’atome et les éléments de l’atome, jusqu’aux systèmes stellaires, jusqu’à la voie lactée, jusqu’à la cellule vivante, jusqu’aux sociétés, car les systèmes ne sont pas disposés en une série, mais plutôt selon une sorte de rayonnement irrégulier. […] Ce qui reste c’est une certaine tendance de chaque système considéré en lui-même et de chaque système de systèmes à conserver son organisation, à la fortifier, même à l’agrandir en y employant de nouveaux éléments. Cet élargissement progressif du système, l’organisation progressive qui y correspond, l’accroissement de l’harmonie des éléments, c’est ce que nous appelons évolution. […] Je voudrais maintenant résumer et synthétiser ce qui précède, dégager le système général de morale qui peut se rattacher à l’ironie. […] Et, tel que je le conçois, ses préférences iront à une forme sociale, à un système moral qui donneraient à l’individu le maximum de développement individuel compatible avec une harmonie de l’ensemble aussi pure que possible, mais pas très serrée.

116. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Quant à l’impression dernière qui résulte de cette lecture, en vérité, tout en condamnant le déplorable système de l’auteur, on ne saurait dire qu’elle soit mauvaise. […] On a parlé de mystification, on a prononcé le mot de délire ; ne croyez ni à l’un ni à l’autre, il n’y a qu’un système mal compris et audacieusement défiguré. […] Il cherche la variété de la nature, et il aboutit à la monotonie du système. […] Mais non, ce n’est pas le peintre qui est coupable, c’est le système. […] Saura-t-il changer non pas de théâtre seulement, mais de système ?

117. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Il est Rousseau, il est Lavater, il est Frœbel, le bon Frœbel, comme il dit avec allemanderie, le bon Frœbel, dont il emprunte le système d’éducation pour sa fille, qu’il élève, comme Rousseau élevait son Émile, au sein d’une éternelle prosopopée ! […] Seulement, le grenadier est encore de trop, dans le système de Michelet. […] Mais comme, malgré l’importance que prend la main dans le système de Michelet, il y a toujours en l’homme un bout d’intelligence qui ne tient pas — comme le croyait ou comme le disait Helvétius, dont Michelet semble un disciple retrouvé, — « à la conformation de la main », ce bout d’intelligence a ses exigences et doit être éduqué aussi, comme le corps. […] Ce pauvre diable de système, qui n’est même diable que comme cela, n’a pas coûté à la tête légère de Michelet un bien grand effort de génie. […] En quatre mots on peut rendre compte des systèmes de Rabelais, de Montaigne, de Rousseau, de Pestalozzi.

118. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Envisagée dans l’espace, elle étale à nos yeux des éléments coexistants si intimement solidaires entre eux, si exclusivement faits les uns pour les autres, qu’aucun d’eux ne pourrait appartenir en même temps à deux organismes différents : chaque être vivant est un système clos de phénomènes, incapable d’interférer avec d’autres systèmes. […] On prendra un système d’actions et de relations, et on le répétera tel quel, ou on le retournera sens dessus dessous, ou on le transportera en bloc dans un autre système avec lequel il coïncide en partie, — toutes opérations qui consistent à traiter la vie comme un mécanisme à répétition, avec effets réversibles et pièces interchangeables. […] L’interférence de deux systèmes d’idées dans la même phrase est une source intarissable d’effets plaisants. […] Un mot suffira parfois, pourvu que ce mot nous laisse entrevoir tout un système de transposition accepté dans un certain milieu, et qu’il nous révèle, en quelque sorte, une organisation morale de l’immoralité. […] En rétrécissant encore l’intervalle des termes qu’on transpose l’un dans l’autre, on obtiendrait maintenant des systèmes de transposition comique de plus en plus spéciaux.

119. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Toujours est-il que nous n’avions besoin d’aucun système de philosophie. […] Un professeur d’esthétique peut dresser un système, avec des divisions, ces subdivisions, des paragraphes, et avec des définitions rigoureuses. […] il n’a eu de système, ni de théorie ; jamais il n’a prétendu imposer une forme définitive à l’art. On a vu, il y a un moment, avec quelle impatience il repousse ce mot de « système » qu’on lui infligeait déjà à cette époque. […] La langue, la versification, le système de composition sont dans chacune différents.

120. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Qu’est-ce donc, selon lui et dans le système de l’empirisme, que la notion de substance ? […] Voici l’ensemble du système. […] Nous admettons les faits qui servent de fondement au système de l’intérêt, et nous repoussons le système. […] En vérité, dans le système de l’intérêt bien entendu, il faut une grande science pour être honnête homme. […] La punition, pas plus que la récompense, n’a de sens moral dans le système de l’intérêt.

121. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Je lui préfère de beaucoup le système actuel complété par les mœurs publiques, et appuyé sur de bonnes lois. […] Il est clair que le système de l’éducation devra se rapporter à ces grandes divisions des citoyens entre eux. […] Tous les systèmes, bien que justes au fond, sont donc tous radicalement faux dans la pratique. […] On peut demander encore pourquoi la parfaite république de Socrate passe en se changeant au système lacédémonien. […] Ces révolutions n’amènent pas non plus la démagogie plus fréquemment que tout autre système.

122. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Rien ne cause plus de malentendus dans les sciences morales que l’usage absolu des noms par lesquels on désigne les systèmes. […] Persuadées qu’elles possèdent le fin mot de l’énigme, ces bonnes âmes sont importunes, empressées ; elles veulent qu’on les laisse faire, elles s’imaginent qu’il n’y a que le vil intérêt et le mauvais vouloir qui empêchent d’adopter leurs systèmes. […] Son système religieux est de tous le plus absurde, et elle s’y rattache avec frénésie. […] Le meilleur système que l’on puisse suivre pour faire l’éducation des races sauvages, c’est celui que la Providence a suivi dans l’éducation de l’humanité ; car ce n’est pas au hasard apparemment qu’elle l’a choisi. […] Notre petit système de gouvernement bourgeois, aspirant par-dessus tout à garantir les droits et à procurer le bien-être de chacun, est conçu au point de vue de l’individu et n’a pu rien produire de grand.

123. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Et d’abord, si l’hypothèse de la nébuleuse est admise comme vraie, la formation du système solaire nous fournit une vérification de cette loi. […] Enfin, que l’on réfléchisse aux différences si nombreuses entre les planètes et satellites, sous le rapport de la distance, de l’inclinaison de leurs orbites, de l’inclinaison de leurs axes, de leurs temps de rotation, de leur densité, de leur constitution physique, etc., et l’on verra combien le système solaire est hétérogène, comparé à la presque complète homogénéité de la masse nébulaire dont on le suppose sorti. […] Dans ce sujet purement scientifique, qui est hors de notre domaine, la conclusion nous importe ; je la traduis : « Si cette hypothèse rend compréhensible la genèse du système solaire et des autres systèmes sans nombre qui lui ressemblent, le dernier mystère reste aussi impénétrable. […] De celle-là sortent les organes digestifs et respiratoires ; de celle-ci le système nerveux central et l’épiderme. […] Enfin, si nous en venons au système nerveux, nous trouvons dans les organismes inférieurs des ganglions, quelquefois presque indépendants ; à peu près comme dans la société féodale nous voyons les barons et autres seigneurs gouverner sans contrôle ; la souveraineté, presque locale, s’exerçant dans d’étroites limites.

124. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Depuis la gloire, qui a besoin du suffrage de l’univers, jusqu’à l’amour, qui rend nécessaire le dévouement d’un seul objet, c’est en raison de l’influence des hommes sur nous que le malheur doit se calculer ; et le seul système vrai pour éviter la douleur, c’est de ne diriger sa vie que d’après ce qu’on peut faire pour les autres, mais non d’après ce qu’on attend d’eux. […] Une dernière réflexion, la plus importante de toutes, reste donc à faire, c’est de savoir jusques à quel point il est possible aux âmes passionnées d’adopter le système que j’ai développé. […] Les législateurs eux-mêmes gouvernent souvent à l’aide d’idées trop générales ; ce grand principe, que l’intérêt de la minorité doit toujours céder à celui de la majorité, dépend absolument du genre de sacrifices qu’on impose à la minorité ; car, en le poussant à l’extrême, on arriverait au système de Robespierre. […] La fureur, la vengeance s’allient, sans doute, avec l’enthousiasme, mais ces mouvements qui rendent cruels momentanément, n’ont point d’analogie avec ce qu’on a vu de nos jours, un système continuel, et, par conséquent, à froid de méconnaître toute pitié : Or quand cet affreux système existe dans les soldats, ils jugent leurs chefs tout comme leurs ennemis, ils conduisent à l’échafaud ce qu’ils avaient estimé la veille, ils appartiennent uniquement à la puissance d’un raisonnement, et dépendent par conséquent de tel enchaînement de mots qui se placera dans leurs têtes comme un principe et des conséquences. […] On pourrait, avec le même degré de certitude, présager quels seraient les résultats des étonnantes victoires des Français, s’ils en abusaient, s’ils adoptaient à cet égard un système révolutionnaire.

125. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — Le système nerveux n’est qu’un appareil de complication et de perfectionnement. — Présence des événements moraux élémentaires dans tout le monde organique. — Leur présence probable au-delà. — Double échelle et échelons correspondants du monde physique et du monde moral. […] Ainsi le monde physique se réduit à un système de signes, et il ne reste plus pour le construire et le concevoir en lui-même que les matériaux du monde moral. […] On a vu que la sensation proprement dite est un composé d’événements successifs et simultanés de même qualité, eux-mêmes composés de même ; qu’au terme de l’analyse, l’expérience indirecte et les analogies montrent encore des événements de même qualité, successifs et simultanés, tous soustraits à la conscience et à la fin infinitésimaux ; que les actions réflexes indiquent des événements rudimentaires analogues et qu’on les suit jusqu’au bas de la série animale, même en des animaux159, comme le polype d’eau douce, en qui l’on ne découvre aucune trace du système nerveux. — Mais on peut les suivre plus loin encore ; car chez plusieurs plantes comme la sensitive et le sainfoin oscillant du Bengale, chez les anthérozoïdes des cryptogames et chez les zoospores des algues, on rencontre des actions réflexes tout à fait semblables à celle que produit le tronçon d’une grenouille décapitée. […] En somme, « le système nerveux n’est qu’un appareil de perfectionnement », et l’événement moral, dont il est la condition et dont son mouvement est le signe, est un groupe compliqué et organisé dont les éléments et les rudiments peuvent aussi se rencontrer ailleurs. — Nous pouvons donc, en suivant les analogies, descendre encore beaucoup plus bas dans l’échelle des êtres. […] Il est construit avec les mêmes substances chimiques, soumis aux mêmes forces physiques, assujetti aux mêmes lois mécaniques, et toutes les indications de la science concourent à le représenter comme autre en degré, mais le même en nature160 ; ce que nous appelons la vie est une action chimique plus délicate d’éléments chimiques plus composés. — Ainsi, en poursuivant l’analyse, depuis les plus hautes opérations des lobes cérébraux jusqu’aux phénomènes les plus élémentaires de la physique, on ne trouve que des mouvements mécaniques d’atomes, transmissibles sans perte d’un système à l’autre, et d’autant plus compliqués que les systèmes sont plus complexes.

126. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

L’érudit et très-élégant Dugas-Montbel, dans son Histoire des Poëmes homériques, nous a exposé avec une lucidité parfaite l’état de la question et tout ce qu’a de plausible, selon lui, le système de Wolf auquel il déclare se ranger. […] Ce mot, au contraire, exprime à merveille la résistance invincible que la conscience littéraire oppose à un système ingénieux, mais subversif. C’est ce qu’un autre savant écrivait à Wolf après l’avoir lu : « Tant que je vous lis, je suis d’accord avec vous ; dès que je pose le livre, tout cet assentiment s’évanouit. » Les philologues, les érudits positifs ont beau faire assez peu de cas des considérations générales et des raisons puisées dans le sens intime ; ici eux-mêmes sont forcés de raisonner pour étayer leur système, et ils n’arrivent à leurs résultats que par voie d’induction ; car, s’ils s’en tenaient purement au fait transmis, à l’opinion constamment exprimée par les Anciens, ils croiraient à Homère nonobstant les difficultés qu’après tout les Anciens aussi n’ont pas été sans se poser. Dugas-Montbel (je le cite comme plus à portée de tout lecteur) commence par produire les deux scholies qui servent de base au système ; l’une des deux renferme une erreur grossière, et c’est pourtant sur ce scholiaste inepte qu’on s’appuie, en même temps qu’on trouve moyen d’infirmer le témoignage gênant de Plutarque, qui tendrait à faire remonter jusqu’à Lycurgue l’existence prouvée des poëmes homériques. […] Un homme d’esprit a traduit le système d’un mot piquant : Au lieu du plus grand des poëtes, on aura dorénavant Homère par une Société de Gens de Lettres.

127. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Le système social est à constituer. […] Nous voulons renouveler le monde, régénérer les doctrines, organiser les idées et fonder le système social sur des bases de réalité vive comme la chaux. […] La distribution des travaux, la classification des sciences, la mise en ordre des systèmes, et l’anéantissement des hiérarchies, toutes ces opérations fondamentales dépendent de l’esthétique seule. […] Même si nous avions acquis de si efficaces notions, si nous connaissions toutes les lois du monde, si nous avions soudé des systèmes innombrables, si nous avions saisi le bruissement des planètes, nous ne serions pas capables de composer de belles strophes, des peintures riches et limpides, des statues charmantes et graves, ou d’éloquentes mélodies. […] La classification des sciences, le perfectionnement de la race, la mise en ordre du système et l’anéantissement des hiérarchies, voilà quel doivent être les effets de nos travaux.

128. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Cette présomption s’exprime en une suite de vérités et tant que s’exerce avec efficacité l’action prépondérante du pouvoir d’arrêt, l’esprit construit à loisir, au moyen de ces vérités, un système de connaissance dont il ordonne entre elles toutes les parties. […] Mais aucun système de connaissance ne serait possible s’il ne comportait à sa base des éléments plus durables, des unités de connaissance en quelque sorte inaltérables. Ce sont ces unités qui, se retrouvant combinées entre elles selon les assemblages, il est vrai, le plus divers, en des systèmes de connaissance plus complexes, réussissent à former par leur fixité un lien entre ces divers systèmes et les maintiennent tous sur un même plan de connaissance. […] D’un point de vue plus positif, elles se montrent encore le moyen inflexible par lequel le contenu de toute connaissance apparaît nécessairement indéterminé, inconsistant et instable, en proie à la possibilité d’une dissociation indéfinie, le principe de causalité contraignant l’esprit, à l’occasion de tout phénomène quel qu’il soit, à remonter sans répit de cause en cause, sans lui permettre de toucher jamais une origine première, les lois de l’espace et du temps secondant, par leur élasticité sans limites, la tâche de la causalité pour égarer l’esprit, donnant naissance à ces antinomies qui nous avertissent du caractère fictif de toute connaissance et aboutissent à nous présenter l’univers, ainsi qu’on s’est efforcé de le montrer au deuxième chapitre du livre précédemment invoqué1 comme un système d’illusionnisme.

129. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

Le système nerveux n’apparaît plus aujourd’hui que comme le siège de phénomènes dont le principe dépasse de beaucoup l’organisme individuel : la solidarité domine l’individualité. […] Le dix-neuvième siècle n’a pas seulement élargi la science, il l’a considérablement approfondie, il l’a fait passer du dehors au dedans ; la physiologie s’est perfectionnée assez pour toucher à la psychologie, et, à mesure que la science du système nerveux est allée grandissant, on a mieux compris combien étaient insuffisantes les vues du matérialisme brut et égoïste. […] Les sentiments sociaux se révéleront commedes phénomènes complexes produits en grande partie par l’attraction ou la répulsion des systèmes nerveux, et comparables aux phénomènes astronomiques : la sociologie, dans laquelle rentre une bonne part de la morale et de l’esthétique, deviendra une astronomie plus compliquée.

130. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Si je développe les erreurs de votre système, si je brise les ressorts que vous avez fait jouer pour le faire triompher de tous les obstacles que le bon sens vous opposait, c’est afin d’arriver naturellement à la première idée d’un projet de réforme qui doit tourner à l’avantage de l’art, des comédiens français et de vous-même. […] Au nombre de ces jeunes gens, vous avez été le premier, Monsieur, à concevoir les plus grandes espérances de ce nouveau système. […] Mais des trois unités, il en est une que l’on ne peut jamais violer, c’est celle de l’action ; et c’est cependant, dans votre nouveau système, ce qui se fait tous les jours. […] C’est la suite de votre système. […] N’avez-vous pas vu d’ailleurs quels ont été les effets de votre déplorable système ; n’avez-vous pas vu que, dans ce renversement de toutes les lois dramatiques, vous avez excité une anarchie qui vous a donné d’anarchistes imitateurs ?

131. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Coup d’œil sur l’histoire des systèmes. […] La science, entendue comme le système des concepts, sera plus réelle que la réalité sensible. […] La même question se posa, désormais, pour tout système matériel. […] Notre physique date du jour où l’on a su isoler de semblables systèmes. […] L’univers ne peut donc être un système de lois que si les phénomènes passent à travers le filtre d’une intelligence.

132. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

., avec des systèmes différents, recherchent quel fut l’état primitif des sociétés, afin d’arriver à connaître quelles sont les lois qu’il faut instituer pour les hommes. […] Le penchant de leurs philosophes pour les abstractions semblait devoir les entraîner dans des systèmes qui pouvaient être contraires à la raison ; mais l’esprit de calcul, qui régularise, dans leur application, les combinaisons abstraites, la moralité, qui est la plus expérimentale de toutes les idées humaines, l’intérêt du commerce, l’amour de la liberté, ont toujours ramené les philosophes anglais à des résultats pratiques. […] On poussait jusqu’au paradoxe un système vrai sous quelques rapports ; la raison ne pouvant avoir un effet utile, on voulait au moins que le paradoxe fût brillant. […] On se livre en Angleterre aux systèmes abstraits ou aux recherches qui ont pour objet une utilité positive et pratique ; mais ce genre intermédiaire, qui réunit dans un même style la pensée et l’éloquence, l’instruction et l’intérêt, l’expression pittoresque et l’idée juste, les Anglais n’en possèdent presque point de modèles, et leurs livres n’ont qu’un but à la fois, l’utilité ou l’agrément.

133. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Il s’est mis sur la tête la calotte de bitume d’un système, et le système l’a rongé jusqu’à la cervelle. […] Abrégé décharné et désossé, qui ne creuse rien et croit planer sur tout, avec une prétention d’aigle qui trahit par trop le perroquet de Montesquieu… Et si, talent à part, qui meurt toujours à ce jeu, Ranke avait réussi à nous faire illusion sur la justice de son histoire, il aurait pu croire à la bonté de son système quand il s’agit de l’intérêt de ces idées qui doivent, pour plus de sûreté, s’infiltrer dans les esprits au lieu de s’y répandre, et passer par-dessous les portes au lieu de les forcer. Mais la finesse de Ranke, s’il y a finesse, s’il n’est pas lui-même la dupe innocente de son système, ne trompera personne.

134. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Et quand il s’agit de se prononcer sur la valeur du système représentatif qui règne à présent sur le monde, Armand Hayem, qui sera quelque jour un homme politique, se dérobe une fois de plus, si bien qu’en résumé et partout, sur toutes les questions, son Mémoire, fait pour une académie devant laquelle il savait bien qu’il parlait et dont il a fait un livre après coup, n’est absolument rien de plus qu’une vaste pierre d’attente à base tremblante, et pourrait s’appeler, pour la peine de l’avoir écrit, la philosophie et la politique de l’ajournement. […] Elles ont donné des systèmes d’un jour dont aucun s’est resté debout, et des hommes de génie parfaitement inutiles à la vérité. Aujourd’hui, les métaphysiques ambiantes n’ont plus d’hommes de génie créateurs, et tous les systèmes se résolvent dans un scepticisme qui est la vaporisation de tous les systèmes consumés… Il n’y a plus de charbon… Nous n’avons plus que le doute des Renan pour nous sauver du néant des Schopenhauer.

135. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

D’où je conclus que mon présent consiste dans un système combiné de sensations et de mouvements. […] Qu’on réfléchisse, en effet, à la destination de notre système nerveux, telle qu’elle paraît résulter de sa structure. […] Il est impossible d’entrer ici dans une étude approfondie de ces divers systèmes. Il suffira de faire remarquer que ces systèmes ne sont point formés de souvenirs juxtaposés comme autant d’atomes. […] Qu’on jette d’ailleurs un coup d’œil sur la fine structure du système nerveux, telle que l’ont révélée des découvertes récentes.

136. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

À coup sûr, elle produirait dans notre système solaire des perturbations énormes que nous n’aurions pu prévoir. […] Il ne reste pas dans leur système la plus petite place, ni pour la liberté, ni pour un facteur évolutif proprement dit, ni pour n’importe quoi qu’on puisse appeler contingence. […] La science, en d’autres termes, est un système de relations. […] On a cru y voir la réhabilitation du système de Ptolémée, et peut-être la justification de la condamnation de Galilée. […] Dans le système de Ptolémée, les mouvements des corps célestes ne peuvent s’expliquer par l’action de forces centrales, la Mécanique Céleste est impossible.

137. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

On était alors en Allemagne dans une grande occupation du système philosophique de Kant ; Portalis s’en faisait rendre compte ainsi que des autres systèmes particuliers et chers à cette nature des cerveaux allemands, qui sont, comme dirait Rabelais, « grands abstracteurs de quintessence ». […] » Allant même sur le terrain des adversaires incrédules, pour les réfuter et les combattre en politique : Il n’y a point à balancer, ose-t-il leur dire, entre de faux systèmes de philosophie et de faux systèmes de religion. Les faux systèmes de philosophie rendent l’esprit contentieux et laissent le cœur froid : les faux systèmes de religion ont au moins l’avantage de rallier les hommes à quelques idées communes, et de les disposer à quelques vertus71.

138. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Alors ils raisonnent logiquement et sans expérimenter, et arrivent, de conséquence en conséquence, à construire un système qui est logique, mais qui n’a aucune réalité scientifique. […] Depuis Galien, il y a toujours eu, de loin en loin, au milieu des systèmes médicaux, des vivisecteurs éminents. […] De même, pour le système de canaux ou de tubes qui conduisent les liquides ; et c’est ainsi que les valvules des veines ont des usages mécaniques qui mirent Harvey sur les traces de la découverte de la circulation du sang. […] Or, je trouvai chez les mammifères et chez les oiseaux les mêmes phénomènes que chez les grenouilles, et la disparition des propriétés physiologiques du système nerveux moteur devint le fait constant. […] Je me trouvais alors dans un cas mixte, car, à cette époque, je savais déjà que l’empoisonnement par l’oxyde de carbone rend le sang rutilant dans tout le système circulatoire.

139. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Scherer, de dire tout ce qu’il y a d’agitation dans notre cœur lorsque nous commençons à reconnaître que notre Église et notre système n’ont pas le monopole du bien et du vrai, lorsque nous rencontrons des hommes également éminents et sincères qui professent les opinions les plus opposées…, lorsque nous découvrons qu’il n’y a point d’erreur qui n’ait un mélange de vérité, point de vérité qui ne soit partielle, étroite, incomplète, entachée d’erreur, lorsque ainsi le relatif nous apparaît comme la forme de l’absolu sur la terre, l’absolu comme un but éternellement poursuivi mais éternellement inaccessible, et la vérité comme un miroir brisé en mille fragments qui tous réfléchissent le ciel et dont aucun ne le réfléchit tout entier. […] La religion est avant tout, pour lui, une théologie, une théorie ; sa foi est un système sur la foi, Avec ses grands airs qui imposent au premier abord, il a plus d’esprit, de mordant et de vivacité piquante que d’autorité grave et de véritable éloquence. […] Scherer d’ailleurs, quel que soit le sentiment qui l’anime, ne mollit jamais dans la discussion, et avec Lamennais il institue sur chaque article, à chaque étape du système, une discussion encore plus en règle qu’avec de Maistre. […] Au point de vue religieux et quand il s’y plaçait lui-même, son système du consentement universel donné comme base et mesure de l’orthodoxie était une invention insoutenable, tout au moins une innovation étrange ; et cependant il ne paraissait pas se douter qu’il y eût lieu seulement de la mettre en question, de la discuter. Dès qu’on n’est pas de l’avis de Lamennais, de l’opinion et du système qu’il tient pour vrai dans le moment, il vous insulte et vous injurie ; il vous appelle imbécile, idiot, et vous loge aux petites maisons ; c’est sa formule invariable : Le sentiment que fait éprouver la lecture de l’Essai sur l’indifférence, dit M. 

140. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Quoi que l’on assure, l’artiste ne sera jamais un instrument passif, semblable à l’appareil du photographe qui, mis une fois en face du monde, en reproduit l’image servile : il a beau vouloir abdiquer son individualité, son intelligence, cette intelligence et cette individualité persistent malgré ses efforts ; aucune impression ne pénètre dans un cerveau humain qui n’y soit aussitôt déviée et transformée par ce cerveau même, et le plus tyrannique de tous les systèmes est peut-être de se persuader qu’on n’obéit à aucun système. Essayons donc de voir quel est le système de l’école naturaliste et de quelle interprétation de la réalité, volontaire ou inconsciente, elle procède. […] Elle a précédé tout système, et aucun système, si faux qu’il puisse être, n’arrive jamais à la gâter entièrement. […] Comme ce qui les a séduits d’abord et a déterminé leur vocation, c’est le système, une fois emportés par lui, ils poussent jusqu’au bout. […] Peut-être y aura-t-il alors encore, après le désastre du système littéraire, un écrivain que le grand naufrage n’aura point emporté, auquel les amis de la littérature, presque également attirés et repoussés par lui, feront une place dans leurs bibliothèques.

141. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Poisson a émis l’idée que le système solaire, en parcourant à travers les autres systèmes planétaires de notre amas d’étoiles l’orbite immense que, selon les calculs approximatifs de M.  […] La présence dans le ciel de nombreux astres obscurs ne saurait non plus en changer la température moyenne ; car si l’on en juge par notre système, des astres obscurs, qui ne recevraient la chaleur d’aucun soleil voisin, n’exerceraient aucun rayonnement sensible, même à la petite distance qui sépare la terre des autres planètes du système solaire. […] D’ailleurs il est probable que, dans une pareille rencontre, la course des deux systèmes serait profondément troublée, et que le plus grand entraînerait le plus petit, de sorte qu’ils se confondraient sans doute en un seul pour former peut-être l’un de ces systèmes connus sous le nom d’étoiles doubles. Ce serait donc un cataclysme général qui en résulterait pour le système dévoyé, et non pas seulement un simple changement de climat. Or, comme, dans l’infini des temps écoulés, toutes les rencontres possibles entre les astres d’un même amas stellaire ont dû se réaliser, il en résulte qu’il ne peut plus y en avoir aucune à craindre, et que fort probablement toutes les orbites des étoiles de notre système sont assez exactement concentriques, comme les orbites des planètes de notre système solaire.

142. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Systèmes musculaire et nerveux du tardigrade. — A, mode de terminaison des nerfs dans les muscles. — B, un ganglion nerveux de la chaîne sous-intestinale. […] De même, lorsque l’animal engourdi revient à la vie, ce n’est pas le système nerveux qui réveille les autres systèmes : et comment cela se pourrait-il, puisqu’il est dans le même état d’engourdissement qu’eux ? […] C’est le système nerveux, avons-nous dit, qui forme le rouage de compensation entre les acquêts et les pertes. […] Il existe pour cette fonction un ensemble de mécanismes gouvernés par le système nerveux. […] Ils sont réglés par le système nerveux.

143. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Les premiers ont un système facile : l’Etat est tout. […] Que voulez-vous que nous fassions de votre système ? […] La liberté par le despotisme, c’est tout son système. […] C’est la définition exacte du système de Rousseau. […] Revenir au système antique avec un léger amendement.

144. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Une langue, une législation, un catéchisme n’est jamais qu’une chose abstraite ; la chose complète, c’est l’homme agissant, l’homme corporel et visible, qui mange, qui marche, qui se bat, qui travaille ; laissez là la théorie des constitutions et de leur mécanisme, des religions et de leur système, et tâchez de voir les hommes à leur atelier, dans leurs bureaux, dans leurs champs, avec leur ciel, leur sol, leurs maisons, leurs habits, leurs cultures, leurs repas, comme vous le faites, lorsque, débarquant en Angleterre ou en Italie, vous regardez les visages et les gestes, les trottoirs et les tavernes, le citadin qui se promène et l’ouvrier qui boit. […] Il y a donc un système dans les sentiments et dans les idées humaines, et ce système a pour moteur premier certains traits généraux, certains caractères d’esprit et de cœur communs aux hommes d’une race, d’un siècle ou d’un pays. […] Tout le système des passions humaines, toutes les chances de la paix et de la sécurité publiques, toutes les sources du travail et de l’action dérivent de là. […] Un climat et une situation différente amènent chez lui des besoins différents, par suite un système d’actions différentes, par suite encore un système d’habitudes différentes, par suite enfin un système d’aptitudes et d’instincts différents. […] Il y a un système particulier d’impressions et d’opérations intérieures qui fait l’artiste, le croyant, le musicien, le peintre, le nomade, l’homme en société ; pour chacun d’eux, la filiation, l’intensité, les dépendances des idées et des émotions sont différentes ; chacun d’eux a son histoire morale et sa structure propre, avec quelque disposition maîtresse et quelque trait dominateur.

145. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Il ne la travailla pas de manière à en faire la démonstration d’un système, comme on l’a vu depuis. […] C’est ce système qui présida à l’Encyclopédie. […] L’Europe presque entière accueillit avec une sorte d’enthousiasme les systèmes de bonheur public des Économistes. […] On a oublié leurs vers, et leurs systèmes ont séduit quelques personnes ; leur exemple est une nouvelle preuve. […] L’abbé Dubos adopta un système opposé à celui de Boulainvilliers ; il eut moins de zèle et d’érudition.

146. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

M. de Montgaillard n’a jamais eu l’intelligence des grands mouvements politiques qu’il enregistre et qu’il narre dans son journal ; il n’a été dirigé, en écrivant, par aucun système de principes, auquel il soit resté conséquent et fidèle ; les variations de son humeur se retrouvent dans ses opinions sur les partis et sur les hommes ; il réduit tout en personnalités, et, à propos d’un même personnage, il n’est pas rare qu’il passe, à quelques pages de distance, de l’éloge à l’injure. […] Si, comme nous l’espérons, l’auteur ne se laisse pas égarer par l’esprit de système, une part équitable et rigoureuse y sera faite aux capacités et aux convictions d’un chacun, et les personnages que MM.  […] Et où en serions-nous, si les politiques de la Montagne avaient pu reculer en 1793, comme les historiens en 1822 devant les conséquences du système qui renfermait, à leurs yeux, les seuls moyens de salut public ?

147. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Les Concordats, la création d’une noblesse d’empire, la réhabilitation de l’ancienne noblesse, les dons aux couvents, le milliard d’indemnité, tout cela n’avait refait ni un clergé Corps politique, ni une aristocratie féodale, ni une grande propriété ; la loi d’aînesse, dernière conséquence du système, n’aurait pas eu plus d’efficace20 . […] N’allons donc pas le grever de gaieté de cœur par des systèmes ; ne retombons pas, en politique, dans notre péché, si familier en toutes choses, d’imitation étrangère : profitons des exemples sans croire aux identités ; ne concluons pas d’une Révolution spéciale et tout insulaire à une Révolution véritablement européenne et humaine : n’introduisons pas dans les pouvoirs de l’État des proportions de forces peu en harmonie avec nos futures destinées, ne recomposons pas de toutes pièces des difficultés évanouies. Par sa base historique, le système anglais appliqué à la France est ruineux, puisqu’il repose sur des similitudes superficielles.

148. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Mais les sciences qui ne s’occupent que des propriétés des corps voient vieillir dans un instant leur système le plus fameux. […] S’il nous est permis de le dire, c’est, ce nous semble, une grande pitié que de trouver aujourd’hui l’homme mammifère rangé, d’après le système de Linnæus, avec les singes, les chauves-souris et les paresseux. […] Il y avait toujours, dès le principe, un vide dans le système par l’acide muriatique, qui n’avait pas de positif en eux.

149. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Mais dans tout système de signes, c’est un avantage de n’en avoir pas plus qu’il ne faut, à condition que la valeur de chacun soit constante et bien définie ; il importe aussi qu’on n’emploie jamais que des signes connus et convenus. […] Le résultat de ce travail fut un système de signes réduits au nombre minimum, mais merveilleusement précis, clairs, aptes à fournir une infinité de combinaisons ; et la qualité du style sera précisément équivalente à la valeur intellectuelle de ces combinaisons. […] Mais n’allèrent-ils pas plus loin, et ne voulurent-ils pas se faire un jargon particulier, un système de langage conventionnel dont eux seuls avaient la clef ? […] Rien de plus rationnel, dès qu’on ne voit dans une langue qu’un système de signes ; la qualité essentielle d’un signe, c’est d’être reconnu par ceux qui l’emploient.

150. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

C’est de la plaisanterie, en effet, que ressortent tous ces systèmes de philosophie, qui veulent expliquer ce monde de mystère et en supprimer le crépuscule… C’est de la plaisanterie ! […] L’atroce ennui qui s’échappe de sa logique, et sa logique est tout son système, ne servira pas de bouclier à Hegel contre les Heine de l’avenir, qui l’attendent, car comme Kant tué par un Allemand, il ne mourra pas d’une plaisanterie française. […] Mais, s’il avait plus songé à l’éducation à faire de l’intelligence du public, qu’il doit, avec ses convictions, vouloir rendre hégélien, qu’à l’éducation toute faite des philosophes comme lui, il eût commencé par les autres œuvres d’Hegel, moins cruellement abstraites (par exemple, les idées sur la Religion, sur l’État, sur l’Art, etc.), et il serait remonté de là vers les principes philosophiques d’où dépend toute la philosophie de son maître, et il eût placé ainsi le lecteur, familiarisé avec les idées et le langage hégélien, à la source même du système. […] Une fois cela lâché, rien n’étonne plus, et on a tout ce grand système, le poëme épique de l’absurdité !

151. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

L’autre : Les Philosophes français du dix-neuvième siècle (non y compris l’auteur, bien entendu), est encore, sous une autre forme, une histoire de l’intelligence, mais de l’intelligence en acte, puisqu’il s’agit des systèmes et des plus beaux esprits philosophiques contemporains. […] Mais quel que soit, du reste, le grand nom dont on abuse en s’en couvrant, et n’importe à qui elle appartienne, l’idée d’une vie antérieure pour expliquer l’intelligence actuelle de l’homme peut être un système, mais n’est pas, certes, une solution. […] Doublet pour appréhender l’idée, comme il dit, par exemple, l’idée de la ligne et de l’étendue, ils consistent dans des généralisations et des abstractions si multipliées, si difficiles et si incertaines, qu’avec un pareil système de recherche, Mathusalem lui-même serait mort sur la moitié du ba, be, bi, bo, bu, et nous ne croyons pas qu’il l’eût apprise. […] Taine a parfaitement appris, à l’école d’où il est sorti, le défaut de l’armure de ses maîtres, la vacuité de leurs systèmes, le vice de leur enseignement et les grimaces de leurs prétentions.

152. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Ils ont dit j’écrirai dans tel ou tel système. […] Je devrais enseigner ici comment se forment les traditions, comment les systèmes allégoriques prennent un corps, comment des êtres moraux s’individualisent, en quelque sorte, et sont revêtus d’un nom de personnage. […] Nos préjugés classiques ont trop longtemps maintenu les mythes païens qui ne pouvaient pas nous offrir des systèmes de composition originale. […] Mais, ainsi que nous l’avons remarqué, il faut de l’accord et de l’harmonie dans tout l’ensemble du système social. […] Le système de l’égalité va s’introduire, à son tour, dans la région de la poésie et des arts.

153. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Analysez l’esprit de la Révolution : vous trouvez au fond de votre creuset l’esprit cartésien, l’esprit classique, l’esprit chrétien44, c’est-à-dire des systèmes de pensées découverts ou des façons de penser instituées par des hommes supérieurs. […] Dès lors, n’est-il pas vraisemblable que le désir affirmer cette croyance soit pour quelque chose dans la facilité avec laquelle nous admettons, d’une manière générale, la maîtrise des systèmes sur les faits ? D’ailleurs, dans le cas qui nous occuper, les amis comme les adversaires de l’égalitarisme pensent trouver intérêt à le représenter comme né des systèmes. […] S’agit-il surtout de la transmission d’un système d’idées, supposez deux esprits idéalement différents que peut l’un sur l’autre ? […] Des systèmes d’idées comme des qualités de race, la genèse, et même la transmission restent obscures, et l’action indécise.

154. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Ceux qui nous servent dans nos prétentions et qui rentrent dans nos systèmes sont tout ; ceux qui les contrarient ne sont que peu ou rien, ou moins que rien, selon le plus ou moins de superbe du prétendant. […] Nisard est venu aux idées et au système qu’il professe, nous croyons avoir mieux fait que de discuter ce système. […] Il n’y a pas d’originalité réelle, selon nous, dans son système ; mais il y a le contre-pied des positions prises par d’autres, contre-pied soutenu avec fermeté, suite et habileté. […] Nisard une partie de son système français, et une partie très-justifiable, cette prédilection qu’il couronnera plus tard avec solennité dans la personne de Buffon, se marque nettement au premier pas. […] Toujours adjudication expresse à sa cause, et ajustement à son système !

155. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Si nous considérons divers systèmes d’impressions et que nous les comparions entre eux, nous reconnaissons souvent que deux de ces systèmes d’impressions ne peuvent être discernés (ce que l’on exprime d’ordinaire en disant qu’ils sont trop voisins l’un de l’autre, et que nos sens sont trop grossiers pour que nous puissions les distinguer) et nous constatons de plus que deux de ces systèmes peuvent quelquefois être discernés l’un de l’autre, bien qu’étant indiscernables d’un même troisième. S’il en est ainsi, on dit que l’ensemble de ces systèmes d’impressions forme un continu physique C. Et chacun de ces systèmes s’appellera un élément du continu C. […] Enfin l’espace absolu est un non-sens, et il nous faut commencer par le rapporter à un système d’axes invariablement liés à notre corps (que nous devons toujours supposer ramené à une même attitude). […] Supposons un système formé de n points matériels visibles ou non ; cela fera en tout 3 n coordonnées ; regardons-les comme les coordonnées d’un point unique dans l’espace à 3 n dimensions.

156. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Il a proposé, notamment, sur la prononciation de nos pères, tout un système ingénieux, tantôt plausible, tantôt contestable27. […] Cette exactitude n’est possible qu’à une condition, c’est que chaque langue aura un système qu’elle suivra, et que les permutations ne seront pas indéterminées d’une langue à une autre. […] Dans ce système, dont il a été le principal défenseur (je me sers de l’exposition qu’en a donnée M.  […] Les différences ne sont pas des solécismes ; l’analogie a été non faussée, mais étendue, et entre le latin et le roman, il ne faut admettre qu’un néologisme qui devint de jour en jour plus indispensable32. » Il y a au fond, et derrière ce système, tout un système philosophique de la perfectibilité de l’esprit humain, qui le domine et qui l’enhardit. — Mais même de ces systèmes excessifs, quand ils sont maniés et appliqués par des hommes de talent et de forte étude, il reste toujours de certains points acquis et de profitables dépouilles, comme de ces conquêtes poussées trop loin et dont on est forcé de rendre une partie, mais dont on garde quelque chose. […] On est pourtant amené à penser que le contestable l’emporte dans ce système sur le plausible, quand on lit l’examen critique qu’en a fait M. 

157. (1864) Études sur Shakespeare

On se demande si le système dramatique de Shakespeare ne vaut pas mieux que celui de Voltaire. […] Si le système romantique a des beautés, il a nécessairement son art et ses règles. […] Shakespeare nous offre un système plus fécond et plus vaste. […] C’est le propre d’un tel système d’échapper, par son étendue, à la domination d’un génie spécial. […] Dans cet état de la société, un nouveau système dramatique doit s’établir.

158. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Ce système a une apparence d’indifférence surnaturelle qui place l’homme d’État au-dessus de l’inconstance des événements et qui lui donne l’attitude de dominer ce qui le soulève. […] Il voulait un système diplomatique à la république autant que Mirabeau en voulait un à la monarchie. Mirabeau lui avait laissé en mourant, comme à Sieyès et à Talleyrand, le système de l’alliance anglaise. […] Quand Napoléon voulait penser, et non brutaliser l’Europe, il appelait encore de temps en temps Talleyrand, le seul homme qui portât dans sa tête une tradition, un système, un avenir. […] C’est que derrière tant de sacrifices on ne voyait plus de système ; toute diplomatie était morte pour la France avec les armées si mal employées de Napoléon.

159. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Copernic, le révélateur du vrai système de l’univers, proclame hardiment le rôle central du soleil en face des préjugés bibliques et théologiques, et sous l’autorité morale du pape lui-même. « L’homme que l’on peut appeler le fondateur du nouveau système du monde, car à lui appartiennent incontestablement les parties essentielles de ce système et les traits les plus grandioses du tableau de l’univers, commande moins encore peut-être l’admiration par sa science que par son courage et sa confiance. […] « Le libre et mâle langage de Copernic, témoignage d’une conviction profonde, contredit assez cette vieille assertion, qu’il aurait donné le système auquel est attaché son nom immortel, comme une hypothèse propre à faciliter les calculs de l’astronomie mathématique, mais qui pouvait bien être sans fondement. […] Cette hypothèse est le point de départ de la théorie des tourbillons qui, après plus de deux mille ans, a pris, par les travaux de Descartes, de Huyghens et de Hooke, une si grande place entre les systèmes du monde. […] Les étoiles, par leur changement de place relativement à la Terre, servent à motiver les pas que notre système planétaire lui-même fait en s’avançant dans l’espace absolu.

160. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Nous avons vu plus haut la belle hypothèse de Spencer sur la « genèse des nerfs », que plusieurs découvertes récentes ont paru confirmer ; Spencer aurait pu employer des considérations analogues pour expliquer comment l’organe de la mémoire s’est peu à peu formé dans le cerveau et dans tout le système nerveux. […] Au point de vue purement physiologique, organisation et mémoire sont donc une seule et même chose, parce que toute organisation est un système naturel de mouvements ayant pour résultante une forme déterminée qui, dans la conscience, pourra entraîner une idée déterminée. Allons plus loin ; dans le monde inorganique lui-même, toute forme durable ou susceptible de répétition peut être, par analogie et par métaphore, appelée une mémoire ; le système solaire, qui reproduit périodiquement les mêmes figures, est une mémoire, comme le système respiratoire qui reproduit périodiquement les mêmes soulèvements de la poitrine. […] Ces systèmes d’associations mentales et de mouvements réflexes peuvent être atteints par la maladie sans que le reste le soit. […] Ces hypermnésies sont causées tantôt par une circulation fébrile du sang, qui donne une activité anormale à certaines portions du cerveau ou à certains systèmes de réflexes, tantôt par une régression qui, ayant détruit les souvenirs plus récents, ramène à la lumière des couches profondes et oubliées : par exemple des impressions et passions de la jeunesse, des croyances anciennes auxquelles il semble qu’on revient par une sorte de conversion.

161. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Seulement, plus frappé que personne, en vertu de son tour d’esprit, de l’inutilité des charges à fond exécutées par les meilleures intelligences contre la Révolution dans les systèmes qu’elle a engendrés par la tête de ses plus illustres penseurs, et voyant, sur ces systèmes rompus, déshonorés, défaits, la Révolution vivre encore et continuer de ravager la pensée sociale, M. Saint-Bonnet s’est dit qu’il fallait l’attaquer plus profondément, plus intimement que dans ces systèmes, forteresses de quelques jours ! […] Les esprits superficiels…, nous savons ce qu’ils sont dans une époque où le système des majorités est une méthode de vérité.

162. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Cousin, — l’influence de ces systèmes allemands, Barbares de la pensée civilisée et savante, contre lesquels il n’y a plus maintenant que le catholicisme pour refuge, comme il n’y avait non plus que le catholicisme, du temps des Barbares matériels ! […] Par la nature de son esprit, par la prétention de son système, par l’isolante force ou faiblesse de son principe, je pense, donc je suis, Descartes est l’orgueil de la personnalité solitaire. […] Mais s’il l’a eue jamais, il l’a bien perdue dans les études microscopiques d’une philosophie qui analyse l’homme dans les moindres nuances de son ondoyante personnalité ; et il est permis, on en conviendra, de s’étonner qu’un homme, qui fut ministre autrefois, s’imagine probablement, sinon de reprendre le gouvernement qu’il a perdu, au moins l’influence dans les esprits, qui est du gouvernement aussi, en traitant de la résurrection des systèmes philosophiques au onzième siècle. Systèmes qui mourront et ressusciteront plus d’une fois encore, si les hommes doivent s’occuper longtemps de ce que les philosophes appellent des vérités éternelles, lesquelles n’ont d’éternel peut-être que leur inutilité !

163. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Quelque peu satisfaisant et dominateur que nous paraisse toujours, à nous, un système qui glisse sur l’esprit plutôt qu’il ne raccroche (et il faudrait le crocheter !) […] Excepté Vera, seul hégélien franc du collier que je connaisse, qui prend bravement Hegel et son système et qui avale le tout, — ce qui n’est pas facile, — les autres philosophes du temps ont de l’Hegel plus ou moins dans l’estomac ou dans la veine ; ils l’éructent ou le suent plus ou moins ; mais ils ne sont jamais du pur Hegel, et même ils ne voudraient pas l’être, l’orgueil anarchique des esprits étant monté si haut que personne bientôt ne voudra plus être le disciple de personne, et qu’un homme à qui vous direz qu’il est d’une École se regardera comme insulté. Eh bien, c’est à ce plus ou moins d’Hegel, émietté et roulant en molécules plus ou moins fortes ou nombreuses dans les divers systèmes qui se produisent et se posent comme les prétendants à l’avenir, que l’attention du spiritualiste auteur de l’Idée de Dieu est allée d’abord. Trop péremptoirement opposé à la pensée hégélienne pour ne pas poursuivre et traquer partout cette pensée qui, si elle est quelque chose, n’est que la théorie du néant dans sa laborieuse et ténébreuse vacuité, Caro, pourtant, ne la voit pas seule rayonner dans les systèmes contemporains : « Kant, — dit-il avec une rancune légitime, — a inspiré la première défiance contre la métaphysique, c’est-à-dire contre les croyances qui dépassent les choses d’expérience. » Il n’oublie donc pas Kant, il n’oublie personne, pas même les poètes, pas même Goethe, pas même Heine, le Turlupin de génie, dans cette histoire des influences qui jouent pour l’heure sur la raison et l’imagination du monde.

164. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Son système, s’il est possible d’entendre la voix ferme et distincte d’un système à travers cette tempête de mots lâchés par un homme véritablement attaqué d’une tympanite verbale, son système n’est qu’une espèce de métempsycose toujours en évolution… idée chétive, trouvaille de peu d’efforts, vulgarité niaise à force d’être commune. […] quand vous jetez Dieu par la fenêtre de vos systèmes, il y rentre par les brèches de vos absurdités !

165. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Cela apparaît d’une telle évidence que l’expression « faire nature » peut s’entendre de mille façons et ne s’emplit de sens qu’au contact d’un système philosophique déterminé. […] Ces jugements sont autant de systèmes qui nous résument. […] Plus synthétiquement, je dirai qu’il n’existe qu’un seul système, le réalisme. […] Par exemple, nul ne contestera que le système de Leibnitz contente mieux la raison que celui de Descartes. […] Il invente un système de notations arbitraires, qui sont comme les leviers par où l’activité humaine plonge dans les choses et, avec une force centuplée, les plie à ses desseins.

166. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Il y a presque toujours deux choses dans un système, une idée vraie qui le fait naître, une exagération qui le fait remarquer et amasse la foule autour de lui. […] Nos critiques se sont affranchis de tout système exclusif. […] D’un autre côté l’absence de système n’est pas moins une difficulté qu’un avantage. […] Au moment où Fichte, Schelling, Hegel régnaient dans les universités allemandes et gouvernaient le monde littéraire, un auditeur de vingt-trois ans osa opposer système à système, et, au milieu de cette philosophie où l’idée s’évaporait en rêves, poser, comme Maine de Biran, le fondement solide de la volonté. […] Devait-il donc se faire chercheur de rimes ou de systèmes ?

167. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Conçue dans le système objectif de Renan, cette conscience momie, aux procédés froids, Madame Gervaisais n’est pas une étude plus vraie de la conversion d’une âme devenue chrétienne que l’histoire de Jésus-Christ, par Renan, n’est son histoire. […] À ce roman des Frères Zemganno, il a attaché, comme à un clou, un haillon de système qui pendille dans trois pages de préface. […] Voilà l’espérance et voilà le système. […] Le système est chétif. […] Il en a souvent beaucoup, quand il ne se souvient pas trop du système contre lequel il le cogne et le casse ici, comme le clown de son roman se casse les jambes contre son tonneau… Je n’aurais pas même insisté sur cet ouvrage, inférieur aux autres livres de l’auteur, quoique dans le même sentiment de vacuité et de détails descriptifs odieux, minutieux, imperceptibles, mais M. de Goncourt s’est réclamé et même vanté dans sa préface de ce système. — Réalisme ou Naturalisme, comme on voudra !

168. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Ce qui peut intéresser avec plus de nouveauté dans Bailly, c’est l’écrivain, l’historien élégant et noble de l’astronomie, l’ingénieux auteur de systèmes défendus avec grâce, avec goût, et où lui-même il mêle un sourire. […] Bailly ne disait pas ces choses avec cette netteté d’abord dans son Histoire de l’astronomie, mais il allait le dire dans les Lettres qui en étaient le développement et l’épisode : et sous l’effort érudit et pesant de Dupuis, qui sera à Bailly ce que Condorcet est à Turgot, le système prendra une consistance tout autrement formidable encore. […] Les idées, les systèmes, après une longue possession, deviennent un patrimoine que l’on défend avec chaleur. […] L’abbé de Molières est mort en combattant sur les ruines du système de Descartes. […] À travers ces digressions et ces détours, Bailly arrive, et cherche à amener avec lui son lecteur, ou Voltaire qui le représente, à sa pensée favorite d’un peuple perdu, mais nécessaire, auteur d’un système astronomique complet et dont on n’a retrouvé que des fragments.

169. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Il faut que, pour votre compte, vous cherchiez et que vous répétiez au Gouvernement de chercher les moyens de guérir un tel mal… Je ne puis trop vous prier de réfléchir que nous ne sommes pas dans un moment de raison, où les moyens tout raisonnés du système représentatif suffisent… Je suis persuadé qu’une guerre serait utile, bien entendu si l’on ; parvenait à la limiter. » Et il terminait par une épigramme, selon sa manière : « La France est, pour le moment, dans le genre sentimental bien plus que dans le genre rationnel. […] L’homme de talent et de vigueur qui aurait pu réaliser politiquement ce généreux système et le faire prévaloir ne se voyait nulle part. […] Lorsqu’ils l’essayèrent quelques années après, il était trop tard, et le système contraire était fondé. […] Casimir Perier : vrai point de départ du système négatif et défensif ; résistance pure et simple au-dedans, politique de la paix franchement et hardiment pratiquée au-dehors. […] Laffitte laissait tout aller, sans but précis : survient Casimir Perier (il était temps), qui, par son énergie, fonde et fixe le système du juste-milieu.

170. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Argument » pp. 1-4

— Il expose ensuite sous la forme d’axiomes, les vérités générales qui font la base de son système (chap.  […] Cette critique est le fondement d’un nouveau système du droit des gens.

171. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Le lendemain, elle soignait encore son bras avec des compresses d’eau fraîche, et le soir, je constatai un gonflement et une rougeur très apparents13. » 2° La transmission des émotions, qui s’accomplit ainsi à distance d’un système nerveux à l’autre, est augmentée au plus haut point par le toucher. […] Le toucher est le moyen le plus primitif et le plus sûr de mettre en communication, d’harmoniser, de socialiser deux systèmes nerveux, deux consciences, deux vies. […] Cette réaction peut être très forte, beaucoup plus forte que le trouble premier ; elle a alors pour résultat une excitation du système nerveux, non une dépression ou une altération, et ce qui eût été une souffrance s’épanouit en joie. […] Tout le perfectionnement de la conscience humaine ne fait donc qu’augmenter la primitive solidarité inconsciente des systèmes nerveux. […] Tout, dans l’organisme, se détermine réciproquement, de telle sorte que l’état d’un sens particulier réagit aussitôt sur tout le système nerveux, et qu’il n’est peut-être pas de sensation réellement indifférente pour l’ensemble de l’organisme.

172. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Ce système, à tout prendre, eût bien valu l’autre ; mais ce n’est pas là justifier l’histoire, et si jamais la passion des causes et des explications ne s’en était emparée à meilleure fin, il y aurait une raison de plus pour l’y proscrire. […] Venu à une époque philosophique, il n’a pu choisir que le point de vue du second ; venu après la plus complète et la plus irrésistible des révolutions humaines, il a dû, à l’exemple du premier, être tenté d’enchaîner toutes les phases des événements dans un système d’explications unique, universel, inflexible. […] Un pas de plus encore ; que cette force soit supposée émanée d’en haut, qu’elle ne soit que la voix humaine par laquelle se promulgue une volonté supérieure, l’instrument par lequel elle s’accomplit, et voilà que d’un seul coup on est transporté dans le système de Bossuet.

173. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Autour de deux ou trois idées fondamentales, s’organisa chez eux un système complet de poésie, formé du platonisme en amour, du christianisme en mythologie, et du royalisme en politique. […] Mais après la chute de leur théorie, un rôle assez beau resterait encore aux jeunes talents qui, désabusés d’une vaine tentative, abjurant le jargon et le système, se sentiraient la force d’entrer dans de meilleures voies, et de faire de la poésie avec leur âme. […] Elle-même se plaît à le reconnaître, en leur empruntant fréquemment ses épigraphes ; seulement, chez elle, tout vestige de système a disparu, et rien ne lui échappe qui n’ait passé par son cœur.

174. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Non, mais c’est cette émotion accompagnée d’un état particulier du cerveau et du système. […] Sans certains modes particuliers de l’étendue — le cerveau et le système nerveux — nous ne pourrions avoir ces moments d’extase, — nos plaisirs, nos souffrances, nos idées, — qui dans cette vie alternent par accès avec notre conscience étendue. » II Allant encore plus loin, M.  […] 1° La source de la volition, comme nous l’avons vu, est dans cette énergie spontanée qui a son siège physique dans les muscles, mais qui dépend encore plus du cerveau que du système musculaire, et donne naissance, quand elle est à son maximum, au caractère ou tempérament énergique.

175. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Cette objection est très-forte contre le système du docteur Briggs, qui supposait que les fibres cérébrales, semblables aux cordes d’un instrument, ont des vibrations différentes selon la longueur et le degré de tension ; mais si l’on suppose les fibres cérébrales divisées en parties infiniment petites, plongées dans un milieu élastique très-subtil, tel que l’éther, on peut concevoir que des vibrations propagées par l’éther se communiquent à chacune de ces parties infinitésimales de la fibre cérébrale. […] Gratiolet, dans son livre souvent rappelé par nous dans ce volume, sur l’Anatomie comparée du système nerveu. […] « Les fonctions du cerveau, dit Cuvier, supposent l’influence mutuelle, à jamais incompréhensible, de la matière divisible et du moi indivisible, hiatus infranchissable dans le système de nos idées et pierre éternelle d’achoppement dans toutes les philosophies.

176. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Certainement, c’est un esprit très fort que Proudhon, quand on regarde ses facultés en dehors de leur emploi, et pourtant sait-on bien de quoi se compose le système de preuves de cet esprit très fort ? […] Tel est, en quelques mots, le système de Couture. Ce n’est point une thèse de parti qu’il a soutenue, son esprit vise plus haut que cela ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il a mis une grande force aux mains de son parti en établissant un pareil système.

177. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Regardez-y bien, Madame ; votre haine n’est-elle pas aussi éloignée de votre système de philosophie que l’enthousiasme de lady Holland ? […] Ils me contestent le droit de dissoudre des Assemblées qu’ils trouveraient tout simple que je renvoyasse la baïonnette en ayant. » — « Ce qui m’afflige, répliqua Sismondi, c’est qu’ils ne sachent pas voir que le système de Votre Majesté est nécessairement changé. […] Jamais mon gouvernement n’a dévié du système de la Révolution ; non des principes comme vous les entendiez, vous autres ! […] Il a eu le mérite d’y puiser, l’un des premiers, avant les systèmes modernes et tant de découvertes réelles ou prétendues. […] Si j’avais à conseiller à une jeune personne sérieuse, à une lectrice douée de patience, un livre d’histoire de France qui ne faussât en rien les idées, et où aucun système artificiel ne masquât les faits, ce serait encore Sismondi que je conseillerais de préférence à tout autre.

178. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Il lui oppose ses systèmes éternellement les mêmes, ses dissentiments, ses contradictions ; à ses obscurités et à ses doutes, il oppose avec sécurité les certitudes et les lumières du dogme chrétien. […] J’ai reproché aux systèmes philosophiques, non leur éternelle opposition, mais leur éternelle similitude. […] Je ne saurais admettre la parité que vous établissez entre l’opposition des systèmes philosophiques et celle des religions. Les systèmes philosophiques sont essentiellement divers et opposés. […] A la pauvreté et à l’obscurité de ses systèmes, il oppose la plénitude, la richesse et la clarté des dogmes chrétiens.

179. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan a la pensée trop molle pour concevoir et construire un système, et comme il est d’usage de faire des théories avec les indigences de son esprit, pour les cacher, M.  […] Renan, telle cette Arlequinade de centons arrachés à tous les systèmes mis ou remis en lumière depuis soixante ans, mais brouillés par les inconséquences naturelles à l’esprit de l’auteur. […] l’auteur du Marc-Aurèle a été encore une fois l’esprit illogique qu’il est, de constitution cérébrale et de système, répugnant de nature et de volonté à tout embrassement d’ensemble, à toute unité, à toute conclusion sévère. […] Nous savions qu’il ne pouvait avoir rien de nouveau sous cette plume qui s’est fait la gaine d’un système, et qu’une pensée… du diable chez M.  […] Renan n’est pas encore enterré dans son système, mais il y est déjà collé, figé, et il n’en bougera pas, en attendant qu’on l’y enterre.

180. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Voilà un superbe système de vie, tout idéal, tout divin, et vraiment digne de la liberté des enfants de Dieu. […] De là un système de vie pâle et médiocre. […] C’est le système juif, c’est Jéhovah. […] Quoique le système juif soit entré dans toutes nos habitudes intellectuelles, il ne doit pas nous faire oublier ce qu’il y avait dans les autres systèmes de profond et de poétique. […] Mais, de tous les systèmes, celui-là est le plus inconséquent.

181. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il est si peu homme à système qu’il est capable d’en avoir plusieurs. […] J’entends par ceci qu’il croit peut-être trop à l’efficace de son système, quand il en est à faire un système. […] Il passe d’un système à l’autre. […] Et quand il est pessimiste, c’est le même système à l’inverse, mais le même système. […] Et ce système est un système.

182. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Fortoul, jeune, atteint, j’imagine, un moment par le romantisme, s’était bientôt retourné contre, et avait emprunté à un système, qu’il jugeait plus large et plus fécond, des principes qui ne valent pourtant que pour ce qu’on y met de particulier et de correctif perpétuel dans l’application. […] On ne passe point indifféremment sans doute par ces divers systèmes ; on en garde des impressions, des teintes, un pli ; mais enfin l’on en sort quand on a un talent capable de maturité. […] La plus sûre manière de sortir du raisonnement systématique et de la fougue esthétique est de faire, de s’appliquer à une œuvre particulière ; on y entre avec le système qu’on veut vérifier et illustrer ; mais, si l’on a quelque talent propre, original, ce talent se dégage bientôt à l’œuvre, et, avant la fin, il marche tout seul, il a triomphé. […] Mais ici, quand le roi, en hâte de partir, et dont le danger redouble à chaque minute, demande et commande à Steven des chevaux, et de lui rendre son compagnon de voyage, qu’on lui retient parce que c’est le fiancé de Mina ; quand Steven, non content de résister par piété domestique, étale cette piété, la discute, l’oppose avec faste au rôle du conquérant, quand il s’écrie : « L’homme que vous venez d’appeler un enfant se lève du sein de son obscurité pour se placer devant vous, et pour se mesurer à vous, sans orgueil comme sans crainte… Ce n’est pas parce que je commande que j’ose me comparer à vous, mais parce que j’obéis… J’ai vaincu un ennemi plus redoutable que vous…, je me suis vaincu moi-même » alors le drame cesse en ce qu’il avait de naturel et d’entraînant ; le système reparaît, se traduit de nouveau à la barre sous forme de plaidoyer.

183. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma pensée, le système de monnaies que j’emploie pour payer mes dettes, les instruments de crédit que j’utilise dans mes relations commerciales, les pratiques suivies dans ma profession, etc., etc., fonctionnent indépendamment des usages que j’en fais. […] Cependant, comme les exemples que nous venons le citer (règles juridiques, morales, dogmes religieux, systèmes financiers, etc.), consistent tous en croyances et en pratiques constituées, on pourrait, d’après ce qui précède, croire qu’il n’y a de fait social que là où il y a organisation définie. […] On voit combien cette définition du fait social s’éloigne de celle qui sert de base à l’ingénieux système de M. 

184. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Historiquement, son esthétique paraît tendre expressément à ressusciter l’ancien drame grec ; en soi elle constitue apparemment un système de condensation, mais d’autre part elle semble entièrement étrangère au progrès par la spécialisation et la définition des parties. […] Beaucoup d’acteurs ont admis qu’ils devaient à Wagner une profonde reconnaissance, parce que son admirable système de déclamation musicale leur avait fait pénétrer le secret d’une déclamation parlée correcte et expressive. […] Il publia des traductions de tragédies grecques, des traductions du latin, une étude sur « le système de la Mythologie » ; par une curieuse coïncidence, quelques-uns de ces écrits furent imprimés à Bayreuth. […] Il cherche à appliquer la théorie de l’évolution à tous les domaines de la pensée et à créer un système global qui relierait tous les domaines de la connaissance. En 1860, il publie Système de philosophie synthétique, Principes de biologie (2 vol., 1864-1867), Principes de sociologie (3 vol., 1876-1896) et Principes de l’éthique (3 vol., 1892-1893).

185. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Cette affection pour la personne de Lamennais, survivant aux contradictions des systèmes et aux déchirements des croyances, s’est rencontrée chez d’autres encore ; il avait le don d’attacher ; et c’est ainsi qu’on a vu à son lit de mort les représentants des diverses époques de sa vie, étonnés de se trouver là ensemble, et réunis dans une commune douleur, dont les motifs ne laissaient pas d’être différents. […] Il ne comprend que l’unité de principe et ses conséquences rigoureuses, le système exact, la logique absolue : un monde complet, tout un ou tout autre. […] En même temps que la forme de son intelligence n’admet que le système absolu, la nature de son âme aussi n’est capable que d’affections extrêmes. […] « C’est à peu près, dit-il, la seule consolation de ce monde : quand les hommes vous maudissent, c’est alors que Dieu vous bénit. » Il a besoin, je l’ai dit, de sensations intellectuelles aiguës ; cette ardeur effrénée et cette surexcitation que d’autres, poètes surtout et artistes, ont portée dans les jouissances sensuelles, il la porte, lui, dans les systèmes philosophiques et politiques. […] Il voudrait régénérer la société ; il s’est fait du monde au Moyen-Age et du catholicisme en son beau temps une idée une et magnifique que l’étude de l’histoire, à coup sûr, ne justifierait pas ; mais enfin, sentant que ce beautemps est passé, il voudrait le renouveler à sa manière ; il a un plan pour cela, une recette sûre, son système à lui.

186. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Chargé avec Prieur (de la Marne) d’une mission aux armées du Nord en août 1793, après la capitulation de Valenciennes, il se prononça vivement contre Custine et ce qu’il appelait le Custinisme, c’est-à-dire le système prudent et défensif. Jean-Bon a l’instinct d’un autre système de guerre, mais il n’en indique pas les moyens. […] Ce fut tout un système, aventureux, hasardé et commandé comme les systèmes d’alors. […] Les vues qui lui tenaient à cœur, plus grandioses que pratiques, et qui dans leur exagération embrassaient toute la Méditerranée, allaient à contrecarrer les plans autrement positifs du jeune général qui avait tant contribué à la prise de Toulon, et les propositions détaillées qu’il faisait dans le même temps pour la défense et l’armement des côtes ; les deux systèmes durent être, un instant, en présence et en balance.

187. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Chacun sut, grâce à lui, à quoi s’en tenir désormais sur tout ce système habile et merveilleux de créations à l’intérieur, sur ce mécanisme savant et simple, essentiellement moderne, dont le public n’avait pas la clef auparavant ou dont on ne se faisait que de vagues idées. […] « On avait le choix entre deux systèmes : l’un tout de force et de représailles, l’autre tout de clémence et de conciliation. » Convenait-il d’user du premier en toute rigueur, comme la victoire en donnait le droit, et de mesurer ses prétentions sur sa fortune ? […] Les événements avaient marché plus vite que sa pensée, et son ambition ne faisait, pour ainsi dire, qu’exécuter les arrêts de sa fortune. »  Et dans le récit où il a résumé les préliminaires et les causes de la guerre de Russie en 1812, il ne voit dans cette entreprise, de la part de la France, que « le dernier terme de ce vaste système de conquête et de prééminence qui a son point de départ dans le traité de Campo-Formio et qui fut reproduit plus tard dans celui de Lunéville. » Napoléon n’avait point fondé ce système, il l’avait pris à son compte et avait mis son génie et sa gloire à le faire triompher ; la Révolution, devenue toute guerrière, voulait sa revanche sur l’Europe : la partie une fois engagée sur ce pied, de revanche en revanche l’enjeu avait grossi toujours : « Il y a un fait capital, répétait M.  […] La Coalition a poussé sa trame jusqu’au cœur de son système fédératif : il est décidé à ne plus tolérer dans sa sphère d’action que des souverains dévoués.

188. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Les données de la psychologie doivent être cherchées en grande partie dans l’étude de la structure et des fonctions du système nerveux. […] Et de même, quand Newton conçoit le système du monde, il faut que la nature et la suite de ses idées correspondent à la nature et à l’enchaînement des phénomènes réels ; il faut que ce qui est en lui s’ajuste à ce qui est hors de lui. […] Les bizarres sentiments qui accompagnent certains états anormaux du système nerveux, fournissent une évidence semblable. […] Lewes, il a organisé un système de philosophie. […] La perfection du système positif serait de considérer comme absolument inaccessible, et vide de sens, toute recherche sur les causes premières et finales.

189. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

L’humanité en son ensemble est un chaos, non encore un système stellaire. […] Déjà il applique au roman le système des petits faits significatifs, soutenu par Taine. […] Outre qu’il est un géomètre, le réaliste par système est encore un métaphysicien ; — il est métaphysicien matérialiste et pessimiste, — mais un système matérialiste et pessimiste est un système métaphysique tout comme les autres, qui prétend nous révéler le dernier mot et le dernier fond de notre conscience. […] Où est ici l’impartialité de l’esprit « étranger aux systèmes » ? Tout le monde a remarqué, outre le matérialisme, le second trait du « système » métaphysique à la mode chez les romanciers du jour, le pessimisme.

190. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre II. De l’Allégorie. »

Quant à ces dieux vagues que les anciens plaçaient dans les bois déserts et sur les sites agrestes, ils étaient d’un bel effet sans doute ; mais ils ne tenaient plus au système mythologique : l’esprit humain retombait ici dans la religion naturelle. […] Or, chez les autres peuples idolâtres, qui ont ignoré le système mythologique, cette poésie a plus ou moins été connue : c’est ce que prouvent les poèmes Sanskrits, les contes Arabes, les Edda, les chansons des Nègres et des Sauvages60.

191. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Des Constitutions de la France et du système politique de l’empereur Napoléon. […] Si l’on s’en rapporte au texte de son livre, intitulé : Des Constitutions de la France et du système politique de l’empereur Napoléon 17, Edmond de Beauverger serait publiciste et jurisconsulte. […] On ne savait pas dans quoi plongeaient les racines de ce qu’on prenait pour le système d’un homme.

192. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Toutefois ce n’est pas une de ces défenses par pieds, pouces et lignes, comme en font souvent les faiseurs de systèmes, s’appelassent-ils Montesquieu ! […] Les individualistes, aveuglés par un système qui est la ruine et la négation de toute solidarité politique et humaine, ne sont pas cependant les seuls adversaires de Dupont-White et de son système.

193. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

Quelque puérile que paraisse à l’auteur l’habitude de faire des corrections érigée en système, il est très loin d’avoir fui, ce qui serait aussi un système non moins fâcheux, les corrections qui lui ont paru importantes ; mais il a fallu pour cela qu’elles se présentassent naturellement, invinciblement, comme d’elles-mêmes, et en quelque sorte avec le caractère de l’inspiration.

194. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Quand l’esprit de système semble s’éteindre ou du moins languir sur un ordre d’études, on le voit se ranimer et redoubler d’ardeur sur un ordre différent. […] D’abord elle réunit les caractères essentiels d’un véritable système, la loi d’unité et la loi de continuité. […] Taine, mère féconde de toutes les autres, dont l’enchaînement constituerait le système entier de l’univers ! […] Si les deux autres systèmes, le matérialisme et le spiritualisme, méconnaissent la liberté, ils reconnaissent au moins l’individualité des êtres, en tant qu’êtres. […] C’est toujours l’hypothèse du mécanisme universel, avec toute la différence que la science moderne a mise entre le de Natura rerum de Lucrèce et le Système du monde de Laplace.

195. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

C’est cette grande notion de Dieu qui éclaire tout à proportion de l’étendue qu’elle a dans le cerveau d’un homme ou le diamètre de son système, que M.  […] C’est qu’encore une fois et pour le certain, tout ce système n’est qu’un mensonge ; M.  […] Ferrari soit uniquement un penseur désintéressé, comme tout fataliste devrait l’être, ou qu’il cache, sous les rigides et impérieuses formes d’un système, un patriotisme profond contre lequel le patriotisme officiel et braillard des partis s’élèvera peut-être, nous ne savons et peu nous importe ! […] Un homme de pensée désespéré peut se jeter et se reposer sur cette idée du destin comme sur le grabat de sa misère intellectuelle, mais ce n’est pas là un système, et en métaphysique, ça toujours été une grande pitié. […] Telles sont les arêtes principales du système de M. 

196. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Le système de Luther était à beaucoup d’égards une transaction ; le système de Calvin fut un changement radical. […] Dans le système de Luther, la justification pouvait se perdre par les fautes, et se recouvrer par la pénitence. Dans le système de Calvin, la justification une fois obtenue était inamissible, Dieu ne pouvant pas faire du même homme l’objet de son choix et de sa réprobation. […] C’est aussi le livre qu’il a le plus profondément imprimé de son caractère, et qui porte le plus de marques de la suite de sa vie et des développements de son esprit ; c’est à la fois son système religieux, sa conduite et son portrait. […] La matière, c’est bien moins le système de Calvin que ce qui lui a survécu ; à savoir, cette philosophie chrétienne, s’exprimant pour la première fois dans un langage ferme, précis, frappant, accessible à tous.

197. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Dieu me garde d’insulter jamais ceux qui, dénués de sens critique et dominés par des besoins religieux très puissants, s’attachent à un des grands systèmes de croyance établis. […] Ce qu’un système affirme, c’est sa part de vérité, ce qu’il nie, c’est sa part d’erreur. […] Le critique parcourt tous les systèmes, non comme le sceptique, pour les trouver faux, mais pour les trouver vrais à quelques égards. […] Ceci explique comment la science formait une partie essentielle du système intellectuel de Goethe. […] Telle est la manière française ; on reprend trois ou quatre mots d’un système, suffisants pour indiquer un esprit ; on devine le reste, et cela va son chemin.

198. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

J’ai essayé plus d’une fois, comme tous mes amis, de m’enfermer dans un système pour y prêcher à mon aise. Mais un système est une espèce de damnation qui nous pousse à une abjuration perpétuelle ; il en faut toujours inventer un autre, et cette fatigue est un cruel châtiment. Et toujours mon système était beau, vaste, spacieux, commode, propre et lisse surtout ; du moins il me paraissait tel. […] Mais ces maîtres, trop célébrés jadis, trop méprisés aujourd’hui, eurent le grand mérite, si l’on ne veut pas trop se préoccuper de leurs procédés et de leurs systèmes bizarres, de ramener le caractère français vers le goût de l’héroïsme. […] Ingres est le dessin d’un homme à système.

199. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Mais, au moment d’attaquer le problème, je n’ose trop compter sur l’appui des systèmes philosophiques. […] Voilà des questions vitales, devant lesquelles nous nous placerions tout de suite si nous philosophions sans passer par les systèmes. […] Le cerveau fait partie d’un système nerveux qui comprend, outre le cerveau lui-même, une moelle, des nerfs, etc. […] Nous le devinerons sans peine si nous considérons la structure générale du système nerveux. […] Finalement, là où le système nerveux est rudimentaire, à plus forte raison là où il n’y a plus d’éléments nerveux distincts, automatisme et choix se fondent ensemble : la réaction se simplifie assez pour paraître presque mécanique ; elle hésite et tâtonne pourtant encore, comme si elle restait volontaire.

200. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Les systèmes que Bernardin avait mêlés à ses peintures n’y nuisaient pas. […] L’athée, au xviiie  siècle, était un genre à part, une condition ; on disait de tel homme en le désignant du doigt : « C’est un athée » ; et par conséquent de tel autre : « C’est un déiste. » Ces deux systèmes étaient naïvement en présence. […] La Révolution, en traversant son existence et en le soumettant à de nouvelles épreuves quand il se croyait au port, n’empêcha point Bernardin de rêver ni de suivre le développement paisible de ses systèmes. […] Mais, dans le cabinet, il se remet au système de la bienveillance universelle et de l’amour. […] Cet ouvrage des Harmonies offre encore de très beaux tableaux, aussi beaux que dans aucun des ouvrages précédents, mais aussi toutes les exagérations de système et de style naturelles à l’auteur, et où s’est complu sa vieillesse.

201. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Comment expliquer alors qu’il puisse exister un système de valeurs objectives, reconnues par tous les hommes, au moins par tous les hommes d’une même civilisation ? […] D’autre part, si vraiment la valeur des choses se mesurait d’après le degré de leur utilité sociale (ou individuelle), le système des valeurs humaines devrait être révisé et bouleversé de fond en comble ; car la place qui y est faite aux valeurs de luxe serait, de ce point de vue, incompréhensible et injustifiable. […] Puisqu’ils varient avec les groupes humains ainsi que les systèmes de valeurs correspondants, ne s’ensuit-il pas que les uns et les autres doivent être d’origine collective ? […] La société y était présentée comme un système d’organes et de fonctions qui tend à se maintenir contre les causes de destruction qui l’assaillent du dehors, comme un corps vivant dont toute la vie consiste à répondre d’une manière appropriée aux excitations venues du milieu externe. […] Les principaux phénomènes sociaux, religion, morale, droit, économie, esthétique, ne sont autre chose que des systèmes de valeurs, partant, des idéaux.

202. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

C’est là que tendent les divers motifs qui nous font agir et que l’on peut classer sous les titres suivants : Tous les phénomènes de plaisir et de douleur dérivant du système musculaire, des sensations organiques, des cinq sens proprement dits, des diverses émotions. […] Faut-il y voir quelque chose de plus que l’opération des motifs sensibles, jointe à la spontanéité centrale du système nerveux ? […] Il ne constitue pas en lui-même un système de philosophie mentale proprement dite ; mais c’est une collection de faits classés pour un tel système, et présentés avec cette méthode, cette connaissance approfondie, que donne la discipline des sciences, et accompagnée de passages d’un caractère analytique.

203. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Il y a six mois environ, il nous donnait ses Lettres berlinoises, coup d’œil rapide et enflammé, jugement plein de verve sur l’époque présente et les divers systèmes qui s’y agitent, qui y rendent l’âme ou s’efforcent d’y éclore. […] Mais cette espèce de travail minutieux et attentif de physiologie sociale, qui consisterait à chercher, même à travers les moindres rameaux, la circulation souvent insaisissable de chaque idée, à démontrer le cours de ce chyle subtil et nutritif jusqu’à son arrivée à un système de vaisseaux évident, à y mesurer la proportion dans laquelle il s’y mêle avec les éléments antérieurs et moins virtuels, ce travail-là, qui serait, en ce qui concerne le xviiie  siècle, le sujet de plusieurs beaux mémoires à faire, n’entrait pas dans le dessein de M.  […] Je sais que c’est une défense peu avantageuse à prendre que celle du Système de la nature et de cette faction d’holbachienne ; mais je ne veux soutenir d’Holbach ici que comme un homme d’esprit, éclairé quoique amateur, sachant beaucoup de faits de la science physique d’alors, n’ayant pas si mal lu Hobbes et Spinosa, maltraité de Voltaire, qui le trouvait un fort lourd écrivain et un fort ennuyeux métaphysicien, mais estimé de d’Alembert, de Diderot, et dont l’influence fut grande sur Condorcet et M. de Tracy.

204. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Ces différents systèmes sont fort curieux ; mais ils ne sont pas compris dans le plan de notre étude. […] Sainte-Beuve ; j’ai répondu que je n’en savais vraiment rien, et qu’il me suffisait de savoir que par son indépendance vis-à-vis de tout système, par la finesse de son goût et de sa psychologie, M.  […] C’est une construction a priori de sa raison intrépide, méprisant les faits, sacrifiant, à la façon allemande, aux superbes nécessités d’un système, de misérables accidents sans logique et sans signification, et quelques petits poètes, tels que Sophocle, Virgile, Racine, Goethe, vraiment trop superflus dans l’histoire littéraire.

205. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Mais ces lois ne sont-elles pas locales, variables d’un point à l’autre, comme celles que font les hommes ; ce qui est la vérité dans un coin de l’univers, sur notre globe, par exemple, ou dans notre petit système solaire, ne va-t-il pas devenir l’erreur un peu plus loin ? […] Ce furent ceux qui nous ont montré que la Terre n’est qu’une des plus petites planètes du Système solaire, et que le Système solaire, lui-même, n’est qu’un point imperceptible dans les espaces infinis de l’Univers stellaire.

206. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Avertissement de l’auteur »

Pour compléter cette notice historique, il est convenable de faire observer, relativement à quelques-unes des idées fondamentales exposées dans ce cours, que je les avais présentées antérieurement dans la première partie d’un ouvrage intitulé : Système de politique positive imprimée à cent exemplaires en mai 1822, et réimprimée ensuite en avril 1824, à un nombre d’exemplaires plus considérable. […] Je me bornerai donc, dans cet avertissement, à déclarer que j’emploie le mot philosophie dans l’acception que lui donnaient les anciens, et particulièrement Aristote, comme désignant le système général des conceptions humaines ; et, en ajoutant le mot positive, j’annonce que je considère cette manière spéciale de philosopher qui consiste à envisager les théories, dans quelque ordre d’idées que ce soit, comme ayant pour objet la coordination des faits observés, ce qui constitue le troisième et dernier état de la philosophie générale, primitivement théologique et ensuite métaphysique, ainsi que je l’explique dès la première leçon.

207. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Quoiqu’une théorie repose au fond d’un pareil ouvrage, — car de toute pensée générale, de tout fragment de vérité, il est facile de déduire ce que la science appelle une théorie, — ce livre n’est pas, à proprement parler, ce que les esprits qui recherchent ces organisations de la pensée entendent généralement par un système. […] Telle est la réalité qu’il oppose aux divers systèmes des pouvoirs délégués ou consentis, et le fait fondamental, et divin puisqu’il est nécessaire, de l’existence du pouvoir bien avant qu’il ait été reconnu et consacré par nos faillibles et tardives légalités.

208. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il n’a pas eu de peine à s’apercevoir que l’indépendance du juge est la clef de voûte d’un système libéral, plus que le parlement lui-même, et que peu s’en faut qu’il ne soit la liberté elle-même. […] Un écrivain qui a démonté tous les systèmes politiques de son temps et qui en a répandu les débris sur le sol. […] Cela constitue une théorie en l’air, qui n’est même pas un système. […] Surtout quand il rencontre les systèmes nettement destructeurs de la propriété, communisme ou collectivisme, sa répulsion devient extrême. […] Comme rapporteur et critique des différents systèmes, il demeure très précieux, à la condition de le contrôler, et son œuvre demeure à ce titre une bibliothèque et un arsenal.

209. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

C’est par cette induction anatomique que Bichat a établi ses systèmes. […] Duvernov avait divisé le système salivaire en deux groupes : les glandes salivaires antérieures, et les glandes salivaires postérieures, d’après le point où elles viennent déverser le produit de leur sécrétion. […] On ignore comment s’opère l’action du système nerveux sur un appareil glandulaire, mais il est certain que ce n’est pas par une contraction des muscles que la salive est exprimée. […] Quant à la supposition qu’on avait faite sur un état tel du système vasculaire, que la pression augmentait considérablement au moment de la sécrétion, de sorte que les liquides auraient de la tendance à transsuder au dehors, on a institué des expériences qui n’ont pas non plus confirmé cette vue. […] Pour achever l’histoire des glandes salivaires, nous aurions encore à vous entretenir de l’influence sous laquelle ces glandes se trouvent relativement au système nerveux.

210. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Tout nombre écrit selon notre système de numération ordinaire, et dans lequel la somme des chiffres est divisible par 9, est lui-même divisible par 9. […] Tels sont les deux principes sur lesquels se fonde l’astronomie, l’un qui attribue aux corps planétaires de notre système une tendance à se mouvoir en ligne droite avec une vitesse uniforme sur la tangente de leur orbite, l’autre qui leur attribue une tendance à tomber les uns vers les autres et vers la masse centrale, tendance proportionnelle aux masses et inverse au carré de la distance. […] Une pièce a donc la propriété de provoquer par sa présence la présence de tout un système de pièces ordonnées suivant un plan fixe, ce qui donne la grosse charpente de l’animal entier, et, en outre, elle a la propriété de déterminer par sa structure et sa fonction la structure et la fonction des autres pièces, ce qui donne la structure totale et l’ensemble des fonctions de l’animal complet. […] Si jamais nous connaissons exactement la forme, la distance, la grosseur, le poids des molécules de l’oxygène ou du sodium, ainsi que l’amplitude et la vitesse de leurs oscillations, nous serons peut-être en face d’un système analogue à notre système solaire, sorte de tourbillon dont les éléments grossièrement semblables réclameront une décomposition ultérieure, et ne laisseront expliquer leurs propriétés que par les propriétés toutes différentes de leurs éléments, ceux-ci de même, et ainsi de suite, par un recul à l’infini. […] Exposition du système du monde, t. 

211. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Les deux seuls beaux échantillons parfaits qu’on ait eus dans ce système dramatique moderne, tel qu’il était conçu alors par l’élite des esprits délicats, sérieux et élevés, ç'a été les deux pièces de Manzoni, Carmagnola et Adelchi. […] La critique, pendant tout ce temps-là (je parle de la critique qui compte) ; faisait son office avec zèle et courage ; elle s’attachait à réfuter les sottes querelles des adversaires, à démontrer qu’il y avait quelque chose de possible en dehors de l’ancien système, que le siècle devait avoir son drame à la scène comme il l’avait eu dans l’histoire.

212. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

D’ailleurs ce système historique, préconisé comme exclusif par M.  […] Ce système qui rapporte tout à l’intelligence est l’homme même. […] Nous croyons donc le système historique de M.  […] Thiers, est bien supérieure au système. Il a fait le système avec sa volonté ; il a fait son histoire avec sa nature.

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