Par suite, telle vertu devient vice et réciproquement, si l’on passe d’un groupe à un groupe voisin. […] De même, si l’on passe d’une époque à une autre, on voit, si l’on peut ainsi parler, des vertus qui meurent, répudiées et méprisées par les générations nouvelles avec autant d’énergie qu’elles étaient honorées et recherchées par les générations précédentes. […] Si nous passons il l’époque de Racine, les théories morales n’ont pas encore eu le temps de changer. […] Mais que les choses : se passent différemment ! […] Molière se charge de répondre par la bouche de son Don Juan : « L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus.
M. de Malesherbes fut d’avis que, cette fois, il fallait passer quelque chose à Fréron ; on ne lui raya que les personnalités les plus directes. […] Grâce aux difficultés que lui opposa la censure, Fréron, obligé de se contraindre et de passer de l’injure à l’allusion, a véritablement acquis de la finesse et de l’esprit plus qu’il ne s’en accorde ordinairement. […] Fréron avait dû en référer encore à M. de Malesherbes ; c’était sa plaisanterie finale, son trait, sa pointe ; il y tenait plus qu’à tout : Ainsi, monsieur, écrivait-il, je vous prie en grâce de me la passer. […] M. de Malesherbes avait ri aussi et le lui avait passé. […] M. de Malesherbes exigeait qu’il en eût un pour la forme, à moins d’un ordre direct de la Cour qui l’en exemptât ; et comme Pompignan, par pure gloriole, persistait à s’en passer, et qu’il avait livré déjà son Mémoire à l’impression, M. de Malesherbes se transporta chez l’imprimeur et fit rompre la planche.
Il lui avait refusé cette beauté des vases et des statues que le temps peut détruire ; mais il l’avait ornée de la beauté qui ne passe point, de celle dont elle disait : « Quelle que soit la forme, l’image de Dieu est là-dessous. […] Sans décliner l’impertinence, nous avons trouvé original et piquant de savoir le détail, heure par heure, des jours qu’a passés sur la terre une fille digne d’atteindre à tous les sommets, et voici ce que nous avons à apprendre aux demoiselles les mieux élevées, qui vont effeuiller des camélias aux Italiens : « Elle se levait à six heures du matin lorsqu’elle n’était pas souffrante. […] Au Cayla, après sa prière, elle passait dans la chambre de son père, soit pour le soigner, soit pour lui servir son déjeuner qu’elle accompagnait d’une lecture. […] Dans cette famille, ceux qui n’ont pas le génie, peuvent s’en passer à force d’âme… Que ce soient des gouttes de rosée, des gouttes de larmes, des gouttes du sang du cœur qui tombent de ces calices, c’est toujours la même pureté d’éther qu’on aspire dans ce qu’ils ont versé. […] …………………… …………………… Premiers vers de Guérin, flûte de pâtre qui balbutie une note divine, mais où une haleine comme celle de Mozart a déjà passé !
De la Vie monastique elle passa dans le monde, à la faveur d'un Bref du Pape, & s'engagea dans la Vie littéraire, pour laquelle elle parut avoir plus de vocation. […] Le goût de ces sortes de Ménageries n'est pas tout à fait passé ; les Bêtes, qui les composent, sont même plus soumises, plus apprivoisées que celles qui existoient du temps de Madame de Tencin ; mais, il faut en convenir, les nouvelles Surintendantes ne sont pas, à beaucoup près, ni aussi prévoyantes*, ni aussi agréables.
Quelqu’un qui, à cette époque, aurait écrit ce que j’écris ici, eût passé pour un sacrilège, ou un dément. […] Cela s’est passé dans une zone obscure, entre la littérature vulgaire et la science vulgarisée. […] Roux passe, à bon droit, pour un savant considérable et d’une conscience à toute épreuve. […] Du moins, je suppose que c’est ainsi que les choses se sont passées. […] Passe pour les hypothèses, induites d’après des faits constatés.
Ils passèrent le Rhin probablement un peu au-dessous de l’embouchure du Mein, assiégèrent et saccagèrent Mayence, Worms, se répandirent dans la Gaule-Belgique, de là dans la première Lyonnaise, dans l’Aquitaine, et le flot alla battre les Pyrénées. […] Des tribus frankes (on ne peut dire précisément lesquelles) avaient de nouveau passé le Rhin et commis en Belgique les dévastations déjà accoutumées. […] quand règne la langue de la Cour, et que l’urbanité est maîtresse, les patois sont comme des parents pauvres que l’on consigne à la porte, que l’on fait chasser par ses gens, s’ils osent passer le seuil, et que l’on ne reconnaît plus. […] Toute part faite à la corruption, à l’ignorance, il préfère toutefois au mot de barbarie (pour exprimer ce qui s’est passé dans ce sourd et lent travail) les termes plus physiologiques de décomposition et de recomposition. […] Elle se faisait avant la mort de madame son épouse, et ils étaient résolus de s’y retirer tous les deux et d’y passer le reste de leurs jours, y vivant comme saint Paulin et sa femme sainte Thérèse (Thérasie)… » 14.
Je n’avais pas besoin d’une plus longue séance ; j’enlevais la toile et je passais à une autre personne. […] Quand certaines figures de sa connaissance avaient ainsi passé devant lui, il essayait mentalement et de parti pris de les reproduire. […] Quelques jours après, je rêvais qu’en effet j’étais condamné à mort par ordre du ministre, sans avoir passé en jugement. […] À mon réveil, je me suis senti la tête complètement débarrassée, tout en me rappelant parfaitement ce qui s’était passé. […] Des images d’un certain genre constituent les souvenirs, c’est-à-dire la connaissance des événements passés.
La puissante génération de poëtes qui venait de s’éteindre avait passé comme un orage. […] Les autres s’étaient guindés dans la métaphysique et la morale, avaient rêvé infatigablement sur la condition humaine, et passé leur vie dans le sublime et le monotone. […] L’accès passé, il retomba « dans ses langueurs dorées », dans son tranquille rêve. […] Seulement vous ne vouliez pas passer au-delà du cap où est le peuplier. […] Il y a tout autour de la maison un gazon frais et soyeux comme du velours, qu’on passe au rouleau tous les matins.
C’était là qu’on passait les heures brûlantes du jour. […] Elle partait le lendemain pour s’établir avec sa société de printemps dans sa villa des collines euganéennes ; elle me proposa, d’un ton qui ne permit pas même l’hésitation, de m’emmener avec elle, et de passer la saison des grandes chaleurs dans ses jardins tempérés par le vent de l’Adriatique. […] VIII La société très restreinte que la comtesse Léna emmenait avec elle à la campagne pour passer la villegiatura se composait, outre sa fille, d’un vieil oncle de son mari. […] — Vous oubliez, belle Léna, dit gravement le professeur, qu’alors il ne serait plus l’Arioste, car le caractère de son génie est précisément de nager entre deux eaux, comme on dit en français, d’être un poète amphibie, si vous aimez mieux, et de passer du rire aux larmes ou de l’esprit au cœur, comme le parfait musicien passe d’une gamme à l’autre sur le même instrument : c’est le caractère du souverain artiste […] Thérésina, qui se trouvait bien sur cette couche de tendresse, ne cherchait pas à se relever ; elle étendit un de ses bras à demi nu sous sa tête, comme pour se faire un oreiller ; elle passa l’autre autour du cou de sa jeune mère comme pour s’y suspendre ou pour attirer vers le sien le visage de la comtesse.
Le passé et l’avenir ne conviennent qu’à la génération qui se succède dans le temps, et ils sont le domaine du mouvement. […] Que se passe-t-il dans les profondeurs du moteur premier, et de quelle façon le mouvement peut-il y naître ? […] Mais quand les temps nouveaux sont arrivés, se séparant du passé avec autant d’ingratitude que de violence, le passé avait fait son œuvre, et, ce germe fécondé, l’on peut dire, par cette lente incubation, allait se développer par un progrès irrésistible et sûr. […] Le roi ne passe point par l’état de ver : il devient abeille tout d’abord. […] Barthélemy Saint-Hilaire passe à celui d’Aristote.
Je crus devoir m’ouvrir à lui et raconter ce qui venait de se passer. […] Et quand on passa du général au particulier, tous aussi me désignèrent, au lieu de choisir les deux cardinaux Doria et Mattei, ou tout autre auquel on aurait pu songer. […] On ouvrit dans ce moment la salle à manger, et on passa à table, ce qui rompit l’entretien. […] Il envoya le cardinal Caprara à Paris et passa à d’autres affaires. […] Après le sénat, le conseil d’État passa encore avant les cardinaux.
Nous sommes dans l’histoire ; l’appareil théâtral nous donne la date, le lieu, les costumes ; il nous rend contemporains du passé. […] S’il s’agit de l’esprit de mots, Dufresny n’avait pas tort ; Molière s’en passe dans les comédies de caractère. […] Les choses se passent de même dans le Méchant, de Gresset. […] De tous les personnages qui passent sous nos yeux, nous ne sommes tout à fait ni celui-ci ni celui-là. […] D’où vient donc, Diderot, que vous vous donnez tant de peine pour imaginer un art qui puisse se passer d’un homme de génie ?
Mais l’hostilité de la foule ayant cessé peu à peu et s’étant transformée en curiosité, il a enfin fallu passer à la période éducatrice. […] Passons aux tentatives d’explication. […] Et lorsque nous le saurons, nous saurons que nous ne pouvons pas vouloir ce qui se passe partout sous prétexte de Wagnérisme, et que nous ne pouvons surtout pas vouloir ce qui s’est passé à Paris et à Bruxelles, ces dernières années, et ce qui s’y prépare pour les années suivantes. […] Wagner, qui avait l’intuition de l’art qu’il voulait créer, a dû cependant passer plusieurs années dans ces réflexions, pour arriver à saisir le problème très clairement, pour pouvoir vouloir. […] Jusqu’à ce jour tant désiré, nous ne continuerons pas moins, comme par le passé, à respecter son talent et à admirer son énergie, mais nous combattrons implacablement ses projets.
Quelle âme étrange que celle qui ne peut s’exalter qu’au spectacle de la mort et des ruines, qui ne conçoit de patrie digne d’elle que dans des pays chimériques ou dans un passé qui ne reviendra plus ! […] — et ils passent devant tout ce frémissement de vie sans rien voir que les débris du passé, que le clinquant d’une fausse couleur locale, la survivance de ce qui n’est plus, le déchet de l’archéologie et de l’histoire. […] Cette manie va si loin qu’elle a passé des écrivains et des artistes jusqu’au grand public. […] Elle, triomphante dans sa force brutale, ignorante de tout, passe avec sérénité au milieu des ruines qu’elle accumule. […] Ils savent que l’Individu, expression de la race, est la base de tout et que les démocraties elles-mêmes ne peuvent se passer d’individus : la Révolution s’appelle Mirabeau, la Terreur s’appelle Robespierre !
Ces terribles spectacles de tous les fléaux seraient-ils passés comme de légers rêves ? […] Passons maintenant aux règles de composition et d’exécution des trois espèces de poème épique. […] L’action du poète qui se passe au-delà de l’existence matérielle, n’est ordinaire ni physique, mais en tout idéale et spirituelle. […] Le passé, se reployant ainsi sur le présent par un ingénieux artifice, raccourcit l’action en la complétant, et varie ses formes en resserrant leur étendue. […] Ne nous mortifions pas si rudement que nous devenions insensibles aux tendres aiguillons que l’esprit fait si subtilement passer jusqu’à notre chair.
« Avant que le premier terme de sa vie fut passé, Harold éprouva le goût de la satiété. […] De quel ton parle-t-il de ce siècle « où tout passe, où tout s’en va, où la terre fuit sous nos pas ? […] De la Martinique où elle avait dû séjourner quelque temps, elle était passée en Angleterre, puis rentrée en France au Consulat. […] » Passons à des choses plus sérieuses. […] Il regrette la foi du passé.
Après avoir passé sept ou huit ans à apprendre des mots, ou à parler sans rien dire, on commence enfin ou on croit commencer l’étude des choses ; car c’est la vraie définition de la philosophie. […] Pourquoi passer six ans à apprendre, tant bien que mal, une langue morte ? […] Être éloquent, comme je l’ai dit ailleurs, c’est faire passer avec rapidité et imprimer avec force dans l’âme des autres, le sentiment profond dont on est pénétré. […] La persuasion intime de la vérité qu’on veut prouver, est alors le sentiment profond dont on est rempli, et qu’on fait passer dans l’âme de l’auditeur. […] L’éloquence n’est jamais que dans le sujet ; et le caractère du sujet, ou plutôt du sentiment qu’il produit, passe de lui-même et nécessairement au discours.
Cela passe à nos fils. […] Il plonge par le passé dans l’éternel et dans l’éternité par l’avenir. […] On dirait qu’il passe la plume à une main moins mâle. […] Certes ils lui parurent tels tandis qu’elle passait. […] Fogazzaro est passé maître.
Pour répondre, il suffit de considérer ce qui se passe en temps de guerre. […] Le moment est venu de passer à l’autre. […] C’est ce qui s’est passé pour l’amour. […] La vérité est qu’il faut passer ici par l’héroïsme pour arriver à l’amour. […] Que s’est-il donc passé ?
Castel, et de rhétorique française, Luce de Lancival, deux universitaires qui passaient pour poëtes, deux maîtres du moins assez fleuris et assez mondains, dégagés de la vieille rouille. […] Dans sa première manière, il s’est gardé soigneusement de faire rien passer de l’une dans l’autre. […] Toute la part de bonnes raisons que vous aviez a passé chez lui, tant il est prompt à entendre, à devancer, et vous êtes réduit à l’assertion absurde. […] Ayant à passer le premier sur beaucoup de sujets, je ne visais dans les parties accessoires et secondaires qu’à une exactitude approximative et provisoire. […] Il faisait sentir l’éloquence dans la conversation, et cela sans excès, sans passer la mesure.
Ils se disent à eux-mêmes : Voilà quelqu’un qui n’a pas les mêmes objets que nous en vue dans ses sorties à travers nos rues et nos places publiques ; voilà un étranger à nos intérêts d’ici-bas, voilà le feu sacré qui passe et qui nous coudoie sans nous voir. […] Écoutez : quand on en a le temps comme aujourd’hui, il ne faut jamais passer à côté d’un phénomène sans l’étudier. […] On demande son nom au premier batelier qui passe et qui rattache son petit bateau de pêche à un tronc de saule pour verser son filet frétillant de truites sur le sable. — C’est la rivière d’Ain, vous dit-il avec un air de fierté locale, la rivière qui descend de Saint-Claude et qui donne son nom à toutes ces plaines. […] ce présent n’a qu’un jour ; ils habitent, dans la permanence de leurs pensées, avec les immortels de l’histoire et de l’art ; ils sont contemporains de tous les passés et de tous les avenirs ; ils sont les abstractions supérieures de notre infime personnalité ; ce qu’ils habitent le moins, c’est notre terre : leur conversation, comme dit l’Apôtre, est avec les esprits invisibles ; purs esprits eux-mêmes, ils sont imperméables à nos misères de fortune ou de vanité. […] XXXVIII Mais est-il possible, cependant, qu’un jeune poète à l’âme ardente et expansive, tel que celui dont nous parlons, ait passé toute sa jeunesse dans un manoir du Jura sans autre passion que ses dessins, ses manuscrits, ses poussières de marbres antiques, ses voyages d’antiquaire, le compas à la main, avec ses contemplations de tableaux ou de statues ?
Le monde passe et change en passant, à chaque petit hasard industriel qui apprend à coudre sans dé et sans main ou à faire un nœud servant de tête à un clou ou de tête à une épingle. […] On les avait ensuite relégués en Russie ; d’autres avaient passé sur les vaisseaux anglais dans la Vendée. […] Il passa alors quelques mois dans cette ville, et ayant été investi de l’héritage de sa famille dans la terre de Vessau, il y trouva de nombreux et curieux manuscrits qui encombraient, depuis deux siècles, les archives du château. […] L’été se passa ainsi. Au commencement de l’automne, la Gazette de France nous apprit que les poésies de Clotilde avaient paru, et qu’une admiration unanime accueillait cette résurrection du passé.
Avec les romantiques, l’intérêt passe des faits aux mœurs, à la couleur : de récit apocryphe le roman historique devient ou prétend devenir peinture exacte, évocation : c’est l’éveil du sens historique. […] Le roman littéraire s’est engagé dans d’autres voies ; le temps du romantisme est passé. […] Il a l’imagination des affaires : il passe son temps à inventer des combinaisons qui contiennent des fortunes. […] On voit aisément par où Balzac a pu passer pour le père du réalisme contemporain. […] Il a aimé passionnément l’Italie : dans son passé et dans son présent.
D’un autre côté, l’intelligence du passé et le goût de l’exotique ont engendré une longue et magnifique lignée de poèmes où revivent l’art, la pensée et la figure des temps disparus. […] Je sais bien qu’il vit à Paris, à peu près comme tout le monde, et je ne prétends pas qu’il adore pour de bon Baghavat ou Bouddha, qu’il laisse pousser indéfiniment les ongles de ses pieds et de ses mains, ni qu’il passe des heures à regarder son nombril. […] Il ne faut pas oublier que Leconte de Lisle est né à l’île Bourbon et qu’il y a passé son enfance. […] Je trouve tout cela dans Kaïn, et c’est par là qu’il est si complètement moderne Sans parler davantage de l’âpre et généreuse pensée qui est au fond de cette belle histoire symbolique, le passé surgit aux regards de Thogorma avec une précision si poignante et dans un détail si arrêté qu’on n’y peut rien comparer, sinon les plus belles pages de Salammbô. […] oui, les dieux passeront, mais après ?
Maintenant, si un nouveau courant entre dans le lac, ses ondes passeront d’abord sur ce patron d’ondes stationnaires sans l’altérer ni être altéré. […] Lui, sans se déconcerter le moins du monde : Ce métal, je l’avoue, ressemble extrêmement à l’or ; vous me dites qu’il passe pour tel chez les essayeurs et sur le marché. […] Passons au choix. […] Nous sentons la puanteur horrible d’un égout longtemps après avoir passé hors de sa portée. […] Quand on essaie de passer de l’une à l’autre, on ne le peut ; il n’y a aucun pont entre ces deux opposés, qui se combattent et s’excluent réciproquement.
A tous les tournants des drames ou des romans, se passent des coups de théâtre, de poignantes alternatives, des luttes de conscience entre deux devoirs, des ironies tragiques qui font dire ou faire à un personnage le contraire de ce qu’il veut de toute son âme. […] Valjean, odieux et haineux, forçat, passe chez M. […] Cromwell passe de son attitude de mari peureux à celle de chef (des têtes-rondes. […] Il semble donc qu’en lui, à une seule impulsion de l’âme, à une conception, à une émotion, à une vision intérieures, correspondent une multitude d’expressions, qui se présentent tumultueusement, s’ordonnent, se rangent et sont issues de suite, tandis que les facultés intellectuelles restent inactives, attendant que ce flux ait passé, pour reprendre leurs fonctions intermittentes. […] Nous passons aux facultés mentales du poète.
On a passé sous ce nom-là beaucoup d’obscurités et de contretems. […] C’est même quelquefois la briéveté qui fait la plus grande force des traits qui passent pour merveilleux ; et il ne faut au contraire qu’un mot superflu pour énerver la pensée la plus vive, et la dégrader du sublime. […] On le doit passer quelquefois par la même raison aux poëtes de théatre, qui peuvent encore par ce moyen prolonger des mouvemens et des passions agréables. […] On fera toujours d’autant plus d’efforts pour atteindre les anciens, qu’on désespérera moins de les passer. […] Tant pis pour ceux qui se séduiront si grossiérement : pour moi je comprens qu’on peut être modeste, en espérant de passer les anciens.
La réflexion est ainsi incitée à se détourner de ce qui est l’objet même de la science, à savoir le présent et le passé, pour s’élancer d’un seul bond vers l’avenir. […] Les hommes n’ont pas attendu l’avènement de la science sociale pour se faire des idées sur le droit, la morale, la famille, l’État, la société même ; car ils ne pouvaient s’en passer pour vivre. […] D’emblée, il croit pouvoir énumérer les principaux agents à l’aide desquels elle a lieu et les passer en revue. […] Il faut qu’elle passe du stade subjectif, qu’elle n’a encore guère dépassé, à la phase objective. […] Quand, plus tard, on passera de la famille en général aux différents types familiaux, on appliquera la même règle.
M. le Marquis de Sablé sortant d’un long repas où il avoit amplement bu, alla voir la représentation de l’Opéra de village, Piece nouvelle de Dancourt ; & comme il y a un endroit où l’on chante, les vignes & les prés seront sablés, le Marquis s’imagina qu’on le nommoit, & donna un soufflet en plein Théatre au Poëte Comédien, qui se seroit bien passé de toucher cette rétribution. […] Ces Anecdotes sont connues, mais elles tiennent au talent de l’Auteur ; c’est pourquoi nous n’avons pas voulu les passer sous silence.
La Rochefoucauld a dit : « Nos actions sont comme les bouts-rimés, que chacun fait rapporter à ce qui lui plaît. » Ce ne sont pas seulement les actions de chaque jour et les démarches des personnes de la société que chacun interprète à son gré ; ce sont les actions du passé et les noms qui les représentent. […] Encore une fois, Sully, comme s’il avait prévu à l’avance ces dénigrements de détail et ces dégradations de l’histoire, a dit ou fait dire par la plume de ses secrétaires : « Que si quelques grands rois, capitaines, magistrats ou chefs d’armées, de républiques et de peuples, qui ont acquis une générale réputation d’avoir été excellents ès faits d’armes, de justice et de police, ont eu quelques vices et passions particulières secrètes et cachées, qui n’aient point porté de préjudice au public, et dont la publication ne peut apporter aucun avantage », il est bienséant à un historien de les taire et de ne point passer sous silence « les vertus, belles œuvres et actions manifestes » pour s’en aller scruter et découvrir « les défauts et manquements secrets ». […] On se passa d’approbation et de privilège ; Sully faisait acte de souveraineté. […] La première partie de la carrière de Rosny se passera à n’être en apparence qu’un homme de guerre et un soldat ; mais ce fonds d’études, cet amour d’une instruction solide et sérieuse, vertueuse en un mot, il le gardera et le cultivera en toutes les circonstances, dans les intervalles de loisir et jusqu’au milieu des camps. […] Celui-ci, après être resté quelque temps dans la simple infanterie, passe dans la compagnie colonelle de M. de Lavardin et y sert en qualité d’enseigne ; mais bientôt il cède cette enseigne à un de ses cousins, et, ayant fait des épargnes de son revenu durant deux ou trois ans (car il est bon ménager de bonne heure), s’étant retranché durant ce temps à vivre de ses soldes, de ses profits et butins faits à la guerre, il s’arrange si bien qu’il peut figurer désormais comme gentilhomme, ayant ses gens et son équipage à lui, à la suite du roi de Navarre.
Damiette s’étant rendue, saint Louis résolut d’y passer l’été (1249) pour attendre que le Nil fût diminué. […] À ce petit pont que Joinville défendait si bien, il en vit passer, et bien des gens de grand air, qui s’enfuyaient effréement, « lesquels je nommerais bien, dit-il ; mais je m’en tairai, car ils sont morts ». […] Pendant la traversée, Joinville l’accompagne, et il ne quittera plus le saint roi durant les quatre années qu’ils doivent passer encore en Orient. […] Si ce beau règne exista quelque part dans le passé, ce fut certes sous saint Louis, durant ces quinze années de paix, à l’ombre du chêne de Vincennes, et c’est par la plume de Joinville qu’il nous a légué sa plus attrayante image. […] [1re éd.] — Un bon Sarrasin, qui sans doute était quelque renégat, vint à lui au moment le plus périlleux et lui offrit de le sauver en le faisant passer pour le cousin du roi, afin qu’on le mît à part en vue d’une rançon.
Dès que sa goutte était passée, son cerveau lui paraissait, dit-on, plus dégagé qu’auparavant, son imagination plus nette et plus pure ; il se sentait alors plus en train d’étudier, et singulièrement démangé de l’envie de produire et de mettre en œuvre toutes les belles matières qu’il avait amassées. […] Et il racontait les choses telles qu’elles s’étaient véritablement passées. […] Bayle s’est même fort amusé d’une menace que fit Costar à Girac, à savoir que les capitaines des troupes qui passaient en Angoumois pourraient bien lui faire payer cher sa levée de boucliers contre Voiture. Il paraît en effet qu’un jour un capitaine bel esprit et du dernier goût, qui passait près du manoir de M. de Girac, lui avait dit que, pour cette fois et par considération pour M. de Montausier, il ne lui mettrait pas sa compagnie de gendarmes à loger dans son village, mais qu’à l’avenir il eût à être plus sage et à ne plus écrire contre M. de Voiture. […] La querelle avait passé à la place Maubert en même temps qu’au Quartier latin.
Il se plaint, en terminant, de tout le monde : « C’est ce qui s’est passé en cette seconde guerre, dit-il, où Rohan et Soubise ont eu pour contraires tous les grands de la Religion de France, soit par envie ou peu de zèle, tous les officiers du roi à cause de leur avarice, et la plupart des principaux des villes gagnés par les appâts de la Cour… Quand nous serons plus gens de bien, Dieu nous assistera plus puissamment. » Par cette paix les réformés obtenaient ce qui à leurs yeux était l’essentiel, la subsistance des nouvelles fortifications qu’ils avaient élevées dans la plupart des petites villes du Midi, c’est-à-dire la faculté de recommencer la guerre. […] En conseillant au roi de faire impérieusement, et même avec menaces (s’il en était besoin), ces demandes assez singulières à ses alliés protestants pour battre ses sujets protestants, le cardinal, à qui son tact présageait qu’on obtiendrait tout, savait bien pourtant qu’il se mettait en grand hasard auprès du maître si l’on essuyait un refus : Qui se fût considéré lui-même, dit-il dans un sentiment de généreux orgueil, n’eût peut-être pas pris ce chemin qui, étant le meilleur pour les affaires, n’était pas le plus sûr pour ceux qui les traitaient ; mais sachant que la première condition de celui qui a part au gouvernement des États est de se donner du tout au public et ne penser pas à soi-même, on passa par-dessus toutes considérations qui pouvaient arrêter, aimant mieux se perdre que manquer à aucune chose nécessaire pour sauver l’État, duquel on peut dire que les procédures basses et lâches des ministres passés avaient changé et terni toute la face. […] Après les perplexités et les partages d’esprit où M. de Rohan convient lui-même avoir été au début de cette troisième guerre, et qu’il trahissait quelquefois dans sa conduite, on concevra le jugement sévère et irrité que porte de lui Richelieu : Ce misérable Soubise, s’écrie-t-il avec indignation (car il ne sépare pas les deux frères), dont le malheur, l’esprit et le courage sont également décriés, n’ayant autre art pour couvrir ses hontes passées que de s’en préparer de nouvelles, sollicite en Angleterre. […] Ce n’est pas à moi d’essayer de faire l’histoire de ces mémorables exploits en ces passes si disputées, et de cette prise de La Rochelle, après plus d’un an de blocus et trois expéditions navales des Anglais impuissantes à la secourir. […] Ce double sentiment contraire qui animait l’assiégeant et l’assiégé se peint avec fidélité dans les pages tant de Richelieu que de Rohan ; ce dernier, qui, pendant ce temps-là, tenait la campagne dans le Midi et se bornait à occuper les troupes du roi par une suite d’escarmouches et de petites affaires, sentait bien que le fort de l’action se passait là où il n’était pas, et que le sort de la cause se décidait ailleurs.
Le défaut, c’était le besoin d’action à tout prix, le besoin de bruit et de renommée qui ne se passait ni des intrigues ni des manèges, et qui jouait avec les moyens scabreux : de là toute une suite d’indiscrétions, de déguisements, de rétractations, de désaveux, de mensonges. […] Voltaire s’intéressait à tout ce qui se passait dans le monde auprès de lui ou loin de lui ; il y prenait part, il y prenait feu ; il s’occupait des affaires des autres, et, pour peu que sa fibre en fût émue, il en faisait les siennes propres ; il portait le mouvement et le remue-ménage partout où il était, et devenait un charme ou un tourment. […] Cette période de la vie de Voltaire, ces trois années d’étude et de silence, où il entra n’étant que le libertin du Temple et le plus charmant homme de société, et d’où il sortit homme et philosophe, sont restées assez obscures et mystérieuses, précisément parce qu’il les passa dans le silence. […] Souvenez-vous de l’amitié tendre que vous avez eue pour moi ; au nom de cette amitié, informez-moi par un mot de votre main de ce qui se passe, ou parlez à l’homme que je vous envoie, en qui vous pouvez prendre une entière confiance. […] Ce qui est plus étrange encore que l’étonnement de Voltaire, c’est que cet étonnement ait été partagé par l’illustre marquise, qui passe pour un géomètre d’une certaine force : il fallait que ce jour-là elle eût perdu ses principes, selon le mot piquant et bien connu de Mme de Staal de Launay : « Elle fait actuellement la revue de ses principes : c’est un exercice qu’elle réitère chaque année, sans quoi ils pourraient s’échapper, et peut-être s’en aller si loin qu’elle n’en retrouverait pas un seul.
Lundi 13 janvier 1862 Notre époque en littérature vit surtout de retours sur le passé. […] On avait passé, ce semble, par toutes les phases d’opinions à son sujet, on avait fait le tour : après avoir écouté les témoins directs, les contemporains les plus émus, les plus intéressés et les plus contraires, on avait vu venir avec plaisir les historiens indépendants, ayant encore la tradition, mais sachant aussi s’en détacher et envisager les hommes et les choses du point de vue de la postérité. […] Ennemi déclaré des formes religieuses et de tout emblème, il aurait même voulu anéantir jusqu’aux traces d’un passé odieux, faire table rase sur le sol de la France et ne rien laisser debout de tous les monuments que l'art et la science historique, au défaut de la foi, conservent et vénèrent ; il était de la bande noire en cela. […] Et c’est ce même homme qui, envoyé par l’Assemblée aux Tuileries, le 20 juin, après avoir fait passer le roi et la reine dans un cabinet pour les soustraire aux outrages, ne peut retenir ses larmes, et, au même moment, cherche à s’excuser d’en verser. […] Après trois jours passés fort agréablement dans cette résidence, je voulais partir avec la société ; mais dom Colignon m’engagea à rester, m’offrant de me reconduire le lundi d’après à Thionville… Je restai donc seul avec lui. » C’est alors que cet homme de bonne compagnie, mais si peu prêtre, s’ouvre à lui et, dans des conversations amicales, l’initie et l’endoctrine.
Rousseau passe chez la plupart dès gens en ce pays pour un homme singulier. […] Il passa très-rapidement par trois états d’esprit successifs. […] Hume n’est pas le meilleur des hommes, il est le plus noir. » Enfin, et presque aussitôt, il passa outre et tira la fameuse conclusion à laquelle il s’arrêta et qu’il bombarda à l’adresse de la postérité : « David Hume est un scélérat ! […] Mais quelle apparence qu’il ait vécu cinquante ans passés aimé, respecté, au milieu de ses compatriotes, sans être connu ? Attendait-il votre arrivée pour lever le masque, pour ternir une vie glorieuse plus qu’à moitié passée ?
N’ayant passé par aucune école ou conservatoire, elle n’avait rien de la manière ni des petites mines apprises, et se laissait aller simplement à sa nature fine et naïve. […] Étienne, l’auteur dramatique qui vers la fin passait presque pour un grand citoyen, et auquel elle semblait si étonnée qu’on pût trouver quelque chose d’élevé dans le caractère ; ceux-là et bien d’autres, elle les touchait d’un mot fin en passant. […] En-regard des premières poésies, qu’on mette le cri que voici et que j’ai dégagé des brouillons raturés ; car il ne sera pas dit que ce premier article sur Mme Valmore se passera tout en prose et sans qu’il y éclate une note d’elle, une note vibrante, à la Dorval ou plutôt à la Valmore, comme elle seule en avait. […] Tout vient, tout passe […] — “Je le veux bien, répondit-il, mais à la condition que vous me donnerez la liberté de passer.”
Jusqu’ici, depuis deux ans passés, il ne paraît plus qu’il existe aucun centre poétique auquel se rattachent particulièrement les essais nouveaux d’une certaine valeur. […] A travers tout le premier drame qui se passe au Tyrol, un air vif des montagnes circule ; on entend l’hallali des chasseurs qui fait bondir ; on croit boire à pleine main la saveur glacée des neiges dont la franche âcreté répare un sang affadi. […] C’est ce qui a fait dire à quelqu’un de plus sévère que nous : « Musset a un merveilleux talent de pastiche : tout jeune, il faisait des vers comme Casimir Delavigne, des élégies à l’André Chénier, des ballades à la Victor Hugo ; ensuite il est passé au Crébillon fils. […] Sans croyance aux doctrines générales du passé, sans confiance aux vagues pressentiments d’avenir ni aux inductions d’une critique conjecturale, s’il abordait des actes et des passions tenant par leur milieu à une époque organique, il les verrait mal et les peindrait incomplétement. […] C’est assurément l’artiste le moins chrétien d’aujourd’hui, celui dont le caractère individuel est le plus purgé de toutes réminiscences doctrinales et sentimentales du passé. » — M.
Mlle de Liron, toute campagnarde qu’elle est, a un esprit mûr et cultivé, un caractère ferme et prudent, un cœur qui a passé par les épreuves : elle a souffert et elle a réfléchi. […] Un an se passe. […] La nouvelle position des deux amants, l’embarras léger des premiers jours, le rendez-vous à la chambre, le bruit de la montre accrochée encore à la même place, le souper à deux dans une seule assiette14, cette seconde nuit qu’ils passent si victorieusement et qui laisse leur ancienne nuit du 23 juin unique et intacte, les raisons pour lesquelles Mlle de Liron ne veut devenir ni la femme d’Ernest ni sa maîtresse, l’aveu qu’elle lui fait de son premier amant, cette vie de chasteté, mêlée de mains baisées, de pleurs sur les mains et d’admirables discours, enfin la maladie croissante, la promesse qu’elle lui fait donner qu’il se mariera, l’agonie et la mort, tout cela forme une moitié de volume pathétique et pudique où l’âme du lecteur s’épure aux émotions les plus vraies comme les plus ennoblies. […] C’était une personne de vertu et de religion : Mlle Aïssé lui confia tout le passé, et ses scrupules encore vifs, ses remords d’un amour invincible ; Mme de Calandrini lui donna de bons conseils, lui fit promettre, au départ, d’écrire souvent, et ce sont ces lettres précieuses que nous possédons. […] Pour moi, je l’avoue, ce repas très-frugal bien qu’appétissant, et où préside d’ailleurs une exacte privation, n’a rien qui me choque, comme le font, dans la charmante correspondance de Diderot, certains aveux sur les quinze mauvais jours dont mademoiselle Voland paie un petit verre de vin et une cuisse de perdrix de trop ; et ce n’est pas du tout non plus le cas épicurien de Ninon vieillie écrivant au vieux Saint-Évremond : « Que j’envie ceux qui passent en Angleterre, et que j’aurois de plaisir à dîner encore une fois avec vous !
— Passera-t-il la nuit dans ton étable ? […] Les siècles ont passé sur ce livre six fois millénaire, et il brûle encore. […] La scène se passe à Sicyone, au temps d’une sorte de congrès fabuleux, « lorsque les dieux et les hommes disputaient entre eux » sans doute sur les rites des sacrifices et le partage des victimes. […] S’il s’éteignait au vent de la course, il le passait à son compagnon qui le rallumait en courant toujours, et celui-ci au troisième. La torche aléatoire passait de coursier en coursier et de main en main, jusqu’à ce que le vainqueur la déposât, scintillante encore, sur le sombre autel du Titan.
Il passe résolument d’un camp à l’autre ; et de ce qu’il a rendu justice d’un côté, ce ne lui est jamais une raison de la refuser à ce qui est vis-à-vis. […] Cependant on jouissait avidement de cette lecture qui passe de bien loin en intérêt les romans les plus enflammés, et qui est véritablement La Nouvelle Héloïse en action7. […] Du premier jour qu’elle fut à Paris, elle y parut aussi à l’aise, aussi peu dépaysée que si elle y avait passé sa vie. […] Elle se trompe sur elle-même quand elle dit : « J’ai une force ou une faculté qui rend propre à tout : c’est de savoir souffrir, et beaucoup souffrir sans me plaindre. » Elle sait souffrir, mais elle se plaint, elle crie ; elle passe en un clin d’œil de la convulsion à l’abattement : « Enfin, que vous dirai-je ? […] vous avez tout rempli : le passé, le présent et l’avenir ne me présentent que douleur, regrets et remords ; eh bien !
Je passe, et j’en viens au ménage politique. […] Il ne paraît point d’abord sous le charme ni des lieux, ni des gens ; les souvenirs d’enfance lui reviennent et lui font plaisir, mais le rêve passe vite et le positif l’occupe. […] Voyez ce qui se passe autour de vous dans vos métairies, dans vos bois ou sous vos toits, et apprenez à mieux parler et plus décemment, sinon de Louis XIV, du moins de Mme de La Vallière. […] » et, en tournant la page, vous le voyez se vantant de passer sa vie à lire Aristote, Plutarque, Montaigne, etc. […] Mais, cinq années après, comme elle passait à cheval près du lieu funeste qu’elle évitait d’ordinaire et où un monument avait été élevé, le cheval eut peur, fit un écart et faillit la renverser.
Admirable explicateur et ordonnateur du passé et de ces choses accomplies qui ne tirent plus à conséquence, il est propre à induire en erreur ceux qui le prendraient au mot pour l’avenir. […] Partagé entre les vieux Romains de la résistance et celui qui passa le premier le Rubicon, Montesquieu ne comprend donc pas César au même degré qu’il a fait pour les autres grands hommes ; il ne le suit qu’avec une sorte de regret. […] Il avait passé en dernier lieu presque trois années de suite dans ses terres (1743-1746), travaillant sans relâche. […] Et l’ouvrage terminé et publié à Genève, il s’écriait : « Mais j’avoue que cet ouvrage a pensé me tuer : je vais me reposer, je ne travaillerai plus. » Quelque chose de cet effort, si vivement accusé par Montesquieu, a passé dans son ouvrage. […] On prend, en lisant, une note avec esprit, avec saillie, et ensuite, en composant, on se donne une peine infinie pour faire passer sa route royale par l’endroit de la note illustre ou même quelquefois de l’historiette légère.
Même à nos propres états de conscience nous attribuons une vérité intrinsèque, qu’ils conserveront dans le passé quand nous nous en souviendrons, et qu’ils possédaient d’avance dans l’avenir, alors qu’ils n’existaient pas encore. […] — Mais le psychologue empiriste, continue-t-on, parle lui-même de ce qui se passe dans sa propre conscience « comme de quelque chose de vrai en soi, et qu’il désire voir admis comme tel par tout le monde, y compris moi-même » ; il se place donc et me place avec lui au point de vue de l’absolu, au moment même où il prétend m’en exclure. — Non pas ; il se place au point de vue d’une relation possible et conditionnelle : s’il était à ma place, il sentirait ce que j’ai senti, et, si j’étais à sa place, si je faisais les observations et raisonnements qu’il fait, je penserais comme lui. […] L’idée de l’existence, si on l’analyse, renferme d’abord l’image confuse de ce qu’il y a de plus général dans nos états de conscience ; et cette image, en s’associant à une perception donnée, particulière, la classe dans le genre des perceptions mêmes, l’assimile à toutes les autres perceptions, la reconnaît comme reproduction d’un état dont on a eu l’expérience, lui enlève ainsi déjà quelque chose de sa particularité pour lui donner une valeur générique et générale. — Mais cette association d’une vague image avec une perception particulière n’est toujours qu’un état momentané de notre conscience individuelle. — Sans doute ; mais en cet état momentané il y a le retentissement de toute l’existence passée, de toutes les perceptions passées : c’est une perspective ouverte. […] Descartes se contente de répondre : « Encore que ma connaissance s’augmentât de plus en plus, je ne laisse pas de concevoir qu’elle ne saurait être actuellement infinie : or je conçois Dieu actuellement infini. » — Mais il ne suffit pas de remarquer ainsi qu’un être qui passe de la puissance à l’acte et qui se perfectionne n’est pas et ne sera jamais l’infinie perfection : c’est là chose entendue. […] Il reconnaît d’abord que la « force » dont nous affirmons la persistance n’est pas la force dont nous avons directement conscience dans nos efforts musculaires ; celle-ci, en effet, ne persiste pas : « Dès qu’un membre étendu se relâche, le sentiment de la tension disparaît. » Mais Spencer passe de là à la conclusion la plus inattendue et, disons le mot, la plus énorme, sur l’absolu.
De la maison on apercevait, à droite, à l’horizon, sur une colline et dans un petit bois, une tour qui passait pour hantée ; à gauche, on voyait le dick. […] De temps en temps, par rentre-bâillement de la tapisserie, on voyait passer une face grimée en morisque, épiant si le moment d’entrer en scène était venu, ou le menton glabre d’un comédien jouant les rôles de femme. […] Il passa la porte et arriva à la coulisse. […] Quelques contemporains, entre autres le docteur Symon Forman, se préoccupèrent de Shakespeare au point de noter l’emploi d’une soirée passée à une représentation du Marchand de Venise. […] Dryden parla de Shakespeare une fois pour le déclarer « hors d’usage. » Lord Shaftesbury le qualifia « esprit passé de mode. » Dryden et Shaftesbury étaient deux oracles.
Moïse passe à Jésus la verge, et, après avoir fait jaillir l’eau du rocher, cette verge auguste, la même, chasse du sanctuaire les vendeurs. […] Elle passe d’un valet de plume à l’autre. […] Aux fêtes, les minstrels passaient avant les prêtres, et étaient plus honorablement traités. […] Il importe de faire un peu obstacle, de montrer au passé de la mauvaise volonté, et d’apporter à ces hommes, à ces dogmes, à ces chimères qui s’obstinent, quelque empêchement. […] Opposons dogme à dogme, principe à principe, énergie à entêtement, vérité à imposture, rêve à rêve, le rêve de l’avenir au rêve du passé, la liberté au despotisme.
Son passé ne lui suffit pas. […] Que s’y est-il passé depuis 1841 ? […] Il y a là, comme partout, des écrivains à fantaisie et à système, plus capables d’admirer le passé que de dire ce qui conviendrait au présent ; mais l’Allemagne n’est pas plus catholique que jamais et que le reste de l’Europe. […] Quant à son catholicisme, nous en avons donné l’explication la plus honorable en montrant qu’il consistait seulement dans le sentiment de respect qu’inspire à très bon droit un système aussi fort, aussi lié en toutes ses parties, que le système catholique au Moyen Âge ; mais de théorie, de démonstration tendant à prouver la valeur absolue, divine, éternelle de ce catholicisme du passé, il n’y en a pas dans Hurter, esprit trop peu philosophique pour s’inquiéter beaucoup d’une théorie quelconque. […] Il n’a soutenu nulle part ce que l’École ultramontaine pose en fait : que les conditions du passé sont nécessaires.
Par un art nouveau, que le poëte créait comme ses acteurs et son théâtre, par un secret qui n’est qu’à lui, son hymne est un drame, son accent inspiré passe à ses personnages ; et vous avez à la fois sous les yeux le délire de l’enthousiasme et l’action vraie de la scène. […] Eschyle, d’autre part, ne paraît pas avoir composé d’hymnes, en dehors du chœur aux cent voix qui redisait les strophes guerrières ou funèbres de ses tragédies ; et, dans des genres qui se touchaient de si près et que même la simplicité du drame primitif semblait confondre en un seul, il ne passait pas de sa vocation de poëte tragique à celle de chantre lyrique, ailleurs du moins qu’au théâtre. […] L’antiquité ne nous en dit rien ; et nous voyons la prévention antibéotienne, à travers une autre langue, passer dans les vers d’Horace si charmé du génie de Pindare. […] Mais nous sommes ici bien loin de ces injustes dédains d’un siècle trop raffiné ; nous essayons de comprendre, à la lumière du passé, Pindare comme Eschyle, et de les expliquer l’un par l’autre : car ils se touchent et se ressemblent. […] Là s’applique le mot si juste de Racine : « Ce qui se passe à deux mille lieues de nous semble presque se passer à deux mille ans. » Tel dut être pour l’imagination de la Grèce ce lendemain de sa victoire, contemplé dans le deuil même de ses ennemis, au-delà des mers, au milieu de leurs villes dépeuplées et de leurs palais tremblants.
Mon passé finira par se ramasser en quelques traits nets et caractéristiques. […] Cruelle énigme le fit passer maître. […] Ce fut un nuage, et qui passa. […] Mais l’exquise après-dînée qu’on passe avec M. […] » Et des jours, des semaines, des mois passèrent.
Il lui envoie ses ouvrages ; il lui raconte en courant quelques nouvelles ; il se met sans cesse à ses pieds : les quinze jours qu’il a passés dans son palais, et où il a été traité avec une bien flatteuse distinction dans la chambre des électeurs, lui sont un thème de reconnaissance éternelle qu’il varie en mille façons. […] Tantôt, avec Thieriot, son correspondant littéraire à Paris, il est en veine et comme en verve de corrections sans fin pour ses vers passés et présents, pour Œdipe, pour La Henriade, pour ses discours en vers ; il fait la guerre aux mots répétés, il est docile comme on ne l’est pas ; il ne se donne, dans l’épître morale, que pour le successeur modeste de Boileau : « L’objet de ces six discours en vers, dit-il, est peut-être plus grand que celui des satires et des épîtres de Boileau. […] je lui ai écrit… À d’autres endroits du volume, et avec d’autres correspondants c’est le Voltaire de la fin, le patriarche de Ferney, qui, toujours mourant, passe et repasse devant nous sur quelques-uns des dadas (très beaux dadas en effet, et le plus souvent très nobles) de ses dernières années. […] Je passe.
Walckenaer, d’exposer avec précision quelles furent, selon nous, l’éducation et les études de La Fontaine, quelles sortes de traditions littéraires lui vinrent de ses devanciers, et passèrent encore à plusieurs poëtes de l’âge suivant. […] L’école de Malherbe, par son dédain absolu pour le passé, n’était guère propre à réveiller le goût des curiosités gauloises, et on ne le retrouve un peu vif que chez Guillaume Colletet, Ménage, du Cange, Chapelain, La Monnoye, tous doctes de profession. […] Livré, après une première éducation très-incomplète, à toutes les dissipations de la jeunesse et des sens, La Fontaine entendit un jour, de la bouche d’un officier qui passait par Château-Thierry, l’ode de Malherbe : Que direz-vous, races futures, etc. […] En somme, Jean de La Fontaine, maître des eaux et forêts à Château-Thierry, devait passer pour un très-agréable poëte de province, quand un oncle de sa femme, le conseiller Jannart, s’avisa de le présenter au surintendant Fouquet, vers 1654.
Ils se réduisent à l’intelligence, comme si l’homme n’était que cela ; ils appellent conscience le sentiment que le principe intelligent a de lui-même, comme si c’était là tout le sentiment dans l’homme ; les phénomènes qui se passent hors de la portée de la conscience ainsi définie sont déclarés extérieurs au moi véritable, étrangers à l’homme réel. […] A l’origine, quand l’humanité naissante, venue je ne sais d’où, échappant à une vie antérieure et inconnue, sortant du non-moi au sein duquel elle avait été recueillie et transformée, se leva debout, secoua sa fange, se sentit à part, et fit en chancelant le premier pas dans sa nouvelle carrière de progrès, les choses durent se passer étrangement, et nous avons peine, de la hauteur où nous sommes aujourd’hui, à nous en représenter l’idée. […] Mais ces commémorations en l’honneur de la force, à mesure que le passé recula, perdaient de jour en jour leur prix et leur vertu. […] On sent que toute une nouvelle morale découle de là ; c’est qu’en effet nous sommes arrivés à une époque où un grand progrès est tout près de s’accomplir, où l’humanité en masse va s’élever d’une conception passée à une conception supérieure et où, par conséquent, la ligne de démarcation entre le bien et le mal doit être portée en avant.
Gogol, en effet, paraît se rattacher avant tout à la fidélité des mœurs, à la reproduction du vrai, du naturel, soit dans le temps présent, soit dans un passé historique ; le génie populaire le préoccupe, et quelque part que son regard se porte, il se plaît à le découvrir et à l’étudier4. […] La douleur du père, son indifférence aux bruyantes orgies de la setch qu’il entend à peine gronder autour de lui, ses courses solitaires à la chasse, où il oublie de décharger son arme et où il passe des heures assis près de la mer, sont décrites avec une énergique vérité. […] Que se passa-t-il alors dans son cœur ? […] Gogol, en ne faisant que peindre un coin du passé, ouvre là-dessus des jours historiques qui expliquent jusqu’à un certain point le présent.
L’étude de la littérature ne saurait se passer aujourd’hui d’érudition : un certain nombre de connaissances exactes, positives, sont nécessaires pour asseoir et guider nos jugements. […] Le mot le plus vrai qu’on ait dit sur elle, est celui de Descartes : la lecture des bons livres est comme une conversation qu’on aurait avec les plus honnêtes gens des siècles passés, et une conversation où ils ne nous livreraient que le meilleur de leurs pensées. […] La littérature est, dans le plus noble sens du mot, une vulgarisation de la philosophie : c’est par elle que passent à travers nos sociétés tous les grands courants philosophiques, qui déterminent les progrès ou du moins les changements sociaux ; c’est elle qui entretient dans les âmes, autrement déprimées par la nécessité de vivre et submergées par les préoccupations matérielles, l’inquiétude des hautes questions qui dominent la vie et lui donnent sens ou fin. […] Les prosateurs qui ne sont point de purs artistes ou qui n’ont point écrit pour faire œuvre d’art, sont souvent embarrassants à placer : on fait passer les poètes, et on pousse ensuite, comme on peut, le tas de traînards des prosateurs.
Enfin l’esprit de nos philosophes, de Montesquieu, de Voltaire, imprègne ces vives intelligences italiennes ; un Français, Condillac, est appelé à instruire le prince de Parme, et l’on peut dire que les premiers pays où des essais de gouvernement libéral et bienfaisant fassent passer dans les faits un peu des rêves de notre philosophie humanitaire sont de petits États d’Italie. […] La querelle des anciens et des modernes, Marivaux et Lesage, La Chaussée, Diderot et Rousseau nous font passer de Boileau à Chateaubriand, du goût classique au romantique, sans peine, sans heurt et sans lacune. […] Et puis il y avait les correspondances intimes : tous ces étrangers qui passaient à Paris y laissaient des amis avec qui le commerce ne se rompait jamais, et dont les lettres leur portaient le parfum du monde enchanteur qu’ils regrettaient d’avoir quitté. […] C’est à regret que je passe outre, mais il faut me contenter ici d’une sommaire indication.
Armand Silvestre On dit qu’il n’y a plus d’hommes de génie dans ce dernier tiers du siècle, et en effet ceux qui passent pour en avoir se font vieux, et il se peut bien que le temps des génies soit passé. […] est-ce un effet de la perspective trop courte il me semble qu’il y a beaucoup d’esprits intéressants et singuliers, et cela justement parce qu’ils sont tard venus ; parce qu’ils ont derrière eux toute une littérature accumulée ; parce que, même ignorants, ils savent néanmoins ou devinent beaucoup de choses et se trouvent tout formés pour aller très loin dans la sensation violente et raffinée ; parce que, tout ayant été dit (et voilà deux cents ans que cela (mot illisible) a été dit), ils donnent naturellement dans l’osé, le bizarre et le fou, et que leur extravagance fleurit elle-même sur un passé trop riche, comme ces fleurs étranges qui poussent mieux dans un humus composé d’innombrables débris de végétaux morts. […] Je n’en veux qu’un exemple, choisi avec une extrême discrétion : … Ce qu’il a passé de doigts frais et blancs aux ongles roses dans l’ébène aujourd’hui traversé de fils d’argent de ma chevelure n’est comparable qu’au nombre des étoiles.
Triton, guéri, devient chef des piqueurs du comte, et Wolfgang passe sa vie à la chasse avec Triton. « Ce trompette, à son insu, corrompt, séduit le marquis. […] J’ai passé, en parcourant ses Œuvres posthumes, par trois impressions. […] On arrive ainsi à quelque chose de merveilleusement artificiel… Oui, je crois que c’est bien là l’effort essentiel du baudelairisme : unir toujours deux ordres de sentiments contraires et, au premier abord, incompatibles, et, au fond, deux conceptions divergentes du monde et de la vie, la chrétienne et l’autre, ou, si vous voulez, le passé et le présent. C’est le chef-d’œuvre de la Volonté (je mets, comme Baudelaire, une majuscule), le dernier mot de l’invention en fait de sentiments, le plus grand plaisir d’orgueil spirituel… Et l’on comprend qu’en ce temps d’industrie, de science positive et de démocratie, le baudelairisme ait dû naître, chez certaines âmes, du regret du passé et de l’exaspération nerveuse, fréquente chez les vieilles races… Maintenant il va sans dire que le baudelairisme est antérieur à Baudelaire.
La pédantesque diligence. » Mais cela même prouve que l’homme et la doctrine comptaient encore des partisans en 1730, et que Bouhours passait pour avoir du goût, puisqu’on lui reprochait de l’avoir trop sévère. […] Plus moderne au commencement de la querelle des anciens et des modernes, il est plus ancien à la fin, l’âge et la raison aidant, et parce que la cour a passé du côté des anciens. […] Le précieux vaincu, il passe du côté du vainqueur, et y porte son second ouvrage13. […] Mais le nouveau n’est-il pas trop souvent le contraire du vrai qui a passé de mode ?
Rien ne ressemble moins à un café où il se passe quelque chose ; mais ne vous arrêtez pas, traversez la salle, suivez ce groupe qui entre ; descendez l’escalier qui plonge au sous-sol ; ouvrez la porte qui se présente. […] Mais que se passe-t-il ? […] Tout à coup, elles s’arrêtent et se courbent, prises de honte, devant l’image d’un saint homme de mendiant qui passe, pieds nus ; elles s’agenouillent et baisent dévotement, d’un mouvement bien humble, le bas de sa tunique, comme pour lui faire hommage de leur personne et contrition de leur opulence… » Écoutez ce tonnerre d’applaudissements. […] Il ramène sur l’auditoire enfiévré la douceur fleurie et tranquille du ciel d’Hellas, et tandis qu’il récite, il semble qu’on entende le bruissement des lauriers-roses au long des rives harmonieuses… Je naquis au bord d’une mer dont la couleur Passe en douceur le saphir oriental… On attendait les chansonniers de Montmartre.
Je passe dans une autre chambre et je ne le vois plus ; cependant je suis persuadé que le papier y est toujours ; que si je rentrais dans la chambre, je le verrais encore. […] En effet, le courant de conscience qui constitue la vie phénoménale de l’esprit se compose non-seulement de sensations présentes, mais aussi de souvenirs et d’attentes ; il n’est pas borné au présent, il embrasse aussi le passé et l’avenir. « Si donc nous parlons de l’esprit comme d’une série de sentiments, nous sommes obligés d’ajouter, pour être complet, une série de sentiments qui se connaît elle-même comme passée et comme future. […] Notre auteur semble admettre que le lien, « l’union organique », qui existe entre la conscience présente et la conscience passée, en constituant la mémoire, constitue aussi le moi.
Non content d’écraser la faiblesse humaine sous les fatalités du sort et de la nature, il l’asservit aux transmissions du passé. […] Le glaive retrempé et rafraîchi dans le sang passera ainsi de main en main, dans une dynastie ou dans une famille, héréditaire comme un sceptre, fatal et inamissible comme l’outil que l’artisan d’une caste égyptienne léguait indéfiniment à ses descendants. […] Cette vaste et obscure légende concentre évidemment dans un groupe d’hommes des forfaits épars, des catastrophes collectives, tout un passé immémorial de destruction et de barbarie. — Serpens non fit Draco, nisi comederit serpentes, disent les Bestiaires du moyen âge : « Le serpent ne devient Dragon que lorsqu’il a mangé des serpents. » De même la Chimère de crimes que représente la race de Pélops s’est formée sans doute par des absorptions de monstruosités oubliées. […] Ils se penchent pour écouter le dialogue, avec des gestes de connivence et des sursauts d’attention ; ils passent la tête entre les meurtriers qui complotent et mêlent des chuchotements funèbres à leurs voix tragiques.
* * * — Je ne passe jamais à Paris devant un magasin de produits algériens, sans me sentir revenir au mois le plus heureux de ma vie, à mes jours d’Alger. […] Quand il en est aux confidences de son passé complexe et plein de révélations inattendues, il dit qu’à huit ans on l’a jeté sur un poulain, et que plus tard, il a mené la reine Hortense à huit chevaux. Fin août Nous sommes venus passer un mois aux bains de mer à Sainte-Adresse où l’on nous a présentés à un boursier, à un petit-fils de Chérubini, à Turcas. […] Je crois bien que je n’aurai de l’amour dans toute ma vie que de telles bouffées… Je passai la nuit avec cette femme qui me disait en voyant mes regards sur elle : « Es-tu drôle, tu as l’air d’un enfant qui regarde une tartine de beurre !
Pas un rocher qui ne soit une forteresse, pas une forteresse qui ne soit une ruine ; l’extermination a passé par là ; mais cette extermination est tellement grande qu’on sent que le combat a dû être colossal. […] Il vivait là, il doit en convenir, beaucoup plus parmi les pierres du temps passé que parmi les hommes du temps présent. […] Puis, l’heure passait, et quelquefois minuit avait sonné à tous les clochers de la vallée qu’il était encore là, debout dans quelque brèche du donjon, songeant, regardant, examinant l’attitude de la ruine ; étudiant, témoin importun peut-être, ce que la nature fait dans la solitude et dans les ténèbres ; écoutant, au milieu du fourmillement des animaux nocturnes, tous ces bruits singuliers dont la légende a fait des voix ; contemplant, dans l’angle des salles et dans la profondeur des corridors, toutes ces formes vaguement dessinées par la lune et par la nuit, dont la légende a fait des spectres. […] Des châteaux qui sont sur ces collines, sa méditation passa aux châtelains qui sont dans la chronique, dans la légende et dans l’histoire.
Si jamais Maupertuis, disent ses adversaires, passe à la postérité, ce fera par cet ouvrage, qui est une critique très vive, & malheureusement trop juste de tous des siens. […] Devenu libre, il alla passer quelque temps à Manheim chez l’électeur Palatin. […] « Je crois que c’est un rêve : je crois que tout cela s’est passé du temps de Syracuse, &c. […] Il se contentera de cette supériorité, & ne voudra pas se servir de celle que lui donne sa place, pour accabler un étranger qui l’a enseigné quelquefois, qui l’a chéri & respecté toujours. » Maupertuis passa pour être l’artisan de toute cette indignité, & pour en avoir ourdi la trame à Francfort, quelque tems avant que de venir en France.
Deux mois, c’est bien peu pour les rivalités haineuses ; cela passe si vite, en effet ! […] « Voilà ce que disent nos maîtres, les critiques qui ont vu, qui se souviennent et qui regardent, à la fois, dans le présent et dans le passé. […] Du Misanthrope, elle a passé, sans trop d’efforts, à la comédie de madame de Bawr, La Suite d’un bal, aimable petit acte qui eût pu être signé Marivaux, et que mademoiselle Mars emportait avec elle, comme un tout petit diamant de son écrin ; là encore elle a été charmante. […] qui pourrait croire que cela se passe ainsi dans la France policée, en plein Théâtre-Français, qui pourrait croire qu’une femme pareille, à qui nous devions tant de reconnaissance pour tant de belles heures du plus calme et du plus honnête plaisir qui soit au monde, serait exposée à des lâchetés de cette force ?
Son Paysan parvenu & sa Vie de Marianne, si lus & si critiqués, passeront à la postérité. […] Il a l’art de faire passer dans l’esprit de ses lecteurs les sentimens les plus déliés, les fils les plus imperceptibles de la trame du cœur. […] Quelques autres écrivains y ont trouvé un tableau philosophique de ce qui se passe dans l’univers vraiment admirable ; mais tout le monde n’a pas pensé comme eux. […] in-12. 1768. qui est une collection de beaucoup de petits romans que j’ai passé sous silence.
Ceci ne regarde pas nos grands poètes vivants ; leur génie, leur succès, la voix publique les exceptent et les distinguent : mais pour la foule qui se traîne à leur suite, la carrière est devenue d’autant plus dangereuse, que la plupart des genres de poésie semblent successivement passer de mode. […] Anacréon nous plaît avec justice, parce qu’il est ou qu’il passe pour le créateur de son genre : mais dans un petit genre tel que le sien, où celui qui invente, épuise, l’original est quelque chose, et les copies ne sont rien. […] Quelques années se passent ; l’amour paternel s’affaiblit, la vanité offensée s’apaise ; ils relisent leur ouvrage de sang-froid, et ils trouvent que leurs juges ont eu raison. […] Voilà pourquoi, sans passer ici en revue tous nos grands poètes, Racine et La Fontaine plairont toujours dans tous les temps et tous les âges.
Voyons ce qui se passe en France, sous nos yeux. […] J’avouerai même qu’il peut y avoir, et qu’il y a en effet de nobles et généreuses erreurs : le passé ne nous appartient plus, je le sais, sinon comme leçon pour le présent, et comme conseil pour l’avenir. […] Ainsi donc, et c’est ce que j’espère faire sentir plutôt que prouver ; ainsi donc, lorsque l’homme veut hâter, par la violence, cette marche naturellement lente, aussi bien que lorsqu’il veut y apporter des délais et des obstacles, il met toujours la société en péril : il ne faut pas cesser de répéter cette vérité, sous toutes les formes ; il faut, s’il est permis de parler ainsi, en lasser les peuples et les gouvernements jusqu’à ce que la crise actuelle soit passée. […] Notre antipathie pour le passé nous force à nous réfugier dans l’avenir ; mais nous sera-t-il permis de soulever le voile encore si imposant qui nous cache nos destinées futures ?
L’histoire de l’antiquité, dont nous sommes la dernière page, présente aux regards de l’observateur deux grands peuples, — le peuple grec et le peuple romain, — qui tous deux mal vus longtemps, mais obstinément regardés, n’ont point été cependant assez rapprochés l’un de l’autre pour qu’on ait jusqu’ici séparé la vérité de l’erreur, et, puisque nous dépendons tant et du passé et de l’Histoire, nos devoirs de nos illusions. […] Ainsi, quand nous examinerons le livre de Champagny, nous montrerons que, la chose romaine périssant, un esprit qui s’échappait d’elle passa du côté des Barbares qu’elle avait vaincus, si bien que sous les nombreuses transformations du temps, et malgré ce grand coup de foudre du Christianisme qui a rompu le monde en deux, jetant l’Antiquité par là et le monde moderne par ici, nous, Français, nous continuons en bien des points la chose romaine. […] gouverner passait son génie. […] Quand rien n’est calme et personne impartial, à une époque telle que la nôtre, ingénieuse, entortillée, paradoxale, sceptique et nerveuse, vaniteuse à la rage et désespérée de philosophie impuissante, Lerminier, tranchant sur cette époque et sur son passé, car il eut son bouillonnement sanguin, son exubérance et ses systèmes de jeunesse, est enfin arrivé au calme et à l’impartialité.
À nos yeux, tout livre sur le xviiie siècle, quand il en démontre le vice, ne peut être passé sous silence par la Critique du xixe , du moins à la date où nous sommes… Le livre de M. […] Nicolardot qui n’a pas, lui, au cœur, l’indignation sainte de M. de Maistre, et dans sa main le pinceau de feu de ce coloriste inspiré, ce livre froid, méthodique, dur comme le fait qui s’y entasse en grêle coupante, réconciliera certainement les admirateurs de Voltaire avec le foudroyant portrait des Soirées de Saint-Pétersbourg, car il y a pis pour l’honneur de Voltaire que ce supplice en effigie auquel de Maistre l’a cloué, et ce sont les pages bien autrement impitoyables, où on le retrouve descendu, culbuté de son piédestal dans la vie, dans cette vie d’un moment qui passe et qu’on croit oubliée, cette vie qui tombe comme une escarre de notre immortalité historique, quand nous sommes immortels, et que voici ressuscitée et ramenée tout à coup sous le regard, dans ce qu’elle eut de plus chétif, de plus obscur et de plus honteux ! […] En ce livre d’un renseignement inouï, il y a des chapitres intitulés : « Source de la fortune de Voltaire, Banqueroutes essuyées par Voltaire, Rapports de Voltaire avec ses débiteurs, Comme quoi Voltaire prêtait à des taux exorbitants, Idolâtrie de Voltaire pour les rentes viagères » ; d’autres : « Régime de Voltaire, Voltaire parasite, Voltaire à la recherche d’une résidence somptueuse au meilleur marché possible » ; et vous voyez tour à tour passer devant vous, sous tous les aspects que sa nature de caméléon et de singe lui permettait de revêtir, et sans quitter sa forme de Voltaire, tous les types de la Comédie : Harpagon, le Menteur, Tartuffe, Chicaneau, le Bourgeois gentilhomme et le Malade imaginaire, qui composaient sa mobile et divergente identité ! Partout où il s’arrête et où il passe, chez Mme Duchâtelet, à Paris, à la cour du roi de Prusse, à Monrion, à Lauzanne, aux Délices, à Tournay, à Ferney, son infatigable biographe l’accompagne.
J’ai toujours cru que Madame de Staël était trop passionnée et trop entraînée par la fureur de la conversation pour passer son temps à écrire des lettres. […] À elle seule, elle est, qu’on me passe le mot puisqu’il manque à la langue française ! […] Après la Nouvelle Héloïse, d’autres romans affectèrent la forme épistolaire qui s’était imposée à Rousseau, laquais toujours, alors de Richardson… Quand Laclos finissait ses Liaisons dangereuses, cette pourriture sociale brassée et tripotée d’une main si puissante, Madame de Genlis écrivait, sous forme de lettres, son traité d’éducation, Adèle et Théodore, pour refaire des mœurs perdues, et Madame de Staël ce chef-d’œuvre de Delphine, où passe, idées et mœurs, toute la société du xviiie siècle dans ce qu’elle avait de sain encore, dans ce qui avait échappé aux gangrènes décrites par Laclos. […] … Ses deux enfants, seuls, passent comme deux ombres de lumière rose sur la contemplation éternelle qui est le fond noir de sa vie.
Quand il n’était plus au Jardin du Roi, il était à Montbar, dans ce pavillon aérien, qu’il avait fait bâtir au-dessus de toutes les terrasses, et dans la lanterne vitrée duquel il passa « cinquante ans à son bureau ». […] Seulement, dans ce volume sur les Manuscrits, que je regarde comme l’épi vidé de l’autre beau volume si plein sur les Idées et les travaux de Buffon, il y a cette biographie extérieure que M. de Flourens n’avait encore jusqu’ici qu’ébauchée et dont on peut se passer d’autant moins, quand il s’agit de cet homme, d’une si magnifique ordonnance, que son talent explique sa vie comme sa vie explique son talent, et que les triples pentes de l’esprit, du caractère et de la destinée se confondent et forment son identité. […] Il s’occupait de mathématiques, traduisait les Fluxions de Newton, mais déjà il se mettait en mesure avec l’avenir par des mémoires sur les végétaux qui le firent passer, à l’Académie, de la classe de mécanique dans celle de botanique, et décidèrent plus tard de sa nomination à l’intendance du Jardin du Roi, qu’il visait depuis longtemps avec la tranquillité de regard de la prévoyance. […] Les idées de Buffon sur l’économie animale, sur la génération et sur la dégénération des animaux, etc., etc., etc., toutes ces diverses vues sont passées au crible de la plus subtile et de la plus patiente analyse, mais, la conclusion que nous venons de citer l’atteste, ce qui reste au fond du crible, c’est le génie de l’homme qui a remué toutes ces questions !
à la stricte condition d’avoir établi la foi au progrès sur une théorie assez forte pour démentir l’histoire ou pour se passer de l’histoire, et c’est là précisément ce que M. […] Il n’y a que nous, les enfants d’une révélation positive, qui puissions nous passer de construire une théorie de la connaissance pour donner de l’autorité à nos assertions. […] Mais ce dont nous sommes dispensés, nous les hommes du passé et les mystiques, comme nous appellent nos ennemis, M. […] On n’a inventé le progrès indéfini que pour se passer de Dieu au commencement, au milieu et à la fin de toutes choses.
Après le xive siècle et à bien des années d’intervalle, c’est le xve qui passe sous la plume de l’abbé Christophe. […] Dans l’ordre littéraire et historique, il doit se passer présentement le même phénomène que dans l’ordre de l’action et de la charité, où les Sociétés de Saint-Vincent-de-Paul et de Saint-François-Régis ont fait plus de bien que n’en auraient fait des Œuvres exclusivement ecclésiastiques. […] L’histoire de l’Église est la seule, enfin, qui permettrait à l’esprit humain de se passer de toutes les autres histoires. […] III Cette histoire de cent années racontée par l’abbé Christophe, qui se pique beaucoup d’être surtout un narrateur, va du trop ignoré Martin V jusqu’au trop célèbre Alexandre VI, et elle a, au plus haut degré, le caractère que je viens de signaler, — cette portée en avant et en arrière, dans le passé et dans l’avenir, qui fait un cadre si vivant et si dramatique à toute histoire isolée de l’Église ou de la papauté.
Quoiqu’il n’ait pas eu à se plaindre de la destinée autant que bien d’autres, plus grands que leur vie, qui passent lentement, qui passent longtemps, qui vieillissent, leur chef-d’œuvre à la main, sans que les hommes, ces atroces distraits, ces Ménalques de l’égoïsme et de la sottise, daignent leur aumôner un regard ; quoique son sort, matériellement heureux, n’ait ressemblé en rien à celui, par exemple, du plus pur artiste qu’on ait vu depuis André Chénier, de cet Hégésippe Moreau qui a tendu à toute son époque cette divine corbeille de myosotis entrelacés par ses mains athéniennes, comme une sébile de fleurs mouillées de larmes, sans qu’il y soit jamais rien tombé que les siennes et les gouttes du sang de son cœur, Beyle, de son vivant, n’eut pas non plus la part qui revenait aux mérites de sa pensée. […] Elle le laissa dans ce manteau couleur de muraille qu’on prend la nuit et qu’il avait pris de jour pour être remarqué, et il eût passé dans un incognito de prince… qu’il était (un vrai prince de la pensée !) […] Henri Beyle n’était pas seulement le Tulou de la flûte de l’ironie, dont il jouait avec une perfection d’ange un peu démon, c’était de plus un homme aussi capable d’enthousiasme qu’il était profond, et, qu’on nous passe le mot !
le génie du romancier à tirer un jour du fourreau, a passé, pour nous raconter cette histoire d’amour intitulée Louise, par-dessus ses occupations et ses préoccupations habituelles, et à cela nous disons : Tant mieux ! […] Est-ce la situation de cette femme, qui n’est pas fausse absolument de caractère, mais qui est victime de la position fausse que lui a créé son passé ? […] Eh bien, demandez à ces livres palpitants l’émotion passée, demandez-leur l’idée qu’ils résument et expriment par leur conclusion même ! […] C’est un homme de très peu d’entraînement, de très peu d’échevèlement, un esprit qui se contient très bien, même quand il est le plus pathétique, comme dans la scène la plus dramatique de l’ouvrage où l’amant, déjà froissé et souffrant du passé de Louise, veut la quitter furtivement un matin, et où elle, déjà levée, l’attend derrière la porte, pâle et haletante, et lui dit sans fureur : « Tu ne partiras pas !
Or, quand on est un de ces génies assez puissants pour changer une poétique qui régnait jusque-là, que ce soit celle du roman ou de la guerre, il se passe des générations d’hommes qui appliquent cette poétique nouvelle et en vivent, spirituellement, jusqu’au jour clairsemé, et qui se fait longtemps attendre, où arrive encore un homme de génie, avec une autre poétique, qui bouleverse tout et renouvelle tout à son tour. […] Et, qu’on me passe le mot ! […] Je les ai prises le temps qu’elles ont passé dans ce volume ouvert devant moi. […] Et c’est cette ironie, toujours prête et qui passe jusqu’entre les baisers qu’on se donne dans l’œuvre de Houssaye, et on s’y en donne beaucoup, puisque c’est l’histoire des amours, faux ou vrais, du Paris du xixe siècle ; c’est cette ironie, qui se tortille à travers toutes ces roses et ces camélias comme le serpent de la sagesse et de la science de la vie, qui fait de l’auteur des Grandes Dames, en fin de compte, un moraliste.
L’éditeur de Le Sage32 a trouvé là une réputation bien établie, un écrivain réputé pour un des premiers dans l’ordre du roman ; une de ces célébrités faites par le siècle qu’elle amusa et acceptées sans bénéfice d’inventaire par le nôtre, qu’elle n’amuse plus ; un homme enfin qui passe toujours presque pour une des gloires de la Littérature française. […] Ce qui est acquis demeure acquis, en France surtout, en ce pays frivole et routinier, — et routinier justement parce qu’il est frivole, parce que revenir sur un jugement, c’est réfléchir, et qu’on ne revient pas quand on a si lestement et si étourdiment passé. […] Fripon en plus, proxénète, et, qu’on me passe ce vilain mot moderne si applicable au monde moderne ! […] Un homme, un inconnu, devra publier quelque chef-d’œuvre d’ordonnance, d’unité, de concentration, d’analyse, qu’il faudra, pour qu’il parvienne au libraire et au public, qu’il passe par cette filière et ce laminoir du feuilleton.
Il verra qu’il peut facilement, et sans se blesser, passer par-dessous. […] Ajoutez à cela les mille angoisses que connut Balzac, le plomb des exigences de librairie, les tyrannies des marchands érigés en Mécènes, les Fourches Caudines sous lesquelles sont obligés de passer les plus fiers écrivains, l’inspiration que l’on chasse et la commande que l’on fait, les instincts bas dont les colporteurs de littérature risquent le plaidoyer, l’argent à la main, pour tenter la faim qui doit prêter l’oreille, malgré le proverbe, enfin la levée de boucliers des esprits sans lumière et sans vie contre les réfractaires qui s’obstinent à vouloir être ce qu’ils sont, et dites-vous si le massacre n’est pas organisé, — de haute lice et de nécessité, — et s’il n’est pas besoin d’une force intellectuelle redoutable pour ne pas périr au moins dans quelques parties de son âme et de son talent ? […] Poitou ne se hasarde guère que là où les autres ont déjà passé. […] Buloz, passée dans la manche d’un lauréat d’académie, pour rendre plus solennels les coups que l’on veut porter à l’une des plus grandes gloires littéraires du dix-neuvième siècle ?
Il a l’air de commander aux événements ; il les appelle, il les prédit ; il lie ensemble et peint à la fois le passé, le présent, l’avenir : tant les objets se succèdent avec rapidité ! […] L’idée imposante d’un vieillard qui célèbre un grand homme, ces cheveux blancs, cette voix affaiblie, ce retour sur le passé, ce coup d’œil ferme et triste sur l’avenir, les idées de vertus et de talents, après les idées de grandeur et de gloire ; enfin la mort de l’orateur jetée par lui-même dans le lointain, et comme aperçue par les spectateurs, tout cela forme dans l’âme un sentiment profond qui a quelque chose de doux, d’élevé, de mélancolique et de tendre. […] Il semble que du sommet d’un lieu élevé, il découvre de grands événements qui passent sous ses yeux, et qu’il les raconte à des hommes qui sont en bas. Il s’élance, il s’écrie, il s’interrompt ; c’est une scène dramatique qui se passe entre lui et les personnes qu’il voit, et dont il partage ou les dangers ou les malheurs.
La forme sociale et politique dans laquelle un peuple peut entrer et rester n’est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son caractère et son passé. […] Que de temps, que d’études, que d’observations rectifiées l’une par l’autre, que de recherches dans le présent et dans le passé, sur tous les domaines de la pensée et de l’action, quel travail multiplié et séculaire, pour acquérir l’idée exacte et complète d’un grand peuple qui a vécu âge de peuple et qui vit encore ! […] Autour d’elle, les autres nations, les unes précoces, les autres tardives, toutes avec des ménagements plus grands, quelques-unes avec succès meilleur, opèrent de même la transformation qui les fait passer de l’état féodal à l’état moderne ; l’éclosion est universelle et presque simultanée.
Félix Faure joue au souverain, restaure, à son profit, le cérémonial des cours, fait marquer à son chiffre les serrures de l’Élysée et passe le temps qu’il dérobe aux réjouissances, à imaginer un costume d’apparat aux vives chamarrures dont il puisse se prévaloir aux yeux des foules éblouies. […] Les marins russes ont passé, déchaînant l’enthousiasme. […] Le fait d’avoir passé une fois sous les yeux de la maîtresse de la maison, conférait aux nouveaux venus le droit d’amener, à leur tour, des convives au prochain festin.
L’Angleterre, je le sais, comme autrefois à quelques égards l’ancienne France, suffit à presque tout par des fondations particulières, et je conçois que, dans un pays où les fondations sont si respectées, on puisse se passer d’un ministre de l’Instruction publique. […] La science ne fera de rapides conquêtes que quand des bénédictins laïques s’attelleront de nouveau au joug des recherches savantes et consacreront de laborieuses existences à l’élucidation du passé. […] Il ne faut pas espérer que le savant puisse sortir de la condition commune et se passer du pain matériel.
De la passion combinée avec l’action, c’est-à-dire de la vie dans le présent et de l’histoire dans le passé, naît le drame. […] Quand la peinture du passé descend jusqu’aux détails de la science, quand la peinture de la vie descend jusqu’aux finesses de l’analyse, le drame devient roman. […] Lorsqu’il blâmerait çà et là une loi dans les codes humains, on saurait qu’il passe les nuits et les jours à étudier dans les choses éternelles le texte des codes divins.
Sa naissance passa toujours pour suspecte, & fit tenir à ses ennemis beaucoup de propos ridicules. […] On voit, par les ouvrages des plus grands Latinistes du siècle passé, que ce stile a toujours été le plus en recommandation. […] Malgré les critiques terribles qui se sont toujours élevées contre le stile décousu & manièré, il n’est point encore passé de mode.
Avec quelques attentions, on rameneroit ce temps où l’on devenoit chancelier sans passer par d’autre grade que celui d’avocat. […] De semblables plaidoyers ne doivent exciter d’autre admiration que celle qu’ils aient passé, pendant si longtemps, pour des modèles. […] Les discours de l’illustre d’Aguesseau annoncent un orateur formé sur les meilleurs modèles & un génie du siècle passé.
La prose et les vers réalistes, qui font sur les yeux l’effet prolongé de la couleur rouge, passent sur les lèvres comme des cailloux. […] Rome avait évoqué devant lui tout son passé. […] Une figure de jeune femme a toujours passé pour ce qu’il y a de plus difficile dans la peinture. […] Les classiques les plus encroûtés se sont hâtés de passer condamnation de l’antiquité grecque en matière d’architecture. […] Une pensée obscure, embrouillée, passera difficilement sous le joug du rythme.
Elle aussi était un retour vers le passé. Mais son passé n’était pas le même que celui de la Renaissance. […] Mais ce progrès, ils le voient très bien dans le passé lointain. […] En 1472 il passa au service de Louis XI. […] Il voyait au commencement ce qui se passait, ce qui se passe aujourd’hui et ce qui se passera indéfiniment.
Pendant qu’il nous insinue dans tous ces replis et qu’il nous mène à la poursuite de tant de nuances fugitives, l’heure d’agir est passée. […] Sa vie se passait pour la plus grande partie dans le cabinet, à des occupations scientifiques, à des rêveries et à la poursuite de chimères. […] On croit généralement le contraire, et Fénelon passe pour plus indulgent et plus inspiré de la charité chrétienne que Bossuet. […] Outre que l’invention ne lui en était pas propre, le défaut de ces théories, c’est d’être inconciliables avec ce que Fénelon veut conserver du passé. […] Aussi, un certain âge passé, Télémaque n’est-il guère lu, quoiqu’il soit plein de beautés appropriées aux esprits mûrs.
Lorsqu’on passe de la simple monographie, comme Werther ou Adolphe, au roman à deux personnages saillants, le problème se complique. […] Il est vrai que Zola reproche à George Sand de ne parler « que d’aventures qui ne se sont jamais passées et de personnages qu’on n’a jamais vus » ; il est vrai encore que M. […] Nous jugeons des époques passées par leurs grands hommes. […] toute la poésie de la vieillesse, du passé se souvenant, est là : la fleur et la solitude, mais c’est presque de la mise en scène pour cette figure de vieille femme. Et maintenant, si nous passons au lourdaud de marié et à sa fiancée à la large face, pour obscurs et imparfaits qu’ils soient, ils ne s’en vont pas moins, comme nous, dans la vie et vers l’inconnu ; en faut-il davantage pour que nous leur soyons amis ?
Il est triste que cette imagination soit éteinte ; il est triste que tout passe et il est triste que nous ne puissions même pas concevoir un monde où rien ne passerait.
Un reflet qui passe sur un étang, le frisson d’une eau moirée, un rideau de peupliers qui découpe une mobile dentelle sur l’occident rose et bleu, voilà de la joie pour lui pendant des heures et des jours. […] S’il voit, dans son village natal, passer une procession de communiantes, il est amusé, retenu par cette impression de blancheur innocente, et, désespérant de fixer avec des couleurs matérielles cette candeur fragile, il chante délicatement son bonheur.
Un poète trop peu connu, Jules Lefèvre-Deumier, a écrit cet admirable vers : « On meurt en plein bonheur de son malheur passé ! […] mais sa tête pâle, souffrante, ses yeux enfoncés et inquiets, sa bouche tourmentée, son grand front plein d’orages montrent clairement que. riche, heureux enfin, maître de son succès et de son art, propriétaire d’un beau château et d’un nom qui voltige sur les bouches des hommes, roi absolu du théâtre du Gymnase et du théâtre du Vaudeville, assez affermi dans sa tyrannie légitime pour pouvoir ne faire qu’une bouchée d’Edgard Poe et de Cervantès, et pour contraindre les poètes morts à lui gagner les droits d’auteur, — il ressent encore les souffrances passées du temps où les directeurs de spectacles, aujourd’hui ses esclaves !
Mais cela, c’est la négation de son passé primitif. […] Passé les Ardennes, l’auteur des Commentaires ne cite plus de nom de cité. […] Sur le relent des fumiers chauffés par le soleil passa une odeur grasse de soupe au lard. […] Un âpre parfum, la respiration nocturne de la terre, passait par intervalles. […] Incapable de s’assouplir aux nécessités du « métier » ou de ruser avec elles, Verhaeren les néglige et passe outre.
Passons-les en revue. […] Elles se passent dans la campagne poitevine. […] C’est là que le Père de Grandmaison passa ses années de noviciat et de juvénat. […] Le bûcheron est là qui passe avec sa hache. […] Cet ordre était un résultat, le legs d’un passé dont vous avez devant vous un des ouvriers.
Elle se résignait sans doute, car elle était débonnaire et soumise ; elle demandait à l’étude des consolations, elle passait des journées entières plongée dans ses lectures. […] Je vous prie seulement de m’adresser directement à l’avenir ce que vous pourriez avoir à me faire passer. […] Si cet exemplaire, qui vous était destiné, vous parvient enfin, je prendrai la liberté de vous le demander pour le faire passer à Naples à la place de celui-ci. […] Sismondi se désolait et écrivait bêtement à Mme d’Albany qu’il espérait qu’elle passerait à Coppet et qu’elle s’y arrêterait pour consoler son hôtesse. […] Mme d’Albany regardait, comme elle le dit, de sa fenêtre, passer le flux et le reflux des événements.
Nous le verrons achever, dans la captivité et dans la démence, une vie passée tour à tour dans l’opprobre et sur le trône, dans les exploits et dans les assassinats. […] … » Son assassin passa en France et fut bien accueilli des Guise ; ils virent en lui un instrument de meurtre propre à les délivrer de leur adversaire, l’amiral de Coligny. […] Babington avait passé sur le continent, il était à Paris l’intermédiaire des correspondances que la reine entretenait avec la France, l’Espagne, dans l’intérêt de sa délivrance et de sa restauration. […] « Quand elle fut parée, elle passa devant l’un de ses deux grands miroirs incrustés de nacre, et sembla se considérer avec commisération. […] Que se passa-t-il dans sa conscience ?..............
La seconde forme d’association est celle des impressions présentes avec les impressions passées, selon les lois de contiguïté et de ressemblance que nous avons précédemment étudiées. […] L’image du bien-être passé subsistant dans la mémoire avec le sentiment du malaise actuel, il en résulte un conflit de sentiments en mutuelle résistance, une opposition, un contraste, une différence douloureuse, qui n’a rien encore d’abstrait. […] La flèche est, à chaque instant, au même point, immobile ; comment peut-elle donc passer d’un point à l’autre ? […] De plus, nous agissons nous-mêmes pour produire du changement ; nous passons activement d’un état à l’autre par l’effort. — Comment se fait-il, demande-t-on encore, que nous nous sentions changer et produire nous-mêmes des changements en faisant effort ? […] Il faut, en un mot, que dans l’état présent quelque chose demeure de l’état passé et, par anticipation, de l’état futur, il faut quelque chose de continu dans la conscience sous la discontinuité des perceptions et des changements.
L’esprit d’Hipponax passa à plusieurs de ses compatriotes, qui cherchèrent à divertir de même la nation. […] Tant de bons ou de mauvais vers passés en proverbe, & dont on fait, en mille circonstances, des applications naturelles, sont des parodies heureuses. […] Caffaro passe au raisonnement. […] En récompense, ils passent leur vie au cabaret, à y boire de la biere, du ponche, ou de l’eau de vie : il y a même des vicaires de paroisse, en Angleterre, qui tiennent des guinguettes, & qui y jouent du violon pour amuser les buveurs. […] Mais passons sur tous ces écrits polémiques.
La crainte de se compromettre fait que le Français de trente ans passe ses soirées à lire auprès de sa femme. […] Ce qu’il faut, est-ce réalisme, sous le nom de romantisme ou sous un autre ; ou est-ce une littérature s’inspirant non du présent, mais du passé, se nourrissant d’histoire, mettant sous les yeux des vivants les mœurs, croyances, goûts et habitudes des hommes passés ? […] Un moment, causant avec lui, il passe à côté de la médiocrité heureuse et se sent tenté. […] L’Ancien Régime est une enquête sur la manière dont les Français ont passé de l’état monarchique à la démocratie. […] Il est relativement facile d’être sceptique à l’égard des croyances passées, ou, pour mieux parler, passées de mode.
Il la passa certainement loin des affaires publiques, suivant l’axiome et le conseil d’Épicure, confondu dans les rangs des chevaliers. […] Il y avait encore de l’élévation dans les esprits ; et l’imagination se complaisait sans péril aux souvenirs du passé. […] La littérature, au lieu d’être une action, devenait une étude ; elle passait du forum dans le cabinet. […] la demi-heure est passée ; l’heure entière le sera bientôt. […] Ils passent, et le souvenir subsiste ; et, dans le désordre de l’ouvrage, l’impression que fait le poète est toujours puissante.
C’est qu’il s’est passé ceci : Zola a peint une classe bourgeoise, et travaillé pour elle. […] Il ne s’y passe rien, absolument rien. […] Il passa presque tout de suite à Barrès, et s’étendit — c’était de toute justice — davantage. […] André Thérive, a signalé un jour qu’il était en passe d’être adopté par les jeunes auteurs d’avant-garde. […] Il se passe alors dans notre esprit un phénomène assez curieux.
Et à la fin, ils sont deux ou trois qui se percent l’un l’autre, avec des aiguilles à passer le lacet. […] Passe, lecteur, en me donnant male heure, Seulement passe, et me va maudissant. […] Il passe sous la fenêtre de Catella, qui le prend pour le prétendu page. […] Celui-ci devait venir l’en retirer et la faire passer ensuite, déguisée, à Mantoue, où était Roméo, qu’il se chargeait d’instruire de tout. […] Un hasard le lui rappelle alors ; il part en diligence pour Venise, et le reste de l’histoire se passe comme l’a représenté Shakspeare.
C’est avec soulagement qu’on passe aux quelques chapitres où M. […] L’art du passé ne doit point être copié avec un esprit servile. […] Elle se refusait à passer sa muse au papier émerisé. […] Passons au véritable modèle d’académie. […] Alors je passe.
François Coppée Son enfance, passée en pleine nature, à dénicher les oiseaux, à courir sous les grands hêtres et parmi les genêts et les bruyères du Ségala, a fait de lui un poète rustique, d’un accent un peu âpre, mais très sincère et très pénétrant. […] Son enfance s’est passée à courir le long des bois, à pécher des truites dans les torrents et à suivre les troupeaux de bœufs qui paissent sur les montagnes.
. — Les Amours du temps passé (1875). — Scènes de la vie cruelle (1876). — Lettres gourmandes (1877). — Poésies complètes (1881). — Monsieur de Cupidon (1882) […] — Mon dernier né (1883). — L’Argent maudit (1884). — Petits mémoires littéraires (1885). — Oubliés et dédaignés (1886). — Les Amours du temps passé (1887). — De A à Z (1888). — Poésies (1889).
Cette histoire ne passerait-elle pas, en mélancolie, l’aventure douloureuse de Juliette et de Roméo ? […] Il y a du Murger dans Xanrof, dont la muse a passé les ponts mais naquit au quartier latin, comme Mimi-Pinson et Musette.
Mais comment avec une maniere de s’exprimer presque toujours insipide, grossiere, dégoûtante, inintelligible, Rabelais a-t-il pu passer pour un Ecrivain ingénieux, plaisant, agréable, & rempli d’allusions aussi fines que profondes ? […] Rabelais seroit actuellement plongé dans l’oubli, s’il n’eût pas passé toutes les bornes ; moyen assuré d’entraîner la multitude & de paroître merveilleux aux Esprits communs.
L’imagination, l’art ingénieux et compliqué, la ruse des moyens, l’ardeur même de cœur, y passent et l’augmentent. […] Élise (la sœur) me dit de passer l’hiver sans plus parler. […] Pour le nouvel époux, les deux premières années se passèrent dans le même bonheur, dans les mêmes études. […] Ampère, nommé professeur de mathématiques et d’astronomie, avait passé, selon son désir, au Lycée de Lyon. […] Daignez me secourir pour qu’une vie passée dans la douleur me mérite une bonne mort dont je me suis rendu indigne.
Il faut donc qu’il s’en passe ? […] Ô femme, dit-il, si tu es odieuse à ceux qui partent le matin avec leurs troupeaux et rentrent le soir, que devra-t-on attendre de ceux avec qui tu passes toute la journée ? […] Un faon de biche passe, et le voilà, soudain Compagnon du défunt ; tous deux gisent sur l’herbe. […] « Un homme monté sur un chameau passait dans un bocage. […] La Fontaine passe coup sur coup deux, trois, quatre, six pages.
L’un et l’autre m’accompagnaient ce jour-là jusqu’à la maison de campagne où je passais l’été. […] Ses pensées passeront ou sont passées, mais son style restera la durable admiration de ceux qui lisent pour le plaisir de lire. […] Jamais je n’oublierai l’impression qu’il faisait sur ses neveux et sur moi quand, dans l’ombre du crépuscule, après des journées d’été passées dans le silence de son cabinet de travail, il se promenait, entouré de ses charmantes filles, sous les platanes de la vallée de Servolex, qui l’avaient vu petit enfant et qui le revoyaient grand vieillard, revenu du Caucase aux Alpes pour se reposer et mourir. Il s’arrêtait à chaque instant, comme rappelé par quelque voix intérieure derrière lui, et il improvisait des souvenirs, des plaisanteries ou des sublimités de philosophie qui nous faisaient passer des larmes au fou rire et du fou rire de la jeunesse à l’enthousiasme de l’admiration. […] Prophétisez donc, ô hommes présomptueux, qui osez prendre votre sagesse pour celle de Dieu ; mais, si vous voulez prophétiser à coup sûr, annoncez au monde de demain le monde à peu près semblable au monde de la veille, changeant de siècle plutôt que de sort, flottant dans les mêmes oscillations entre l’erreur et la vérité, cherchant sans cesse et ne trouvant jamais l’absolu que dans ses désirs, figure qui passe, comme dit l’Écriture, mais qui passe, hélas !
Buffon lui accorde le génie créateur qui tire tout de sa propre substance : « Il n’existera jamais, lui dit-il, de Voltaire second » ; c’était une réplique au compliment de Voltaire qui avait appelé Archimède de Syracuse Archimède premier, pour donner à entendre que Buffon était Archimède second ; et faisant ainsi à son rival de Ferney les honneurs du génie, Buffon ne se réserve pour lui que le talent, lequel, si grand qu’il soit, dit-il, « ne peut produire que par imitation et d’après la matière. » Cette lettre à Voltaire, comme plus tard celles qui seront adressées à l’impératrice Catherine, passe la mesure ; Buffon y est deux fois solennel ; il y fait de la double et triple hyperbole, et l’homme qui, à son époque, avait le plus de sens et de jugement, nous fait sentir par là que ces qualités solides d’une éminente intelligence ne sont pas du tout la même chose que le tact et le goût. Duclos est très bien apprécié, et assez amicalement, par Buffon qui lui passait volontiers son peu de modestie à raison de sa franchise. […] Aucun d’eux n’a su, je ne dis pas peindre la nature, mais même présenter un seul trait bien caractérisé de ses beautés les plus frappantes. » Là encore, à ceux même qui n’aimeraient ni la grenouille ni le hanneton, je dirai : « Je passe condamnation sur le peu d’élégance de l’expression, mais trouvez-moi dans le siècle un jugement de plus de bon sens. […] Ce serait, jusque dans l’œuvre et la maison de Buffon, faire infraction et injure à ce fameux axiome ; « Le style, c’est l’homme même. » Car ces oiseaux sont d’une autre plume que la sienne : Le Paon est de Gueneau, Le Rossignol aussi ; Le Cygne, ce Cygne tant vanté, pourrait bien être du pur Bexon ; ce petit abbé l’a beaucoup peigné, en effet, avant qu’il passât sous la main du maître qui lui donna seulement son dernier lustre. […] Tout s’y passe dans la région la plus haute et comme dans le voisinage de l’Empyrée ; c’est une élévation continue, un culte, une adoration réciproque ; des deux côtés, c’est le sublime ami ; la sublime amie ; l’adorable, la céleste, la divine amie ; ils ne s’en lassent pas.
que cela ne se passe pas ainsi avec M. de Pontmartin et sous ses marronniers ! […] On assure qu’il passe son temps à colliger une foule d’armes défensives et offensives ; de quoi accabler ceux qu’il aime aujourd’hui et qu’il pourra haïr demain, ceux qu’il déteste à présent et dont il veut se venger plus tard… » C’est de moi que M. de Pontmartin parle en ces aimables termes : et tous ceux qui ont lu son livre m’ont presque fait compliment comme à l’un des moins maltraités encore entre nos confrères. Et moi, tout flatté que je puisse être de mille douceurs et sucreries qu’il m’adresse par compensation en maint endroit, mais plus jaloux, je l’avoue, d’être honnête homme que de passer pour avoir du goût, je lui dis tout net à propos de ces phrases étranges qu’on vient de lire, et qui atteignent directement et outrageusement mon caractère : « Savez-vous, Monsieur, que si vous n’étiez pas un homme léger qui ne pèse pas ses paroles, vous seriez un calomniateur ! […] Il a longtemps souffert de ne passer que pour un amateur. […] Et M. de Pontmartin est tellement homme de lettres jusqu’aux os (dans le sens qu’il a tant de fois blâmé), il est tellement caillette littéraire dans l’âme, que je ne sais si cet éloge que je fais de son esprit ne le fera pas passer sur tout le reste, et ne l’en consolera pas.
On sait l’éclat de son expédition d’Écosse en 1745, ses premiers succès, ses aventures, ses malheurs : l’histoire s’en est émue comme le roman. » Le Prétendant, a dit encore de lui Chateaubriand, aborda en Écosse au mois d’août 1745 ; un lambeau de taffetas apporté de France lui servit de drapeau ; il rassembla sous ce drapeau dix mille montagnards, s’empara d’Édimbourg, passa sur le ventre de quatre mille Anglais à Preston et s’avança jusqu’à quatorze lieues de Londres. […] Il ne se réveillait, vers la fin, que par éclairs et lorsqu’on lui parlait du passé et des malheurs de sa famille. […] Je fus étonné de ne pas me trouver horrible… » Après le départ de Bonstetten, trois années encore se passèrent avant qu’un amoureux moins léger et moins frivole que lui vînt apprendre décidément à la Reine des cœurs qu’elle en avait un. […] Chateaubriand, parlant de cette passion du vin où il se noyait, ajoute : « Passion ignoble, mais avec laquelle du moins il rendait aux hommes oubli pour oubli. » Passe pour le reste des hommes ! […] Je laisse parler Dutens ; on ne refait pas ces premiers récits tout naturels : « Le jour étant pris pour l’exécution du projet, Mme Orlandini vint déjeuner chez le comte-d’Albany ; après le déjeuner, elle propose d’aller au couvent des Bianchette (Dames-Blanches) voir quelques ouvrages de religieuses, en quoi celles-ci passaient pour exceller.
Au début, après quelques réflexions générales sur l’utilité de l’histoire, sur ce « qu’il est honteux non-seulement à un prince, mais à tout honnête homme, d’ignorer le genre humain » et les changements mémorables du monde dans le passé, Bossuet établit qu’indépendamment des histoires particulières, celle des Hébreux, la Grecque et la Romaine, l’histoire de France, il n’y a rien de plus nécessaire, pour ne pas confondre ces histoires et en bien saisir les rapports, que de se représenter distinctement, mais en raccourci, toute la suite des siècles. […] Un écrivain qui n’est pas un maître, mais qui est au moins un connaisseur en matière d’abrégé chronologique, le président Hénault, a écrit un mémoire où il passe en revue les principaux auteurs qui y ont excellé. […] Il s’agit des belles-lettres : Velléius, à un moment, se met à en discourir, car il ne s’interdit pas les digressions, et c’est une de ses formes ordinaires de dire : « Nequeo temperare mihi… Je ne puis m’empêcher, je ne puis me contenir… » Il vient de parler des colonies romaines établies sous la République, et, passant à un tout autre sujet, il s’adresse à lui-même une question : Pourquoi y a-t-il pour les choses de l’esprit des époques et comme des saisons exclusivement favorables, où tout se rassemble et se groupe, et passé lesquelles on ne retrouve plus le même goût ? […] Il n’est point de ces voyageurs qui, allant de Paris à Jérusalem, s’oublient et passent le meilleur de leur temps à Sparte ou à Athènes. […] Mais je n’ai point eu à m’occuper de ce qui s’est passé dans des leçons orales : j’ai pensé surtout à ce qui s’est imprimé sur Florus depuis Montesquieu jusqu’à M.
La mère du surintendant, et qui lui survécut peu, Mme Fouquet, — une vraie mère de douleurs, — avait la réputation d’une sainte, et toute sa vie s’était passée au service des pauvres : elle inspirait la vénération autour d’elle. […] Évidemment Mme de Maintenon avait agi sous main : elle se souvenait que le pauvre Scarron avait été l’un des pensionnés de Fouquet ; elle eut du moins ce mérite de n’oublier jamais son passé. […] Lorsque de Londres il passa sur le théâtre de Potsdam, qu’il fut en présence de la famille royale de Prusse et du grand Frédéric, il eut fort à s’observer. […] Faites passer cette lettre à ma femme. […] Il est vrai que celles qui ont commencé plus gaiement finissent quelquefois de la même façon acariâtre, croyant racheter par là leur passé.
De l’excès de la bienveillance et de l’admiration, on passe alors à la sévérité, et l’on va jusqu’à l’injustice. […] A cela près pourtant, tout était bien et aurait continué de l’être, si, le moment de ferveur passé, le poëte, revenant à ses goûts secrets, avait quitté une arène où il ne s’était jeté que par élan ; si, rentrant en quelque sorte dans la vie privée, il avait osé redevenir lyrique, comme il l’avait été d’abord, avec ses impressions personnelles, affections douces, mystérieuses, pudiques, écloses et nourries sous un ciel idéal, dans le calme des bocages sacrés, ou parmi les danses des guerriers et des vierges. […] Je n’aime point cette manière de recopier un mot heureux et de vivre à satiété sur le passé. […] Venise avec ses tours et ses palais mouvants, Ses temples que la mer balance, Va flotter, va voguer, conduite par les vents, Aux bords où pour les Grecs le passé recommence, etc. […] Delavigne, de sa plus spirituelle et de sa plus correcte exécution : elle touche à des travers tout à fait présents, à des passions hier encore flagrantes, avec une indépendance d’honnête homme, avec un honorable sentiment du bien qui est, certes, aussi quelque chose, et qui passe ici de l’intention de l’auteur dans l’effet littéraire et dramatique de la pièce : on est ému de sa conviction, on sort pénétré de cette sincérité.
Les défenseurs de la tradition et du passé. […] Le cours d’histoire du bon Rollin, avec sa candide inintelligence du passé et son absence de critique, est un cours de morale républicaine ; il insinue dans les âmes des sentiments, un besoin d’action libre et généreuse, qui à la longue leur rendront l’ordre social insupportable. […] Il n’avait pas assez de naissance pour se passer de protecteurs, de fortune ou d’intrigue : et ces trois moyens de parvenir lui faisaient défaut. […] Par lui, l’Encyclopédie resta ce qu’il l’avait destinée à être : un tableau de toutes les connaissances humaines, qui mit en lumière la puissance et les progrès de la raison ; une apothéose de la civilisation, et des sciences, arts, industries, qui améliorent la condition intellectuelle et matérielle de l’humanité, ce fut une irrésistible machine dressée contre l’esprit, les croyances, es institutions du passé. […] Il se passera cinquante ans avant que le public revienne à Vauvenargues.
Elle a l’air de se moquer de d’Erfeuil, dans Corinne : mais il y a beaucoup d’elle encore dans ce Français qui ne saurait se passer de la société, et pour qui causer, c’est vivre. […] Elle ne peut que les faire passer dans son esprit, y appliquer sa réflexion, les analyser, les définir, les noter : il faut, pour qu’elle les traduise, qu’elle eu ait fait des idées ; tout, pour elle, son cœur comme le reste, n’est que matière de connaissance. […] De cette idée vient la facilité avec laquelle Mme de Staël a passé de la monarchie à la république : elle fait de la conservation sociale, identifiée à l’intérêt des propriétaires, l’objet principal du gouvernement ; et ainsi, roi ou président, peu importe ce que sera l’exécutif, pourvu que ceux qui possèdent soient protégés contre la masse des « hommes qui veulent une proie », et que « tous leurs intérêts portent au crime », dès qu’on leur permet d’agir. […] Mais, en femme qu’elle reste toujours, l’impératif catégorique ne peut rester en elle à l’état de commandement intérieur, abstrait et formel : il faut qu’il se réalise ; et du devoir, Mme de Staël passe à Dieu. […] D’autres affirment que les règles dramatiques ont été définitivement arrêtées dans telle année, et que le génie qui voudrait maintenant y changer quelque chose a tort de n’être pas né avant cette année sans appel, où l’on a terminé toutes les discussions littéraires passées, présentes et futures.
On peut encore passer en revue les auteurs dramatiques et les romanciers et libeller sous forme de maximes les vérités qui ressortent de quelques-unes de leurs œuvres — ou bien rajeunir les proverbes — ou bien s’emparer d’une pensée célèbre et en prendre le contre-pied : ce sera presque aussi vrai et cela paraîtra plus piquant. […] Une femme dont presque toute la vie se passe dans le monde, en réceptions et en conversations, une femme entourée et courtisée et dont la présence seule met les vanités en éveil et aussi les désirs et les tendresses, ne doit-elle pas, avec son intelligence plus rapide et sa sensibilité plus délicate, recueillir dans la comédie mondaine de plus fines impressions que nous, mieux saisir certaines faiblesses ou certains ridicules, démêler en elle et autour d’elle, de plus rares complications ou de plus subtiles nuances de sentiments ? […] Mais tout finirait par y passer. […] Mais passons, car ces mérites, d’autres artistes les possèdent au même degré. […] D’autres fois, tout en gardant le même ton, la magicienne martelle son débit, passe certaines syllabes au laminoir de ses dents, et les mots tombent les uns sur les autres comme des pièces d’or.
Là se passa probablement une partie de sa jeunesse et eurent lieu ses premiers éclats 207. […] Si Dieu, en effet, est un être déterminé hors de nous, la personne qui croit avoir des rapports particuliers avec Dieu est un « visionnaire », et comme les sciences physiques et physiologiques nous ont montré que toute vision surnaturelle est une illusion, le déiste un peu conséquent se trouve dans l’impossibilité de comprendre les grandes croyances du passé. […] On écrivait très peu ; les docteurs juifs de ce temps ne faisaient pas de livres : tout se passait en conversations et en leçons publiques, auxquelles on cherchait à donner un tour facile à retenir 268. […] Hillel cependant ne passera jamais pour le vrai fondateur du christianisme. […] De même, en morale, la vérité ne prend quelque valeur que si elle passe à l’état de sentiment, et elle n’atteint tout son prix que quand elle se réalise dans le monde à l’état de fait.
Ayant perdu son père de bonne heure, il passa à l’école de Brunetto Latini, un des plus savants hommes du temps ; mais il s’arracha bientôt aux douceurs de l’étude, pour prendre part aux événements de son siècle. […] Dante, à la fois guerrier, négociateur et poëte, eut sans doute des succès et quelques beaux moments ; mais pour avoir passé la moitié de sa vie dans l’exil et l’indigence, il doit augmenter la liste des grands hommes malheureux. […] On trouve, par exemple, ces vers sur l’union du pouvoir spirituel et temporel, au seizième Chant du Purgatoire : De la terre et du ciel les intérêts divers Avaient donné longtemps deux chefs à l’univers ; Rome alors florissait dans une paix profonde, Deux soleils éclairaient cette reine du monde : Mais sa gloire a passé quand l’absolu pouvoir A mis aux mêmes mains le sceptre et l’encensoir3. […] Dante et son guide sortent ensemble des ténèbres et des flammes de l’abîme par des routes fort étroites ; mais ils ont à peine passé le point central de la terre, qu’ils tournent transversalement sur eux-mêmes, et la tête se trouvant où étaient les pieds, ils montent au lieu de descendre. […] L’imagination passe toujours de la surprise que lui cause la description d’une cause incroyable à l’effroi que lui donne nécessairement la vérité du tableau : il arrive de là que ce monde visible ayant fourni au poëte autant d’images pour peindre son monde idéal, il conduit et ramène sans cesse le lecteur de l’un à l’autre ; et ce mélange d’événements si invraisemblables et de couleurs si vraies fait toute la magie de son poëme.
Qu’on en ouvre la première édition, celle de 1681, avant la division par chapitres qui a été introduite depuis, et qui a passé de la marge dans le texte en le coupant : tout s’y déroule d’une seule suite et presque d’une haleine, et l’on dirait que l’orateur a fait ici comme la nature dont parle Buffon, qu’il a travaillé sur un plan éternel, dont il ne s’est nulle part écarté, tant il semble être entré avant dans les familiarités et dans les conseils de la Providence. […] Cette seule pensée apprendrait à un esprit juste à ne pas envisager l’ensemble des littératures, même classiques, d’une vue trop simple et trop restreinte, et il saurait que cet ordre si exact et si mesuré, qui a tant prévalu depuis, n’a été introduit qu’artificiellement dans nos admirations du passé. […] Si l’école de Pope avait conservé, comme Byron le désirait, la suprématie et une sorte d’empire honoraire dans le passé, Byron aurait été l’unique et le premier de son genre ; l’élévation de la muraille de Pope masquait aux yeux la grande figure de Shakespeare, tandis que, Shakespeare régnant et dominant de toute sa hauteur, Byron n’est que le second. […] Voltaire y passerait, mais, tout en s’y plaisant, il n’aurait pas la patience de s’y tenir. […] Ma conclusion pourtant, quand je parle de se fixer et de choisir, ce n’est pas d’imiter ceux même qui nous agréent le plus entre nos maîtres dans le passé.
Dans le quatrième acte, qui se passe dans une forêt à l’entrée d’une caverne, il est souvent question de lit de roseaux. […] « Vous avez passé à travers le siècle sans qu’il déposât sur vous aucune de ses taches », lui écrivait Thomas : cela n’était vrai qu’au moral ; car, pour la langue et le style, le siècle avait donné à Ducis toute sa teinte. […] La scène se passe en Arabie, sous la tente, et nous rend ou veut nous rendre des mœurs bibliques, patriarcales. […] Je songe douloureusement au passé, au présent, et doucement à l’avenir. […] Et resongeant à son passé, à tout ce qu’il avait perdu, cela le menait à dire : Que voulez-vous, mon ami ?
Tout y apparaît, depuis l’appartement de garçon artiste où André s’installe après sa mésaventure conjugale, jusqu’à la place du Carrousel où il va promener sa nostalgie féminine et comtempler « le merveilleux et terrible ciel qui s’étendait au soleil couchant par de là les feuillages noirs des Tuileries…, les ruines dont les masses violettes se dressaient trouées sur les flammes cramoisies des nuages » ; depuis le brouhaha d’un café du Palais-Royal le soir, jusqu’à ces taches lumineuses que la nuit, les fenêtres éclairées, dans les maisons noires font passer devant le voyageur d’impériale. […] Le boudoir où des Esseintes recevait ses belles impures, le cabinet de travail où il consume ses heures à révoquer le passé, ou à feuilleter de ses doigts pâles, des livres précieux et vagues, cette bizarre et expéditive salle à manger, dans laquelle il trompe ses désirs de voyage, la désolation d’un ciel nocturne d’hiver, le moite accablement d’un après-midi d’été, les floraisons monstrueuses dont se hérissent un instant les tapis, les évocations visuelles et auditives de certains parfums aériens et liquides, et par dessus tout ces phosphoriques pages consacrées aux peintures orfévrées de Moreau, à certains ténébreux dessins de Redon, à certaines lectures prestigieuses et suggestives ; ici le style de M. Huysmans fulgure et chatoie, passe, pour employer, une de ses phrases, « tous feux allumés ». […] Plus tard, au Luxembourg, comme il passe en revue avec André, ses souvenirs d’école, qu’ils évoquent avec horreur, il finit par affirmer que tous ses camarades sont nécessairement ruinés et en peine d’argent. […] Elle distillait un arome quintessencié d’angélique et d’hysope mêlées à des herbes marines aux iodes et aux brômes alanguis par des sucres, et elle stimulait le palais avec une ardeur spiritueuse dissimulée sous une friandise toute virginale, toute novice, flattait l’odorat par une pointe de corruption enveloppée dans une caresse tout à la fois enfantine et dévote. » Il parvient à rendre par de précises correspondances sensibles certaines sensations apparemment impalpables : « Muni de rimes obtenues par des temps de verbes, quelquefois même par de longs adverbes précédés d’un monosyllabe, d’où ils tombaient comme du rebord d’une pierre, en une cascade pesante d’eau » ; ou, plus immatériellement encore : « Dans la société de chanoines généralement doctes et bien élevés, il aurait pu passer quelques soirées affables et douillettes ».
Chapitre I : De la méthode en général15 La civilisation, comme tout ce qui est humain, a dû passer successivement par deux états différents : elle a été d’abord instinctive et spontanée, puis réfléchie et raisonnée. […] Sans doute, lorsqu’il s’agit de la théorie abstraite de l’induction ou de la déduction, la philosophie est sur son propre terrain, et elle seule peut accomplir cette œuvre difficile ; mais, lorsque, passant du sujet à l’objet, elle cherche à quelles règles ces procédés doivent obéir pour discerner la vérité dans telle ou telle science, quels sont en mathématiques les principes de la méthode analytique, en physique ceux de la méthode expérimentale, la philosophie ne peut plus alors se passer du concours des sciences ; et, sur ce terrain pratique, les savants seront nécessairement les meilleurs logiciens. […] On arriverait ainsi à comprendre ce que c’est que l’esprit du savant, de quel point de vue il considère les choses, comment il associe les idées, comment il passe du connu à l’inconnu, comment il se trompe, comment il se corrige, comment il invente, et on pourrait tirer de là de grandes conséquences pour l’éducation même de l’esprit humain ; mais laissons là ces vues ambitieuses, et bornons-nous, quant à présent, à bien faire connaître le livre que nous avons sous les yeux, et qui vient enrichir d’une œuvre nouvelle cette histoire de la logique faite par les savants dont nous avons esquissé quelques traits. […] Enfin, pour ne négliger aucun des anneaux de cette chaîne d’idées, disons que cette doctrine de l’utilité de l’hypothèse dans les sciences expérimentales est passée de l’école saint-simonienne dans l’école de M. […] Lorsque Franklin supposait que la foudre pouvait bien n’être qu’une étincelle électrique, il faisait une hypothèse prochaine, c’est-à-dire qu’il passait d’un fait à un autre tout voisin.
Ils vous définissent gravement les figures de rhétorique et vous enseignent ce qu’il faut entendre par syllepse, trope, catachrèse, métonymie, synecdoque, antonomase et obsécration, ce qui vous procure immédiatement un cachet d’érudition inutile, infiniment propre à passer le baccalauréat. […] Ces despotes intellectuels ne peuvent supporter qu’on se passe d’eux pour enseigner quelque chose. […] Mentionnons ces expressions curieuses et passons. […] Certains auteurs en manquent, d’autres la dédaignent, ou ont assez de relief pour faire oublier qu’ils s’en passent. […] La plupart des Manuels et des Cours de littérature ont été faits par des professeurs qui ne passent point pour des prosateurs de génie, et personne, que je sache, n’a jamais trouvé cela singulier.
Les sociétés humaines se régénèrent et renaissent pour commencer une nouvelle vie, après avoir passé par des périodes assez peu en rapport avec celles qui amènent la mort de l’homme, et surtout sa renaissance ; car ici finit toute espèce d’analogie : la perpétuité des sociétés humaines et l’immortalité de l’être spirituel n’ont aucune ressemblance, l’une étant placée dans le temps et dans la sphère du monde sensible, l’autre s’élançant hors des limites du temps et dans la sphère infinie d’un monde où ne règnent que les lois de l’intelligence. […] Ainsi Descartes osa fonder la certitude sur le doute universel : ainsi Newton dut passer par les tourbillons de Descartes pour parvenir à la grande et unique loi de la gravitation. […] Nos destinées futures ont donc cela de fatal, qu’elles sont, en quelque sorte, la conséquence nécessaire de nos destinées passées. […] Les conquêtes d’Alexandre furent un torrent qui ne fit que passer ; toutefois elles répandirent au loin la connaissance de la langue grecque, destinée à servir d’organe aux premiers apôtres de la vérité, aux premiers martyrs de la foi chrétienne, comme elle avait servi auparavant à préparer, par la culture des lettres, et par des doctrines morales, un grand nombre de nations barbares à recevoir la semence de la parole. […] Je supposerai donc, sans m’arrêter même à justifier cette supposition, quelque vraisemblable qu’elle soit, je supposerai que, chez les anciens, les initiations ne fussent, à proprement parler, qu’une imitation de la vie actuelle : l’initié passait par une suite d’épreuves qui servaient à développer ce qui était déjà en lui ; on ne lui révélait point la vérité, mais on la faisait naître de l’ébranlement de ses propres facultés ; on ne la lui disait point ; on la lui faisait trouver, en écartant les obstacles qui s’opposaient à ce qu’elle se montrât.
Ce qui se passe là, sous nos yeux, est la preuve écrite de ce qui se passe partout dans toutes les circonstances analogues. […] X Je ne reviendrai point sur les castes, que j’ai regardées comme conservatrices des traditions, et qui deviennent inutiles à mesure que la puissance des traditions s’affaiblit et s’éteint ; mais avouons que l’on ne peut se passer des hiérarchies sociales. […] Le sentiment de l’avenir repose d’ordinaire dans le passé ; s’il est vrai que le passé nous échappe, nous ne pouvons pas en tirer des documents pour l’avenir.
Elle a passé une partie de sa vie en habit d’homme. […] Non seulement donc, c’est une anxiété sans raison, une panique inouïe de la part d’un écrivain qui, quoique femme, passait pour avoir la virilité du courage, mais c’est aussi envers son temps et la Critique de son temps une ingratitude, plus injustifiable encore, qui lui a fait commettre ce dernier livre. […] Telle est l’affirmation soutenue de ce livre qui peut bien passer, ce me semble, pour le dernier de ses romans. […] Or, dans ce volume d’Impressions littéraires, je retrouve publié un petit roman qui passe pour un chef-d’œuvre de Mme Sand (les Lettres à Marcie) et le petit roman n’est rempli que de prudhommismes d’images. […] Elle passe sa vie à donner le bras aux vieillards.
Il aima et soigna tendrement sa mère et deux sœurs de sa mère, et passa près de trente années dans une chambre des bâtiments de l’université de Cambridge, d’abord à Peter-House, puis dans un autre collège de la même corporation. […] Elle n’a pas été inutile, cependant ; elle n’a point passé stérilement sur la terre : elle y a donné à qui saura le chercher l’exemple de l’amour des lettres dans son pur et noble idéal ; elle y a relevé le culte de l’art, la statue de la grande poésie. […] On sait que Gray, déjà classiquement érudit, et plein du spectacle et des souvenirs littéraires de la France et de l’Italie, avait passé six années dans la lecture assidue des écrivains grecs, projetant une édition critique de Platon, puis de Strabon, philologue, métaphysicien, historien, géographe, et alliant la patience continue des recherches aux rares saillies de l’enthousiasme. […] C’est sur ce fonds si riche d’études et de souvenirs que passa par moment le souffle de la fantaisie, pour agiter la feuille d’or : Sic leni crepitabat bractea vento. […] L’aigle affamé pousse un cri et passe auprès.
On ne peut pénétrer jusqu’à elle qu’en renversant tout son esprit et tout son passé. […] Celui-ci est correct comme un automate ; il passe sa vie à peser des devoirs et à saluer1067. […] Quand un homme a cela, passez sur le reste ; avec ses excès et ses folies, il vaut mieux que tous vos dévots gantés. […] L’excellent docteur Primrose est un ecclésiastique de campagne dont toutes les aventures pendant longtemps consistent « à passer du lit bleu au lit brun. » Il a des cousins au quarantième degré qui viennent manger son dîner et lui emprunter ses bottes. […] Nous le remercions de ces sages conseils, mais nous nous disons tout bas que nous nous en serions bien passés.
Passons au second exemple ; Comment un Genre se transforme en un autre. […] … Et que dirai-je de l’observation du temps où se passent et peuvent se passer les actions représentées, si ce n’est que j’ai vu une pièce dont le premier acte se passait en Europe, le second en Asie, tandis que le troisième se terminait en Afrique ? […] En ce temps-là, dans les années de la Restauration, comme le maître d’école a passé depuis lors pour le vainqueur de Sadowa, c’était le gouvernement parlementaire qui passait pour avoir vaincu à Waterloo ! […] De là j’ai passé au romantisme poétique, et par le monde de Victor Hugo, et j’ai eu l’air de m’y fondre. […] et, au contraire, le frisson de la maladie de l’autre n’a-t-il point passé dans sa prose ?
Chez les animaux à sang chaud, ces phénomènes se passent en un temps beaucoup plus court, mais ils n’en existent pas moins. […] L’esprit humain a passé par trois périodes nécessaires dans son évolution. […] Si maintenant nous passons à l’expérimentation physiologique, nous verrons qu’elle parvient à analyser les phénomènes cérébraux de la même manière que ceux de tous les autres organes. […] Cette machine est faite pour elle-même ; l’âme s’y ajoute pour contempler en simple spectatrice ce qui se passe dans le corps, mais elle n’intervient en rien dans le fonctionnement vital. […] Spallanzani, Observations et expériences sur quelques animaux surprenants que l’observateur peut à son gré faire passer de la mort à la vie, Œuvres, in-8°, p. 233.
Passons bien vite sur les tristes, n’est-ce pas ? […] L’abîme, dans l’espèce, mon abîme, c’est une crise morbide par où je viens de passer. […] Victor Hugo et Leconte de l’Isle voulurent en être, bien que capables de s’en passer. […] Mais tout passe, et ce délicieux séjour devait prendre fin, pour des raisons que je me rappelle assez vaguement. […] Ma mère et moi passâmes ensuite quelques mois à Boston.
De ses Évocations, souvent hautaines, il a passé aux simples chants de son bonheur. […] Les vers libres qu’il lui offre sont gauches quelquefois, émus souvent, exquis toujours, et des leitmotivs de sa passion nous gardons de doux murmures : Rien qu’une fois, elle a passé dans le chemin, Elle a chanté de charmantes caresses, Elle a fait oublier l’ennui morne des heures.
L’autre passerait pour un chef-d’œuvre sans son pendant. […] Ce qui les garantira de la tentation de faire demain de vieux tableaux de la peinture du siècle passé ?
S’ils continuent de barbouiller de la toile, (comme la plupart de nos littérateurs continuent de barbouiller du papier) sous peine de mourir de faim, je leur pardonne aujourd’hui cette manie comme je la leur pardonnais par le passé ; car enfin il faut encore mieux faire de sots tableaux et de sots livres que de mourir ; mais je ne le pardonnerai pas à leurs parens, à leurs maîtres, que n’en fesaient-ils autre chose ? […] Tous ces tableaux de Millet Francisque passeront du cabinet chez le brocanteur, et ils resteront suspendus au coin de la rue jusqu’à ce que les éclaboussures des voitures les aient couverts.
Il faut qu’il ne mérite pas d’être aussi malheureux qu’il l’est, ou que ses malheurs soient la punition de ses fautes passées. […] Depuis que la forme de notre théâtre permet que les cinquièmes actes soient en tableaux, les auteurs n’obtiennent plus l’indulgence qu’on avait pour ceux du siècle passé. […] Le nœud est composé, selon Aristote, en partie de ce qui s’est passé hors du théâtre avant le commencement qu’on y décrit, et en partie de ce qui s’y passe ; le reste appartient au dénouement. […] 2º La vérité paraît au-delà des limites, quand elle passe la vraisemblance ordinaire. […] Passez-moi ce premier mensonge, a dit l’artiste, et je vous mentirai avec tant de vérité que vous y serez trompés.
Faideau (un de ces vieux docteurs) est mort il y a trois ans, mais je n’ai que faire de ses registres : j’ai une copie des noms et surnoms de tous les licenciés et docteurs, selon qu’ils ont passé par ordre en notre école depuis plus de trois cents ans, avec tout ce qui s’est passé de mémorable dans notre Faculté. […] Comme médecin, Gui Patin est un de ceux qui pouvaient à bon droit passer pour éclairés, de leur temps mais il n’est pas en avant ni au-delà. […] Toutes ces discussions, où le mot de charité revenait sans cesse, ne se passaient point sans grand renfort d’invectives des deux parts et d’injures infamantes. […] Mais Renaudot n’était pas facile à émouvoir sur ce point ; il croyait à l’utilité de ses diverses innovations et de ses établissements, à celle de sa Gazette entre autres, et il s’en faisait gloire : Mon introduction des Gazettes en France, écrivait-il en 1641, contre lesquelles l’ignorance et l’orgueil, vos qualités inséparables, vous font user de plus de mépris, est une des inventions de laquelle j’aurais plus de sujet de me glorifier si j’étais capable de quelque vanité… ; et ma modestie est désormais plus empêchée à récuser l’applaudissement presque universel de ceux qui s’étonnent que mon style ait pu suffire à tant écrire à tout le monde déjà par l’espace de dix ans, le plus souvent du soir au matin, et des matières si différentes et si épineuses comme est l’histoire de ce qui se passe au même temps que je l’écris, que je n’ai été autrefois en peine de me défendre du blâme auquel toutes les nouveautés sont sujettes. […] À toutes ces accusations Renaudot n’a qu’une réponse : c’est qu’en ce qui s’est passé depuis plus de dix ans dans les affaires d’État, sa plume n’a été que la greffière, il a obéi parce que tout le monde obéissait, et que c’était son devoir plus spécialement encore qu’à tout autre.
J’ai voulu citer cette expression fidèle d’un regret d’amateur, parce qu’elle se rattache à un sentiment plus général, à celui que porte tout antiquaire et tout ami des souvenirs dans l’objet favori de son culte, dans ce coin réservé du passé où l’on a mis son étude, son investigation sympathique et pieuse, une part de son imagination et de son cœur, et où l’on ne voudrait appeler que ceux qui sont dignes d’en tout apprécier et comprendre. […] Oui, tous bientôt vont passer devant cette ruine, devant cette chapelle et cet autel détourné, devant ce site sauvage et mystérieux dont on savait presque seul les sentiers et dont on avait, l’un des premiers, reconnu le caractère. […] Avant de passer moi-même à l’étude de La Boétie et de profiter du travail de mes guides et de mes devanciers, de M. […] Les nobles et généreuses natures, lorsqu’elles entrent dans la vie, et qu’elles ne connaissent point encore les hommes, ni l’étoffe dont nous sommes en majeure partie formés, passent volontiers par une période politique ardente et austère, par une passion stoïque, spartiate, tribunitienne, dans laquelle, selon les temps divers, on invoque les Harmodius, les Caton, les Thraséas, et où de loin les Gracques et les Girondins se confondent. […] M. de La Rochefoucauld, qui a écrit quelques paroles injustes et vraiment affreuses sur l’amitié des hommes (« Dans l’adversité de nos meilleurs amis, nous trouvons toujours quelque chose qui ne nous déplaît pas. »), était particulièrement et peut-être uniquement sensible à cette amitié des femmes : car il est à observer que les hommes qui se sont accoutumés à cette liaison délicate avec des personnes du sexe se passent plus aisément de l’autre espèce d’amitié.
Cela ne le rend pourtant pas injuste pour nous Français, ni aveugle sur les défauts de nos voisins, et il met des correctifs énergiques à ce grand sens qu’il leur reconnaît : Ce sont des sauvages philosophes et avares ; leur profondeur en philosophie est même une passion ; mais la douceur et la politesse qui leur manquent, et que les Français ont naturellement, les rendent inférieurs à nous pour faire passer les bons principes jusques à l’action. […] Auparavant ses conclusions allaient à n’admettre nul goût et nui génie, ni presque ressources d’aucun genre, et il y avait des moments ou l’on se sentait avec lui à la fin des temps et comme au bout du monde : il se relève à partir d’une certaine heure, et s’aperçoit qu’un souffle nouveau passe dans l’air, et pour ainsi dire que la brise fraîchit ; il la signale des premiers et la salue. […] Ses croyances religieuses se réduisent à peu près à celle de la Providence ; mais il y tient, il y insiste, et il trouve à redire à ceux qui s’en passent. […] Pour le passé il place son âge d’or dans les dernières années du règne de Henri IV, de qui il fait « un brave militaire et un bonhomme de roi, qui gâtait un peu ce à quoi il touchait, mais qui avait bon cœur et qui heureusement revenait toujours à son Sully ». […] Il ne la juge pas trop mal ni trop défavorablement ; sauf sa dévotion qu’il ne lui passe pas, il lui reconnaît des qualités solides, même de la bonté : « Enfin nous composerions bien, dil-il en concluant, pour ne voir jamais à la Cour d’autres reines ni d’autres favorites que faites comme celle-ci. » 2.
Il a manqué à Gœthe d’être venu à Paris et d’y avoir passé six mois. Il y serait venu, j’imagine, vers 1786, un peu avant son voyage d’Italie ; il aurait trouvé l’ancienne société française dans sa dernière fleur ; il aurait été un moment à la mode comme tous ces princes du Nord qui y passèrent, comme tous ces princes de l’esprit et de la pensée, Hume, Gibbon, Franklin ; on se serait mis à lire Werther et le reste comme on aurait pu, à la volée, pour lui en parler et le bien recevoir. […] Celui-ci, ancien professeur et recteur de l’Académie de Lausanne, auteur pour son compte d’agréables ouvrages en vers et en prose, consacre la fin de son honorable carrière à faire passer dans notre langue toutes les productions du vaste génie auquel il s’est voué44. […] Il ne créait plus, je n’appelle pas création cette seconde et éternelle partie de Faust, — mais il revenait sur lui-même, il revoyait ses écrits, préparait ses Œuvres complètes, et, dans son retour réfléchi sur son passé qui ne l’empêchait pas d’être attentif à tout ce qui se faisait de remarquable autour de lui et dans les contrées voisines, il épanchait en confidences journalières les trésors de son expérience et de sa sagesse. […] Nous avons à passer avec Gœthe la revue de presque tous nos auteurs en vogue dans les dix dernières années de la Restauration, à entendre sur eux son avis vrai et sans fard.
On lui donna une noble et affectionnée gouvernante ; il passa sa première enfance sous la surveillance de ses tantes, les princesses doña Maria et doña Juana. […] Il ordonna des prières publiques et des processions par tout le royaume ; il passa des heures en prière, et voulut assister et présider aux consultations des médecins. […] Injures et sévices contre le premier venu, insultes et algarades de nuit, prodigalités folles, emprunts par force à des marchands et banquiers auxquels il ne rendait jamais, à côté de cela une superstition crasse, — je passe sur toutes ces folies et extravagances, parmi lesquelles la plus grotesque, assurément, fut la façon dont il crut devoir s’y prendre pour réfuter les mauvais bruits qui couraient sur son inhabileté au mariage. […] Le désespoir de don Carlos fut sans égal ; il passait de la supplication à la fureur ; il menaçait de se tuer, et tenta même de le faire en se jetant dans la flamme de la cheminée. […] Passe encore quand ce sont des femmes comme Marie Stuart que vous mettez en scène, il y a place jusqu’à un certain point au roman ; mais les hommes d’État, mais les caractères connus, définis, ceux dont on a pu lire dans la matinée quelque parole ou acte mémorable, quelque dépêche mâle et simple, peut-on raisonnablement les entendre déclamer, rêver, rimer, métaphoriser, même en beaux vers, le soir ?
Il va à Tarbes et y passe plusieurs années. […] En quittant la Mode, il passa à l’Artiste, à la Silhouette (1832), il se répandit et dessina pour toutes les publications du moment ; livré, voué à une production incessante, il ne refusait aucun travail qui s’offrait, livres illustrés, journaux à gravures, têtes de romances, etc. […] Car aux légers panneaux les écussons s’effacent, A l’heure où dans le bois va dormir l’écureuil, Et vous ne suivez pas les lanternes qui passent La nuit près le bassin d’Auteuil. […] Balzac, que je ne prétends nullement diminuer sur ce terrain des mœurs du jour, et de certaines mœurs en particulier, où il est expert et passé maître, Balzac pourtant s’emporte et manque de goût à tout moment ; il s’enivre du vin qu’il verse et ne se possède plus ; la fumée lui monte à la tête ; son cerveau se prend ; il est tout à fait complice et compère dans ce qu’il nous offre et dans ce qu’il nous peint. C’est une grande avance, je le sais, à qui veut passer pour un homme de génie auprès du vulgaire que de manquer absolument de bon sens dans la pratique de la vie ou dans la conduite du talent.
— Il fallait, pour y aller, passer sur une planche assez longue, très étroite et qui ployait étrangement par le milieu ; — un vrai pont pour des chèvres, et qui en effet ne servait guère qu’à elles : — c’était délicieux. — Un gazon court et fourni, où le souviens-toi de moi ouvrait en clignotant ses jolies petites prunelles bleues… » Suit une description détaillée, minutieuse, comme l’auteur sait les faire, — et d’Albert, en effet, nous est donné lui-même comme un peu auteur, bien qu’inédit, — et il ajoute : « Que nous étions bien faits pour être les figures de ce paysage ! […] Mais l’explication ne me suffit pas tout à fait ; et dans Albertus, après une série d’apostrophes à l’amour, je trouve une suite de stances (de 50 à 58) qui me paraissent, jusque dans leur ironie, trahir une sensibilité véritable : Moi, ce fut l’an passé que cette frénésie Me vint d’être amoureux. — Adieu la poésie ! […] nous sommes Comme des étrangers l’un pour l’autre ; les hommes Sont ainsi : — leur toujours ne passe pas six mois. — L’amour s’en est allé Dieu sait où. — Ma princesse, Comme un beau papillon qui s’enfuit et ne laisse Qu’une poussière rouge et bleue au bout des doigts, Pour ne plus revenir a déployé son aile, Ne laissant dans mon cœur, plus que le sien fidèle, Que doutes du présent et souvenirs amers. […] Passé de l’atelier dans le cénacle littéraire, il eut quelque temps un pied dans l’un et un pied dans l’autre, et même lorsqu’il eut quitté la peinture, le divorce entier ne s’opéra jamais, il resta peintre avec sa plume. […] Bouilly et se déshonorer, si l’on s’était permis de s’attendrir ; on arborait, peu s’en faut, pour devise le vers de Térence ainsi retourné : « Je suis homme, et en conséquence je ne m’intéresse à rien d’humain. » Mais, tout compte fait et tout balancé, la rue des Canettes me paraît d’ailleurs fort inférieure en visée à l’impasse du Doyenné : elle vit au jour le jour, elle n’a pas l’horizon du passé, l’enthousiasme exalté pour tous les vieux maîtres gothiques et non classiques, le mépris du médiocre, l’horreur du lieu commun et du vulgaire, l’ardeur et la fièvre d’un renouvellement.
On se les passait de main en main ; les La Monnoye, les Bouhier en faisaient leur régal et leurs délices. […] Cependant le manuscrit d’Heidelberg trouvé par Saumaise, la source et l’objet de tout ce travail nouveau, avait passé dans la bibliothèque du Vatican, et du Vatican, par un revers étrange des vicissitudes humaines, avait été apporté à Paris comme une des dépouilles de la conquête, à la suite du Traité de Tolentino (1797). […] L’épigramme, pour eux, était une petite pièce qui ne passait guère huit ou dix vers, et qui allait rarement au-delà, d’ordinaire en vers hexamètres et pentamètres ; c’était une inscription3 soit tumulaire, soit triomphale, soit votive ou descriptive ; une peinture pastorale trop courte pour faire une idylle, une déclaration ou une plainte amoureuse trop peu développée pour faire une élégie. […] Il paraît que la guerre de Pyrrhus et des Romains l’arracha à sa patrie, qu’il passa le reste de sa vie errant, et mourut dans l’exil. […] Un coin de roman chez nous n’a jamais nui au succès ; un peu de sentimental fait bien et nous dispose favorablement : cela aide à faire passer la poésie.
Elle continue de plaire de plus en plus ; M. le dauphin l’aime un peu trop ; il a des bouderies et des colères même dont elle sait très bien profiter, et elle passe pour une personne habile, parmi les femmes : ce qui est un cours de philosophie qui leur est particulier et dont nous ne faisons que nous douter. […] La reine m’a dit hier que plus elle la connaissait, et plus elle lui devenait chère et plus elle l’aimait ; et réellement elle est charmante. » Et comme on était alors en France plus fou que jamais de la porcelaine de Saxe, je ne sais quel bel esprit de la Cour disait : « On ne doit plus prendre de femme qu’en Saxe, et, plutôt que de m’en passer, quand il n’y en aura plus, j’en ferai faire en porcelaine. » Ce dauphin, auquel elle se consacrait, si renfermé et si méditatif, fut peu connu et mal connu : pieux, instruit, mélancolique, il se consuma d’ennui et mourut de la poitrine. […] Et ici encore une courte digression n’est pas inutile ; et, bien qu’il ne s’agisse que d’une anecdote, cette anecdote a pris de telles proportions sous la plume des écrivains de nos jours, qu’il devient presque impossible de la passer sous silence, dès qu’on s’entretient un peu longuement du héros saxon. […] » La vérité est que les choses ne se passèrent point tout à fait ainsi, et le maréchal eut bien assez de torts dans cette intrigue, sans les faire plus grands qu’ils ne sont. […] Il faut voir de quel ton gaillard il l’annonçait dans une lettre au roi de Pologne (5 septembre 1750) : « Mademoiselle de Sens vient passer une partie de l’automne chez moi, à Chambord, avec une trôlée de femmes de la Cour.
On avait passé Zamora. […] Ils eurent bientôt à passer le Tage. […] Un sentier incliné et très roide y conduisait ; nos chevaux y passèrent, non sans danger, et le général, M. […] Ils passèrent le Guadalquivir sur un pont de bateaux. […] « Plusieurs officiers non moins heureux qu’intrépides avaient réussi à traverser la ligne anglaise pour donner avis de ce qui se passait soit dans Gênes, soit à l’armée.
Ces chemins, il est vrai, tournent et changent en avançant ; chaque siècle se voit tenté de refaire à son usage l’histoire du passé. […] Eh bien, ce goût n’avait pas de racines profondes et ne méritait pas qu’on en tînt compte : Je n’ai fait que passer, il n’était déjà plus ! […] Elle traverse et côtoie le domaine de bien des érudits et des historiens ; elle passe dans la jachère de l’un, par la ferme de l’autre, sous le château-fort de celui-ci, et heurte le mur mitoyen de celui-là. […] Jusqu’à quel point, dans cette longue étude du passé monarchique, a-t-il été préoccupé du présent, de ce qui nous touche, et jusqu’à quel point a-t-il pu l’être légitimement ? […] Semailles, moissons, vendanges, tout relevait, comme par le passé, de Cérès, de Bacchus et de Pomone.
Joubert de son vivant n’a jamais écrit d’ouvrage, ou du moins rien achevé : « Pas encore, disait-il quand on le pressait de produire, pas encore, il me faut une longue paix. » La paix était venue, ce semble, et alors il disait : « Le Ciel n’avait donné de la force à mon esprit que pour un temps, et le temps est passé. » Ainsi, pour lui, pas de milieu : il n’était pas temps encore, ou il n’était déjà plus temps. […] Je regrette toujours, en voyant quelques-uns de ces jeunes écrivains à moustache, qui, vers trente ans, à force de se creuser le cerveau, passent du tempérament athlétique au nerveux, les beaux et braves colonels que cela aurait faits hier encore sous l’Empire. […] Il se débarrassa vite pourtant de ce qui n’était pas digne de lui dans ce premier enthousiasme de la jeunesse ; cette boue des Mercier et des Rétif ne lui passa jamais le talon : il réalisa de bonne heure cette haute pensée : « Dans le tempéré, et dans tout ce qui est inférieur, on dépend malgré soi des temps où l’on vit, et, malgré qu’on en ait, on parle comme tous ses contemporains. […] J’en ai quelquefois cependant ; et si mes pensées s’inscrivaient toutes seules sur les arbres que je rencontre, à proportion qu’elles se forment et que je passe, vous trouveriez, en venant les déchiffrer dans ce pays-ci après ma mort, que je vécus par-ci par-là plus Platon que Platon lui-même : Platone platonior. […] La plupart mettent leurs soins à écrire de telle sorte, qu’on les lise sans obstacle et sans difficulté, et qu’on ne puisse en aucune manière se souvenir de ce qu’ils ont dit ; leurs phrases amusent la voix, l’oreille, l’attention même, et ne laissent rien après elles ; elles flattent, elles passent comme un son qui sort d’un papier qu’on a feuilleté. » Ceci s’adresse en arrière à l’école de La Harpe, au Voltaire délayé, et, en général, le péril n’est pas aujourd’hui de tomber dans ce coulant.
Le choix d’un adjectif le fait suer d’angoisse ; il tourne et retourne sa phrase, la faisant passer par son gueuloir, jusqu’à ce qu’elle satisfasse son oreille par d’expressives harmonies. […] Passons donc condamnation sur les prétentions scientifiques de M. […] Il a vu passer des gens en blouse ou en redingote, gesticuler des bras, étinceler des yeux, râler ou saigner des corps : et il s’est demandé ce que cela signifiait. […] Anatole France918 a fait passer, semble-t-il, dans le roman l’influence de Renan, avec plus de dilettantisme qu’il n’y en eut réellement chez celui-ci. […] Flaubert (1821-1880), né à Rouen, fils d’un chirurgien, passa la plus grande partie de sa vie à sa propriété de Croisset, près de Rouen.
La nourrice, qui était seule dans le secret, mourut peu après ; et jusqu’à présent Lelio, qui est la fille en question, passe pour un garçon. […] Elle raconte alors comment, ayant observé que Fabio était amoureux de sa sœur Virginia, elle l’a trompé en se faisant passer pour celle-ci ; comment elle l’a épousé secrètement, et comment elle est enceinte. […] Ramené par les questions de Flaminio, il fait le détail de tout ce qui se passe entre son maître et Virginia, puis il est battu. […] Zucca, menacé de tous côtés, se détermine à lui confier tout ce qui se passe. […] La surprise des autres ne fait qu’augmenter, tandis que Pandolfo, consterné, comprend enfin tout ce qui s’est passé.
L’esprit français n’était pas resté inactif ; il prenait tous les jours de l’étendue et de la vigueur ; il avait déjà des pensées égales à celles que contiennent les monuments du passé, une langue assez formée pour exprimer celles qui étaient le plus à sa portée. […] Ils étaient si enfoncés dans l’étude du passé, qu’ils pensaient, sentaient, aimaient, haïssaient, dans des langues mortes. […] Quelques esprits supérieurs, pour rendre plus prompte et plus générale la possession des chefs-d’œuvre du passé, dirigeaient eux-mêmes les imprimeries qui en multipliaient les exemplaires. […] Les Italiens nous méprisaient, et ne songeaient guère à nous faire participer à ces biens de l’esprit dont ils jouissaient tout seuls, ni à nous passer ce flambeau de la vie, dont parle Lucrèce. […] Or sont de là les plus gros feux passés ; Rien n’ay mesfaiçt ; au roy doulceur abonde ; Tu es sa sœur ces choses sont assez Pour rappeler les plus pervers du monde38.
Rousseau, qu’on ne peut pas trop passer la lime sur les vers. J’ai employé la moitié de ma vie à composer cet ouvrage, je devrais passer l’autre à le corriger. » Boileau lui-même n’en eût pas voulu tant. […] Pour ceux qui, soit meilleur goût, soit prévention contre le poète, pensaient que la France pouvait attendre encore, et qu’il valait mieux passer pour n’avoir pas la tête épique que de se tenir pour content de la Henriade, à grand’peine s’empêchait-on de les appeler mauvais citoyens. […] Tout en a passé de mode, la gloire de Voltaire y aidant du reste, car, dans son œuvre prodigieuse, on abandonne d’autant plus aisément le médiocre qu’on y trouve à admirer l’excellent. […] Après ces deux années d’une douce vie passée en compagnie de deux amis dignes de lui, c’est-à-dire en compagnie plus intime avec lui-même, il revint à Paris, la tête débordant de poèmes, de plans, d’esquisses, où sont mêlées la science, la politique, la Bible, l’Amérique ; ambitieux de tout sentir et de tout rendre, de faire de la poésie l’organe inspiré de toutes les idées modernes, l’écho du passé et du présent, la voix prophétique de l’avenir.
Mais il y a plus, non seulement des mondes seront indiscernables s’ils sont égaux ou semblables, c’est-à-dire si l’on peut passer de l’un à l’autre en changeant les axes de coordonnées, ou en changeant l’échelle à laquelle sont rapportées les longueurs ; mais ils seront encore indiscernables si l’on peut passer de l’un à l’autre par une « transformation ponctuelle » quelconque. […] Ce sera sa transformée par la transformation ponctuelle qui fait passer de notre monde au leur ; les droites de ces hommes ne seront pas nos droites, mais elles auront entre elles les mêmes rapports que nos droites entre elles, c’est dans ce sens que je dis que leur géométrie sera la nôtre. […] Pour passer de la position A à la position B je puis prendre plusieurs chemins. […] L’ensemble de ces sensations formera une sorte de coupure que j’appellerai C, et il est clair que cette coupure suffit pour diviser l’ensemble des sensations rouges possibles, et que si je prends deux sensations rouges affectant deux points situés de part et d’autre de la ligne, je ne pourrai passer de l’une de ces sensations à l’autre d’une manière continue sans passer à un certain moment par une sensation appartenant à la coupure.
En prenant comme nécessaire le grand fait de l’invasion des barbares et le critiquant a priori, on trouve qu’il eût pu se passer de deux manières. […] Comme Rome était trop faible pour s’assimiler immédiatement ces éléments nouveaux et violents, les choses se passèrent de cette seconde manière. […] Que si l’on m’objecte qu’il n’est aucun métier auquel on puisse suffire avec quatre ou cinq heures d’occupation par jour, je répondrai que, dans une société savamment organisée, où les pertes de temps inutiles et les superfluités improductives seraient éliminées, où tout le monde travaillerait efficacement et surtout où les machines seraient employées non pour se passer de l’ouvrier, mais pour soulager ses bras et abréger ses heures de travail ; dans une telle société, dis-je, je suis persuadé (bien que je ne sois nullement compétent en ces matières) qu’un très petit nombre d’heures de travail suffiraient pour le bien de la société et pour les besoins de l’individu ; le reste serait à l’esprit. « Si chaque instrument, dit Aristote, pouvait, sur un ordre reçu ou même deviné, travailler de luimême, comme les statues de Dédale ou les trépieds de Vulcain, qui se rendaient seuls, dit le poète, aux réunions des dieux, si les navettes tissaient toutes seules, si l’archet jouait tout seul de la cithare, les entrepreneurs se passeraient d’ouvriers et les maîtres d’esclaves 182. […] Aux yeux d’hommes grossiers, un homme qui jeûne, qui se flagelle, qui est chaste, qui passe sa vie sur une colonne, est l’idéal de la vertu. […] Comme c’est l’éducation, la variété des objets d’étude qui font la variété des esprits, tout ce qui tend à faire passer tous les esprits par un moule officiel est préjudiciable au progrès de l’esprit humain.
Elle rêvait dans l’avenir gloire, grandeur politique, puissance, et, en attendant, elle voulut vivre le plus à son gré et le plus en souveraine qu’elle pût, rendre le moins possible aux autres et se passer tous ses caprices, avoir sa cour à elle, où ne brillât nul astre rival du sien. […] Je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous, et leurs flatteurs : mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. […] Elle dit ingénument qu’elle a le malheur de ne pouvoir se passer des personnes dont elle ne se soucie point. […] Il semblait que Mme du Maine ne pouvait se passer de cette duchesse, qui était devenue l’intendante de ses plaisirs, le Malezieu des dernières années. […] L’homme a beau retourner et renverser les situations, il ne change pas ses défauts ni ses travers ; on les voit bientôt reparaître tous ; seulement ils se produisent, selon les temps, sous une forme plus ou moins noble, polie et agréable ; et cette forme-là, qui combinait l’excès de l’égoïsme avec la délicatesse d’esprit et la politesse, est plutôt celle du passé.
Quand une fois on s’est accoutumé à ce factice, on ne peut plus s’en passer désormais, et, qui pis est, on ne s’en aperçoit pas. […] Mais, à la manière dont Mme de Girardin décrit les alentours, les personnages secondaires, et l’oncle fat, et la duchesse coquette, et l’héritière parée, il est évident qu’elle a déjà passé au portrait, à l’observation fine et satirique. […] Sais-tu que les mers s’étendent et passent là où ont été autrefois les cités ? […] Respirons le sentiment discret et profond qui fait l’âme de cette admirable plainte, recueillons la moralité qui en sort, et passons. […] « Il y a, dit-elle encore, des hommes nés moines, qui sont chauves à vingt-cinq ans, qui passent leurs jours à compulser de vieux livres, et qui transforment en cellule tout appartement de garçon. » Ce feuilleton m’est toujours resté depuis, dans la mémoire, comme un petit chef-d’œuvre dans l’espèce.
Son enfance, d’ailleurs, et sa première jeunesse se passèrent dans les frivolités, dans une vie toute de cérémonial et de divertissement, dans les bals, les comédies, les collations, sans que personne fût là pour l’avertir qu’il y avait au monde quelque chose de plus sérieux. […] Cependant elle marquait de bonne heure le goût de l’esprit, du bel et fin esprit, de celui qui sert à la conversation ; son père y excellait : elle raconte comment à Tours, chaque soir, elle aimait à entendre Monsieur l’entretenir de toutes ses aventures passées, « et cela fort agréablement, comme l’homme du monde qui avait le plus de grâce et de facilité naturelle à bien parler ». […] Mademoiselle partit donc, dans la joie de son cœur de se trouver enfin en passe de faire quelque action extraordinaire et de conquérir de la gloire. […] Elle en passa par tout ce qu’on voulut pour revoir celui qu’elle aimait. […] Mademoiselle connut tard la vie, elle finit pourtant par la connaître, et passa, elle aussi, par tous les degrés de l’épreuve ; elle eut la lente souffrance qui use l’amour dans un cœur, le mépris et l’indignation qui le brisent, et elle arriva à l’indifférence finale qui n’a de remède et de consolation que du côté de Dieu.
L’homme de guerre est un vivant redoutable ; il est debout, la terre se tait, siluit ; il a de l’extermination dans le geste, des millions d’hommes hagards se ruent à sa suite, cohue farouche, quelquefois scélérate ; ce n’est plus une tête humaine, c’est un conquérant, c’est un capitaine, c’est un roi des rois, c’est un empereur, c’est une éblouissante couronne de lauriers qui passe jetant des éclairs, et laissant entrevoir sous elle dans une clarté sidérale un vague profil de César ; toute cette vision est splendide et foudroyante : vienne un gravier dans le foie ou une écorchure au pylore, six pieds de terre, tout est dit. […] Avoir été le souteneur du passé, avoir dépensé toute la richesse de l’Angleterre à soudoyer une coalition de rois contre 1789, contre la démocratie, contre la lumière, contre le mouvement ascensionnel du genre humain, vite un piédestal à cela, une statue à M. […] Avoir vingt ans combattu sciemment la vérité, dans l’espoir qu’elle serait vaincue, s’apercevoir un beau matin qu’elle a la vie dure, qu’elle est la plus forte et qu’il pourrait bien se faire qu’elle fût chargée de composer un cabinet, et alors passer brusquement de son côté, autre piédestal, une statue à M. […] Passons. […] Quant à Voltaire, il demeure ce qu’il est, l’homme de l’avenir, mais l’homme du passé ; il est une de ces gloires qui font dire au penseur oui et non ; il a contre lui ses deux sarcasmes, Jeanne d’Arc et Shakespeare.
Un ouvrage satirique ou qui contient des faits, qui est donné en feuilles sous le manteau aux conditions d’être rendu de même, s’il est médiocre, passe pour merveilleux ; l’impression est l’écueil. […] Il y a un terme, disent les uns, dans votre ouvrage, qui est rencontré et qui peint la chose au naturel ; il y a un mot, disent les autres, qui est hasardé, et qui d’ailleurs ne signifie pas assez ce que vous voulez peut-être faire entendre ; et c’est du même trait et du même mot que tous ces gens s’expliquent ainsi, et tous sont connaisseurs et passent pour tels. […] L’autre, sans choix, sans exactitude, d’une plume libre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s’appesantit sur les détails : il fait une anatomie ; tantôt il feint, il exagère, il passe le vrai dans la nature : il en fait le roman. […] Marot et Rabelais sont inexcusables d’avoir semé l’ordure dans leurs écrits : tous deux avaient assez de génie et de naturel pour pouvoir s’en passer, même à l’égard de ceux qui cherchent moins à admirer qu’à rire dans un auteur. […] c’est le propre d’un efféminé de se lever tard, de passer une partie du jour à sa toilette, de se voir au miroir, de se parfumer, de se mettre des mouches, de recevoir des billets et d’y faire réponse.
Ainsi sont liés, dans la pensée de l’homme, dans son intelligence, dans ses affections, le présent, le passé, le futur, le monde idéal et le monde positif, le fini et l’infini, le temps et l’éternité. […] Il avait quelque chose de doux, d’abondant, de tempéré, qui pouvait se passer des mouvements d’une langue transpositive. […] Les étrangers ne font que passer chez nous, et ils emportent partout notre langue. […] Le principe conservateur des sociétés est aristocratique, parce que les sociétés ne peuvent se passer de hiérarchie. […] Sans passé, sans avenir, son regard s’est arrêté sur un seul moment.
Je passe également sur les lacunes de son Dictionnaire. […] Passons rapidement sur les observances. […] Il coule, et nous passons ! […] Comme le conte fait passer avec lui le précepte, ses plaisanteries faisaient passer ses négations avec elles. […] Que maintenant les choses, dans la réalité, se soient ainsi passées, je n’oserais en répondre.
Je ris encore en pensant que j’ai passé, il y a quelque temps, deux heures avec vous sans vous rien dire de votre bel article sur Racine, et je venais d’en parler toute la matinée à quatre personnes de différentes opinions, à qui je disais ce que j’en pense. J’ai besoin de le répéter, parce que je viens de le relire : vous avez vraiment créé une critique haute qui vous appartient en propre, et votre manière de passer de l’homme à l’œuvre et de chercher dans ses entrailles le germe de ses productions est une source intarissable d’aperçus nouveaux et de vues profondes. » On peut rabattre tout ce qu’on voudra de l’éloge, mais M. de Vigny admettait évidemment cette méthode critique en 1829. […] La vie de garnison n’allait pas plus à de Vigny qu’à moi ; les habitudes des autres officiers qui passaient une grande partie de leurs journées dans les cafés ou ailleurs ne lui convenaient pas.
Mais les choses ne se passèrent pas si bien ; les Français outrepassèrent leurs pouvoirs, les Espagnols s’irritèrent de leur insolence ; les ambassadeurs, c’est-à-dire les ministres, se succédèrent rapidement : Marsin, le cardinal et l’abbé d’Estrées, le duc de Grammont, furent l’un après l’autre nommés (1701-1705), et aucun ne contenta. […] La reine d’Espagne étant venue à mourir et le roi ne pouvant se passer d’épouse, elle fit choix de la princesse de Parme dont elle crut s’assurer la reconnaissance en l’élevant si haut. […] Elle servit utilement Louis XIV, elle servit courageusement et loyalement Philippe ; dès qu’on put s’en passer, on la chassa, on l’oublia ; mais il ne faut pas la flétrir, et si le blâme doit retomber sur quelqu’un, que ce soit plutôt sur ces rois qui la payèrent de tant d’ingratitude.
Espérons qu’il ne le dira pas toujours, et que l’âge lui permettra de plus en plus de revenir sur ce passé où tant de flammes couvent encore sous la cendre. […] La Bénédiction de Dieu dans la solitude unit à cette belle réalité de notre sol et de notre nature une sorte de religion salubre qui passe de tous les objets à l’âme, qui la pénètre et la rend saine. […] Il faudrait, pour la caractériser dignement, emprunter les images qui lui sont le plus familières ; il faudrait dire que le lac de Némi, qu’aucun souffle ne ride, a moins de transparence et de limpidité ; que tour à tour cette poésie s’en fie comme une voile, flotte comme un nuage, s’épand comme une eau ; qu’elle est ce qui ri a point de rame et qui pourtant arrive ; qu’elle ne laisse ni trouble ni limon derrière elle, et que les cœurs après sont aussi purs que vague où le cygne a passé.
La condition de la critique, en ce qu’elle a de journalier, de toujours mobile et nouveau, la fait ressembler un peu, je réprouve parfois, à un homme qui voyagerait sans cesse à travers des pays, villes et bourgades, où il ne ferait que passer à la hâte, sans jamais se poser ; à une sorte de Bohémien vagabond et presque de Juif errant, en proie à des diversités de spectacles et à des contrastes continuels. […] Tout cela est bien long pour dire qu’ayant parlé l’autre fois de quelque ouvrage assez peu grave, nous avons à donner aujourd’hui un mot sur une œuvre de patriotisme et de piété, et pour demander pardon d’être la même plume qui passe d’un Casanova au Livre des Pèlerins polonais. […] Portez donc les tchamaras d’insurgés. » En maint endroit, et par des conseils directs ou sous forme frappante de parabole, le poète recommande aux siens de ne point se disputer entre eux sur leurs mérites réciproques, ni sur les préséances et décorations ; de ne pas crier volontiers au traître et à l’espion, comme font les gens aigris et désespérés ; de ne pas se distinguer les uns des autres en disant : « Je suis de la vieille armée, et toi de la nouvelle ; j’ai été à Grochow et à Ostrolenka, et toi tu n’as été qu’à Ostrolenka …, etc., etc. » ; mais de ne revenir en idée sur le passé qu’en se préparant à l’avenir, comme un homme qui veut franchir un précipice, ne recule que juste autant qu’il faut pour mieux s’élancer.
Il a rencontré dans une course des Alpes, puis retrouvé à Paris, la baronne Clémence de Bergenheim, une noble et chaste beauté ; il l’aime, il peut se croire aimé, et, sous prétexte d’un voyage du Rhin, accompagné de Marillac son fidèle Achate, il se jette dans les Vosges et va tenter aventure autour du château où la baronne, fuyant l’amant qu’elle porte en son cœur, passe l’été avec son mari. […] Et puis, quel éclat d’horreurs pour s’être passé si incognito ! La conclusion, beaucoup moins orageuse de la Femme de quarante ans, me paraît d’autant plus vraie, plus conforme, dans son ironie, à ce qui se passe chaque jour, même chez nos plus dévorants, dont aucun encore n’est si ensanglanté sous son gant jaune, qu’il voudrait le faire croire.
Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté La gaieté française, le bon goût français, avaient passé en proverbe dans tous les pays de l’Europe, et l’on attribuait généralement ce goût et cette gaieté au caractère national ; mais qu’est-ce qu’un caractère national, si ce n’est le résultat des institutions et des circonstances qui influent sur le bonheur d’un peuple, sur ses intérêts et sur ses habitudes ? […] La grâce et l’élégance des manières passaient des habitudes de la cour dans les écrits des hommes de lettres. […] L’influence des femmes est nécessairement très grande, lorsque tous les événements se passent dans les salons, et que tous les caractères se montrent par les paroles ; dans un tel état de choses, les femmes sont une puissance, et l’on cultive ce qui leur plaît.
C’est pour cela que je vous le demande : car, si vous saviez ce qui se passe en moi, vous vous en réjouiriez peut-être… À demain ! […] Description brève de ce lieu de plaisir : le jardin éclairé par des verres de couleur, les bosquets, qu’on dirait en zinc découpé, la cascade et la grotte en carton sous laquelle on passe… Il remarque, parmi les promeneuses, une fille d’allure effarouchée, l’air minable, vêtue d’une méchante robe et coiffée d’un énorme chapeau, très voyant, qui fait que les hommes se retournent sur son passage avec des rires et des plaisanteries. […] Même une gaieté passa dans ses petits yeux jaunes, comme s’il rigolait intérieurement à la pensée d’en faire une bien bonne.
Nous avons passé en revue les pièces entières dont, à l’origine, il emprunte la trame : ainsi L’Étourdi, Le Dépit amoureux dans toute sa partie romanesque, Dom Garcie ; probablement Sganarelle pour l’enchaînement des situations ; Le Médecin volant, parmi les essais de jeunesse. […] Bien des personnages passèrent aussi d’une scène à l’autre, non les plus originaux, mais les plus actifs et les plus utiles : les Zanni, Mascarille, Scapin, Sbrigani, Pierrot ; les soubrettes : Marinette, Lisette, Nérine, Dorine, Toinette. […] L’humanité n’a pas dit son dernier mot ; sur notre sol ou dans d’autres régions, un grand siècle littéraire succédera aux grands siècles littéraires du passé.