Après avoir recueilli, il y a deux ans, les portraits que j’avais faits des morts, je rassemble aujourd’hui ceux des écrivains vivants. […] Tel écrivain mort d’hier est aussi vivant que tel qui ne mourra que demain.
. — La Mort de Hoche, drame en prose en quatre actes (1898). — La Plus Belle Fille du monde, conte dialogué en vers libres (1898). […] C’est une poésie toute d’action, conçue dans la douleur, née dans l’orage, familiarisée dès le berceau avec l’odeur de la poudre, le sifflement des obus et le bruit du canon, ayant eu pour langes le lambeau d’un drapeau troué de balles ou le linceul d’un mobile mort en criant : « Vive la France !
FEVRE, [Tannegui le] Professeur de Belles-Lettres à Saumur, né à Caen en 1615, mort en 1672. […] FLÉCHIER, [Esprit] Evêque de Nîmes, de l’Académie Françoise, né à Pernes près d’Avignon en 1632, mort en 1710.
FONTENELLE, [Bernard le Bouvier de] de l’Académie des Sciences, dont il fut Secrétaire pendant 22 ans, de l’Académie Françoise, de celle des Inscriptions & de plusieurs autres, né à Rouen en 1657, mort à Paris en 1757. […] Les Dialogues des Morts ne sont que des assauts de pensées brillantes, où l’Auteur cherche plus à étonner par les Interlocuteurs disparates, qu’à instruire en développant le vrai caractere.
Rapin, [René] Jésuite, né à Tours en 1621, mort à Paris en 1687. […] De plus, n’avons-nous pas vu paroître dans notre Siecle des Ouvrages agréablement écrits en style marotique, & même dans le style des treizieme & quatorzieme Siecles, quoique les façons de s’exprimer d’alors soient, pour ainsi dire, totalement étrangeres & mortes pour nous ?
Sarasin, [Jean-François] Conseiller du Roi & Secrétaire des Commandemens de M. le Prince de Conti, né à Hermanville en 1603, mort à Pezenas en 1654. […] L'Abbé d'Olivet dit que Pélisson, passant par Pezenas, quatre ans après la mort de Sarasin, qui avoit été son ami, se transporta sur sa tombe & l'arrosa de ses pleurs.
Les uns veulent qu’il ait jusqu’à la fin bravé la mort & la divinité. […] Les circonstances de sa mort donnèrent lieu à bien des superstitions.
Amis, frères, époux, se quittaient aux portes de la mort, et sentaient que leur séparation était éternelle ; le comble de la félicité pour les Grecs et pour les Romains se réduisait à mêler leurs cendres ensemble : mais combien elle devait être douloureuse, une urne qui ne renfermait que des souvenirs ! […] Cette curiosité conduit peu à peu à douter des choses généreuses ; elle dessèche la sensibilité, et tue pour ainsi dire l’âme : les mystères du cœur sont comme ceux de l’antique Égypte : le profane qui cherchait à les découvrir sans y être initié par la religion, était subitement frappé de mort.
Elle se propose de faire rentrer la vie dans des formules connues, mortes, peut-on dire. […] Les dieux sont morts, c’est de l’encens perdu. […] Un grand poète, André Chénier, était mort tragiquement avant d’avoir pu donner sa mesure. […] Tels passages de son Sermon sur la Mort sont d’admirables strophes lyriques. […] Sortons de ces ruines si nous ne voulons pas être écrasés ; les morts sont morts.
La mort n’est que le sentiment de ce qui se quitte. […] Dieu ne voudrait pas permettre, pour son honneur, à sa créature d’imaginer une Providence éternelle plus belle que la sienne ; nous serons bien étonnés là-haut de trouver un monde de morts plus beau cent fois que nous n’avons rêvé ! […] Laissez donc ces nouveaux prêcheurs du néant croire à la stérilité de la mort, plus qu’à la divinité de la vie ! […] Cela fait, incapable de rien poursuivre, renonçant à tout but, s’enveloppant de sa pauvreté comme d’un manteau, il ne pensa qu’à vivre chaque jour en condamné de la veille qui doit mourir le lendemain, et à se bercer de chants monotones pour endormir la mort. […] On est bien faible alors, quand le malheur arrive, Et la mort… faut-il donc que l’idée en survive Au vœu d’être immortel !
La mort. […] L’abandon, l’oubli, la mort en sont les lugubres finales. […] Bientôt ce sera l’écroulement final, l’épouvante de la mort. […] Les littératures cessent d’être traitées comme des choses mortes. […] A la mort du prince il prit le deuil.
» Indiana n’est pas un chef-d’œuvre ; il y a dans le livre un endroit, après la mort de Noun, après la découverte fatale qui traverse l’âme d’Indiana, après cette matinée de délire où elle arrive jusque dans la chambre de Raymon qui la repousse, — il y a là un point, une ligne de démarcation où la partie vraie, sentie, observée, du roman se termine ; le reste, qui semble d’invention presque pure, renferme encore de beaux développements, de grandes et poétiques scènes ; mais la fantaisie s’efforce de continuer la réalité, l’imagination s’est chargée de couronner l’aventure. […] Il est probable que, malgré la différence des âges, il aurait fini par épouser sa cousine : car elle était devenue une charmante jeune fille, et par la mort de ce frère aîné, qu’environnait une injuste préférence, sir Ralph était devenu un riche héritier ; mais, durant un voyage lointain qu’il fit à cette époque, la soumise Indiana fut mariée par son père à un ancien colonel français, le baron Delmare, alors négociant très-riche de Bourbon. Bientôt après, Indiana vint habiter la France avec son mari, et sir Ralph, libre de son côté par la mort de ses parents et celle de sa femme (car il s’était laissé marier également par soumission), les avait rejoints.
Avant la mort finale de cet être mobile qui s’appelle de mon nom, que d’hommes sont déjà morts en moi ! […] XIII (Après avoir lu les Époques de la Nature de Buffon :) Tout est changement et mobilité : la danseuse Cerrito détrône Taglioni, Verdi fait taire Donizetti ; chacun a le cri à son tour, il grido , comme disait Dante ; c’est ainsi que l’antique Ninive n’est plus que ruine et bas-reliefs indéchiffrables ; c’est ainsi que quand l’amiral Wrangel visite la haute Sibérie, il trouve le silence de la mort dans ces contrées qui furent, selon Buffon, les premières florissantes du globe et le berceau touffu des antiques colosses.
Je réponds à cette objection que les images et les pensées les plus habituelles, dans Ossian, sont celles qui rappellent la brièveté de la vie, le respect pour les morts, l’illustration de leur mémoire, le culte de ceux qui restent envers ceux qui ne sont plus. […] C’est, comme je l’ai déjà dit, des opinions religieuses que dépend, en grande partie, l’effet que produit sur l’homme l’idée de la mort. […] Il n’y a point de mythologie ; mais on y retrouve sans cesse une élévation d’âme, un respect pour les morts, une confiance dans une existence à venir ; sentiments beaucoup plus analogues au caractère du christianisme que le paganisme du Midi.
Je pose la question seulement et n’ai garde de la trancher, ni de suivre de près cette ligne légère, sensible pourtant, qui, chez les illustres les plus sûrs d’eux-mêmes, sépare déjà le mort du vif. […] Il est mort et il nous semble que tous les jours nous l’entendons parler. […] La Muse et sa beauté pacifique, la Nature et sa fraîcheur immortelle, l’Amour et son bienheureux sourire, tout l’essaim de visions divines passe à peine devant ses yeux qu’on voit accourir, parmi les malédictions et les sarcasmes, tous les spectres de la débauche et de la mort.
Balmadier, Anastay) une catastrophe (collisions effroyables de trains à la Chapelle et à Saint-Mandé), une mort sensationnelle (amiral Aube, Millet, Henri Chapu, Léo Delibes, Meissonier, Théodore de Banville, prince Jérôme Napoléon, feld-maréchal de Moltke, J. […] C’est l’année où, tandis que Th. de Banville jette en suprême adieu Les Occidentales et Rimes dorées, Verlaine donne Bonheur ; Stéphane Mallarmé, Pages ; Henri de Régnier, Épisodes, Sites et Sonnets ; Jean Moréas, le Pèlerin passionné ; Maurice du Plessys ; la Dédicace à Apollodore ; Laurent Tailhade, Vitraux et le Pays du Muffle ; Rodenbach, le Règne du Silence ; Stuart Merrill, Les Fastes ; Gustave Kahn, Chansons d’amant ; Emmanuel Signoret, le Livre de l’Amitié ; René Ghil, le Vœu de Vivre ; Louis Dumur, Lassitudes ; Gabriel Vicaire, À la Bonne Franquette ; Ajalbert, Femmes et Paysages ; Ernest Raynaud, Les Cornes du Faune 3, et si je ne devais m’en tenir aux poètes, je mentionnerais que c’est l’année où Maurice Barrès donne Sous l’œil des barbares et Trois stations de psychothérapie ; Léon Bloy, la Chevalière de la mort ; Huysmans, Là-Bas ; Péladan, l’Androgyne ; Rachilde, La Sanglante ironie ; Albert Autier, Vieux… 1891 ! […] Dans cette même année, Antoine, qui n’a pas encore trouvé de scène fixe pour son Théâtre libre, fait applaudir à la Porte Saint-Martin La mort du Duc d’Enghien de Hennique et, çà et là, l’École des Veufs de Georges Ancey, La Meule de Lecomte, Le Canard Sauvage d’Ibsen et le Père Goriot, tandis que Paul Fort crée le Théâtre d’Art et annonce qu’à partir du mois de mars « les soirées seront terminées par la mise en scène d’un tableau des peintres de la jeune école.
Il a commencé à se corrompre chez les Grecs immédiatement après la mort d’Alexandre ; chez les Romains dès le règne de Tibère ; chez les Italiens à la mort de Léon X, & en France au commencement de ce siècle. […] La dernière dispute sur le stile regarde cette question, s’il ne seroit pas convenable, nécessaire même, de fixer une langue vivante comme les langues mortes.
Nous avons un grand nombre de Dialogues des morts, la plûpart paroissent n’avoit été faits que pour ennuyer les vivans. Il faut en excepter ceux de Fontenelle où les choses fines & recherchées ne manquent point, mais où l’on désireroit quelquefois plus de justesse & plus de goût ; & ceux de l’illustre Fénélon, faits à la hâte, à mesure que le Duc de Bourgogne en avoit besoin, & où les sujets sont par conséquent peu approfondis ; les Nouveaux Dialogues des morts, par M. […] On a traduit de l’anglois divers dialogues des morts.
Identiques dans la corruption et dans la mort, qui a vu un de ces peuples les a vus tous. […] III Le livre de l’abbé Huc, qui ne parle que du passé du Christianisme à la Chine, n’avait point à indiquer ces choses ; mais il les soulève fatalement dans l’esprit du lecteur, selon cette parole, vraie pour le coup, d’un esprit célèbre, qui fut trop souvent dans le faux : « Le passé est gros de l’avenir. » Nous le répétons, ce qui nous a frappé et comme accablé dans la lecture de ces deux volumes, c’est la grandeur de la vie et de la mort des missionnaires, ces héros de l’Église romaine ; c’est aussi la grandeur des moyens employés par eux pour fonder quelque chose de vaste et de solide, et cependant la petitesse des résultats qu’ils ont obtenus ! […] Ce grand homme mort, l’empereur chinois reprenait son pli, ses préjugés, ses défiances, et le Christianisme, qui a besoin d’être soutenu dans un pays où l’autorité du souverain crée l’opinion, retombait.
Et, tous les deux, voici qu’ils font la preuve, à leur tour, que la Diplomatie, dont le plus grand mérite pendant l’action est presque toujours le silence, après l’action, devrait aussi le garder… Talleyrand, qui fut le plus silencieux des diplomates, Talleyrand qui n’écrivait que des billets, ne disait que des mots, et dont toute la puissance ne fut guères que dans des monosyllabes et des airs, avait-il conscience de cela quand il prescrivait de ne publier ses Mémoires que trente ans après sa mort ? […] Ils ont eu, à la longue, assez de cette politique à la suite dont le mot d’ordre énervé ne venait pas d’assez haut pour qu’il fût glorieux d’y obéir ; et l’un des deux est mort, dégoûté, à la peine, et l’autre s’est réfugié dans la vie privée, qui, pour un homme d’État, est aussi une autre manière de mourir ! […] » et, s’il n’était pas mort, c’est ainsi qu’il aurait donné sa démission des choses humaines.
Quand il parle des académiciens en particulier : « Voilà — dit-il à l’ami auquel il a dédié sa relation — ce que j’avais à vous dire des morts — (il n’en dit pas grand-chose, allez !) […] Il a la petite camisole de force de son habit, il la sent sur lui, et il en est gêné… Lorsque les notices qu’il s’est permises sur ses confrères morts doivent être suivies de notices sur ses confrères vivants, quand il a épuisé la liste des extraits mortuaires, il s’arrête… Il voudrait peut-être aussi, lui, comme Pélisson, pour continuer, des arbres et des fontaines, et peut-être va-t-il les chercher ; car il termine brusquement son histoire, si l’on peut nommer du nom d’histoire ces anecdotes et ces commérages, choses trop petites pour n’avoir pas passé à travers les trous de ce crible qu’on appelle la mémoire des hommes, et qu’il était si peu nécessaire de ramasser ! […] Les patients, les pécheurs à la ligne de l’érudition maniaque, les curieux qui préfèrent les petites choses aux grandes, probablement parce qu’on les voit moins bien, s’acharnent quelquefois à tirer de l’oubli dans lequel ils gisent pour l’éternité tous ces morts littéraires ensevelis, et les histoires publiées par Livet sont particulièrement adressées à ces déterreurs.
De l’organisation la plus heureuse, fait essentiellement pour les lettres, il y débuta en se jetant éperdument dans le feuilleton dramatique, alors florissant, et malgré tous les Mentors, — il en avait plusieurs, — qui craignaient les Eucharis du théâtre pour ce Télémaque en plein feu d’imagination et de jeunesse… La grande littérature du milieu du dix-neuvième siècle était morte ou allait mourir : Balzac et Stendhal n’étaient plus ; Gozlan vivait encore, mais les deux plus grands poètes du siècle, de Musset et Lamartine, étaient tombés, l’un des bras d’une indigne femme dans le désespoir enivré qui devait le tuer, l’autre dans la vie politique, qu’on pourrait appeler la mort littéraire, où il s’engloutit, la lyre à la main, comme Sapho, qu’il avait chantée, dans la mer ! […] Cet homme, mort sans la gloire et d’autant plus qu’il était fait pour elle, est Édelestand du Méril, l’auteur d’une Histoire de la comédie chez tous les peuples, livre énorme d’érudition et de sagacité littéraire, et que malheureusement la mort de l’auteur interrompit.
On a trouvé le néant au fond de tant de choses, que les ivresses sont difficiles… À cet âge tristement viril, quand on parle de courtisanes, quand on se tache les doigts à cette poussière légère que toute la sainteté de la mort ne peut sauver des profanations de la vie, il faut le faire en moraliste et en observateur, non pour glorifier des mémoires trop heureuses, selon nous, de couler à fond dans l’oubli, mais pour prendre le niveau moral d’un pays ou d’une époque et mesurer le vice de tout le monde à la taille de celles qui l’ont inspiré. […] Pour obvier à cet inconvénient, qui frappe de stérilité la biographie que l’auteur du livre dont il est question voulait écrire, non pour Laïs elle-même, mais pour l’honneur de cette chose que Laïs représente dans le monde ancien et Ninon dans le monde moderne, et que nous ne savons comment nommer avec décence, Debay a découvert (nous ne dirons pas qu’il l’a inventé un manuscrit grec dont l’original, trouvé, dit-il, au couvent de Mégaspitron, et confié aux soins de Vietti le Polyglotte, a complètement disparu depuis la mort de ce savant. […] On dit que sur son lit de mort elle avoua qu’elle aimerait mieux mourir de la main du bourreau que de recommencer sa vie… cette vie que Debay a écrite et qu’il a transformée en apothéose.
l’exhumation de ces œuvres est une preuve de la mort déjà commencée. […] Il adorait sa petite femme, il pourléchait son enfant, et il vota la mort de Louis XVI ; et, tout homme d’esprit qu’il fût dans un temps où il n’y avait plus d’hommes d’esprit en France, il ne se contenta pas de voter cette mort, mais il écrivit ces mots d’imbécile : « Louis XVI avait les instincts du tigre ».
Les académies touchent parfois de leurs mains aveugles et tâtonnantes à des questions qui leur feraient peur si elles en voyaient la portée, comme des enfants qui touchent à des armes chargées et qui ne savent pas que ce qu’ils touchent là, c’est peut-être la mort ! […] Mais l’anarchie des opinions qui se disjoignent, s’opposent entre elles et se pulvérisent, est-elle la vie ou la mort ? […] Pour lui, rien n’est mort et rien ne doit mourir.
Seulement, si Bouchor est pur de Gœthe, dans le détail d’un poème puisé aux mêmes sources que le poème de Gœthe, il est moins pur de Marlowe, qui avait, lui, le génie enflammé d’un homme mort, à trente ans, de ses passions. […] Le damné Faust est étranglé par un père qui enterre son fils, mort pour la patrie, et dont Faust insulte et raille le cercueil. […] Mort du fait de Bouchor, je ne souhaite pas, pour ma part, que Faust ressuscite sous des plumes de poètes qui probablement ne vaudraient pas la sienne ; et puisque, pour ces jeunes gens, c’est une si grande gloire que d’être moderne, qu’ils nous donnent quelque chose de plus moderne que ce vieux Faust modernisé !
Le premier, qui commence à l’horrible inventaire de la succession que le Directoire a ramassée, est, avant tout, un large tableau de la France ainsi que la Mort l’avait faite, eût dit Bossuet, qui ne se doutait pas que la Mort aurait bientôt une sœur en France qui lui contesterait son droit d’aînesse, — la Révolution ! […] Seulement, si de telles morts expient bien des fautes, elles n’en réparent aucune ! […] Je veux clore ce chapitre sur ses œuvres en parlant du puissant contemporain mort maintenant. […] Eh bien, ce sont ces facultés inépuisables et présentes jusqu’à la mort, dont je parlerai ! […] La Mort seule l’aura désarmé.
Pichot et Guizot, il n’y avait peut-être qu’après 1830 qu’on pouvait traduire Shakespeare dans une langue renouvelée, qui ne fût ni celle de Racine, ni celle de Voltaire, ni celle de ce pauvre Ducis, qui, avec un talent bien voisin du génie, n’avait pu rompre cette toile d’araignée de la vieille expression classique et y était mort étouffé. […] Roméo, lui, avec son changement de passion, son mariage soudain, sa mort cruelle, a toutes les magnifiques violences de la jeunesse, tandis que l’amour de Juliette, aux mélancolies et aux tendresses de rossignol, unies à la volupté de la rose, commence dans la fraîcheur d’une matinée de printemps et meurt avec la langueur embrasée d’un ciel d’Italie ! […] ce n’est pas cette tragédie, toute pathétique qu’elle soit, qui peut nous étonner dans ce père de tant de tragédies, dans ce remueur de choses terribles, qui les pousse pêle-mêle du pied de son génie, comme le fossoyeur qu’il a inventé dans Hamlet remue les têtes et les os de morts à la pelle ! […] C’est cette vie brillante des feux qui ne s’allument qu’une fois, de la flamme, vierge et céleste, d’un premier amour, et qui conduit deux êtres charmants à la mort partagée, à la tombe partagée, comme fut partagée en un clin d’œil toute leur vie ! […] C’est la vie qui y est encore plus belle que la mort, — la mort plus belle que tout, pourtant, dans les grands poètes, et surtout dans un poète comme Shakespeare !
Au moment où ce grand ministre et serviteur de Henri IV fut forcé de se retirer des affaires après la mort de son maître, il était généralement haï ou du moins très peu populaire. […] J’aime à croire que si Richelieu avait poursuivi ses Mémoires jusqu’à l’année de la mort de Sully, laquelle ne précéda que de peu la sienne, il aurait trouvé d’autres paroles pour rendre justice à un si méritant prédécesseur, et que la pensée morale et humaine exprimée par lui, et qui redouble de valeur sous sa plume, n’aurait pas étouffé les autres considérations d’équitable et haute louange que le nom de Sully rappelle. […] Quand Tallemant des Réaux, par exemple, s’appuyant du manuscrit d’un ancien secrétaire de Du Plessis-Mornay, c’est-à-dire d’un témoignage ennemi, s’amuse à nous conter que tous les soirs, à l’Arsenal, jusqu’à la mort de Henri IV, Sully, déjà arrivé à la cinquantaine, continuait d’aimer si fort la danse « qu’il dansait tout seul avec je ne sais quel bonnet extravagant en tête, qu’il avait d’ordinaire quand il était dans son cabinet », une telle anecdote, qui n’a aucun rapport prochain ni éloigné avec les actes publics de Sully et qui ne saurait être contrôlée, est indigne d’être recueillie par un historien et n’est propre (fût-elle exacte à quelque degré) qu’à déjouer et à dérouter le jugement général, bien loin d’y rien apporter de nouveau. […] Son père lui écrivit alors qu’il eût à obéir en tout à son maître le roi de Navarre, et à conformer sa conduite à la sienne, à aller à la messe, s’il le fallait, à son exemple, et à courir enfin toutes ses fortunes jusqu’à la mort. […] La mort de Charles IX, assiégé de terreurs lorsqu’il se voit tout baigné de son sang dans son lit, et qu’il se rappelle celui des innocents qu’il a fait répandre, est peinte en quelques mots énergiques.
Les dix années qu’elle passa avec son ami furent tout entières consacrées par elle à adoucir son amertume, à favoriser ses goûts, à y entrer autant qu’elle le pouvait, soit qu’il voulût jouer la tragédie, — ses propres tragédies, — à domicile (ce qu’il fit d’abord avec le feu et l’acharnement qu’il mettait à toute chose), soit qu’il lui plût de s’enfermer et de tirer le verrou pour travailler comme un forçat, versifier jour et nuit ou étudier le grec à mort : c’étaient les seules diversions assez fortes pour l’absorber et pour l’aider, tant bien que mal, à endurer les invasions intermittentes de la Toscane par les armées républicaines. […] Alfieri était mort le 8 octobre 1803, à cinquante-quatre ans, usé et consumé avant l’âge, épuisé par la fièvre et la rage du travail. […] Si vous saviez combien de fois j’appelle la mort à mon secours ; mais elle est sourde, elle ne vient que pour ceux qui sont utiles à leurs parents ou à leurs amis. […] Il était de quatorze ans plus jeune qu’elle ; il avait trente-sept ans à la mort d’Alfieri ; elle en avait cinquante et un. […] M. de Chateaubriand, à son premier voyage d’Italie, vit la comtesse et lui fut présenté en 1803, dans le temps même de la mort d’Alfieri ; il a, depuis, dans une page désobligeante de ses Mémoires, affecté trop ouvertement de la sacrifier à Mme Récamier.
Parfois on retrouve dans un tiroir, après une mort, des lettres qui ne devaient jamais voir le jour. […] D’autres fois, enfin, c’est un témoin, un dépositaire de la confidence qui la révèle, quand les objets sont morts et tièdes à peine ou déjà glacés. […] La nouvelle position des deux amants, l’embarras léger des premiers jours, le rendez-vous à la chambre, le bruit de la montre accrochée encore à la même place, le souper à deux dans une seule assiette14, cette seconde nuit qu’ils passent si victorieusement et qui laisse leur ancienne nuit du 23 juin unique et intacte, les raisons pour lesquelles Mlle de Liron ne veut devenir ni la femme d’Ernest ni sa maîtresse, l’aveu qu’elle lui fait de son premier amant, cette vie de chasteté, mêlée de mains baisées, de pleurs sur les mains et d’admirables discours, enfin la maladie croissante, la promesse qu’elle lui fait donner qu’il se mariera, l’agonie et la mort, tout cela forme une moitié de volume pathétique et pudique où l’âme du lecteur s’épure aux émotions les plus vraies comme les plus ennoblies. […] Le père du jeune gentilhomme s’étant opposé au mariage de son fils et de Caliste, mille maux s’ensuivirent, et la mort de Caliste les combla. […] Mais, nous autres, nous sommes devenus plus raisonnables apparemment qu’on ne l’était même sous Louis XV ; nous savons concilier à merveille la religion des morts et notre convenance du moment ; nous avons des propos solennels et des actions positives ; le réel nous console bonnement de l’invisible, et c’est pourquoi l’historien de Mlle de Liron n’a été que véridique en nous faisant savoir qu’Ernest devint raisonnablement heureux.
Boileau1 Depuis plus d’un siècle que Boileau est mort, de longues et continuelles querelles se sont élevées à son sujet. […] En sortant de philosophie, il fut mis au droit ; son père mort, il continua de demeurer chez son frère Jérôme qui avait hérité de la charge de greffier, se fit recevoir avocat, et bientôt, las de la chicane, il s’essaya à la théologie sans plus de goût ni de succès. […] En 1679, à la mort de Jérôme, il logea quelques années chez son neveu Dongois, aussi greffier ; mais bientôt, après avoir fait en carrosse les campagnes de Flandre et d’Alsace, il put acheter avec les libéralités du roi une petite maison à Auteuil, et on l’y trouve installé dès 1687. […] Dans une lettre, datée de 1695 et adressée à M. de Maucroix au sujet de la mort de La Fontaine, on lit ce passage, le seul touchant peut-être que présente la correspondance de Boileau : « Il me semble, monsieur, que voilà une longue lettre. […] Boileau, depuis la mort de Racine, ne remit pas les pieds à Versailles ; il jugeait tristement les choses et les hommes ; et même, en matière de goût, la décadence lui paraissait si rapide, qu’il allait jusqu’à regretter le temps des Bonnecorse et des Pradon.
C’est en 1843, c’est-à-dire cinquante années juste après la mort de Barnave, qu’ont paru ses Œuvres très authentiques recueillies par la piété d’une de ses sœurs, Mme de Saint-Germain, aidée des soins de M. […] Barnave avait vingt-sept ans au moment où il fut élu membre des États généraux, et il est mort à trente-deux ans. […] Il faut citer cette page heureuse par laquelle il prend place entre Vauvenargues et André Chénier, ses frères naturels, morts au même âge, qu’on aime à lui associer pour le talent et pour le cœur comme pour la destinée. Sur sa mère (Après la mort de son frère) Elle s’était levée malade ; nous descendîmes tous pour déjeuner ; après quelques moments, elle vint aussi, mais elle ne voulut rien prendre ; cela faisait de la peine à tout le monde. […] Il fallut toute sa vie et surtout sa mort pour le racheter.
Le 23 du mois dernier, est mort dans la force de l’âge un homme dont le nom et les œuvres n’étaient guère connus que de ceux qui s’occupent des productions de l’esprit, mais qui était fort apprécié par les meilleurs juges, d’une intelligence rare, élevée, étendue et sérieuse, d’un goût fin, curieux, quelquefois singulier, mais distingué toujours, d’un caractère à part, ironique et original ; écrivain des plus spirituels et des moins communs, et qu’il serait injuste de traiter comme il semblait par moments désirer qu’on le fît, c’est-à-dire par l’omission et le silence. […] Les connaisseurs pourtant ont retenu et me signalent du doigt dans ces volumes un vrai bijou, la vie et la mort de Mayeux, le fameux Mayeux (le type grotesque de notre versatilité politique), venu au monde à Paris le 14 juillet 1789, et qui s’est successivement appelé Messidor-Napoléon-Louis-Charles-Philippe Mayeux, selon les noms des divers régimes qu’il a, tour à tour, épousés ou répudiés, Mayeux un moment porté sur le pavois après 1830, et qui meurt, vers 1833, de douleur et de honte d’avoir été renvoyé des rangs de la Garde nationale et rayé des contrôles comme coupable de faire rire. […] Il est permis de croire que, quand il s’adressait à l’époque assez peu étudiée de Louis XIII, avec le dessein de la poursuivre jusque sous la Fronde et de ne s’arrêter qu’à la mort de Mazarin, il était un peu conduit par le désir de contredire les idées communes, de faire justice de certaines préventions et de retourner du tout au tout certaines opinions consacrées. […] Ainsi, quand le comte de Soissons se rapproche de son neveu le prince de Condé en 1611, et unit ses intérêts aux siens, cette association est si bien liée, que les mémoires du temps font remarquer avec surprise que rien ne put la rompre jusqu’à la mort du comte de Soissons, « qui arriva un an après ». […] Par exemple, en mars 1612, deux ans après la mort de Henri IV, à l’occasion du double mariage annoncé entre les maisons de France et d’Espagne, l’historien nous montre le deuil public faisant place à des fêtes « où allait se réveiller cette passion du luxe, de l’éclat et du plaisir, si longtemps ensevelie sous la triste livrée du regret ».
Il y a vingt-cinq ans, lorsqu’une école lyrique nouvelle s’annonçait en France avec éclat, Le Brun pouvait être étudié comme un précurseur18 : aujourd’hui que cette école lyrique a fourni sa course, et qu’elle a plus ou moins donné tout ce qu’on en pouvait attendre, Le Brun ne se présente plus que comme un mort qu’il s’agit de bien ressaisir en lui-même, sans préoccupation du présent et en toute impartialité. […] Mais quand Jean-Baptiste Rousseau s’échauffe dans son ode au comte Du Luc, ou sur une naissance ou sur une mort de prince du sang, il a beau produire quelques tons brillants et harmonieux, le vide des idées et des sentiments se fait aussitôt sentir ; le factice du genre apparaît ; cet auteur qui, de propos délibéré, entre en délire, trouve des lecteurs froids, et il les laisse froids. […] Il dira dans la même ode, et toujours dans le même sentiment : Vivant, nous blessons le grand homme ; Mort, nous tombons à ses genoux : On n’aime que la gloire absente ; La mémoire est reconnaissante, Les yeux sont ingrats et jaloux. […] Il prétend régner sur des morts ! […] Fayolle, littérateur instruit et bienveillant, et qu’il nous a été très bon de consulter personnellement sur ce temps-là. — Il est mort à Sainte-Périne, où il était la dernière fois que nous le vîmes.
L’an 1129, sous le règne de Louis VI, un feu du ciel tomba sur la ville de Paris, il dévorait les entrailles et l’on périssait de la mort la plus cruelle. […] Au-dessous, au lieu le plus bas de la terrasse, à l’angle droit du massif, s’ouvre un égout d’où sortent les deux pieds d’un mort et les deux bouts d’un brancard. […] Au-delà de cette femme la terrasse s’affaisse, se rompt, et va en descendant jusqu’à l’angle droit inférieur du massif, à l’égout, à la caverne d’où l’on voit sortir les deux bouts du brancard et les deux jambes du mort qu’on y a jeté. […] Mais ce que j’estime surtout dans la composition de Doyen, c’est qu’à travers son fracas tout y est dirigé à un seul et même but, avec une action et un mouvement propre à chaque figure, toutes ont un rapport commun à la sainte : rapport dont on retrouve des vestiges même dans les morts. […] Le cadavre effrayant qui pend du massif avait les bras élevés vers le ciel quand il est tombé mort, comme on le voit.
Un autre quitte les arrêts de mort pour aller danser de tout son cœur. […] Là-dessus, il fut condamné à mort par les magistrats de Sparte, comme ayant désobéi. […] Il s’agit de la conduite du duc de Bourgogne après la mort de sa femme. […] Manlius, punis de mort pour avoir aspiré à la dignité royale. […] Apollonius de Tyane ressuscitait les morts.
Nous maintenons l’abbé Delille mort et bien mort, dans le sens qu’on va lire. […] Le Franc, dont j’honore le talent, l’a tentée, et je lui ai prédit qu’il échouerait. » — « Cependant, continue Delille en son récit, le fils du grand Racine voulut bien me donner un rendez-vous dans une petite maison où il se mettait en retraite deux fois par semaine, pour offrir à Dieu les larmes qu’il versait sur la mort d’un fils unique… Je me rendis dans cette retraite (du côté du faubourg Saint-Denis) ; je le trouvai dans un cabinet au fond du jardin, seul avec son chien qu’il paraissait aimer extrêmement. […] Tout ce qu’on saurait imaginer de ressources, de grâces, de facilité, de hors-d’œuvre et de main-d’œuvre (non pas d’art véritable) dans ce genre, il le déploya ; et le prestige, malgré des protestations nombreuses, dura jusqu’à sa mort. […] M. de Feletz a écrit le lendemain de sa mort : « J’oserai dire qu’il a été plus heureusement doué encore comme homme d’esprit que comme grand poète. » En y mettant moins de prenez-y-garde, nous ne dirions guère autrement. […] Nous maintenons l’abbé Delille mort et bien mort, dans le sens qu’on va lire.
Tous les jours, quand je passe triste devant cette place vide des Champs-Élysées, où fut sa maison, plus semblable à un temple démoli par la mort, je pâlis, et mes regards s’élèvent en haut. […] car je ne l’avais pas connu et ne comprenais pas encore la mort ! […] « “Je devrais faire assurer ma vie pour laisser, en cas de mort, une petite fortune à ma mère ; toutes dettes payées, pourrais-je supporter ces frais ? […] L’anarchie, c’est la mort violente de l’espèce humaine. L’immobilité, c’est sa mort lente.
… Tout va bien… tout va bien. — Il ne reste maintenant qu’à faire une nouvelle levée, pour remplacer ceux qui sont morts ! […] Mais tu serais mort à moitié chemin. […] Tout semblait mort au loin, tous les êtres se cachaient, se blottissaient dans quelque trou ; on n’entendait que la glace crier sous vos pieds. […] Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux être mort ? […] … Tu lui diras que je suis mort en l’embrassant et que tu lui portes ce baiser d’adieu !
La peine est due, soit à l’épuisement, soit à la destruction ou à la rupture du tissu sensible ; désavantages qui, en se prolongeant, entraîneraient la mort de l’individu ou de sa descendance. […] La vie, a-t-on dit, est l’ensemble des forces qui résistent à la mort : la lutte pour vivre est continuelle. Le plaisir est la victoire, la douleur est la défaite ; le plaisir est la vie, la douleur est la mort. Toute souffrance est une mort partielle qui s’accomplit dans quelque organe, dans quelque fonction. […] C’est qu’elles sont pour nous un aveuglement momentané, une suppression de la vue avec la lumière même, une mort de la vue.
* * * — De son mari, malade, poitrinaire, et qui a les caprices d’estomac de la mort, ma femme de ménage disait : « Il mange ses idées ! […] Dormir vingt-quatre heures dans un de ces tombeaux qui ont pour pierre, sur la mort du bruit, une montagne ou une pyramide. […] Je ne vois guère plus de travailleurs dans cette manière que Flaubert et nous, et, notre trio mort, je ne vois pas qui nous succédera. […] Vilaines, ces morts toutes de publicité. […] Au milieu du fatras d’une publication de spéculation, il y a d’admirables tableaux, des renseignements sans prix sur la formation d’une imagination d’écrivain, des portraits de caractères saisissants, des scènes merveilleusement dites, comme la mort xviiie siècle de sa grand-mère et son héroïsme douillet, comme la mort si parisienne de sa mère : des scènes, qui arrachent l’admiration et quelquefois les larmes.
Beaucoup d’espèces sans doute ont disparu par le concours des circonstances extérieures ; la plupart cependant ont péri de mort naturelle. […] Ainsi toute nation, eût-elle échappé aux causes extérieures de destruction, est condamnée à mourir tôt ou tard de sa belle mort. […] En fait, aucun peuple ne s’est vraiment éteint de vieillesse ; beaucoup ont péri sous les coups de plus forts ; les autres sont morts parce qu’ils ont rejeté la vie. […] Pour Anaximène, c’est l’air, car la respiration cesse avec la mort. […] Toujours il est vrai que les organes ont dû s’adapter entre eux et aux conditions des milieux pour assurer dans la mesure du possible la victoire de la vie sur la mort.
Et puisque nous voilà tuant des morts, tuons-les tous. […] — Le naturalisme est-il mort ? […] Croyez-vous qu’il soit mort ? […] Plusieurs de nos confrères déclarent que le naturalisme est mort. […] Alexis annonce : « Naturalisme pas mort.
J’étais revenu le matin, à midi, le soir, étudier les différents effets des heures du jour sur cette statue du Génie de la Mort. […] Ce père, mort jeune, l’avait confié à un sculpteur de ses amis, à Venise ; le jeune homme y avait appris les rudiments d’une sculpture grossière et purement industrielle ; il était né peu à peu de lui-même, comme naît le véritable génie, qui ne sort pas de l’école, mais de la nature. […] J’ai passé autant d’heures de contemplation délicieuses au pied du mausolée de Clément XIV, à Saint-Pierre, entre le Génie de la Mort et les lions de la force au repos, que j’en ai passé au pied du mausolée de Julien de Médicis, par Michel-Ange, à San-Lorenzo de Florence. […] Recueillez-vous, comme je l’ai fait souvent tout un jour, dans la chapelle funéraire des Médicis, de San-Lorenzo ; contemplez d’abord l’admirable et sobre architecture de cette chapelle, cadre austère de quatre tombeaux portés et incrustés dans les murs, puis levez les yeux vers ces morts vivants ! […] Enchaînée par le respect à la tradition religieuse, vouée à la tristesse par les mœurs et les usages de la vie égyptienne, elle demeure frappée d’immobilité comme l’esprit humain lui-même, pontife consacré du culte de la mort.
Sainte-Beuve est mort convaincu que Châtelain avait fait du faux petit Constant ; M. […] Je me juge, et je reste calme, froid, indifférent ; je suis le mort et je me regarde mort, sans que cela m’émeuve ou me trouble autrement. […] Mob, c’est la mort, dans son sens le plus étendu, le plus spirituel ; c’est la mort du corps, de la foi, de l’âme ; c’est la Négation personnifiée, dont l’ironie flétrit toutes choses. […] Elle ne pourra t’entraîner dans sa mort ; toi, tu ne pourras l’entraîner dans ta vie. […] Plus de deuil, il n’est pas mort ; plus d’épouvante, il ne vit pas.
Lorsque les Commentaires de Montluc furent imprimés pour la première fois quinze ans après sa mort, en 1592, l’éditeur les fit précéder d’une dédicace « À la noblesse de Gascogne » qui est en des termes dignes de son objet : Messieurs, comme il se voit de certaines contrées qui produisent aucuns fruits en abondance, lesquels viennent rarement ailleurs, il semble aussi que votre Gascogne porte ordinairement un nombre infini de grands et valeureux capitaines, comme un fruit qui lui est propre et naturel ; et que les autres provinces, en comparaison d’elle, en demeurent comme stériles… C’est votre Gascogne, messieurs, qui est un magasin de soldats, la pépinière des armées, la fleur et le choix de la plus belliqueuse noblesse de la terre, et l’essaim de tant de braves guerriers… Sans faire tort aux autres provinces et sans accepter ces injurieuses préférences de l’une à l’autre, il est un caractère constant et qui frappe dans les talents comme dans les courages de cette généreuse contrée, et l’on ne saurait oublier, en lisant Montluc, que cette patrie de Montesquieu et de Montaigne, comme aussi de tant d’orateurs fameux, fut celle encore, en une époque chère à la nôtre, de ces autres miracles de bravoure, Lannes et Murat. […] Montluc, qui ne faisait pas semblant d’entendre, écouta la réponse du marquis : « Celui-là fera toujours bien partout où il se trouvera. » Ces petites pointes d’honneur servent beaucoup à la guerre, remarque-t-il ; et c’est pourquoi il ne se fait faute de mettre telles paroles par écrit, bien qu’elles soient à sa louange : « Capitaines, et vous seigneurs, qui menez les hommes à la mort, car la guerre n’est autre chose, quand vous verrez faire quelque brave acte à un des vôtres, louez-le en public, contez-le aux autres qui ne s’y sont pas trouvés. […] Ayant à parler en passant d’André Doria, le grand amiral génois, dont le mécontentement et par suite la défection furent cause de beaucoup de pertes qui advinrent au roi de France, de celle de Naples et autres malheurs : « Il semblait, dit Montluc, que la mer redoutât cet homme ; voilà pourquoi il ne fallait pas, sans grande et grande occasion, l’irriter ou mécontenter. » M. de Lautrec mort, on dut lever le siège de devant Naples et s’en revenir. Montluc s’en revient à pied pendant la plus grande partie du chemin, continuant de porter son bras en écharpe, « ayant plus de trente aunes de taffetas sur lui, parce qu’on lui liait le bras avec le corps, un coussin entre deux ; souhaitant la mort mille fois plus que la vie, car il avait perdu tous ses seigneurs et amis qui le connaissaient. » Il rentre en sa maison, est deux ou trois ans à s’y guérir, et plus tard, quand la guerre se réveille et qu’il reprend le service, il croit avoir tout à faire et à recommencer sa carrière comme le premier jour.
Il les harangue en son meilleur italien, et, dans cette occasion comme dans toute autre, il montre assez quelle importance il attache à savoir bien parler la langue des divers pays où il sert, et à joindre une certaine éloquence aux autres moyens solides : « Je crois que c’est une très belle partie à un capitaine que de bien dire. » Il remonte donc par ses paroles le moral ébranlé des Siennois, leur rend toute confiance, et l’on se promet, citoyens d’une part, colonels et capitaines de l’autre, de ne point séparer sa cause et de combattre jusqu’à la mort pour sauver la souveraineté, l’honneur et la liberté. […] Telles étaient les qualités fines et savantes dont se guidait son indomptable bravoure, et que, sans la paix de Câteau-Cambrésis et la mort de Henri II (1559), il eût encore pu employer si utilement pour le service de la France. Le temps de la gloire pour Montluc est fini ; à la veille de la mort de Henri II dans ce malheureux tournoi, et la nuit même qui précéda le coup fatal, Montluc raconte qu’étant chez lui, en sa Gascogne, il eut un songe qui lui représentait, avec toutes sortes de circonstances frappantes, son roi mort et tout saignant, et il s’éveilla éperdu, la face tout en larmes, racontant aussitôt son pronostic à sa femme et, le matin, à plusieurs amis.
Dans une lettre à Saint-Vincens, après la maladie de ce dernier, et en réponse à un récit que le convalescent paraît lui avoir fait de ses dispositions et impressions en présence de la mort, on lit : Je ne suis point surpris de la sécurité avec laquelle tu as vu les approches de la mort ; il est pourtant bien triste de mourir dans la fleur de la jeunesse ! […] La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes. […] Gilbert a rassemblé à ce propos différents passages de ses maximes et de ses caractères, qui se rapportent évidemment à cette situation personnelle ; on le soupçonnait auparavant, on en est sûr désormais : et par exemple dans ce portrait de Clazomène qui est tout lui : « Quand la fortune a paru se lasser de le poursuivre, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, la mort s’est offerte à sa vue ; elle l’a surpris dans le plus grand désordre de sa fortune ; il a eu la douleur amère de ne pas laisser assez de bien pour payer ses dettes, et n’a pu sauver sa vertu de cette tache. » L’amitié si tendre, si familière, que nous voyons établie entre Vauvenargues et Saint-Vincens nous permet de nous figurer en la personne de ce dernier un de ces amis dont La Fontaine avait vu des exemples autre part encore qu’au Monomotapa : Qu’un ami véritable est une douce chose !
Jusqu’au dernier moment du fatal procès, l’Espagne essaya d’intervenir et d’arrêter la sentence de mort : Danton, pour toute réponse, demanda que « sur-le-champ, pour punir l’Espagne de son insolence, on lui déclarât la guerre, et qu’on enveloppât le tyran de Castille dans l’extermination de tous les rois du continent. […] Mais les plans des représentants sont-ils donc comme l’Arche du Seigneur, qu’on ne puisse les toucher du doigt sans être frappé de mort ? […] Le mépris de la mort en était arrivé chez eux à ce point « qu’il n’en mourait guère, dit une Relation officielle, sans avoir sur les lèvres un bon mot qui renfermait un vœu pour la patrie » Tels étaient les soldats que Dagobert léguait en mourant à la France. […] La mort trop prompte du héros, après la libération définitive du territoire et à l’entrée de la conquête en Catalogne, est éloquemment déplorée.
Ce fut nous du moins pendant des siècles ; nous avions arrangé nos affaires pour ne regarder que la terre et l’existence présente, et pour être débarrassés de tout ce qui gênerait l’action : nous avions donné procuration à l’Église de régler pour nous la question de la destinée, de la mort et de l’éternité, de façon à n’y plus penser que dans les courts moments où elle nous établit notre compte. […] La pièce est curieuse, plus oratoire que lyrique, avec plus de raisonnement que de passion, et un emploi significatif du lieu commun moral : Comtes ni ducs ni tes rois couronnés Ne se pourront à la mort dérober : Car, quand ils ont grands trésors amassés, Plus il leur faut partir à grand regret. […] L’amant à genoux, humble, dévot, ardent, reçoit la vie ou la mort de sa dame : il désire l’honneur et le bien de sa dame plus que sa vie propre : il a assez de bonheur, s’il aime : il est joyeux de souffrir, et accroît son mérite en souffrant. […] Il mourut après 1120. — Le Châtelain de Coucy paraît avoir été Gui II, mort en 1201, qui prit part aussi à la quatrième croisade.
Je crois que nous sommes beaucoup à avoir senti un petit frisson triste quand un bref et indifférent écho nous annonça la mort du poète. […] En un petit article qu’imprimaient les Entretiens, il précisait les progrès vers l’assouplissement du vers français, depuis — pour prendre une date émouvante et respectueusement significative — la mort de Victor Hugo. […] IV La mort de l’illustre poète Leconte de Lisle serait un prétexte suffisant à dire le goût qu’on a de son œuvre, à analyser son génie, à citer les plus violentes de ses boutades. […] Déjà la plume de Baudelaire ne tremblait pas quand il lamentait les accords mourants du Portrait : La maladie et la mort font des cendres De tout le feu qui pour nous flamboya, De ces grands yeux si fervents et si tendres, De cette bouche où mon cœur se noya… Ainsi c’était trouvé avant Leconte de Lisle l’art d’être ému et d’émouvoir sans geste.
« L’Art chrétien est mort le jour où un pape s’est avisé de voiler les nudités de Michel-Ange, dans le Jugement dernier. » Charles Morice, qui dit cela, ne peut souffrir l’imagerie ni les divinités en carton-pâte du style Saint-Sulpice. […] Sous le manteau des lettres s’établit entre eux l’une de ces amitiés solides qui ne se dénouent qu’avec la mort. […] La revue La Connaissance (9, galerie de la Madeleine) annonce la publication d’extraits du Mémoire secret de Barras d’où il résulterait que Louis XVII, dont l’évasion du Temple ne fait plus aucun doute, serait mort à l’âge de vingt ans en Allemagne. […] René Martineau : Un vivant et deux morts (Biblioth. des Lettres françaises), Paris, 1914.
Les premiers en renommée, dans ce groupe de noms mémorables, ont été frappés par la mort presque en même temps que celle qui en faisait l’attrait principal et le lien. […] Mme Récamier l’avait vu pour la première fois chez Mme de Staël, en 1801 ; elle le revit pour la seconde fois en 1810 ou 1817, vers le temps de la mort de Mme de Staël, et chez celle-ci encore. […] Après la mort de M. […] Achille Devéria a tracé d’elle, le jour de sa mort, une esquisse fidèle qui exprime la souffrance et le repos.
Linière mourut ferme dans ses principes, aussi bien que Saint-Pavin, quoiqu’on ait publié qu’il s’étoit converti au bruit d’une voix effrayante qu’il avoit cru entendre à la mort de Théophile. […] Quinault est mort en 1688, se repentant d’avoir fait des opéra. […] Il n’y a pas longtemps qu’il est mort un vieillard, qui avoit aidé au patissier à faciliter le débit de ses biscuits, & des vers de l’abbé Cotin. […] Tant de ridicules essuyés à la fois plongèrent Cotin dans une affreuse mélancolie ; de manière que plusieurs années avant sa mort, il tomba dans une espèce d’enfance.
Mais tu ne croiras pas, avant d’avoir inondé ces plaines de ton sang, et jusqu’à ce que ce fleuve apporte des milliers de tes morts dans la vaste mer, à l’extrémité de la terre fertile, et que ta chair serve de pâture aux poissons, aux oiseaux, et aux bêtes féroces qui habitent ces terres. » Puis, de cette réminiscence homérique appliquée si tragiquement aux blessures récentes de Rome, la même prédiction, le même texte mystérieux, passait à d’autres révélations plus consolantes : « Romains, disait-il, si vous voulez chasser l’ennemi et ce chancre dévorant qui vous est venu de loin, il faut, c’est mon avis, consacrer des jeux qui, chaque année, se renouvellent pieusement pour Apollon, le peuple en acquittant une partie et les citoyens le reste, chacun pour soi. […] J’ai vu, j’ai souffert le supplice de voir Hector traîné à la queue d’un char il quatre chevaux, et le fils d’Hector précipité des remparts164. » Ce n’est point là sans doute la tendre et touchante Andromaque de Racine, cette création mi-partie chrétienne par l’anachronisme involontaire du poëte mêlant sa religion à son art ; ce n’est pas non plus la conception un peu déclamatoire de Sénèque, celle d’une Andromaque bravant avec fierté la mort, quand elle croit avoir sûrement caché son fils dans le tombeau d’Hector. […] À l’aide, citoyens, accourez l’éteindre. » Puis, avec ce rhythme court et rompu, comme les tressaillements de l’alerte militaire : « Déjà, sur la grande mer, se déploie la flotte rapide ; la guerre vole avec la mort ; la troupe féroce arrive, et sous ses vaisseaux ailés elle a couvert les rivages. » Nul doute que, même transporté, traduit, dépaysé, le pathétique de ce rôle ne dût être contagieux pour la foule. […] Dans ces jours de servitude, où des vers élégiaques non publiés et lus seulement par l’auteur à quelques cercles de femmes, étaient punis de mort, quel poëte aurait osé porter sur la scène les crimes ou les revers de la tyrannie ?
La mort du bon curé le laissa sans ressources ; c’est alors qu’il revint à Paris, rappelé par l’ami de son père. […] C’est là qu’isolé, tout à fait aveugle, après avoir passé par les horreurs d’une tentation sinistre de mort, un matin de printemps, il s’avisa de demander à la poésie, au chant, quelque chose de ce qu’il avait demandé vainement au pinceau et à la lumière, un haut refuge du moins, une patrie idéale où se reposer.
Louis Veuillot Il a, pour servir ses passions, dégradé la langue comme l’âme du peuple… Il a parodié les paroles de la prière pour outrager les sentiments chrétiens ; il a tourné en ridicule la foi, les sacrements, la pudeur et la mort… [Mélanges, tome III, 2e série.] […] Il est mort plein de jours, en possession d’une immense sympathie publique, et je ne veux, certes, contester aucune de ses vertus domestiques ; mais je nie radicalement le poète aux divers points de vue de la puissance intellectuelle, du sentiment de la nature, de la langue, du style et de l’entente spéciale du vers, dons précieux, nécessaires, que lui avaient refusés tous les dieux, y compris le dieu des bonnes gens, qui, du reste, n’est qu’une divinité de cabaret philanthropique.
DORAT, [Jean] Professeur Royal en Langue Grecque à Paris, né dans le Limousin en 1507, mort à Paris en 1588. […] DORAT, [Claude-Joseph] mort à Paris en 1780, âgé de 44 ans.
Montaigne étant mort, mademoiselle de Gournai tourna toutes ses affections du côté de Racan. […] On ne la lut point après sa mort.
Tous les personnages qui font quelque figure dans l’histoire de Charles IX et dans l’histoire de ses freres, même les ecclesiastiques, sont péris de mort violente. […] Je ne sçais par quelle fatalité Henri II les trois rois ses enfans et Henri IV qui se succederent immédiatement, moururent tous cinq de mort violente, malheur qui n’étoit pas arrivé à aucun de nos rois de la troisiéme race, bien que la plûpart eussent regné dans des temps difficiles, et où les hommes étoient plus grossiers que dans le seiziéme siecle.
Taine sur un point spécial, quand il méconnaît ceux qui sont animés par le dévouement, le courage poussé jusqu’à l’héroïsme, ceux qui bravent la mort, se donnent à la fièvre. […] De ce que vous ne saisissez pas l’utilité immédiate d’un acte, il n’empêche que, du moment qu’il a nécessité pour sa production les qualités les plus viriles, par exemple le mépris de la mort, il est beau, utile.
Langlais, représentant de la Sarthe, qui fut ensuite conseiller d’État, et qui est mort chargé d’une mission près de l’empereur Maximilien au Mexique. […] C’est une douceur profonde que de trouver de pareils amis dans le passé et de pouvoir vivre encore avec eux malgré la mort. » Elle avait fait une pièce de vers sur le Jour des morts, qui était le jour anniversaire de sa propre naissance ; elle y disait, en s’adressant à ces chers défunts qu’on a connus : Vous qui ne pleurez plus, nous aimez-vous toujours ? […] Elle a rempli tous ses devoirs envers Dieu, envers nous. — Épargnons-nous ce remords de frapper cet esprit pur et divin. » Et après la mort : « (11 septembre 1850)… La volonté du Ciel est terrible, quand elle s’accomplit sur des êtres si faibles et si tendres que nous. » Mais tout à coup, dans ce ciel si lourd, si chargé, si sombre, un éclair inespéré a lui : « (14 janvier 1851)… Ondine se marie ! […] Quand il faut de part et d’autre travailler durement pour ne pas tomber dans la dernière indigence, les ailes de l’âme se replient et remettent tous les élans à l’avenir. » Pour l’anniversaire de la mort de sa sœur Eugénie, elle écrit à cette même nièce : « (6 septembre 1854)… Il me serait bien difficile de penser à ton adorable mère sans te mêler aussi dans les larmes que mon cœur lui donne, ma pauvre enfant, toi qu’elle a tant aimée ! […] La mort de sa fille Inès.
Il disposera à son gré les pierres nuancées ; il arrangera les ramures droites sur les troncs élancés ou pliants et chargés d’oiseaux ; il sèmera le gazon de branches mortes et laissera entrevoir, parmi la feuillée, une large rivière, avec de grands lis et un torse de vierge, etc. […] N’y regardez pas de trop près, « Les aimés que la vie exila », cela veut-il dire « ceux pour qui la vie fut un exil », ou « ceux qui ont été exilés de la vie, ceux qui sont morts » « L’inflexion des voix chères qui se sont tues », qu’est-ce que cela ? […] Peut-être parce que Platon est mort voilà plus de deux mille ans et parce qu’un coin de rue parisienne est extrêmement différent de l’idée que nous nous faisons du Pnyx ou de l’Acropole Mais, à ce compte, tout est drôle Parfaitement. […] On conçoit qu’il y ait un rapport, une ressemblance entre le souvenir et le crépuscule, entre la mélancolie du couchant, du jour qui se meurt, et la tristesse qu’on éprouve à se rappeler le passé mort. […] Il pleure la mort du prince impérial, parce que le prince fut bon chrétien, et il se repent de l’avoir méconnu : Mon âge d’homme, noir d’orages et de fautes, Abhorrait ta jeunesse…..
Plus tard, quand Eschyle sera mort ou exilé, on fera silence. […] Ainsi Shakespeare, mort, entra dans l’oubli ; Eschyle, dans la gloire. […] Aristophane lui fit dire dans les Grenouilles « Je suis mort, mais ma poésie est vivante. » Aux grands jours d’Eleusis, le héraut de l’aréopage souffla en l’honneur d’Eschyle dans la trompette tyrrhénienne. […] Mais en présence du respect universel pour Eschyle mort, ces impudentes retouches étaient impossibles, et ce qui est vrai de Davenant est évidemment inexact de Bion et d’Euphorion. […] Et la poésie a deux oreilles : l’une qui écoute la vie, l’autre qui écoute la mort.
Jules de Prémaray, ayant à prononcer l’éloge funèbre de Jules Lorin, de regrettable mémoire, l’appelle, dans son dernier feuilleton, « un rêveur charmant et mort ». […] Il en est même que la mort n’a pu soustraire aux gamineries sacrilèges de sa plume. […] Mais laissons le Théâtre-Français enterrer ses morts dans une pieuse solitude, qu’agrandit chaque jour le respect bien avisé de la foule. […] Toujours à l’occasion de cette mort du czar, M. […] Les deux amants se donneront la mort dans un champ de trèfles et resteront sur le carreau.
Un homme a été tué : à l’instant même je crois et je proclame qu’il doit y avoir une cause à cette mort. […] Le grand ressort du pathétique serait alors la représentation de la mort, surtout celle du dernier supplice. […] Ils ont donc combattu, et ils sont morts pour une chimère ! […] Un tyran, la mort à la main, peut vous contraindre à paraître l’admirer, mais non point à l’admirer en effet. […] On l’a condamné à mort, on va l’exécuter, lui ôter la vie.
Je joindrais a ces noms ceux de Lacordaire et de Berryer, si depuis trente ou quarante ans à peine qu’ils sont morts, le virtuose de la tribune et celui de la chaire n’étaient devenus l’un et l’autre à peu près illisibles. […] I]. — Ses dernières années, — sa mort, — et ses « funérailles ». […] On a encore publié, depuis la mort du poète, cinq ou six volumes de ses Œuvres posthumes et un volume de Correspondance. […] VI, 1863 ; — Émile Montégut, Nos morts contemporains, t. […] Mettons enfin à part : Caliban, 1878 ; — L’Eau de Jouvence, 1880 ; — Le Prêtre de Némi, 1885 ; — 1802, dialogue des morts, 1886 ; — et L’Abbesse de Jouarre, 1886.
Mais quand il vient à se rappeler que cette société, la première qu’il ait remarquée, est aussi la première qui ait disparu à ses yeux ; quand il montre la mort dépeuplant par degrés cette maison heureuse, une chambre qui se ferme et puis une autre, et le quadrille de l’aïeule devenu impossible, faute des partners accoutumés, il touche alors à une corde de sensibilité intime dont ses Mémoires nous rendent plus d’un tendre soupir. […] Toute main est bonne pour nous donner le verre d’eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fièvre de la mort. […] On le voulut sauver en lui filant une corde : « Je suis prisonnier sur parole, » s’écrie-t-il du milieu des flots ; et il revient à terre, où il est fusillé avec Sombreuil. — Gesril, vous êtes mort en héros, vous avez égalé Régulus et surpassé d’Assas ; et qui connaît votre nom cependant ? […] Flins a beau être mort de toute la mort d’une médiocrité spirituelle, une goutte d’ambre est tombée sur son nom et le conserve ; il y a quelque chose de lui enchâssé dans la base de marbre de cette statue immortelle. […] Puis au retour, après le mariage, l’émigration ; la guerre au siège de Thionville, les veilles nocturnes du camp qui ont servi à peindre celles d’Eudore dans les Martyrs ; la blessure, le retour à Namur par les Ardennes où le poëte, qui a ébauché déjà Atala et René, est près de mourir d’épuisement ; Jersey, Londres ; la vie de misère et de noble fierté, l’Essai sur les Révolutions, l’histoire divine de Charlotte, et, à la nouvelle de la mort d’une mère pieuse, la pensée conçue, le vœu du Génie du Christianisme.
A propos de la mort de M. le Duc (1710), il nous dit avec ce feu qui mêle tout, et qui fait tout voir à la fois : « Il étoit d’un jaune livide, l’air presque toujours furieux, mais en tout temps si fier, si audacieux, qu’on avoit peine à s’accoutumer à lui. […] Déjà le poëte Sarasin était mort autrefois sous le bâton d’un Conti dont il était secrétaire. […] Molière était mort ; longtemps après Pascal, La Rochefoucauld avait disparu ; mais tous les autres restaient là rangés. […] Il avait dit dès sa première édition : « Combien d’hommes admirables et qui avoient de très-beaux génies sont morts sans qu’on en ait parlé ! […] Benserade, à qui le signalement de Théobalde sied assez, était mort ; était-ce Boursault qui, sans appartenir à l’Académie, avait pu se coaliser avec quelques-uns du dedans ?
Souvent le cadet s’est contenté de démarquer les pièces du grand frère : Camma est en rapport étroit avec Pertharite, le Comte d’Essex avec Suréna ; mais surtout la Mort d’Annibal est une seconde épreuve de Nicomède ; Laodice visiblement n’est qu’un reflet de Rodogune. […] Ainsi sont construites les tragédies d’Andromaque, de Britannicus, de Bérénice, d’Iphigénie (sauf le miracle mythologique qui renverse le dénouement logique) : Bajazet un peu, Mithridate davantage, Phèdre surtout admettent certains faits du dehors à modifier l’action ; mais il est remarquable que pour les deux dernières, ces faits (mort, résurrection, retour de Mithridate et de Thésée) sont des hypothèses nécessitées par la vérité psychologique, et point du tout des ressorts disposés pour la surprise. […] Même variété parmi les femmes, ou plus grande encore : Bérénice, tendre, élégiaque, mélancolique, avec des réveils d’énergie pour ressaisir l’arme féminine de la coquetterie ; Phèdre, malade d’amour à mourir, et voulant mourir sans parler, parlant quand, trompée par son malheur, elle se croit libre, consentante alors à sa passion débordée, atterrée par le retour de Thésée, et laissant par honte, pour cacher la faute déjà faite, se consommer un plus grand crime, ramenée par le remords pour démentir la calomnie, replongée plus profondément dans le mal par une crise effroyable de jalousie, et, aussitôt que l’irréparable est consommé, repentante, enfin se rachetant par la confession publique et la mort volontaire ; Roxane, plus simple, sensuelle, et féroce, qui sans cesse donne à choisir à son amant entre elle et la mort, sans esprit, sans âme, animal superbe et impudique. […] Cf. p. 506 et 524-5. — Principales tragédies : Timocrate, 1656 ; Stilicon, 1660 ; Camma, 1661 ; Maximien, 1662 ; Laodice, 1668 ; la Mort d’Annibal, 1669 ; Ariane, 1672 ; le Comte d’Essex, 1678. […] Principales tragédies : la Mort de Cyrus, 1656 ; Amalasonte, 1657 ; Astrate, 1664.
. — La Vie et la mort d’un clown : la demoiselle en or, roman (1879). — La Vie et la mort d’un clown : la petite Impératrice, roman (1879). — Les Mères ennemies, roman (1880). — La Divine Aventure, en collaboration avec Richard Lesclide (1881). — Le Roi vierge, roman contemporain (1881). — Le Crime du vieux Blas, nouvelle (1882). — Monstres parisiens, 1re série (1882). — L’Amour qui pleure et l’Amour qui rit, nouvelles (1883). — Les Folies amoureuses, nouvelles, réédition (1883). — Le Roman d’une nuit, réédition (1883). — Les Boudoirs de verre, contes (1884). — Jeunes filles, nouvelles (1884). — Jupe courte, contes (1884). — La Légende du Parnasse contemporain (1884). — Les Mères ennemies, drame en trois parties (1883). — Les Contes du rouet (1885). — Le Fin du fin ou Conseils à un jeune homme qui se destine à l’amour (1885) […] Jamais nous n’avons assisté à une représentation aussi lamentablement désolante… Que la censure, puisque cette institution existe, ait toléré la mise en scène d’un spectacle si bien fait pour énerver les âmes, pour leur donner l’admiration de ce crime qu’on a raison d’appeler le plus grand de tous, puisqu’il est le seul dont on ne puisse se repentir, — que la censure, disons-nous, se soit associée, en la laissant jouer, à cette sanctification du suicide, qu’elle ait donné son visa officiel à cette sorte d’hymne de la mort volontaire, et qu’elle ait permis qu’on la représentât comme une œuvre suprême d’honneur et même de religion, c’est là un acte sans excuse et contre lequel nous demandons une répression éclatante. […] Et la plus tendre et consolante justice ne lui est pas refusée, car, chassé de la vie et forcé de se réfugier hors de la vie, il goûte la mort la plus délicieuse dans les bras de la vierge qu’il aime, et qui, non attendue, vient le surprendre et s’enfermer avec lui dans l’air de sa chambre close, qu’un subtil poison a rendu enivrant et meurtrier. […] Villiers est mort ; assez tôt pour demeurer, selon le jugement égoïste des jeunes générations, le génie pur par excellence. […] Puisque Villiers est mort, pourquoi voudrait-on que Mendès ne l’eût pas écrit ?
Wafflard, entrepreneur des pompes funèbres, avec les prix de toutes les classes depuis la dixième jusqu’à la première, et où rien n’est oublié dans cette carte de la mort : le nombre des prêtres, des cierges, des franges, et où même une gravure sur bois, en haut de chaque classe, représente fidèlement ce qu’on aura pour son argent. […] Au coin du feu, comme distraction d’un rhume, faire, tranquillement et posément et raisonnablement, la facture de la mort de son père en parfaite santé. […] Et d’abord une grande pièce éclairée par le jour morne d’une cour, et, tout autour, dans des poses affaissées et pleurantes, les hardes de la morte, hardes de femmes, hardes de reines ; les sorties de bal de satin blanc et les robes d’Athalie, tous les chiffons-reliques de ce corps, tous les costumes de cette gloire, accrochés en grappes, comme aux murs d’une Morgue, avec un aspect d’enveloppes fantomatiques et de vêtements ondoyants et radieux de rêves, immobilisés et morts au premier rayon du jour. […] Et après des gros mots des uns et des autres contre l’Église, il arrive que quelqu’un cite cette parole de Montrond, le viveur, l’ami de Talleyrand, auquel un prêtre demandait à son lit de mort, s’il avait blasphémé l’Église : « Monsieur le curé, j’ai toujours vécu dans la bonne compagnie ! […] Enfin l’agonie de la femme, disant au moment de mourir : « Penguilly, en cas de mort tout le monde peut baptiser et donner l’absolution », et elle le force à écouter sa confession.
Les temps du naturalisme sont venus ; une voix a été entendue annonçant que le règne des faux dieux était passé et que le grand Pan est mort. Pourtant il est des morts qu’il faut qu’on tue encore, et M. […] Le misérable se dit qu’il serait bien long d’attendre pour en jouir l’arrivée de la mort naturelle. […] Lui alors vient pour s’assurer que sa victime est bien morte : mais surpris dans son examen par le garde-chasse du château, il tire son revolver et menace de le tuer ; le garde-chasse riposte, et d’un coup de fusil étend le drôle raide mort. […] Sa fille, innocente, est condamnée à mort, et si, dans une conversation suprême, elle découvre que son père est l’assassin de sa sœur et l’auteur de sa propre mort, ce n’est pas elle qui le dénoncera.
Le fait grave, aux yeux de toute morale qui n’est ni turque ni asiatique, ce n’est pas la déposition, c’est la strangulation et la mort de Pierre III. […] Il arriva là, on se l’explique aisément, ce qui s’est produit en plus d’un cas analogue que présente l’histoire, et, par exemple, à la mort de l’archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket. […] « L’horreur que me cause cette mort est inexprimable, dit-elle en propres termes le lendemain à la princesse Daschkoff ; c’est un coup qui me renverse. » Mais le personnage politique en elle reprit aussitôt le dessus : elle comprit que désavouer hautement le crime et parler de le punir ferait l’effet d’une comédie jouée ; qu’elle ne persuaderait personne ; que ce meurtre lui profitait trop pour qu’on ne le crût pas commandé ou tout au moins désiré par elle ; elle dissimula donc, et faisant son deuil en secret, — un deuil au reste qui dut être court, — elle se contenta, pour la satisfaction et le soulagement des siens et de son fils, de conserver dans une cassette la lettre écrite à elle par Orlof, après l’acte funeste, et qui témoignait de l’entière vérité.
Sinon, on l’imagine tel qu’il a dû être, tel que les témoins l’ont ressenti, Rappelez-vous comment Mme de Sévigné raconte à sa fille la mort de Turenne. […] Aussi, quand de l’armée arrivèrent les détails de sa mort, quand affluèrent les renseignements des témoins oculaires, Mme de Sévigné, lisant, écoutant tout avec émotion, coordonnant les détails dans son esprit si net, dressant toutes les circonstances dans son imagination si vive, ne fit que décrire à sa fille la vision intérieure qu’elle avait du fait en ses moindres particularités. […] On attribue par superstition des événements à des causes imaginaires : Un corbeau Tout à l’heure annonçait la mort à quelque oiseau.
Un moment, le bruit se répandit que Jésus n’était autre que Jean-Baptiste ressuscité d’entre les morts. […] Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède. » Le publicain, au contraire, se tenant éloigné, n’osait lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine en disant : « Ô Dieu, sois indulgent pour moi, pauvre pécheur. » Je vous le déclare, celui-ci s’en retourna justifié dans sa maison, mais non l’autre 933. » Une haine qui ne pouvait s’assouvir que par la mort fut la conséquence de ces luttes. […] Cette fois, la guerre était à mort.
Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes ; et il y aura des cadences de phrase pour la langueur innocente d’un beau corps nu, et des aurores verbales pour l’éveil religieux d’un blond rayon de lumière entre les ténèbres d’un fond où s’effacent de torturés ou humbles visages, et de pénétrantes périodes pour la sagace analyse de quelque froide et mince tète de roi ou de moine surgie du passé, avec ses yeux pleins de pensées mortes et ses traits sillonnés par des passions définitivement réprimées. […] Cette identification de « l’analyse » et de la mise à mort du réel, topos au moins aussi vieux que le Faust de Goethe, trouve une nouvelle expression à l’époque de la « décadence », décrite par exemple selon Bourget dans ses Essais de psychologie contemporaine comme un abus de « l’esprit d’analyse », inséparable de toutes ces « maladies de la volonté » (Ribot) caractérisées par le primat de « l’intelligence » sur « l’instinct ».
Il y a certainement d’excellents morceaux dans la Chanson de Roland, et la mort de Roland est tout à fait saisissante. […] Le naufrage final de Paul et Virginie est un faux naufrage, La mort des deux amants culbutés sous une hutte a été inventée par Maupassant dans Une vie. La lutte d’Habibrab au bord de l’abîme, dans Bug Jorgal, la mort de Mme Bovary, la chute de Claude Frollo dans Notre-Dame de Paris, le saut final de Julia de Trécœur, le suicide de Werther, etc., etc., sont des scènes également imaginées.
La mort de Philippe de Kœnigsmark (c’était de lui qu’il s’agissait) supposait des passions comme on n’en vit guères en Europe, de la Montespan à la Pompadour. […] Son mérite actuel a été de savoir l’anglais et l’allemand, — ce qui est honorable et souvent utile, mais ce qui n’est pas tout, car le mot célèbre de Charles-Quint n’est pas vrai en littérature… Dans ce mystère dévoilé de la mort du comte de Kœnigsmark, que de questions à tenter un esprit qui aurait eu quelque puissance, et qu’il n’a pas effleurées ! […] Après la mort cachée de Kœnigsmark (madame de Platen avait fait disparaître le cadavre), Sophie-Dorothée fut mise en jugement pour adultère, et elle proposa un duel effroyable à la comtesse son accusatrice.
On sait qu’à moitié mort, il rouvrit les yeux pour demander qu’on la respectât… Fréron fut l’homme de la famille chrétienne, comme il avait été l’homme de la Société et de la Monarchie chrétiennes. […] Quand il fut maître, il envoya ironiquement le régicide comme sous-préfet à Saint-Domingue, pour lui apprendre, à ce souverain révolutionnaire, que les hommes n’étaient pas égaux et que c’était trop cher que de payer la mort d’un homme par la mort d’un roi… Classification par le mépris, qui remit tout à sa place !
Et on en est d’autant plus surpris que les noms qui pavoisent la porte de ce livre d’un mort inconnu ne sont pas faits pour donner l’envie d’y entrer. On y a entassé, comme Pélion sur Ossa, d’Haussonville sur Sacy et Sacy sur Cuvillier-Fleury, un amphithéâtre, en balcon, d’académiciens qui ne représentent pas précisément, en littérature, la vie, la grâce, la légèreté, l’ondoyance, la fantaisie aimable, mais qui, dans leurs Notices, n’en donnent pas moins un brevet de tout cela à leur mort inconnu ; et (le croirez-vous ?) […] Doudan, qui pouvait rester X, et qui a été X toute sa vie, car il avait le goût exquis de l’obscurité, est un esprit de la race de Joubert, de ce délicieux Joubert découvert après sa mort comme un diamant au fond d’un vieux bonheur du jour (c’en était un ce jour-là !)
mais autant la Fornarina que sa gloire, autant d’être mort où vous savez que d’avoir vécu dans l’assomption du travail, son astral pinceau à la main ! […] Pour notre compte, c’est ce que nous avons tenté de faire ici sur les poésies de Cantel, ce jeune arbre qui laisse tomber tant de feuilles mortes sur ses racines qui sont vivantes. […] à force d’y tomber, les feuilles mortes peuvent tuer les racines.
Il doit être le parent (et probablement le fils) de ce M. de Guerle mort maintenant et qui traduisit l’Énéide, — à ce qu’il paraît, un chef-d’œuvre. […] Et cependant elle éclata, à la fin, quand personne n’y pensait plus, par cette détonation foudroyante du Paradis perdu, qui remplissait, quelques années après la mort du poète, tous les échos de l’Angleterre. […] et inflexible Tête-Ronde dont le temps a fait une tête de mort comme des autres, dans le charnier de l’Histoire où elle aurait été oubliée, si elle n’avait été qu’une tête politique et religieuse, et que l’historien, qui n’est, en somme, qu’un fossoyeur, n’aurait peut-être pas reconnue en la roulant sous sa bêche ?
Le petit Julio, qui bout de génie et qui fermente déjà de la sainteté des prêtres de l’avenir, obéit intrépidement à cet archevêque, qui s’était arrangé pour s’économiser le martyre et pour le renvoyer, après sa mort, à son exécuteur testamentaire. […] Au milieu de cette occupation, pourtant, il sauve de la mort d’abord, et ensuite du déshonneur, un camarade de séminaire, curé du voisinage, gaillard râblé qui, pour cette raison probablement, avait séduit la fille de son maire, une jeune fille dont, par parenthèse, l’abbé Trois-Étoiles, ce grand peintre en un trait, ne dit mot, sinon qu’elle avait un parapluie rouge. […] Ainsi je me suis tu sur la mort de Louise, que Julio assiste comme prêtre, et à laquelle, après l’extrême-onction, il ose donner ce baiser… que je regarde comme une infamie, et qui ajoute pour la première fois dans ce livre l’abjecte sensation du dégoût à la fade sensation de l’ennui.
Son caractère, comme son règne, offrent une foule de contradictions ; il eut un enchaînement de victoires, et leur éclat lui fut, pour ainsi dire, étranger ; il eut des talents militaires, et à peine aujourd’hui ces talents sont connus ; il eut de l’agrément dans l’esprit et montra la plus grande indifférence pour les lettres ; la nature lui avait donné du courage, et même celui qui affronte la mort, et il n’eut jamais celui de commander. […] Loué par une foule d’orateurs, chanté par Malherbe, célébré à sa mort par Lingendes, placé par la nature entre Richelieu et Corneille, il prouva que le caractère seul peut donner du prix aux actions, aux vertus, aux succès même, et que les panégyristes, malgré leurs talents, ne donnent pas toujours le ton à la renommée. […] C’est un des hommes qui a été le plus loué, et de son vivant et après sa mort.
Mort à Rennes (1832). […] Mort de ses blessures à l’hôpital d’Hernani (1793). […] Les feux de bivouac s’allumèrent, et nous pensions aux morts, aux morts ! […] Napoléon est mort à cinquante et un ans, et ses dernières batailles furent malheureuses. […] Nous ne voulons pas être les esclaves du passé mort.
Enfin il triompha des difficultés, fut reçu docteur de la faculté de Paris en l’an 1624, et se maria cinq ans après à une femme qui avait, après la mort de père et mère, de solides espérances, vingt mille écus de succession : ces détails ne sont pas indifférents pour l’étude du très positif Gui Patin. […] Faideau (un de ces vieux docteurs) est mort il y a trois ans, mais je n’ai que faire de ses registres : j’ai une copie des noms et surnoms de tous les licenciés et docteurs, selon qu’ils ont passé par ordre en notre école depuis plus de trois cents ans, avec tout ce qui s’est passé de mémorable dans notre Faculté. […] Après les moines, après les Jésuites, il ne déteste rien tant que les apothicaires ; c’est une guerre à mort, une guerre civile et plus que civile, qui est comique. […] Parmi ses adversaires les plus maltraités, il en est un surtout avec qui il a engagé un duel à mort très singulier et très remarquable dans ses circonstances. […] Mais quand le roi fut mort et qu’on fut sous la bonne régente, la Faculté jugea que le moment était venu d’avoir raison du Gazetier que Richelieu n’était plus là pour protéger.
L’abbé Le Grand, oratorien dans sa jeunesse, homme des plus laborieux, mort en 1733, avait passé trente ans de sa vie à former un recueil de toutes les pièces qui se rapportent à ce règne, et il avait composé sur ces matériaux des annales plutôt encore qu’une histoire. […] Après avoir raconté la mort de Louis XI, le judicieux abbé disait : « Telle fut la fin de ce prince. […] » Mais dans ses Mémoires secrets, dans cette histoire de son temps, qu’il a retracée en qualité d’historiographe, et qui n’a été publiée que longtemps après sa mort (1790), c’est là que Duclos, dit-on, s’est montré lui-même : « On y trouve, dit Grimm, ce qu’il sut pour ainsi dire toute sa vie, ce qu’il sut mieux que personne ; très répandu dans la société, M. […] Le duc de Berry, très en vue un moment (après la mort du duc de Bourgogne), et le duc d’Orléans se rendent au Parlement pour la formalité des renonciations. […] Duclos, dans la suite de son récit, ne quitte Saint-Simon, ou plutôt n’est abandonné de lui qu’à la date de 1723, à la mort du duc d’Orléans et à l’époque du ministère de M. le Duc.
L’arbre encore altier semblait mort, la sève n’y montait plus. […] Quand elle arrive à Paray, c’est le repos qu’on lui ordonne ; en quittant Paris, il ne lui reste que le souffle. « Le repos ou la mort, m’a dit le docteur en partant. — J’aime mieux le repos. » Sa santé est intérieurement épuisée ; elle a des défaillances, des impuissances de vivre, qu’elle ne répare qu’avec des journées de silence et de la moindre action possible. […] Ne pas savoir se créer une occupation sérieuse lorsque la vieillesse commence, c’est vouloir mourir d’une mort anticipée. […] De même, le vrai christianisme consiste à faire à tous les êtres animés, bêtes et gens, le plus de bien possible, et à attendre la mort sans crainte comme sans impatience. […] Elle aimait sincèrement son mari, et d’autres encore ; mais je crois qu’elle n’estima jamais personne davantage. » — Elle regretta si vivement son premier mari, le général Le Tort, qu’elle s’obstina à garder, assure-t-on, le cercueil du mort dans sa chambre à coucher, jusque dans les premiers temps d’un second mariage.
Née en 1707, elle épousa en 1721, à quatorze ans, le duc de Boufflers, mort de la petite vérole à Gênes, en 1747, à l’âge de quarante-deux ans, et elle ne fut duchesse de Luxembourg qu’en secondes noces, en 1750, M. de Luxembourg étant devenu veuf vers ce même temps. […] Dans la maladie qui se déclara le lendemain du retour et qui emporta si rapidement la favorite, Mme de Boufflers eut une grande conversation avec elle, la veille même de sa mort, et fut chargée de dire plusieurs choses au roi. […] Tant que vécut son second mari, elle n’eut point toute liberté à cet égard, et ce n’est qu’après sa mort, en 1764, qu’elle entra dans la possession et l’exercice du dernier rôle qu’elle sut si bien remplir. […] Elle reçut de Mme de Luxembourg, dans sa dernière maladie, toutes les marques d’attachement sincère, et elle l’eut à son chevet peu d’heures avant sa mort. […] Les chroniqueurs eux-mêmes, tout occupés de l’ouverture de l’Assemblée des notables, oublient d’enregistrer sa mort.
Dans le drame espagnol, cette même infante qui a commencé par chausser à Rodrigue les éperons de chevalier, cette princesse tant respectée et admirée de lui, et qui lui voudrait un peu moins de respect avec un peu plus de tendresse, a une existence bien distincte, bien définie ; elle passe par des péripéties frappantes et qui intéressent ; elle sauve Rodrigue et le protège quand on le poursuit après la mort du comte ; elle a le temps de renaître à l’espérance lorsque lui-même, partant pour combattre les Maures à la tête de ses cinq cents amis, il la salue galamment à ce balcon de sa maison de plaisance, d’où elle l’a reconnu. […] L’auteur espagnol lui-même le savait bien quand il a fait dire quelque part à l’infante : « Chimène et lui s’aimaient, et depuis la mort du comte ils s’adorent. » Dans les scènes suivantes du Cid français il y a décidément trop d’infante. […] On vient annoncer la mort du comte, et, au même instant, Chimène entre en s’écriant : Sire, Sire, justice ! […] Quand il a fini, elle plaide au long contre lui devant lui-même : « Je ne t’accuse point, je pleure mes malheurs… Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi… » Lui-même il accepte son arrêt, il se met à genoux et lui tend la tête. […] Dans cette scène, comme on voit que les amants meurent d’envie tous deux que le père mort soit mis hors de cause !
. — Je vous écris, mes chères âmes, au milieu de toutes les cloches battantes de Bruxelles qui se répondent pour les Saints et pour les Morts. […] » — La femme de son fils a cinq cent mille livres de rente102. » Il faut finir. — Après la mort de sa sœur Eugénie à Rouen en 1850, de son frère Félix à Douai en 1851, il ne restait plus à Mme Valmore qu’une dernière sœur, l’aînée, Cécile, qui habitait aussi Rouen. […] Dubois, l’économe de l’hôpital général de Douai, qui avait entouré de soins et d’égards la vieillesse ombrageuse et chagrine du pauvre Félix Desbordes, qui l’avait remplacée elle-même au lit de mort de ce cher et malheureux frère, et qui était entré pour les derniers devoirs dans toutes ses sollicitudes et ses piétés de sœur ; — et M. […] Ondine était née le jour des Morts. […] Elle dit « le meilleur des hommes vivants » par égard pour Mme Derains qui, veuve, gardait un culte pour son mari, mort cruellement, victime innocente des guerres civiles. — M.
En quelques rares endroits, si je l’osais remarquer, son raisonnement, en faveur de l’authenticité historique qu’il soutient, m’a paru plus spécieux que fondé, comme quand il dit par exemple : « Les premiers siècles de Rome vous sont suspects à cause de la louve de Romulus, des boucliers de Numa, du rasoir de l’augure, de l’apparition de Castor et Pollux… ; effacez donc alors de l’histoire romaine toute l’histoire de César, à cause de l’astre qui parut à sa mort, dont Auguste avait fait placer l’image au-dessus de la statue de son père adoptif, dans le temple de Vénus191. » Une fable qu’on aura accueillie dans une époque tout avérée et historique ne saurait en aucune façon la mettre au niveau des siècles sans histoire et où l’on ne fait point un pas sans rencontrer une merveille. […] Ces morts sont morts et ont bien mérité de mourir ; qu’ils dorment à jamais en leurs corridors noirs. […] La vie humaine, il y a longtemps qu’on l’a dit, ressemble à la guerre : chacun n’a qu’à tenir son rang avec honneur et qu’à faire sa fonction, comme si la mort n’était pas là dans tous les sens, qui sillonne. […] A la mort de La Roque, Fuzelier lui succéda, et le Mercure revint au galant.
Ronsard, mort depuis longtemps, mais encore en possession d’une renommée immense, et représentant la poésie du siècle expiré ; Malherbe vivant, mais déjà vieux, ouvrant la poésie du nouveau siècle, et placé à côté de Ronsard par ceux qui ne regardaient pas de si près aux détails des querelles littéraires ; Théophile enfin, jeune, aventureux, ardent, et par l’éclat de ses débuts semblant promettre d’égaler ses devanciers dans un prochain avenir. […] Il se mit en relation avec les beaux esprits et les poëtes du temps, surtout avec ceux de son âge, Mairet, Scudery, Rotrou : il apprit ce qu’il avait ignoré jusque-là, que Ronsard était un peu passé de mode, et que Malherbe, mort depuis un an, l’avait détrôné dans l’opinion ; que Théophile, mort aussi, ne laissait qu’une mémoire équivoque et avait déçu les espérances, que le théâtre s’ennoblissait et s’épurait par les soins du cardinal-duc ; que Hardy n’en était plus à beaucoup près l’unique soutien, et qu’à son grand déplaisir une troupe de jeunes rivaux le jugeaient assez lestement et se disputaient son héritage. […] S’il avait osé, s’il était venu avant d’Aubignac, Mairet, Chapelain, il se serait, je pense, fort peu soucié de graduer et d’étager ses actes, de lier ses scènes, de concentrer ses effets sur un même point de l’espace et de la durée ; il aurait procédé au hasard, brouillant et débrouillant les fils de son intrigue, changeant de lieu selon sa commodité, s’attardant en chemin, et poussant devant lui ses personnages pêle-mêle jusqu’au mariage ou à la mort. […] Un retard dans le payement de sa pension le laissa presque en détresse à son lit de mort : on sait la noble conduite de Boileau.
Des morts sortent du tombeau : le licencié Dominico Zapata, rôti à Valladodid l’an de grâce 1631, pose aux docteurs de l’Église soixante-sept questions subversives de la foi. […] L’écrivain était mort, l’œuvre restait. […] On voyait l’air de prospérité de ce village de Ferney, qui comptait 50 habitants à son arrivée, et 1200 à sa mort. […] La mort de Louis XV avait levé la défense qui l’éloignait de Paris. […] Relation de la mort du chevalier de la Barre (1768) ; le Cri du sang innocent (1775).
Plus navrante et plus grise est l’impression que laisse l’Éducation sentimentale (1869) : Madame Bovary prenait une grandeur tragique par les convulsions passionnées, et par la mort de l’héroïne. […] Son champ d’expériences s’étant agrandi, il a dit, dans Bel Ami, la lutte sans scrupules pour la vie, c’est-à-dire pour l’argent, le pouvoir et le plaisir, dans le monde de la presse et de la politique ; puis il a touché les choses du cœur, dans des milieux plus délicats (Fort comme la mort). […] Si l’on veut avoir une idée de la simplification hardie par laquelle Maupassant dégage le caractère de la réalité complexe et touffue, on devra prendre de préférence Une vie : une pauvre vie de femme, vie de courtes joies et de multiples déceptions, de misères médiocres et communes qui font de profondes blessures, vie d’espérance obstinée, indéracinable, qui, trompée par un mari, trompée par un fils, se reporte avec une navrante candeur sur le petit enfant destiné peut-être à lui fournir la dernière leçon de désillusion, si la mort ne vient pas avant. […] Edmond de Goncourt, depuis la mort de son frère, a donné seul quelques romans (les Frères Zemganno, 1879) et leur Journal (1re série, 3 vol. 1887-89 ; 2e série, 3 vol. 1890 et suiv. ; 3e série, t. […] Fort comme la mort (1889), Notre cœur, etr., en tout 8 vol., Ollendorff, in-18. — A consulter : F.
Il est question de Léa, dont le mari est mort et qu’un procès urgent rappelle à Paris. […] L’amour, plus fort que lu mort, est aussi plus fort que le mépris. […] Pour qu’il se repente, pour qu’il demande grâce, il faut que Léa noblement affligée du mal qu’elle a fait, vienne promettre à Camille un éloignement éternel ; il faut encore qu’il lise une lettre où la pauvre enfant, se sentant de trop, lui annonçait qu’elle allait mourir, puisque sa mort le rendrait heureux. […] Emile Augier ait pris pour un type viable ce caractère avorté, et ressuscité, dans une seconde pièce, un personnage mort, dans la première, de l’impossibilité d’exister. […] Il se pose en désespéré d’amour devant Pierre Champlion ; il lui demande, comme une grâce, de l’enrôler dans son armée africaine, la mort ou l’exil pouvant seuls guérir la profonde blessure de son cœur.
Mais c’est elle-même qui, en 1835, deux ans après la mort de Goethe, a publié cette Correspondance qui nous la fait connaître tout entière, et qui nous permet, qui nous oblige d’en parler si à notre aise et si hardiment. […] Goethe cueillit une feuille de la vigne qui grimpait à sa fenêtre, et lui dit : « Cette feuille et ta joue ont la même fraîcheur, le même duvet. » Vous croyez peut-être que cette scène est tout enfantine et puérile, mais peu après Goethe lui parle des choses les plus sérieuses et du profond de son âme ; il lui parle de Schiller, mort depuis deux printemps ; et, comme Bettina l’interrompait pour lui dire qu’elle aimait peu Schiller, il se mit à lui expliquer cette nature de poète si différente de la sienne, et pourtant si grande, si généreuse, et qu’il avait eu, lui aussi, la générosité d’embrasser si pleinement et de comprendre. […] » Depuis la mort de la mère de Goethe, Bettina a plus de sujet de se plaindre ; car cette bonne mère connaissait son fils et expliquait à la jeune fille comme quoi l’émotion du poète se retrouvait dans ces quelques lignes légèrement tracées, et qui eussent paru peu de chose venant d’un autre : « Moi, je connais bien Wolfgang (Goethe), disait-elle ; il a écrit ceci le cœur plein d’émotion. » Mais, depuis que Bettina n’a plus cette clairvoyante interprète pour la rassurer, il lui arrive de douter quelquefois. […] que ne puis-je aller en Tyrol, et y arriver à temps pour mourir de la mort des héros ! » La prise et la mort d’Hofer, qu’on laisse fusiller, lui arrachent des paroles de douleur et de haute éloquence morale.
M. de Broglie avait dès lors sur la nature des crimes politiques, et sur l’application de la peine de mort en général, des idées qu’il a eu occasion d’indiquer depuis dans plus d’un écrit sous la Restauration, et qui tenaient de celles de quelques théoriciens philanthropes du commencement du siècle. […] Et lorsque, des hauteurs où cette pensée nous transporte, on abaisse ses regards sur l’état actuel de l’Europe, lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes cabinets que nous avons vus pendant trente ans si complaisants envers tous les gouvernements nés de notre Révolution, qui ont successivement traité avec la Convention, recherché l’amitié du Directoire, brigué l’alliance du dévastateur du monde ; lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes ministres que nous avons vus si empressés aux conférences d’Erfurt qui viennent maintenant, gravement, de leur souveraine science et pleine autorité, flétrir de noms injurieux la cause pour laquelle Hampden est mort au champ d’honneur et lord Russell sur l’échafaud, en vérité le sang monte au visage ; on est tenté de se demander : Qui sont-ils enfin, ceux qui prétendent détruire ainsi, d’un trait de plume, nos vieilles admirations, les enseignements donnés à notre jeunesse, et jusqu’aux notions du beau et du juste ? […] Lucas sur le système pénal, et en particulier sur la peine de mort, il essaie de fixer dans ses limites et de rattacher à son principe le droit qu’a la société de punir, qu’il recherche les raisons qui rendent la vie humaine respectable encore jusque chez les criminels, et qu’il s’inquiète des moyens de régénérer ceux mêmes qu’on châtie ; soit que, réfutant la théorie brutalement matérialiste de Broussais, il se complaise à rétablir les titres authentiques, selon lui, et irréfragables, de la spiritualité et de l’énergie propre de l’âme ; soit enfin qu’abordant, à propos de l’Othello de M. de Vigny, la question de l’art dramatique en France, il se félicite de la disposition du public, et que, de ce côté aussi, il marque sa foi en un certain bon sens général qui semble mûr pour le vrai et pour le beau. […] Casimir Périer était mort ; il s’agissait de le continuer avec plus de largeur et avec stabilité. […] Un grand malheur qui le frappa en 1838, la mort de Mme la duchesse de Broglie, augmenta en lui cette disposition sérieuse et réservée, cette faculté de s’abstenir, dans laquelle la pensée religieuse a pris plus de part et tenu plus de place chaque jour.
Le lyrique Jean-Baptiste Rousseau, que Bonneval avait accueilli et présenté à Vienne, a célébré ce haut fait dans son Ode sur la bataille de Peterwaradin : Quel est ce nouvel Alcide Qui seul, entouré de morts, etc. […] Je vous jure que, si je ne regardais que moi, la mort me semblerait une ressource à laquelle tous mes désirs auraient recours. […] Entre lui et Prié, c’est une guerre à mort ; il se figure que l’Europe entière est attentive à ce démêlé et à l’éclat qu’il en a fait : Je dois songer à la grande affaire qui est de vaincre, écrivait-il à un ami de Bruxelles pendant sa détention au château d’Anvers (16 septembre 1724) ; le moyen que j’ai pris et mes mesures m’y conduisant tout droit, il n’importe pas si cela se fait exactement suivant le goût et la règle des cours, puisqu’un homme de courage hasarde volontiers une petite mortification de la part de son maître pour arriver à un plus grand bien, et qu’il doit suivre sans aucun égard les routes les plus courtes, pourvu que ce soient celles des gens de bien, quand on y devrait chiffonner sa perruque, déchirer ses habits, perdre son chapeau et le talon de ses souliers en sautant les fossés… Au reste, si vous lisez attentivement mes lettres à Sa Majesté, vous verrez qu’elles présagent les pas que j’ai faits avec toute la franchise d’un soldat qui ne craint rien, pas même son maître, quand il y va de son honneur, que je n’ai jamais engagé ni n’engagerai de ma vie à aucun des rois de la terre. […] La mort le prévint le 23 mars 1747, jour même de la naissance de Mahomet, comme le dit son épitaphe à Constantinople. […] dans quel pays, dans quel ordre d’idées et de société put-on dire de lui, le jour de sa mort, ce mot qui est la plus enviable oraison funèbre : C’est une perte.
» Ceci s’imprimait quatre-vingts ans après la mort de Shakespeare, en 1693. […] Après ces paroles de Pope, on ne comprend guère à quel propos Voltaire, ahuri de Shakespeare, écrit : « Shakespeare, que les anglais prennent pour un Sophocle, florissait à peu près dans le temps de Lopez (Lope, s’il vous plaît, Voltaire) de Vega. » Voltaire ajoute : « Vous n’ignorez pas que dans Hamlet des fossoyeurs creusent une fosse en buvant, en chantant des vaudevilles, et en faisant sur les têtes des morts des plaisanteries convenables à gens de leur métier. » Et, concluant, il qualifie ainsi toute la scène : « Ces sottises ». […] Au-delà de Priam il y a Lear ; pleurer l’ingratitude est pire que pleurer la mort. […] L’antithèse de Shakespeare, c’est l’antithèse universelle, toujours et partout ; c’est l’ubiquité de l’antinomie ; la vie et la mort, le froid et le chaud, le juste et l’injuste, l’ange et le démon, le ciel et la terre, la fleur et la foudre, la mélodie et l’harmonie, l’esprit et la chair, le grand et le petit, l’océan et l’envie, l’écume et la bave, l’ouragan et le sifflet, le moi et le non-moi, l’objectif et le subjectif, le prodige et le miracle, le type et le monstre, l’âme et l’ombre ; c’est cette sombre querelle flagrante, ce flux et reflux sans fin, ce perpétuel oui et non, cette opposition irréductible, cet immense antagonisme en permanence, dont Rembrandt fait son clair-obscur et dont Piranèse compose son vertige. […] Ces esprits suprêmes, une fois la vie achevée et l’œuvre faite, vont dans la mort rejoindre le groupe mystérieux, et sont probablement en famille dans l’infini.
On sait à quel fanatisme les Parnassiens le poussèrent, se condamnant ainsi à la perfection stérile ou la mort. […] « Ainsi le poème est nécessaire et supérieur à la nature, puisqu’il s’affranchit des visions contingentes et triomphe de la mort. […] Avec plus de fougue que de mesure, avec plus d’enthousiasme que de sens critique, l’auteur du Sang des races, glorifiait le culte de la Tradition, de la terre et des morts, l’Âme, la Race, l’Épée. […] Notre industrie et notre commerce sont morts, pour avoir oublié que notre industrie et notre commerce étaient commerce et industrie de luxe. […] Discours sur la mort de Narcisse (St-G. de Bouhélier.)
En allant de ce fossé vers la gauche, le terrain s’élève et l’on voit à terre des drapeaux, des tymballes, des armes brisées, des cadavres, une mêlée de combattans formant une grande masse où l’on discerne un cavalier blanc à demi-renversé, mort et tombant en arrière vers la croupe de son cheval ; plus sur le fond, de profil, un cavalier brun dont le cheval se cabre et qui meurt. à la fumée, et à la lueur forte et rougeâtre qui colore cette fumée, on reconnaît l’effet d’un coup de canon. […] Sur le devant, vers le centre du combat, morts, mourants, hommes blessés et diversement étendus sur la terre. […] Sous ses pieds, des chevaux ; autour de ces combattans, des morts, des mourans. […] La touche vigoureuse des soldats morts, le brillant matte de l’acier donnent de la force au devant du tableau. […] En lui pardonnant sa manière de pyramider, sa disposition est bien entendue, les groupes s’y multiplient sans confusion ; sa couleur est forte, les effets d’ombres et de lumières sont grands ; ses figures noblement et naturellement dessinées, leurs attitudes variées ; ses combattans bien en action, ses morts, ses mourans, ses blessés bien jettés, bien entassés sous les pieds de ses chevaux ; ses animaux vrais et animés ; ce sont des bataillons rompus, des postes emportés, un feu perçant à travers les rougeâtres tourbillons de la poussière et de la fumée ; du sang, du carnage, un spectacle terrible. à l’une de ses tempêtes sa mer est trop agitée aux parties éloignées du tableau.
Sans doute, si le désespoir décidait toujours à se donner la mort, le cours de l’existence ainsi fixé, pourrait se combiner avec plus de hardiesse, l’homme pourrait se risquer, sans crainte, à la poursuite de ce qu’il croit le bonheur parfait ; mais qui peut braver le malheur, ne l’a jamais éprouvé ! […] Les tragédies, les ouvrages d’imagination, vous représentent l’adversité comme un tableau où le courage et la beauté se déploient ; la mort, ou un dénouement heureux terminent, en peu d’instants, l’anxiété qu’on éprouve.
Émile Zola Laforgue, mort jeune, si inconnu, si peu formulé, n’ayant laissé que des indications si peu précises, qu’il échappe lui à tout classement, une ombre de maître, l’ombre qui s’efface, qui ne fait que passer en laissant la place aux autres. […] Il est probable que, dans une anthologie des poètes depuis 1885, des morceaux comme la Complainte des nostalgies préhistoriques, la Complainte de la Lune en province, celle du Pauvre Corps humain, celle de l’Oubli des morts, tels lieds de l’Imitation de Notre-Dame la Lune, ou la pièce ix des Derniers vers, apparaîtraient comme de passionnés et poignants chefs-d’œuvre pour porter avec un parfait honneur le nom de Jules Laforgue.
. — Discours sur la mort de Narcisse ou l’impérieuse métamorphose (Théorie de l’amour) [1895]. — L’Hiver en méditation ou les Passe-Temps de Clarisse, suivi d’un opuscule sur Hugo, Richard Wagner, Zola et la Poésie nationale (1896). — Églé ou les Concerts champêtres, suivi d’un épithalame (1897). — La Route noire (1900). — La Tragédie du nouveau Christ (1901). […] Il est advenu que l’on s’offusquât des extraordinaires appréciations qu’il formule à l’égard des morts et des vivants.
Helvétius, dont la mort seule a pu rompre les liens qui nous unissoient ? […] Il nous donne pour très-constant que le Pape Grégoire VII, qui vivoit cinq cents ans avant l’Amiral de Coligni, a approuvé la mort de Coligni ; il nous assure que cent mille François périrent au massacre de la S.
MOLIERE, [Jean-Baptiste Pocquelin de] né à Paris en 1620, mort dans la même ville en 1673. […] M. l’Abbé de Voisenon, qui, quelques années avant sa mort, avoit jeté sur le papier des jugemens sur la plupart de nos Auteurs, s’exprime ainsi sur le compte de Moliere.
Rousseau, [Jean-Baptiste] né à Paris en 1671*, mort à Bruxelles en 1741 ; celui de nos Poëtes le plus en droit de s'appliquer ce Vers qui caractérise si bien l'enthousiasme : Est Deus in nobis, agitante calescimus illo. […] Ce seroit ici le lieu de venger la réputation de Rousseau, à qui des talens sublimes ont fait donner le surnom de Grand, & à qui des talens très-médiocres se sont efforcés de le ravir, des calomnies atroces qu'on a eu l'inhumanité de renouveler après sa mort.
La constance d’âme que donne et assure l’étude de la sagesse philosophique pouvait-elle lui permettre de supposer tant de légèreté, tant de mobilité dans les dieux et les héros ; de montrer les uns, sur le moindre motif, passant du plus grand trouble à un calme subit ; les autres, dans l’accès de la plus violente colère, se rappelant un souvenir touchant, et fondant en larmes84 ; d’autres au contraire, navrés de douleur, oubliant tout-à-coup leurs maux, et s’abandonnant à la joie, à la première distraction agréable, comme le sage Ulysse au banquet d’Alcinoüs ; d’autres enfin, d’abord calmes et tranquilles, s’irritant d’une parole dite sans intention de leur déplaire, et s’emportant au point de menacer de la mort celui qui l’a prononcée. […] Le même Achille refuse, dans son obstination impie, d’oublier en faveur de sa patrie l’injure d’Agamemnon, et ne secourt enfin les Grecs massacrés indignement par Hector, que pour venger le ressentiment particulier que lui inspire contre Pâris la mort de Patrocle.
De 1859 à 1863 sont mortes en Angleterre, de maladies de cœur, 92 181 personnes ; de 1884 à 88, il en est mort 224 102. […] Les morts qu’ont enlevés les maladies de cœur et de nerfs sont les victimes de la civilisation. […] Ce que nous n’avons pas éprouvé nous-mêmes, nous nous le faisons dire par les autres, les morts et les vivants. […] Je voudrais citer un seul exemple : L’Ombre de la mort, de Holman Hunt. […] Il se représente une vie heureuse après la mort ; mais en même temps apparaissent vaguement dans sa conscience d’obscures images d’anéantissement de la personnalité et de séparation définitive par la mort, et ces images provoquent les émotions douloureuses qui accompagnent habituellement les idées de mort, de corruption, de renonciation à tous ceux qu’on aime.
Il vit dans ce qui figurait la mort la ressource et l’inépuisable possibilité du rêve. […] Toute vie philosophique, dit le Socrate du Phédon, n’est qu’une préparation à la mort. […] Il aima, il rêva seulement cette perfection de la mort que son œuvre ne connut pas. […] Ainsi que Shelley chanta l’hymne de feu à la Vie de la Vie, Mallarmé sur lui-même cherche un thème pour la Mort de la Mort. […] Paphos — Est mort.
C’est à Pise que Dante apprend la mort soudaine de l’empereur Henri VII. […] Après sa mort, on ne saurait laisser en paix ses os. […] Elle touchait au surnaturel ; elle sentait la mort à distance ; elle pleurait les maux à venir. […] je souffre l’éternel tourment de la mort vengeresse ! […] Il n’y voit qu’une issue, la mort.
Le ciel qui l’aimait lui réserva une femme jeune, charmante et belle pour ses vieux jours, et un ami fidèle après sa mort. […] Votre père est mort ! […] Les secrets qu’il avait emportés avec lui furent dispersés après sa mort, comme il arrive ordinairement à ceux qui meurent hors de leur patrie. […] Ne voulant rien solliciter auprès d’aucun homme, après la mort de celui qu’elle avait uniquement aimé, son malheur lui donna du courage. […] Cet homme, échappé à la mort presque certaine, s’agenouilla sur le sable en disant: « Ô mon Dieu !
La mort elle-même paraît douce à côté de ces tourments. […] Plus triste encore est cette femme hydropique doucement résignée soit à la mort, soit à la vie. […] La Mort de la Vierge de Caravage n’est que l’exhibition d’un cadavre. […] Zola comme celui de Flaubert, manque de respect à la mort. […] Mais le réalisme français a manqué les meilleures occasions de traiter la mort au moins avec convenance.
La mort de Socrate fit de Platon tout ce qu’il a été. […] L’homme injuste qui fait condamner Socrate à mort tue Socrate qu’il détestait. […] Il n’y a rien de meilleur à souhaiter que la vie de Socrate, si ce n’est sa mort. […] C’est le mot d’Euripide : « Qui sait si la vie n’est pas pour nous une mort et la mort une vie ? » Entendez : qui sait si ce qui vous semble la vie n’est pas la mort même ?
Enfin soit, il est permis, n’est-ce pas, à tout auteur amoureux de son art, d’espérer que ses pièces seront jouées après sa mort, telles qu’elles ont été écrites, telles qu’elles ont été imprimées. […] On dit c’est : un mort d’un écho, pour le distinguer du mort des simples informations, dont l’enregistrement dans les colonnes du Figaro, est payé de quelques sous moins cher la ligne, que le premier. […] Daudet. — Oui, oui, certainement, si j’avais dix ans devant moi… Eh, mon Dieu, je ne parle pas de la mort… mais de la diminution de l’intelligence, à laquelle, mon cher ami, je suis peut-être condamné par ma maladie. […] » Daudet comprenait, que c’était de son jeune enfant, mort il y avait deux ans, qu’il parlait. […] Le gros, rond et gai comique, genre Restauration, c’est mort, ça ne se fabrique plus en France, en l’an 1888.
On y voit, dit un auteur, une liste magnifique de tous les scélérats, qui ont vêcu dans la prospérité & qui sont morts tranquilles. […] La mort l’ayant surpris lorsqu’il travailloit au huitiéme volume de cet ouvrage, M. […] Ces mémoires, qui sont du Maréchal d’Estrées mort en 1670., sont très-bons pour l’histoire de ce tems. […] Après la mort de ce savant qui fut écrasé par une voiture en 1640. […] Il est malheureux que la mort l’ait prévenu, avant que de finir son ouvrage.
C’est une mort, un vol, une fuite, une dispute, une guerre, bref un événement complet, je veux dire un tout naturel. […] Mourir pour le pays est un si digne sort, Qu’on briguerait en foule une si belle mort. […] La mort six jours après le rencontrant sans coignée, avec son dail l’eût fauché et cerclé de ce monde. […] Il banda son arc aussitôt, et décocha sa flèche si adroitement, qu’il blessa le sanglier à mort. […] Punissez de mort Une plainte un peu trop sincère.
Tristan signifie l’appel de l’Amour à la Mort. […] 5° 1883-1886. — Les Fêtes de Bayreuth ont été continuées, après la mort du Maître, selon le vœu de la famille, grâce à l’énergie et au dévoument de leur administrateur, M. Adolphe Gross, l’exécuteur testamentaire de Wagner, qui, après avoir été pour lui l’ami pratique, indispensable et sûr, a su, après sa mort, vaincre toutes difficultés, et a rendu les Représentations de 1883 et de 1884 plus parfaites encore que celles de 1882. […] Un troisième complément était prévu : Sur le féminin dans l’être humain, auquel Wagner travaillait encore au moment de sa mort. […] Elle ne peut le saisir dans l’intégralité de son être, elle ne peut que le disséquer et, de là, elle ne saisit que le secret d’un être mort.
Trois de ses tantes, entraînées par la contagion de l’exemple, entrèrent dans leur ordre religieux, s’y distinguèrent par leur zèle et y persévérèrent jusqu’à la mort. […] Celui qu’il prononça après la mort de Corneille, son rival, ne fut pas digne de ce deuil, mené par l’émule d’Euripide devant la tombe de l’émule de Sophocle. […] On y parlait de la mort du comédien Poisson : — “C’est une perte, dit le roi, il était bon comédien... — Oui, reprit Boileau, pour faire un D. […] Il lui fallait la faveur ou la mort. […] Sans l’entendre, il l’envoie à la mort.
Michelet (la mort de la princesse de Lamballe, dans l’Histoire de la révolution, par exemple), qui sont aussi criminelles que tout ce qui peut sortir d’une plume. […] Certes non, il n’est pas vrai de dire que Richelieu propose, sous peine de mort, l’énigme de sa propre pensée à l’histoire. Quelquefois, pendant qu’il vivait, il s’est servi de la peine de mort, cet homme clair, mais il a toujours dit, ce semble, assez distinctement pourquoi. […] Atteint par la mort dans son travail interrompu, il mesura ce qu’il avait fait à la grandeur de ce qu’il avait médité de faire, et dans son idéal de grand homme, il trouva sans doute que c’était peu ; — mais M. […] Richelieu doit donc rester tout entier ce qu’il est dans l’histoire, et se consoler de n’être que cela aux yeux de ceux qui, en toutes matières, ont juré la mort de l’autorité !
Cette partie tout aventureuse de la narration se couronne par un trait imprévu et délicat, tel que sa plume n’en aura pas toujours : il s’agit simplement de la mort d’une gazelle, compagne de la traversée et délassement de la quarantaine ; elle appartenait au principal passager, M. […] Lorsqu’il s’agit d’un savant qui s’est distingué dans les sciences physiologiques ou naturelles, la difficulté est grande, mais elle est plus de nature à être vaincue ; il y a toujours moyen pour le talent ingénieux et habile (nous en avons des preuves) de trouver des expressions qui traduisent le genre de mérite du mort et donnent à tous quelque idée de ses travaux. […] En parlant de Fresnel, cet homme d’un vrai génie mort jeune après avoir fait des découvertes délicates et rares, et avec lequel il avait été uni par l’analogie des travaux comme par le cœur, M. […] Watt, le grand mécanicien, mort en 1819, à quatre-vingt-trois ans, était un esprit des plus ouverts et des plus compréhensifs, des plus richement meublés.
On reprochait à Aristote d’avoir secouru un homme qui ne le méritait pas : « Ce n’est pas l’homme que j’ai secouru, répondit-il, c’est l’humanité souffrante. » L’imagination de Platon avait fait plus et semblait s’être portée spontanément au-devant du christianisme : on le voit, dans un de ses dialogues, se plaire à figurer en face du parfait hypocrite, honoré et triomphant, le modèle de l’homme juste, simple, généreux, qui veut être bon et non le paraître : « Dépouillons-le de tout, excepté de la justice, disait un des personnages du dialogue, et rendons le contraste parfait entre cet homme et l’autre : sans être jamais coupable, qu’il passe pour le plus scélérat des hommes ; que son attachement à la justice soit mis à l’épreuve de l’infamie et de ses plus cruelles conséquences et que jusqu’à la mort il marche d’un pas ferme, toujours vertueux, et paraissant toujours criminel… Le juste, tel que je l’ai représenté, sera fouetté, mis à la torture, chargé de fers ; on lui brûlera les yeux à la fin, après avoir souffert tous les maux, il sera mis en croix… » C’est une vraie curiosité que ce passage de Platon, et même, à le replacer en son lieu et à n’y chercher que ce qui y est, c’est-à-dire une supposition à l’appui d’un raisonnement, sans onction d’ailleurs et sans rien d’ému ni de particulièrement éloquent, ce n’est qu’une curiosité. […] Il ressuscite les morts et guérit toutes sortes de maladies par la parole ou par l’attouchement. […] Quelles sont les branches mortes, quelles sont celles qui ne demandent qu’à être délivrées et à vivre ? […] Le moment paraît venu, toutefois, où la séparation du mort et du vif ne tardera pas à se faire, et si ce n’est l’homme (assez de craquements nous l’indiquent), les seuls vents du ciel le feront.
« Il consulta l’un après l’autre tous les devins de l’armée, ceux qui observent la marche des serpents, ceux qui lisent dans les étoiles, ceux qui soufflent sur la cendre des morts. […] Tunis, la vieille ennemie de Carthage et plus vieille que la métropole, se tient là en face d’elle et de ses murs, « accroupie dans la fange au bord de l’eau, comme une bête venimeuse qui la regarde », et qui lui veut mal de mort. […] Les Spartiates, retirant leurs manteaux rouges, en enveloppèrent les morts ; les Athéniens les étendaient la face vers le soleil levant ; les Cantabres les enfouissaient sous un monceau de cailloux ; les Nasamons les pliaient en deux avec des courroies de bœuf, et les Garamandes allèrent les ensevelir sur la plage, afin qu’ils fussent perpétuellement arrosés par les flots. […] Si j’avais affaire à un auteur mort, je dirais qu’il y a peut-être chez lui un défaut de l’âme ; mais comme nous connaissons tous M.
Burthe, mort en 1860 ; Amaury Duval, son maître, en a surveillé avec piété et scrupule la reproduction fidèle, et a consacré une page de notice à la mémoire d’un élève chéri. […] Un jour (c’était un an avant sa mort), Eckermann le remit sur la voie en lui disant qu’il lisait Daphnis et Chloé dans la traduction de Courier : « Voilà encore un chef-d’œuvre que j’ai souvent lu et admiré, dit Gœthe, où l’on trouve l’intelligence, l’art, le goût portés au plus haut degré, et qui fait un peu descendre le bon Virgile. […] Il n’est pas moins vrai que quand j’ai détaché de son livre la figure de ces deux gracieux enfants qui s’aiment sans se rendre compte et qui ne savent comment se le prouver, quand j’ai reconnu que Daphnis et Chloé ne sont pas morts et ne mourront pas, qu’ils recommencent à chaque génération d’adolescents, sous tous les régimes et à travers tous les costumes, qu’ils préexistent confusément et résistent à toute éducation comme la nature elle-même, je n’ai guère plus rien qui m’intéresse, et je rencontre bien des accessoires qui me choquent. […] — Cet ouvrage de Jacobs parut en mars 1832, date de la mort de Gœthe.
Jasmin est mort il n’y a pas un an encore (octobre 1864), au seuil de la vieillesse et dans le plein de sa renommée. […] Je passe à un Breton français et des plus français, à Boulay-Paty, mort il y a juste un an, et dont les Poésies posthumes viennent de paraître réunies par les soins d’un ami60. […] Élie Mariaker est le nom de l’auteur censé mort, dont on nous donne la vie, la pensée et les vers. […] Hippolyte Lucas, son ami intime et de tous les temps, qui avait été son témoin dans ses duels, son confident dans ses amours, qui lui vi faire son testament, m’écrit : « Sur la fin, il était devenu un peu mystique ; il se reprochait les vivacités de ses poésies juvéniles, et à son lit de mort il recommanda de brûler les derniers exemplaires de son Elle Mariaker (une dernière tendresse sous forme de remords).
— la mort ! — la mort ! — la mort « Qu’il triomphe demain, ou, parjure, il expire. » M. […] Mais si le temps m’épargne et si la mort m’oublie, Mes mains, mes froides mains, par de nouveaux concerts, Sauront la rajeunir, cette lyre vieillie ; Dans mon cœur épuisé je trouverai des vers, Des sons dans ma voix affaiblie ; Et cette liberté, que je chantai toujours, Redemandant un hymne à ma veine glacée, Aura ma dernière pensée, Comme elle eut mes premiers amours.
Le poëte du Jour des Morts et celui de la Chute des Feuilles sont des précurseurs de Lamartine comme Le Brun l’est pour Victor Hugo dans l’ode, comme l’est André Chénier pour tout un côté de l’école de l’art. […] Il ne devint malade de la poitrine qu’un an avant sa mort ; jusque-là il était seulement délicat et volontiers mélancolique, bien qu’enclin aussi à se dissiper. […] Le poëte de Millevoye meurt pour avoir trop goûté de cet arbre où le plaisir habite avec la mort ; l’extrême langueur s’exhale dans cette voix parfaitement distincte, mais affaiblie160 ; il n’a pas su dire à temps comme un élégiaque plus récent, qui s’écrie sous une inspiration semblable : Ôtez, ôtez bien loin toute grâce émouvante, Tous regards où le cœur se reprend et s’enchante ; Ôtez l’objet funeste au guerrier trop meurtri ! […] Il avait passé les six dernières semaines à Neuilly, et ne revint à Paris que tout à la fin ; la veille de sa mort, il avait demandé et lu des pages de Fénelon.
La terre de Blet, possédée pendant plusieurs siècles par la maison de Sully, passa par mariage de l’héritière, en 1363, à la maison de Saint-Quentin, où elle fut transmise en ligne directe jusqu’en 1748, date de la mort d’Alexandre II de Saint-Quentin, comte de Blet, gouverneur de Berg-op-Zoom, père de trois filles d’où sont nés les héritiers actuels Ces héritiers sont le comte de Simiane, le chevalier de Simiane, et les mineurs de Bercy, chacun pour un tiers, qui est de 97 667 livres sur la terre de Blet, et de 20 408 livres sur la terre des Brosses. […] 6° Droit sur les biens des personnes décédées sans héritiers, des bâtards et aubains décédés, sur les biens des condamnés à mort, aux galères perpétuelles, des bannis, etc. […] 18° Droit de bordelage (le seigneur est héritier, sauf lorsque les enfants du mort vivaient avec le mort au moment du décès).
Cependant Mme de Mondonville perdit son mari après quelques années de mariage, et ce fut l’abbé de Ciron qui, comme prêtre, assista cet ancien rival dans sa maladie et jusqu’à sa mort. […] Après sa mort, et peut-être de son vivant, son portrait ornait la chambre de la fondatrice ; elle lisait et relisait ses billets dont elle faisait des recueils, et qu’elle gardait précieusement. […] Quatre fois ils revinrent à la charge : une première fois, dès l’origine, en 1663 ; une seconde, en 1666, aussitôt après la mort du prince de Conti, protecteur puissant. […] En 1682 (M. de Ciron étant mort depuis deux ans), une fille de l’Enfance, Mlle de Prohenques, qui s’échappa de la maison par escalade, et qui se plaignit de mauvais traitements, suscita une affaire grave dont les ennemis s’empressèrent de profiter.
Il lui fallut paraître au balcon ou s’en retirer à la voix d’une populace furieuse, et, dans ces flux et reflux de l’orage populaire dont elle s’efforçait de deviner le sens, elle ne sentait bien qu’une seule chose, l’étreinte de la main de sa mère qui la pressait contre elle avec le froid de la mort. […] Sa famille, qui avait espéré le revoir une dernière fois, et l’embrasser le matin même de sa mort, est dans la désolation qu’on peut concevoir : Mais rien, écrit Madame, n’était capable de calmer les angoisses de ma mère ; on ne pouvait faire entrer aucune espérance dans son cœur : il lui était devenu indifférent de vivre ou de mourir. […] Nous méprisions toutes les vexations, mais ce dernier degré de grossièreté faisait toujours rougir ma tante et moi. » Le plus cruel moment pour elle fut celui où, après la mort de son père, après la disparition de sa mère, de sa tante, ignorant le sort définitif de ces deux têtes si chères, dans les semaines qui précédaient le 9 Thermidor, elle entendait de loin son frère, déjà en proie aux corrupteurs, et à qui le cordonnier Simon faisait chanter des chansons atroces : Pour moi, dit-elle, je ne demandais que le simple nécessaire ; souvent on me le refusait avec dureté. […] Le 21 janvier et le 16 octobre, jours de la mort de son père et de sa mère, elle s’enfermait seule, ou quelquefois elle faisait demander, pour l’aider à passer ces journées cruelles, quelque personne avec laquelle elle était à l’unisson de deuil et de piété (feu Mme de Pastoret, par exemple).
À dater de 1843, ce fut plus habituellement à Venise qu’il établit sa vie, sauf encore les absences qu’il aimait à faire à certaines saisons, et une retraite de plusieurs mois à Hambourg pendant les événements de 1848 ; mais c’est à Venise qu’il est revenu vivre dès 1849, et qu’il est mort. […] Rarement l’approche de la mort cause de l’irritation : nous savons qu’elle a été la condition de notre existence, et l’on envisage l’éternité du même œil que l’Arabe voit l’entrée du désert dont il ignore la limite. […] Vivant ou mort, il ne faut pas que, de la part du maréchal, une approbation, une louange exprimée dans l’intimité semble venir solliciter une faveur et une grâce ; ce serait aller contre sa pensée. Comme on préparait, vers le temps de sa mort, une nouvelle édition de ses Voyages, et que l’un de ses amis avait songé que ce pourrait être une occasion de faire appel à la justice, il écrivait (8 janvier 1852) : En résumé, mon cher ami, je vous le répète, celle publication me fera plaisir, et j’espère qu’elle me donnera quelque jouissance.
Naville, de Genève, qui, étant mort avant d’avoir achevé sa tâche, a laissé à son fils, M. […] De là cette terreur de la mort dont la foi la plus vive ne parvient pas toujours à triompher, car la vie dans des conditions absolument inconnues nous est encore comme une espèce de mort, et le néant lui-même semble moins effrayant pour l’imagination que cette transformation radicale où le moi actuel continuerait à subsister dans un autre moi. […] C’est là vraiment qu’il faut chercher avec Hegel l’identité de l’être et du non-être, car au moment où je suis, je ne suis déjà plus, et, quand je ne suis plus, je suis de nouveau, de telle sorte que, renaissant sans cesse de ma propre mort, je participe à la fois par un mystère incompréhensible à l’être et au néant.
Ainsi je regarde Iris comme un personnage historique dans la répresentation de la mort de Didon. […] Aussi fut-elle la production du prince De Condé le dernier mort, je ne dirai pas le prince, mais l’homme de son tems né avec la conception la plus vive et l’imagination la plus brillante. […] Je consens donc que la foi et l’esperance soutiennent un mourant, et que la religion paroisse affligée aux pieds d’un évêque mort. […] Les discours que le grand Corneille fait tenir à Cesar dans la mort de Pompée sont une meilleure preuve de l’abondance de sa veine et de la sublimité de son imagination, que l’invention des allegories du prologue de la toison d’or.
Il n’a pas cette identité absolue avec le grand poète d’hier, qui a, pour sa gloire, le bonheur d’être mort et dont il est fanatique. […] Et ils sont morts tous les deux pour avoir voulu raviver à ce prix les défaillances de leur génie ! […] C’était aussi bête que de lui reprocher d’avoir des cheveux noirs… Si Shakespeare, que ces imbéciles admirent par lâcheté de tradition, donnait aujourd’hui son Hamlet, le plus beau de ses drames, ils diraient de la scène du cimetière où Hamlet, de ses mains de prince, joue au bilboquet avec des têtes de mort fraîchement déterrées, ce qu’ils disent des peintures horribles et sépulcrales de l’auteur des Névroses ; car Hamlet et M. […] … Le poète des Névroses ne méprise pas à la manière d’Hamlet ; on ne méprise pas ce qui fait peur, et il a une peur atroce des mystères inscrutables et toujours menaçants de cette vie incompréhensible et même de la mort.
Par exemple, il s’est fort réjoui d’avoir découvert les noms des religieuses, compagnes de Mlle de Bourbon au couvent des Carmélites ; il a cru introduire le public dans l’intérieur d’un couvent, en lui apprenant l’âge, la condition, la date de la mort et de rentrée de toutes les abbesses et de toutes les prieures, en transcrivant des biographies inédites composées au couvent, lesquelles, en leur qualité de biographies pieuses, ne renferment que des éloges vagues et des anecdotes édifiantes ; toutes choses qui ressemblent à l’histoire comme une boîte de couleurs ressemble à un tableau. […] La mort est la condition de la vie ; mais pour que la vie sorte de la mort, il faut que la mort n’ait pas été entière.
En septembre 1862, un an après la mort de cette précieuse amie, j’écrivis, pour le petit nombre des personnes qui l’avaient connue, un opuscule consacré à son souvenir. […] Cet opuscule ne sera donc réimprimé qu’après ma mort. […] Le jour même où j’allais donner le bon à tirer de cette feuille la mort de mon frère est venue rompre le dernier lien qui m’attachait aux souvenirs du toit paternel.
Le mémoire, trouvé après sa mort, arrivée en 1752, est circonstancié singulièrement. […] Rien n’est plus grave que cette accusation faite comme une espèce de testament de mort & de dénonciation à la postérité. […] Il suit donc que le mémoire de Boindin, écrit plus de vingt années avant sa mort, est un libèle diffamatoire.
En achevant la lecture de ce livre, on se prend à regretter la mort prématurée de l’homme qui l’a écrit. […] N’est-ce pas honorer un pareil mort, que d’étudier son œuvre sérieusement afin de pouvoir en profiter ? […] Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes, etc. » J’aurais honte de citer ce morceau pour le vain plaisir de le déclarer mauvais ; mais il est bon d’aviser les jeunes écrivains et de s’avertir soi-même du danger où l’on est d’écrire en style décadent, lorsque, fût-on un maître, on cède à l’illusion d’enrichir le sens par la bigarrure des mots.
Il fallait la prendre de sa naissance à son mariage et de sa naissance jusqu’à sa mort, et depuis la naissance du siècle jusqu’à la mort du siècle. […] Elles martyrisent l’honnête femme dont la vertu leur déplaît ; et, font-elles touchée à mort, elles poussent ce cri de vipère : “Ah !
Il s’agissait d’un roman ressuscité de l’oubli, et que la mort n’avait pas assez changé pour qu’on ne pût le reconnaître. […] Coquet et cancanier, gourmand de ragoûts, de confitures et de bonbons (son chef-d’œuvre s’appelait le Cordon-Bleu et c’était un livre tellement monumental que l’auteur est mort avant de l’achever), surchargé d’édredons, entouré de crachoirs, roulé comme une momie dans les châles les plus extravagants, regrettant ses dents, son estomac, la vie et le pouvoir de faire encore des mensonges, au demeurant chrétien grabataire, détestant les doctrines canailles qui font déroger un homme, et sur le chapitre de l’éternité se décidant à la courte-paille, d’après l’argument de Pascal, il s’éteignit pauvre et vieux dans ses coiffes (car il en portait) chez les frères de Saint-Jean-de-Dieu, rue Plumet, où mourut si saintement Ourliac. […] Eh bien, ce que le philosophe furibond ne manqua pas certainement d’appeler une capucinade, n’a-t-il pas influé sur l’esprit de Sainte-Beuve, trop détaché des choses religieuses pour bien comprendre, dans ses sévérités comme dans ses indulgences, dans ses ombres comme dans ses lueurs, cette capucine de bonne volonté, qui abaissa de bonne heure sur ses yeux restés pénétrants la pointe de son bonnet de dévote et qui le garda, jusqu’à sa mort, comme le capuchon de sa vieillesse, sans que pour cela ses anciens yeux d’escarboucle brillassent moins fort et vissent moins clair ?
I Ces lettres, qui durent être publiées immédiatement après la mort de Madame Récamier et dont la publication fut si longtemps arrêtée, ont enfin paru. […] Il y a un mot, très peu allemand, du reste, de Jean-Paul, que Benjamin Constant, qui savait l’allemand, aurait dû se rappeler et que voici dans sa magnifique brutalité : « Il faut se mettre à genoux devant les femmes, mais comme l’infanterie devant la cavalerie, — pour se relever et pour donner la mort ! […] Ce fut, je crois, Philarète Chasles, qui, le premier, fut assez hardi pour, après la mort de l’énigmatique phénomène, écrire pour les yeux de tous ce qui n’avait jamais été dit tout bas qu’aux oreilles de quelques-uns.
C’est un Hamlet, mort à trente ans passés, qui n’eut pas d’Ophélie, qui cause aussi, et dans quelle langue, grand Dieu ! avec la tête de mort que les solitaires mettent auprès de leur crucifix, et qui, s’il se rejette, comme l’autre Hamlet, en arrière devant le trou de la tombe, c’est qu’au fond il voit l’enfer, que l’autre Hamlet n’y voyait, pas ! […] Il y a donc tout un Pascal de mort dans Pascal.
Soury ne voit, lui, qu’un fou parfaitement caractérisé, délirant pendant tout le temps de sa mission sur la terre, et qui serait mort dans l’idiotisme absolu et la vie végétative, « si les juifs, MAL INSPIRÉS, avaient préféré voir mettre Barrabas en croix ». […] C’est qu’ils combattaient jusqu’à la mort l’idolâtrie ! […] Il fallait bien sauver la civilisation romaine, qui était la civilisation du monde, contre le Christianisme, qui est la barbarie, l’ignorance, la sécheresse de tout, l’obscurité, la mort !
Pour notre compte, nous attendions avec impatience cette occasion de parler du chef de l’école éclectique, — mort depuis longtemps comme expression d’idées, après s’être tiré dans la tête ce coup de pistolet d’enfant, chargé à bonbons, qu’on appelle l’Histoire de madame de Longueville. […] Après la mort de Descartes, toute la France du xviie siècle était cartésienne. Nous verrons ce que deviendra la France après la mort de Cousin.
I Enfin, après tous les autres volumes qui ont successivement paru depuis sa mort, voici le premier volume des œuvres complètes de Mme Émile de Girardin. […] Évidemment pour moi, Mme Delphine Gay aurait eu du génie, — le génie, par exemple, que ses amis, ses Séides de salon, lui ont attribué si longtemps, — que ce génie serait mort de son mariage. […] Les titres seuls de ces Poésies préviennent et en donnent l’accent : c’est La Noce d’Elvire, La Druidesse, Chant ossianique sur la mort de Napoléon, La Tour du prodige, L’Ange de poésie, Ourika, L’Écho des Alpes, etc. ; mais en 1838 la voix s’est affermie et étendue.
Les uns sont morts, et c’est ce qu’ils ont fait de mieux ! […] Mais toujours, comme nous le sommes, Soyons des faiseurs de corps morts : Crève, mais foule aux pieds des hommes ! […] En ces Idylles qui cachent des élégies, mais des élégies qui pleurent du sang, comme Le Jour des Morts, Les Femmes violées, Les Allemands, Le Jeune Prussien (je ne puis pas tout citer) ; dans ces Idylles où se rencontrent quelques notes simplement touchantes et tendres, ce qui vibre avec le plus de profondeur, c’est la haine, — la haine du Prussien, — et même encore plus (du moins dans ma sensation, à moi !)
L’auteur de La Chanson des gueux, qui se chauffe avec les ossements des tombes et des têtes de morts tant il est affamé de flamme et de tableaux d’un tragique effréné, l’écrivain moins puissant, mais non moins ardemment épris de choses physiques, qui a écrit Les Morts bizarres et Les Caresses, et qui couve, en ce moment, comme le Chaos et la Nuit couvèrent l’Amour dans une terrible mythologie, l’œuf monstrueux de ses Blasphèmes, vient de nous faire, en Madame André, le livre le plus retenu, le plus contenu, le plus rassis, le plus didactique, le plus sage de la sagesse humaine, et le plus en dissonance et en contraste avec ce qu’il nous avait donné le droit de croire ses incoercibles instincts. […] Quoique le sujet ait été choisi et traité par un esprit qu’on n’aurait jamais pu croire celui de l’auteur de La Chanson des gueux, des Caresses et des Morts bizarres, il termine les étonnements qu’il cause par l’étonnement du genre de talent qu’on y trouve.
Je passe rapidement sur tous les discours, pour venir à celui qui a, et qui mérite en effet le plus de réputation ; c’est l’éloge funèbre de Turenne, de cet homme si célèbre, si regretté par nos aïeux, et dont nous ne prononçons pas encore le nom sans respect ; qui, dans le siècle le plus fécond en grands hommes, n’eut point de supérieur, et ne compta qu’un rival ; qui fut aussi simple qu’il était grand, aussi estimé pour sa probité que pour ses victoires ; à qui on pardonna ses fautes, parce qu’il n’eut jamais ni l’affectation de ses vertus, ni celle de ses talents ; qui, en servant Louis XIV et la France, eut souvent à combattre le ministre de Louis XIV, et fut haï de Louvois comme admiré de l’Europe ; le seul homme, depuis Henri IV, dont la mort ait été regardée comme une calamité publique par le peuple ; le seul, depuis Du Guesclin, dont la cendre ait été jugée digne d’être mêlée à la cendre des rois, et dont le mausolée attire plus nos regards que celui de beaucoup de souverains dont il est entouré, parce que la renommée suit les vertus et non les rangs, et que l’idée de la gloire est toujours supérieure à celle de la puissance. […] « Turenne meurt, tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s’éloigne, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance ; tout le camp demeure immobile ; les blessés pensent à la perte qu’ils ont faite et non aux blessures qu’ils ont reçues ; les pères mourants envoient leurs fils pleurer sur leur général mort, etc. » Cependant, malgré l’éloquence générale et les beautés de cette oraison funèbre, peut-être n’y trouve-t-on point encore assez le grand homme que l’on cherche ; peut-être que les figures et l’appareil même de l’éloquence le cachent un peu, au lieu de le montrer ; car il en est quelquefois de ces sortes de discours comme des cérémonies d’éclat, ou un grand homme est éclipsé par la pompe même dont on l’environne. […] Il y a des mots qui disent plus que vingt pages, et des faits qui sont au-dessus de l’art de tous les orateurs ; par exemple, le mot de Saint-Hilaire à son fils : Ce n’est pas moi qu’il faut pleurer, c’est ce grand homme ; et ce trait du fermier de Champagne qui vint demander la résiliation de son bail, parce que, Turenne mort, il croyait qu’on ne pouvait plus ni semer, ni moissonner en sûreté ; et cette réponse, si grande et si simple, à un homme qui lui demandait comment il avait perdu la bataille de Rhétel, par ma faute ; et cette lettre qu’il écrivit au sortir d’une victoire : « Les ennemis sont venus nous attaquer, nous les avons battus ; Dieu en soit loué.
Il sait évidemment ce qu’est la mort matérielle, mais sa logique trop pauvre n’arrive pas à unir l’idée de mort et l’idée de cessation de vie. […] Pour nous, pour un très grand nombre d’entre nous, comme pour l’Australien ou l’Esquimau, les morts ne sont pas morts. […] Mais n’évoquons point les morts. […] Il est mort. […] Si nous acceptions avec bravoure la mort de nos rêves, en même temps que la mort de notre corps ?
Ça manque de théâtres, de restaurants et de femmes… Le soir après dîner, les exilés jouent au whist, avec un mort. Rochefort dit au général : « C’est vous le mort. » Et les trois proscrits échangent des mots aigres.
Oui, les tuer — sans douleur : car je serais malgré tout sensible à leur souffrance ; à leur mort, non. […] Si le Christ est mort pour eux comme pour moi, la vision de ces magots a dû être sa pire angoisse.
CORNEILLE, [Pierre] de l’Académie Françoise, né à Rouen en 1606, mort à Paris en 1684. […] En parcourant l’Histoire du Théatre, on voit le Cid, les Horaces, Cinna, la Mort de Pompée, occuper la Scène avant Venceslas, la seule des Pieces de Rotrou qui ne se ressente pas de l’ignorance & du mauvais goût de son temps.
Saint-Evremont, [Charles de Saint-Denis, Sieur de] né près de Coutance, dans la Basse-Normandie, en 1613, mort à Londres en 1703 ; un des plus Beaux-esprits & des plus polis Ecrivains du Siecle dernier. […] Au reste, il est essentiel d'avertir que les Philosophes se sont empressés assez légérement de réclamer Saint-Evremont comme un Membre de leur Secte, & qu'ils se sont servis de son nom pour publier, soixante ans après sa mort, un Libelle infame contre le Christianisme, intitulé Analyse de la Religion ; Libelle aussi atroce, que peu conforme à sa maniere d'écrire.
La religion enveloppe une cosmologie embryonnaire, en même temps qu’une morale plus ou moins pure, et, enfin, elle est essentiellement un essai pour réconcilier l’une avec l’autre, pour mettre d’accord nos aspirations morales et même sensibles avec les lois du monde qui régissent la vie et la mort. […] L’art, en un mot, c’est encore la vie, et l’art supérieur, c’est la vie supérieure ; toute œuvre d’art, comme tout organisme, porte donc en soi son germe de vie ou de mort.
Énée se réjouit d’abord de voir Hector qu’il croit vivant ; ensuite il parle des malheurs de Troie, arrivés depuis la mort même du héros. […] Athalie, sous le portique du temple de Jérusalem, raconte son rêve à Abner et à Mathan : C’étoit pendant l’horreur d’une profonde nuit ; Ma mère Jésabel devant moi s’est montrée, Comme au jour de sa mort pompeusement parée ; Ses malheurs n’avoient point abattu sa fierté : Même elle avoit encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage, Pour réparer des ans l’irréparable outrage.
Observons toutes les nations barbares ou policées, quelque éloignées qu’elles soient de temps ou de lieu ; elles sont fidèles à trois coutumes humaines : toutes ont une religion quelconque, toutes contractent des mariages solennels, toutes ensevelissent leurs morts. […] Dès lors les cités se dépeupleraient, les champs resteraient sans culture, et les hommes chercheraient les glands mêlés et confondus avec la cendre des morts.
Des mortes rivières. Des mortes eaux. […] Gloire à ceux qui sont morts pour elle ! […] Gloire à ceux qui sont morts pour elle ! […] Gloire à ceux qui sont morts pour elle !
Cependant qu’on se rassure : l’étude du passé n’a rien d’exclusif ni d’absolu ; savoir n’est pas reculer ; donner la vie idéale à qui n’a plus la vie réelle n’est pas se complaire stérilement dans la mort. […] Voici que le moment est proche où ils devront cesser de produire, sous peine de mort intellectuelle. […] Le reproche qui m’a été adressé de préférer les morts aux vivants est on ne peut plus motivé, et j’y réponds, par l’aveu le plus explicite. […] En général, tout ce qui constitue l’art, la morale, et la science était mort avec le Polythéisme. […] Cependant, voici que la France du dix-neuvième siècle possède, affirme-t-on, un grand poète populaire et national, mort hier, en qui revit l’âme de tout un peuple.
Une mort volontaire le rendrait libre. […] Chimène, à son tour, veut venger la mort de son père par celle de Rodrigue : c’est pour elle le devoir. […] N’a-t-elle pas secrètement l’espoir que le roi lui refusera la mort d’un ennemi auquel elle a résolu de ne pas survivre ? […] Pompée, qui aime sa femme, mais qui craint Sylla, résiste ; il la supplie d’attendre l’abdication ou la mort du dictateur. […] Au contraire, l’amour épisodique, l’amour employé comme ornement, rend ridicules César dans la Mort de Pompée ; Sertorius et Pompée, dans Sertorius ; Thésée, dans Œdipe.
» Mort à tout ce qui me déplaît ou me gêne, à mes concurrents, il mes créanciers ; mort aux riches qui ont ce que je n’ai pas, aux magistrats et aux gendarmes qui m’empêchent de le prendre ! […] Il se croirait mort pour tout de bon, si, par ses lectures médicales, il ne s’assurait qu’il n’est que mourant. […] Il ne la souffrait pas plus chez les morts que chez les vivants, pas plus des faits que des personnes. […] Quand je me présentai à l’Académie française, Royer-Collard était mort. […] Et après avoir dit tant de fois : Heureux ceux qui sont morts avant cette guerre !
La mort a toutes les sortes d’ironies et de malencontres. […] Jeudi dernier, j’ai commencé à parler de Michel-Ange ; je l’ai conduit depuis le berceau jusqu’à la mort de Jules II. […] Après demain, je conduis Raphaël jusqu’à la même date ; puis, jusqu’à sa mort. […] Un jeune ecclésiastique mort trop tôt, l’abbé Vaillant, un disciple de M. […] Lenté, ingénieur des ponts et chaussées, est mort aujourd’hui.
L’érudition ou ce qui pourrait en avoir l’air, en s’appliquant à ces sujets qui en sont si éloignés par nature, change véritablement de nom et prend quelque chose de la piété qui se met en quête vers les moindres reliques d’un mort chéri. […] L’ambassadeur mort (octobre 1722), Mlle Aïssé revint loger chez Mme de Ferriol, qui manqua de délicatesse jusqu’à lui reprocher les bienfaits du défunt. […] Sa santé décroît, ses scrupules de conscience augmentent, la passion du chevalier ne diminue pas ; tout cela mène au triomphe des conseils austères et à une réconciliation chrétienne en vue de la mort, conclusion douce et haute, pleine de consolations et de larmes. […] Un mot d’une lettre de Voltaire à d’Argental, qu’on range à la date du 2 février 1761, indique que sa mort n’eut lieu en effet que sur la fin de 1760. […] Notre cher chevalier d’Aydie est mort en Périgord.
Addison fit mieux encore : il composa un opéra, une comédie, une tragédie fort admirée sur la mort de Caton. […] C’est pourquoi il songe à la mort. […] Ce n’est pas lui qui dira avec Voltaire que l’allégorie du Péché et de la Mort est bonne pour faire vomir les entrailles. […] Elles sont les demeures des hommes de bien après leur mort… Ne sont-ce point là, ô Mirza, des asiles dont la possession mérite des efforts ? […] Dois-tu craindre la mort qui te conduit vers une vie si heureuse ?
peut-être aussi sa mort prématurée. […] Que si, d’ailleurs, les morts pouvaient revivre, qui de nous le leur souhaiterait ? […] Également inévitable, également inflexible pour « tout ce que nous sommes », la Mort, aux yeux de Malherbe, est la Mort, absolument parlant, sans plus de distinctions ni de nuances. […] Je le sais ; mais je sais aussi que la mort l’en a seule empêché. […] Non pas du tout que la Renaissance, à son heure, et ainsi qu’on l’en accuse aujourd’hui trop complaisamment, ait rien tué, rien détruit en son germe qui ne fût déjà mort et bien mort.
À la longue ce qui a produit des chefs-d’œuvre ne produit plus que des œuvres mortes. […] À la veille de sa mort, il jouait La Démence de Charles VI. […] Les œuvres mortes s’y cachaient dans l’éclat des illustres souvenirs. […] quel tableau que celui de cette maison où la mort a fait un vide irréparable ! […] Pour lui, son jeune maître n’est pas mort.
Car, d’abord, on ne saura jamais à quel âge il est mort, et s’il est né en 1807 ou en 1811. […] Feu fieu : enfant mort.) […] (Il est vrai qu’il serait mort tout de même, à l’heure qu’il est.) […] Croyez-vous à un Dieu personnel, à l’immortalité de l’Ame, aux peines et aux récompenses après la mort ? […] Il y en a d’autres (des malins) qui laissent pour cela des sommes après leur mort : ce qui est encore très bien.
Hugo de plaider aujourd’hui pour des croyances mortes depuis longtemps dans son cœur. […] Hugo doit se résigner, s’il ne veut pas assister vivant à la mort de son nom. […] Par une pente irrésistible, il arrive à souhaiter la mort de sa victime. […] Il envisage la mort sans effroi, et cependant il ne se presse pas d’exécuter son projet. […] Henri II et Richard Cœur-de-Lion étaient morts.
Paul Bourget, qu’après la mort du romancier. […] Voyez la mort de la petite Lalie dans L’Assommoir. […] De là son angoisse devant la mort inévitable. […] La mort, le meurtre même… c’est si peu de choses ! […] Mais ce sera pour se contraindre, se contraindre jusqu’à la mort.
Qu’on ne croie cependant pas que ceux-ci aient tous été également affreux, et que dans les luttes à mort qu’eux-mêmes se livrèrent autour de l’échafaud de leurs victimes, aucuns ne méritent de la postérité moins d’exécration que les autres, ou même quelque pitié pour leurs noms. […] La dernière lettre de Camille Desmoulins écrite à sa femme, avant de marcher à la mort, est un mémorable et touchant exemple de cette exaltation qui ne devait s’éteindre qu’avec la vie : mais ici il n’y a rien qui doive étonner ; pour une telle affection, dans un tel moment, nulle expression ne suffit ; l’énergie de l’amour est incalculable, et, comme dit Bacon, c’est la seule passion qui ne fasse pas mentir l’hyperbole.