quant au Cicéron, j’ai quelque peine à en retrouver trace même dans son air ; laissons ces fausses ressemblances, et demandons plutôt à Gui Patin de se peindre à nous lui-même. […] Et semble que ce moyen de nous entravertir apporterait non légère commodité au commerce public ; car à tout coup il y a des conditions qui s’entrecherchent, et, pour ne s’entr’entendre, laissent les hommes en extrême nécessité. » Renaudot, qui savait sort Montaigne et qui s’en autorise, résolut d’établir ce centre commun d’annonces, d’adresses et de renseignements ; il eut l’idée de plus, soit par un sentiment d’humanité, soit pour mieux achalander son entreprise, de donner des consultations gratuites, et de se faire le commissaire officieux, mais qualifié et breveté, des pauvres et des malades, de ceux qui ne voulaient pas entrer dans les hôpitaux, et qui désiraient être traités à domicile : il se chargeait de leur procurer gratis médecins et médicaments. […] Maintenant on trouverait bien des grossièretés ou des inconséquences dans ces factums contradictoires ; je laisse les grossièretés et ne touche qu’aux inconséquences. […] Il ne laissa qu’une fille. […] Talon ne laissa peut-être échapper qu’en conversation.
. — Et d’ailleurs, reprenait vivement le premier consul, ces choses-là les ont renversés ; et moi j’ose dire que je suis du nombre de ceux qui fondent les États, et non de ceux qui les laissent périr. […] Il faut me laisser à mon poste. […] Quand il dirigeait les théâtres, si on l’eût laissé faire, il aurait laissé tomber l’Opéra. […] J’aime la tragédie63, mais toutes les tragédies du monde seraient là d’un côté, et des états de situation de l’autre, je ne regarderais pas une tragédie, et je ne laisserais pas une ligne de mes états de situation sans l’avoir lue avec attention. […] Au retour de l’île d’Elbe, dans les Cent-Jours, nommé commissaire dans neuf départements du Midi, il a laissé un témoignage de son zèle et de son activité d’efforts dans une pièce confidentielle qui a été publiée65.
Il nous faudrait des chefs qui nous éduquassent mieux, qui eussent donner l’essor à nos mouvements, qui laissassent aller nos saillies pour mettre les esprits dans l’habitude d’un mouvement noble et d’un feu qui les élèverait, et rétablirait le génie et le goût comme dans le beau siècle de Louis XIV, et peut-être mieux ; des chefs qui récompenseraient à propos et ne puniraient les Français que par la privation des grâces, seule façon de diriger les gens à talents. […] D’Argenson, on le voit de reste, est un philosophe, mais il l’est à sa manière, comme il convient quand on l’est, et sans se laisser influencer par aucune école ni cabale. […] Cette analyse pourtant va lui enlever le seul brillant aspect sous lequel de loin on se le figure : il ne gardera pas intacts les honneurs mêmes de Fontenoy ; mais laissons-le faire : À peine ai-je pensé peu de moments en ma vie à ma gloire particulière ; je n’ai cependant jamais manqué de sentir combien elle réclame dans le coeur et dans les sens. […] À la date d’avril 1752, après une lecture du Siècle de Louis XIV, il ne se contient pas et laisse échapper son admiration comme un hymne : Ô le livre admirable ! […] Ce roi corrompu ne veut pas même laisser à sa nation sa vertu unique et dernière, et il la flétrit.
Saint-Simon, présent à de telles paroles, et qui avec son œil de lynx lisait dans tous les plis de cet amour-propre avantageux et content de soi, content de se déployer au soleil, ne se sentait pas de colère : « Je laisse à penser, écrit-il, en une circonstance pareille, comment ce mot fut reçu venant d’un compagnon de sa sorte, élevé et comblé au point où il se trouvait. » Je doute cependant que l’éloquent duc et pair ait éclaté devant Villars, mais il rentrait chez lui outré, grinçant des dents, la tête fumante, et il couchait sur le papier toutes ses indignations contre cet homme « le plus complètement et le plus constamment heureux de tous les millions d’hommes nés sous le long règne de Louis XIV », et qui prétendait se donner comme heureux en effet sans doute, mais comme n’ayant pas atteint à toute sa fortune. […] Le premier plan de Villars dans cette campagne du Danube était de se porter entre Passau et Lintz, d’attaquer celle des deux villes qui aurait paru le plus dégarnie de troupes, et, si une partie de ces troupes s’y était laissé prendre, de marcher sur Vienne : « Je dois connaître cette place, ajoutait Villars, par le séjour que j’y ai fait. […] Parlant des derniers rebelles qu’on réduisit, Villars laisse échapper un mot qui est bien d’un noble soldat : « Ravanel, dit-il, mourut de ses blessures dans une caverne ; La Rose, Salomon, La Valette, Masson, Brue, Joanni, Fidel, de La Salle, noms dont je ne devrais pas me souvenir, se soumirent, et je leur fis grâce, quoiqu’il y eût parmi eux des scélérats qui n’en méritaient aucune. » On sent, à ce simple mot de regret d’avoir pu loger de tels noms dans sa mémoire, le guerrier fait pour des luttes, plus généreuses et pour la gloire des héros, celui qui a hâte de jouer la partie en face des Marlborough et des Eugène. […] Laissons aux actions humaines, pourvu qu’elles soient bonnes, leurs motifs divers : socialement parlant, n’ôtons point au navire ses plus hautes voiles. […] Pour lui, bien inférieur en nombre, il ne se laissa point imposer et ne se piqua point non plus d’honneur hors de propos ; il attendit sous les armes, ne devançant rien, acceptant ce qu’il plairait à l’ennemi d’offrir, n’essayant pas de le décourager d’une bataille, et ne faisant élever des retranchements qu’à l’endroit le plus faible de sa ligne.
Tout ce qui a passé et défilé sous nos yeux depuis trente-cinq ans en fait de mœurs, de costumes, de formes galantes, de figures élégantes, de plaisirs, de folies et de repentirs, tous les masques et les dessous démasqués, les carnavals et leur lendemain, les théâtres et leurs coulisses, les amours et leurs revers, toutes les malices d’enfants petits ou grands, les diableries féminines et parisiennes, comme on les a vues et comme on les regrette, toujours renaissantes et renouvelées, et toujours semblables, il a tout dit, tout montré, et d’une façon si légère, si piquante, si parlante, que ceux même qui ne sont d’aucun métier ni d’aucun art, qui n’ont que la curiosité du passant, rien que pour s’être arrêtés à regarder aux vitres, ou sur le marbre d’une table de café, quelques-unes de ces milliers d’images qu’il laissait s’envoler chaque jour, en ont emporté en eux le trait et retenu à jamais la spirituelle et mordante légende. J’avais autrefois rencontré Gavarni, je ne l’ai connu que tard ; mais j’ai beaucoup causé avec ceux qui l’ont pratiqué de tout temps, je me suis beaucoup laissé dire à son sujet, et insensiblement l’idée m’est venue de rendre à ma manière cette physionomie d’un artiste qui en a tant exprimé dans sa vie et qui les comprend toutes ; j’ai voulu l’esquisser telle qu’à mon tour je la vois et la conçois et telle qu’on l’aime. […] La rêveuse, aux buissons d’une étroite chaussée, Laissait nonchalamment balayer ses panneaux, Dans le sable, sans bruit, doucement balancée, Comme une barque sur les eaux. […] Gavarni a bien des cordes, il n’a pas celle de la caricature proprement dite ; il la laisse à Daumier, sans rival dans cette partie. Ni la politique, — orateurs et avocats politiques, — ni la chicane et la basoche, à côté de Daumier ; ni le militaire et le troupier après Horace Vernet et Charlet, et à côté de Raffet ; mais à Gavarni l’ordre civil et moral, régulier ou irrégulier dans tous les genres, la femme et tout ce qui s’ensuit, à tous les degrés et à tous les âges. — Il a repris le bourgeois après Henri Monnier, créateur du type ; mais au célèbre acteur-auteur il laisse presque exclusivement les abîmes et les bas-fonds d’où l’éloigne et le rejette toujours cette même naturelle et instinctive élégance.
Puis, quand ces grands auteurs du passé furent imprimés, quand on les posséda dans des textes suffisamment établis et convenablement élucidés, on se mit à en jouir, et l’esprit moderne, un moment étonné, réagit bientôt en tout respect et avec son amour-propre légitime : loin de se laisser décourager, il se demanda ce qu’il fallait faire et comment il devait s’y prendre désormais, puisqu’il était en face de chefs-d’œuvre comme on n’en avait jamais eu. […] Tout ce qu’il croit savoir, c’est que la négligence de nos ancêtres a laissé notre langue « si pauvre et si nue, qu’elle a besoin présentement des ornements et comme des plumes d’autrui ». […] Il traduit et répète les préceptes de l’Épître aux Pisons, en nous les appropriant ; il conseille l’étude avant tout, le travail, de tenter le difficile ; se choisir de bons modèles ou ne pas s’en mêler ; qu’on ne lui allègue point le Nascuntur poetæ, mais parlez-moi de la méditation, des veilles, de l’abstinence et du jeûne : Qui studet optatam cursu contingere metam Multa tulit fecitque puer, sudavit et alsit, Abstinuit venere et vino105……………… Il faut laisser aux poètes courtisans la paresse et la facilité épicurienne, qui ne mena jamais à la gloire. […] Boileau a bien assez d’autres avantages pour qu’on laisse à Du Bellay celui-là. […] Après s’être laissé emporter un peu loin à ses prédictions et à son enthousiasme, Du Bellay revient à de plus humbles et plus particuliers conseils ; il se rabat à des soins de diction, et, sur ces points précis où il parle en toute connaissance de cause, on ne saurait trop l’écouter.
Ayant eu l’occasion depuis de faire réimprimer ce premier travail, nous en disions : « Comme biographie, ce simple pastel, dans lequel on s’est attaché à l’esprit et à la physionomie plus encore qu’aux faits, laisse sans doute à désirer ; un de nos amis, M. […] Les jolis Mémoires qu’a laissés Tilly peuvent bien ne pas être très-édifiants, ils ne sont certainement pas ridicules. […] Je me laisse aller à dire la vérité comme moi-même au fond je la sens. […] Eynard, sur ce point, ne nous laisse rien ignorer, et ce chapitre de son ouvrage est un des plus piquants que nous offre l’histoire secrète de la littérature. […] Elle va nous l’avouer elle-même et laisser échapper son orgueil, son ivresse de sainte, sous les semblants de l’humilité : « On ne peut méconnaître, écrivait-elle « d’Aaran (en avril 1816), les grandes voies de miséricorde du Dieu qui veut, avant les grands châtiments, faire avertir son peuple et sauver ce qui peut être sauvé.
Le gain probable met sa prudence en repos ; pour sa conscience, il l’apaise avec des sophismes : après quoi, il se laisse aller à la joie de l’« aventure ». […] Et ils laissèrent aller les voiles au vent […] Il lui plaît qu’on prenne la conquête de l’empire grec pour un accident singulier amené par une suite de circonstances fortuites et fatales : il n’a garde de confesser que du jour où Boniface devint le chef de la croisade, c’était fait de la défense des lieux saints et du service de Dieu ; il n’a garde de laisser entendre que les Vénitiens ne sont pas des fils dévoués de l’Eglise, et peuvent entretenir des rapports quelconques avec Abd el-Melek, le sultan d’Egypte. […] Son humanité, aimable et faible, éclate à chaque page de son récit, comme lorsque, au départ, il n’ose se retourner vers son beau château de Joinville où il laisse ses deux enfants, de peur que le cœur ne lui fende. […] Mais surtout il a des yeux : et tout ce qui a passé devant ses yeux y laisse une ineffaçable et précise image.
Activité philosophique de Voltaire Alors, n’ayant plus rien à ménager puisqu’il n’avait plus rien à craindre, sentant la nécessité de ne pas se laisser distancer par les jeunes, Voltaire s’épanouit, plus fort, plus actif, plus jeune à soixante ans passés qu’il n’avait jamais été. […] Calas, à Toulouse, est roué comme assassin de son fils, qui s’est pendu : des juges catholiques ont cru sans preuve que ce calviniste avait mieux aimé tuer son propre enfant que de le laisser convertir. […] C’est un charme de l’entendre causer librement, avec son infatigable curiosité, son universelle intelligence, avec son esprit pétillant, ce don étonnant qu’il a de saisir des rapports inattendus, ingénieux ou cocasses, avec ses passions aussi toujours bouillonnantes et débordantes, qui ne laissent pas un instant refroidir les choses sous sa plume. […] Mais tandis que le mathématicien convertit ses formules sous nos yeux, et nous conduit à sa conclusion par une suite de propositions constamment évidentes, Voltaire supprime les intermédiaires ; il substitue brusquement la vérité connue à la proposition non démontrée, l’absurdité sensible à la proposition non réfutée ; et il nous laisse le soin de saisir l’équivalence des termes de chaque couple. […] Le président de Brosses (1709-1777), conseiller au parlement de Dijon en 1730, président en 1741, premier président en 1775, a laisse d’excellentes Lettres familières écrites d’Italie en 1739 et 1740 (Paris, 1836 : 4e éd. 1885). — À consulter : Foisset, Voltaire et le président de Drosses, Paris, 1885, in-8.
Tebaldo lui dit qu’après bien des discours sur la prétendue intelligence existant entre Fabio et Virginia, il lui a proposé d’accommoder l’affaire et de faire épouser à Fabio une autre fille que Virginia, qui apportera six mille écus de dot ; que le père de la mariée lui fera présent de deux mille écus, sans parler d’un opulent héritage que ce père laissera plus tard à ses enfants. […] Une certaine part y était laissée à l’improvisation. […] Voyez, parmi les canevas de Dominique, Li due Arlecchini (les deux Arlequins), et la lettre du cousin de Bergame : « Votre père est mort… il vous laisse cinquante écus… etc., etc. » Quoi qu’on doive leur accorder de crédit, il y a toujours quelque chose de significatif dans l’existence seule de pareils récits. […] On ne connaît pas d’autre témoignage de cette particularité remarquable, et celui de Villiers n’a point, sans doute, une autorité indiscutable ; mais il ne laisse pas d’être très formel. […] — Laissons ces ténèbres. — Mène-moi où il le plaît. — Tu me donnes un tel pouvoir ?
Un aveu qu’il laisse échapper donne l’idée de son respect pour les maîtres de jadis. […] Il n’attache en effet d’importance qu’à la pensée ; il laisse presque tout à fait à l’écart la sensibilité et il la traite assez mal : les sens nous trompent ; l’imagination est, comme dit Pascal, une maîtresse d’erreur et de fausseté ; les passions sont des guides déplorables qui nous détournent de la vertu et de la vérité, etc. […] La vie intérieure est également laissée dans l’ombre, et j’entends par là aussi bien la vie du cœur que la vie domestique, l’expression des sentiments en chaque individu aussi bien que dans l’intimité du. foyer. […] L’imagination, à laquelle l’époque précédente avait laissé libre carrière, est tenue sévèrement en bride. […] N’a-t-on pas comparé l’historien à un Rembrandt qui dirige les jets de lumière sur les choses essentielles et laisse dans l’ombre celles qui méritent d’y rester ?
Laissons aux âmes communes (et madame de Montespan était du nombre, malgré la distinction de son esprit la satisfaction de penser, ou de le dire, que madame de Maintenon mit en œuvre tous les manèges de la coquetterie pour se faire aimer du roi, et elle qui, pouvant devenir sa maîtresse, le ramène à ses devoirs de mari. […] Puisque les conséquences ultérieures de cette fortune ne sont plus de notre sujet, et que nous nous arrêtons ici dans l’histoire de la société polie, jetons un dernier regard sur les personnages qui la composent en 1680, rassemblons-les dans notre pensée : leur aspect suffira pour nous faire entrevoir l’avenir que nous laissons à d’autres le soin de décrire. […] Si le roi avait eu un enfant avec madame de Maintenon, et que les prêtres lui eussent fait un scrupule de laisser cet enfant sans état et sa mère dans le déshonneur, on pourrait dire que la religion a décidé le roi à épouser sa concubine, surtout s’il avait été dégoûté d’elle par la possession. […] Il est fort probable que pour déterminer le roi à l’employer comme moyen, madame de Maintenon fit tout ce qu’elle put et laissa faire tout ce qui concourait à rendre l’obstacle assez puissant pour rendre le moyen nécessaire. […] En se défendant par l’intérêt de l’honneur, auquel le roi pouvait opposer la promesse du secret, elle l’aurait rebuté ; en se défendant par la religion, par un devoir et par un intérêt commun ; en se défendant par un devoir qu’elle représentait comme pénible à son cœur, et comme assez contraire à son inclination pour laisser au roi l’espérance d’en obtenir l’oubli dans un moment propice, elle parvenait à la solution habile de cette grande difficulté de renvoyer le roi toujours affligé, jamais désespéré ; en prolongeant son désir, elle en faisait une passion vive et profonde.
L’étude était si naturellement son fait et sa vocation, sa passion à la fois et son jeu, que, loin de le fatiguer, elle le laissait toujours plus libre, plus allègre et plus dispos après qu’auparavant. […] Tout ce composé, convenons-en, même avec les légers défauts, ne laissait pas de former un savant très cavalier et très agréable. […] Dans des lettres familières de lui à Ménage, lettres inédites qu’un amateur éclairé a eu l’obligeance de me laisser connaître, je vois Huet, à la date de février 1663, très fier d’une certaine ballade qui a réussi. […] Pendant des années il ne laissa jamais passer un mois de mai, qui était son mois favori, sans le fêter et l’égayer d’une nouvelle lecture de Théocrite ; il avait ainsi, même comme érudit, ses à-propos de saison. […] Quand il écrit en français, il a le style bon, bien qu’un peu suranné, et il laisse volontiers aux mots leur acception toute latine.
Maintenant que je te sais près d’elle, je suis rassuré, j’ai chaud. » Ce courant d’air pourtant ne laisse pas de faire sourire ; Fontenelle n’eût pas mieux dit. […] Lui qui connaissait la vie et les sens non moins que l’idéal, il avait tout d’abord classé cet amour, et il ne s’en défiait pas, à condition de ne pas trop le laisser approcher de lui. […] Je laisse là les beaux hussards français, les jeunes artistes de Munich, à qui elle prêche l’art, l’art sensible, italien, et non vaporeux ; mais les grands rivaux de Goethe dans cette jeune âme enthousiaste, c’est le héros tyrolien Hofer, c’est le grand compositeur Beethoven. […] Au printemps de 1809, lorsque la guerre de toutes parts se renflamme, et que les combats de géants vont se livrer, Bettina ne saurait être indifférente ; le son du clairon ne la laisse plus dormir. […] » La prise et la mort d’Hofer, qu’on laisse fusiller, lui arrachent des paroles de douleur et de haute éloquence morale.
Vue de près et dans la réalité, sa vie répond bien à l’idée qu’on s’en fait de loin et à travers l’auréole ; la personne ressemble de tout point à la réputation charmante qu’elle a laissée. […] Que se passait-il, durant ce temps-là, dans l’âme sincère et tendre, dans l’âme repentante qui s’abreuvait ainsi comme à plaisir de l’amertume du calice, afin de se laisser punir par où elle avait péché ? […] » Il répondait avec vigueur au nom de cette âme généreuse qui va, au contraire, s’en prendre au corps comme à son plus dangereux séducteur, qui déclare une guerre immortelle et irréconciliable à tous les plaisirs, puisqu’ils l’ont trompée une fois, et qui, venant enfin à s’assiéger elle-même, s’impose de toutes parts des bornes, des clôtures et des contraintes, de peur de laisser à sa liberté le moindre jour par où elle puisse s’égarer : « Ainsi resserrée de toutes parts, disait-il, elle ne peut plus respirer que du côté du ciel. » Une fois entrée dans cette voie de prière et de pénitence, Mme de La Vallière ne se retourna pas en arrière un seul instant. […] Aimer pour aimer, sans orgueil, sans coquetterie, sans insulte, sans arrière-pensée d’ambition, ni d’intérêt, ni de raison étroite, sans ombre de vanité, puis souffrir, se diminuer, sacrifier même de sa dignité tant qu’on espère, se laisser humilier ensuite pour expier ; quand l’heure est venue, s’immoler courageusement dans une espérance plus haute, trouver dans la prière et du côté de Dieu des trésors d’énergie, de tendresse encore et de renouvellement ; persévérer, mûrir et s’affermir à chaque pas, arriver à la plénitude de son esprit par le cœur, telle fut sa vie, dont la dernière partie développa des ressources de vigueur et d’héroïsme chrétien qu’on n’aurait jamais attendues de sa délicatesse première. […] Je laisse l’examen du premier point aux experts en écriture ; et, sur le second, je réponds sans hésiter pour plus d’un passage : Non.
Il est vrai qu’ils la laissèrent sous la conduite d’une parente… L’oncle a été ici changé en parente ; mais le reste continue de se rapporter à elle : En effet, Madame (c’est un récit qu’un des personnages est censé adresser à la reine de Pont), je ne pense pas que toute la Grèce ait jamais une personne qu’on puisse comparer à Sapho. […] Je laisse la faute de grammaire, ce qui en serait une pour nous. […] Elle discute avec soin cette question, s’il serait bien que les femmes, en général, sussent plus qu’elles ne savent : Encore que je sois ennemie déclarée de toutes les femmes qui font les savantes, je ne laisse pas de trouver l’autre extrémité fort condamnable et d’être souvent épouvantée de voir tant de femmes de qualité avec une ignorance si grossière, que, selon moi, elles déshonorent notre sexe. […] Leur conversation est, sans doute, moins enjouée quand il n’y a point de dames, que quand il y en a ; mais, pour l’ordinaire, quoiqu’elle soit plus sérieuse, elle ne laisse pas d’être raisonnable ; et ils se passent enfin de nous plus facilement que nous ne nous passons d’eux. […] Et puis Nicole finit tout par Dieu et par la considération de la fin suprême, tandis que Mlle de Scudéry finit toujours par les louanges et l’apothéose du roi ; elle y met une adresse et une industrie particulière que Bayle a remarquée et qui ne laisse pas de déplaire un peu.
Une âme faible se fût laissé gagner et eût suivi cet exemple : une âme délicate et forte se le tourna en morale et en leçon ; elle prit noblement sa revanche dans le bien. […] Lui mort, elle s’occupa avec suite des intérêts de ses enfants, très compromis dans des procès longs et cruels, qu’elle eut à soutenir contre sa propre famille : « Il y a si peu de grandes fortunes innocentes, que je pardonne à vos pères, écrit-elle à son fils, de ne vous en avoir point laissé. J’ai fait ce que j’ai pu pour mettre quelque ordre à nos affaires, où l’on ne laisse aux femmes que la gloire de l’économie. » Ce regret du rôle secondaire auquel sont réduites les femmes, percera plus d’une fois chez Mme de Lambert. […] Il est d’usage de vivre longtemps, à l’Académie ; c’est là une habitude qui ne s’est pas perdue, et qui, jointe à tant d’autres avantages, ne laisse pas d’avoir son prix. […] Le seul défaut de ces conseils à la lecture, c’est de ne laisser aucun point de repos ; la trame est toute serrée et toujours tendue.
Le futur historien de l’Empire romain était fort jeune lui-même alors ; son père l’avait envoyé à Lausanne pour y refaire son éducation et se guérir « des erreurs du papisme », où le jeune écolier d’Oxford s’était laissé entraîner. […] Je passai là quelques jours heureux dans les montagnes de Franche-Comté ; et ses parents encourageaient honorablement la liaison… Gibbon, qui n’avait point encore acquis cette laideur grotesque qui s’est développée depuis, et qui joignait déjà « l’esprit le plus brillant et le plus varié au plus doux et au plus égal de tous les caractères », prétend que Mlle Curchod se laissa sincèrement toucher ; il s’avança lui-même jusqu’à parler de mariage, et ce ne fut qu’après son retour en Angleterre qu’ayant vu un obstacle à cette union dans la volonté de son père, il y renonça. […] Un jour pourtant (elle venait d’avoir trente-cinq ans), elle laisse échapper comme une plainte légère : J’ai bien de la peine, écrit-elle à une amie, à m’habituer à tous changements ; l’âge, qui vient si lentement en apparence, m’a surprise précisément par cette marche sans bruit ; je crois être dans un monde nouveau, et je ne sais si l’instant de ma jeunesse fut un songe, ou si c’est à présent que le rêve commence. […] J’ai voulu montrer cet exemple singulier d’une certaine éloquence onctueuse et solennelle, bien singulier exemple en effet, si l’on songe qu’il est sorti de la dernière moitié du xviiie siècle, du milieu de cette société en proie à la dissolution, et qu’il vient d’une personne qui y vécut trente années sans se laisser entamer un seul instant ni atteindre. […] Entrée dans la société de Paris avec le ferme propos d’être femme d’esprit et en rapport avec les beaux esprits, elle a su préserver sa conscience morale, protester contre les fausses doctrines qui la débordaient de toutes parts, prêcher d’exemple, se retirer dans les devoirs au sein du grand monde, et, en compensation de quelques idées trop subtiles et de quelques locutions affectées, laisser après elle des monuments de bienfaisance, une mémoire sans tache, et même quelques pages éloquentes.
Enfin Marmontel, avec ses faiblesses et un caractère qui n’avait ni une forte trempe, ni beaucoup d’élévation, était un honnête homme, ce qu’on appelle un bon naturel, et la vie du siècle, les mœurs faciles et les coteries littéraires où il s’était laissé aller plus que personne, ne l’avaient pas gâté. […] La seule chose que je veuille conclure de ces détails qui assaisonnent en toute occasion la partie aimable des Mémoires de Marmontel, c’est qu’il était de sa nature un peu sensuel et qu’il le laisse voir, ce qui ne nuit pas à l’intérêt et ce qui fait que le lecteur se dit en le suivant : « Le bon homme embellit quelquefois le passé de trop faciles couleurs, mais il s’y montre avec naïveté en somme et tel qu’il était, il ne ment pas ! […] Ainsi, lorsqu’en janvier 1760, sortant de la Bastille, où il avait été détenu onze jours pour avoir récité en société une satire contre le duc d’Aumont, il va trouver le ministre, le duc de Choiseul, et qu’il essaie de l’émouvoir, d’obtenir qu’on lui laisse le privilège du Mercure avec lequel il soutient sa famille, ses tantes, ses sœurs, le discours qu’il se suppose en cette occasion et qu’il refait de mémoire est faux et presque ridicule : Sachez, monsieur le duc, qu’à l’âge de seize ans, ayant perdu mon père, et me voyant environné d’orphelins comme moi et d’une pauvre et nombreuse famille, je leur promis à tous de leur servir de père. […] Aussi brusquement laissé qu’il avait été pris, il nous fait ensuite assister à ses peines, à sa désolation et à sa consolation, qui ne tarda guère ; elle lui vint de la part de la célèbre actrice Mlle Clairon, qui était de son âge et qui sentit au théâtre ses succès. […] C’est assez pour l’honneur de sa mémoire qu’en voyant les hommes devenir tout à coup furieux et méchants, il ait arrêté à temps sa bonhomie, et ne l’ait laissée dégénérer ni en lâcheté ni en sottise.
Ne touchez pas à la hache de ce Barbare ; vous y laisseriez votre main. […] Thierry y a laissé la sienne, et, encore une fois, cette main ne manque pas de muscles ; c’est une main qui sait prendre et contenir. […] Les Barbares avaient tous les vices, et ceux du monde qu’ils trouvaient devant eux, et ceux du monde qu’ils laissaient derrière ; les vices des Romains qu’ils rencontraient, les vices de l’Asie dont ils étaient descendus. […] Il est des esprits qui ne vont qu’à la moitié des choses : mais, disons-le lui, si le progrès existe encore dans la puissance de son esprit, il est dans l’abandon de cette conception historique qui n’est pas le rationalisme, mais qui y touche ; qui lui laisse ses négations, il est vrai, mais qui lui prend la platitude de sa couleur et la maigreur de son dessin, et fait de l’histoire une nabote, — une naine qui n’est pas une fée ! […] les vrais artistes, ne fussent-ils pas chrétiens, ne connaissent pas ce mot de presque et ils le laissent aux habiles, aux subtils, aux nuancés, qui ont peur de l’affirmation, de l’enthousiasme et de la vérité !
Notez bien que je ne le blâme pas d’avoir omis, d’avoir laissé de côté ce qui ne pourrait, dans aucun cas, souffrir l’impression ; mais je lui reproche (puisqu’il veut que je m’adresse directement à lui) d’avoir, là où il faisait porter son choix, modifié arbitrairement et dénaturé le ton. […] Or je maintiens que le marquis d’Argenson, philosophe et citoyen, philanthrope en son temps, s’occupant des intérêts du genre humain, et qui écrivait tous les matins ses idées pour qu’elles ne fussent point perdues, appartient à quiconque sait le lire, le comprendre et le peindre ; et si un éditeur de sa famille vient après un siècle nous l’arranger, nous l’affaiblir, lui ôter son originalité et l’éteindre, je lui dirai hardiment : « Laissez-nous notre d’Argenson. »
Il a laissé partout des regrets et de vivants souvenirs dont M. […] Et puis il est des gouvernements qui ont le sentiment énergique et élevé de ce qu’ils sont, et qui ne se laissent pas dissoudre.
On se sent saisi par une seule idée, comme sous la griffe d’un monstre tout puissant, on contraint sa pensée, sans pouvoir la distraire ; il y a un travail dans l’action de vivre qui ne laisse pas un moment de repos ; le soir est la seule attente de tout le jour, le réveil est un coup douloureux qui vous représente chaque matin votre malheur avec l’effet de la surprise. […] Il faut être dégoûté de soi, et se sentir lié à son être, comme si l’on était deux, fatigué l’un de l’autre ; il faut être devenu incapable de toutes les jouissances, de toutes les distractions, pour ne sentir qu’une douleur ; il faut, enfin, que quelque chose de sombre, desséchant l’émotion, ne laisse dans l’âme qu’une seule impression inquiète et brûlante.
Mieux vaut laisser séparé ce qui n’est pas logiquement et naturellement lié. […] Mieux vaut laisser les choses dans leur naturelle incohérence et, quand on a fini de l’une, passer bonnement à l’autre sans plus de cérémonie.
Ainsi sont comblés les intervalles que le dictionnaire semble laisser entre les mots, et la langue a une infinie dégradation de teintes pour rendre l’infinie modification des idées et des sentiments. […] Il laisse aux faibles leur faiblesse, mais il ne manque jamais aux forts, et, quand on sait le prendre, il peut tout.
Le volume laissé sur la table de nuit, il se faisait par avance une joie, sa maîtresse couchée et endormie, de se plonger dans le petit livre rouge avec recueillement, solennité, religion. […] * * * Donc il y a des années dans la vie de Gavarni dont les femmes ont fait des papillotes, il y a encore des années égarées et perdues ; mais, malgré ces petits malheurs, nul artiste jusqu’ici, croyons-nous, n’a laissé sur lui-même autant de documents que Gavarni.
Pour qu’il eût produit cet effet, il auroit fallu traiter chaque article plus au long & avec plus de profondeur, connoître tous les bons auteurs sur chaque matiere ; en porter des jugemens réfléchis, & laisser dans l’oubli une foule d’écrits vains qu’on ne peut pas lire. […] in-4°. 1758., ne laisse rien à désirer sur cet objet.
Les décisions des gens du métier, bien que sujettes à toutes les illusions dont nous venons de parler, ne laissent point d’avoir beaucoup de part à la premiere réputation d’un ouvrage nouveau. […] En ces sortes de choses où les hommes ne croïent point avoir un intérêt essentiel à choisir le bon parti, ils se laissent ébloüir par une raison qui peut beaucoup sur eux.
laissons-les haïr et vitupérer ! […] je le crains — de ne supprimer que la rime et laisse à sa strophe l’allure binaire qui tant la monotonise. […] Je suis pour qu’on laisse liberté absolue au poète. […] Des traductions, écrites ou parlées, m’ont bien laissé voir dans ses œuvres la matière de merveilleux poèmes ; mais. je n’oserais, sur le résultat total — faute de savoir lire ! […] Autour de l’axe de la phrase musicale, les variations se développent comme une suite d’attitudes du même être ; aussi le musicien ne nous laisse-t-il pas oublier la phrase.
Je laisserai de côté l’auteur proprement dit et je ne ferai point de critique littéraire. […] Balafre, mes amis, qui ne laissera pas de nuire à mes succès aphrodisiaques ! […] Laisse-moi seul ! […] Cherchant un mot pour traduire l’impression que laisse cette lecture, je n’en trouve pas de plus juste que celui d’ennui. […] Laissons les poètes et passons aux historiens.
Le père du poète avait laissé en mourant un héritage et deux fils. […] Graf, qui n’a laissé que la littérature islamique en dehors de ses investigations, avoue son ignorance. […] Les hommes se laissaient moins charmer. […] Il fut surtout sensible à la facilité qu’elle avait de se laisser endoctriner. […] En tout cas il n’en a rien laissé transpercer ni dans ses vers ni dans ses lettres.
Laissons donc l’idée de droit. […] Ne nous laissons pas trop mécaniser. […] Elle ravit tout le monde, mais ne se laisse rien ravir. […] Ce drame ne laisse pas d’être puissant. […] Je ne laisse point passer un acte de ce genre, si petit soit-il, sans le saluer.
Mais cette cendre ne se laisse pas dissiper si aisément et il advient que les plus énergiques volontés y échouent. […] Nous ne serions pas fâchés de voir leur figure, ou tout au moins de savoir comment il la voit, ce qui laisserait encore le champ libre à notre imagination. […] Est-ce que l’abus du dostoïevskysme ne laisserait plus à Gide la faculté de suivre un raisonnement ? […] Si on laisse de côté les traits de satire personnelle, il reste qu’après avoir paru adopter ou au moins côtoyer le symbolisme, et il n’en disconvient pas, M. […] André Gide, et on le laisse bien tranquille.
Quel frein d’ailleurs avez-vous laissé à ces misérables, et quelle règle de vie leur avez-vous donnée ? […] Mais non, dites-vous, nous lui laissons l’amour ; nous lui laissons Dieu à aimer, sa famille à aimer, son mari à aimer. […] Mais laissons ces velléités cruelles. […] Laisse-moi briser et brisons ensemble les lois que, dans d’autres pensées, dans de chimériques espérances, nous nous étions faites. Plus que toi j’ai besoin d’infini ; laisse-moi chercher au moins l’ombre de cet infini qui m’est nécessaire dans le fini qui seul nous reste.
Il se fit lui-même concile, et ne laissa pas de se donner des airs de souverain pontife. […] Laissons de côté ces puérilités. […] Je la laisse telle qu’elle est, et je la rétablis telle qu’elle était primitivement. […] Dans les deux cas, elle ne frappe que les corps et laisse libres ou rend libres les âmes. […] Il a laissé à cet égard une trace dans les esprits, beaucoup plus forte peut-être qu’on ne croit.
Il ne le leur laissera pas ignorer, mais il leur montrera son venin. » Ainsi parle M. […] C’est pourquoi je me laisse dire docilement que la quatrième République a déjà commencé. […] Un Français laisse d’ordinaire aux médiévistes ce qui est antérieur à Villon ou même à Ronsard. […] Zola a laissé une grande œuvre, qu’on ne lit plus guère. […] J’entre dans une question ouverte que je ne prétends pas fermer, que je tiens au contraire à laisser ouverte.
Et je laisse parler M. […] Il laisse des documents sur lesquels travaillera l’avenir. […] J’ai essayé de prévoir, mais je laisse au génie le soin de réaliser. […] Pourquoi semble-t-il laisser croire que nous avons peint uniquement la laideur ? […] M. de Goncourt a laissé un point obscur, qu’il est nécessaire de bien établir.
« Laissez-moi en paix avec Madame Bovary ! […] Je laisserai Edmond de Goncourt lui-même expliquer la tendresse qui les unissait. […] Comme chaque auteur entend la morale à sa manière, ils l’expliquent ainsi : je laisse au jugement du lecteur de décider ce qui est le plus mauvais, de laisser la morale de côté ou de la falsifier. […] Ils les laissent de côté, attendant que la science leur en fournisse la solution, s’il est possible. […] Mais laissons-là les hypothèses et venons-en aux romanciers qui représentent en Espagne le réalisme.
Il n’en résulte pas toujours la mort du concurrent malheureux, mais seulement qu’il ne laisse après lui qu’une postérité peu nombreuse ou même aucune. […] Généralement, les mâles les plus vigoureux, ceux qui sont le mieux adaptés à leur situation dans l’économie naturelle, laissent une plus nombreuse postérité. […] Un Cerf sans bois ou un Coq sans éperon n’aurait que peu de chance de laisser une postérité. […] Si donc quelque légère modification d’habitudes innées ou de structure est individuellement avantageuse à quelque Loup, il aura chance de survivre et de laisser une nombreuse postérité. […] De même, et ceci est une considération de haute importance, les espèces intermédiaires qui reliaient les espèces originelles A et I se seront toutes éteintes, excepté E, sans laisser de descendants modifiés.
Elle reparaît à plus forte raison si notre attention se laisse détourner, si nous cessons d’écouter, nous reprenant à suivre le cours de nos pensées ou nous laissant séduire à contempler les objets qui nous entourent. […] Elle occupe tous les vides laissés par la parole extérieure dans la succession psychique ; elle fait, pourrait-on dire, l’intérim de la parole extérieure. […] Il est vrai que, s’il l’eût remarquée, sans doute il eût préféré n’en rien dire et laisser au phénomène socratique le caractère mystérieux que Socrate lui-même se plaisait à lui attribuer. […] VIII, p. 191), qui ne laisse subsister aucune équivoque. […] , p. 266) ; au cours d’une polémique, il se laisse aller à demander si l’esprit existe quand il n’est que ténèbres, « avant que la parole lui révèle sa propre pensée » (Recherches, ch.
Encore, presque toujours, dans la vie ordinaire, je ne lui en laisse pas le temps ; il me faudrait insister, chercher dans ma mémoire. […] À ce titre, leur notion s’attache à la notion du moi persistant ; dès lors, ce moi cesse de nous apparaître comme un simple dedans ; il se garnit, se qualifie, se détermine ; nous le définissons par le groupe de ses pouvoirs, et, si nous nous laissons glisser dans l’erreur métaphysique, nous le posons à part comme une chose complète, indépendante, toujours la même sous le flux de ses événements. […] Un de ses oncles, marchand d’esclaves au Chili, lui a laissé six millions ; elle a encore 250 000 francs à la caisse des dépôts et consignations. […] Elle épousa un ouvrier, devint grosse, accoucha, et, sur ces entrefaites, le ministre mourut ; elle déclara alors que le ministre, par testament, lui avait laissé 200 000 francs. […] L’enfant s’irrite contre un ballon ou un duvet qui vole capricieusement et ne se laisse pas saisir. — Aux époques primitives, l’homme considéra le soleil, les fleuves, comme des êtres animés. — Le sauvage prend une montre qui fait tic-tac et dont l’aiguille marche, pour une petite tortue ronde. — Le mouvement, en apparence spontané, surtout s’il semble avoir un but, suggère toujours l’idée d’une volonté.
Il en était parvenu même, à commettre, en vue de trois écus possibles, des « ouvertures ou préludes » pour folies-vaudevilles que des impresarii de banlieue laissaient parfois grincer à leurs doubles quatuors devant des tréteaux quelconques. […] Alors, comme j’aurai lieu de redouter que la furie de leur enthousiasme — qui sera sans exemple dans les fastes de notre espèce, — ne nuise à l’intensité de l’impression qu’avant tout doit laisser Ma Mu-sique, je pousserai l’impudence jusqu’à DÉFENDRE D’APPLAUDIR ! […] Aussi, peut on dire que Beethoven fut, et resta, lui-même, un compositeur de sonates ; la forme de la Sonate se retrouve dans ses œuvres instrumentales les plus puissantes et les plus insignes ; elle est le fin voile, au travers duquel Beethoven regardait dans le Royaume des sons ; au travers duquel, — plus justement, — plongé dans ce Royaume, il laissait venir à nous sa pensée. […] — Laisse moi redescendre : — que le Sommeil enferme ma Science ! […] — Impaisible, — laisse moi libre !
Et voilà pourquoi ces rudes travailleurs ont entassé des montagnes d’in-folio sans laisser un petit livre. […] Docile et déposant ses haines, il laisse la main du roi amalgamer et fondre les partis. […] Cela ne laisse pas de nous paraître étrange, quand nous songeons aux polémiques de 1830. […] En laisser, l’humilierait comme une défaite. […] Et puis ce théâtre est, je ne dirai pas superficiel, car il ne laisse rien, il laisse même trop peu à ignorer sur son objet : c’est cet objet qui est, si je puis dire, superficiel.
Il y a des gens qui se récrient devant l’impossibilité de réintégrer tels mots, tels tours abolis ; laissez-les se récrier ! […] Ils se laissèrent faire, parbleu ! […] Les querelles d’école n’ont que l’intérêt de la circonstance, il faut les laisser de côté et voir les choses avec plus de détachement. […] — Nous laissons cela aux classiques, aux plagiaires. […] Quant à l’avenir, je laisse au Sar Péladan le soin de pronostiquer.
Tous ceux de la nation dont on a connaissance et qui ont laissé quelque monument de littérature, y trouveront place, tant ceux dont les écrits sont perdus, que ceux dont les ouvrages nous restent, en quelque langue et sur quelque sujet qu’ils aient écrit. […] Un inconvénient, en effet, d’une histoire littéraire ainsi composée, c’est que le caractère personnel des rédacteurs, leur talent doit s’effacer pour ne laisser paraître et se développer que leur savoir, leurs recherches, et les résultats qui en ressortent : tout ce qui serait une vue un peu vive, une idée neuve un peu accusée, tout ce qui aurait un cachet individuel trop marqué semblerait jurer avec la circonspection et la méthode de l’ensemble. […] Que la mort me prenne et me délivre, puisque Renart ne me laisse vivre ! […] ce fut pour leur malheur qu’il les engraissa, puisque Renart ne lui en laissa de toutes les quatre qu’une seule : toutes passèrent par son gosier.
Chanteclair, qui le reconnaît enfin, saute sur un fumier, et ici la scène du Corbeau recommence : il s’agit pour Renart de décider Chanteclair à ne pas fuir, et, qui plus est, à fermer les yeux, afin de se laisser prendre : « Ne fuis pas et n’aie crainte ; je ne suis jamais plus content que quand tu te portes bien, car tu es mon cousin germain », lui dit Renart. […] Mais à peine a-t-il laissé échapper ce mot que Beaumanoir a paru. […] Ce que le trouvère n’a pas cherché, mais ce qui ne laisse pas de frapper encore et d’émouvoir, le combat continuant, c’est le contraste du lieu riant et frais et de la mêlée si lourde et si sanglante : « Dedans un très beau pré, sur une douce pente, à mi-voie de Josselin et du château de Ploërmel, au chêne que l’on appelle de la mi-voie, le long d’une geneslaie qui était verte et belle… » Il y a là un sentiment comme involontaire de nature, un souvenir circonstancié de la terre de la patrie, qui ajoute à l’effet simple et grandiose. — Si le poète y a pensé, ce n’est pas pour y voir un contraste, mais plutôt pour y noter un accord entre cette belle nature chérie et ce beau fait d’armes glorieux : son patriotisme marie tout cela. […] Les poètes ont fait à ce sujet des pièces de vers en divers sens, et l’on a de Simonide cette épitaphe triomphante des Spartiates : Nous les trois cents, qui avons, ô Sparte notre mère, combattu pour Thyrée contre un pareil nombre d’Argiens, — sans tourner la tête, — là où nous avions marqué le pied, là même nous avons laissé la vie.
Né en septembre 1736, aux galeries du Louvre, vers le cul-de-sac du Doyenné, l’enfant croissait à son gré et fut laissé à ses bons instincts naturels : « La douceur aimable et la touchante docilité de son caractère, nous dit Lémontey, en firent l’idole de sa famille ; elle ne put se résoudre à se séparer de lui, ni à chagriner son enfance par de pénibles études. Il n’apprit point le latin. » Ce qui ne veut pas dire que Bailly n’en ait appris plus tard ce qui lui était nécessaire pour comprendre les livres de science écrits en cette langue, et pour choisir à ses divers ouvrages des épigraphes bien appropriées ; mais il manqua d’un premier fonds classique régulier et sévère, et ce défaut, qui qualifie en général son époque, contribua à donner ou à laisser quelque mollesse à sa manière, d’ailleurs agréable et pure. […] Je me suis trouvé comme un aveugle laissé sans guide au milieu d’une route presque inconnue. […] qui ne chérit pas les tableaux riants qu’elle a laissés dans le souvenir.
Pourtant il vit bientôt qu’il n’y réussirait pas à son gré : les masques alors, qui l’avaient séduit et tenté, le gênèrent ; eux qui devaient être la partie principale dans son tableau, ne furent bientôt plus que l’accessoire ; les pêcheurs prirent la première place, et, de remaniements en remaniements, il en vint à chasser tout à fait l’idée vénitienne et joyeuse, l’idée du carnaval, pour ne laisser dominer que la pensée grave qui réfléchissait la sienne propre, la tristesse des adieux, la famille, le péril au loin sur les flots. […] Mais, avant que le mal ait pris le dessus et que la manie s’en mêle, quand l’art tient encore chez lui le gouvernail, il se rend très bien compte de l’effet ; c’est un effet triste et assombri, il le veut tel ; c’est bien un jour d’hiver qu’il veut faire régner sur l’ensemble, et avec lequel il saura mettre en accord toutes les figures : J’aime bien voir là (à Venise) le caractère d’un jour d’hiver ; je ne veux pas faire de la neige, c’est trop froid ; mais je voudrais donner l’idée d’un de ces jours qui ont une poésie si je puis dire, et qui laissent dans l’âme une mélancolie profonde. […] Mais pour pouvoir laisser travailler mon imagination avec sûreté, j’aimerais connaître le pays où j’ai l’intention de placer cette scène. […] Peut-être est-ce le défaut des peintres : ils aiment trop à être bien, à avoir une vie qui ressemble à celle des bons propriétaires… À Venise, il se laisse peu à peu gagner à la couleur : il voudrait donner au costume de ses pêcheurs et de ses femmes quelque chose qui rappellerait les étoffes vénitiennes des siècles précédents : Les femmes en hiver ont des robes en laine avec d’immenses dessins de toutes les couleurs les plus vives.
On se persuade que faire autrement, c’est faire mieux, et on se laisse aller au plaisir de redire, dans une langue nouvelle, la pensée tour à tour si naïve et si raffinée, si gracieuse et si terrible, du poète gibelin. C’est à une pareille illusion qu’a cédé l’auteur de ce nouveau travail qui, assurément, laissera encore aux admirateurs du Dante le désir toujours renaissant d’une traduction meilleure. […] Sans doute il le sentit plutôt en artiste qu’en philosophe ou en historien ; il le prit plutôt par le style que par l’ordre de ses idées ; il méconnut le théologien ; il négligea le côté tendre, suave même et idéalement amoureux ; il ne l’aborda que par L’Enfer, ne le suivit point au-delà, et y laissa ses lecteurs comme si ç’avait été le vrai but. […] Villemain, et le tout s’animait d’un enthousiasme général qui laissait place pour les réserves que l’admiration elle-même ne saurait s’empêcher de poser.
Ici nous sommes déjà dans sa confidence ; elle écrit sur un cahier ses pensées, toujours à l’intention de son frère quelle a laissé à Paris souffrant : 10 avril (à Nevers)… Il fait beau ; on sent partout le soleil et un air de fleurs qui te feront du bien. […] la chose la plus maligne, la plus tenace, la plus emmaisonnée, qui rentre par une porte quand on l’a chassée par l’autre, qui donne tant d’exercice pour ne pas la laisser maîtresse du logis ! […] Quatre pas dehors, une course au soleil à travers champs ou dans les bois, me laissait beaucoup à dire. […] Eugénie de Guérin, morte, a gardé l’attitude de toute sa vie : on la revoit telle qu’elle fut toujours, ses chastes bras suspendus au cou de son frère, dans ces lettres où elle a laissé un peu de l’immortalité de son âme avant de la porter au ciel.
Mais Bonstetten à la fois sérieux et mobile, qui, en matière de politique, avait plus que des goûts et n’avait pas tout à fait des doctrines, ne rencontra guère d’occasions où il pût souffrir de ce désaccord : son dernier établissement dans une république polie, à l’abri des contradictions et loin des mécomptes, laissait le champ libre à ses seuls instincts, à ses bienveillantes et incorrigibles espérances. […] Ces années d’heureuse adolescence à Yverdun, où il était « roi de son temps et seigneur de ses heures », où il déchiffrait ses auteurs sans dictionnaire et lisait tant bien que mal Horace en parcourant la campagne ou perché entre les branches d’un vieux cognassier, lui laissèrent dans l’imagination un tableau d’âge d’or ineffaçable. […] Il trouva moyen d’y conserver sa liberté d’études, sa spontanéité d’éducation. « Le peu de leçons qu’on me donnait, dit-il, n’avaient pas d’attrait pour moi ; mais, comme on me voyait sans cesse occupé et que ma conduite était irréprochable, on me laissait faire ». […] Que serait-il advenu si son père l’avait laissé tranquillement se développer et mûrir à Genève ?
Cette étude sur Swift, où l’ambition politique ardente et déçue, le talent ironique et âcre, la misanthropie douloureuse poussée à la démence, sont rendus avec vigueur et sobriété, se recommande surtout « par les jugements et les pensées, par les idées et par la forme qu’elles prennent. » C’est dire qu’il laisse à d’autres l’étalage des recherches et le surcroît de l’érudition. […] L’attrait de ses leçons y avait laissé des souvenirs bien vivants. […] Ceux qui ont parcouru ces époques et qui croient les juger sans amour et sans haine ne laissent pas d’être étonnés de cet enthousiasme un peu vague, de cette admiration un peu confuse et indistincte de la part d’un esprit aussi juste : car enfin toutes ces années, déjà anciennes, ne se ressemblaient pas ; ces régimes, à les prendre dans le détail et à les vivre jour par jour, étaient fort différents entre eux, et il y a eu bien des moments. […] Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique.
Ravi au milieu de la carrière et après l’âge des inventions proprement dites, il n’eût été qu’un savant très-distingué de moins, mais sans laisser après lui de phare allumé ni de trace lumineuse. […] Les savants, après s’être livrés à l’analyse la plus minutieuse, pour laquelle on leur a laissé à peine le temps nécessaire, paraissent, — j’allais dire comparaissent, — Berthollet en tête, devant le Comité assemblé : ils déclarent dans leur Rapport « que les eaux-de-vie ne sont point empoisonnées ; qu’on y a seulement ajouté de l’eau dans laquelle se trouve de l’ardoise en suspension, en sorte qu’il suffit de les filtrer pour leur ôter toute propriété nuisible : « Robespierre, qui espérait une trahison, demande aux commissaires s’ils sont bien sûrs de ce qu’ils viennent d’avancer. […] » Et il en prend occasion d’exprimer à ce sujet ses propres idées et les conditions qu’il estime indispensables au progrès, à savoir : — alliance et union étroite des sciences et des lettres : « Sans les sciences la nation la plus lettrée deviendrait faible et bientôt esclave ; sans les lettres la nation la plus savante retomberait dans la barbarie ; » — enchaînement des sciences les unes aux autres : « Cette union fait leur force et leur véritable philosophie ; elle seule a été la cause de tous leurs progrès » ; — une certaine liberté et latitude laissée aux professeurs dans la pratique : « Il faut, disait-il, que les professeurs soient guidés et non pas asservis. […] Biot, répétant les vers connus : Hoc erat in votis… et tecto vicinus jugis aquæ fons, y mêlait son petit commentaire, et il laissa voir imprudemment qu’il prenait jugis pour des sommets de colline.
Théocrite venu tard, et le dernier des beaux noms de poètes, a cultivé et développé à part, avec Bion et Moschus, cette branche oisive, jusque là un peu éparse et flottante, à laquelle il a eu l’art, en la travaillant, de laisser pourtant toute sa saveur agreste et naturelle. […] Ici, comme il arrive souvent dans les genres littéraires, c’est l’arrière-saison qui nous a laissé le fruit le plus savoureux. […] C’est lui qui vient conter aux deux enfants que, pas plus tard qu’aujourd’hui, environ midi, il a vu l’Amour dans son jardin, un jeune garçonnet s’amusant à cueillir des fruits et qui ne se laissait pas attraper, sautant, voltigeant de branche en branche comme un oiseau. […] Tous les accidents, tels que surprises, vols, guerres, qui viennent troubler le cours heureux du récit principal sont racontés lu plus vite possible, et, aussitôt passés, ne laissent derrière eux aucun souvenir.
Charles-Edouard, petit-fils du roi d’Angleterre Jacques II, et connu sous le nom de Prétendant, a laissé une trace brillante dans l’histoire. […] Trente-trois ans après je revis celle que j’avais laissée bouton de rose. […] On ne dit point pourtant que le prince, en tout ceci, ait été jaloux d’Alfieri, lequel au contraire avait su lui plaire ; mais on rapporte « qu’il obsédait sans cesse sa femme, ne la laissait jamais sans lui ; quand il était obligé de la perdre de vue, il l’enfermait à clef. […] Je laisse parler Dutens ; on ne refait pas ces premiers récits tout naturels : « Le jour étant pris pour l’exécution du projet, Mme Orlandini vint déjeuner chez le comte-d’Albany ; après le déjeuner, elle propose d’aller au couvent des Bianchette (Dames-Blanches) voir quelques ouvrages de religieuses, en quoi celles-ci passaient pour exceller.
Que l’on me permette cependant de ne pas fuir l’illustre souvenir et de l’aborder même de front, résolument : sans prétendre établir aucun rapprochement en effet, il y a lieu de se rendre compte de la différence des temps, de celle des points de vue, et d’apprécier de nouveau et en tout respect, mais aussi en pleine connaissance de cause, la plus mémorable des œuvres qu’a laissées Bossuet après ses Oraisons funèbres. […] La suite du peuple de Dieu, comprenons bien toute la force de ces mots dans la langue de Bossuet ; suite, c’est-à-dire enchaînement étroit, dont pas un anneau n’est laissé flottant ni au hasard, un seul et même spectacle dès l’origine, sous des aspects et à des états différents : le Judaïsme n’est que le Christianisme antérieur et expectant. […] Et reprenant de nouveau l’histoire de la Création et des époques primitives, tous ces récits dont Moïse est censé avoir recueilli les traditions, Bossuet nous montre le grand Ouvrier à l’œuvre, tantôt bienfaisant et clément, tantôt terrible et jaloux, toujours efficace, présent, vigilant, vivant : on n’en saurait prendre nulle part une idée plus forte, celle d’un Dieu qui tient le monde à chaque instant dans sa main, qui ne lui laisse pas le temps de s’engourdir, qui est toujours prêt à recommencer la création, à la retoucher, à secouer son monde. […] Sur de son fait, confiant à la tradition, ce vaste esprit, qui atteignait à tout par le talent et par l’éloquence, ne se laissait affecter ni entamer dans sa sécurité et sa candeur par aucun des doutes qui atteignent les plus grands ou les plus sages.
Son existence littéraire, comme on voit, ne laissait pas de devenir considérable : il était membre de l’Académie des Inscriptions ; l’opinion le désignait pour l’Académie française, comme héritier présomptif de Boileau. […] Attaquons-nous maintenant, sans plus tarder, aux œuvres de Jean-Baptiste : nous laisserons de côté son théâtre, et puisque nous avons nommé ses allégories, nous les frapperons tout d’abord. […] Les deux derniers vers ne seraient pas mauvais, si on ne lisait dans le texte : « Je criais vers vous comme les petits de l’hirondelle, et je gémissais comme la colombe. » On voit que Rousseau a précisément laissé de côté ce qu’il y a de plus neuf et de plus marqué dans l’original. […] Si nous avions trouvé le nom de Jean-Baptiste sommeillant dans un demi-jour paisible, nous nous serions gardé d’y porter si rudement la main ; ses malheurs seuls nous eussent désarmé tout d’abord, et nous l’eussions laissé sans trouble à son rang, non loin de Piron, de Gresset et de tant d’autres, qui certes le valaient bien.
C’est peut-être par antipathie pour l’exagération italienne que Machiavel a montré une si effrayante simplicité dans sa manière d’analyser la tyrannie ; il a voulu que l’horreur pour le crime naquît du développement même de ses principes ; et poussant trop loin le mépris pour l’apparence même de la déclamation, il a laissé tout faire au sentiment du lecteur. […] Enfin dans tout pays ou l’autorité publique met des bornes superstitieuses à la recherche des vérités philosophiques, lorsque l’émulation s’est épuisée sur les beaux-arts, les hommes éclairés n’ayant plus de route à suivre, plus de but, plus d’avenir, se laissent aller au découragement ; et à peine reste-t-il alors assez de force à l’esprit humain pour inventer les amusements de ses loisirs. […] Ce qui a empêché l’Italie d’être une nation, la subdivision des états, lui a donné du moins la liberté suffisante pour les sciences et les arts ; mais l’unité du despotisme d’Espagne, secondant l’active puissance de l’inquisition, n’a laissé à la pensée aucune ressource dans aucune carrière, aucun moyen d’échapper au joug. […] Les Italiens ont de l’invention dans les sujets, et de l’éclat dans les expressions ; mais les personnages qu’ils peignent ne sont point caractérisés de manière à laisser de profondes traces, et les douleurs qu’ils représentent arrachent peu de larmes.
Je laisse au sens de ce mot sa propre grandeur en ne le séparant pas de la valeur réelle des actions qu’il doit désigner. […] La plupart de ces considérations ne peuvent s’appliquer aux succès militaires, la guerre ne laisse à l’homme, de sa nature, que ses facultés physiques ; pendant que cet état dure, il se soumet à la valeur, à l’audace, au talent qui fait vaincre, comme les corps les plus faibles suivent l’impulsion des plus forts. […] Plus on laisse aller sa pensée dans la carrière future de la perfectibilité possible, plus on y voit les avantages de l’esprit dépassés par les connaissances positives, et le mobile de la vertu plus efficace que la passion de la gloire. […] Toutes les passions, sans doute, ont des caractères communs, mais aucune ne laisse après elle autant de douleurs que les revers de la gloire ; il n’y a rien d’absolu pour l’homme dans la nature, il ne juge que parce qu’il compare ; la douleur physique même est soumise à cette loi : ce qu’il y a de plus violent dans le plaisir ou dans la douleur est donc causé par le contraste ; et quelle opposition plus terrible que la possession ou la perte de la gloire !
La philosophie est en nous, et ce qui caractérise éminemment les passions, c’est le besoin des autres ; tant qu’un retour quelconque est nécessaire, un malheur est assuré ; mais l’on peut trouver dans les carrières diverses, où les passions se précipitent, quelque chose de l’intérêt qu’elles inspirent, et rien de leur malheur, si l’on domine la vie, au lieu de se laisser emporter par elle, si rien de ce qui est vous enfin ne dépend jamais ni d’un tyran au-dedans de vous-même, ni de sujets au-dehors de vous. […] Les enfants, laissés à eux-mêmes, sont les êtres les plus libres, le bonheur les affranchit de tout ; les philosophes doivent tendre au même résultat par la crainte du malheur. […] Cromwell retenait le peuple par la superstition, on liait les Romains par le serment, les Grecs se laissaient mener par l’enthousiasme qu’ils éprouvaient pour les grands hommes. […] des guerriers pendant la paix, des génies dans l’art de la guerre, alors que toutes les pensées se tourneront vers la prospérité de l’intérieur, et que les dangers passés laisseront à peine des traces.
Les moralistes ont laissé des moules : ces moules peuvent produire des pensées indéfiniment, car tout ce qu’on y coule devient pensée. […] On dira : L’opinion publique, en flétrissant l’homme qui est l’obligé de sa maîtresse, ne laisse-t-elle pas entendre que la femme nous fait, en se donnant, un don complet auquel elle ne saurait ajouter sans le diminuer par là même ! […] On se laisse séduire à ce qu’elles ont quelquefois d’imprévu et d’indémontré. […] Pour bien donner comme pour bien recevoir, il n’y a qu’à laisser voir son bonheur.
En face de ces hâbleurs et encombrants individus, qui ne sont même pas assez propres moralement pour leur être fidèles après les avoir traînées dans une existence de saleté et de misère, elles apparaissent aimantes, simples et travailleuses, indulgentes à ces mâles prétentieux qui les assomment de leurs « rêves » et les laissent cuisiner en barbouillant une toile ou en bâillant sur un poème. […] Il le compromet aux yeux du public, pastiche ses œuvres, bénéficie de son honneur et profite, pour lui imposer ce rebutant compagnonnage, de l’indulgence et de la pitié mêlées d’une certaine faiblesse qui entraînent souvent l’artiste vrai à se laisser « rouler » dans la vie tout en s’en apercevant. […] Elle a laissé à la bourgeoisie une foule d’avantages, dont le plus grand est une sorte de solidarité de caste fortifiée par l’acceptation mutuelle de certaines tares morales ; les égoïstes s’allient volontiers, et rien ne solidarise comme l’aversion partagée envers tout élément altruiste et sensitif. […] Se livrer aux chroniqueurs, laisser traîner sa vie sur des feuilles de papier maculé que les médiocres froisseront le soir au coin du feu en haussant les épaules ou en faisant des gorges chaudes !
Car jusqu’à quel excès de crapule cet homme-là ne s’est-il point laissé emporter ? […] Laissez-moi faire. […] Je ne vous laisserai pas là, messieurs. […] Et les juges, seigneur, ne s’y laissent-ils point corrompre ?
Les preuves physiques et métaphysiques de l’existence de Dieu les eussent laissés indifférents. […] Le Gaulonite soutenait qu’il faut mourir plutôt que de donner à un autre qu’à Dieu le nom de « maître » ; Jésus laisse ce nom à qui veut le prendre, et réserve pour Dieu un titre plus doux. […] Il ne parlait pas contre la loi mosaïque, mais il est clair qu’il en voyait l’insuffisance, et il le laissait entendre. […] Jamais prêtre païen n’avait dit au fidèle : « Si, en apportant ton offrande à l’autel, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande devant l’autel, et va premièrement te réconcilier avec ton frère ; après cela viens et fais ton offrande 258. » Seuls dans l’antiquité, les prophètes juifs, Isaïe surtout, dans leur antipathie contre le sacerdoce, avaient entrevu la vraie nature du culte que l’homme doit à Dieu. « Que m’importe la multitude de vos victimes ?
Qu’est-ce autre chose d’être surintendant, chancelier, premier président, sinon d’être en une condition où l’on a, dès le matin, un grand nombre de gens qui viennent de tous côtés pour ne leur laisser pas une heure en la journée où ils puissent penser à eux-mêmes ? Et, quand ils sont dans la disgrâce et qu’on les envoie à leurs maisons des champs, où ils ne manquent ni de biens, ni de domestiques pour les assister dans leurs besoins, ils ne laissent pas d’être misérables et abandonnés, parce que personne ne les empêche de songer à eux. […] Son corps était rongé de goutte, son âme l’était bien plus cruellement de souvenirs et de regrets ; et, à travers l’aimable accueil qu’il voulut bien me faire, je ne laissai pas de voir en lui une victime de tous les genres de douleur. […] Il y a des années que je ne suis guère accoutumé à le flatter ; pourtant, depuis qu’il a perdu le pouvoir sans en avoir fait l’usage qu’il pouvait, et bien qu’il en gémisse tout bas peut-être, il n’en laisse rien percer dans ses écrits ; il produit avec l’abondance qu’on sait, mais sans amertume, sans y mêler de ressentiment personnel, et sans s’écrier à toute heure que les temps sont changés, que le monde va de mal en pis.
Mill dans sa Logique, beaucoup d’autres moins connus ont traité des méthodes avec une abondance de vues et de faits qui ne laisse rien à désirer ; mais nous tenons surtout à indiquer la tradition logique parmi les savants et non parmi les philosophes. […] On arriverait ainsi à comprendre ce que c’est que l’esprit du savant, de quel point de vue il considère les choses, comment il associe les idées, comment il passe du connu à l’inconnu, comment il se trompe, comment il se corrige, comment il invente, et on pourrait tirer de là de grandes conséquences pour l’éducation même de l’esprit humain ; mais laissons là ces vues ambitieuses, et bornons-nous, quant à présent, à bien faire connaître le livre que nous avons sous les yeux, et qui vient enrichir d’une œuvre nouvelle cette histoire de la logique faite par les savants dont nous avons esquissé quelques traits. […] Eh bien, il nous a laissé quelques fragments de logique : de quoi traitent-ils ? […] Ce serait la seule machine que les âges auraient laissée dans l’état où l’ont mise ses premiers inventeurs.
Ne serait-il pas temps enfin de laisser les imbéciles crier tous seuls à la décadence des lettres dans un siècle (et il n’est encore qu’à sa moitié !) […] Et, cette confession navrante achevée, comme furieux de l’avoir laissée échapper, tu te frappes la poitrine en criant à ton ancien rédacteur en chef : « C’est votre faute ! […] Personne ne s’est formalisé de cette prétention. « L’entrepreneur » n’a exigé aucun serment maçonnique de ma part, et l’on ne m’a point fait jurer sur les mânes de Basile d’exterminer la probité et le talent, partout où je les rencontrerais : ce qui n’a pas laissé de me surprendre un peu, après ce que vous m’aviez dit, toi et l’ami Jacques : il est vrai (je viens de l’apprendre) qu’on avait refusé trois ou quatre manuscrits de Jacques pour insuffisance d’orthographe. […] Puis, pour ne laisser aucun doute sur ses féroces intentions, le chevalier courut acheter une moustache d’occasion, qu’il retroussa gaillardement… et, ainsi transformé, il prit son élan et vint s’abattre au beau milieu de la littérature courante, prenant tous les diables à témoins « qu’il allait mettre ce monde-là à la raison ».
Si l’homme laisse envahir son domaine par la solitude, la nature reprend ses premiers droits ; et l’homme est de nouveau frappé par la mort. […] Il est très probable que les travaux d’Hercule ne sont autre chose qu’une allégorie des travaux de l’homme pour assainir et féconder la terre, car la terre ne se laisse pas cultiver comme on le croit : elle commence par résister avec violence, elle cède avec déplaisir, et même avec douleur ; elle reprend ses droits avec un empressement terrible. […] Trois grands hommes sont morts la même année, et ont laissé chacun un nom immortel, qui se rattache à un ordre différent d’idées : le dernier des Grecs, Philopœmen, enveloppé dans la gloire du guerrier qui défend ses foyers ; Scipion, qui venait de donner aux Romains le sceptre de la domination universelle ; et le plus grand des hommes de guerre qui ait jamais paru, Annibal, survivant, au sein de l’exil, à une patrie qu’il ne peut sauver. […] Je laisse cela aux habiles, comme je l’ai déjà dit.
Laissons ce privilège à qui, jeune, connut bien les langues du Nord. […] se démêla de ce déluge de métaphores et d’hyperboles, et en sortit, une belle ode à la main, pour célébrer sainte Cécile et le pouvoir divin de la musique : et combien encore, dans cette ode, sous le jeu brillant des images et les marches précipitées du rhythme, un art trop visible dément-t-il l’inspiration, pour laisser voir un calcul de contrastes qui descend quelquefois jusqu’à la puérilité ! […] Si un sérieux jugement peut se fonder sur les échantillons trop peu nombreux que nous a laissés le ravage du temps, Pindare, pour la grandeur des images et la majesté, est surpassé par M. […] ne me laisse pas ainsi abandonné, sans bénédiction, sans pitié, à cette place, me lamenter en deuil.
Il ne faut pas se laisser séduire par de vains coups de théâtre, par des situations forcées et romanesques, par le fracas et le charlatanisme de la scène ; il faut consulter l’art de la poésie et non l’artifice du poète. […] Le respect que Gusman doit à son père lui ordonne-t-il de se laisser outrager si longtemps devant sa femme par l’amant de sa femme ? […] Racine a dédaigné les quiproquo, les malentendus, les méprises ; il a laissé aux romanciers tous ces imbroglio dont le bon sens murmure et qui avilissent la scène tragique. […] Biais voici bien une bien autre fête : le flatteur manque de mémoire ; les juges, plus éclairés que ceux d’Athènes, deviennent tout à coup des badauds très faciles à se laisser surprendre. […] La place, battue en brèche, est réduite à se rendre ; la veuve, forcée dans ses retranchements, capitule, et le mariage est la seule capitulation que laisse la vertu aux honnêtes femmes amoureuses.
Mais des génies originaux, de puissants observateurs se sont mis à interroger et à sonder la nature ; ils ont laissé de côté les vieux livres et les explications creuses, ont considéré les faits en eux-mêmes et ont constaté les lois. […] Oui, il y eut et il dut y avoir de ces commencements de querelle — et chez les Grecs au moment de leur maturité déjà déclinante et la plus fleurie, au lendemain d’Alexandre, lorsque, regardant en arrière, ils se jugeaient à la fois riches par héritage et pouvant encore ajouter à la gloire des ancêtres — ; et chez les Romains surtout, à cette époque dominante de l’empire, au sein de cette unité puissante qui avait engendré des esprits universels comme elle-même, au temps des Sénèque, des Pline, et je dirais des Tacite si ce dernier n’était si pessimiste et morose : mais les plus belles paroles qui aient été prononcées sur cette question des anciens et des modernes, c’est peut-être encore ce grand et si ingénieux écrivain Sénèque qui les a dites, et on ne peut rien faire de mieux aujourd’hui que de les répéter : J’honore donc, disait-il à son jeune ami Lucilius, j’honore les découvertes de la sagesse et leurs auteurs ; j’aime à y entrer comme dans un héritage laissé à tous. […] — Je les suis, se répond-il, mais je m’accorde à moi-même de trouver à mon tour du nouveau, et de changer et de laisser ce qui n’est point à ma guise.
Laissez pleuvoir, ô cœurs solitaires et doux ! […] — « Nous, m’ont dit les Voyages ; Laisse-nous t’emporter vers de lointaines fleurs. » — Mais, tout éprise encor de mes premiers ombrages, Les ombrages nouveaux n’ont caché que mes pleurs. […] J’ai omis jusqu’ici, j’ai trop laissé dans l’ombre une partie bien essentielle d’elle et de son âme : c’était sa charité active pour tous les souffrants, les faibles, les vaincus, les prisonniers.
Ta voix enseigne avec tristesse Des airs de fête à tes petits, Pour qu’attendri de leur faiblesse, L’oiseleur les épargne et laisse Grandir leurs plumes dans les nids ! […] C’était un motif ou un prétexte que je ne voulais pas laisser échapper, d’adresser moi-même un bien faible hommage à la femme dont l’admirable et touchant génie poétique m’a causé le plus d’émotion. […] Mais le propre de la douleur en Mme Valmore et ce qui la différencie des autres, c’est qu’elle lui laissait la pleine liberté d’esprit et le mouvement spontané de cœur vers toutes les douleurs environnantes ; c’est qu’elle n’était jamais assez remplie de sa douleur à elle pour ne pas rester ouverte à toutes celles des autres : « … Que de chagrins étrangers à nous se mêlent aux nôtres !
Aussi rendons-lui grâces de ne s’être laissé ni fatiguer ni refroidir, et d’avoir traversé les lâchetés de la réaction tel qu’il avait traversé les atrocités de la dictature, démêlant ce qu’il y avait de grand et de glorieux sous d’ignobles apparences, de même qu’il avait compris ce qu’il y avait de sublime et de méritoire sous d’épouvantables forfaits. […] Pour mieux faire apprécier ces temps et leur historien, nous voudrions, d’après lui et sous l’impression qu’il nous a laissée, donner une esquisse de son magnifique tableau. […] Quelques affreux souvenirs qu’il ait laissés à bon droit, on aurait tort de s’en armer contre la mémoire de ces jeunes hommes ardents, mais sincères, qui furent ses derniers défenseurs et qui périrent pour sa cause.
Cette facilité qui s’offre à l’écrivain de laisser les choses aller selon leur cours naturel et de s’abstenir de les soumettre à un plan original, est une dangereuse et forte tentation. […] Il faut en montrer l’unité, et tirer, pour ainsi dire, d’une seule source, tous les principaux événements qui en dépendent : par là il instruit utilement son lecteur, il lui donne le plaisir de prévoir, il l’intéresse, il lui met sous les yeux un système des affaires de chaque temps, il lui débrouille ce qui en doit résulter, il le fait raisonner sans lui faire aucun raisonnement, il lui épargne beaucoup de redites ; il ne le laisse jamais languir, il lui fait même une narration facile à retenir par la liaison des faits… « Un sec et triste faiseur d’annales ne connaît point d’autre ordre que celui de la chronologie : il répète un fait toutes les fois qu’il a besoin de raconter ce qui tient à ce fait ; il n’ose ni avancer ni reculer aucune narration. […] Tout ce qui ne commence pas, ne se développe pas, ne s’achève pas dans les limites d’une année, ne laisse qu’une impression confuse, à moins que par un travail qui veut du temps et de la patience on ne rejoigne les tronçons épars de l’événement démembré par la chronologie.
En général, les précieux se sont laissé guider par la connaissance qu’ils ont eue de l’utilité des mots, traités exclusivement comme signes abstraits des idées : et voilà pourquoi, en affinant la langue, ils l’ont rendue plus froide et moins pittoresque. […] Celles que les précieux tentèrent furent parfois heureuses ; on leur doit des locutions telles que : avoir l’âme sombre, être d’une vertu sévère ou commode, dire des inutilités, perdre son sérieux, fendre la presse, être brouillé avec le bon sens, faire ou laisser mourir la conversation, faire figure dans le monde, etc. […] Ils se proposèrent de « dévulgariser » la langue, et — très faussement, très dangereusement — ils prétendirent se faire un vocabulaire exquis, séparé du vocabulaire grossier qu’ils laissaient au peuple.
. — Cette badauderie maladive, cette envie de la personne réelle et du morceau vivant, d’autres exhibitions sans doute la satisfont davantage : c’est elle que l’industrieux tenancier des Folies-Bergère exploite si intelligemment lorsqu’il laisse voir, sur, dirai-je sa scène, Mlle de Pougy ou Mlle de Presles. […] Peut-être attendaient-elles une plus substantielle causerie, une mise en goût de la représentation à laquelle je vais laisser libre cette scène. […] Elles aident à laisser après la représentation du théâtre une notion moins concrète, plus de marge et d’imagination.
En partant, il laissa un écrit entre les mains de M. l’abbé d’Olivet. […] On a cru trouver des lumières sûres dans un écrit laissé par le fameux Boindin, procureur du roi, des trésoriers de France, ce censeur en titre de toutes les nouveautés de Paris, si bien peint dans le Temple du goût, sous le nom de Bardou, homme sans religion*, mais de mœurs rigides. […] On a fait ces vers : Ci gît Boindin, je ne sçais où ; Mais, en quelque lieu qu’il repose, Il fut ou bien sage, ou bien fou ; Je vous laisse à juger la chose *.
J’ai lu de près ce que ce prosateur a laissé d’excellent, et je m’offre à prouver quand on voudra qu’il y a dans Bernardin tout le vocabulaire descriptif de Chateaubriand, non pas même sa langue, mais son style, ses plus belles épithètes, ses procédés de peinture écrite, ce qui ne m’empêche pas de distinguer aussi bien qu’un autre en quoi ces deux écrivains diffèrent et combien Chateaubriand dépasse son modèle par le génie de son style et la supériorité de ses images. « Il ne faut, dit M. de Gourmont, s’en laisser imposer ni par l’unanimité ni par la singularité. » Je suis de cet avis, et c’est pourquoi, m’étant fait une opinion personnelle, M. de Gourmont ne trouvera pas mauvais que sa « singularité » ne m’en « impose pas ». […] Historique ou littéraire, je ne pense pas avoir laissé, sur ce sujet, une seule affirmation de nos adversaires sans réponse, et je suis persuadé que les conclusions que nous avons dégagées resteront acquises.
Il semble néanmoins, que dans les sujets de spéculation et d’agrément, on ne saurait laisser trop de liberté à l’industrie, dût-elle n’être pas toujours également heureuse dans ses efforts. […] Quel écrivain, s’il n’est pas entièrement dépourvu de talent et de goût, n’a pas remarqué que dans la chaleur de la composition, une partie de son esprit reste en quelque manière à l’écart, pour observer celle qui compose et pour lui laisser un libre cours, et qu’elle marque d’avance ce qui doit être effacé ? […] L’amour-propre est le sentiment auquel nous tenons le plus, et que nous sommes le plus empressés à satisfaire ; le plaisir qu’il nous fait éprouver n’est pas, comme beaucoup d’autres, l’effet d’une impression subite et violente, mais il est plus continu, plus uniforme et plus durable, et se laisse goûter à plus longs traits.
Lui pourtant, qui accepte avec Spencer, contre Guyau, la théorie de l’art fin en soi, désintéressé, il sent bien que l’art doit avoir sa marque propre, que l’émotion esthétique se distingue en quelque chose des émotions ordinaires, et il recourt, pour se tirer d’embarras, à une hypothèse ingénieuse : « Nous croyons, écrit-il (p. 36), qu’il faudra à l’avenir distinguer dans l’émotion ordinaire (non plus esthétique) : d’une part, l’excitation, l’exaltation neutre qui la constitue, qui est son caractère propre et constant ; de l’autre, un phénomène cérébral additionnel, qui est l’éveil d’un certain nombre d’images de plaisir ou de douleur, venant s’associer au fond originel, le colorer ou le timbrer, pour ainsi dire, et produire la peine ou la joie proprement dites, quand elles comprennent le moi comme sujet souffrant et joyeux. » L’émotion esthétique aurait alors ceci de particulier, que, « tout en conservant intact l’élément excitation », elle « laisse à son minimum d’intensité l’élément éveil des images, etc. ». […] Laissons ces questions de philosophie pure1. […] La statistique de l’admiration, qui serait le principal instrument de la psychologie des peuples3, ne laisserait pas d’être malaisée à dresser.
ne trouva derrière lui, au jour de l’action, que cinquante personnes qui prirent la fuite devant les Habits Rouges et le laissèrent pendre haut et court. […] Cette page, qu’il vaudrait mieux oublier que reproduire, sinon pour Emmet, qui mourut bravement, au moins pour l’Irlande qui le laissa tuer, une femme (car c’est une femme que l’auteur de Robert Emmet) a eu la fantaisie de l’écrire ; et vraiment on se demande pourquoi, à moins que ce ne soit parce qu’il y a une autre femme dans cette histoire. […] Avec un sans-façon charmant et une admiration presque impertinente de familiarité, l’auteur de Robert Emmet met sa petite main blanche sur cet effrayant sujet de lord Byron que lui a laissé sa grand’mère, mais sans le lui léguer. « J’ai toujours eu un faible pour lord Byron », dit-elle dans son livre.
IV Laissons donc dire le titre de ce livre, qui nous invite avec un nom de femme ; laissons même les détails charmants et naïfs de ce poème retrouvé du chapelain de la comtesse Mathilde, dont Renée, l’habile enchâsseur qui sait faire reluire les moindres pierres, a orné les pages de sa chronique ressuscitée. […] dès la première ligne de son ouvrage, l’éloquent historien en convient, du reste : « A côté de la puissante figure de Grégoire VII, il en est une — dit-il — qui semble s’effacer d’elle-même et se mettre pieusement dans l’ombre où les historiens l’ont laissée… » Et après un rapide coup d’œil sur ce qui restait de l’empire de Charlemagne et de la domination allemande au temps de Mathilde, comme pressé et presque haletant d’arriver au grand homme qui d’un geste arrêta l’empereur et toute sa féodalité derrière lui aux portes de l’Église épouvantée, il s’adresse, dès la page 4, la question brûlante : « D’où venait cet homme qui, de son autorité, se rangea parmi les maîtres du monde, et dont le nom est un des noms les plus retentissants du passé ?
Quand les 1848 avortent, on peut, pour faire un succès à Chamfort, spéculer sur les cent mille bâtards à Paris, qui renverseraient fort bien, si on les laissait faire, la marmite française, comme les janissaires la renversaient à Constantinople. […] L’avortement, l’infanticide et l’abandon ont cent fois levé le poignard sur sa tête, cherché des oubliettes mystérieuses, consulté des scélérats et rêvé bien des espèces de crimes avant de le déposer dans son berceau et de l’y laisser, — pour la religion peut-être, qui l’y a trouvé et qui l’y a pris ! […] Ils se laissaient prendre dans leur ordure, tandis que les hommes, plus grossiers et plus forts, luttent pour rester dans la leur !
Après avoir tâté ce fier sujet de saint Bernard, qui n’est pas un aérolithe tombé dans l’histoire, mais qui a des racines dans le passé, qu’il faut découvrir, et d’autres racines dans l’avenir, qu’il faut suivre encore, M. de Montalembert, à qui les habitudes oratoires ont ôté le degré d’attention nécessaire pour approfondir un sujet, a laissé là le sien, mais du moins a voulu utiliser les lectures qu’il avait faites pour le traiter. […] Laissons pour le moment la composition même du livre, qui ne sait pas faire profondément et magistralement l’histoire d’une influence, sans se perdre dans les feux de file des faits, ou qui, faisant l’histoire des faits, s’y perd encore, car il ne peut les donner tous, et il n’y a pas de raisons pour qu’il choisisse plus les uns que les autres ; laissons cette maladroite succession de légendes qui ne fait pas l’unité d’un livre, car se suivre n’est pas s’enchaîner, et dans l’exécution de l’histoire de M. de Montalembert, demandons-nous ce qu’il y a de plus que des traductions assez fidèles et des transcriptions très honnêtes, car les notes du bas des pages, malgré leur place, sont supérieures à l’en-haut, et l’auteur n’a pas craint la comparaison !
Et ce n’était pas pour le saint qui est au ciel et qui a laissé sur la terre des œuvres vivantes, lesquelles disent mieux ce qu’il fut qu’aucune plume d’homme ou de génie, ce n’était pas pour le saint qu’il fallait regretter cette lacune. […] Il dit dans son cœur à l’époque actuelle : « Je te parlerai ton langage, mais pour t’apprendre à respecter ce que tu dédaignerais de connaître si je te parlais seulement le mien. » Et, en effet, le monde, auquel on est obligé de s’adresser quand on est écrivain, aurait laissé dans l’ombre une œuvre qui n’eût été qu’hagiographique sur Vincent de Paul. […] Rhétorique, sentimentalités, mièvreries littéraires, il a laissé tout cela dans une histoire où les philosophes ont pourtant la bonté d’autoriser l’émotion en faveur du fondateur des Filles de la Charité et des Enfants trouvés ; — comme ils disent : un saint populaire.
Ne nous laissons point abuser par ce qu’il peut avoir d’un virtuose. […] Il parla de l’antagonisme fatal des idées, aussi bien dans l’histoire que dans la pensée, dans la conscience de l’homme que dans l’humanité ; enfin il amnistia la guerre, fit une théorie sur les grands hommes qui leur arrachait ce qu’il y a de plus beau en eux : leur libre individualité ; et, adroitement, se coulant de ces hauteurs où il s’était laissé enlever, au niveau abaissé de son auditoire, sentant bien qu’il avait affaire à un genre de public qui aurait donné toutes les spéculations métaphysiques pour une chanson de Béranger, il arriva en dernier ordre, par une subtilité de dialectique, à la Charte, cette chimère de l’époque d’alors, et posa comme l’idéal de sa philosophie la monarchie constitutionnelle, aux cris d’enthousiasme de tous ces Prudhommes de vingt ans ! […] Nous avons laissé de côté le professeur de 1820, l’écrivain des fragments philosophiques, le dissertateur d’Abélard, l’annotateur et le traducteur de Proclus.
En effet, on eût dit qu’ils avaient fait un mystérieux échange, et qu’elle lui avait laissé la grâce pour le dédommager de lui avoir emporté son nom ! […] La tête qui a dit cela est certainement spirituelle, mais c’était elle qui était en bas… laissons-la dans cette position, et laissons Balzac en paix dans sa gloire bien gagnée ; ne lui comparons jamais personne.
III Mais laissons les grands noms et les grands modèles. Laissons Cervantès, laissons Rabelais, Richardson et Fielding, et Molière et Balzac, et quand un homme n’est pas même Swift, ne tourmentons pas notre trompette de traducteur et soufflons dedans des airs plus doux.
— Laissez votre adresse, on vous servira la revue, dit le directeur à l’écrivain. […] — Alors, laisse-nous arranger l’affaire, dirent les témoins. […] — Si tu te retires, répliqua l’autre, je te laisse mon américaine. […] il pleut à verse, et nous avons eu l’imprudence de laisser notre bourse chez la personne où nous avons été nous costumer… (S’adressant au monsieur.) […] Il laisse échapper tout haut ses impressions par des demi-mots, des gestes qui attirent sur lui l’attention des voisins
Souple et docile, il se laisse assimiler par son vainqueur. […] De ce côté-ci rien n’est laissé au hasard. […] Le grec serait laissé aux spécialistes de l’enseignement supérieur. […] Accordons plus encore et laissons de côté ces deux objections. […] Et le souvenir qu’il laissera ne pourra jamais s’effacer.
Rien sur le premier plan, hormis quelques vêtements laissés : une blouse, des instruments de travail, une chèvre couchée auprès ; puis, au premier fond, derrière le monticule du premier plan, une espèce de ravin fourré d’arbres, et, dessous, quelque paysan qui sommeille ; plus haut, la côte du château, blanche, nue, calcaire, avec les ruines sévères qui la couronnent ; mais à droite, cette côte blanche s’amollissant en croupes verdoyantes, souples, mamelonnées, et au sommet de l’une de ces croupes, des génisses qui paissent, et un rayon incertain de soleil qui tombe et qui joue. […] J’ai toujours paru ne me préoccuper d’art qu’incidemment ; j’en ai rarement écrit, bien persuadé que, pour être tout à fait compétent en ces matières, il faut y passer sa vie ; mais je n’ai cessé tant que j’ai pu de voir et de regarder, et je n’ai pas laissé l’occasion de dire mon mot et de donner mon coup de collier à ma manière.
Nous avons laissé, dans le second volume des Souvenirs, M. de Ségur ambassadeur en Russie auprès de Catherine. […] Celui de tous qui semble lui avoir laissé de plus chers souvenirs est le célèbre prince de Ligne, si étonnant par ses saillies, ses impromptus, et les grâces intarissables de ses lettres et de sa conversation, L’on devine et l’on sent presque revivre sous la plume de M. de Ségur l’attrait de ces causeries brillantes et superficielles dont le seul but était de plaire, où l’on parlait de tout sans prétendre rien prouver, où l’on posait tour à tour, avec une érudition finement moqueuse ou adulatrice, de la France à l’Attique, de l’Angle ferre à Carthage, de l’empire de Cyrus à celui de Catherine.
Il lui arrache le mot en la « chauffant », c’est-à-dire en lui faisant brûler les pieds et les jambes jusqu’aux os, et il laisse ses compagnons l’enterrer encore vivante. […] Et ces châtiments d’innocents offensant en nous une irréductible idée de justice, comment ne ferions-nous pas ce rêve d’une transmission et d’une réincarnation des âmes Mais cela n’arrange rien du tout, puisque ces âmes ne se doutent point qu’elles ont déjà vécu ni qu’elles rachètent leurs fautes antérieures… — Laissez-moi tranquille !
Cela ne laisse pas d’être un peu pénible. […] La surprise, très agréable du reste, n’a pas laissé d’être assez grande.
Le goût pur de Fontanes, la grâce attique de Joubert s’étaient laissé séduire à la fraîche muse du poète. […] C’est là qu’il est original, c’est là qu’il laisse tous ses rivaux en arrière.
Soit qu’il peigne les Hommes, soit qu’il parle de Littérature, de Morale ou de Politique, il fait briller par-tout une finesse de raison, qui ne laisse rien à désirer au Lecteur. […] Cet Auteur a pu être imprudent, mondain, voluptueux : il a pu laisser transpirer de temps en temps des traits d'un esprit indifférent & médiocrement religieux ; mais il s'est bien gardé d'afficher l'incrédulité, de dénaturer la Morale, de justifier les vices, d'insulter à la Société.
Après les avoir longtemps admirés du dehors, je priai le génie qui m’accompagnait de me laisser pénétrer dans leur intérieur. […] En adoptant la doctrine de révolution, nous ne la prendrons plus dans ce sens trop matérialiste dont Spencer se contente et qui ne laisse à la pensée que le rôle d’un appareil enregistreur ; mieux entendue, la doctrine de l’évolution doit faire à la pensée sa place légitime dans le développement des choses et, à plus forte raison, dans le développement des idées.
Les hommes qui se consacrent au culte des Muses se laissent plus vite submerger à la douleur que les esprits vulgaires : un génie puissant use bientôt le corps qui le renferme : les grandes âmes, comme les grands fleuves, sont sujettes à dévaster leurs rivages. […] Gessner nous a laissé dans la Mort d’Abel un ouvrage plein d’une tendre majesté.
Or, suivant le sentiment de Platon, l’habitude de se livrer aux passions, même à ces passions artificielles, que la poësie excite, affoiblit en nous l’empire de l’ame spirituelle et nous dispose à nous laisser aller aux mouvemens de nos appetits. […] Après avoir avoüé que souvent il s’est trop laissé seduire à ses charmes, il compare la peine qu’il sent à se separer d’Homere à la peine d’un amant forcé, après bien des combats, à quitter une maîtresse qui prend trop d’empire sur lui.
Gabriel Ferry8 Le Coureur des bois 9 est le livre mort d’un homme mort qui avait du talent, mais qui n’en a guères laissé que la mâle promesse, et à qui la mort, comme toujours, n’a pas manqué de conquérir la bienveillance universelle. […] pas renouvelé la face de la littérature, et rien ne nous fait présumer dans ce qu’il nous laisse qu’il fût destiné à raviver plus tard les vieilles sources du roman ou du conte, plus taries encore que celles du roman.
Il devait laisser ce Livre d’amour tel qu’il était : un ouvrage dont quelques exemplaires apparaissaient sous de rares manteaux. […] Zola, qui est la providence des débutants de l’information), il y a quelque rudesse à se fermer absolument aux jeunes gens qui veulent travailler dans ce très dur métier du journalisme et qui souvent seront tirés d’un grave embarras par quelques mots, quelques notes qu’on leur laissera prendre.
Sous prétexte de lui laisser le commandement, elle lui a laissé la peine et la responsabilité. […] Il fallait le prendre dans la rue, ne le laisser s’écarter sous aucun prétexte, et l’amener par le bras. […] » Laissons donc M. […] De si graves matières ne se laissent pas traiter aussi couramment. […] Se résigner, laisser les hommes à leur destinée, ou agir encore, tenter autre chose ?
Chateaubriand laissera le soin de sa défense à un jeune homme, Damaze de Raymond. […] Recherché, il se laissa faire. […] Il critique la critique de l’abbé Morellet, etc… Bref, il ne nous laisse pas grand’chose à dire… Mais qu’importe, s’il nous laisse quelque chose à sentir ? […] recule devant cet abîme : laisse-le dans mon sein ! […] Bref, il se laisse aller.
On choisit un sujet, on en saisit les rapports, on les coordonne et on laisse chanter sa phrase sur des airs connus. […] Au lieu de se laisser entraîner sur la pente de leur émotion, les auteurs français se laissent constamment enrayer par les entraves du bon goût. […] laissez-là les périodistes et leurs préceptes cadavéreux. […] Je l’ignore ; mais le terrain où peuvent s’asseoir leurs fondements se laisse déjà découvrir. […] laissez-moi !
Zola ait voulu les rappeler, et je ne saurais mieux faire que de lui laisser la parole : « Tout petits, dès leur sixième, ils s’étaient pris de la passion des longues promenades. […] Comme le rosier ses roses, il a laissé fleurir ses instincts. […] On lui a fait un grief d’avoir donné, dans ses romans, une telle importance aux fonctions animales, et cela n’a pas laissé d’offusquer certaines âmes pudibondes, légèrement teintées de spiritualisme […] Seules, des trêves d’amour comme le Rêve et comme l’Abbé Mouret ne laissent après elles qu’une moins farouche tristesse. […] Et pour conclure, laissez-moi vous dire que le Naturisme me semble la plus large (si large qu’elle en est vague : tout n’est-il pas dans la nature ?)
L’impression générale que lui laissa la Révolution fut celle d’un affreux spectacle qui blessait toutes ses affections et ses habitudes, quoique plutôt dans le sens de ses opinions. […] Mlle de Meulan, s’étant mise à traduire les premières pages d’un roman anglais, Emma Courtney, se laissa bientôt aller à le continuer pour son compte et à sa guise. […] Les deux volumes, intitulés Conseils de Morale, ont été presque en entier formés de pages extraites çà et là dans ses articles, de débuts piquants et originaux de feuilletons à propos de quelque comédie du temps oubliée ; mais on a laissé en dehors ses jugements sur les auteurs. […] Quoique la critique littéraire ne soit jamais le principal pour elle, elle y a laissé des traces que je regretterais de voir effacées et perdues pour toujours. […] Comment l’initier par degrés à la vie, l’éclairer sans le troubler, le laisser heureux sans le tromper ?
Laissons aller le monde à son courant de hasard ! […] « Lady Stanhope portait un manteau de drap jaune foncé ; une tunique rayée, de couleur violette et blanche, descendait jusqu’à ses pieds ; de longues manches ouvertes laissaient apercevoir la blancheur de ses bras ; des babouches en cuir jaune s’élevaient jusqu’à la moitié de ses jambes ; un cachemire blanc couvrait entièrement sa tête, et un mouchoir peint de mille couleurs, ainsi qu’on les fabrique à Smyrne, entourait son visage : les deux bouts de ce mouchoir tombaient sur ses épaules. […] « — Pas du tout, reprit lady Stanhope ; dans son voyage à Fez, Ali-Bey, qui, grâce à son costume et à sa profonde connaissance des idiomes de l’Orient, pénétrait dans les sérails comme dans les mosquées, eut des relations avec une sœur du roi de Fez, et la laissa grosse d’un enfant qu’on nomme aujourd’hui Osman-Bey. […] Je le laisse à votre choix.” […] « En arrivant dans la chambre qui m’était préparée, on m’apporta de sa part une écritoire : elle me faisait prier de lui laisser mon adresse.
Cette gloire même ressembla au sacrilége ; elle laissa une tache indélébile sur sa vie littéraire. […] Voltaire accepta secrètement ces propositions ; il prit congé de la cour de France comme pour une absence momentanée ; on ne lui reprocha rien, on le laissa partir avec dédain, mais on garda contre lui le profond ressentiment d’une désertion de Versailles à Berlin. […] C’est peut-être aussi que le génie de Voltaire est le mouvement, que cet excès du mouvement de l’esprit donnait quelquefois le vertige et l’ivresse à sa jeunesse : l’âge, en ralentissant le mouvement excessif et désordonné de son âme, lui laissait plus de cet équilibre nécessaire à la création des belles choses. C’est peut-être enfin parce que toutes les autres passions étaient amorties en lui par l’âge que les années ne laissaient plus prévaloir en lui qu’une seule passion, celle du bon sens, qui est l’absence de toutes les autres passions, et que son talent ainsi dégagé de toute préoccupation sensuelle l’élevait à une plus pure intellectualité. […] Dans les pages du Dictionnaire philosophique, où il laisse courir sa pensée sur tous les objets avec la liberté d’une confidence à voix basse, il parvient par les seules forces de sa raison jusqu’à des extases d’adoration et de vertu qui égalent le plus sublime mysticisme de l’Inde ou du christianisme.
Ainsi s’explique que ces puissantes et riches œuvres n’aient pas laissé de trace dans la littérature du règne de Louis XIII. […] Il est remarquable que dans le matériel de la pastorale il a laissé toutes les machines qui servent à faire des changements à vue de passions, à créer ou détruire l’amour instantanément. […] De loin en loin, la facture d’une ode porte sa marque : mais il ne laisse en somme que deux disciples, Maynard et Racan. […] Déjà il ne se gagnait plus de gloire qu’à Paris, à la suite de la mode : la résidence était de rigueur ; et voilà pourquoi notre président d’Aurillac, qui méritait un peu mieux, a laissé moins de renommée que les Voiture et les Sarrazin. […] Voiture que le service de Monsieur mena en Espagne, en Italie, écrivait des lettres aux amis qu’il avait laissés à Paris : il en écrivait de Paris aux amis qui s’en allaient aux armées ou en mission diplomatique.
Laliberté qu’il me laissa était absolue. […] laissez-moi, laissez-moi. » Il s’aperçut que le trait avait porté juste. […] Voyant que je ne répondais rien, il me serra la main. « Ce sera un petit Gosselin », dit-il avec une nuance légère d’ironie, et il me laissa continuer ma lecture. […] Là sont exposées avec honnêteté les objections contre la proposition qu’il s’agit d’établir ; ces objections sont ensuite résolues, souvent d’une manière qui laisse toute leur force aux idées hétérodoxes qu’on prétend réduire à néant. […] Tantôt j’avais trop raison, tantôt je laissais voir ce que je trouvais de faible dans les raisons données comme valables.
On doit laisser aux purs savants, géomètres, astronomes, physiciens, le soin d’établir les formules, d’énoncer dans un style approprié soit les rapports des quantités abstraites, soit les relations des phénomènes et les évaluations numériques qui les déterminent. […] Le cœur ne se laisse pas immoler jusqu’au bout, son autorité se révèle par le sentiment indestructible de la responsabilité devant le crime. […] La Nature n’est pas soumise aux lois de notre conscience, et la Divinité, si elle existe, laisse faire à la Nature son œuvre nécessaire ; le large plan qui se développe à travers l’infini de l’espace, du temps et du nombre, ne peut se laisser troubler par les incidents misérables de nos plaintes et de nos gémissements. […] Ne lui est-il pas arrivé souvent de laisser la précision ou la clarté de l’idée en gage dans ce jeu périlleux, et de faire de sa pensée l’otage du vers, qui devrait être l’esclave et qui devient le maître ? […] Grave question, difficile à résoudre et qui laisse le lecteur indécis, d’autant plus qu’il ne se sent guère éclairé par la conclusion de l’auteur.
Gardons-nous donc bien de condamner ce qui fait notre force ; et, sans nous laisser arrêter par une boutade dédaigneuse, que le grand orateur réfute d’ailleurs par son exemple, soutenons courageusement les droits et la dignité de la critique. […] Mais soyez critique : entretenez-moi de poètes déjà connus, admirés, préconisés : je me laisserai prendre au titre de l’ouvrage, sinon à ceux de l’auteur. […] Un écrivain allemand, fort compétent dans cette matière, Wendt, formulait ainsi en 1818 les questions que l’esthétique laissait encore à résoudre, après les travaux si nombreux de ses compatriotes. […] Leur esprit est comme cette lame métallique où la lumière laisse des images fidèles, si l’on veut, mais laides et décolorées. […] Je me demande souvent pourquoi nous laissons à nos voisins d’Angleterre et d’Allemagne le privilège de ces Revues dignes de leur nom, qui rendent un compte fidèle des ouvrages publiés, en donnent des extraits, en indiquent l’esprit, la méthode et en expriment, pour ainsi dire, le suc.
Je vous laisse à en juger. […] Je laisse donc cet argument de M. […] Il les crée et les laisse faire. […] Laisse-moi me rappeler. […] Laissez-moi donc tranquille.
Une paix heureuse, une paix supportable, comme celle d’Utrecht, laisserait à Louis XIV quelque gloire ; il la faut très chèrement achetée, c’est-à-dire par des cessions de territoire et par le sacrifice sanglant de quelques membres de la France. […] « Au nom de Dieu, écrit-il au duc de Chevreuse après la mort du grand dauphin, que le dauphin ne se laisse gouverner ni par vous, ni par moi, ni par aucune personne du monde167 ! […] Ses membres les hasarderont dans la conversation ; on les essayera, sauf à les laisser, s’ils déplaisent. […] Je me trouble, je me sens confondu dans ce mélange d’erreurs et de vérités venues d’un fonds où l’on n’en fait pas toujours la différence ; et ce manque d’autorité, même aux endroits où le ton de l’autorité domine, me laisse ma triste liberté que j’avais si doucement abandonnée à Bossuet. […] Le traité de l’Éducation des filles, par exemple, n’est pas un livre timide ; on n’y sent pas la contrainte ecclésiastique, ni le scrupule d’un auteur qui, n’ayant pas toujours pensé chastement sur ce sujet, craindrait de laisser échapper des vérités indiscrètes.
Un soldat malade, accoudé au parapet, laisse échapper : « C’est pitié de voir cela ! […] Bourbaki laissé en dehors de l’armistice, qui est un armistice général ! […] Le ministre ne le laisse pas finir, lui dit : « Mon cher enfant, vous savez combien je vous aime ! […] Sur cette affirmation, le Roi se décida à l’occuper, et voici la carte de visite qu’il y laissa. […] Alors, ô fortune, Signeux m’envoya dix francs en timbres-poste, parce qu’on ne nous laissait pas d’argent !
Cros a laissé peu de vers inédits. […] Car les fleurs se fanent devant elle : voyez, la lumière meurt sur cette pauvre joue et la laisse pâle. […] Douvres est une médiocre cité, avec d’admirables falaises si blanches qu’elles ont laissé leur nom à l’Angleterre (Albion). […] Et cependant, mon cher d’Argis, laissez-moi vous le dire, ne craignez-vous pas les reproches ? […] Donc, courage et laissez dire.
Il avait laissé le champ libre entre les Chrétiens & les Payens. […] Ce fut un trésor caché que François I laissa à ses successeurs. […] disait-il à l’Auteur de Rodogune ; laissez agir votre éleve. […] Elles ne leur laissaient qu’un champ bien borné à parcourir. […] Il ne laisse rien à dire au Musicien.
Il ne me désespère, ni ne m’exaspère, et me laisse bien calme. […] Laissez-moi Dieu ! […] On le leur laisse très volontiers. […] Il laissait cela aux fanatiques, aux tartuffes et aux illettrés. […] Sous Napoléon, elle ne voulait pas d’un officier qui l’aurait laissée seule.
Au siècle de Louis XIV, l’attraction monarchique est trop puissante pour laisser subsister d’autres centres que Versailles et Paris, la cour et la ville. […] » On prétend que ce moyen est usé, suranné, et que personne ne s’y laisse plus prendre. […] Bon jeune homme, laisse-moi t’embrasser. […] Vivre dans la mémoire de la postérité, c’est laisser un nom qui voltige comme une âme, petit souffle léger, sur les lèvres des hommes et des femmes. […] Il a fallu que sa pensée, resserrée dans la stricte mesure du mètre et obéissant aux lois de la cadence, fût menée, comme un chien en laisse, par la rime.
Elle ne se laisse pas moins lire, et même sans fatigue. […] À peine si la jeune fille, de loin en loin, laisse échapper une plainte discrète, mais amoureuse encore. […] Pour ne rien vouloir nous laisser ignorer des défaillances ou des palinodies de l’homme politique, M. […] Puisque rien ne change rien à rien, qu’on laisse donc aller les choses. […] Laissons donc à M.
C’est un chef-d’œuvre de législation que le hasard fait rarement et que rarement on laisse à faire à la prudence. […] Conséquence à la manière de mes adversaires, que j’aime autant prévenir que de leur laisser la honte de la tirer. […] Il le fit aussitôt, avec le plaisir de créer ainsi un précédent en sa faveur et de se laisser mettre en lieu et place des Etats généraux. […] Il laissa les Parlements ôter aux Jésuites leurs collèges et leurs biens et finit lui-même par les abolir par l’édit de 1764. […] Laissons de côté, pour un moment, le projet prêté par Rousseau aux chrétiens, même dans leur faiblesse, de devenir un jour les maîtres.
— Au lieu d’une œuvre il laisse des morceaux — mais que de documents ! […] Elle laisse à leur inspiration sa date, sa forme, elle lui assure au surplus la durée. […] Laissons Phocas le Jardinier. […] et la liberté d’esprit que cette même forme prévue et mécanique laisse au poète pour « penser ». […] Rostand ne laisse déjà après elle que du sable et quelques cailloux curieux.
Il se laissa faire ; il s’y choisit un genre de vie délicieux, mais énervant, qui rappelait, en très petit, l’existence quasi mythologique d’un Voiture ou plutôt d’un Benserade. […] Il se plaisait, dans les heures bien rares que lui laissait le monde, à écrire sur toutes sortes de sujets, et particulièrement à se souvenir de ses succès de salon, à en fixer la mémoire, à noter ses premières aventures d’esprit, à dénombrer ses nobles relations, et (plus homme de lettres en cela et moins homme du monde qu’on ne l’aurait cru) à tenir registre de tous les jolis mots qu’il avait semés dans sa carrière.
Personne dans le ministère ni dans le parti ministériel ne tenait à ce mot flétri qui excédait le sentiment à exprimer ; et pourtant, une fois admis, on l’a laissé par embarras de le retirer. […] Il laisse une mémoire charmante et douce, il n’a trouvé dans ses nombreux amis ni un ingrat ni un indifférent.
Profondément estimé en France de tous ceux qui avaient lu quelques-uns de ses morceaux de morale et de critique dans lesquels une pensée si forte et si fine se revêtait d’un style ingénieux et savant, il laisse un vide bien plus grand que la place même qu’il occupait, et il serait impossible de donner idée de la nature d’une telle perte à quiconque ne l’a pas vu au sein de ce monde un peu extérieur à la France, mais si étendu et si vivant, dont il était l’une des lumières. […] Et c’était le même homme qui, dans la Revue Suisse, laissait échapper les pages les plus aimables et les plus fraîches sur Robinson Crusoé.
S’il imagine, il laisse voir qu’il imagine, s’il se souvient, il indique qu’il se souvient. […] Lafargue (qui, lui, avait une âme lyrique) a laissé un très petit nombre de poèmes, d’une singulière brièveté et dont chacun forme un petit monde distinct.
Edmond Pilon La Daphné d’André Chénier me laissa l’impression d’une douce bucolique à la joie innocente, mais la Daphné de M. […] Signoret se laissa aller à une éducation mystique et à une éducation païenne qui, corroborées ensemble, unissaient trop souvent Cypris à Marie.
C’est qu’un Daudet amuse cent mille personnes et en laisse dix mille indifférentes, qui sont juste la clientèle d’un Goncourt. […] Ses écrits historiques ne sont pas impérissables : les arrière-neveux ne se soucieront pas de son goût de Watteau, ou de Hok’saï ; même ses prétentions à écrire les chapitres d’une clinique sociale laisseront profondément indifférent, Mais il demeurera bien un ou deux de ses romans, choisis au petit bonheur de la postérité.
Discours prononcé à Tréguier 2 août 1884 Messieurs et amis, Que je vous remercie de m’avoir enlevé, moi déjà si peu enlevable, à cet éternel fauteuil où je m’ankylose, à ces douleurs par lesquelles je me laisse envahir, à ces hésitations d’où j’ai besoin d’être tiré de force ! […] Le monde est en train de se laisser envahir par des races tristes, qui n’ont jamais su ce que c’est que jouir, races dures, sans sympathie, qui n’ont ni l’amour ni l’estime des hommes.
Il fait éclater ou laisse deviner ses préférences. […] Sa première obligation est de s’effacer pour laisser en pleine lumière ce qu’il tâche de comprendre et d’expliquer.
Une fois que le livre est publié, une fois que le sexe de l’œuvre, virile ou non, a été reconnu et proclamé, une fois que l’enfant a poussé son premier cri, il est né, le voilà, il est ainsi fait, père ni mère n’y peuvent plus rien, il appartient à l’air et au soleil, laissez-le vivre ou mourir comme il est. […] Tandis qu’on répare à grands frais et qu’on restaure le palais Bourbon, cette masure, on laisse s’effondrer par les coups de vent de l’équinoxe les vitraux magnifiques de la Sainte-Chapelle.
Ils nous ont sans doute laissé d’admirables peintures des travaux, des mœurs et du bonheur de la vie rustique ; mais, quant à ces tableaux des campagnes, des saisons, des accidents du ciel, qui ont enrichi la muse moderne, on en trouve à peine quelques traits dans leurs écrits. […] Des sylvains et des naïades peuvent frapper agréablement l’imagination, pourvu qu’ils ne soient pas sans cesse reproduits ; nous ne voulons point …… Chasser les Tritons de l’empire des eaux, Ôter à Pan sa flûte, aux Parques leurs ciseaux… Mais, enfin, qu’est-ce que tout cela laisse au fond de l’âme ?
Lorsqu’enfin l’heureux Lancelot cueille le baiser désiré, alors celui qui ne me sera plus ravi colla sur ma bouche ses lèvres tremblantes, et nous laissâmes échapper le livre par qui nous fut révélé le mystère de l’amour86. » Quelle simplicité admirable dans le récit de Françoise, quelle délicatesse dans le trait qui le termine ! […] Si toutefois nous osions proposer nos doutes, peut-être que ce tour élégant, nous laissâmes échapper le livre par qui nous fut révélé le mystère de l’amour, ne rend pas tout à fait la naïveté de ce vers : Quel giorno più non vi leggemmo avante.
Ainsi la mélodie laisse dans l’esprit un souvenir profond. […] C’est pourquoi ses tableaux ne laissent pas de souvenir. […] Dubufe, sont les mêmes qui se sont laissé charmer par les têtes de bois de M. […] L’œuvre d’un éclectique ne laisse pas de souvenir. […] Croirais-tu qu’il a bousculé l’abbé Montès, et qu’il a couru sus à la guillotine en s’écriant : Laissez-moi tout mon courage !
Je m’y suis efforcé quant à moi et j’aurai laissé mon œuvre personnelle en quatre parties bien définies, Sagesse, Amour, Parallèlement, — et Bonheur, qui est sous presse, ou tout comme. […] Il laisse cela au terrible Dante qui a besoin de nous raconter les infortunes de la Pia, ou comment les Françoise de Rimini succombent, pour nous intéresser à son fabuleux enfer. […] Profond problème, et dont je laisse la solution à de plus subtils. […] Et c’est tout, soixante-sept n’ayant laissé que le d’ailleurs très estimable et très opportun terrassement de la place du roi de Rome. […] Laissons de côté cette un peu fastidieuse et fatiguée question du Décadisme et du Symbolisme.
Le xvie siècle, si grand et si fertile qu’il eût été pour les esprits des doctes et pour les penseurs, avait laissé au vulgaire et, pour parler plus simplement, au public, toute sa rouille ; il ne l’avait pas civilisé. […] Naudé se pique dès l’abord de se bien séparer de ces auteurs qui, traitant de la politique, ne mettent pas de fin à leurs beaux discours de Religion, Justice, Clémence, Libéralité ; il laisse cette rhétorique à Balzac et consorts. […] Le style latin de Naudé laissa toujours à désirer pour la vraie élégance. […] Pourtant il semble que cette perte inopinée du cardinal de Bagni ait laissé des traces dans son humeur. […] La seconde Fronde lui laissait peu d’espoir de recouvrer sa condition première ; il accepta d’honorables propositions de la reine Christine, et partit pour la cour de Stockholm, où il fut bibliothécaire durant quelques mois.
Il peut retenir quelque chose de l’abandon platonicien ; et la négligence, à laquelle il se laisse aller si volontiers, est une parure de plus. […] Le temps peut-être lui a fait une partie de ces outrages ; mais il semble assez probable aussi que c’est l’auteur lui-même qui a laissé son œuvre dans ce fâcheux état. […] Mais s’il est des questions qu’on peut laisser dans l’ombre, soit qu’on les dédaigne, soit qu’on les oublie, ce ne doit jamais être que des questions secondaires. […] Les laisser douteuses, c’est ne pas les comprendre assez. […] La philosophie s’interdira donc à jamais le dialogue, sous peine de se laisser entraîner à une imitation vaine.
En entrant dans la cour, on laissait en face devant soi une belle façade à grand porche et à grands appartements, habités par des familles opulentes. […] Quinze ans d’entretien à cœur ouvert avec lui, et son applaudissement sans réserve à des doctrines tout opposées, dont je fus l’organe en 1848, ne me laissent pas le moindre doute sur ses vraies opinions à cet égard. […] De sa véritable mère il ne m’a jamais parlé, soit qu’elle fût morte avant qu’il ait pu la connaître, soit que cette femme, ainsi que l’insinue Alexandre Dumas dans sa remarquable confidence au public sur Béranger, n’ait pas laissé à son enfant devenu homme l’image d’une assez tendre mère. […] Sa fortune tout entière y coula ; il disparut et me laissa à moi, seul et inexpérimenté, le soin de sauver ses débris et d’honorer ses revers. […] Mais voici le chemin, seigneur, et je vous laisse.
Les particularités de sa première vie sont déjà bien loin : elle avait atteint vingt ans avant que la Révolution française eût commencé ; n’ayant encore aucune célébrité ni prétention littéraire, elle était simplement une femme à la mode : tout ce que sa grâce, son esprit et son âme ne manquèrent pas alors d’inspirer ou de ressentir, n’a laissé que des traces légères comme elle. […] Delphine est certainement un livre plein de puissance, de passion, de détails éloquents ; mais l’ensemble laisse beaucoup à désirer, et, chemin faisant, l’impression du lecteur est souvent déconcertée et confuse : les livres, au contraire, qui sont exécutés fidèlement selon leur propre pensée, et dont la lecture compose dans l’esprit comme un tableau continu qui s’achève jusqu’au dernier trait, sans que le crayon se brise ou que les couleurs se brouillent, ces livres, quelle que soit leur dimension, ont une valeur d’art supérieur, car ils sont en eux-mêmes complets. […] En un mot, Gustave réussit véritablement à laisser dans l’âme du lecteur, comme dans celle de Valérie, ce qu’il ambitionne le plus, quelques larmes seulement, un de ces souvenirs qui durent toute la vie, et qui honorent ceux qui sont capables de les avoir. […] Vous n’êtes point captive dans les liens de la mort, comme tout ce qui n’a eu que le domaine du mal pour régner ou pour servir. » Et elle finit en montrant la Croix laissée dans ces lieux comme un autel magnifique qui doit tout rallier, et qui dira : « Ici fut adoré Jésus-Christ par le héros et l’armée chère à son cœur : ici les peuples de l’Aquilon demandèrent le bonheur de la France. » Ces pages expriment clairement en quel sens Mme de Krüdner concevait et conseillait la sainte-alliance ; mais ce qui était son rêve, ce qui fut un moment celui d’Alexandre, se déconcerta bientôt, et s’évanouit en présence des intérêts contraires et des ambitions positives, qui eurent bon marché de ces nobles chimères. […] Comme biographie, ce simple pastel, dans lequel on s’est attaché à l’esprit et à la physionomie plus encore qu’aux faits, laisse sans doute à désirer ; un de nos amis, M.
Le récit vivifié par l’imagination, réfléchi et jugé par la sagesse, voilà l’histoire telle que les anciens l’entendaient, et telle que je voudrais moi-même, si Dieu daignait guider ma plume, en laisser un fragment à mon pays. » VII « Mirabeau venait de mourir. […] Il est tout du temps ; il n’imprime à son œuvre rien d’infini. » IX Ici, je laisse respirer le lecteur et je caractérise l’esprit de la Révolution. […] Car Mirabeau ne donne jamais dans ces métaphysiques de Jean-Jacques Rousseau ; il les laisse jeter au peuple comme des osselets, mais il s’en moque toujours les portes fermées. […] Le sang qui souille les hommes ne tache pas l’idée, et, malgré les égoïsmes qui l’avilissent, les lâchetés qui l’entravent, les forfaits qui la déshonorent, la Révolution souillée se purifie, se reconnaît, triomphe et triomphera. » Le seul devoir de l’écrivain honnête était donc de définir cette Révolution, de ne point la laisser confondre comme on le fait tous les jours, aujourd’hui plus que jamais, avec les excès, les iniquités, les spoliations, les échafauds qui la souillèrent. […] XXII « Laissons donc la géographie !
Je sais bien qu’il vit à Paris, à peu près comme tout le monde, et je ne prétends pas qu’il adore pour de bon Baghavat ou Bouddha, qu’il laisse pousser indéfiniment les ongles de ses pieds et de ses mains, ni qu’il passe des heures à regarder son nombril. […] Mais point ; et Schopenhauer s’est laissé mourir dans son lit. […] Non qu’ils aient cessé de croire à la Moïra invincible ; mais peut-être est-elle intelligente : elle leur a laissé faire de si grandes choses ! […] Le vieux barde de Temrah se tue sous les yeux du beau jeune homme inspiré qui, tour à tour, lui parle divinement du Christ et le menace sauvagement de l’enfer14; et les prêtres et les vierges se laissent massacrer en chantant par le chef chrétien Murdoch, un farouche apôtre15. […] Le poète m’a si bien prévenu contre les mensonges de l’éternelle Mâya que je ne puis croire qu’il s’y laisse prendre La Nature, dont il cherche les aspects violents, occupe ses sens et son imagination, mais rien de plus.
Pour nous laisser une France amputée des quinze départements acquis par la République… Ce résumé, je le sais, est fort décharné. […] Taine fait son héros un peu trop inhumain, ne lui laisse pas un seul bon sentiment. […] Vous dites que les millions d’hommes qu’il a fait tuer n’ont servi de rien, puisqu’il a laissé la France plus petite qu’il ne l’avait prise ? […] Il l’a laissée plus grande du souvenir de cent victoires. […] et quelles fleurs Laissez-moi donc tranquille !
Son âme, comprimée par les doigts de la vie, laisse jaillir des rêves comme des jets d’eau vers l’azur. […] Qu’il y ait depuis quelques années bon nombre de poètes rigoureusement méridionaux honorant les lettres françaises et la langue d’oui (je ne les nommerai pas, je laisse prudemment ce soin à nos neveux) cela n’infirme en rien ma thèse, bien au contraire. […] Arrivée à la limite nord du département de la Charente, notre frontière linguistique tourne au nord-est, détache un coin du département de la Vienne et de l’Indre, se dirige vers l’est entre l’Indre et la Creuse, coupe l’Allier au-dessus de La Palisse remonte vers Mâcon, qu’elle laisse au pays d’oc, se prolonge jusqu’à une petite distance au sud de Vesoul ; là, elle se recourbe sur Montbéliard et coupe la frontière française en s’avançant sur la ville suisse de Bienne, à la pointe du lac de ce nom. […] Mais, à cette époque, notre Midi se trouvait beaucoup plus qu’aujourd’hui éloigné de Paris, en raison de la lenteur des communications et aussi d’un système politique qui lui laissait plus d’autonomie provinciale que la monarchie n’en accordait aux autres régions. […] Maintenant supposons que Berbiguier, quand il monta à Paris, eût laissé la flûte pour jouer du violon : ne serait-ce pas folie de croire qu’il eût réussi comme il réussit ?
L’imagination ne se laisse pas arrêter par cette défense d’aller plus loin ; elle se rit des barrières qu’on lui oppose et pénètre dans des régions où la science n’ose pas s’engager, mais finit un jour ou l’autre par la suivre. […] Il à été scientifique par la méthode qu’il a dû suivre pour approcher de ce but : accumulation de notes et de documents, réduction au minimum de la part laissée à l’imagination, remplacement de l’intrigue, habilement nouée et dénouée, par « une tranche de vie » donnée telle quelle, analyse patiente pour entasser les faits, théories savantes servant de fil conducteur pour les ordonner. […] Scientifique, il l’a été encore et enfin par sa volonté de tout dire, par son intrépide emploi soit des vocabulaires techniques soit des nudités et des crudités de style, par la précision et l’ampleur de ses descriptions, par l’effacement de toute distinction entre la langue qui se parle et celle qui s’écrit, par le soin scrupuleux de laisser à chacun sa façon propre de s’exprimer. […] Pourtant il est rude et multiple, le combat qu’ils ont à livrer, combat contre la misère, contre la faim, comme celui que soutinrent Bernard Palissy et tant d’autres, sacrés grands hommes après leur mort ; combat contre l’intolérance, contre une foi ombrageuse et brutale, comme ce fut le cas pour Galilée ; combat perpétuel enfin contre la nature, qui dérobe ses secrets, qui ne se les laisse arracher que par la force et qui se venge semble-t-il, des violences qu’on lui fait, témoin ces physiciens foudroyés par l’électricité qu’ils voulaient surprendre et dompter, ces chimistes mutilés, déchirés par la mitraille de quelque explosion et tombés dans leur laboratoire comme des soldats sur le champ de bataille, ces audacieux partis en plein ciel sur la foi d’un frêle aérostat etrejetés sans vie sur le sol ou dans les flots de l’Océan, à moins qu’ils n’aient disparu pour jamais dans l’espace sans y laisser plus de traces que des étoiles filantes. […] Comment un pareil spectacle laisserait-il insensibles et froids ceux qui peuvent le contempler ?
Alors Madame Adam prononce des paroles graves : « Richard Wagner a été accueilli jadis dans un salon libéral ; et il a, traîtreusement, consenti à laisser intervenir pour autoriser Tannhaeuser à l’Opéra, la maîtresse d’un autre Salon ! […] Je vous prie donc de ne pas vous laisser entraîner à imiter la vilaine manière traînante que nos chanteurs ont adoptée dans le récitatif : tout doit être rendu et rigoureusement en mesure, surtout au troisième acte, quand vous arriverez aux paroles « Merci, amis de Brabant », gardez strictement le premier mouvement pour donner à cette phrase toute la vivacité nécessaire. Je me suis laissé dire que partout, une fois arrivé à ce passage, l’on faisait un grand ritardando pour produire un effet de « traînerie » de sorte qu’un ami qui l’avait entendu chanter de cette manière, a été très surpris de me l’entendre dire à la mienne. […] Laissons donc à ce bien heureux Bellini la forme de ses morceaux de musique, usuelle chez les Italiens, ses crescendi qui suivent régulièrement le thème, ses tutties, ses cadences, et ses autres formules constantes contre lesquelles nous nous fâchons si violemment ; ce sont des formes fixes que l’Italien ne conçoit pas autrement, et qui, sous bien des rapports, ne sont pas du tout aussi regrettables. […] Le principal lien avec Wagner est la prédominance du drame sur la symphonie et la volonté d’éviter les formes canoniques (airs, cavatines, duos) imposées par les opéras italiens et français… Ils préfèrent, suivant Wagner, la mélodie continue et le récitatif continu pour laisser s’exprimer l’émotion.
Laissons de côté le premier argument tiré de ce préjugé universel que le cerveau est le seul sensorium ; car c’est là une simple pétition de principe. Laissons de côté un second argument, tiré de ce que beaucoup d’actions ont lieu sans éveiller une conscience ou une attention distincte (comme respirer, digérer, etc.). […] Quiconque a étudié les oiseaux sait bien qu’ils choisissent toujours pour leurs nids les meilleurs matériaux, qu’ils laisseront intacts ceux que leur espèce a l’habitude d’employer, s’ils en ont de plus doux à leur portée. […] Si je me laisse aller à la rêverie, je puis bien m’imaginer errer dans les rues de Bagdad ou de Bassora ; mais en ouvrant les yeux, je me retrouve dans mon cabinet et je suis ramené bien vite à la réalité. […] D’un autre côté, le physiologiste suppose que le mouvement se transforme en sensation, sans spécifier où le nouveau phénomène se produit ; il le laisse flottant dans le vague et se contente de l’appeler un mystère.
Et qu’il cherche l’Art et la Vérité ; qu’il montre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris ; qu’il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont le courage de voir, ce que les Reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs enfants dans les hospices : la souffrance humaine, présente et toute vive, qui apprend la charité ; que le Roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce vaste et large nom : Humanité ; — il lui suffit de cette conscience : son droit est là. […] dans une de ces chambres de domestiques, où le soleil, donnant sur une tabatière, fait l’air brûlant comme en une serre chaude, et où il y a si peu de place, que le médecin est obligé de poser son chapeau sur le lit… Nous avons lutté jusqu’au bout pour la garder, à la fin il a fallu se décider à la laisser partir. […] Puis, de la chapelle, au fond du cimetière Montmartre, élargi comme une nécropole et prenant un quartier de la ville, une marche à pas lents et qui n’en finit pas dans la boue… Enfin les psalmodies des prêtres, et le cercueil, que les bras des fossoyeurs laissent glisser avec effort, au bout de cordes, comme une pièce de vin qu’on descend à la cave. […] Les billets qu’elle a signés, les dettes qu’elle a laissées chez tous les fournisseurs, ont le dessous le plus imprévu, le plus surprenant, le plus incroyable. […] Je suis fatigué, j’en ai assez, je laisse la place aux autres.
J’avais, en effet, laissé de côté les Contes de La Fontaine qui sont contenus dans le recueil des Fables, et certainement je n’aurais pas voulu les passer sous silence ; car ce ne sont, certainement, pas les contes les plus mauvais de La Fontaine ; je vous dirai même qu’incontestablement, et toute question de pudeur mise à part, ce sont certainement les meilleurs. […] Là, La Fontaine désire visiter Richelieu, on le lui permet ; mais M. de Châteauneuf, l’officier de police, raccompagne, lui, La Fontaine, à Richelieu, et il laisse Jannart aller tout seul de Port-de-Piles à Poitiers. […] M. de Chateauneuf, qui était las, me laissa aller. […] « On me fit voir une grande fille que je considérai volontiers, et à qui la petite vérole a laissé des grâces et en a enlevé… C’est dommage ! […] Tout méchant qu’était notre gîte, je ne laissai pas d’y avoir une nuit fort douce.
Si on ne se laissait pas démoraliser par cette renommée, si on osait regarder ses œuvres, on verrait bientôt que l’on s’est entendu un peu trop aisément et trop vite pour les trouver de grandeur et de force à honorer la tradition littéraire d’un pays. […] Laissons l’illusion aux bonnes et aux mères ! […] Laissons le bric-à-brac littéraire qui se cogne et retentit dans ses rapports de secrétaire d’académie ; laissons les airs de connaisseur qu’il doit à sa fonction officielle, et demandons-nous nettement ce qu’il veut quand, à propos de Prix, il construit des phrases de cet amphigouri, transparent pourtant : « Évidemment, — dit-il, — aux fortes études d’antiquités, de philosophie et d’histoire, fut toujours liée la maturité (une maturité liée, par parenthèse, n’est pas excessivement académique), et elle n’aurait de déclin nécessaire que par l’oubli de ce qui a fait sa force. […] Ni en histoire, ni en critique, il n’était de force à écrire le livre qu’il avait entrepris et qu’il a laissé là, vaincu… Dans ce livre de La Tribune moderne, qui dit pompeusement la prétention et l’impuissance de l’auteur, on ne trouve que quelques orateurs d’Angleterre et de France, et ce ne sont pas même les premiers ! […] Villemain, cet écolier aux études éclatantes, eut, dans le collège (ce collège qu’il traîna toujours un peu derrière lui dans le monde), le bonheur terrible d’une célébrité prématurée que souvent on paie cher cruellement plus tard… Il fut presque un enfant célèbre, — ce prodige qui est une monstruosité tout le temps qu’il dure, mais qui, quand il n’est plus, ne laisse après lui que d’incompréhensibles médiocrités.
Laissons maintenant de côté notre figure de lumière avec ses déformations successives. […] Mais nous la laissons de côté pour le moment, puisque la théorie de la Relativité elle-même nous invite à le faire : si elle a eu recours ici à un artifice, et si elle a posé un temps imaginaire, c’était précisément pour que son invariant conservât la forme d’une somme de quatre carrés ayant tous pour coefficient l’unité, et pour que la dimension nouvelle fût provisoirement assimilable aux autres. […] Je me tournerais vers ceux qui viennent de parler, et je leur dirais : « Laissez-moi d’abord vous féliciter de n’avoir que deux dimensions, car vous allez ainsi obtenir pour votre thèse une vérification que je chercherais vainement, moi, si je faisais un raisonnement analogue au vôtre dans l’espace où le sort m’a jeté. » Il se trouve, en effet, que j’habite un espace à trois dimensions ; et lorsque j’accorde à tels ou tels philosophes qu’il pourrait bien y en avoir une quatrième, je dis quelque chose qui est peut-être absurde en soi, encore que concevable mathématiquement. […] Je vois aussi votre conscience voyageant perpendiculairement à ces « plans » superposés, ne prenant jamais connaissance que de celui qu’elle traverse, le percevant comme du présent, se souvenant alors de celui qu’elle laisse en arrière, mais ignorant ceux qui sont en avant et qui entrent tour à tour dans son présent pour venir aussitôt enrichir son passé. […] Ainsi, nous voyons exactement le rapport de l’amalgame Espace-Temps à l’Espace et au Temps distincts, qu’on avait toujours laissés ici côte à côte lors même qu’on faisait du Temps, en le spatialisant, une dimension additionnelle d’Espace.
Entre autres phrases héroïques qui nous ont été conservées dans la jurisprudence antique, les Romains nous ont laissé celle de fundum fieri, pour auctorem fieri ; de même que le fonds de terre soutient et la couche superficielle qui le couvre, et ce qui s’y trouve semé, ou planté, ou bâti, de même l’approbateur soutient l’acte qui tomberait sans son approbation ; l’approbateur quitte le caractère d’un être qui se meut à sa volonté, pour prendre le caractère opposé d’une chose stable. […] De tout ce qui précède, nous tirerons le corollaire suivant : plus les langues sont riches en locutions héroïques, abrégées par les locutions vulgaires, plus elles sont belles ; et elles tirent cette beauté de la clarté avec laquelle elles laissent voir leur origine : ce qui constitue, si je puis le dire, leur véracité, leur fidélité. […] C’est ce qui doit arriver dans les langues formées d’un mélange de plusieurs idiomes barbares, qui n’ont point laissé de traces de leurs origines, ni des changements que les mots ont subis dans leur signification. […] Nous pouvons observer en effet que les enfants disent des noms, des particules, mais point de verbes : c’est que les noms éveillent des idées qui laissent des traces durables ; il en est de même des particules qui signifient des modifications. […] La langue latine a aussi laissé des exemples nombreux de ces compositions formées de mots entiers ; et les poètes, en continuant à se servir de ces mots composés, n’ont fait qu’user de leur droit.
C’est sans doute Robespierre, qui avec Mirabeau, a laissé, le plus de pages oratoires dignes d’être lues. […] Laissons cela. […] Jusqu’en 1806, Napoléon l’eût sans doute laissé publier. […] En 1842, la mort du duc d’Orléans laisse entrevoir à brève échéance une minorité, une régence. […] Laissons les vaisseaux et les cygnes.
Il ne se laisse plus tromper. […] De ne pas me laisser refaire, de ne pas me laisser redevenir un paysan de chez nous. […] Et on n’en veut rien laisser perdre. […] Laissons-nous prendre à cette prise. […] Laissons-les faire leurs comptes, qui nous chassent.
À la bataille de Sediman, où Mourad Bey à la tête de ses mameluks se brisait contre les carrés français, mais où un feu de quatre pièces tiré des hauteurs emportait bien des hommes, qui une fois tombés et laissés sur le champ de bataille étaient massacrés, le général Desaix, affligé de voir ces braves périr d’une mort horrible, eut un moment l’idée de rejoindre les barques pour les y déposer ; il demanda l’avis de Friant qui lui répondit aussitôt, en lui montrant les retranchements ennemis : « Général, c’est là-haut qu’il faut aller ; la victoire ou la mort nous y attend, nous ne devons pas différer d’un moment l’attaque. » — « C’est aussi mon sentiment, répliqua le général Desaix, mais je ne puis m’empêcher d’être ému en voyant ces braves gens périr de la sorte. » — « Si je suis blessé, repartit le général Friant, qu’on me laisse sur le champ de bataille ! […] Bientôt après arrive le roi de Rome ; Friant veut se lever, mais l’empereur lui posant la main sur l’épaule : « Restez, général Friant ; de vieux soldats comme nous ne se dérangent pas pour un enfant ; ce n’est pas à vous à donner cet exemple, on me le gâtera assez tôt. » L’impératrice entre alors ; même mouvement du général et de l’empereur qui, cette fois, dit au blessé : « Dans votre position, on ne se lève même pas pour les dames. » Puis se tournant vers l’impératrice, il ajouta d’un ton de considération : « Madame, c’est le général Friant. » En quelque occasion où Friant, parlant de ses fatigues et de la crainte qu’il avait de ne pouvoir suffire à de nouvelles campagnes, rappelait que plusieurs de ses anciens camarades étaient depuis longtemps au repos et pourvus de sénatoreries, l’empereur lui dit : « Friant, de braves gens comme nous doivent rester tant qu’il y a quelque chose à faire. » Je laisse à juger si de tels mots, qui n’ont l’air de rien, séduisaient et confirmaient le cœur10.
Il la compose, ou, pour mieux dire, il la laisse s’arranger d’une tout autre manière. […] Il pousse les ménagements et la pratique de la discrétion jusqu’à laisser immoler à ses yeux la vérité, et peut-être quelquefois la vertu, sans les défendre. […] alors, si on laisse la question de talent à part et à ne parler qu’au moral, il se gâta décidément ; il se plissa au front et au cœur d’un repli de plus ; il mit un dernier bouton, sauf à le faire sauter de temps en temps quand cela le gênait.
Par exemple : le général Reille laissé à la droite de Ney, recevant par M. de Flahaut, qui le vit en passant, un premier ordre de se porter sur Frasnes, c’est-à-dire vers Ney son chef immédiat, raisonna et attendit un second ordre plus formel. […] Ney attendait donc pour agir le corps de Reille, et, sur son ordre pressant, il ne vit arriver en premier lieu que Reille lui-même en personne, dont les divisions ne se mirent en mouvement pour rejoindre qu’un peu plus tard, et dont les conseils prudents, les remarques à l’égard des Anglais et du caractère particulier de leurs troupes, ne laissaient pas de lui donner à penser. […] Ces heures du matin étaient nécessaires pour rassembler nos troupes, pour les amener de bien des points sur le terrain prévu, pour y laisser déboucher les Prussiens eux-mêmes, dont l’ardeur servait nos desseins.
Mais, jusqu’à nos jours, l’esprit national, en ce qu’il a de plus vif et de plus essentiellement poétique, n’avait pas fait irruption encore dans la littérature que j’appellerai d’étude et d’art, ou, si l’on veut, cette littérature, sur le point essentiel et le plus saillant, n’était pas descendue à lui ; elle n’avait pas atteint juste à l’endroit le plus sonore ; la disposition chantante, l’humeur chansonnière n’avait jamais été grandement ni délicatement mise en jeu ; on l’avait laissée fredonner au hasard, courir par les goguettes ou sous le balcon du Mazarin, et s’abandonner, satirique ou bachique, à une irrégularité et à une bassesse qui, littérairement, semblaient sans conséquence. […] La déception, dont de nobles vœux ont été récemment l’objet, provoque avant tout une épaisse amertume, un dégoût abattu qui ne laisse guère de place à l’alerte moquerie, un sentiment pensif et sérieux, qui se relèvera peut-être dans la patience, mais qui n’a pas pour la chanson l’entrain de la colère. […] Aussi comptons-nous bien que quelque grand poëte succédera assez tôt pour ne pas laisser s’interrompre la postérité directe et si française de Rabelais, Régnier, Molière, La Fontaine et Béranger.
Son palais intérieur a de grandes richesses amoncelées ; les chambres du milieu ont à leurs parois des peintures émouvantes qui ne demandent que le jour du soleil pour se manifester aux yeux ; mais les vitres par où ce jour pénètre, et au travers desquelles il nous est permis de regarder, ces vitres sont ternes et grises, elles ne nous laissent saisir que des reflets brisés et des lambeaux. […] Le pire, il le sent bien, c’est que l’outrageuse amante, en s’enfuyant, ne laisse entre ses bras qu’un houx épineux, au lieu du vrai rameau. […] Timide et fier, et même un peu sauvage, il ne laissait pas d’en souffrir. « Dans sa droiture et dans sa fierté, » nous dit quelqu’un qui l’a bien connu, « il avait un tel éloignement de tout ce qui ressemble à l’intrigue, qu’il poussait cette aversion jusqu’à se refuser les plus simples démarches et relations qui pouvaient contribuer à la célébrité de son nom et de ses ouvrages.
Boileau lui-même, ce strict réformateur, qui, à force d’épurer et de châtier la langue, lui laissa trop peu de sa liberté première et de ses heureuses nonchalances, Boileau ne fait autre chose que continuer et accomplir l’œuvre de Malherbe ; et, pour se rendre compte des tentatives de Malherbe, on est forcé de remonter à Ronsard, à Des Portes, à Regnier, en un mot à toute cette école que le précurseur de Despréaux eut à combattre. […] Ronsard et ses disciples vinrent alors, qui abjurèrent le culte des antiquités nationales et les laissèrent en partage aux érudits, aux Pasquier, aux La Croix du Maine, aux Du Verdier, aux Fauchet, dont les travaux, tout estimables qu’ils sont pour le temps, fourmillent d’erreurs et attestent une extrême inexpérience. […] La Fontaine, qui se laissait dire beaucoup de choses aisément, avait pour lors adopté sur Ronsard l’opinion courante, et un peu oublié ce qu’autrefois le vieux Colletet lui avait dû en raconter.
Il a rassemblé et distribué ses remarques critiques par considérations générales, il les a laissées planer en quelque sorte. […] Poëte d’un vrai talent, doué par la nature de qualités riches et rares, amoureux de la gloire immortelle et capable de longues entreprises, il ne lui a manqué peut-être au début qu’une de ces disciplines saines, et fortes qui ouvrent les accès du grand par les côtés solides, et qui tarissent dans sa source, et sans lui laisser le temps de grossir, la veine du faux goût. […] Martial a dit dans une excellente épigramme, en s’adressant au lecteur épris des belles tragédies et des poëmes épiques de son temps : « Tu lis les aventures d’Œdipe, et Thyeste couvert de soudaines ténèbres, et les prodiges des Médées et des Scyllas ; laisse-moi là ces monstres… Viens-t’en lire quelque chose dont la vie humaine puisse dire : Cela est à moi.
Cousin de cette philosophie première, mais on sent qu’elle a des ailes. » Elle en eut en effet dès sa naissance ; dans ce premier Discours d’ouverture du 7 décembre 1815, où Reid très-amplifié apparaît comme un grand régénérateur et comme celui qui est venu mettre fin au règne de Descartes, dans ce Discours où éclatent à tout instant une parole et un souffle plus larges que la méthode même qui y est proclamée, on croit entendre encore les applaudissements qui durent saluer cette péroraison pathétique par laquelle, au lendemain des Cent-Jours et avant l’expiration de cette brûlante année, le métaphysicien ému se laissait aller à adjurer la jeunesse d’alors : « C’est à ceux de vous dont l’âge se rapproche du mien que j’ose m’adresser en ce moment ; à vous qui formerez la génération qui s’avance ; à vous l’unique soutien, la dernière espérance de notre cher et malheureux pays. […] il peut laisser courir son expression de chaque jour, aucune ambiguïté suspecte ne viendra s’y mêler : en parlant sa langue forte et saine, il ne fait que parler celle de sa maison ( gentilitium hoc illi , disait Pline le Jeune). […] Cousin de même, dans l’ordre oratoire ou dans les développements de l’écrivain, n’a qu’à se laisser aller à sa pente et comme à son torrent : s’il ne se préoccupe d’aucune démonstration philosophique trop spéciale, il trouvera d’emblée, il parlera ou écrira avec plénitude et de source cette belle langue du xviie siècle qui fait l’objet de nos regrets et de nos admirations.
Ce n’est pas du tout en nous plaçant au point de vue de la matière que nous le combattrons ; nous ne ferions que laisser une abstraction pour une autre ; nous aurions raison contre lui, et il aurait raison contre nous ; il nous suffira pour triompher de rester en plein dans le réel, dans l’unité substantielle de l’esprit et de la matière, dans le sentiment, dans la vie. […] Ce moi supérieur et complet, cette vie réelle et vraiment vivante, ce sentiment au sein duquel la conscience réfléchie, c’est-à-dire la connaissance, n’est qu’un redoublement plus marqué, échappe aux psychologistes qui se laissent prendre sans cesse à leurs propres abstractions. […] L’humanité ne s’y laissa pas amuser ; elle avait d’autres progrès à poursuivre, et quand elle commença d’être lasse de ses héros athlètes et de ses prêtresses de Vénus, Platon naquit.
Ils ont enfin à ne pas laisser dépérir, dans ces routes pénibles, les facultés délicates, brillantes ou tendres, oublieuses d’ici-bas, l’imagination, l’âme, l’art et toutes les cultures qu’il suggère. […] Car après les trois jours, durant deux années, le saint-simonisme a été en grande partie cela. à ce sujet, on nous, permettra de citer ici quelques vers laissés par un jeune saint-simonien mort, Bucheille ; le sentiment qu’il éprouve en approchant du groupe qu’il considère comme sacré, ce détachement des autres amitiés et des liens antérieurs, cette illusion d’un essor plus vaste et d’un rajeunissement moral, tous ces symptômes, que beaucoup ont partagés, y sont assez naïvement réfléchis : nous n’avons supprimé qu’un bout d’amourette vers la fin ; et c’était là encore un trait qui d’ordinaire ne faisait pas faute. […] Va donc, et laisse au loin les ronces dispersées, La paille du vieux nid, les chansons du loisir ; Qu’il ne te reste rien des anciennes pensées, Rien qu’un germe fécond de vie et de désir.
Je sais que la loi des XII Tables avait laissé de grands souvenirs dans l’esprit des Romains ; ils y voyaient la source de leur droit, avec une rédaction simple et précise, qui contrastait avec le désordre des lois grecques. […] Lui qui, jusque là, et tant que la lutte engagée avec César avait laissé en doute lequel serait le maître, haïssait Pompée lui-même tout en le suivant : aussitôt après le désastre de Pharsale, il se met à le chérir, à l’adopter mort et à l’exalter, et il devient pompéien de tout son cœur. […] Laissons un moment le nom de César : que n’a-t-on pas dit en France contre la partie véritablement nationale de l’administration du cardinal de Richelieu ou de son successeur et continuateur Mazarin ?
Dans la langue adoptée par la coalition de certains hommes, connaître le cœur humain, c’est ne se laisser jamais guider dans son aversion ni dans ses choix par l’indignation du vice, ni par l’enthousiasme de la vertu ; posséder la science des affaires, c’est ne jamais faire entrer dans ses décisions aucun motif généreux ou philosophique. […] On doit propager de tous ses efforts l’instruction générale ; mais à côté du grand intérêt de l’avancement des lumières il faut laisser le but de la gloire individuelle. […] Si vous laissez la nation froide sur l’estime, vous brisez en elle aussi le ressort du mépris ; et si quelques détracteurs libellistes confondent dans leurs écrits l’homme vertueux et le criminel, vous n’aurez point inspiré à tous les citoyens ce mouvement d’un saint amour pour leur bienfaiteur, ce mouvement qui repousse la calomnie comme un sacrilège.
Parcourez aujourd’hui la France ; si la Révolution a diminué les différences de fortune, la centralisation a augmenté les différences de culture : une seule cité maîtresse où fourmillent et pullulent les idées engorgées qui s’étouffent et se fécondent infatigablement par le travail et le mélange de toutes les sciences et de toutes les inventions humaines, alentour, des villes de provinces inertes où des employés confinés dans leur bureau et des bourgeois relégués dans leur négoce vont le soir au café pour regarder une partie de billard et remuer des cartes grasses, bâillent sur un vieux journal, songent à dîner et digèrent sur des cancans ; plus bas encore, des paysans qui ont pour bibliothèque un almanach, lequel est de trop bien souvent, puisque la moitié d’entre eux ne sait pas lire, qui votent en moutons, et trouvent que ce vote est une corvée, ignorants, apathiques, incapables d’entendre un mot aux intérêts de l’Etat et de l’Eglise, habitués à laisser leur conscience et leurs affaires aux mains des gens qui ont un habit de drap. Le grand lustre qui flamboie à Paris n’apparaît là-bas que comme une chandelle ; toutes les lumières amoncelées au centre laissent le reste dans un demi-jour. […] Il laisse ses voisins ordonner leurs tirades ; il sent bien que par ces alignements d’idées on n’imite pas la nature.
Ce qui arrive, c’est que l’écrivain lui-même se laisse entraîner à ces associations et n’a pas la force de les repousser. […] Çà et là, des demi-clartés roses se posaient sur les pavés ; la rivière luisait doucement dans une brume naissante ; on apercevait de grands bateaux qui se laissaient couler au fil du courant, deux ou trois attelages sur la plage nue, une grue qui profilait son mât oblique sur l’air gris de l’orient. […] Le malheur était que la phrase précédente : de grands bateaux qui se laissaient couler au fil du courant, ne contenait rien qui fût trop caractéristique et s’opposât absolument à la nouvelle vision, que ne détruisait pas assez vite le profil tout parisien de la grue au mât oblique.
Il lui a dit finalement : Ma chère fille, je laisse dans votre âme virginale l’expérience d’un vieux roué. […] Donc, elle doit faire horreur… La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable J’ai toujours été étonné qu’on laissât les femmes entrer dans les églises. […] non, car, tout compte fait, il a trouvé et laissé après lui quelque chose.
Renan lui-même : « … Laissez ce doux rêveur finir tristement, demander pardon à Dieu et aux hommes de ce qu’il a fait de bien. […] » Même après que l’étroitesse d’esprit et la grossièreté de ses compatriotes l’ont dépouillé de ses illusions, il croit encore : « Ne serait-il pas mieux de les laisser suivre leur sort et de les abandonner aux erreurs qu’ils aiment ? […] Renan nous semble si compliqué, c’est que, les éléments dont se compose son génie total étant nombreux, divers et quelquefois contradictoires, il les laisse transparaître dans son œuvre avec une parfaite sincérité.
» Mais le pianiste est en sueur, il faut lui laisser quelque répit. […] « À partir de dix heures, écrit quelque part Jean Carrère, une fumée épaisse, régulière et progressive comme, depuis, je n’ai vu la pareille qu’en escaladant les flancs du Vésuve, montait des tables, se gonflait au plafond en lourds nuages et sortait par les soupiraux avec la lenteur d’une chose éternelle. » Répondant au vœu général, quelques assistants de bonne volonté, voisins du mur, manœuvrent les poulies des vasistas qui résistent, pour laisser pénétrer l’air, et l’on feint de croire que l’on se trouve mieux. […] Loin d’empocher la recette comme Salis, le président se voit obligé de solder au garçon quelques consommations laissées pour compte par de peu scrupuleux auditeurs.
Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il avait pour les apôtres des enseignements réservés, et qu’il leur développait plusieurs paraboles, dont il laissait le sens indécis pour le vulgaire 825. […] Une fois surtout, il se laissa aller, dans la synagogue de Capharnahum, à un mouvement hardi, qui lui coûta plusieurs de ses disciples. « Oui, oui, je vous le dis, ce n’est pas Moïse, c’est mon Père qui vous a donné le pain du ciel 856. » Et il ajoutait : « C’est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif 857. » Ces paroles excitèrent un vif murmure : « Qu’entend-il, se disait-on, par ces mots : Je suis le pain de vie ? […] On voulut voir dans la consécration du pain et du vin un mémorial d’adieu que Jésus, au moment de quitter la vie, aurait laissé à ses disciples 865.