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1586. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Ce Bachaumont était le compagnon même de Chapelle dans son fameux Voyage, un homme de plaisir et de beaucoup d’esprit. […] Il s’était acquis une telle estime et une telle autorité dans l’armée, qu’avec dix mille hommes il faisait plus que les autres avec vingt. […] C’était un homme d’assez d’esprit, d’une littérature facile et assez ornée, mais qui, vers la fin, s’était jeté dans une dévotion méticuleuse. […] La religion est un commerce établi entre Dieu et les hommes, par la grâce de Dieu aux hommes, et par le culte des hommes à Dieu. […] Approchez d’eux, vous ne trouverez que des hommes.

1587. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

L’homme vivant peut être une machine, l’homme pensant et voulant n’en est pas une : c’est un point qu’il ne faut pas oublier, si l’on veut garantir l’âme pensante des destinées plus ou moins incertaines de la force vitale. Nous parlons de l’homme libre ; mais la liberté, j’entends la liberté morale, peut-elle subsister, si l’on représente la vie, ainsi que le fait M.  […] La distinction du subjectif et de l’objectif demeure inébranlable, et cette distinction peut avoir lieu dans l’homme lui-même, le corps se rapportant à l’objet et l’âme au sujet. […] Ces deux mondes coexistent en effet dans l’homme lui-même. Non-seulement l’homme est en rapport avec la nature, mais il est lui-même une partie de la nature ; la moitié de son être, sa partie corporelle, appartient à la nature.

1588. (1924) Critiques et romanciers

Dieu l’a offerte et l’offre à tous les hommes. […] quel homme ! […] Qu’est-ce qu’un homme d’esprit ? […] L’homme est la mesure de toutes choses : quel homme ? […] Homme de lettres… de lettres !

1589. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

De l’homme dont je viens de parler, quelqu’un disait : « Que voulez-vous que je fasse de cet homme-là ? […] L’homme qui rit des calembours stupides est un homme primitif. […] Mille hommes sont aux pompes !  […] Cet homme est bien extraordinaire. […] Un réaliste, cet homme-là !

1590. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

La religion est la société des hommes et de Dieu. […] Est-ce l’homme ? […] Tout homme ne vit-il pas à la surface de son être ? […] Les hommes lui font défaut. […] Ce que vous lisez sur ces visages c’est que chaque ville avait su se faire des hommes, ses hommes, ceux qu’il lui fallait pour sa besogne.

1591. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

La condition de la critique, en ce qu’elle a de journalier, de toujours mobile et nouveau, la fait ressembler un peu, je réprouve parfois, à un homme qui voyagerait sans cesse à travers des pays, villes et bourgades, où il ne ferait que passer à la hâte, sans jamais se poser ; à une sorte de Bohémien vagabond et presque de Juif errant, en proie à des diversités de spectacles et à des contrastes continuels. […] Qui ne reconnaîtra pas sous la tchamara d’insurgé l’homme qui a vaincu à Wawer (Skrzynecki), et l’homme qui a vaincu à Stoczek (Dwernicki), et l’homme qui a ramené l’armée de Lithuanie (Dembinski), et l’homme qui a commandé le régiment de Wolhynie (Charles Rozyçki), et l’homme (Lelewel) qui a dit dans les premiers jours de l’insurrection : « Jeunes gens, exécutez votre projet ; allez et combattez » ; et l’homme qui, le premier, a crié à bas Nicolas ! […] Portez donc les tchamaras d’insurgés. » En maint endroit, et par des conseils directs ou sous forme frappante de parabole, le poète recommande aux siens de ne point se disputer entre eux sur leurs mérites réciproques, ni sur les préséances et décorations ; de ne pas crier volontiers au traître et à l’espion, comme font les gens aigris et désespérés ; de ne pas se distinguer les uns des autres en disant : « Je suis de la vieille armée, et toi de la nouvelle ; j’ai été à Grochow et à Ostrolenka, et toi tu n’as été qu’à Ostrolenka …, etc., etc. » ; mais de ne revenir en idée sur le passé qu’en se préparant à l’avenir, comme un homme qui veut franchir un précipice, ne recule que juste autant qu’il faut pour mieux s’élancer.

1592. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Prostitués On a mal dit : « L’homme n’est ni ange ni bête. » Il faut affirmer : L’homme est à la fois ange et bête. […] L’homme fait, depuis des siècles de siècles, des efforts de cauchemar pour secouer le servage naturel qui plie vers la terre la moitié de sa vie. […] Il fallut des esclaves pour qu’il y eût des « hommes libres », affranchis de toute œuvre servile. […] Comment quelques hommes ont-ils pu devenir tout loisir en rendant les autres tout travail ? […] Pour excuser mon absence d’énergie, j’accorde de l’admiration à ces hommes, qui ne sont qu’estimables.

1593. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Mais les murs des temples, du palais du maître, des hôtels des premiers hommes de l’État, des maisons des citoyens opulents, offriront de toutes parts de grandes surfaces nues qu’il faudra couvrir. […] Où cet homme se serait-il formé l’œil ? […] On accorde que tout étant égal d’ailleurs, un homme mince et élancé paraîtra plus grand qu’un homme bien proportionné ; mais on demande encore quel est de ces deux hommes celui qu’on admirera davantage ; et si le premier ne consentirait pas à être réduit aux proportions les plus rigoureuses de l’antique, au hasard de perdre quelque chose de sa grandeur apparente. […] Et il y a sur la toile du peintre, deux, trois, quatre figures semblables ; elles y sont environnées d’une foule d’autres figures d’hommes d’un aussi beau caractère, toutes concourent de la manière la plus grande, la plus simple, la plus vraie, à une action extraordinaire, intéressante ; et rien ne m’appelle, rien ne me parle, rien ne m’arrête ! […] Mais laissant de côté les difformités naturelles, pour ne s’attacher qu’à celles qui sont nécessairement occasionnées par les fonctions habituelles, il me semble qu’il n’y a que les dieux et l’homme sauvage, dans la représentation desquels on puisse s’assujettir à la rigueur des proportions ; ensuite les héros, les prêtres, les magistrats, mais avec moins de sévérité.

1594. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Il est donné à peu d’hommes d’être géomètres ; il est donné à tous d’apprendre de l’arithmétique et de la géométrie. […] C’est le manuel d’un militaire et d’un homme public. […] Mais où est l’élève, où est le maître capable de démêler cet artifice, et sans cela ce n’est que le bavardage décousu d’un homme en délire. […] Cicéron, orateur, politique ou homme d’État et philosophe, qu’il suffit de nommer. […] L’art imite les actions de l’homme, ses discours et les phénomènes de la nature.

1595. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Mais il est en même temps tous les autres ; il est un homme en qui vit l’homme. […] Puis vous êtes homme de lettres aussi. […] à l’ambition des hommes. […] Scribe était homme de lettres et il fut riche !  […] Ceci est aussi une fatalité de l’homme moderne.

1596. (1881) Le naturalisme au théatre

L’homme seul était noble, et encore l’homme dépouillé de son humanité, l’homme abstrait, étudié dans son fonctionnement d’être logique et passionnel. […] Dans la tragédie, l’homme métaphysique, l’homme d’après le dogme et la logique, régnait absolument. […] Je ne suis qu’un homme du siècle. […] Il est homme de travail et de conscience. […] On ne sent pas des hommes.

1597. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Note. »

Le résultat de cette première émotion fut la Biographie de Benjamin Constant dans la Galerie des Contemporains illustres, par un Homme de rien. […] Mais, non satisfaite encore de cette première apologie de Benjamin Constant qu’elle avait inspirée, Mme Récamier songea à faire publier les lettres qu’elle avait reçues de cet homme distingué, autrefois fort amoureux d’elle ; elle confia à cet effet un choix de ces lettres à Mme Louise Colet, qui devenait ainsi l’avocate officielle de l’ancien tribun. […] Il est pénible de venir tout d’abord récuser le témoignage de Mme Récamier ; son raisonnement, qui est bien celui d’une femme, revient à dire : « Benjamin Constant m’a aimée, donc il était sensible. » Mais, en vérité, de ce qu’un homme a été amoureux d’une femme et l’a désirée ardemment, de ce qu’il lui a écrit mille choses vives, spirituelles et en apparence passionnées, pour tâcher de l’attendrir et de la posséder, qu’est-ce qu’on en peut raisonnablement conclure pour la sensibilité véritable de cet homme ? […] L’homme qui désire se pare de toutes ses couleurs, il veut plaire ; cela ne prouve rien. […] Je suis le plus malheureux des hommes.

1598. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

L’homme, Messieurs, ne s’improvise pas. […] Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. […] Il reste l’homme, ses désirs, ses besoins. […] L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation.

1599. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

La Porcia de Shakespeare parle quelque part de cette musique que tout homme a en soi. — Malheur, dit-elle, à qui ne l’entend pas ! […] Si l’homme a sa voix, si la nature a la sienne, les événements ont aussi la leur. […] Et puis, dans l’époque où nous vivons, tout l’homme ne se retrouve-t-il pas là ? […] Et, disons-le en passant, dans cette mêlée d’hommes, de doctrines et d’intérêts qui se ruent si violemment tous les jours sur chacune des œuvres qu’il est donné à ce siècle de faire, le poète a une fonction sérieuse. […] Il faut qu’il soit attentif à tout, sincère en tout, désintéressé sur tout, et que, nous l’avons déjà dit ailleurs, il ne dépende de rien, pas même de ses propres ressentiments, pas même de ses griefs personnels ; sachant être, dans l’occasion, tout à la fois irrité comme homme et calme comme poète.

1600. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Sans entrer dans aucune discussion sur la prééminence des talents et sur la préséance des genres, il m’a toujours paru en effet que le premier rang dans l’ordre de l’intelligence pure était dû à ces hommes qu’on appelle Archimède, ou Newton, ou Lagrange. […] C’est par leurs grands côtés qu’il convient de prendre les grands hommes, et les petitesses qu’il est permis de noter en eux ne doivent venir que dans la perspective de l’ensemble. […] Condorcet le premier sentit qu’il était temps d’exposer les vrais titres des hommes éminents dont l’Académie des sciences s’était honorée ; mais, malgré le mérite de quelques-uns de ses éloges, il ne sut point offrir de parfaits modèles de ce genre nouveau. […] En parlant de Fresnel, cet homme d’un vrai génie mort jeune après avoir fait des découvertes délicates et rares, et avec lequel il avait été uni par l’analogie des travaux comme par le cœur, M.  […] » Et il prononce là-dessus le mot de caste, il s’élève contre cette prétention de parquer les hommes.

1601. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Changez la lumière, faites que le rayon tombe où il faut, que l’ombre se retire et se dégrade, en un mot regardez Villars au soleil, le même homme va paraître tout différent. […] Un jour qu’un homme d’État, un homme politique comme nous dirions, s’étonnait un peu malignement qu’un guerrier sût tant de vers de comédie : « J’en ai joué moins que vous, répliqua-t-il gaiement, mais j’en sais davantage. » Supposez que le mot est dit au cardinal Dubois ou à quelqu’un de tel, il devient très joli et des plus piquants. […] Les hommes ont bien des manières de se vanter et de s’en faire accroire à eux-mêmes. […] Cet homme, qui à vingt et un ans était colonel et si en vue auprès des chefs, ne devint maréchal de France qu’à près de cinquante. […] [NdA] On apprendra avec plaisir qu’une nouvelle édition des Mémoires de Villars est en préparation et doit être assez prochainement donnée par un homme de mérite, M. 

1602. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Enfin, rencogné dans un coin du salon et au moment où l’autre, se croyant sûr de lui, venait de lâcher le bouton, l’homme d’esprit aux abois, qui vit une fenêtre ouverte (on était à un rez-de-chaussée un peu élevé), n’hésita pas à sauter dans le jardin, malgré ses soixante-dix ans passés. […] Steinlen, « on en retrouve toujours des membres dans les maisons religieuses d’hommes et de femmes, tandis que les autres, restés dans le monde, sont souvent choisis comme arbitres dans les différends ». Le père de Bonstetten, qu’on désignait du nom de sa charge le trésorier de Bonstetten, ne démentait pas en lui ce caractère ; c’était un homme instruit qui, dans sa jeunesse, avait étudié en Allemagne sous le philosophe Wolf, et il s’occupa avec sollicitude de l’éducation de son fils. […] Dans ses promenades vagabondes il lui arriva plus d’une fois de rencontrer un homme « dont l’air pensif et le regard de feu le frappaient singulièrement » ; il apprit plus tard que c’était Jean-Jacques Rousseau, une de ses futures idoles. […] Genève possédait alors, comme toujours, un grand nombre d’hommes de mérite, parmi lesquels des étrangers illustres et des visiteurs de haute distinction.

1603. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

On sent l’homme pressé. […] C’était une rude affaire que de tirer de là un roi et un homme. Aussi, avec tous les soins de Fénelon et de ses collaborateurs, on n’en tira finalement qu’un saint, — c’est-à-dire plus et moins qu’un homme. […] Ce charmant homme, au fond, est de la famille de Montaigne et même de Rabelais éducateur, en cela du moins. […] Qu’il soit bon, qu’il soit sage, bienfaisant, tendre pour les hommes, et aimé d’eux !

1604. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il n’est pas flatteur pour l’homme en général ni pour l’homme des champs en particulier. […] Il règne dans ce poème un profond sentiment de la misère de l’homme qui, « à peine né, a déjà les tempes qui blanchissent ». […] Le meilleur des hommes est celui qui trouve en soi et de lui-même la sagesse ; vient ensuite celui qui est capable de l’entendre et de la recevoir d’autrui. […] Il y a deux sortes de honte et de pudeur ; c’est la mauvaise honte qui tient l’homme nécessiteux. […] Laissez faire cette attaque à d’autres, ils sont dans leur rôle ; mais vous, vous n’êtes point un homme de guerre.

1605. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les troubles de Florence avaient contribué sans doute à donner plus d’énergie à la pensée de Machiavel ; mais il me semble néanmoins qu’en étudiant ses ouvrages, on sent qu’ils appartiennent à un homme unique de sa nature au milieu des autres hommes. […] Les Italiens, si l’on en excepte une certaine classe d’hommes éclairés, sont pour la religion, comme pour l’amour et la liberté ; ils aiment l’exagération de tout, et n’éprouvent le sentiment vrai de rien. […] Consacrer la littérature au récit ou à l’invention des beaux faits de chevalerie, était l’unique moyen de vaincre la répugnance qu’avaient pour elle des hommes encore barbares. […] En Italie tout semble se réunir pour livrer la vie de l’homme aux sensations agréables que peuvent donner les beaux-arts et le soleil. […] Si la liberté s’établissait en Italie, il est hors de doute que tous les hommes qui indiquent actuellement des talents distingués, les porteraient beaucoup plus loin encore.

1606. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Il est très souvent « l’homme qui a des idées à lui » et qui serait fâché qu’elles fussent à d’autres. […] Il sait la vie, il sait l’histoire ; il connaît les hommes, ceux d’autrefois et ceux d’aujourd’hui. […] Il est aussi curieux des mœurs des hommes qu’entêté du beau. […] Il voit comment un homme qui a vu et rendu le réel d’une certaine façon est à son tour compris et traduit par un autre homme. […] Tout homme est un miroir conscient du monde et des autres hommes.

1607. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

On n’y trouve que des hommes de bonne compagnie : M.  […] On recommence à mesurer un homme qui écrit à la toise académique. […] Il y a certes des hommes de grand talent ainsi costumés. […] Elle est bien fournie, certes, de guerriers et d’hommes politiques. […] fait terminer par un homme un livre que J.

1608. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Un homme de mérite, occupé de l’histoire comme d’une science, habitant dans le voisinage de Saint-Cyr, et à la source des meilleurs mémoires, M.  […] Politiquement, quand on en vient à étudier de grands personnages, des hommes d’action, les traits généraux de famille ressortent encore mieux et se vérifient plus aisément. […] Il y apporta mieux que le zèle et l’adresse de l’homme de cour, il y mit (pour me servir d’un mot qu’il employait déjà volontiers) la chaleur d’un citoyen. […] Il n’est qu’un étranger, homme d’esprit, pour marquer ainsi nettement et mettre en relief les choses que, de près, quand on les veut exprimer, on efface dans une politesse trop uniforme. […] De tous ses titres d’autrefois, celui d’homme de lettres était le seul qui lui fût demeuré en propre et auquel il parût tenir.

1609. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Pensaient-ils donc nous dégoûter ainsi des prétentions, des absurdités, des poses disgracieuses, des sottes impuissances de la femme qui veut être un homme en jupes dans la vie, et qui n’est plus qu’un masque grotesque dans ce carnaval de l’orgueil ? […] Ils n’ont point donné cette leçon à la jeune fille qui fait l’homme, ou aux imbéciles qui l’élèvent comme un homme. […] … C’est la sobriété, c’est l’économie et la distribution de la couleur, c’est la langue, quand elle n’est pas l’argot de Renée, et elle ne l’est pas longtemps ; ce sont enfin les qualités mâles d’hommes qui se possèdent et qui ne font plus que ce qu’ils veulent. […] Les hommes qui l’ont écrit avaient trempé la fine extrémité de leurs doigts, faits pour toucher à de plus nobles choses, dans ce réalisme dont nous voyons les œuvres dernières. […] Il laisse les hommes aux autres frères documentiers comme lui.

1610. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Mais c’est là l’essence du bas-bleuisme que de tuer le sexe dans la femme pour sa punition d’avoir voulu singer l’homme, et finalement de lui faire prendre la grossièreté pour de la force et le cynisme pour de la virilité ! […] Sa fille, Mme de Girardin, qui, en faisant comme un homme, et même comme un homme médiocre, des romans et des tragédies, eut le tort d’emprisonner ses jambes de déesse dans cet affreux bas qui botta si hermétiquement celles de sa mère, Mme de Girardin a du moins jeté quelques cris passionnés du cœur dans quelques beaux vers et fait un vrai livre de femme par lequel elle vivra, parce que c’est un livre de femme, pur de tout bleuisme. […] Il n’y a qu’une femme qui ait assez de pointe d’aiguille ou d’épingle dans l’esprit pour toucher, aux endroits qu’il faut, ce sujet trop fin pour les gros doigts de l’homme, et c’est surtout ici que le sexe de l’auteur est nécessaire au sujet et à la valeur des aperçus. […] Mme Gay, au contraire, se contente de cette notion plus ou moins comique : « Le ridicule est la meilleure chance qu’ont les hommes d’être heureux », et voilà le thème qu’elle brode ! […] Les hommes sont très lâches, je le sais, mais ils ne le sont pas cependant encore au point d’accepter la chiquenaude sur le nez d’une moquerie, quand ils s’attendaient à la marque d’estime d’une vérité.

1611. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

La presse, toujours si bavarde à propos du moindre bouquin, devenue muette tout à coup, n’a rien dit, quand il a paru, sur ce livre qui touche à ce qu’il y a de plus sensible, de plus facilement saignant et criant sous la plume d’un homme : un sujet d’histoire contemporaine ! […] Haï des partis extrêmes, parce qu’il est lui-même un homme extrême, Crétineau-Joly n’a pas trouvé dans la presse les opinions ardentes qui auraient pu l’y discuter. […] Quand une race finit par des hommes comme le Régent, Égalité et Louis-Philippe, il est presque naturel qu’on oublie que leurs prédécesseurs furent, comme eux, les Mauvais Génies de la France ! […] Aux yeux de ceux qui lisent attentivement et fréquemment l’Histoire, les hommes, qu’on imagine si complexes, sont, au contraire, plus simples qu’on ne croit. Le plus souvent, un seul sentiment, une seule idée moule leur vie, et ce qu’un homme est au fond de son âme, il se retrouve l’être identiquement dans toutes les circonstances de sa destinée.

1612. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

nous ne pouvons qu’applaudir à de telles idées, et on ne saurait trop appeler sur elles le regard des hommes qui peuvent les couvrir et les protéger de la popularité de leur nom. […] Les hommes qui ne croient pas que le progrès puisse se produire autrement que dans un sens unique, répondront peut-être par la phrase courante qui dispense, en France, d’une raison : qu’avec de telles idées on veut recommencer le passé. […] Pourquoi donc n’essaierait-on pas d’adapter à notre époque une institution de liberté, mais de liberté organisée, qui se recommande aux hommes de sens jusque par sa ruine ; car elle est due à l’esprit faux des économistes ? […] L’humanité, cet homme collectif, fait souvent dans sa marche ce que fait l’homme individuel dans la sienne, quand il revient chercher ce qu’il a oublié derrière lui et ce qui est nécessaire à son voyage. […] Et, à ce propos, nous finirons par une vue que nous n’aurons pas besoin de recommander aux hommes de gouvernement.

1613. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Mais je ne veux pas traiter la question de savoir lequel est, absolument, le premier de ces deux hommes, occupé uniquement que je suis de faire saillir les ressemblances de leur génie, ce qui suffira, du reste, encore, pour la gloire de celui qui n’est pas le premier des deux. […] Et d’ailleurs, quand le poète est dans l’homme, il envahit l’homme tout entier ; et toutes ses œuvres ont l’intimité et la couleur de sa poésie. […] Il est si profondément poète dans ses Poèmes que partout ailleurs c’est l’homme de ses Poèmes, diminué, voilé, modifié par les exigences d’œuvres différentes, mais le même cependant, identique et ineffaçable. […] Réduction des molécules de l’homme, qui le fait passagèrement divin ! […] Quelle caducité ennuyée de grand homme qui a tout pénétré !

1614. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Il gardait l’accent chrétien dans son charme pieux et sincère, et l’accent chrétien, quoiqu’on ne l’écoute plus, est le plus beau que puisse donner la voix des hommes. […] Ainsi je ne suis pas un homme à jeun, j’espère, Et, quand je pousse un cri, ce n’est pas de misère ! […] Et quand l’homme ici-bas dans son orgueil sommeille, Le malheur a cela de grand qu’il le réveille ! […] de l’homme qui diminue de toute manière et qui s’éteint, en s’éloignant. […] Cela n’est pas facile à rencontrer, cet assemblage, surtout dans un homme qui dit ses vers le soir, entre deux tasses de thé, aux plus jolies femmes de Paris.

1615. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

C’est qu’en effet il ne lui a manqué d’abord qu’une femme aimée, pour entrer en pleine possession de la vie et pour s’apprivoiser parmi les hommes. […] Ton malheur est celui de bien des hommes de notre âge. […] C’est à la nature à décider si ce sera la statue d’un adolescent, d’un homme mûr ou d’un vieillard. […] Il aurait foi moins que jamais aux hommes ; et, sans désespérer des progrès d’avenir, il serait triste et dégoûté dans le présent. […] Ce mot est dur pour la monarchie de Juillet ; je ne l’aurais pas écrit plus tard ; et pourtant il exprime un sentiment que bien des hommes de ma génération partagèrent.

1616. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Quoique encore dans l’âge où rien ne décline dans l’homme, sa tête intelligente a déjà perdu quelques-uns de ces fins cheveux blonds qui, comme des feuilles inutiles, se dispersent avant l’été pour mieux laisser mûrir dans le front découvert ce fruit précoce, la pensée, dans les hommes qui le portent. […] Il faut que Pygmalion adore le premier la Divinité qu’il veut faire adorer aux hommes. […] Aussi ces hommes quand ils ont seulement, comme M.  […] Les hommes vont-ils renaître pour l’habiter ? […] Nous allons l’apprécier tout à l’heure, mais l’apprécier avec respect et déférence, comme un homme qui n’a que des impressions apprécie l’homme qui a des connaissances ; M. de Ronchaud a des lumières, je n’ai que des lueurs.

1617. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Sans doute, l’affaiblissement de Hugo serait une force encore dans un autre homme ! […] L’homme et le cheval ici ne font qu’un, comme il arrive aux bons écuyers. […] Il s’est dit un matin, l’aimable homme : « Quel coup de partie, si, sans que nous y touchions, elle pouvait nous débarrasser d’elle !  […] Telle la chétive invention de Hugo, l’homme Épique, qui a abandonné le colossal pour le maigrelet. […] … je rentre chez Dieu, c’est-à-dire chez l’Homme !

1618. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Il s’agissait de louer M. le comte Molé, que remplaçait M. de Falloux, et M. de Falloux, qu’une telle succession honore, surtout si l’on songe qu’elle a été presque une désignation, ou du moins un désir du mourant, a compris que c’était l’éloge de cet homme d’État illustre et de cet homme d’esprit aimable qui devait remplir tout son discours. […] M. le comte Molé est de ces hommes dont l’éloge n’embarrasse personne, et l’on n’a qu’à choisir dans une vie si utilement et si noblement remplie. […] Molé était un nom ancien, qui avait senti de bonne heure la nécessité d’être un homme nouveau. « Vous avez fait comme nous, monsieur, lui disait M.  […] Molé homme politique, une extrême justesse de jugement, une balance parfaite et d’une singulière délicatesse, qui rendait raison à l’instant de tout ce qu’on y jetait ; il l’avait nommé grand juge, c’est-à-dire ministre de la justice, à trente-trois ans et sans que M.  […] Molé, encore une fois, était un homme pratique, et il l’a prouvé à toutes les heures décisives de sa carrière.

1619. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Voilà un homme tout à fait remarquable par le courage, l’énergie, la patience, la persévérance, la lucidité d’esprit, le talent d’organiser et de commander. […] Grandet et Gobseck sont des hommes d’un très grand courage, à leur façon. […] Un de mes griefs (si l’on en peut avoir contre un tel homme) est celui-ci. […] , « plus je suis convaincu que, pour une très grande partie de son essence, l’homme est un pur animal. » Suit l’amplification de cette idée neuve que ventre affamé n’a pas d’oreilles. […] Stanley découvre que la forêt est l’image de la société, en ce que, chez les arbres comme chez les hommes, les plus forts tuent les plus faibles.

1620. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Alors, l’amitié d’un grand homme, devenu coupable, fut un crime, et Claudien quitta la cour. […] Ce fut dans le temps de sa prospérité qu’il composa cette foule de panégyriques que nous avons de lui : car l’enthousiasme pour les hommes puissants n’est guère que la maladie des gens heureux. […] En général, on voit un homme d’un grand talent, qui, à chaque ligne, lutte contre son sujet et contre son siècle ; mais trop souvent son siècle le gâte, et son sujet l’endort. […] Il est vrai que ce barbare était un grand homme : c’est le célèbre Théodoric, contemporain de notre Clovis, et roi des Goths. […] Alexandre fut déshonoré par le meurtre de Clitus, et le supplice bien plus barbare de Callisthène ; Auguste, par les proscriptions ; Vespasien, par ses rapines et le meurtre d’Helvidius Priscus ; Trajan, par ses excès dans le vin ; Adrien, par ses mœurs ; Constantin, par le meurtre de presque toute sa famille ; Julien, par ses superstitions ; Théodose, par le massacre de Thessalonique ; et Théodoric, dont nous parlons, par le meurtre de Symmaque : tant, parmi les hommes, et surtout ceux qui ont le malheur d’être puissants, on trouve peu de vertus qui soient pures, et de grands caractères sans faiblesses !

1621. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Napoléon est certes l’un des premiers en puissance et en qualité dans le premier ordre des hommes. […] L’amiral Villeneuve était homme à être battu un an plus tôt. […] Les scrupules de justice ordinaire ne sont pas, en général, ce qui arrête les hommes de la portée des Frédéric et des Napoléon, qu’il s’agisse de la Silésie ou de l’Espagne. […] Aussi des hommes qui ne sont qu’au second rang, si on les compare à lui, ont su se pousser, eux et leur patrie, à des fortunes plus stables et se maintenir dans leur succès. […] C’est que ces sortes de gens qu’on nomme Molière ou Shakespeare ont de temps en temps de ces mots qui percent à fond tout l’homme et qui démasquent à l’improviste la comédie humaine.

1622. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq, ce n’était pas même un auteur : homme d’esprit et de loisir, homme du monde et de société, il n’avait jamais visé à ce qu’on appelle un succès et encore moins à un résultat. […] D’abord… c’est un homme qui croit que sa cuisinière le vole. […] — Cela lui donnerait de la considération. — Il a déjà celle d’un homme qui n’a besoin de rien : cela ne vaut-il pas mieux ?  […] Les hommes d’esprit qui sont assez modestes pour s’aider du mien, ne m’ayant jamais consulté, m’ont épargné jusqu’à l’embarras des politesses et de la reconnaissance. […] Nullement homme de parti d’ailleurs, se moquant des deux côtés, et sachant que l’espèce est partout la même.

1623. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Tout à coup un point noir a grossi ; il se remue… Deux hommes… deux soldats… Le plus grand, c’est lui ! […] Je livre aux hommes compétents la définition pour ce qu’elle vaut, et je leur laisse le soin de la dégager ou de la modifier. Ce que je voudrais ici surtout, ce serait de montrer l’homme à l’œuvre et en action. […] Ce qui fait que la poésie de Jasmin produit tant d’effet, c’est que tout en lui est d’accord, tout coule de source : on sent que l’homme et le poète ne sont qu’un ; et, comme l’homme est à la hauteur du poète, on s’abandonne bien vite, en l’écoutant, à la sincérité de l’impression qu’il partage. […] Homme, je la trouve nue ; à mon tour je la couvre… Oh !

1624. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

C’était un homme de grande race, de grand caractère et de grand esprit. […] Tout annonce à ses contemporains un homme extraordinaire. […] Dante salue avec transport cette constellation inconnue aux hommes du Septentrion. […] Ils allument les bûchers ; ils y jettent les livres et les hommes. […] Où donc avez-vous vu le grand homme ?

1625. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

que ce fut un homme sensible, courageux, probe, juste et pénétrant, en un mot, un vrai philosophe. […] « L’homme en tous ses travaux a donc pour but le ventre ! […] L’homme d’épée ne parlera pas du ton de l’homme de robe, ni le libertin n’aura l’onction du dévot ; on ne les saurait plus reconnaître. […] crois-tu qu’il ait épuisé dans ses comédies tout le ridicule des hommes ? […] Or les hommes de quelques pays et de quelques temps qu’ils soient, seront frappés de son langage.

1626. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Je suis moi-même trop l’homme d’une certaine méthode pour n’avoir pas quelques objections à opposer aux méthodes différentes et plus ou moins contraires. […] Nisard n’est pas homme à s’en tenir à cette indifférence d’observateur et de naturaliste, surtout quand il s’agit de son pays ; il a un désir, un but, et ce but est élevé. […] Y a-t-il deux hommes, j’entends même deux hommes de goût, qui puissent l’être absolument, surtout quand l’élément moral est pris si fort en considération ? […] Le grand goût n’est que le bon sens appliqué au gouvernement des choses de l’esprit ; mais il y a un bon sens gouverné par des principes, et un autre qui dépend de l’humeur de l’homme. […] Nisard pour reconnaître ici plus et mieux qu’un auteur, pour sentir l’homme et son cœur tout entier dans cette page.

1627. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

« Mais, convenons-en, sans manquer de respect à Tacite, la philosophie de l’histoire a eu souvent de bien meilleures inspirations que celle-ci, et il ne faut pas faire des prodiges d’esprit pour apercevoir que, si les hommes n’aimaient pas le pouvoir, ils ne se disputeraient pas pour le pouvoir. […] Depuis, la décadence a tout envahi : beaucoup de lois et beaucoup de corruption ; des mesures engendrées par les dissensions, arrachées par la violence et dictées par l’ambition, la haine et la jalousie contre les hommes éminents ; les Gracques, les Saturninus et les Drusus, ces agitateurs du peuple ; la corruption et les prétentions insolentes des alliés ; la guerre Italique, puis les guerres civiles ; le bien public oublié et les lois faites à cause des hommes et non pour la République ; enfin, le mépris des coutumes et du droit, jusqu’à ce qu’Auguste donne un corps de lois, qui aboutit à la délation, à la confiscation et à la terreur (terror omnibus intentabatur). […] le gouvernement des hommes est chose sévère ; très-peu sont capables de l’exercer. […] Troplong s’est appliqué à rassembler les notions les plus précises pour faire voir où était, après tout, le salut et l’homme nécessaire de Rome à cette fin de la République. […] Serez-vous donc toujours les mêmes à jouer des passions des hommes, ô poëtes charmants si redoutés de Platon ?

1628. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Illusion signifie donc l’action d’un homme qui croit la chose qui n’est pas, comme dans les rêves, par exemple. L’illusion théâtrale, ce sera l’action d’un homme qui croit véritablement existantes les choses qui se passent sur la scène. […] Quant à Racine, je suis bien aise que vous ayez nommé ce grand homme. […] Ce sera toujours l’un des plus grands génies qui aient été livrés à l’étonnement et à l’admiration des hommes. […] Quel est l’homme un peu éclairé, qui n’a pas plus de plaisir à voir aux Français la Marie Stuard de M. 

1629. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Quant à sa source, elle est où est la leur ; hors de l’homme. […] De 89 est sortie la Délivrance, et de 93 la Victoire. 89 et 93 ; les hommes du dix-neuvième siècle sortent de là. […] il y a des heures où il semble qu’on voudrait entendre les pierres murmurer contre la lenteur de l’homme ! […] L’enfant a pourtant besoin de savoir qu’il est homme, et le père qu’il est citoyen. […] C’est parce qu’ils ont un modèle, l’Homme, et parce qu’ils ont un maître, Dieu.

1630. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Nisard avec sévérité et autorité se marie naturellement avec la philosophie spiritualiste ; mais cette même philosophie admet dans l’homme un principe d’action, d’invention et de développement qui est la liberté, la personnalité. Elle croit que l’homme est appelé à se faire sa destinée à lui-même dans la vie comme dans la société, et que tous les progrès de la civilisation n’ont jamais été que les progrès de la liberté. […] D’ailleurs, il ne s’agit pas de toute espèce de vérités générales ; les vérités purement abstraites, dans lesquelles l’homme n’est pas intéressé, appartiennent aux sciences et non à la littérature : telles sont, par exemple, les vérités de l’algèbre. Les vérités littéraires sont nécessairement humaines ; elles ont rapport à la vie, aux sentiments, aux besoins de l’homme. […] L’homme de génie, dites-vous, n’est que l’écho de la foule ; mais cette foule elle-même, je le demande, où a-t-elle pris cette somme générale de vérité et de raison que l’écrivain supérieur viendrait à son tour exprimer ?

1631. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Toujours est-il que dernièrement, dans un journal, je l’ai vu rouler, ce nom qui a la condescendance d’être resté féminin, parmi ceux des hommes forts qu’on appelle : la Société des gens de lettres et franchement il avait bien le droit de se montrer parmi eux ! […] Assurément, Ponson du Terrail est l’homme d’une littérature bien avilie ; mais tous les bas-bleus de cette heure du siècle peuvent s’y mettre, à eux tous ; ils ne feraient pas Rocambole ! […] Dans un autre petit coin de ses livres, elle se plaint de l’infériorité cérébrale que ces malhonnêtes d’hommes attribuent à la femme. […] Voici que le droit des femmes devient, même pour les hommes d’État, une sérieuse opinion politique ; que le club jadis fondé par Mme Olympe Audouard, de rose mémoire, qui ne pensait peut-être pas en tête-à-tête avec un homme ce qu’elle disait devant des hommes réunis, voici que ce club haché si longtemps par la plaisanterie rejoint ses tronçons et ressuscite avec d’autres Olympe Audouard, aussi affreusement rouges qu’elle était, elle, délicieusement rose… Voici que les Tricoteuses de la Révolution, si elles revenaient dans notre monde, ne voudraient plus tricoter devant la tribune, mais entendraient bien y monter ! Voici que le bas-bleu s’affourchant sur le suffrage universel, veut que cette bonne bête le porte partout où elle porte les hommes, — à la Chambre, au gouvernement, à l’Académie !

1632. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Ce mérite inespéré n’était ni l’observation, ni l’étude, ni le renseignement, ni la science exacte et forte, technique et claire, ni enfin aucune des qualités substantielles qu’on est accoutumé de demander aux écrits d’un homme de guerre, instruit et pénétrant, et qui se trouvaient en lui au plus haut degré de précision et de développement. […] C’était un document presque officiel, un livre pour les hommes du métier, et quoiqu’on y reconnût la souplesse nerveuse et la propriété d’expression qui indiquent que l’écrivain est tout près et qu’on sent battre son artère, cependant la méthode sévère, exacte et presque géométrique de l’homme spécial, dominait et contenait un style plein de feu, qui ne demandait qu’à jaillir et qu’à s’échapper. […] Cependant, malgré la richesse du sujet qu’il avait choisi, il s’était presque détourné des questions qui incombaient à l’historien de l’Algérie et qui auraient pu éveiller et faire vibrer en lui cette faculté d’homme d’État qui est toujours, plus ou moins, au fond des soldats, car les stages de l’obéissance exercent laborieusement à la pratique du commandement et du gouvernement des hommes. […] En sa qualité de peintre littéraire, Daumas va plus au fond des hommes et des mœurs qu’il nous retrace, et il les éclaire plus intimement sous tous leurs aspects, que le peintre plastique avec lequel il a une si grande analogie. […] L’Afrique n’a pas été qu’un grand exercice de tactique et de spécialité d’armes, un Vincennes colossal et éparpillé, dont les cibles, faites avec des masses d’hommes, rendaient les coups qu’on leur tirait.

1633. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

C’est le mot que fait claquer tout le monde : philosophes, hommes d’État, professeurs, journalistes, avocats, — et surtout avocats, — enfin tous les postillons de Longjumeau du Progrès ! […] Sublime peut-être avec un homme sublime, mais plate avec tous les esprits plats, et d’ailleurs discutable toujours ! […] Quant à l’Océanie, qui vient après les Amériques dans ce livre de Faliés, on se demande s’il a l’aplomb de nous donner pour des civilisations quelconques des pays où les hommes se mangent entre eux, et, quand on ne se mange pas, où l’on se frotte le nez les uns contre les autres pour se montrer de la tendresse, ce que le très sérieux Faliés, qui ne rit jamais, le pauvre homme ! […] Faliés parle même, dans ses Études, de quatre-vingt mille hommes massacrés de sang-froid, en quelques jours, sur l’autel des dieux du Mexique. […] Et, du même coup, le Christianisme a grandi le cœur et le génie des hommes.

1634. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Elle n’entre pas dans les combinaisons de ceux qui la prennent pour un moyen d’action politique sur les hommes, ce qu’elle est parfois, mais ce à quoi elle ne pense jamais. […] Odysse Barot, en ceci moins énergique et moins sensé que son chef de file, Proudhon, croit à l’égalité de l’homme et de la femme, et, moins une seule, sans doute (du moins je veux le supposer), à l’identité de leurs fonctions. Trop de bonté pour un homme d’esprit ! […] Edgar Poe, d’ailleurs, qui n’a pas l’avantage d’être une femme, doit être le moins sympathique des hommes à Barot. […] Les partis sont les ogres de la pensée des hommes.

1635. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

On y reconnaît la plume d’un homme fait pour mieux que pour écrire des biographies, si réussies qu’elles soient, et très capable de lutter contre les grands sujets historiques et leurs excitantes difficultés. […] C’est du dévouement à la duchesse, mais c’est aussi de l’illusion, comme s’en font les hommes qui ont une palette. […] Il n’y avait pas de martyr, en effet, et de martyr d’aucune espèce, dans Henry de Montmorency ; il y avait un homme justement condamné. […] Ils n’eurent à recueillir que l’héritage du sang, sans le sang par lequel il avait fructifié, et que Richelieu, lui, n’a pas craint de prendre à sa charge, devant les hommes et devant Dieu ! […] Elle n’avait souhaité que le silence et l’oubli ; son vœu devait être exaucé, car son nom est à peine resté dans la mémoire des hommes.

1636. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Il est même, au contraire, de naturel, d’étude et d’ambition, ce que nos pères appelaient autrefois un homme de lettres. Par ses facultés comme par ses préoccupations, il devait donc mieux échapper à l’influence tyrannique de Paris qu’Albéric Second, bien plus homme d’esprit qu’homme de lettres, en sa facilité charmante, chroniqueur émérite et chevronné, un des plus excellents dans cette spécialité, que j’ai la rigueur de trouver mauvaise. […] J’étais avec Aubryet, le délicat des Patriciennes de l’amour, un homme qui n’est jamais vulgaire, et qui, pour échapper à cette ornière qu’on appelle la vulgarité, se jetterait dans tous les sauts de loups du côté opposé, la tête la première. […] À peine si une italienne aurait pu aimer jamais un homme qu’elle aurait vu dans l’état de dégradation où l’auteur a mis son René Derville. […] Mais pour ce grand homme sans critique, qui ne sut jamais se juger et qui se prit toujours de travers, la grande vie et la grande gloire ne seront pas où il les mettait.

1637. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Toutes les fois qu’un des habitants de la terre, qu’un voyageur malheureux vous demandera dès l’abord : Ô jeunes filles, quel homme, pour vous le plus cher parmi les poëtes et le plus agréable par ses chants, habite ici ? […] Heureux celui des hommes qui les a vus ! […] De même qu’il est des hommes submergés par le flot bruyant de la mer, ainsi nous sentons notre cœur noyé sous le chagrin. […] » Par là sans doute, et par cette complaisance du peuple artiste de la Grèce pour le génie qui le charmait, Archiloque, malgré la licence de sa vie et de ses vers, eut un nom honoré des hommes et des dieux, selon le langage païen. […] Cet homme haï de ses concitoyens, mais admiré, ayant péri dans un combat par la main de Callondas, surnommé le Corbeau, lorsque celui-ci voulut faire une offrande à Delphes, la Pythie le rejeta comme un sacrilège qui avait tué le serviteur des Muses et le sien.

1638. (1929) Dialogues critiques

Quelques hommes de lettres y sont tolérés. […] La droite a voulu un homme à elle. […] Pierre Diable d’homme ! […] Et vous aimez ces hommes-là ? […] C’en est un également d’en fournir un homme de génie.

1639. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Autrement l’homme serait isolé dans l’univers. […] Pourtant les savants s’y trouvent amenés comme les autres hommes. […] Cette nature porte les hommes à s’unir. […] Or, dit-il, l’homme est né libre et doit être libre. […] Il faut d’abord être animal pour pouvoir se faire homme.

1640. (1802) Études sur Molière pp. -355

pour être Romain, je n’en suis pas moins homme. […] Plaignons le grand homme ! […] ajoutait M. le marquis de… ; le pauvre homme extravague, il est épuisé. […] Cet homme-là est inimitable, disait le même M. le duc de…, etc., etc. […] Quand reparaîtront-ils ces hommes si rares, à tant de titres !

1641. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Le Bas, un homme d’esprit qui réunit à un savoir varié les talents de l’écrivain, M.  […] Homme galant et galant homme, il l’était dans tous les sens. […] Un jour Beuchot, un homme excellent, mais de peu de vue, voulait publier en 1814 je ne sais quoi de satirique contre des hommes qui étaient la veille au pouvoir ; M.  […] Il semble qu’un homme d’autant d’esprit et qui savait Son Molière autant que son Lanoue, aurait dû être guéri à jamais de cette mascarade. […] Boissonade, M.Hase, le savant et profond philologue, l’homme minutieux et prudent, avant ses Éphèmèrides, mais il les tenait en grec.

1642. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Le nombre des hommes qui se croient centre, et qui se portent pour chefs d’un mouvement, augmente chaque jour. […] Il s’approcha des hommes politiques, de M. […] Nisard, d’ailleurs, ne se sentait pas homme à accepter et à subir ainsi une influence prolongée. […] Nisard, et il était homme à en faire valoir les avantages. […] Mais ce sera toujours malgré vous, indépendamment de vous, que l’homme de talent nouveau, ce rebelle longtemps hors des murs, se formera.

1643. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

La Rochefoucauld ; l’homme. […] Les Mémoires : le cardinal de Retz, l’homme et l’écrivain. — 3. […] Rien ne réussit à cet homme, pourtant supérieur, parce qu’il n’avait pas une nature simple. […] Il a pénétré l’homme, mais aussi les hommes, chaque homme : la psychologie était une partie et la base même de sa politique. Il s’entendait étonnamment à évaluer les actions ou les réactions que pouvait fournir chaque homme, de façon à y proportionner son jeu.

1644. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Mais est-il au pouvoir de l’homme de croire ou de ne pas croire ? […] Cela se comprend ; nos hommes du jour n’ont pas de sens moral. […] Ils ne connaissent ni l’homme ni l’humanité tels qu’ils existent de fait. […] L’homme ne vit pas seulement de pain, mais il vit aussi de pain. […] Celui-là est le Jupiter Olympien, l’homme spirituel qui juge tout et n’est jugé par personne.

1645. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

l’homme est toujours l’homme, quelque adjectif que nous joignions bizarrement à son nom pour le distinguer de lui-même et le scinder ; et qui connaît le mieux « l’homme moral » connaît le mieux aussi « l’homme politique ». […] Est-ce là connaître l’homme, même politique ? […] Goodman est plus ou moins celui de tous les hommes. […] Il le fut, si jamais homme l’a été. […] Assurément, il est galant homme.

1646. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Bossuet : l’homme et l’écrivain L’œuvre de Bossuet est immense et variée431 : elle trouve son unité dans son rapport à la vie et au caractère de l’homme. […] La qualité dominante, et l’on pourrait dire unique, de ce style, c’est la propriété ; il ne vaut que parce qu’il rend la pensée de l’homme. […] Mais sa morale, tout austère, n’a rien qui effraie et décourage : il croit et il montre que, si Dieu a donné à l’homme ses commandements, c’est que l’homme peut les exécuter. […] Un seul homme, sans doute, ne leur fut pas inférieur, je veux parler de Fénelon. […] Cet homme doux était parfois effrayant en chaire.

1647. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

L’homme s’agite et fait des plans, ses passions le mènent ; son talent, quand il est une passion, le mène aussi. […] Quand je dis chez nous, je le prendrai plutôt à côté de chez nous, s’il vous plaît, et s’exerçant sur le compte des hommes politiques d’une époque déjà ancienne. […] Les hommes publics s’y montrent en pied, et, grâce à leurs mouvements, on en a vite fait le tour. […] Veuillot, feuilletoniste des Chambres, c’est qu’en même temps qu’il sait et qu’il rend, de chacun, le geste, le timbre de voix, les tics, il sait aussi la valeur sérieuse de l’homme et la respecte assez quand il la rencontre. […] Veuillot, un homme d’esprit, fin observateur des choses humaines, et qui a porté sur le caractère français des jugements aussi piquants que sincères.

1648. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Les grands hommes sont sujets à faire illusion sur l’époque qu’ils éclairent et qu’ils remplissent brillamment jusqu’à éteindre parfois ce qui les entoure ; les hommes secondaires et pourtant essentiels ont l’avantage de nous faire pénétrer avec eux, sans éblouissement et sans faste, dans des parties restées à demi obscures et dans les rouages mêmes de la machine dont ils étaient, à certain degré, un des ressorts. […] L’intendant Foucault, lui, n’était qu’un homme de son temps, et, s’il en servit le mouvement et le progrès dans le sens de bien des améliorations pratiques, il en partagea fortement aussi les préjugés et les erreurs. […] Mais, nous verrons que lui-même, dans ses harangues, n’était homme de goût que relativement, ayant gardé bien du scolastique. Homme d’affaires, il avait non-seulement de l’habileté, mais de l’adresse ; il savait se ménager entre deux, écueils. […] Il propose d’aborder parallèlement deux systèmes : on rejette l’un, celui qu’il eût préféré et qui eût épargné le plus d’hommes.

1649. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Mais ce n’est point la vie de M. de Talleyrand que sir Henry Bulwer a eu dessein de retracer ; il a choisi exclusivement l’homme public, et chez celui-ci les principaux moments, et pas tous ces moments encore au même degré. […] Envisagé à ce point de vue, l’Essai de sir Henry Bulwer, sans être complet, est tout à fait digne de l’homme d’État distingué qui l’a écrit, et il est piquant, pour nous Français, autant qu’instructif de voir des événements et des hommes avec lesquels nous sommes familiers, jugés dans un esprit élevé et indépendant par un étranger, qui d’ailleurs connaît si bien la France et qui, de tout temps, en a beaucoup aimé le séjour et la société, sinon les gouvernements et la politique. […] Cette première existence de l’abbé de Périgord, homme de plaisir en même temps qu’agent général du clergé, et qui, à la veille de la convocation des États-Généraux, venait d’obtenir l’évêché d’Autun, n’est que très rapidement esquissée et à grands traits par sir Henry Bulwer, qui est pressé d’arriver à l’homme public. […] Chaque grade sera marqué par le développement d’un talent, et, allant ainsi de succès en succès, il réunira cet ensemble de suffrages qui appellent un homme à toutes les grandes places qui vaquent. […] Avec le même fonds intérieur, il dut y avoir des différences ; l’intérêt l’aiguillonnait : il n’était pas tout à fait le même homme avant sa fortune faite qu’après.

1650. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

L’esclave libéré n’acquiert pas du jour au lendemain les sentiments d’un homme libre. […] Je ne sais si, comme le prétendent certains, l’homme est né sujet et réclame un maître, mais, à voir ce qui se passe, on serait tenté de croire que l’homme, né religieux, n’arrivera jamais à se passer d’idoles. […] C’est là qu’il attendait, loin du bruit et de la vaine agitation des hommes, l’avènement de. […] S’il s’emporte avec tant d’indignation contre « l’homme médiocre », c’est parce que l’homme médiocre est un féroce ennemi du génie. […] Ce n’est pas le Dieu universel que cherchent les hommes nouveaux.

1651. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Tous les hommes s’affligent, pleurent et rient ; tous les hommes ressentent les passions, mais les mêmes passions sont marquées en eux à des caracteres differens. […] On distingue à l’extremité du grouppe un homme bilieux et sanguin : il a le visage haut en couleur, la barbe tirante sur le roux, le front large, le nez quarré et tous les traits d’un homme sourcilleux. […] Les hommes de ce temperament croïent volontiers ne pas valoir moins que les autres. […] Le chagrin est peint sur le visage d’un homme vêtu comme le pouvoient être alors chez les juifs les gens de la loi. […] C’est le caractere des hommes de ce temperament.

1652. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

Par exemple, après avoir vanté les pyramides d’Égypte, il ajoute : « Quelque effort que fassent les hommes, leur néant paraît partout. […] Ce mot jouir, appliqué à un sépulcre, déclare à la fois la magnificence de ce sépulcre, la vanité des pharaons qui l’élevèrent, la rapidité de notre existence, enfin l’incroyable néant de l’homme, qui, ne pouvant posséder pour bien réel ici-bas qu’un tombeau, est encore privé quelquefois de ce stérile patrimoine. Remarquons que Tacite a parlé des pyramides177, et que sa philosophie ne lui a rien fourni de comparable à la réflexion que la religion a inspirée à Bossuet ; influence bien frappante du génie du christianisme sur la pensée d’un grand homme. […] Simples spectateurs, nous vîmes, ce qui est admirable, soixante mille hommes s’égorger sous nos yeux pour notre amusement. […] Il l’aveugle, il la précipite, il la confond par elle-même : elle s’enveloppe, elle s’embarrasse dans ses propres subtilités, et ses précautions lui sont un piège… C’est lui (Dieu) qui prépare ces effets dans les causes les plus éloignées, et qui frappe ces grands coups dont le contrecoup porte si loin… Mais que les hommes ne s’y trompent pas : Dieu redresse, quand il lui plaît, le sens égaré ; et celui qui insultait à l’aveuglement des autres, tombe lui-même dans des ténèbres plus épaisses, sans qu’il faille souvent autre chose pour lui renverser le sens, que de longues prospérités. » Que l’éloquence de l’antiquité est peu de chose auprès de cette éloquence chrétienne !

1653. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres Les hommes de génie qui sont jaloux de leur réputation ne devroient du moins mettre au jour que de grands ouvrages, puisqu’il ne leur a pas été possible de dérober leur apprentissage aux yeux du public. […] On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c’est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur et de tirer les traits, les airs de tête qu’ils repetoient et ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d’imiter les défauts des hommes que leurs perfections. […] Un homme sans génie, mais qui a lû beaucoup de vers, peut bien, en arrangeant ses reminiscences avec discernement, composer une épigramme qui ressemblera si bien à celles de Martial, qu’on pourra la prendre pour être de ce poëte. […] Or les hommes soigneux de leur réputation, ne doivent pas donner lieu aux faussaires à venir, d’imputer à leur mémoire des ouvrages qu’ils n’auront pas faits.

1654. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — V »

On voudrait qu’un philosophe du xviiie  siècle ou un homme de la Révolution, par exemple, lui répliquât dans les mêmes termes qu’un certain jour employa Gœthe. […] « Le soir de Wagram, a le droit de dire un Bonaparte, j’étais si fatigué que je suis tombé de sommeil, que j’ai dormi couché tout de mon long dans un sillon : j’étais la semence d’une admirable moisson de dévouements, de belles volontés, d’un lyrisme jusqu’alors inconnu… »‌ En vérité, la vie morale embrasse plus de choses que cet homme savant et vénérable n’en reproduisait en lui. […] S’il est vrai que les nations sont constituées par une poussière de fellahs, Taine en prend trop aisément son parti ; il a trop peur que la raison pure intervienne et dérange ces sommeils, cette belle ordonnance animale…‌ Mais à peine ai-je écrit ces lignes et ces mots « servilité, servage » que, sans pouvoir rien en effacer, je proclame combien je suis injuste envers un homme qui, le seul, avec Fustel de Coulanges, et mieux que Fustel de Coulanges, m’a fait toucher des réalités dans l’histoire de mon pays.‌ […] Reconnaissons bien haut la maîtrise de cet homme et comment sa conception de la .Révolution (qui est une vue incomplète, qui d’autre part déjà avait été élaborée par Tocqueville) est un des grands événements de notre vie mentale.‌ […] quel bonheur de penser longuement, lentement à cet homme d’honneur de la pensée française !

1655. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages La métaphysique des philosophes commence par éclairer l’âme humaine, en y plaçant l’idée d’un Dieu, afin qu’ensuite la logique, la trouvant préparée à mieux distinguer ses idées, lui enseigne les méthodes de raisonnement, par le secours desquelles la morale purifie le cœur de l’homme. […] Les hommes se créèrent, sous le nom de Junon, un symbole de ces mariages solennels. C’est le premier de tous les symboles divins après celui de Jupiter…   Considérons le genre de vertu que la religion donna à ces premiers hommes : ils furent prudents, de cette sorte de prudence que pouvaient donner les auspices de Jupiter ; justes, envers Jupiter, en le redoutant (Jupiter, jus et pater), et envers les hommes, en ne se mêlant point des affaires d’autrui ; c’est l’état des géants, tels que Polyphème les représente à Ulysse, isolés dans les cavernes de la Sicile : cette justice n’était au fond que l’isolement de l’état sauvage. […] Cette innocence n’était autre chose qu’une superstition fanatique qui, frappant les premiers hommes de la crainte des dieux que leur imagination avait créés, leur faisait observer quelque devoir malgré leur brutalité et leur orgueil farouche. […] On s’étonnera peu de ce dernier évènement si l’on songe à l’étendue illimité de la puissance paternelle des premiers hommes du paganisme, de ces Cyclopes de la fable.

1656. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Il dit maman de sa mère et de sa grand’mère, papa de son père et de son grand-père ; pendant quelque temps, il a dit aussi ce mot à propos du troisième homme de la maison, mais jamais à propos des autres hommes qu’il y voyait par accident et pour quelques jours. […] Car, de même qu’il y a deux langues, l’une émotionnelle, commune à l’homme et aux animaux, l’autre rationnelle, particulière à l’homme, de même il y a deux modes de connaissance, l’un intuitif, commun à l’homme et aux animaux, l’autre conceptuel et particulier à l’homme. […] Par conséquent, ce qui distingue l’homme des animaux, c’est que, débutant comme les animaux par des interjections et des imitations, il arrive aux racines où les animaux n’arrivent pas. […] Ainsi le singe est sur la même échelle que l’homme, mais à beaucoup d’échelons au-dessous, sans que jamais l’exemple ou l’éducation puisse le faire monter jusqu’à l’échelon où arrive un Australien, le dernier des hommes. […] La preuve en est que, si cette double condition manque, l’homme ne peut plus acquérir le langage ni les talents distinctifs dont on a parlé.

1657. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Il a prêché la parole sainte, il a été l’homme du verbe évangélique ; il a été une grande et puissante voix. […] Rien de tel pour Bourdaloue : sa personne et tout ce qui touche l’homme, l’individu auteur ou orateur, a disparu dans la plénitude et l’excellence ordinaire de sa parole, ou plutôt il y est passé et s’y est produit tout entier. […] On a remarqué que le père de Bourdaloue, homme d’une exacte probité, avait lui-même « une grâce singulière à parler en public ». […] Souvenez-vous, et pensez ce que c’est que l’ambition et la cupidité d’un homme qui doit mourir. — Vous délibérez sur une matière importante, et vous ne savez à quoi vous résoudre : Memento. […] Souvenez-vous, et pensez comment il importe de les observer à un homme qui doit mourir.

1658. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Peut-on admettre qu’il n’ait fait preuve de ce bon jugement que pour bien connaître les hommes, et qu’une fois choisis, ce jugement l’ait abandonné pour le livrer à leur merci sur les choses, sur les partis combinés à l’avance et désirés par eux ? […] Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne. […] Il n’était pas homme à dire comme Auguste mourant après un aussi long règne et parodiant l’acteur comique dans le couplet final : « Si vous êtes contents de la pièce et de l’acteur, applaudissez !  […] Le roi chez lui était le même que l’homme, et prêtait même de sa grandeur à l’homme. […] C’est un abbé d’Étemare, homme d’esprit et informé de bien des particularités, qui donne cela pour certain.

1659. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Liautard, cet homme d’activité et d’intrigue, dont l’action tendait à s’étendre fort au-delà de son collège, se vantait d’être un antagoniste déclaré, un ennemi. […] Je n’oublierai pas non plus Wilson, cet homme de bien, si uni, si modeste, si indulgent pour ceux qu’il avait une fois rencontrés et vus venir sur un terrain de confiance et d’honnêteté. […] La concurrence parut surtout inégale, lorsque l’instruction publique officielle, aux mains d’un des hommes les plus habiles du parti93, reçut la même impulsion religieuse. […] Des hommes sages dans le Clergé le sentent comme nous et osent à peine le dire bien bas : ils auraient hâte de voir se rétablir un peu de distance entre Rome et ce qui n’est pas exclusivement romain. […] C’est à croire que la Nature, après avoir produit l’auteur des Maximes, c’est-à-dire le moins dupe des hommes, s’est fait un malin plaisir de lui opposer le plus parfait contraste dans un de ses rejetons et qu’elle a voulu prendre sa revanche dans la même famille.

1660. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Ici on aura affaire à l’homme de sentiment et de tendresse plus encore que de plaisir : l’ironie est absente. […] Il avisa bientôt dans la foule un homme à gants frais : c’était Michel, une manière de poète. […] Vous savez si je mérite d’avoir le poing coupé. « L’homme a deux mains », a dit Victor Hugo, et il entend que c’est pour faire le bien. […] La femme du monde a bien vite senti qu’elle avait affaire à un poète, à un artiste, à un homme d’une autre race. […] N’écrivez jamais, Marie, à l’homme qui vous aimera ! 

1661. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Je voudrais que, dans le commerce de ces hommes ou de ces femmes d’esprit d’il y a un siècle, nous nous reprissions à causer comme on causait autrefois, avec légèreté, politesse s’il se peut, et sans trop d’emphase. […] L’incognito à Voltaire, cet homme, cet enfant amoureux de la célébrité ! […] Une réflexion pourtant se présente, et elle-même n’était pas sans se la faire : quelle témérité d’aller confier son bonheur, sa destinée, tout son avenir comme femme, à un homme de lettres, aussi homme de lettres que Voltaire, à un poète aussi poète, et à la merci, chaque matin, de son tempérament irritable ! […] Il y a un joli mot de Saint-Lambert, autre homme de lettres s’il en fut, et qui s’y connaissait. […] Ce fut pourtant là le point par où manqua finalement cette liaison de Mme du Châtelet et de Voltaire : celui-ci fut plus homme de lettres qu’amant.

1662. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Nous essaierons de le faire, en nous bornant le plus que nous pourrons à la considération de l’écrivain, mais sans nous interdire les remarques sur les idées et le caractère de l’homme. […] Des hommes qui ont une telle portée et un tel lendemain ne doivent pas être jugés selon les émotions et les réactions d’un jour. […] Il se montre avec des défauts, mais il ne s’en donne que d’aimables : il n’y a point d’homme qui n’en ait d’odieux. […] Il faut être bourgeois, et de province, et homme nouveau comme Rousseau, pour se montrer ainsi sujet aux affections du dedans et à la nature. […] Ce trait est encore essentiel ; il tient à cette nature de bourgeois et d’homme du peuple que j’ai noté dans Rousseau.

1663. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Payen est dédiée à un homme qui a également bien mérité de Montaigne, à M.  […] Et d’abord Montaigne, bien qu’il vive dans un siècle agité, orageux, et qu’un homme qui avait traversé la Terreur (M.  […] Un jugement de Montaigne m’a frappé, en ce qui concerne les hommes de son temps, et il se rapporte assez bien également à ceux du nôtre. […] Il ne voyait pas de vrai et entier grand homme de son temps, qui était cependant celui des L’Hôpital, des Coligny, des Guises. […] mais l’homme complet nous manque aussi et se fait sensiblement désirer.

1664. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

L’esprit, le jugement et le courage ne furent jamais en homme au degré qu’ils sont en lui. […] Et d’ailleurs, on voit bien que ce qu’il laissera d’imparfait ne saurait jamais être achevé par homme qui tienne sa place. […] Dieu nous conserve l’un et l’autre 1 Je ne crois pas qu’il y ait homme de bien en France qui ne fasse le même souhait. […] Malherbe a très-peu d’images empruntées directement à la nature ; c’est un citadin, un homme de cabinet. […] Il était religieux comme lyrique, sinon comme homme.

1665. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

l’injure y déborde ; elle est crasseuse ; rien n’égale, en fait de bile et de fiel, les portraits tracés de nos institutions et des hommes éminents qui les pratiquent et les honorent. […] Leroux y est bafoué comme un fou. — Que veut donc cet homme ? […] Il faut de grosses voix aux hommes assemblés. […] On s’y perd : — pétulance, étourderie, entraînement d’une verve plus forte que l’homme, d’un cheval plus fort que son cavalier ; impossibilité de se contenir, oui, une véritable incontinence de pensée, c’est-à-dire une vraie faiblesse sous ces aspects de violence ! […] Enfin dans ce petit homme qui jette dans le goufre de Décius sa personne autant qu’il peut, du moins sa vie, son passé, sa considération, ses amitiés, tout ce qui lie et enchaîne les hommes, — qui retrousse ses manches et descend bras nus pour faire l’athlète comme au premier soleil du combat, — on peut voir un insulteur, mais un insulteur héroïque, un Spartacus qui a un peu trop la fièvre, mais à qui ses airs de moine et sa vieille soutane n’ont pas ôté toute verdeur, je n’ose dire grandeur. » Voilà ce que dirait un bon Génie, un Amschaspand.

1666. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

« Faire de la littérature » On sait comment se recrute en France la confrérie des hommes de lettres. […] Pour un demi-louis, le Tout-Paris publie son nom, son adresse et son titre : homme de lettres. […] On constaterait, en, second lieu, que, au même titre que l’économie politique ou la psychologie, l’histoire et la critique sont des sciences, posant les faits et cherchant les lois des manifestations réelles ou fictives de l’activité des hommes. […] L’homme qui rédige sa pensée, qui use du moyen de publicité dit écriture, ne peut avoir pour but que : 1º le beau : il cherche à faire œuvre d’artiste ; 2º le vrai : il cherche à faire œuvre de savant ; 3º l’agréable (et l’utile, qui est l’agréable en expectative), et il fait œuvre d’industriel. […] La liberté d’écrire, la multiplication des lecteurs, les progrès de la librairie, l’envahissement du journalisme ont donné à l’homme de lettres un semblant de raison sociale, à son travail cette autonomie que vous jugerez, je pense, illogique et pernicieuse.

1667. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Évidemment non, elle ne peut pas nous le donner, et l’on peut se demander si la bête ne souffre pas moins que l’homme. Mais pouvons-nous regretter ce paradis terrestre où l’homme, semblable à la brute, était vraiment immortel puisqu’il ne savait pas qu’on doit mourir ? […] Aussi l’homme ne peut être heureux par la science, mais aujourd’hui il peut bien moins encore être heureux sans elle. […] La vérité qu’il nous est permis d’entrevoir n’est pas tout à fait ce que la plupart des hommes appellent de ce nom. […] L’intelligence de l’homme, pour nous restreindre, l’intelligence du savant n’est-elle pas susceptible d’une infinie variété ?

1668. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Voilà de quels hommes, de quels génies dépendoit la destinée de la république d’Athènes. […] Les deux orateurs vouloient subjuguer Philippe, père d’Alexandre, & plus grand homme que son fils ; & le rusé monarque joua les deux orateurs. […] Il leur répète qu’ils vont couronner le plus scélérat des hommes. […] Quelle tache néanmoins pour la gloire de ce grand homme, que les invectives grossières dans lesquelles il se répand contre son rival ! […] Autant Eschine, homme de plaisir & du monde, supporta le sien avec courage ; autant Démosthène, homme farouche, montra de foiblesse.

1669. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

serait-ce de le rendre honnête homme ou grand homme ? […] Qu’importe cependant qu’il soit mauvais père, mauvais époux, ami suspect, dangereux ennemi, méchant homme ? […] Le méchant ne durera, qu’un moment ; le grand homme ne finira point. » Voilà ce que je me suis dit, et voici ce que je me suis répondu : « Je cloute qu’un méchant puisse être véritablement grand. […] Je me suis demandé comment on rectifiait, on éclairait, on étendait l’esprit de l’homme, et je me suis répondu : On le rectifie par l’étude des sciences rigoureuses. […] Il y a, entre l’esprit étendu et l’esprit cultivé, la différence de l’homme et de son coffre-fort.

1670. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

voilà tout le contingent obligatoire auquel sont tenus ces hommes, modestes par l’offrande, mais immenses par le dévouement, qui, de présent, se donnent la fonction de dîner chez Véfour pour ranimer, dans leurs personnes, l’esprit français, manifestement défaillant. […] Le fondateur des Dîners littéraires, à bon mot et à dix francs, n’est pas seulement un professeur d’hygiène intellectuelle aussi simple que cet ivrogne de Sheridan, qui disait : « Quand la pensée est lente à venir, un verre de bon vin la stimule, et quand elle est venue, un verre de vin la récompense », c’est un homme plus profond que cela : il connaît son temps et sait jouer du vice de son temps. C’est un homme d’esprit, qui sait ce qu’il veut faire et qui réussit. […] Nos enfants liront dans nos annales que cette littérature périssait, qu’elle se sentait périr avec angoisse, mais qu’un homme décidé en organisa le sauvetage par des dîners qui n’étaient pas chers. […] Puisque nous sortons de Cabanis, qui a fait un livre de l’influence du physique sur le moral de l’homme ; puisque c’est la plus puissante inspiration du cerveau de ce temps qu’une bonne digestion stimulée ; puisque nous appliquons en grand la doctrine de Broussais, que l’homme tout entier n’est qu’un tube ouvert aux deux bouts, nous demandons le résultat cérébral du dîner et de la doctrine.

1671. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Séparés par le rang, ils ne le sont point par la distance ; or le voisinage est à lui seul un lien entre les hommes. […] L’homme compatit aux maux dont il est le témoin ; il faut l’absence pour en émousser la vive impression ; le cœur en est touché quand l’œil les contemple. […] C’est un homme que je ne vois pas ». […] Jamais conducteurs d’hommes n’ont tellement désappris l’art de conduire les hommes, art qui consiste à marcher sur la même route, mais en tête, et à guider leur travail en y prenant part  Notre Anglais, témoin oculaire et compétent, écrit encore : « Un grand seigneur eût-il des millions de revenu, vous êtes sûr de trouver ses terres en friches. […] À cet effet leurs capitaines de chasse, veneurs, gardes forestiers, gruyers, protègent les bêtes comme si elles étaient des hommes, et poursuivent les hommes comme s’ils étaient des bêtes.

1672. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Pendant que les hommes d’Église se font ainsi hommes de guerre, les magistrats se font hommes politiques, et ce n’est pas sans faire à leur toge de notables accrocs. […] On raille le comte de Brûlon avec son bataillon formé, dit une chanson, de cinq hommes et de quatre tambours. […] Les hommes d’action prennent leurs formules toutes faites dans les œuvres des penseurs qui les ont précédés. […] Mais, sans sortir de la littérature pure, il est un genre qui a souvent pâti de l’humeur intolérante des hommes au pouvoir. […] Il a jeté une teinte de ridicule sur les œuvres nées loin de lui ; il a dédaigné, ignoré les hommes qui n’ont pas pu ou voulu entrer dans son orbite.

1673. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Circonstances favorables au pouvoir sélectif de l’homme. — IX. […] La clef de ce problème, c’est le pouvoir sélectif d’accumulation que possède l’homme. […] À peine un homme sur mille possède-t-il la sûreté de coup d’œil et de jugement nécessaire pour devenir un habile éleveur. […] Circonstances favorables au pouvoir sélectif de l’homme. — Je dois dire maintenant quelques mots des circonstances favorables ou défavorables au pouvoir sélectif de l’homme.

1674. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Car, notez-le, ce n’est pas la prospérité qui sacre les grands hommes, c’est le malheur. […] Ici, les choses ont plus de place que les sentiments ; la nature est plus vivante que l’homme. […] Eh bien, cela a l’air paradoxal : un homme pour qui le monde extérieur existe. Est-ce que le monde extérieur n’existe pas pour tous les hommes ? […] Victor Hugo est un homme d’imagination plutôt que ce n’est un érudit scrupuleux.

1675. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

On étudie les hommes dans la societé, pour pénétrer dans leur coeur au-delà de ce qu’ils en découvrent : les hommes qu’on voit au théatre sont tous dévoilés, et ne sont précisément que ce qu’ils paroissent. […] On veut reconnoître l’homme partout. […] On ne croira jamais qu’un homme si superbe s’avilisse à ce point, et sans nécessité, aux yeux d’un autre homme ; et quand l’histoire fourniroit quelque exemple d’une pareille conduite, il ne suffiroit pas, pour la justifier au théatre, où l’on veut voir des hommes, et non pas des monstres. […] Où trouveroit-on dans la nature des hommes raisonnables qui pensassent ainsi tout haut ! […] Puisque vous faites agir des hommes, faites les parler comme des hommes.

1676. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Croiroit-on que l’homme de tous les âges, de toutes les Nations, le Poëte de la Nature, le Génie peut-être le plus original qui ait paru dans le Monde Littéraire, ait trouvé dans notre Siecle des détracteurs ? […] Marmontel, qui juge quelquefois sainement des grands Maîtres, dit, en parlant de Lafontaine, que nous n’avons pas de Poëte plus riant, plus fécond, plus varié, plus gracieux, & plus SUBLIME ; il recommande la lecture de ses Fables aux jeunes Poëtes, pour en étudier la versification & le style ; où les Pédans, ajoute-t-il, n’ont su relever que des négligences, & dont les beautés ravissent les hommes de l’Art les plus exercés & les hommes de goût les plus délicats * . […] Ne seroit-il pas honteux pour la gloire des Lettres, que la modestie de Lafontaine, la simplicité de son caractere & de ses mœurs, eussent affoibli l’estime de ses talens aux yeux des deux hommes le plus en état de les apprécier ? […] Le dédale des cœurs en ses détours n’enserre Rien qui ne soit d’abord éclairé par les Dieux : Tout ce que l’homme fait, il le fait à leurs yeux, Même les actions que dans l’ombre il croit faire. […] Chacun tourne en réalités, Autant qu’il peut, ses propres songes : L’homme est de glace aux vérités, Il est de feu pour les mensonges.

1677. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

On a beau dire, pour l’excuser, qu’il falloit se prêter au goût de la Nation pour la galanterie ; l’Homme de génie ne reçoit des loix que du génie même, ou plutôt il se sert des ressources de son génie, pour tout rappeler aux vrais principes. […] L’amour n’est jamais qu’une foiblesse, quelque part où il se trouve ; & faire soupirer des Héros, c’est les réduire au niveau des hommes ordinaires. […] Après avoir adopté le mot du Duc de Bourgogne, que Corneille étoit plus homme de génie, & Racine plus homme d’esprit, « Un Homme de génie, ajoute-t-il, ne doit rien aux préceptes, & quand il le voudroit, il ne sauroit presque s’en aider : il se passe de modeles, & quand on lui en proposeroit, peut-être ne sauroit-il en profiter : il est déterminé, par une force d’instinct, à ce qu’il fait & à la maniere dont il le fait. […] Un Homme d’esprit étudie l’Art ; ses réflexions le préservent des fautes où peut conduire un instinct aveugle ; il est riche de son propre fond, &, avec le secours de l’imitation, maître des richesses d’autrui. […] C’est ainsi que les vrais Grands Hommes ont la gloire de se former des successeurs, au lieu que tant de louanges prodiguées si mal à propos aux jeunes gens qui commencent, & dont on veut se faire des Panégyristes, ne sont propres qu’à produire des hommes vains & médiocres.

1678. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Il y a plus : j’estimais que si un homme était capable de mettre de l’agrément dans un livre philosophique, c’était le philosophe qui s’était une fois si joliment moqué des philosophes, et si c’était ainsi pour moi, si raisonnable, comme vous voyez, dans mon amour pour Taine, qu’est-ce que cela devait être pour ses admirateurs, qui le prennent pour le Génie en herbe de la littérature et le considèrent comme un jeune dieu ? […] Mais, pour être dévôt, on n’en est pas moins homme ! […] En effet, la sensation transformée, c’était tout l’homme dans Condillac, mais dans Taine, l’homme n’est que la possibilité de cette sensation. […] — il la fait tinter ; et voilà la sensation. » Ainsi, nous ne sommes en réalité que des possibilités de sonnettes (quelle destinée, ô hommes fiers !) […] Il nie l’activité spirituelle ; il n’y a pas d’esprit dans ce livre, qui est d’un homme autrefois d’esprit, mais qui, en se faisant savant dans les sciences matérielles, a donné sa démission d’homme d’esprit.

1679. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Il semble que ces hommes eussent voulu s’agrandir eux-mêmes, en proportion de l’univers auquel ils commandaient49 ; mais malgré leurs efforts, condamnés à n’être que des hommes, ils agrandissaient leurs images, et tout ce qui semblait faire partie d’eux-mêmes. […] Ainsi, dans la représentation des sentiments, des hommes et des choses, tout, sous les empereurs, fut porté à l’extrême. […] Voilà pourtant l’homme sur lequel nous avons trois pompeux panégyriques. […] Il est adressé à un gouverneur de province, que l’orateur ne manque pas d’appeler vir perfectissime, c’est-à-dire, homme très parfait ; ce titre d’honneur était apparemment une leçon adroite, donnée, sous le voile du respect, à un homme puissant. […] L’histoire ramène souvent les mêmes actions et la même audace dans des hommes et des siècles différents.

1680. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Ce monde, cette franc-maçonnerie de la réclame règne et gouverne, et défend la place à tout homme bien né. […] Ici tout est de l’homme et à l’homme ; à peine un maladif arbre dans une crevasse d’asphalte, et ces façades lépreuses me parlent comme ne m’a jamais parlé la nature. […] Il nous confie le titre d’une série qui s’appellera : « le Mérite des hommes ». […] Mais bientôt, ajoute Barrière, le petit appartement d’un pauvre homme de lettres ne put plus contenir le politique, en train de prendre son essor. […] Il n’est plus un homme, mais un pur esprit, que rien, rien au monde, ne semble rattacher à l’humanité.

1681. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Car, sans la vertu, la richesse ne saurait élever les hommes ; ni la vertu, sans la richesse. […] Qu’ainsi Ptolémée, parmi les hommes, soit nommé dans nos vers, au commencement, au milieu et à la fin ! Car il est le plus parfait des hommes. […] Aucun ne possède autant de villes, monuments de l’industrie des hommes, etc. […] Nul homme armé n’a sauté des nefs rapides sur le rivage d’Égypte, pour enlever des troupeaux.

1682. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Ainsi surtout doit-on faire s’il s’agit d’un lieu de quelque renom, d’une fondation destinée précisément à perpétuer la mémoire des hommes et des choses. […] Il s’agit, dans ce bloc confus et presque informe, de retrouver et de tailler le buste de l’homme. […] Pour lui, il tient à prouver aux habiles que, bien qu’homme d’étude, il entend aussi le fin du jeu. […] de leurs forfaits que les hommes privés arrivent à exercer en paix toutes leurs vertus. […] La politique n’est que l’art de mener les hommes, et cet art dépend de l’idée qu’on se fait d’eux.

1683. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Les grands hommes sont sacrés par la nature et par la Providence. […] C’est ce qui explique ces folies partielles où l’homme est génie d’un côté, démence de l’autre. […] Un tel poème n’est pas l’œuvre d’un homme, il est l’œuvre d’un temps. […] Ils l’accueillirent en homme dont la vie ou la mort devait également porter un éternel honneur à leur maison. […] Bonheur amer, mais bonheur de plus dans la mémoire des grands hommes persécutés ou méconnus !

1684. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Le receveur en chef, Zachée, homme riche, désira voir Jésus 1008. […] La résurrection d’un homme connu à Jérusalem dut paraître ce qu’il y avait de plus convaincant. […] Sa conscience, par la faute des hommes et non par la sienne, avait perdu quelque chose de sa limpidité primordiale. […] … Intimement persuadés que Jésus était thaumaturge, Lazare et ses deux sœurs purent aider un de ses miracles à s’exécuter, comme tant d’hommes pieux qui, convaincus de la vérité de leur religion, ont cherché à triompher de l’obstination des hommes par des moyens dont ils voyaient bien la faiblesse. […] Le mouvement qu’il dirigeait était tout spirituel ; mais c’était un mouvement ; dès lors les hommes d’ordre, persuadés que l’essentiel pour l’humanité est de ne point s’agiter, devaient empêcher l’esprit nouveau de s’étendre.

1685. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Mais ces morceaux estimables sont absorbés par une monotonie, un appareil emphatique, qui les rendent presque ridicules aux yeux d'un Homme sensé. […] A cette manie, il en ajoute encore une autre, celle d'employer les termes des Arts les moins connus du commun des hommes. […] Veut-il tracer les devoirs d'un Ministre, d'un Homme d'Etat ? […] Des leçons ainsi énoncées sont-elles propres à former de Grands Hommes, & son Héros eût-il compris quelque chose à ce langage ? […] Vous apprendrez que cent mille hommes opposés à cent mille hommes forment des masses redoutables qui s'étudient, s'observent, combinent avec une sage lenteur tous leurs mouvemens, & balancent avec un art terrible & profond la destinée des Etats *.

1686. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Il n’a pas porté bonheur à Tacite lui-même d’avoir exprimé son immortel mépris sur les hommes et les choses dont il fut le contemporain. […] … Et tel sera toujours le sort de tout homme qui osera écrire l’histoire de son temps, quand les faits, qui la font, saignent et brûlent encore. […] Quinet, le grand patriote, le grand exilé et le grand revenu ; le grand homme et le grand mari dont elle est la grande femme, car on doit communiquer de sa grandeur à sa moitié, quand on est si grand ! […] Impossible de nous prendre à tout ce qu’elle nous dit de ce mari qui, pour elle, est le plus grand des hommes ! […] quoique la situation ne fût pas badine alors, et dans lesquels il daigne plaisanter avec les obus, cet aimable grand homme !

1687. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

. — et encore un philosophe qui n’est pas un chef de file, une première tête, mais un homme de la file dans laquelle vient aussi se ranger, pour le dire en passant et à mon grand regret, son traducteur. […] Taine qui est, avant tout, et sera, après tout, un écrivain, un homme littéraire, et qui, s’il entendait ses intérêts, resterait dans cette plantureuse voie de la littérature ; M.  […] Le talent est plus fort que les idées fausses chez les hommes de talent. […] Carlyle, en définitive, nous venons de le voir, malgré la sympathie et l’entraînement que le talent très réel de cet homme a causés à M.  […] Poli comme un homme qui en présente un autre et qui le surfait toujours un peu en le présentant, M. 

1688. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Le comte de Fersen, qui fut un homme d’action, a cependant écrit, sans le savoir, une chose égale en résultat à l’histoire de Taine. […] Pour entreprendre cette publication, le baron de Klinckowstrœm n’a peut-être vu que le côté sentimental et pathétique de cette histoire, écrite au jour le jour par l’homme qui s’y est mêlé, mais qui aurait voulu s’y mêler bien davantage. Dans les Mémoires de son temps, le comte de Fersen nous apparaît bien plus comme un personnage romanesque que comme un homme véritablement historique. […] … Fersen, jusqu’à cette heure, n’avait, dans l’histoire, qu’une place mystérieusement éclairée d’un jour faux, et c’est sur cette place que ce livre va verser un jour vrai… Il a été recueilli par un homme du noble sang de Fersen et fier de son lignage ; et certainement, et avant tout, cet homme aura pensé à ce qui fait l’honneur de son illustre parent, à ce dévouement qu’il montra au Roi et à la Reine de France, abandonnés, captifs, et finalement traînés à l’échafaud par leur peuple ! […] Un homme qui pesait plus que ces Majestés dégradées, Pitt, existait pourtant en Angleterre, mais l’Angleterre, la neutre Angleterre, immobile sous la carapace de ses intérêts, ne bougea pas non plus, et ce ne fut que plus tard, et grâce à l’argent de son pays, que Pitt fit cette coalition de princes possible contre l’Empereur, mais impossible pour le Roi !

1689. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

C’est par là que, n’étant plus jeune, et que, n’étant presque plus belle, elle avait arraché Louis XIV — l’homme le plus difficile à séduire et le plus difficile à captiver — à la plus belle de ses maîtresses, à la plus altière, à la plus sanguinement spirituelle, à cette Armide des Mortemart qui l’avait enlacé par plus puissant que ses bras, — l’habitude, — et qui lui avait mis aux quatre membres ce boulet des enfants qui fait enfoncer un homme dans une liaison encore plus que le boulet de bronze ne fait s’enfoncer celui qu’on y jette dans la mer ! […] Seulement, quelle favorite ou quelle maîtresse eut jamais, comme madame de Maintenon, ce règne de trente-deux ans que la mort seule de l’homme qu’elle dominait put interrompre ? […] … Que, si une favorite d’une autre époque, la Léonora Galigaï, la magicienne de Florence, accusée de philtres et de charmes pour expliquer son inexplicable puissance sur Marie de Médicis, répondait que toute sa sorcellerie était l’influence d’une âme forte sur une âme faible, on aurait pu se demander plus tard quelle devait donc être celle d’une femme sur un homme dans toute la maturité de son âme et de son génie, sur un homme qui était le roi du bon sens, de la convenance, de la fierté et de l’ennui, sur un Louis XIV de quarante-cinq ans ?… D’ordinaire, à cet âge-là, ce sont les hommes qui mènent les femmes au lieu d’être menés par elles, mais madame de Maintenon, de deux années plus âgée que Louis XIV, fit mentir ce qui semble une loi. […] Dans le pays des choses extérieures, où les grands hommes sont tenus d’avoir de l’éclat, la simplicité et la profondeur ne feront jamais leurs affaires.

1690. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

À cette époque, un homme qui cachait parfois la critique de son temps sous de la critique littéraire, un homme qui en contait souvent aux autres, mais qui ne s’en laissait jamais conter, écrivait, de sa plume la plus moqueuse, de ces choses inouïes sur les. […] Valentin Parisot est un homme d’une haute valeur scientifique, avec lequel on est obligé de compter. […] Comme d’autres esprits moins richement et moins profondément cultivés, il n’a pu être dupe de cette adoration pour les choses médiocres qui prend fatalement le cœur ou l’esprit de l’homme quand il vit dans l’isolement du Beau. […] Encore une fois, nous le répétons, on peut passer beaucoup à un traducteur, comme à un voyageur qui revient de fort loin, mais il est des bornes pourtant à l’affirmation et à l’enthousiasme, surtout quand le traducteur est un homme de science et d’esprit qui, s’il ne s’agissait pas de son fétiche hindou, aurait le sentiment des choses poétiques tout aussi sûr et aussi net que nous qui le jugeons. […] Traduit par un homme de grand talent avec la piété d’un Fidèle, avec le soin que mettaient les moines copieurs du Moyen Âge à transcrire leurs plus précieux manuscrits, le vaste livre de Valmiki restera comme un renseignement très curieux et infaillible de l’état cérébral d’un peuple dont jusqu’ici on a forcé les proportions.

1691. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

D’abord l’Évangile n’est point écrit des mains de Jésus-Christ, mais de la main de saint Mathieu, de saint Luc, de saint Marc et de saint Jean, et d’ailleurs, Jésus-Christ était aussi un homme. Inspirés, oui, martyrs plus tard, c’est-à-dire témoins, les évangélistes ne sont que des hommes… inspirés ! […] Rigoureusement parlant, le ton seul du livre suffisait pour expliquer son succès, car le monde est pour les livres ce qu’il est pour les hommes. […] Le génie de Corneille déborde tout, et l’agrafe de son vers ne le retient pas même à son auteur, — évidemment cet homme-là n’est pas fait pour suivre. […] Ces hommes, qui vivaient les yeux au ciel ou baissés sur la poussière de leurs sandales, se souciaient bien de cette bavarderie qu’on appelle la Gloire, et des commérages que l’Avenir devait faire, un jour, sur leur tombeau !

1692. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

C’est sa Bible, en effet, ce n’est pas la Bible, — et c’est par là que je commence la série d’observations que je vais risquer sur cette entreprise, tentée par un seul homme, qui est encore un très jeune homme, avec une audace que n’aurait peut-être pas eue Michel-Ange au temps de sa maturité. […] Il le serait encore lorsque la Bible aurait été créée par le génie de l’homme seul, quand elle ne serait qu’un livre d’homme. […] La première impression de la vie, la première image qui se soit incrustée dans nos yeux d’enfant, ces yeux qui grandissent tout ce qu’ils regardent, quand nos yeux d’homme le diminuent et finissent, de désabusement ou de mépris, par ne plus le voir ! […] Ici la difficulté de ne pas se répéter soi-même devient énorme, et s’ajoute à toutes celles qui font de l’interprétation de la Bible intégrale un travail en disproportion avec la force de l’homme. […] Le terrible ou la grandeur de la Bible il était homme à Les sentir, et il les a exprimés souvent comme il les a sentis, avec une grande puissance, relativement (bien entendu) aux conditions dans lesquelles j’ai dit que tout interprète de la Bible était naturellement placé.

1693. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Se connaissant si mal lui-même, comment connaîtrait-il les autres hommes ? […] L’homme sous l’ogive n’est pas plus que la mousse sur le mur ou le lichen sur le chêne. […] Mais quel homme à trente-six ans désespère de l’avenir ? […] L’histoire de Fernand est celle de bien des hommes qui croiront, en lisant le roman de M.  […] Reste l’opinion des hommes compétents, qui ne pouvaient hésiter à se prononcer.

1694. (1932) Les idées politiques de la France

Poincaré a été l’homme d’État du nouvel opportunisme, comme Ferry avait été l’homme d’État du premier opportunisme. […] C’est qu’à droite on va des idées et des hommes aux cadres, alors qu’à gauche on va des cadres aux idées ou aux hommes. […] Les idées sont celles d’une société de pensée, — et les hommes sont des hommes. […] » Cet homme de bon sens avait raison. […] Les hommes d’État radicaux ont été et sont encore au moins aussi cultivés que les hommes d’État conservateurs.

1695. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Si tu es un homme, alors compatis à ma misère. […] Un amour vrai transforme en un moment l’adolescent en homme. […] J’ai en elle une confiance comme jamais homme n’en a eu pour aucune femme. […] Jamais l’Allemagne n’avait présenté dans toutes ses parties du nord ou du midi de pareils groupes d’hommes supérieurs. […] Ils se disputaient à l’envi le patronage des hommes éminents propres à illustrer leur nom et leur règne dans l’avenir.

1696. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

C’est l’homme le plus poli et le plus aimable que j’aie jamais connu. […] Je n’ai pas connu d’homme qui eût pu être plus aimé des femmes. […] Un moment, cet homme vraiment supérieur arracha les voiles que le prudent M.  […] L’excellent homme me rassura ; il ne vit rien, ne voulut rien voir. […] On voit poindre, en effet, un âge où l’homme n’attachera plus beaucoup d’intérêt à son passé.

1697. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

L’œil saisit la forme animée de l’homme, la compare avec les objets ambiants et l’en différencie. […] Après le décor, vient l’homme, l’acteur. […] L’homme civilisé se manifeste par la richesse et la diversité des nuances entre les sentiments, et par un rythme plus complexe. » Wagner caractérise très bien les différents caractères de la mimique de l’homme : plus l’homme en effet est grossier, plus la mimique est simple et désordonnée. L’homme civilisé a une foule de mouvements moins violents, mais plus complexes. […] Quand il se lève et brandit la lance, il n’est plus que l’homme et est prêt pour sa mission.

1698. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Madame, on n’est pas aimable avec 25 000 hommes !  […] Il parlait encore assez mal l’anglais et un de ces hommes lui enfonçait d’un coup de poing son chapeau sur les yeux. […] Je n’ai fait aucun mal aux hommes. […] Lui, l’homme calme je le trouve tout à fait en colère. […] L’homme a une élégance fluette, élancée, et des yeux d’une douceur charmante.

1699. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Un séculier, homme d’honneur et de distinction, m’a assuré, par un billet écrit exprès, qu’il avoit entendu dire à peu près la même chose à Votre Révérence. […] Les hommes en jugent à leur façon, mais ma conscience me répond que le Ciel en juge autrement, et cela me suffit. […] C’est un homme fin qui joint à la connoissance des belles-lettres celle de la théologie, de l’histoire et de la philosophie. […] Le père Erasmos, qui unit en lui deux hommes si divers, si dissemblables, tour à tour savant aimable et moine bourru, nous apparaît plein de vie dans sa singularité ; de tels originaux se copient et ne s’inventent pas. […] On y trouve ce petit portrait de l’homme au physique : « Ce moine défroqué est toujours habillé comme un officier de cavalerie.

1700. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Père, mère, petits et grands, Pâris et Hélène, les dames et les seigneurs du temps jadis, papes, empereurs et dauphins, sont morts : donc tous les hommes meurent Voilà l’induction, qui tire la loi d’une collection de faits particuliers. Tous les hommes meurent, donc je mourrai : voilà la déduction, qui tire la conséquence d’un principe incontestable et reconnu pour vrai. […] Toutes les sollicitations, requêtes, demandes de privilèges et de faveurs aux quelles tout homme en place ou qui approche d’un homme en place, est en butte, sont fondées sur ces deux axiomes : et souvent la bonne foi des solliciteurs est entière ; ils croient raisonner à merveille, et ne peuvent pas concevoir qu’ils demandent l’injuste et l’impossible. […] C’est la source de beaucoup de faux raisonnements : comme lorsque, sous le prétexte de l’égalité naturelle de tous les hommes, on prétend abolir toutes les inégalités et même toutes les différences sociales. Car le principe : tous les hommes sont égaux, veut dire que les hommes possèdent également la dignité que la raison et la conscience confèrent à la personne humaine ; qu’ils ont droit au même respect, en tant que personnes humaines, et qu’ils ont droit au libre exercice de leur activité, limité seulement par le droit égal des autres activités.

1701. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Mais je dois, avant de me tourner vers lui, nommer deux hommes de grand talent, qui sont en dehors du courant principal des idées littéraires, et que pourtant l’on ne saurait oublier. […] Il cherche, dans l’œuvre littéraire, l’expression, non plus d’une société, mais d’un tempérament : tous ses jugements sur les livres sont des jugements sur les hommes. […] A la fin de ces minutieuses enquêtes, l’homme, et par l’homme le livre, se trouve relié à quelque courant connu et défini de la civilisation générale. […] Il n’y a pas tant à raffiner sur son cas : c’est un homme que le jeu des réalités morales a prodigieusement intéressé. […] Le fond de l’homme, c’est, pour Taine, aujourd’hui comme aux temps préhistoriques, « le gorille féroce et lubrique » : des éléments multiples se sont superposés à celui-là, mais ne s’y sont pas mêlés, ne l’ont pas altéré.

1702. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

Le choral primitif suppose non seulement un groupe d’hommes, mais un groupe d’hommes qui concertent leurs voix ainsi que leurs gestes, qui forment une même masse dansante41… » Pour établir que les éléments communaux prédominent dans la poésie primitive, M.  […] L’art cesse d’être uniquement un facteur coopérant à la solidarité entre les hommes. […] Elle détourne les hommes de l’action vers la contemplation ; elle les enlève au service de la sociabilité. […] « Toute œuvre d’art doit émouvoir tous les hommes de la même façon. […] Mais comment une œuvre d’art émouvrait-elle tous les hommes de la même façon ?

1703. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Je conviens qu’il est doux à un homme de se sentir supérieur et de dire : Homère est puéril, Dante est enfantin. […] Tous ces grands hommes sont pleins d’extravagance, de mauvais goût et d’enfantillage. […] Le drame de Shakespeare exprime l’homme à un moment donné. […] le songe emplit à tel point quelques-unes de ses pièces que l’homme s’y déforme et y est plus nuage qu’homme. […] Il y a là au premier plan, partout, en plein soleil, dans la fanfare, les hommes puissants suivis des hommes dorés.

1704. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

C’est une loi, — et une loi absolue, — que le sexe de la femme soit autant dans sa tête qu’ailleurs, et que le génie, quand elle en a, soit en elle, comme tout le resté, et pour cette raison, ne puisse, en force première et naturelle, lutter contre le génie de l’homme, qui est et qui doit, en définitive, rester le maître de la Création. […] ils l’ont gâté, à plus d’une place, dans Mme de Staël, cette femme si admirablement femme, qui n’a jamais été le tout-puissant homme qu’on a dit ! […] La sœur Emmerich, dans l’ordre de la mysticité, vaut tête d’homme, mais de femme, il n’y en a plus ! Elle ne vaut homme que parce qu’il n’y a plus de femme. […] Voir tome Ier des Œuvres et des Hommes, 1re série des Philosophes et des Écrivains religieux.

1705. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

C’est bien justement que nul homme ne t’offre de sacrifices, fausse mer ! […] L’omnipotence fait retomber en enfance l’homme qui n’est pas de taille à la supporter. […] Qui peut tout sur les hommes veut bientôt tout sur les choses. […] On mesura littéralement au boisseau cette récolte d’hommes. […] Les hommes qui restaient réussirent à le remporter dans le défilé.

1706. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Je ne fus point cet homme et je ne fis pas cette œuvre. […] littérature de haine et de combat, qu’il faut plaindre l’homme d’avoir inventée ! […] Le père Varlet avait l’austérité de foi et de physionomie de l’homme de son pays. […] L’enfant est le germe d’un homme. […] L’homme seul a dit : Il n’y a point de Dieu.

1707. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Vivant et régnant, il était apprécié à son prix, et dans toute l’étendue de ses qualités de souverain et de sauveur par tous les hommes patriotiques et sages. […] Mais la mémoire du bon roi et des mérites de son règne demeura à l’état de culte chez quelques hommes instruits, sensibles aux perfectionnements et aux arts de la paix, et au bien-être du peuple. […] Un historien, homme d’étude et d’esprit, très curieux de recherches, et ennemi du lieu commun, ancien royaliste d’ailleurs, M.  […] Mais ce sentiment d’homme et de roi pasteur de peuples n’ôtait rien à sa clairvoyance sur le fond de la nature humaine. […] Dès longtemps on est trop homme du monde dans l’Université pour parler ainsi.

1708. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

La pensée des grands hommes est une courbe que l’on n’embrasse bien qu’après qu’elle est décrite : il arrive même à de bons yeux de ne la voir d’abord que brisée et morcelée comme elle l’est souvent en effet dans le détail, et comme elle peut l’être à tout moment dans l’ensemble par les accidents plus forts que le génie. […] La reine mère écrit à Frédéric à ce sujet : « Connaissant, mon cher fils, votre bon cœur comme je le fais et vos bontés pour mon fils Henri, je ne doute pas que vous aurez été dans le moment un père pour lui. » Tout cela est naturel, et n’est à remarquer que parce qu’on refuse trôp aisément aux grands hommes un cœur. […] Notre perte en tout va à, deux mille hommes. […] Les connaisseurs y remarqueront aisément ce mélange heureux de prudence et de hardiesse si rare et si désiré, qui unit et rassemble le plus de perfections que la nature puisse accorder pour former un grand homme de guerre. […] [NdA] Oui, Napoléon parle bien autrement à l’imagination, mais Frédéric aura toujours ce mérite incomparable et cet avantage d’être le plus homme, le moins demi-dieu des grands hommes et des héros.

1709. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Je ne suis pas un homme de l'an III, ni un homme de 1816 : il ne s’agit pas d’opposer les inspirations et les influences, mais de les combiner. […] Les hommes éminents qui tiennent le haut bout à l’Académie, et dont la carrière est si remplie, ne peuvent être informés de tout : ils ignorent presque forcément bien des œuvres, et jusqu’à bien des noms. […] C’est un homme d’un mérite réel, instruit, qui a de la conscience, de l’application. […] Gozlan est un homme d’esprit dans la force du terme ; il a d’heureux mots, comme on en cite d’autrefois : il a des fantaisies qui réussissent à la scène, des nouvelles dont l’idée est piquante. […] A-t-il daigné se demander pourtant ce que ces mêmes titres seraient comptés à un homme tout à fait nouveau et uniquement fils de ses œuvres ?

1710. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

» La douceur de Chrémès ne se décourage pas : « Est-ce une habitude pour aucun homme de se tourmenter lui-même ?  […] Cet interlocuteur féroce, tout d’un coup vaincu, n’est plus qu’un pauvre homme brisé par l’affliction ; il ne répond qu’en éclatant en larmes et en sanglots. […] Micion, l’homme de la ville, à l’ouverture de la pièce, est dans une inquiétude mortelle. […] Déméa est outré de la réponse de Micion : Si vous étiez homme, lui a dit Micion : il lui renvoie son mot et lui rejette son homo à la tête : « Pardieu ! […] Térence peintre de l’homme, ce n’est rien d’absolu dans la morale ni dans la vie : c’est croire qu’on a toujours quelque chose à apprendre, toujours à modifier et à corriger selon l’âge, le moment, la pratique et l’expérience.

1711. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Au fond, il n’est pas fort étonnant qu’on se fasse haïr des hommes quand on attaque, sans utilité, les opinions sur lesquelles ils fondent leur bonheur. […] Je ne m’explique pas qu’un homme tel que l’auteur me dépeint Jésus puisse être si divin sans être Dieu, au moins en bonne partie. Moi, je ne connais les hommes que comme Horace et tous les moralistes les ont connus. […] Renan nous présente un homme comme il n’y en a jamais eu, et au-dessus de l’humanité, un homme-type. […] Il le sait, et s’il s’est montré habile à choisir son heure, il est homme aussi à l’attendre.

1712. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Le propre de l’homme de lettres, il n’y a pas longtemps encore, était d’être empêché dès qu’on le tirait de ses livres, et de ne pas savoir comment se nomment les choses. Théophile Gautier s’est montré, à cet égard, le contraire de l’homme de lettres. […] Jamais homme maigre et chétif ne fera de cette poésie-là. — Mais je vois d’ici triompher les railleurs et les demi-bienveillants. […] L’homme fait, l’homme réel a succédé au jeune homme des songes. […] Je ne sais pas étrangler en deux ou trois tours de phrases convenues à l’avance un homme de talent qui écrit depuis plus de trente ans.

1713. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

L’esprit de l’homme et l’influence de l’œuvre. — 4. […] Quelques-uns ont coulé tout doucement leurs remarques personnelles, leurs conceptions de l’homme et de la vie, dans les formes de l’histoire ou de la critique. […] Toute sa vie de savant, d’écrivain, d’homme de cabinet, est le résultat d’un acte, d’un acte volontaire et libre qui représente une belle dépense d’énergie. […] Cela montre seulement avec quelle douce inflexibilité cet homme savait pratiquer le respect de sa pensée. […] La Descendance de l’homme et la sélection sexuelle (trad.

1714. (1890) L’avenir de la science « V »

Si la science devait rester ce qu’elle est, il faudrait la subir en la maudissant ; car elle a détruit, et elle n’a pas rebâti ; elle a tiré l’homme d’un doux sommeil, sans lui adoucir la réalité. […] L’esprit critique est l’homme sobre, ou, si l’on veut, délicat ; il s’assure avant tout de la qualité. […] L’homme, en effet, n’est pas pour moi un composé de deux substances, c’est une unité, une individualité résultante, un grand phénomène persistant, une pensée prolongée. […] Un homme conséquent dans son système de vie est certainement un esprit étroit. […] L’homme des sociétés secrètes est toujours étroit, soupçonneux, partiel.

1715. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Le voile ne se sépare pas de la femme ; l’habillement fait partie de l’homme. […] Il ne sied pas à un galant homme d’insulter une ancienne maîtresse. […] Voilà un homme qui se dégrise et qui se refroidit à vue d’œil. […] Sur quoi il s’enfuit, et en toute hâte, comme un homme qu’on allait voler et qui court encore. […] L’homme pâlit de rage, ses yeux s’injectent, sa voix devient rauque : « L’amant ?

1716. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Enfin Regnard était un des hommes d’alors qui, dans sa vue du monde, avait le plus ouvert son compas. […] Boileau Despréaux, fit une grotesque peinture de l’enterrement supposé du grand satirique, en qui il affectait de ne plus voir qu’un homme du Quartier latin et de l’Université. […] Dans Le Joueur, le caractère principal a beaucoup de vérité : cet homme, qui a joué, qui joue et qui jouera, qui, toutes les fois qu’il perd, sent revenir sur l’eau son amour, mais qui, au moindre retour de fortune, lui refait banqueroute de plus belle, cet homme est incurable ; il a beau s’écrier dans sa détresse : Ah ! […] Regnard se défendit en homme qui a pour lui le public ; il donna une petite pièce en prose qui a pour titre La Critique du Légataire. […] Voltaire l’attribue au chagrin et fait même entendre que cet homme si gai avança ses jours ; d’autres disent qu’il est mort d’indigestion et d’une médecine prise mal à propos.

1717. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Des hommes toujours fermés de défiance contre la dérision du monde s’ouvrirent sans difficulté devant moi. […] Il le crut avec cette simplicité sainte, ordinaire aux hommes qui se sentent le canal d’une grande grâce. […] lui, le fin, le délié, le souple, le hardi, le téméraire, le familier dans ses autres livres avec les femmes, n’est plus le même homme. […] Le rire et son éclat moqueur, ce clic-clac du fouet du bon sens, qui coupe un homme en deux du premier coup, serait la mort, — la mort subite du livre de Michelet ! […] oui, et dites après cela que l’homme qui va supprimer la tempête n’est pas très au-dessus du Dieu qui simplement l’a faite !

1718. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Voiture, assez homme d’esprit pour se faire respecter, souffrait qu’on le bernât. […] En quoi donc la poésie est-elle moins utile aux hommes que la morale et la philosophie ? […] J’offenserais même cet homme, au lieu de le ramener, si je prétendais découvrir en lui sa raison. […] Par tout ce qu’il défend au nom de la raison, on reconnaît qu’il s’agit toujours de ce sens de l’humain, par lequel non seulement rien de ce qui est de l’homme ne nous est étranger, mais tout ce qui n’est pas de l’homme nous choque. […] Boileau ne s’adresse plus au poète ni au juge des écrits, mais à l’homme ; non plus au goût, mais à la conscience.

1719. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

« Je vous le dis encore : quel homme êtes-vous donc ? […] Français n’est-il pas homme à comprendre qu’on peut venir voir M. […] On ne peut mieux apprécier l’homme et son temps que vous l’avez fait. […] Les plus justes à son égard font l’éloge de l’homme et traitent un peu légèrement le philosophe. […] L’homme de goût, l’homme délicat et sensible se retrouvait jusque dans l’érudit en quête du fond et dans l’investigateur des mœurs simples.

1720. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

En vertu de cette conception réaliste, empruntée mi-partie à l’Allemagne et à l’Angleterre, il n’a pas eu assez de reproches et de sarcasmes à l’adresse de Jean-Jacques osant poser pour base de son système l’égalité des citoyens entre eux, quand si visiblement les hommes sont inégaux de nature ; il a foudroyé « l’esprit classique » formulant des principes universels et aboutissant à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; il a écrasé de son mépris les « métaphysiciens » de la Révolution s’épuisant à forger de toutes pièces des Constitutions qui, suivant lui, ne pouvaient être viables, par cela seul qu’elles n’étaient pas le produit d’une sorte de végétation inconsciente. […] Victor Hugo fait ce tour de force78 d’apitoyer les lecteurs sur un personnage sans nom, dont ils ignorent et les antécédents et l’état civil et le crime même, dont ils ne savent rien sinon qu’il est un homme retranché par d’autres hommes du nombre des vivants et condamné non seulement à la mort par la guillotine, mais à l’agonie lente qui la précède. […] Elles variaient d’intensité suivant le ministre ou la favorite qui gouvernait, suivant l’homme qui était directeur de la librairie. […] Les tempêtes sociales rendent difficile, sinon impossible, le paisible exercice de la liberté ; mais la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avait posé ce principe, base de la législation future : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Ce droit, solennellement proclamé, n’en fut pas moins étranglé par l’Empire. […] Je ne cite que pour mémoire cette littérature judiciaire, et de même les hommes que la magistrature et le barreau ont prêtés à l’histoire, à la sociologie, à la tribune parlementaire, aux lettres.

1721. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il me connaissait mal : aussi sa prédiction ne s’est-elle pas accomplie », ajoute l’excellent homme qui, plus sage et mûri par l’expérience, n’avait pas voulu de la popularité en 89. […] Qu’était-ce, je vous prie, qu’un homme de lettres alors, s’il n’avait pas eu les honneurs de la Bastille ? […] Il pensait que tous les hommes ne peuvent pas être grands, mais que tous peuvent être bons. […] C’est assez pour l’honneur de sa mémoire qu’en voyant les hommes devenir tout à coup furieux et méchants, il ait arrêté à temps sa bonhomie, et ne l’ait laissée dégénérer ni en lâcheté ni en sottise. […] et Marmontel, seul alors de son avis, n’était-il pas l’homme prévoyant ?

1722. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

En un mot, le grand art se fait admirer à la fois de tout un peuple (même de plusieurs peuples), et du petit nombre d’hommes assez compétents pour y découvrir un sens plus intime. […] En outre il est des types proprement sociaux, qui ont pour but de représenter l’homme d’une époque dans une société donnée ; or, les conditions de la société humaine sont de deux sortes : il y en a d’éternelles et il y en a de conventionnelles. […] Par sa puissance à briser les associations banales et communes, qui pour les antres hommes enserrent les phénomènes dans une quantité de moules tout faits, il ressemble à l’enfant qui commence la vie et qui éprouve la stupéfaction vague de l’existence fraîche éclose. […] Les premiers poèmes et les premiers romans ont conté les aventures des dieux ou des rois ; dans ce temps-là, le héros marquant de tout drame devait nécessairement avoir la tête de plus que les autres hommes […] Le sentiment, avec son caractère communicatif et vraiment social, deviendra l’homme même, sa plus haute et dernière expression ; quant à son individualité propre, elle comptera pour peu de chose.

1723. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Des hommes qui penseraient comme lui ne formeraient qu’une anarchie. […] Les hommes en seront-ils plus vertueux, pour ne pas reconnaître un Dieu qui ordonne la vertu ? […] Cependant un homme de beaucoup d’esprit et de goût, et à qui l’on doit toute déférence, a paru douter de l’assertion. […] L’homme sait se cacher d’un voile spécieux. […] Un Habron, ou homme efféminé.

1724. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Mais la conception de l’enfer chrétien dispensait un homme d’avoir du génie, et, d’ailleurs, voir où dort une immense poésie rend un homme digne de l’éveiller. […] Son christianisme de bonne volonté est celui de beaucoup d’hommes de notre époque incertaine. […] Il n’est pas permis de décapiter les assises du genre humain de leur juge naturel qui doit appliquer aux âmes des hommes leur propre jurisprudence d’ici-bas. […] on appartient toujours à son temps par quelque souillure, mais un homme de la valeur de M.  […] Amédée Pommier est un des hommes de la première heure, et il a persévéré, vertu diabolique ou divine !

1725. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

C'est déchoir d’ailleurs pour un homme aussi élevé que Quinet que de se faire en 1843 un controversiste anti-catholique. […] Sainte-Beuve sur Daunou nous a appris à bien fixer nos idées sur un savant et un écrivain dont on avait beaucoup parlé dans ces derniers temps, depuis sa mort ; il en avait été fait tant d’éloges qu’on se demandait naturellement ce qui avait manqué à un homme qui avait été aussi profond érudit et aussi habile écrivain pour arriver à plus de célébrité et à plus de résultats notoires. […] Jasmin a tous les dehors de l’acteur méridional, bonne taille, œil noir, charbonné, le geste, une poitrine de fer, et une finesse d’homme d’esprit qui voit tout et se possède au milieu de ses apparentes turbulences. Il est homme à déclamer durant quinze jours de suite, en plein air, du matin au soir, et sans lasser les autres ni lui-même. […] Jasmin est, ne l’oublions pas, un homme des plus estimés ; c’est un honnête homme, dans la vraie acception du mot ; et dans cette bouche de l’homme du peuple et du barbier d’Agen, les belles paroles, même gasconnes, ont toute leur valeur.

1726. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Hamlet, ce n’est pas un homme, c’est l’homme. […] Il l’a déjà dit ailleurs, le drame comme il le sent, le drame comme il voudrait le voir créer par un homme de génie, le drame selon le dix-neuvième siècle, ce n’est pas la tragi-comédie hautaine, démesurée, espagnole et sublime de Corneille ; ce n’est pas la tragédie abstraite, amoureuse, idéale et divinement élégiaque de Racine ; ce n’est pas la comédie profonde, sagace, pénétrante, mais trop impitoyablement ironique, de Molière ; ce n’est pas la tragédie à intention philosophique de Voltaire ; ce n’est pas la comédie à action révolutionnaire de Beaumarchais ; ce n’est pas plus que tout cela, mais c’est tout cela à la fois ; ou, pour mieux dire, ce n’est rien de tout cela. Ce n’est pas, comme chez ces grands hommes, un seul côté des choses systématiquement et perpétuellement mis en lumière, c’est tout regardé à la fois sous toutes les faces. S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand ! […] À l’homme qui créera ce drame il faudra deux qualités : conscience et génie.

1727. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Les amateurs des faits littéraires ne peuvent guéres se passer des Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres dans la république des lettres, par le P. […] Cet ouvrage est trop volumineux ; & l’auteur n’auroit pas compilé près de cinquante volumes, s’il s’étoit borné aux hommes véritablement illustres. […] L’auteur s’y montre un homme dégagé des préjugés de parti ou de corps ; il rend justice aux Protestans comme aux Catholiques, aux Jansénistes comme aux Molinistes, & dit la vérité avec une liberté judicieuse. […] Il écrit en homme d’esprit, & l’on sent que lorsqu’il sera parvenu aux siécles intéressans de notre littérature, il fera connoîtra nos richesses en homme de goût. […] Le Necrologe des hommes célébres qu’ils publient tous les ans, renferme les éloges historiques des gens de lettres & des artistes morts dans l’année.

1728. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

En ces sortes de choses où les hommes ne croïent point avoir un intérêt essentiel à choisir le bon parti, ils se laissent ébloüir par une raison qui peut beaucoup sur eux. […] Ils ne jugent pas en hommes doüez de ce sixiéme sens dont nous avons parlé, mais en philosophes spéculatifs. La vanité contribuë encore à nous faire épouser l’avis des gens du métier, préferablement à l’avis des hommes de goût et de sentiment. Suivre l’avis d’un homme qui n’a pas d’autre expérience que nous et qui n’a rien appris que nous ne sçachions nous-mêmes, c’est reconnoître en quelque façon qu’il a plus d’esprit que nous. […] Mais croire l’artisan, déferer à l’avis d’un homme qui a fait une profession que nous n’avons pas exercée, c’est seulement déferer à l’art, c’est rendre hommage à l’expérience.

1729. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

Il s’en faut beaucoup que le commun des hommes ait autant de connoissance de la mecanique de la peinture, que de la mécanique de la poësie, et comme nous l’avons exposé au commencement de ces essais, les beautez de l’exécution sont encore bien plus importantes dans un tableau qu’elles ne sçauroient l’être dans un poëme françois. […] Or ces beautez se rendent bien sensibles aux hommes qui n’ont pas l’intelligence de la mécanique de la peinture, mais ils ne sont point capables pour cela de juger du mérite du peintre. […] Ce sont quelques-uns de ces dégrez de plus ou de moins, qui font la difference du grand homme et de l’ouvrier ordinaire. […] Les hommes qui admirent plus volontiers qu’ils n’approuvent, écoutent avec soumission, et ils repetent avec confiance tous les jugemens d’une personne qui montre une connoissance distincte de plusieurs choses où ils n’entendent rien. […] En effet, quoiqu’il doive être plus facile aujourd’hui de reconnoître la plume d’un homme que son pinceau, néanmoins les experts en écriture se trompent tous les jours.

1730. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le pauvre homme ! […] Le grand poète, l’homme de génie ne put faire absoudre le comédien. […] Il voulait aussi que cet homme distingué dans son art prît place à sa table. […] Ne voyant dans l’homme de génie qu’un histrion, ils voulaient lui faire essuyer leur mépris. […] “Je conviens que c’est l’homme du monde qui a le mieux rêvé, ajouta Chapelle ; mais, morbleu !

1731. (1927) Des romantiques à nous

C’était un homme du XVIIIe siècle, et c’était un homme du XIXe. […] Notre homme n’attaque pas. […] Les hommes entonnent la Marseillaise. […] Et il a été la musique faite homme. […] Il payait recta, comme un homme de bureau.

1732. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Cet homme a tout manqué ! […] Presque tous ont créé quelque grand homme à leur image. […] Mais Amaury est, avant tout, un homme sensuel. […] cet homme a échoué ! […] voilà le rôle des hommes dans ce nouveau roman.

1733. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Il est venu une quinzaine d’hommes de lettres. […] Zola se livre à une sortie contre les hommes politiques, qu’il déclare nos ennemis, et je pense absolument comme lui. […] Et c’est le peuple et la jeunesse qui, à l’encontre des gens éclairés, intelligents, devinent les gouvernements et les grands hommes de l’avenir. […] Encore une ville abandonnée sur une cime rocheuse, une ville que l’on croit avoir été creusée dans la pierre, par des hommes venus après les hommes des cavernes, et dont les logis, ou plutôt les anfractuosités dans la roche, auraient été habitées plus tard, par les populations du pays, en fuite devant l’invasion des Sarrasins. […] Mais que je suis bête, il n’y a qu’un homme de lettres, et un lettré sachant faire au mieux un livre, qui pourrait fabriquer ce bouquin-là.

1734. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

* * * — L’homme qui fait un roman ou une pièce de théâtre, où il met en scène des hommes et des femmes du passé, peut avoir la certitude que c’est une œuvre destinée à la mort, — et quand même il aurait tout le talent possible. […] Taciturne, comme un homme horriblement timide, il faut lui arracher les paroles. […] Chez les peintres, l’envie est tempérée par une certaine gaminerie, par une enfance de toute la vie, qui rend cette envie moins amère, moins noire que chez l’homme de lettres. […] Il me connaît très peu, et c’est le seul homme du dîner de Brébant, qui me cause de mon livre, récemment publié. […] À cette perspective, l’homme des colonies se retrouve en Belot, et il y a vraiment en sa personne, un peu de la jouissance sensuelle d’un homme de l’équateur, soudainement jeté dans une contrée de bananiers.

1735. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

J’avoue que je n’en crois rien : mais ce n’est pas la première fois que les habitudes mènent l’homme par des chemins opposés à ceux qu’indique l’aspiration momentanée de l’âme. […] Ces vers et les choses qu’ils contiennent, sortent du fond de l’expérience et de la sensation d’un homme : ils répandent la plus intime sensibilité de son cœur. […] Cet homme-là ne devait pas avoir de scrupules : son service contenta Louis XI, c’est tout dire ; et il fut content de Louis XI, ce qui est plus. […] Rien n’est plus loin de l’esprit de Commynes que le préjugé nobiliaire : s’il apprécie en homme pratique les avantages matériels de la noblesse, pas plus que Louis XI, ce bon compère n’estime les hommes par leurs quartiers. […] Sa foi donc est sincère : mais, comme il arrive toujours, elle se plie aux caractères du temps et de l’homme.

1736. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

C’est un bel homme qui connaît messieurs vos frères. […] Cet homme s’est approché de moi, et j’ai reconnu Bouvier. […] Dans quel pays et avec quels hommes vais-je me trouver ! […] Il aime les femmes à la fureur ; d’ailleurs, un bon homme. […] Les hommes ne valent pas la peine d’être gouvernés.

1737. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

comme s’il fallait seulement un pouce de chair à la flèche pour pénétrer et tuer son homme, et comme si nous ne pouvions pas être atteints profondément par une épingle ! […] Ici, c’est Balzac qui a donné le la de cette histoire, et il faut de la voix pour chanter sur le la donné par un pareil homme. […] cette grande et formidable question n’est que d’hier dans la mémoire des hommes. […] C’est enfin un homme de Paris ! […] Mais les rois en exil ont-ils mérité ces durs portraits, venant d’un homme qui n’a pas d’ordinaire la main dure ?

1738. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Et au moment de la chute ou de la retraite contrainte, il dit encore : « La disgrâce de cet homme était plainte de peu de personnes à cause de sa gloire (de son orgueil). » Chose singulière, l’homme le plus éloigné à tous égards de L’Estoile, le cardinal de Richelieu, en ses Mémoires, parlant de Sully et de sa chute qui fut toute personnelle, dit à peu près la même chose : On a vu peu de grands hommes déchoir du haut degré de la fortune sans tirer après eux beaucoup de gens ; mais, la chute de ce colosse n’ayant été suivie d’aucune autre, je ne puis que je ne remarque la différence qu’il y a entre ceux qui possèdent les cœurs des hommes par un procédé obligeant et leur mérite, et ceux qui les contraignent par leur autorité. […] Je laisse donc tous ces usages et ces abus qu’on a faits du nom de Sully au xviiie  siècle, tous ces Sully accommodés à la Turgot, à la Necker, à la Bernardin de Saint-Pierre, pour revenir à l’homme tel qu’il se montre à nous dans l’histoire et dans ses Mémoires. Je ne saurais certainement prétendre embrasser l’homme d’État ni l’administrateur des finances dans ce qu’il a de positif et de spécial ; ce sera assez si je parviens à saisir et à faire ressortir la forme générale de l’esprit et du mérite de Sully d’après l’ensemble des faits. […] Le père de Sully était de la religion réformée : homme de sens et de prudence, il prévit que, « si ces noces se faisaient à Paris, les livrées en seraient bien vermeilles ». […] On sent, au ton ferme qui règne dans ce tableau, un homme qui peut-être n’est pas très attaché à sa secte en tant que religion, mais qui est très attaché à sa cause, qui en ressent les parties morales, et qui, ainsi ancré par des raisons de justice et d’honneur, n’en démordra plus.

1739. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Gardez-vous bien, monsieur, de vous commettre avec cet homme en cette qualité ; vous vous feriez tort en lui faisant honneur. […] La Monnoye a cherché à expliquer comment un homme, après tout aussi instruit, avait pu commettre une telle balourdise, et comment il avait été conduit à prendre Moschus pour le titre d’une idylle dont L’Amour fugitif faisait partie. […] Mieux partagé que bien des hommes, il avait sa mauvaise et sa bonne folie. […] Un jour ce même Jean Rou, qui nous introduit si bien dans l’intimité du grand homme, comme il l’appelle rondement (on est toujours le grand homme de quelqu’un), Jean Rou passait à quatre heures du matin, au mois de mai, proche le quai des Quatre-Nations, devant la porte de Marolles33 ; il voit son domestique déjà habillé, debout, droit comme un cierge sur le seuil, et qui l’invite à monter chez son maître, lequel est, assure-t-il, encore plus matineux que lui. […] Tout homme laborieux a sa fonction et peut avoir son utilité, sa distinction propre.

1740. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Toutes ces parties se rejoignent : le miroir est comme brisé ou à facettes, mais chaque facette, chaque fragment nous présente bien le même homme. […] Treize années employées à une profession, même quand on ne s’y adonne pas de tout cœur, cela ne peut être indifférent dans la vie d’un homme comme lui, ni dans la vie d’aucun homme. […] Que l’homme demeure sous le comédien. […] J’envoie ce matin deux jurats avertir la Cour de Parlement de tant de bruits qui courent et des hommes évidemment suspects que nous savons y être. […] Il y a un beau mot de Mirabeau : « Tout homme de courage devient un homme public le jour des fléaux. » Montaigne, homme public, n’a pas fait ni senti qu’il devait faire ce qu’eût fait un Mirabeau et d’autres, qui, dans l’habitude, valaient moins que lui.

1741. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Honnête homme, homme sensible, vous avez beau faire, vos époques ne sont pas précisément les nôtres. […] On s’intéresse à la première communion d’un Chateaubriand, mais peu à celle de tout autre qui n’a été qu’un homme distingué ordinaire. […] Quand on a perdu, comme moi, sa queue dans la bataille, on a appris à apprécier les hommes et les choses. […] Quand, après la mort de Mme de Staël, je l’ai vu si éteint, j’aurais à peine pu croire que ce fût le même homme. […] Il n’est pas homme à lier lui-même toutes ses gerbes.

1742. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Ils ne relèvent que de l’intelligence, et l’intelligence est en l’homme ce qu’il y a de plus universel, de plus constant. […] Ici, la sensibilité intervient, et, sans différer entièrement d’homme à homme, elle est cependant ce qu’il y a en chacun de plus individuel. […] Ce qui est vrai pour la vie d’un homme l’est aussi pour la vie d’une nation. […] Qu’on me montre un seul grand homme dont la renommée n’ait point subi d’éclipse ! […] A lui de comprendre et d’expliquer pourquoi Scarron, le roi du burlesque, a mérité d’être le grand homme d’une petite époque.

1743. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Flourens ne s’est attaché dans Fontenelle qu’au grand esprit, nous reviendrons plus en arrière, et nous verrons ce qu’était d’abord tout l’homme. […] Or, dans Fontenelle, cette partie d’esprit pur et de bel esprit sans aucun reste de chaleur composa tout l’homme. […] Quand il causait, c’était cette épigramme qu’il semblait attendre toujours des autres et qu’il trouvait tout d’abord le plus souvent ; c’est l’homme dont on a cité le plus de jolis mots. […] Cette mort fut la seule douleur de sa longue vie, le seul accident qui trouva sa philosophie en défaut ; il fut homme un jour par ce côté. […] On voit que ce grand homme a été moulé à plaisir par la Nature… » M. 

1744. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Le 18 août 1916, le sous-lieutenant Rothstein tombait à la tête de ses hommes, frappé d’une balle au front.‌ […] Je suis reconnaissant aux chefs qui m’acceptent pour leur subordonné, aux hommes que je suis fier de commander, eux, les enfants d’un peuple vraiment élu. […] Elle m’aura fait un homme ; elle m’aura appris que je puis m’assurer toujours sur moi-même. […] Ne suppose pas que je fais des efforts d’intelligence pour voir les choses et les hommes à leur place dans le tout ; aucun vraiment. […] Pour les hommes, la souffrance physique seule comptait ; mais, comme officier, j’avais de pénibles journées.

1745. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

C’est bien Eschyle qu’on peut appeler le prophète du polythéisme, l’homme doué d’une seconde vue, sublime, énergique, terrible, et, avec les événements et les hommes de l’histoire, faisant apparaître les visions de son âme. […] Mais, puisque le sable des mers échappe au calcul, qui pourrait dénombrer combien de joies cet homme a données aux autres hommes ?  […] et contre quels hommes nous avais-tu menés combattre, des hommes qui luttent ensemble, non pour des richesses, mais pour la vertu !  […] « De nul homme vivant ils ne sont esclaves ni sujets. […] Toute une nombreuse génération d’hommes a péri.

1746. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Ne savait-on pas que les hommes sont fragiles, que le monde est contagieux, que les gens faibles ne peuvent se conserver qu’en fuyant les occasions ? […] Elle a bien raison de ne chercher plus rien dans les hommes, ayant trouvé Dieu, et de faire le sacrifice de ses meilleurs amis. […] madame, qu’attendiez-vous des hommes ? […] Le remède, à ses yeux, est donc de sortir de soi pour trouver la paix, et de s’élever par le cœur et par la prière, de se plonger et de se perdre autant qu’on le peut dans la pensée de l’Être infini, de l’Être paternel, aimant et bon, et toujours présent ; d’obtenir, s’il est possible, que sa volonté se substitue en nous à la nôtre : Alors on goûte la vraie paix réservée aux hommes de bonne volonté… ; alors les hommes ne peuvent plus rien sur nous, car ils ne peuvent plus nous prendre par nos désirs ni par nos craintes ; alors nous voulons tout et nous ne voulons rien. […] Les écrivains dits spirituels et mystiques, à force de sentir cette condition de l’homme souffrant, dénué et orphelin, qui n’a pas cessé d’être dans un rapport intime avec un Dieu aussi tendre et aussi miséricordieux que puissant, ont eu des paroles qui semblent annoncer une exaltation excessive et une certaine ivresse.

1747. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Autour du char se groupent des hommes armés d’instruments de moissonneurs, et des femmes au tablier gonflé d’épis. […] Il est intéressant de voir cette lutte des deux natures, et cette résistance de l’homme du Nord, déjà devenu si Italien, à le devenir davantage. […] Qu’il les termine enfin à son honneur, et alors sa saison d’Italie, sa période de lutte, d’illusion, de jeunesse et de conquête sera close : l’homme du Nord, l’homme de famille reparaîtra et se donnera une satisfaction trop différée ; il s’en retournera volontiers vivre dans ses montagnes avec son frère et ses sœurs : il y découvrira une Suisse pittoresque peut-être ; il s’y nourrira d’affections paisibles. […] Ce qui frappe et touche dans la peinture est un caractère d’énergie, de force dans les hommes, et de sensibilité, de douceur dans les femmes. […] Le moyen de trouver dans un homme avili ce qui est nécessaire pour plaire et attirer !

1748. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Taine déduit tout l’homme et toute son œuvre. […] Taine est hors de cause ; mais seulement, quand on voit un homme aussi respectable que M.  […] La plupart des hommes ne cherchent à concevoir, connaître, ou travailler d’une manière quelconque leur intelligence que pour la produire au dehors. […] J’observe que les hommes ainsi disposés sont tous plus ou moins forts ou vifs, qu’ils ont de bonne heure contracté l’habitude d’exercer l’art de la parole et qu’ils sont aussi peu méditatifs. Je me trouve contraster avec ces hommes par une sorte de faiblesse naturelle.

1749. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Buffon, dans un admirable récit philosophique, a supposé le premier homme s’éveillant à la vie et rendant compte de ses premiers mouvements, de ses premières sensations, de ses premiers jugements. […] — C’est alors que le vrai miracle commence : une voix se fait entendre dans les airs annonçant distinctement le fils de l’homme. […] Son parler était simple et doux, et pourtant profond et sublime ; sans étonner l’oreille, il nourrissait l’âme : c’était du lait pour les enfants et du pain pour les hommes. […] Un homme d’esprit dont j’entretenais assez récemment nos lecteurs, l’auteur de la Littérature française à l’étranger, M.  […] » — « Non. » — Comment peut-on être homme, avoir vingt-cinq ans et ne pas connaître Rousseau ? 

1750. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il volerait comme le papillon, par curiosité, sur toutes les plus grandes matières, et il ne se rendrait jamais homme d’affaire. […] Il y avait déjà du temps alors qu’il entrait dans tous les Conseils où, tout grand qu’il fût, il avait éprouvé les horreurs des cabales et des calomnies qu’éprouvent aussi les autres hommes. […] Je le suppose sur le trône et vivant son cours de nature : vingt ans s’écoulent ; la génération dont est Diderot s’élève et grandit, et l’on est en présence de cette armée de jeunes savants désœuvrés et travailleurs, qui, à chaque recommandation, à chaque sommation de se disperser et de se ranger, répondent et s’écrient par la bouche ardente de leur chef : « Je ne veux rien être dans la société ; je ne veux être ni homme en place, ni médecin, ni homme de loi… je ne veux être que le serviteur et l’artisan de l’intelligence humaine !  […] On lui reprochait seulement la mollesse, l’indécision ; il se reproche la hauteur et l’orgueil… Il se reproche le mépris des hommes. […]  » « Ainsi, dans cet aimable prince, l’un des meilleurs hommes du temps, se trahit l’incurable vieillesse d’un monde qui va finir… » Je reprends ma pensée.

1751. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

J’ai eu entre les mains, sous le titre de Première Babylone, un poëme tout à fait bizarre, par un homme de cœur, M. […] Plus récemment, j’ai hésité à parler de la Cité des Hommes, poëme incomplet, par un homme de talent, M. […] » A-t-on droit de transfigurer ainsi à bout portant les hommes historiques en symbole ? […] Brutus, homme de bien ; César, âme du monde : il en est le lien. […] Royer-Collard de ce même César par opposition à Napoléon : « César était un homme comme il faut.

1752. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Il se vit alors une contradiction singulière et piquante : les hommes les plus épris des merveilles de ce siècle de Louis le Grand et qui allaient jusqu’à sacrifier tous les anciens aux modernes, ces hommes dont Perrault était le chef, tendaient à exalter et à consacrer ceux-là mêmes qu’ils rencontraient pour contradicteurs les plus ardents et pour adversaires. Boileau vengeait et soutenait avec colère les anciens contre Perrault qui préconisait les modernes, c’est-à-dire Corneille, Molière, Pascal, et les hommes éminents de son siècle, y compris Boileau l’un des premiers. […] Le xviiie  siècle jusque dans son mélange, par quelques beaux ouvrages dus à ses quatre grands hommes, ajouta à cette idée. […] C’est un homme à part ; ses pièces touchent au tragique, et personne n’a le courage de chercher à les imiter. […] C’est alors que ce mot de classique prend son vrai sens, et qu’il se définit pour tout homme de goût par un choix de prédilection et irrésistible.

1753. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

La profonde philosophie chrétienne avait depuis longtemps avec saint Paul distingué l’homme extérieur et l’homme intérieur, le vieil homme et l’homme nouveau, la chair et l’esprit ; mais cette distinction mystique et morale n’avait point pénétré en métaphysique. […] De là, par exemple, cette représentation tout imaginative de l’âme, qui nous la montre dans le corps « comme un pilote dans son navire », selon l’expression d’Aristote, et en dehors de Dieu comme un homme est en dehors de sa maison, — de là cette idée de substance suivant laquelle l’âme serait une espèce de bloc solide, revêtu de ses attributs comme un homme de son manteau. […] C’est à ce titre qu’il est permis de dire avec Pascal que l’homme est à lui-même « un monstre, un prodige incompréhensible », car il unit les contradictoires, non-seulement dans sa vie et dans ses attributs, mais dans son fond même, et il peut, selon le côté par lequel il se regarde, se confondre avec l’infini ou se perdre dans la poussière de ses propres phénomènes. […] Vous pouvez peser l’homme physique et le comparer avec les poids des autres choses matérielles, vous pouvez mesurer l’espace qu’il occupe, vous pouvez mesurer sa durée, vous pouvez sinon mesurer, du moins évaluer le mérite intellectuel ou moral des différents hommes ; mais, si vous pénétrez plus avant encore, si vous plongez jusqu’à l’être même, que trouverez-vous ? […] Combien d’être y a-t-il dans l’homme ?

1754. (1887) La banqueroute du naturalisme

Mais il faudrait d’abord pour cela qu’ils fussent des hommes, et ce n’en sont point, ni même des brutes, mais seulement des mannequins. […] Pour être paysan, on n’en est pas moins homme, et pour être homme, ce que j’ose assurer, c’est qu’il faut commencer par différer beaucoup des héros de M.  […] Ils ont cru que l’égalité des hommes dans la souffrance et dans la mort donnait à tous un droit égal à l’attention de tous. […] étudier l’homme tel qu’il est, non plus leur pantin métaphysique, mais l’homme physique, déterminé par le milieu, agissant sous le jeu de tous ses organes… N’est-ce pas une farce que cette étude continue et exclusive de la fonction du cerveau ?.. […] Car, ces jurons ou ces blasphèmes, si l’homme du peuple les profère avec cette regrettable facilité, c’est qu’ils ne sont pour lui qu’on signe ou qu’une traduction habituelle de ses émotions.

1755. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Il s’en faut, encore ici, que tous les directeurs de ces divers mouvements aient droit de figurer dans une histoire littéraire : elle ne doit tenir compte que de quelques hommes, qui ne sont pas toujours les plus grands par la pensée ou les actes. […] Dans le grand nombre des orateurs et des hommes d’État qui soutinrent à la tribune les croyances ou les intérêts de leurs partis844, il faut distinguer trois hommes, comme représentant les formes supérieures de l’éloquence politique : Thiers, Jules Favre et Gambetta. […] Par sa politique et par sa chute, l’empire fournit à Thiers la plus belle situation que jamais homme d’Etat puisse rêver : celle où tous les intérêts personnels coïncident avec le bien public et le devoir patriotique, celle où il suffit de s’oublier pour s’élever, de penser à soi pour bien mériter de tous. […] Il y a là une abondante matière de grande éloquence, si les hommes se rencontrent : et quelques expériences récentes nous invitent à douter que, chez nous, le dégoût du développement oratoire soit profond et définitif. […] Je ne vois qu’un homme à signaler, qui vraiment a fait de la conférence autre chose qu’un discours ou une lecture, et s’y est créé une forme originale de parole.

1756. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Les vrais hommes nouveaux eurent en aversion cet antique lieu sacré. […] Les hommes célèbres du Talmud ne sont pas des prêtres ; ce sont des savants selon les idées du temps. […] Cet homme, qui paraît avoir été honnête et de bonne foi, se sentit attiré vers le jeune Galiléen. […] Jésus prétend que tout homme de bonne volonté, tout homme qui l’accueille et l’aime, est fils d’Abraham 633. […] Il proclame les droits de l’homme, non les droits du juif ; la religion de l’homme, non la religion du juif ; la délivrance de l’homme, non la délivrance du juif 634.

1757. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

La civilisation, la vie, sachons-le bien, est chose apprise et inventée, perfectionnée à la sueur du front de bien des générations, et à l’aid’une succession d’hommes de génie, suivis eux-mêmes et assistés d’une infinité d’hommes de goût. […] Les hommes, après quelques années de paix, oublient trop cette vérité ; ils arrivent à croire que la culture est chose innée, qu’elle est pour l’homme la même chose que la nature. […] » disait un homme d’esprit ironique. Je suis persuadé que cet homme d’esprit avait tort, qu’il disait une chose piquante et fausse. […] La vie publique nous envahit ; des centaines d’hommes politiques arrivent chaque année des départements avec des qualités plus ou moins spéciales et des intentions que je crois excellentes, mais avec un langage et un accent plus ou moins mélangés.

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