L’esprit français, dans les monuments que je viens d’apprécier, c’est l’esprit humain sous la forme française ; il restait à le voir avec sa propre physionomie, non plus à la recherche d’un idéal littéraire, mais se prenant lui-même pour sujet unique de son étude. […] Sensibilité vive, mais passagère et sans vapeurs ; raison nourrie sans être profonde, n’enfonçant guère dans les choses, mais parfois, et de la première vue, en découvrant le fond ; gaieté, sans rien d’éventé ; une douce mélancolie qui se forme et se dissipe au moment où elle s’exprime ; pas de vieillesse, sans la prétention de ne pas vieillir ; beaucoup de mobilité, avec le lest d’un grand sens qui écarte de la conduite l’imagination et les caprices ; du goût pour les gens en disgrâce, mais sans rancune contre les puissants ; une pointe d’opposition, comme chez tous les frondeurs pardonnés qui n’osaient ni se plaindre ni regretter, et qui se ménageaient pour un retour de fortune ; le cœur de la meilleure mère qui fut jamais, quoi qu’on en ait dit, capable d’amitiés persévérantes, et qui craignit l’amour plutôt qu’elle ne l’ignora ; tels sont les principaux traits de ce caractère, où le solide se fait sentir sous l’aimable, et où l’aimable n’est jamais banal. […] Donnez-lui Trajan, Nerva, et « ces heureux temps, dit-il, où l’on peut penser ce que l’on veut et dire ce que l’on pense189 », il ne regrettera pas une forme de gouvernement qui n’a pas su durer. […] Le hasard du sujet, non le propos de l’auteur, a donné une forme plus régulière au récit de la mort de Monseigneur, le plus beau morceau peut-être de ces Mémoires.
C’est en « se détournant du monde qui l’entourait » que Wagner conçut Lohengrin, — en travaillant à la partition, « il se sentait comme dans un oasis au milieu du désert », — notre « théâtre moderne n’existait plus pour lui » (IV, 366 et 379), — l’idée de Bayreuth prenait forme (Tappert, Biogr. ; 83, lettre du 31 août 1847) ; et, cependant, Lohengrin était destiné au théâtre moderne, et son succès était souhaité (IV, 370). […] L’invention mélodique dans Lohengrin est, en grande partie, celle de la mélodie absolue (III, 311 ; IV, 212), se rapprochant de la mélodie italienne et contraire au principe du motif musical dramatique ; ces formes peuvent se produire comme épisodes, — tels le chant d’amour de Siegmund, les adieux de Wotan, — elles ne sauraient servir de charpente à une construction symphonique, Wagner l’a démontré. […] Comme dans la mélodie italienne, il a reconnu là « cette forme indigente et presque enfantine de l’art, dont les étroites limites condamnent le compositeur de génie lui-même, qui embrasse cet art, à une immobilité absolue ». De même qu’il veut que le récitatif ait « une signification rythmique et mélodique et se relie d’une façon insensible à l’édifice plus vaste de la mélodie proprement dite », de même qu’il entend que la musique dramatique forme « un tout vaste et continu, empreint d’un style égal et pur », de même il s’efforce de ne point distinguer entre le chant et l’accompagnement, de ne pas avoir des formules spéciales pour l’un et des formules spéciales pour l’autre, et de les fondre ensemble de telle sorte que l’orchestre soit relevé « de la position subalterne » où il était réduit à jouer le rôle d’« une monstrueuse guitare ».
Ce Saint Gral, qui forme le centre du drame de Parsifal, en ce sens qu’il est l’objet de toutes les adorations et de toutes les convoitises et qu’il symbolise une puissance mystérieuse, est donc poétiquement identique à l’Or du Rhin, lequel dans le Ring joue le même rôle. […] Bl., 1878, 100), et le sommeil de Kundry, d’où elle se réveille sans force, est analogue à celui de Brunnhilde ; Klingsor, qui se mutile pour s’approcher du Gral et qui devient ainsi la cause efficiente du drame, est évidemment conçu d’après le prototype Alberich, qui « maudit l’amour » pour se saisir de l’Or du Rhin … Connaissant cette intention, on pourrait poursuivre ces analogies sans crainte d’aller trop loin : la lance, par exemple, qui a donné tant de mal aux savants critiques, parce qu’ils ne la retrouvaient pas (sous cette forme) dans les poèmes qui racontent les légendes de Parsifal et du Gral, cette lance que Parsifal conquiert par la chasteté on l’aurait trouvée, si on avait songé à la « sainte lance » de Wotan, taillée dans le bois de « l’arbre du monde » … Nous expliquerons la raison de cette intention poétique ; pour le moment, il nous suffît d’avoir établi par quelques indications précises, l’existence dans Parsifal d’une parenté, ou antithèse, voulue avec le Ring39. […] Deux âmes49 seulement exprimées ; deux âmes concevant toutes antres vivantes formes ; deux âmes uniques personnages de ce drame et le vivant ; et deux âmes qui ne sont que deux façons d’une âme, les deux sexualités, les deux modes de l’âme aimante ; une âme donc, évoquée. […] C’est ; d’abord50, une entrée à quelque monde, lointain, de nouvelles réalités, et c’est le confus emmêlement de vies religieuses, lointaines, comme en l’attente de leur forme … Alors le Pur et Folax une âme pure, où entre la vie d’une vie très exaltée, et d’une vie très concupiscente, très adorante, l’éternel languir, le souffrir et le jouir éternel de l’âme, et la vie de fornication, — la vie luxurieuse et mystique, — jusque le surgissement, en lent exhaussement, triomphal, de la vie voulue.
Les messieurs Thabaud étant plusieurs frères, chacun d’eux avait pris, selon l’usage de l’Ancien Régime, un surnom de forme nobiliaire pour se distinguer des autres ; le père d’Hyacinthe avait surnom de Latouche. […] M. de Latouche fut des premiers ; il fit plus, il composa en secret un petit roman qu’il fit paraître sous le titre d’Olivier (1826), sans nom d’auteur, et dans une forme d’impression exactement la même que celle des autres romans de Mme de Duras. […] Voici un trait qui le peint, et sous sa forme la plus innocente et la plus légère. […] On entrait dans ce jeu, et de près on l’applaudissait sous cette forme avec faveur ; mais il avait trop d’esprit pour ne pas sentir que ce n’étaient là que des complaisances mêlées d’estime, et que tous ces éloges mis ensemble ne composaient pas une renommée.
Eh bien, qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse d’un dessin une fois fait : il n’y a qu’à le donner. » Puis il nous parle du théâtre, de ses idées contre l’illusion scénique en faveur du tréteau, déclarant qu’il n’admire que deux pièces : Les Précieuses ridicules et Le Bourgeois gentilhomme, parce que ce sont des leçons de philosophie sous la forme la plus tangible, sous la forme la plus parade, — et s’interrompant : « Avez-vous jamais regardé attentivement non le théâtre, mais la salle ? […] Un corps de fillette étudié d’un bout à l’autre dans la beauté de la jeune fille plus en bouton qu’en fleur, à l’heure des promesses physiques qui éclosent, à l’heure où la forme de la femme dans son accomplissement, garde encore un peu des élancements et des maigreurs adorables de la jeune fille. […] Un antre noir, bondé de débris de voitures, de harnais pourris, de poêles de fonte, de faïences égueulées, de détritus d’uniformes, au milieu desquels va et vient le ferrailleur, un tout petit bossu, au gros nez sensuel, aux yeux coquins, et perpétuellement souriant dans sa blouse bleue, sous son chapeau noir à haute forme.
L’Église catholique n’est point une république où l’on recueille les avis des citoyens, et où l’opinion générale se forme par le débat contradictoire des opinions particulières, où l’on peut arriver à persuader le corps tout entier en persuadant successivement chacun de ses membres. […] Les quatre grands systèmes dans lesquels se résument tous les autres se rencontrent aux débuts de la philosophie, et se reproduisent dans tout le cours de son histoire, toujours les mêmes au fond, quelle que soit la variété des développements et le plus ou moins de perfection de la forme. […] Littré dans un langage qui rappelle même pour la forme la page que nous venons de citer, est absolument inaccessible à l’esprit humain ; mais inaccessible ne veut pas dire nul ou non existant. […] La religion, une fois acceptée pour vraie, peut prendre la forme scientifique ; mais il en est de même de toute philosophie.
C’est que, pour l’esprit, on ne peint pas seulement avec des mots qui expriment des accidents de couleur et de forme, mais avec des analogies qui remuent des mondes ! […] » Tout cela est joli et fringant, et sous le rapport de la forme, ne peut être remplacé par les phrases solennellement plates de M. […] Mais à part la forme, et pour qui comprend le français, ces phrases aplaties et sans dents n’expriment-elles pas ce qu’exprime le cardinal de Retz d’une dent si mordante et si superbe : c’est que cette duchesse de Chevreuse était radicalement médiocre de tête et de cœur ! […] Cousin ne s’adressent pas qu’à des tombes chaque jour plus enfoncées et moins visibles dans la poussière du passé, mais à des choses plus contemporaines… Sous leur forme presque religieuse et si soudainement éjaculatoire, ces solennels adieux s’adressent aussi à la tribune, au Conseil d’État et à tout ce monde parlementaire que M.
III Et d’abord, son livre, dont la forme n’est pas nouvelle, atteste, jusque par sa forme, à quel point M. […] Renan, dont une femme d’esprit disait : « Dieu s’est vengé de lui par avance, en lui donnant sa figure », mais, comme les pages, il porte les queues… Cette fois, c’est celle de Platon, dans la forme extérieure de son livre, en attendant qu’il porte celle de bien d’autres dans le courant de ce même livre, répétition d’idées connues, mais qu’il renouvelle, çà et là, par une hardiesse d’absurdité ineffablement supérieure. […] Renan avait exprimé dans ses écrits bien des pensées odieuses, mais cet homme d’art, qui veut être savant, à toute force, comme Ingres voulait jouer du violon, avait eu soin toujours, pour voiler l’odieux de ses pensées, de leur donner une forme qui ne manquait pas d’agrément, et c’était même ce mélange d’odieux et d’agréable qui faisait sa spécialité.
L’énergie, le corps, la motte de terre, le sexe, la matière sous toutes ses formes, l’homme primitif, les animaux reprennent vie sous son regard obstiné. […] Certaines de ses créations, même parmi les plus robustes d’aspect, donnent l’impression d’un « plaqué » sur la vie, sortant assurément de la main d’un puissant ouvrier, plutôt que l’impression de la vie elle-même, dans la richesse de ses couleurs et l’infinie variété de ses formes L’intime vérité de la nature nous donne une autre sensation, à la fois plus simple et plus variée. […] Prendre un coin de vie et en cataloguer chaque détail, y placer une personne vivante et décrire chaque spectacle, chaque odeur et chaque son autour d’elle, quoique cette personne puisse être absolument inconsciente de ces spectacles, de ces odeurs et de ces sons, — ceci réduit à la plus simple forme, est la recette pour faire un « roman expérimental ». […] La vie ne venait à lui que sous la forme des spectacles, des sons, des odeurs qui atteignaient les fenêtres de sa mansarde.
Homogénéité et hétérogénéité Nous n’avons jusqu’ici pris en considération, pour classer les formes des sociétés et expliquer le caractère égalitaire de quelques-unes d’entre elles, que la quantité de leurs éléments ; ce n’est nullement à dire que nous déprécions a priori l’importance de leur qualité. […] Mais les formes sociales s’impliquent. […] Quelle singulière bigarrure de toutes les statures, de toutes les couleurs de cheveux, de toutes les formes de crânes devaient, offrir ces armées de l’Empire où les Hongrois fraternisaient avec les Espagnols, les Syriens avec les Francs, les Slavons avec les Bretons ? […] Par là s’explique ce fait que dans les sociétés « métisses », tandis que les races anciennes disparaissent, il ne se forme pas, à vrai dire, de races nouvelles.
Ce ne fut qu’au bout de quelques siecles qu’on vit éclore un Roman aussi régulier dans sa forme qu’intéressant par ses détails. […] On y montre des châteaux qu’elle a bâtis, & où elle daigne reparoître de temps à autre sous différentes formes. […] On le met en pendant avec le Roman Comique ; mais c’est comme on y met certains tableaux, uniquement parcequ’ils sont de la même forme au défaut d’être de la même main. […] On a peint le Prothée des anciens occupé à prendre mille formes différentes pour échapper à ceux qui le poursuivoient ; la raison n’est que trop souvent réduite à ces métamorphoses, pour s’approcher de ceux qui la fuient.
Et si la littérature a fini par secouer le joug de toutes ces influences qui semblaient conjurées contre elle pour l’empêcher de devenir purement française, elle le doit à de tout autres causes, dont la première et la plus importante a été le réveil de l’idée chrétienne sous la forme de l’idée janséniste. […] Et ils croyaient enfin que le moyen le plus sûr d’atteindre ce but, ou, — si l’on me permet cette expression un peu pédantesque, — de dégager cette « fin » de ce « principe », était le perpétuel souci de la forme ou du style. […] C’est comme s’il disait que le fond n’est rien, dans l’œuvre d’art, c’est la forme qui est tout ; et, tout le monde admettant d’ailleurs que les Grecs et surtout les Latins sont à peine des étrangers pour nous, mais plutôt des ancêtres, c’est d’abord en se libérant, par l’originalité de la forme, de toute influence étrangère, que la littérature devient véritablement nationale. […] Et puisque d’un côté les hautes spéculations les effarouchent, que les grandes passions leur font plutôt peur, on s’ingénie à les leur présenter sous une forme qui les amuse ; mais elles, à leur tour, achèvent d’épurer la langue de tout pédantisme, et la pensée même de l’espèce d’orgueil dont elle se nourrit dans sa solitude. […] VII, p. 172] ; — et comment enfin la forme de son imagination se change eu une fureur d’inventer, d’innover, et de compliquer sans raisons. — C’est pour cela qu’« il charge maintenant ses sujets de matière » ; — qu’après voir expulsé l’amour, il l’y réintroduit, sous les espèces de la galanterie la plus froide [Cf.
Parfois même ces considérations revêtent une forme poétique dont la séduction est enchanteresse. […] Il a beau s’écrier qu’on exige d’un livre qu’il forme un tout, qu’Eritis est un tout, qu’aucun connaisseur ne le niera. […] Se rapprocher d’elle, se dévouer à elle, il ne forme pas d’autre vœu. […] Freytag sa couleur ; c’est la poésie qui forme le fond des caractères et des récits. […] Israël forme un monde dans l’œuvre de M.
De ce minuscule ouvrage de poésies, souvent volontairement risquées et vraiment peu recommandables dans les couvents et dans les lycées, j’extrais une pièce qui m’a paru charmante de grâce et de forme ; elle est écrite sans prétention et rappelle par certains côtés la délicate manière de Murger et de Thiboust : Le Chat botté… Pas de nom d’auteur !
Les principales sont celles de l’Histoire Ecclésiastique d’Eusebe, de Socrate, de Sofomene, de Théodoret, & de celle de l’Histoire Bisantine, qui forme seule neuf volumes in-4°.
Si, laissant le fond, nous examinons l’art et la forme chez les deux poëtes, nous les trouvons également habiles, composant chacun leur œuvre avec une gradation savante, consommés aux procédés techniques et aux détails précieux. […] Barbier, selon nous, a eu presque toujours présent à l’esprit ce sentiment élevé de la mission dont il s’est fait le poétique organe, et c’est un mérite que ne lui ont pas assez attribué beaucoup des admirateurs de sa forme et de ses tableaux.
Mélandryon répond : « Il ne faut jamais expliquer des symboles, il ne faut jamais les pénétrer… Il ne faut pas déchirer les formes, car elles ne cachent que l’Invisible. » Elles, le cachent, mais alors elles en donnent l’équivalent. […] Mais il nous paraît d’une forme plus amusante, plus personnelle et plus réussie que ses recueils de vers.
» Bientôt, dans sa hardie révolte contre la nature, il devait aller plus loin encore, et nous le verrons foulant aux pieds tout ce qui est de l’homme, le sang, l’amour, la patrie, ne garder d’âme et de cœur que pour l’idée qui se présentait à lui comme la forme absolue du bien et du vrai. […] Le « Livre d’Hénoch » forme encore une partie intégrante de la Bible éthiopienne.
Comment anéantir des formes qui ne sont point notre ouvrage & qui sont le résultat nécessaire de mille combinaisons faites sans nous ? […] Fidele à ses engagemens, malgré toutes les réactions, il s'est persévéramment tenu renfermé dans les formes intellectuelles & les forces combinées de son style, & s'est élevé même au dessus du niveau de son immense génie, dans son Essai sur le caractere, les mœurs, & l'esprit des Femmes.
Le sujet, si mince, prend tout de suite de l’agrément, et en quelque sorte un intérêt de curiosité, par l’idée de donner aux discours des personnages la forme et le ton des charlatans de la foire. […] Rien ne forme autant le goût que la comparaison entre deux grands écrivains dont la manière est différente.
Quitard est un antiquaire à sa façon, — un antiquaire non plastique, mais verbal, — qui fait des fouilles, non dans la vile argile, mais dans l’histoire et la langue, — et encore non dans l’histoire écrite, mais dans l’histoire orale, dans la tradition par toute voie, — pour nous déterrer ces apophtegmes, ces aphorismes, ces axiomes de morale universelle qui valent mieux, à coup sûr, que des médailles de bronze, des vases étrusques, des torses de Vénus cassés ; car la plastique ne vient qu’après l’histoire, si vous voulez bien le permettre, et la forme n’emporte le fond que pour… Brid’oison ! […] III Et cette objection que je commence par faire à Quitard, je ne la lui ferais pas si je l’estimais moins, si je n’éprouvais pas une sérieuse considération et une grande estime pour un homme qui, tout philologue qu’il puisse être, ne s’est pas laissé dévorer par le travail rongeur des mots, et a bien moins songé — tout en chassant aux proverbes et aux locutions proverbiales à travers les langues et les littératures — à nous donner des curiosités de formes littéraires qu’à construire une histoire de mœurs par l’expression, chose délicate et difficile !
Seulement, il fallait trouver une autre personnalité pour opposer à l’idéalisme dépassé, et ça été le posivitisme, qui n’est que la forme, maintenant à la mode, du matérialisme éternel. […] Stuart Mill, qu’il a cherché pour cette notice une forme qui lui donnât ce qu’elle n’avait point, — de l’agrément et de la vie.
Elles n’avaient jamais eu qu’une visée, et n’avaient poursuivi, sous des formes diverses modifiées par le temps et par les circonstances, que l’éternel but de tous les pouvoirs dignes de ce nom. […] Enfin, il aurait peut-être prouvé ce que nous disions tout à l’heure sur les formes diverses qu’a revêtues souvent en France une politique unitaire : c’est que, bon pour pacifier le pays, l’Édit de Nantes, qui avait rapproché deux partis sans les fondre, présentait des inconvénients et des dangers alors que, défatigués des événements qui avaient longtemps pesé sur eux, ils se retrouvaient avec leurs vieilles haines augmentées de prétentions nouvelles… Si, après un tel examen, l’écrivain qui l’aurait tenté eût condamné comme une faute radicale, une faute politique et à tout point de vue, la révocation de l’Édit de Nantes, personne, du moins parmi ceux qui ont le sentiment de la dignité de l’Histoire, ne l’eût accusé de superficialité ou de mauvaise foi.
Si aujourd’hui, par impossible, les atroces Tartuffes qui veulent la mort du Christianisme par l’appauvrissement de la Papauté, et les imbéciles, plus nombreux encore, qui croient que pour la gloire et le renouvellement de la Papauté, avilie, selon eux, dans le pouvoir et les richesses, il faudrait la jeter vivante à la voirie des grands chemins et qu’elle allât tendre sa tiare à l’aumône comme Bélisaire y tendait son casque, avaient une vue juste de la réalité, le sou que la Chrétienté y ferait pleuvoir de toutes parts serait l’atome constitutif d’un pouvoir temporel nouveau, qui — le monde étant différent de ce qu’il était il y a dix-huit siècles — ne se développerait pas comme la première fois, mais trouverait une autre forme de développement. […] Honorable et rare caractère, du reste, et qui suffit à un esprit courageux, indifférent au succès, et qui ne l’a visé ni par le fond de son livre, impopulaire à cette heure, ni par sa forme rassise, qu’il n’affecte pas, mais que naturellement il possède.
Les sentiments et les sensations de ses lettres, exprimés avec la magie d’une forme très personnelle, sont infiniment au-dessus des jugements qu’on y trouve, et puisque ces lettres sont une histoire littéraire du temps où leur auteur vivait, il faut se demander, pour avoir une idée de son coup d’œil, ce qu’il a vu dans le xixe siècle à mesure qu’il se déroulait devant lui. […] Mais, pour commencer par les géants de ce temps-là, comment a-t-il traité, lui, le littérateur qui se connaissait autant à la forme qu’à la pensée, comment a-t-il traité de Maistre et Bonald, les deux plus forts esprits du siècle certainement ?
C’est là une grande raison, il semble, pour que la vérité, qui ne change point, la vérité immortelle, ne se croie pas obligée, devant les insolentes exigences de l’esprit humain, de revêtir des formes nouvelles qui la feraient mieux accepter de ce Balthazar ennuyé à la dernière heure de son orgie. […] Pour qui sait voir, on retrouve la rage contre l’infâme de Voltaire, concentrée sous les formes pédantesques du Dr Strauss.
Je le tiens aussi pour l’auteur de ce livre, signé « Vacquerie », parce que ce livre est le plus ingénieux moyen qu’ait pu inventer une vanité aussi vaste, aussi profonde et probablement aussi blasée sur toutes les formes de l’admiration que doit l’être celle de Hugo, pour se donner la sensation dernière d’un coup d’encensoir qu’il puisse sentir encore, après en avoir tant recul II fallait, par Dieu ! […] Et comme c’est aussi Hugo par la forme : l’H de son nom !
Ronsardistes de la queue et de la dernière heure, qui n’ont gardé de l’influence première et créatrice qu’un matérialisme puéril ou morbide dans la forme, et dans le fond qu’un misérable paganisme sans sincérité. […] Poète-phénomène que ce Ronsard, dont la poésie jaillit avant que la langue, qui se forme lentement, fût formée, et qui, avant la lettre, créa la lettre, — la lettre de cette langue qu’à la distance d’une seule génération parla Mathurin Régnier, plus correcte alors et plus ferme, mais bien moins juvénilement inspirée !
En 1632, Châteauneuf, autre garde des sceaux, est mis en prison sans forme de procès. […] On assure que le même homme fit demander au pape, sous le nom du roi, un bref pour faire mourir qui il voudrait dans les prisons, sans charge de conscience et sans forme de procès ; comme s’il y avait une puissance qui pût affranchir des lois de la nature et de l’humanité ; comme si un bref pouvait autoriser des assassinats.
Lui-même cultivait parfois, sous la forme la plus sévère, cet art poétique dont il a donné les lois. […] C’était une nouvelle forme de la poésie lyrique, l’élan réfléchi de l’âme, la force morale sans enthousiasme apparent, mais contenue et invincible devant l’erreur et les menaces du monde.
L’Ode à sire Aymon forme un petit tableau réaliste où tous les détails sont rendus avec soin et habileté. […] Cela forme des contrastes qui surprennent, non sans quelque agrément. […] On voit, dans ses œuvres, des parties naissantes, et à demi animées, d’un corps qui se forme, et qui se fait, mais qui n’a gardé d’être achevé. […] Le romantisme a repris ce genre sous une autre forme, mais trop lourdement, ou, peut-être, trop légèrement. […] Quand on dit d’un versificateur : sa forme est parfaite, il y a, certes, confusion.
Le mouvement de la France vers la Russie a des formes et des causes complexes. […] La forme est d’ordinaire si plate et ennuyeuse que, lorsqu’elle devient ridicule, je me réjouis comme d’une bonne fortune. […] Mais, quand elle exprime la passion, son mouvement heurté devient naturel et parfois on ne songe plus au ridicule de la forme parce qu’on est ému. […] Le reste du livre est insignifiant ; la forme même n’est soignée qu’au début et à la fin. […] Vague fantôme littéraire, il prend tantôt la forme de l’un, tantôt la forme de l’autre, parce qu’il n’a point de forme à lui.
La forme générale de cette tête de philosophe au front fuyant n’est pas ridicule, mais il n’y en a pas de moins imposante ni de moins fière. […] Mais comment et dans quelle forme ? — Dans la forme la plus insupportable pour eut qu’il sera possible de rencontrer. […] J’ai l’archaïsme de croire que le corps humain est une forme symboliquement divine et qu’il doit être respecté. […] On en est maintenant à la haine nationale de l’armée et de toutes les formes imaginables de la force publique.
Quant à la forme de ce nouvel écrit, elle est autre, à certains égards et différente. […] Ce rôle est très bien supporté maintenant ; depuis quinze ans, notre théâtre est revenu absolument à la formule brutale et crue de Molière ; nous ne sommes plus déshabitués de cette forme brutale et crue. […] Armande Béjart, qu’il a épousée, est née sous ses yeux, il l’a vue grandir, elle a été formée par lui ; c’est précisément ainsi qu’Arnolphe forme, pétrit, élève Agnès pour en faire sa femme. […] Il me semble qu’il l’a peint deux fois, une autre fois et sous une autre forme dans Orgon, du Tartuffe. […] Pas autre chose qu’une forme de l’amour de soi-même.
La forme est trop souvent lâchée dans ces improvisations rapides, mais on y sent battre un cœur chaud.
Ce Dictionnaire, à force de Supplémens, forme aujourd’hui dix volumes in-folio.
Toutefois, comme il y avait, çà et là, dans ces recueils, certains fragments dont la pensée ou la forme me semblait moins condamnable que le reste, je crus pouvoir, sans excès de faiblesse, les sauver du désastre. […] Hugo, toute une série d’œuvres puissantes, hardies, paradoxales, neuves par la pensée et par la forme, qui élèveraient la passion jusqu’au lyrisme ou la feraient lutter corps à corps contre les lois de la vie sociale. […] Mais je vois passer près de moi Comme une forme impure ! […] Elles sont remplies de choses magnifiques, cristallisations, stalactites, arabesques, simulacres de jaspe et de porphyre, formes splendides imitant, à s’y méprendre, des palais et des statues, des arbres et des figures humaines. […] — Et cet artiste qui essaye de donner une forme à sa pensée, que lui dit-on si ses premières ébauches trahissent un germe de talent, une étincelle du feu sacré ?
La mort qui nous assiège et nous déjoue sous toutes les formes s’est chargée, en sa personne, de nous rappeler une fois de plus le néant des efforts et des projets humains, là même où ils semblaient les plus modestes, les mieux soutenus et les plus sagement concertés. […] Rien n’y éclate : le sentiment sous forme voilée est partout présent, comme dans ces tièdes matinées où une brume légère, qui n’est pas un nuage, dissimule pourtant le soleil. […] Ponsard avait vu la Grèce, il aurait su que le mot de brutalité n’existe que pour le cyclope dans le monde d’Homère, et qu’un pareil terme jure et crie, appliqué à ces beaux génies harmonieux qui, même sous leur forme primitive, sont tout le contraire du barbare. […] Chargé d’abord d’une Conférence de français à l’École normale, ce qui lui était un cadre un peu neuf, il dut y refaire quelque apprentissage de forme et de méthode. […] J’allais, j’allais, passant au crible mes idées, refaisant mon plan, et résigné du reste à me livrer pour la forme à tous les hasards de l’improvisation.
Quand Ronsard, attaquant de front et se flattant d’enlever d’assaut l’Ode pindarique, procède par strophe, antistrophe, épode, il est évident pour nous qu’il maintient les formes, quand les motifs de ces formes ont disparu : cela n’a plus de sens qu’un sens archéologique. […] Ce caractère plus ou moins factice de l’Ode, et qui tient à ce qu’après avoir été une des formes du divertissement public, elle n’est plus, chez les Modernes, qu’un genre littéraire, a passé de Malherbe à ses successeurs, et se marque chez J. […] Ce n’est pas un poète dont les beautés soient communes ; elles ne vieillissent point, et ses formes hautaines n’ont cessé de séduire les esprits délicats. » C’est là l’opinion, très bien exprimée, d’un romantique de 1830, mais, il est vrai, d’un romantique normand126. […] Et puis, pour louer cet admirable Prélat, on ne saurait manquer de matière ; il ne faut avoir soin que de la forme. […] c’est-à-dire quelque chose de court, d’éclatant, de concis, où le sentiment s’enferme et reluit sous une expression transparente et précise, où le limæ labor et mora s’ajoute à l’inspiration pour lui donner sa forme achevée et son poli !
La forme que vous savez donner à votre charité implique que vous regardez le pauvre comme étant moralement votre égal et comme n’étant pas incapable de le devenir même socialement. […] Ici d’abord, l’action, très simple, est bien ordonnée et forme un tout. […] Et les angoisses du banquier, ses suprêmes tentatives, sa scène avec Piégois, sa scène avec son frère qui, d’abord furieux, finit par l’embrasser, tout cela forme un drame simple et poignant, d’une rare intensité d’émotion. […] Or à la canaillerie de la forme s’ajoute, ici, celle du « milieu ». […] Octave Mirbeau est, dans le fond, un « impulsif » sentimental, et un impulsif dont la forme est très volontiers celle d’un rhéteur : arrangez cela !
Aussi, dans son respect d’école pour ces règles, qu’il justifia le jour où il les comprit, ne se fit-il pas scrupule de donner aux personnages de ses deux premières pièces des traits invraisemblables, aux événements des causes de caprice, et de sacrifier le fond à la forme. […] La vérité cornélienne n’a guère qu’une expression, une forme, un style : c’est le sublime. […] Toute forme lui est bonne, même celle du raisonnement, quand elle en a besoin pour se débattre contre le devoir qui lui apparaît et dont elle essaye de s’arracher par des sophismes. […] De toutes les passions humaines, aucune n’affecte dans notre pays des formes plus diverses que l’amour ; aucune n’a plus subi l’influence du tour d’esprit dominant à chaque époque. […] Il était fort à craindre qu’au lieu de chercher les caractères de l’amour dans les profondeurs du cœur humain, il ne s’en tînt à la forme particulière que lui imprimait le tour d’imagination de son temps.
Aussitôt après le déjeuner, a commencé la visite des deux mille bronzes, des faïences, des porcelaines, de toute cette innombrable réunion des imaginations de la forme. […] Et les voilà, tous les deux, dans une mansarde du passage du Désir, à faire des fleurs, lui taillant et donnant la forme aux pétales, elle les assemblant. […] J’ai rarement éprouvé une jouissance pareille à celle, que j’ai à vivre dans cette harmonie somptueuse, à vivre dans ce monde d’objets d’art si peu bourgeois, en ce choix et cette haute fantaisie de formes et de couleur. […] Et là-dessus il déclare que s’il n’avait pas pour habitude de ne rien prendre aux autres, jamais il n’a été plus tenté par l’appropriation d’une histoire, et le désir de lui donner une forme d’art que par un épisode, dont Dumas ne s’est pas servi. […] Une autre voix. — L’homme n’est qu’une forme de la matière en activité.
La plupart de ses productions sont inspirées par le culte du beau et du juste, et elles attestent, sous une forme précise et harmonieuse, son aversion pour la bassesse et la lâcheté ainsi que son profond amour pour les âmes nobles et patriotiques.
V Enclos en une forme parfois impeccable, parfois, je dois le dire, vacillante, de hautaines et mélancoliques pensées, de fumeuses visions de pillages, de massacres arméniens — Parmi le fer, parmi le sang — ordonnées par la Bête Rouge chère à Quillard, et aussi de clairs et polychromes paysages d’Algérie ensoleillée, des danses d’almées lascives, telle est, succinctement, la matière des poèmes de M.
La forme de M.
Et cela n’empêche que déjà, dans une forme très osée, il sait manier avec souplesse les rythmes lamartiniens.
Les beaux ouvrages de poésie en tout genre, soit en vers, soit en prose, qui ont honoré notre siècle, ont révélé cette vérité, à peine soupçonnée auparavant, que la poésie n’est pas dans la forme des idées, mais dans les idées elles-mêmes.
Seulement ils l’ont prescrite en l’appliquant, et non, comme Boileau, sous la forme de lois qui ne souffrent point d’infractions. […] Il y a cent cinquante descriptions dans l’Alaric de Scudéry ; celle de la bibliothèque d’un ermite forme près de la moitié du cinquième livre. […] C’est le détail de tous ces Amours, que Sarrazin, dans une pièce coquette, fait assister, sous la forme de personnages, aux funérailles de Voiture. […] Hors de la raison il n’y a ni lustre ni prix, c’est-à-dire ni forme ni fond ; hors du vrai il n’y a pas de beau. […] Malherbe les avait pressenties, et il paraît bien, par ses critiques de détail, que ce qu’il avait en vue, c’est la raison sous la forme du vrai.
Ils le vendent d’ailleurs sous toutes les formes et surtout sous la forme talismanique. […] On ne doute pas de la valeur d’un talisman qui a pris la forme d’une bague ornée, un diamant de beaucoup de carats. […] Il est vraiment heureux que nous ayons inventé l’art du vêtement, car nous ferions tout nus triste figure parmi la nature aux formes et aux couleurs harmonieuses. […] Les Grecs, qui avaient ce sens beaucoup plus développé que nous ne l’aurons jamais, avaient travaillé la forme humaine pour lui donner un rang honorable parmi les formes animales et ils avaient commencé par la râcler de son vilain poil, par la frotter d’huile, par la rendre d’une couleur luisante et homogène. […] On dit que l’idiotie et certaines formes de démence font de l’homme des brutes, mais ce qui caractérise la bute animale et normale, c’est précisément l’ordre et l’activité dans l’ordre.
Maurice Tourneux Antony Deschamps n’a produit qu’un petit nombre d’œuvres d’une inspiration mélancolique et d’une forme très personnelle.
Dans cette période où la poésie française cherchait à se régénérer par l’étude du sentiment, en attendant la rénovation puissante de forme et d’expression que devait lui donner l’auteur des Orientales , Charles Dovalle eut son heure ; sa voix a été entendue, écoutée, et méritait de l’être.
Sa poésie tient encore à la poésie parnassienne pour sa forme et son souci plastique, mais elle est pénétrée d’intentions nouvelles et plus humaines.
Les imbéciles deviennent fous et, dans leur folie, l’imbécillité demeure croupissante ou agitée ; dans la folie d’un homme de génie, il reste souvent du génie : la forme de l’intelligence a été atteinte et non sa qualité ; le fruit s’est écrasé en tombant, mais il a gardé tout son parfum et toute la saveur de sa pulpe, à peine trop mûre.
Gustave Kahn Le sujet de ce poème, car l’Esprit qui passe est bien une sorte d’épopée à la fois enchaînée et variée, c’est-à-dire composée de poèmes simplement juxtaposés d’après une unité de sujet, de rythme et de mouvement, en somme la forme actuelle du poème, ce serait la vie en un poète de l’Esprit, se cherchant dans le passé pour prendre conscience de lui-même.
Charles de Pomairols Venue d’un pays, lointain du moins par la distance, Mlle Vacaresco n’est pas du tout étrangère aux formes que revêt notre poésie dans le moment actuel ; elle connaît et accepte toutes les exigences d’une prosodie qui ne fut jamais plus rigoureuse.
Il donne aujourd’hui, chez Stock, un recueil de vers très finement français, de forme, — mais toujours auvergnat de cœur. — Ce sont des impressions de pays, croquis de mœurs, traits de légendes, scènes de nature, études d’animaux familiers ou sauvages.
Sa conduite, il est vrai, pourroit faire croire qu’elle en a écrit certaines ; mais il vaut mieux les rejeter toutes comme apocryphes, puisque la fausseté manifeste de quelques-unes, forme un préjugé légitime contre la vérité des autres.
Mais c’était une raison, ce me semble, pour un homme de génie, d’écarter, puisqu’elle était si banale, une forme si ennuyeuse. […] qu’il écartât cette forme de la vision et du voyage qui rencontrait dans le peuple une croyance naïve, que l’Église autorisait, et que les esprits les plus cultivés acceptaient sans hésitation ? […] Tel est l’ordre, telle est la forme générale de la trilogie dantesque. […] Dans la Bible, qu’il ne faut pas ici perdre de vue, car elle forme avec les Pères de l’Église et Aristote le fond même du savoir à cette époque, la panthère est légère et dissolue. […] Esprit ou matière, idéal ou réalité, force ou forme, accident ou loi, tout lui apparaît distinct, mais profondément uni dans le sein de Dieu.
Bourdaloue parut, et, sous sa forme grave, il eut un à-propos, une adresse, une justesse d’application qui fit que toutes ces passions en scène se reconnurent, que toutes ces sensibilités tressaillirent, et que la doctrine théologique rivale eut désormais un adversaire digne d’elle, un émule et parfois un juge. […] Bourdaloue, qui songe sans doute, en décrivant cette forme subtile d’une dévotion orgueilleuse, à diminuer une des victoires et des conquêtes du parti contraire, se tient pourtant selon le point de vue convenable dans une peinture plus large, tout à fait permise et non moins ressemblante. […] Il a parlé quelque part de cette forme et de cette espèce de directeur à la mode et très goûté de son temps, « qui semble n’avoir reçu mission de Dieu que pour une seule âme, à laquelle il donne toute son attention ; qui, plusieurs fois chaque semaine, passe régulièrement avec elle des heures entières, ou au tribunal de la pénitence ou hors du tribunal, dans des conversations dont on ne peut imaginer le sujet, ni concevoir l’utilité ; qui expédie toute autre dans l’espace de quelques moments, et l’a bientôt congédiée, mais ne saurait presque finir dès qu’il s’agit de celle-ci » : directeur délicieux et renchéri, exclusif et mystérieux, dont Fénelon est le type idéal le plus charmant (le Fénelon de Mme Guyon et avant l’exil de Cambrai).
Daru était de ceux qui conseillaient à Picard les vers, estimant que cette forme était la seule qui consacrât tout à fait une renommée au théâtre et qui pût lui imprimer un cachet littéraire durable : mais il ne suffisait pas de mettre en rimes après coup ce qu’on avait d’abord écrit et conçu en prose. […] L’amour-propre et la sottise revêtent bien des formes, y compris les plus respectables. La susceptibilité filiale n’est pas la moins fréquente de ces formes de la vanité humaine, et c’est la plus spécieuse… Mais qu’est-ce que cela fait au public ?
Et elle ajoute d’un ton de protection, qu’elle ne gardera pas toujours ; « Notre petit poète vous prie de ne point donner à Plombières de copies de ses vers, parce qu’il y a beaucoup de lieutenants-colonels lorrains. » Nous avons cette épitre de Saint-Lambert À Chloé ; c’est une des meilleures de ses poésies dites fugitives ; elle pourrait être aussi bien la première en date des élégies de Parny : elle en a la forme ; le tour en est simple, net et fin, l’inspiration toute sensuelle. […] Ce noble et bon vieillard a écrit dans ses dernières années d’admirables lettres où respire la poésie de la solitude, de la campagne, de la famille regrettée et perdue, de l’amitié toujours accueillie, et de la patrie céleste de plus en plus prochaine et souhaitée ; mais le même homme, qui a sous sa plume en prose des paroles douces et fortes comme le miel des déserts, ne trouve plus dans ses vers de la même date que des couleurs mêlées, inégales, et où le talent se relâche trop dans la bonhomie : ici, c’est l’art et l’originalité de forme qui a manqué. […] Comme le chèvrefeuille enlace l’arbre qu’il peut atteindre, aune rugueux, frêne à l’écorce unie ou hêtre luisant, enroule autour du tronc ses anneaux en spirale, et suspend aux branches feuillues ses glands dorés, mais il cause un dommage là où il prête une grâce, entravant la croissance par un embrassement trop étroit ; de même l’amour, lorsqu’il s’enlace aux plus fiers esprits, empêche le déploiement de l’âme qu’il subjugue : il adoucit, il est vrai, la démarche de l’amant, le forme au goût de celle qu’il aime, enseigne à ses yeux un langage, embellit son parler, et façonne ses manières ; mais adieu toute promesse de plus heureux fruits !
Mon père prenait avec eux des manières cavalières ; il allait vite sur les formes afin d’aller grandement sur l’essentiel et le grand de la justice ; il accommodait des procès, il épargnait des épices ; il faisait le plus de bien qu’il pouvait au genre humain. En voilà assez pour animer bien fort contre leur chef des âmes basses et mercenaires, prétextant les règles, c’est-à-dire les formes, et vantant les droits de leurs charges. […] Il n’a pas d’élévation, au moins continue ; il se passe à tout moment des trivialités d’expression qui font de son langage l’opposé du langage noble et digne ; il était certes, à cet égard, très peu propre, on l’a dit, à être un ministre des Affaires étrangères et à représenter dans la forme sans déroger.
Je marcherai le regard attaché sur ces douces formes, et je passerai sans ressentir aucun froissement. […] Guérin donc avait cherché jusqu’alors sa forme et ne l’avait pas trouvée : elle se révéla tout d’un coup à lui et se personnifia sous la figure du centaure. […] La galerie des antiques lui offrait ainsi des moules où il allait verser désormais et fixer sous des formes sévères ou attendries toutes ses sensations rassemblées des bruyères et des grèves.
le royaume du Christ et telle forme de régime politique ici-bas. […] Aussi il a fallu, en ce qui est du célèbre dominicain, qu’on le tirât de son cadre, qu’on l’amenât, bon gré, mal gré, dans l’arène académique (c’est trop souvent une arène aujourd’hui), pour que je me permisse de mêler quelques restrictions de forme et de fond aux hommages que je me suis plu toujours à rendre à ses talents92. […] Je sais que les esprits généreux aiment à avoir à faire et à lutter ; il se forme aujourd’hui, dans la libre et studieuse jeunesse, bien des intelligences.
des échantillons de tous ces beaux marbres qu’il a vus, des plans, des fac-simile de toutes ces belles cathédrales qu’il voulait surpasser, et il forme un cabinet de dessins parfaits, de reliefs d’ivoire, ou encore un cabinet de minéralogie, d’où il résulte aussi toutes sortes de lumières. […] Ces qualités, que l’auteur croit retrouver exprimées jusque dans les formes de l’église dédiée à sainte Élisabeth, il les a lui-même portées dans son récit. […] La mort de la sainte et ces anges sous forme d’oiseaux qui lui chantent sa délivrance, la canonisation et ses splendeurs, et ses sereins et magnifiques tonnerres, achèvent divinement et glorifient le récit de tant de souffrances, de tant d’humbles vertus.
Les plus petites choses tiraient du prix de la manière et de la forme ; c’était de l’art que, sans s’en apercevoir et négligemment, l’on mettait jusque dans la vie. […] Ces sortes de lettres, brillantes de forme et d’art, et où il n’y avait pas trop de petits secrets ni de médisances, faisaient bruit dans la société, et chacun désirait les lire. « Je ne veux pas oublier ce qui m’est arrivé ce matin, écrit Mme de Coulanges à son amie ; on m’a dit : Madame, voilà un laquais de Mme de Thianges ; j’ai ordonné qu’on le fît entrer. […] « Le seul art dont j’oserais soupçonner Mme de Sévigné, dit Mme Necker, c’est d’employer souvent des termes généraux, et par conséquent un peu vagues, qu’elle fait ressembler, par la façon dont elle les place, à ces robes flottantes dont une main habile change la forme à son gré. » La comparaison est ingénieuse ; mais il ne faut pas voir un artifice d’auteur dans cette manière commune à l’époque.
Dès le premier moment, deux courants se distinguent dans le genre historique : les uns s’appliquent à dégager la philosophie de l’histoire ; les autres à ressusciter la forme du passé, à représenter les mœurs et les âmes des générations disparues. […] Thierry chercha une forme pour l’histoire ainsi comprise. […] Par un certain manque de poésie et de beauté, la forme est inférieure à la matière comme à l’intention de l’auteur.
La cause du commun supplice de Claude et de Christine pouvait ainsi revêtir une forme concrète. […] C’est dans le cloaque Rougon que ce lis plonge ses racines et le mysticisme d’Angélique n’est qu’une forme accidentelle de la névrose Macquart. […] Il est vrai qu’il redevient intéressant par l’énormité de cette disconvenance du fond et de la forme.
. — Il y a l’idéologie égalitaire, dépendance de l’idéologie rationaliste, qui prend la forme juridique (tous les hommes sont égaux devant la loi) et la forme politique (tous les citoyens sont égaux devant l’État). — Il y a l’idéologie moraliste, qui consiste à surfaire l’importance de la morale et son pouvoir sur la conduite. […] L’idéaliste qui aspire à une société plus sincère et plus vraie s’aperçoit bientôt que la société nouvelle qu’il souhaite et à l’avènement de laquelle il travaille peut-être, il s’aperçoit que cette société porte déjà en elle le germe logique et nécessaire des mensonges nouveaux qui remplaceront les mensonges anciens et périmés, que tout régime politique et social est menteur par essence (Vigny), que la duperie mutuelle est la loi de toute société et que le mensonge de groupe ne fait que changer de forme.
Chez lui « le scepticisme, nouvelle forme de croyance, mue amour en haine ». […] Un véritable artiste, un de ceux qui voient ce dont ils parlent, l’eût, selon son tempérament, précisé d’une épithète de forme, éclairé d’une épithète de couleur ou auréolé d’une épithète de lumière. […] Mais, si vous aimez mieux autre chose, ça deviendra « un chant mythique » ou encore « une œuvre de sainte cérémonie… une tragédie à forme rituelle ».
On voit comment le xviiie siècle prenait encore légèrement cette réhabilitation en forme, qui ne dura qu’une soirée. […] Il avait trouvé la forme voulue, qu’il la cherchait encore. […] Cependant il se relevait déjà, et méditait de peindre à bout portant cette société nouvelle sous la quatrième forme dans laquelle elle se présentait à lui.
L’auteur futur des Fables dut se ressouvenir de cette impression première et de la forme dans laquelle elle lui venait. […] La fable est un genre naturel, une forme d’invention inhérente à l’esprit de l’homme, et elle se retrouve en tous lieux et en tous pays. […] attends-moi… La sarcelle le quitte, Et revient traînant un vieux nid Laissé par des canards ; elle l’emplit bien vite De feuilles de roseau, les presse, les unit Des pieds, du bec, en forme un batelet capable De supporter un lourd fardeau ; Puis elle attache à ce vaisseau Un brin de jonc qui servira de câble.
Enfin, Pasquier, dans ses bons endroits, nous offre le plus bel ordinaire de la langue du xvie siècle, bans la chaîne de la tradition, il forme un terme moyen, un anneau solide entre les bons écrivains du xve siècle, tels qu’Alain Chartier, et les bons écrivains du xviie , tels que Patru ou Bourdaloue. […] Il insérera à dessein, à côté d’une lettre d’importance, un billet insignifiant, dont il a soigné la forme et le tour. […] Venu dans une forte époque, mais pleine de conflit et de confusion, il nous offre, à travers quelques défauts de forme et de goût, l’exemple de l’un des plus excellents, des plus solides et des plus ingénieux entre les esprits modérés.
Or, cette sorte de résumé développé et alternatif et de balance continuelle que l’avocat général faisait en parlant, et qu’aussi le procureur général faisait alors par écrit, avait donné à l’esprit de d’Aguesseau sa forme définitive ; et comme il s’y joignait chez lui une grande conscience et peu de décision naturelle, il ne pouvait se résoudre en quoi que ce fût à conclure, à saisir en définitive ce glaive de l’esprit qui doit toujours en accompagner l’exacte balance pour trancher à temps ce qui autrement courrait risque de s’éterniser. […] Aimant passionnément les lettres et n’ayant pu exclusivement s’y livrer, il en parle avec un redoublement de forme et de fleurs, comme dans une fête cérémonieuse. […] S’il écrit au même M. de Valincour au sujet du jeune Racine qui est à Fresnes, on voit quelle idée solennelle d’Aguesseau se forme volontiers d’un poète : Que dites-vous du jeune poète que nous avons ici depuis plus de quinze jours, et qui n’a jamais voulu lui prêter sa muse (à Mme la chancelière) pour vous répondre ?
C’était une idylle antique, en vers élégants, d’une bonhomie affinée, vraiment grecque par son inspiration et sa forme délicate. […] À partir de ce moment, il est maître de sa forme. […] Mais elle admirera comme nous la puissance dramatique, la sincérité d’exécution, la probité littéraire, la fermeté et la pureté de la forme du grand auteur dramatique et de l’homme de bien qui vient de mourir.
N’apercevez-vous pas, dans ce vestibule, comme des formes raides à l’attitude contrariée ? […] Je n’ai jamais compris pourquoi on séparait l’expression en littérature de la forme en peinture, en musique, en statuaire. […] Puis, il est juste de reconnaître que, si Murger n’est pas dans les secrets de la forme, de temps en temps il les devine — comme par instinct.
Parfois il regarde passer les femmes, les petites femmes aux formes voluptueuses : trop soucieux de son hygiène pour négliger la culture du sixième sens, il estime qu’en l’état actuel de notre civilisation, l’amour est une des plus utiles fonctions de l’organisme… ………………………………………………………………………………………………………… « Dans ses heures de loisir il rime ces vers d’une harmonie si moderne qu’il a recueillis en deux recueils intitulés Le Signe et Les Chairs profanes. […] Les autres, malgré l’apparente divergence de leurs idées, ont un principe commun : le Dogme ; ils ne représentent que le passé, sous quelque forme que ce soit. […] Aucun courant ne se dessine assez nettement pour qu’on puisse dire, actuellement, que c’est telle forme qui triomphe.
Il avait, il est vrai, aussi une œuvre forte : le De Summo Pontifice de Bellarmin, mais cette œuvre, qui a sa grandeur, n’a pas le charme de beauté dans la plus pure clarté qu’a ce livre incroyable du Pape, où la transparence de la forme est égale à la transcendance du sujet ! […] Dans l’impossibilité où je suis de citer tout ce qui me frappe au milieu de ce fouillis de richesses, j’indiquerai au moins le chapitre où l’auteur montre, avec une audacieuse justesse, que sans l’Église le Christianisme aurait fait le mal et l’erreur du monde et qu’il ne serait plus que l’épouvante de l’Histoire ; et celui-là encore qu’il intitule : « Coexistence des pouvoirs d’ordre, de juridiction et d’infaillibilité », dans lequel il prouve d’une manière si piquante que Jésus-Christ, étant et restant dans sa forme humaine sur la terre, n’en serait pas moins tenu d’instituer son Église telle qu’il l’a instituée et telle qu’elle est à cette heure. […] Le mérite est la forme qui rend l’homme visible au milieu de la gloire, et l’amour est le signe de race qui doit le réunir à Dieu… » Est-ce assez plein, assez carré, assez cubique, pour qui sait comprendre ?
Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures, figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase, qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux ; et ceux-là, les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme : et vous avez la poésie de Baudelaire, cette poésie sinistre et violente, déchirante et meurtrière, dont rien n’approche dans les plus noirs ouvrages de ce temps qui se sent mourir. […] Si à quelques places, comme dans la pièce La Géante, ou dans Don Juan aux Enfers, — un groupe de marbre blanc et noir, une poésie de pierre (di sasso) comme le Commandeur, — Baudelaire rappelle la forme de Victor Hugo, mais condensée et surtout purifiée ; si, à quelques autres, comme La Charogne, la seule poésie spiritualiste du recueil, dans laquelle le poète se venge de la pourriture abhorrée par l’immortalité d’un cher souvenir : Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j’ai gardé la forme et l’essence divine De mes amours décomposés !
Je choisis les croyances d’après leur utilité ; je suis homme de gouvernement ; je forme des théories pour les mœurs. […] Quelle force les forme, les accommode à la nature des objets extérieurs, les enchaîne entre eux, les attache à la sensation ? […] Royer-Collard l’accepte en partie, lorsqu’il forme l’idée de la substance, de la durée, de la cause extérieure et corporelle, avec l’idée de la substance, de la durée, de la cause humaine et personnelle.
Imprécis quant à la forme, solubles et souples comme des lianes, chantants et harmonieux comme des improvisations musicales, ils resteront le seul exemple d’une œuvre d’art parfaite, créée contrairement à toutes formules.
Inégales de valeur sont les pièces qui composent les Pourpres mystiques, car plusieurs d’entre elles témoignent de quelque négligence dans le fond autant que dans la forme ; mais ce livre est une belle promesse.
Anatole France J’entends par bien aimer les vers, en aimer peu, n’en aimer que d’exquis et sentir ce qu’ils contiennent d’âme et de destinée ; car les plus belles formes ne valent que par l’esprit qui les anime.
Les formes de la société humaine sont des plus variées.
L’usage, à le définir selon l’idée qu’on s’en forme communément, est une espece d’énigme, qui ressemble à un portrait des modes, au sujet des ajustemens, une sorte d’habitude dont l’objet est variable, &c.
Ce n’est pas à nous qu’il appartient d’en juger le fond : nous dirons seulement que la forme en est méthodique, & la diction pure, élégante, toujours proportionnée au sujet ; qualité précieuse, & qui n’est le partage que des bons Ecrivains.
Ces majuscules grecques, noires de vétusté et assez profondément entaillées dans la pierre, je ne sais quels signes propres à la calligraphie gothique empreints dans leurs formes et dans leurs attitudes, comme pour révéler que c’était une main du moyen-âge qui les avait écrites là, surtout le sens lugubre et fatal qu’elles renferment, frappèrent vivement l’auteur.
C’est ce que nous avons essayé de faire dans une série d’études publiées d’abord dans la Revue des deux mondes, année 1869, sous la forme d’articles que nous recueillons dans ce petit livre, en y ajoutant quelques nouvelles citations et quelques développements.
Sur cette terre de l’art où il n’avait qu’à choisir entre le beau moderne, la grâce grecque et la sévérité latine, il se livra au culte de la forme, à la recherche patiente et laborieuse de la correction. […] Moins érudit, moins pédant dans la forme, le digne prêtre languedocien serait un pendant au portrait du recteur de Vallfogona. […] Etudions donc le Gongorisme et le Quévedisme, deux formes du mouvement littéraire qui affligea à cette époque toute l’Europe. […] En même temps que la poésie, la langue s’est gangrenée d’éléments étrangers : chez Garcia, la Castille domine comme fond et comme forme. […] C’est un rondel, une des trois formes de poèmes traditionnels, avec le sonnet et le rondeau, que le vers blanc soit susceptible de revêtir, ou plutôt c’est un fragment de rondel.
C’est la forme de l’idée de justice chez les enfants. […] Celles qui sont assez éloignées de la forme humaine pour que nous ne songions pas à la forme humaine en les regardant, et qui ne sont pas non plus trop éloignées de la forme humaine, auquel cas nous n’avons plus de terme de comparaison pour les juger. […] En différents lieux, de forme en forme, d’une vie dans une autre vie, éternellement tu erreras dans une tourmente. […] Sous cette forme, c’est plutôt du Nietzsche que du Le Bon, mais, enfin, c’est encore un peu du Le Bon. […] Il donne, seulement, à un travers ancestral une forme un peu nouvelle.
Le rêve se forme, s’accentue et, tout en travaillant, Angélique répète : — Je voudrais, je voudrais ? […] Le dimanche, elles allaient à la messe, pieds nus, avec des robes éclatantes, de forme Empire, du corail à la bouche, aux oreilles, au cou, des fleurs dans les cheveux. […] Sous la légèreté de sa forme, avec un rare bon sens, M. […] Dessinait, sa forme sinistre Sur l’horizon clair, hardiment. […] Le monde des employés, qui forme à peu près le huitième de la population de la France, a bien des fois tenté les romanciers observateurs.
Parlant de la société future, je disais que les gens les plus intelligents ne peuvent concevoir les formes d’une société future, et que dans l’antiquité, il n’y aurait pas eu une cervelle capable de prophétiser la société du moyen âge, cette société à basiliques ténébreuses, au lieu de temples pleins de lumière, cette société aux danses des morts, remplaçant les théories des fêtes d’Adonis, cette société, avec sa constitution, ses vêtements, son moral si différent de l’autre, cette société, ou même les belles et classiques formes de la femme grecque ou romaine, semblent devenues des formes embryonnaires, telles que nous les voyons retracées par le pinceau de Cranach, dans des académies de femmes du temps. […] Comme je lui parle du travail laborieux de son pinceau sur mon front, il me dit : « Quand je fais un être, j’ai la pensée tout le temps, que j’ai à rendre des formes habitées. » Jeudi 9 juillet Déjeuner chez Jean Lorrain, avec Mlle Read, Ringel le sculpteur, de Régnier, le poète. […] Puis, il me demande, si je connais la cour de l’Hôtel Sully, rue Saint-Antoine, et m’apprend qu’il y a de grands bas-reliefs admirables, et que c’est là, ce que personne n’a dit, que Ingres a pris complètement sa Source, oui, et la pose et le mouvement de la figure, et même la forme de la cruche. […] les coquets et les galantins réceptacles du pipi de nos grandes dames du xviiie siècle, ces bourdaloues de Sèvres, ces bourdaloues de Saxe, à la forme de ce coquillage nacelle, qu’on appelle nautile, commençant dans les volutes d’un colimaçon, refermant leurs bords avec un élégant gondolage, et finissant en un bec comme émoussé. […] Mais plus familiers, plus humains, ces bourdaloues de Saxe, à l’anse faite d’un tortil de ronce, enguirlandée de trois ou quatre fleurettes, et où la blancheur de la porcelaine est semée de petits bouquets : bourdaloues d’une forme plus contournée, plus serpentante, plus amoureuse des parties secrètes de la femme.
Dans cet article le spirituel écrivain a l’air d’épuiser toutes les formes ingénieuses et subtiles de raisonnement pour faire l’apologie de ce qui se passe dans les journaux et dans les feuilletons.
Et pour donner à ces souvenirs une forme attrayante et qui ne fût pas seulement le récit d’une aventure archéologique, il en a fait des romans, comme le Mime Bathylle et comme la Danseuse de Pompéi, deux livres d’imagination et d’érudition légère, et d’une tenue littéraire exempte de tout reproche.
Dupuy n’est, ni pour la forme, sans mérite, ni, pour le fond, sans portée.
La forme de son vers atteste une grande recherche de pureté ; mais elle est parfois raide, comme enserrée dans une gaine hiératique.
Charles Maurras Il y a dans cette joie, dont l’expression semble exagérer la vivacité, il y a, si je ne me trompe, un arrière-fond d’élégie ; et, de plus, au ton familier du discours, en dépit de la solennité de l’alexandrin, se dessine, dans une forme vague encore, comme une aspiration au système d’une poésie plus intime, l’idée d’un retour à Parny… Mais voilà qui va me rendre odieux à la jeune lyre des Élévations poétiques.
On doit attribuer à la forme du dialogue, qu’il avoit choisie comme plus propre à instruire, la négligence ou la diffusion du style qu’on peut reprocher au Spectacle de la Nature.
Celui de Madame De Marigny est assez bien entendu pour l’effet d’une couleur agréable, mais la touche en est molle, il y a de l’incertitude de dessin, la robe est bien faite ; la tête est tourmentée ; la figure s’affaisse, s’en va, ne se soutient pas, elle a l’air mannequiné ; les bras sont livides et les mains sans formes, la gorge plate et grisâtre ; et puis sur le visage un ennui, une maussaderie, un air maladif qui nous affligent.
D’une république éternelle fondée dans la nature par la Providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses.
Dans la nuit claire-obscure, une flamme bleue, sans blesser ce qu’elle touche, çà et là danse et parcourt en zig-zag tous les points de l’horizon fantastique ; les fleurs en feu s’éteignent, se rallument ; des esprits chuchotent dans le vent, et les montagnes se dressent, vagues formes vacillantes, dans le clair de lune indécis : c’est l’image de la poésie romantique122. […] Le Gulliver de Swift, moins humoriste pour la forme, mais plus humoriste par la pensée que son Conte du Tonneau, se dresse sur la roche tarpéienne d’où cette pensée précipite l’humanité.
Il a un immense orgueil, et toutes les formes de l’orgueil, les plus petites comme les plus grandes : l’orgueil de César et celui de Brummel. […] Il voulait le plaisir sous toutes ses formes, mais particulièrement l’action grandiose, la domination sur les femmes et sur les hommes.
Badauderie, paresse et vanité, voilà des reproches bien gros, mais qui ne s’adressent pas à toute forme de discours, qui visent la plus insignifiante et la plus superficielle. […] Ils parlaient pour la gloire plus grande d’un dogme religieux, politique ou littéraire, ils parlaient pour dire quelque chose et le fond de leur pensée leur importait plus que la forme, ils parlaient pour le plus grand nombre possible d’auditeurs à instruire, à entraîner ou à convertir.
En somme, il se peut fort bien que l’état social à l’américaine vers lequel nous marchons, indépendamment de toutes les formes de gouvernement, ne soit pas plus insupportable pour les gens d’esprit que les états sociaux mieux garantis que nous avons traversés. […] En cherchant à augmenter le trésor des vérités qui forment le capital acquis de l’humanité, nous serons les continuateurs de nos pieux ancêtres, qui aimèrent le bien et le vrai sous la forme, reçue en leur temps.
Admirons encore dans cet Ecrivain in comparable, l’idée sublime & neuve d’avoir caché Minerve sous la forme de Mentor. […] Là, se fait sentir davantage ce genre d’éloquence qui est propre à Fénélon ; cette onction pénétrante, cette élocution persuasive, cette abondance de sentiment qui se répand de l’ame de l’Auteur, & qui passe dans la nôtre ; cette aménité de style qui flatte toujours l’oreille, & ne la fatigue jamais ; ces tournures nombreuses où se développent tous les secrets de l’harmonie périodique, & qui, pourtant, ne semblent être que les mouvemens naturels de sa phrase & les accens de sa pensée ; cette diction, toujours élégante & pure, qui s’éleve sans effort, qui se passionne sans affectation & sans recherche ; ces formes antiques qui sembleroient ne pas appartenir à notre langue, & qui l’enrichissent sans la dénaturer ; enfin cette facilité charmante, l’un des plus beaux caracteres du génie, qui produit de grandes choses sans travail, & qui s’épanche sans s’épuiser ».
Elle n’est rien moins que de savoir si l’émotion esthétique est quelque chose de spécial, ou si elle ne serait pas simplement une « forme inactive » de l’émotion ordinaire, chacune de nos émotions pouvant tour à tour devenir esthétique, et résulter, « avec quelque modification », de la vue ou de l’audition d’une œuvre d’art. […] « C’est de l’examen seul de l’œuvre, déclare-t-il expressément (p. 65), que l’analyste devra tirer les indications nécessaires pour étudier l’esprit de l’auteur ou de l’artiste qu’il veut connaître, et le problème qu’il devra poser est celui-ci : étant donnée l’œuvre d’un artiste, résumée en toutes ses particularités esthétiques, de forme et de contenu, définir en termes de science, c’est-à-dire exacts, les particularités de l’organisation mentale de cet homme. » Je ne mets pas en doute qu’on puisse atteindre à d’excellents résultats par la méthode interrogative de M.
On entend parfois dans ses historiettes les petits éclats de ce rire sec dont Joubert disait, avec son appréciation ferme et exquise : « Tout ricanement déplacé vient d’une petitesse de tête », et, malgré la gaucherie des formes qui révèlent le cuistre, il y a parfois, çà et là, de ces légèretés d’assassin qui font pressentir Voltaire, cet autre bourgeois, mais étincelant de génie, et qui, frotté aux grands seigneurs, avait contracté la grâce pestiférée de leurs vices. […] L’entrelacement énergique des classes, qui caractérisait le Moyen Age, cette fraternité sous des formes austères, n’était plus.
Il a commencé de s’y distinguer par des articles spirituels, écrits pour un journal fameux qui n’est plus, mais dans lesquels il imitait trop, selon moi, son rédacteur en chef, dont le talent, très admiré, à juste titre, de ceux qui l’entouraient, leur imposait à tous des formes… originales pour lui seul. […] Des premières formes de son talent, il n’a gardé que l’esprit, que je lui conseille bien de garder toujours.
Michelet vante ce mot qui vante Gœthe, et qui n’est qu’une flatterie, sous forme laconique et brusque, de l’ennemi de madame de Staël, ce jour-là tout aussi femme qu’elle ! […] Toujours est-il que rien de pareil ne s’était vu dans l’histoire littéraire, et même dans aucune histoire. « Un homme s’est rencontré », a dit un jour Bossuet en parlant de Cromwell, — voulant, par cette forme frappante, exprimer l’étonnement que lui causait l’élévation d’un homme bien moins étonnant, dans son ordre de faits, que Gœthe dans le sien.
Dans tout son livre de la Démocratie, écrit dans la force de la jeunesse, je défierais bien de montrer une seule étincelle jaillissant de la forme ou de la pensée ! […] Voilà pour la forme, c’est-à-dire pour ce qui fait la vie des livres et leur durée, quand les idées sur lesquelles ils reposent sont décrépites ou mortes ; mais pour le fond, c’est aussi les idées de tout le monde qui lui créent son originalité, à ce penseur, comme c’est la courte vue de tout ce monde qui se chausse de lunettes d’écaille qu’il promène sur les événements contemporains et la politique, qui devait les dominer… Seulement, penser et parler comme tout le monde pense et parle à une certaine hauteur de société, explique peut-être suffisamment aux esprits profonds que tout ce monde, qui se reconnaît en de Tocqueville, lui ait fait un honneur si exceptionnel !
Tout artiste qu’il soit, tout expert des choses de la vie qui font main-basse sur nos affectations et élèvent un homme à la simplicité, tout grandement ou profondément passionné qu’il puisse être, l’auteur de Guy Livingstone porte au milieu de son talent et de son dandysme, que je ne veux point séparer, la tache d’un pédantisme qui, dans le pays du cant sous toutes les formes, est un véritable cant intellectuel. […] Voilà pourtant la simple donnée de ce roman de Guy Livingstone, mais que son auteur a poussée à outrance, comme le dit le second titre de son livre et très justement ; car l’outrance y est sous toutes les formes, aussi bien dans la force violente ou stoïque que dans la délicatesse, puisque les sentiments délicats y font mourir !
L’autre : Les Philosophes français du dix-neuvième siècle (non y compris l’auteur, bien entendu), est encore, sous une autre forme, une histoire de l’intelligence, mais de l’intelligence en acte, puisqu’il s’agit des systèmes et des plus beaux esprits philosophiques contemporains. […] Taine est effectivement, sous des formes qui veulent être gaies et amusantes avant tout, un soufflet bien et dûment appliqué sur les deux joues de la philosophie contemporaine.
La forme sine qua non de son esprit, c’est le discours. […] C’est vice de conformation et de nature ; mais alors qu’il ne déclame pas, alors qu’il est le plus heureusement et le plus purement orateur, il a, de nature et de conformation aussi, cette force d’expression et d’idée vulgaire dont je parlais tout à l’heure et qui l’empêchera toujours d’atteindre à la hauteur de pensée et à la concentration de forme du grand écrivain.
— de plus vague, de moins appuyé, de moins personnel, quoique ce soit infiniment plat, — voilà pour la forme ! […] De grisâtre qu’il était autrefois quand il éclatait le plus, le style de Guizot a passé au blanchâtre, et la dure austérité de la forme qui semblait impliquer l’austérité du fond, et qui était la prétention de Guizot, s’est fondue dans je ne sais quel ramollissement sentimental.
Leur orgueil même est une des formes de leur rhétorique. Mais ici, dans ce monsieur Rousselot qui intitule ses chants des Chants de force et de jeunesse 40, il y a plus que le délire de l’enthousiasme pour soi-même, qui est une forme bénévolement autorisée et devenue vulgaire de la littérature lyrique.
J’ai toujours protesté contre la popularité actuelle de cette forme poétique, aimée des asthmatiques de cet imbécille temps de décadence, où les larges poitrines et les longueurs de souffle deviennent plus rares de plus en plus. […] Sous une forme moins religieuse, moins auguste, moins sacerdotale, et surtout plus impatiente, c’est aussi un peu la mélancolie du Moïse de Vigny : Seigneur, vous m’avez fait puissant et solitaire !
Elles se plaisaient à goûter les vins blancs, rouges, paillets, de Candie, de Ribadavia, de Guadalcanal et de Manzanilla, dans ces frêles verreries de Cadahalso où persiste la nerveuse gracilité des formes orientales. […] Des lampes fumeuses, de forme antique, l’éclairent.
qui lirait, à cette heure, le poète des Réveils, s’il n’y avait que ses idées dans ses vers et si la forme qu’il leur donne ne les faisait pas souvent oublier ? […] Mais elle n’en est pas moins la Poésie ; elle n’en est pas moins la forme irrésistible ; elle n’en est pas moins, comme ces femmes belles qui le sont encore dans la passion, le vice et le crime, toute-puissante toujours !
Cet exaspéré, qui possédait le bon sens des grands Satiriques, le bon sens des Juvénal, des Régnier, des Agrippa d’Aubigné et dès Gilbert, l’a, comme eux, sous la forme la plus vibrante du verbe, et il y ajoute la vibration du rire, cet autre verbe qu’on entend plus fort que les mots ! […] C’est par le classique traditionnel de son fond et par l’accent et le tour particuliers à la race des esprits dont il descend, autant que par l’audace romantique de sa forme, aussi travaillée que celle des plus rudes ouvriers en rythme de 1830, qu’il frappa d’abord l’attention et obtint des succès divers, qui étonneraient par leur diversité si l’on ne se rendait pas compte de la double tendance qui vivait en lui.
Mais, sans s’arrêter à cette ligne extrême du dandysme, de Vigny avait pourtant le sentiment de la forme, — de la beauté voulue dans tous les détails de la vie, qui répugne à tout ce qui est inférieur, et qui faisait admirer au vieux Mirabeau le rouge que se mettait Mazarin mourant ! […] Le style du poète reste toujours aussi mélodieux de pureté que jamais, mais c’est moins la forme du poète qui est changée que son fond même… Cette coupe d’ivoire, incrustée d’argent, que j’ai tant admirée, je la vois bien encore ici, mais elle ne renferme ni les saveurs ni les senteurs d’autrefois.
Il en montre trop… du moins… Quand ce qu’il sait par les livres pèsera un peu moins sur sa pensée, peut-être deviendra-t-il un observateur et un inventeur comme il faut l’être, quand on aborde le roman, notre dernière ressource de rajeunissement dans la décrépitude, où nous voilà, de toutes les formes dramatiques et littéraires ! […] de dire une fois, sous forme d’idées générales, la part qu’il faut faire à cette chose moderne et envahissante qui entre partout et pénètre tout, et monte jusque dans le roman : la Physiologie !
Tout artiste qu’il soit, tout expert des choses de la vie qui font main-basse sur nos affectations et élèvent un homme à la simplicité, tout grandement ou profondément passionné qu’il puisse être, l’auteur de Guy Livingstone porte au milieu de son talent et de son dandysme, que je ne veux point séparer, la tache d’un pédantisme qui, dans le pays du cant, sous toutes les formes, est un véritable cant intellectuel. […] Voilà pourtant la simple donnée de ce roman de Guy Livingstone, mais que son auteur a poussée à outrance, comme le dit le second titre de son livre et très-justement, car l’outrance y est sous toutes les formes, aussi bien dans la force violente ou stoïque que dans la délicatesse, puisque les sentiments délicats y font mourir !
Il nomme les Bretons formant deux types ethnologiques différenciés par la chevelure et la forme du crâne ; des colons romains en nombre inconnu ; des peuplades d’Angles, de Jutes, de Saxons, de Kymris, de Danois, de Norses, des Scots et des Pictes, enfin des Normands, qui eux-mêmes, d’après Augustin Thierry, comprenaient des éléments ethniques pris dans tout l’ouest de la France. […] L’action de l’hérédité morale est incontestable ; elle forme les nations, elle unit les familles. […] La forme extérieure d’un roman commence au style, et aimer un certain style, c’est pour un lecteur éprouver que les conditions de sonorité, de couleur, de précision, de grandeur et d’éloquence, suivant lesquelles les mots ont été choisis et assemblés, sont celles qui réalisent ou du moins qui ne choquent pas son idée vague de la propriété et de la beauté du langage, idée qui lui est personnelle, qui le caractérise puisque son voisin peut ne pas la partager, qui fait donc partie du cours de ses pensées et aide à le définir. […] Qu’on goûte une métaphore romantique, qu’on se plaise aux ellipses de Victor Hugo, qu’on préfère l’absence de composition de Guerre et Paix à l’assemblage habile d’un roman feuilleton, qu’on soit touché par le mystère de la Maison Usher, ou par l’ironie de Mérimée, ce sont là autant d’indices des penchants, de toute l’âme du lecteur, auquel il faut donc attribuer les aptitudes d’esprit, les idéaux, les facultés secondes, dont telle ou telle de ces formes de style est le signe. […] Huysmans, dans les Sœurs Vatard) sera jugée bonne par un lecteur non pas simplement en raison de son extrême exactitude, mais si elle correspond à la « manière de voir » de ce dernier, c’est-à-dire à la qualité de ses sens, à sa mémoire des formes et des couleurs, à tout le mécanisme interne qu’il lui a fallu pour transformer ses sensations d’un spectacle analogue, en un souvenir semblable à celui que l’auteur s’efforce d’évoquer.
Les poètes indiens ne sont que de merveilleux fabulistes qui revêtaient de formes fantastiques le Dieu unique et immortel. […] XXIV Le communisme, ce suicide en masse et d’un seul coup de l’humanité, est né dans des ateliers ; il est né de la pensée étroite de quelques prolétaires souffrants, injustement répartis des dons de Dieu, mais complétement ignorants des cinq cent mille formes de salaires sur la terre, ne se doutant même pas qu’en supprimant le capital ils supprimaient d’avance tout salaire, qu’en supprimant la propriété pour l’individu ils la supprimaient pour la masse, qu’en la supprimant pour la masse ils supprimaient le travail, qu’en supprimant le champ ils supprimaient la moisson, et qu’en supprimant la moisson ils supprimaient la vie. […] VI Tel que le nageur nu, qui plonge dans les ondes, Dépose au bord des mers ses vêtements immondes, Et, changeant de nature en changeant d’élément, Retrempe sa vigueur dans le flot écumant, Il ne se souvient plus, sur ces lames énormes, Des tissus dont la maille emprisonnait ses formes ; Des sandales de cuir, entraves de ses piés, De la ceinture étroite où ses flancs sont liés, Des uniformes plis, des couleurs convenues Du manteau rejeté de ses épaules nues ; Il nage, et, jusqu’au ciel par la vague emporté, Il jette à l’Océan son cri de liberté ! […] « Quelle forme de toi n’avilit ma nature ? […] … « Voilà la seule forme où je puis t’apparaître !
Mélange du sang français et du sang allemand, il forme la nuance entre ces deux nations. […] Cette haine, qui se forme de mille détails honteux, n’est pas moins implacable que la haine qui naît d’une plus noble cause. […] Toute forme politique qui s’en éloigne, ramène plus ou moins l’homme à l’enfance des peuples, ou la barbarie de la société. […] L’état politique se forme avec l’état religieux, ou plutôt est constitué naturellement par lui. […] Cet ouvrage a pour but de montrer qu’une seule forme de gouvernement convient à la nature de l’homme.
Voyez, dans sa Mort du Juif-Errant, qui est un curieux poème philosophique, comme il décrit et le personnage et les premiers moments de l’entrevue qu’il suppose avoir eue avec lui… N’est-ce pas la forme même teintée d’un léger archaïsme qu’André Chénier aimait si fort, et jusqu’à la périphrase d’un tour un peu trop élégant, n’est-elle pas celle dont André Chénier avait le culte un peu superstitieux ?
Il y a dans son livre qui s’appelle la Vision, une singulière perfection de forme.
Préoccupé de la signification du mouvement et des formes, M.
Moliere, il est vrai, eut aussi la gloire de corriger les Marquis ridicules & les Femmes savantes de son Siecle ; mais ces manies se sont reproduites sous d’autres formes.
Ce post-scriptum n’est que pour la forme, rien de nouveau.
Oui, quand la perfection de la forme n’est que le résultat d’un pénible limage, d’une quête aveugle des raretés éparses dans les dictionnaires, d’un effort naïf à tirer, sur le vide d’une œuvre, un rideau constellé de fausses émeraudes et de rubis inanes.
La nature n’est qu’une forme de l’idée.
Et de l’emploi de ce moule sévère, indispensable au début, il a gardé l’habitude d’enserrer la pensée dans une forme étroite et exacte, de ne point se laisser aller, comme y invite le vers libre, à ajouter au thème principal des ornements inutiles.
Aussi il n’en forme plus, il n’en fait plus. […] Aussi elle n’en forme plus ; elle n’en fait plus. […] Que chaque type de pensée soit réalisé dans sa plus belle forme. […] C’en est la forme suprême et la plus aiguë. C’en est la forme même et puisqu’il s’agit d’établissement c’en est pour ainsi dire la forme définitive.
Elles ne furent qu’une forme de sa fierté. […] Les mots, en dehors de leur sens idéologique, ont un coloris, une valeur de forme. […] C’est la nouvelle forme que revêt, dans son avatar contemporain, l’ancien roman à thèse. […] Il y a aussi ajouté par la forme, par l’œuvre d’art. […] Il y avait, dans cette forme d’esprit, du paradoxe d’atelier et de brasserie.
Ou plutôt le catholicisme devenait la forme médiévale du romanisme. […] Les faits, non les mots, y forment la trame de l’existence, et les faits sous la forme la moins atténuée. […] Les Barbares, qu’ils le veuillent ou non, vont bien être forcés, un siècle ou l’autre, d’accepter, sous la forme chrétienne, l’héritage antique, de se romaniser par conséquent. […] L’action revêt naturellement chez lui la forme oratoire. […] Plus tard, lorsqu’on écrira l’histoire de notre monde, peut-être désignera-t-on les Latins comme les adorateurs de la forme.
Comment la forme saurait-elle être dissoluble de l’idée ?
Les œuvres des deux poètes que j’ai choisis me serviront plutôt à rendre plus claire l’expression de certaines idées qui me hantent et à illustrer quelques réflexions sur la philosophie dans l’art, sur la méthode, la forme et la technique de ceux que l’on a appelés les Symbolistes ; en analysant ce que contiennent la Chevauchée d’Yeldis et les Poèmes anciens et romanesques, par exemple, je voudrais arriver à établir indirectement le compte de doit et avoir d’une génération dont ces livres indiquent assez complètement, dans les limites de l’art, les tendances diverses.
Dans l’une & l’autre Piece, c’est un amour excessif qui forme l’action, c’est la jalousie qui en est le ressort, c’est une méprise qui enfante la catastrophe.
On pourrait, dès cet écrit, noter chez M. de Maistre une tendance à prédire qui est devenue par la suite une forme extrême de sa pensée, un faible, je dirai presque un tic dans un esprit si sérieux. […] Je ne répondrai point que cette forme de gouvernement elle-même ne soit une préparation, un intervalle, une transition à de plus souveraines. Mais toutes les formes de gouvernement en sont là. […] Après quoi ces formes passent, elles se brisent, elles se transforment. […] La forme d’entretien amène à chaque pas la variété, l’imprévu, met en jeu l’érudition, justifie la boutade et le sarcasme, tout en laissant jour à l’effusion et à l’éloquence.
A un premier degré, elle est inconsciente et forme un tout quasi indivis ; à un degré supérieur, elle se partage en consciences distinctes, en individus, à peu près comme la nébuleuse primitive s’est brisée en noyaux divergents. […] Il signifie seulement que la nature agit par degrés, qu’elle ne s’élève à une forme qu’après avoir épuisé toute la série possible des formes inférieures, que chaque degré de l’être contient quelque chose du précédent et quelque chose du suivant. […] Et pourquoi ne supposerions-nous pas d’autres forces et d’autres formes d’activité supérieures à celles-là, et enfin une force absolue, jouissant du plus haut degré et de la plus haute forme possible de l’activité et de l’être, et distincte de toutes les forces secondaires et subordonnées, aussi bien qu’elles sont distinctes les unes des autres ? […] tu te venges de tous ceux qui t’attaquent en t’imposant à eux sous la forme qui leur plaît le plus. […] Oui, sans doute, lui répondrai-je : j’accorde qu’en Dieu les perfections de la nature, sous une forme éminente et absolue, se concilient avec les perfections de l’esprit dans une essence incompréhensible.
Les revers de la fortune, telle que la société est combinée, causent une peine très vive, et qui se multiplie sous mille formes diverses. […] C’est un appui du faible et de l’infortuné, c’est enfin l’une des formes mystérieuses par lesquelles la Divinité se manifeste à nous. […] Tout à coup on entendit la voix d’un Ange, qui sous la forme d’un Ministre de l’Église lui disait ; — Fils de Saint-Louis, montez au Ciel ! […] Ce qu’on fait pour soi-même peut avoir une sorte de grandeur qui commande la surprise ; mais l’admiration n’est due qu’au sacrifice de la personnalité sous quelque forme qu’elle se présente. […] Dans quatre jours je n’existerai plus, cet oiseau qui vole dans les airs me survivra, j’ai moins d’avenir que lui ; les objets inanimés qui m’entourent conserveront leur forme, et rien de moi ne subsistera sur la terre, que le souvenir de mes amis.
Comme l’ancien régime tout entier, elle est la forme vide, le décor survivant d’une institution militaire ; quand les causes ont disparu, les effets subsistent, et l’usage survit à l’utilité. […] Au premier coup d’œil, on se sent dans une ville d’espèce unique, bâtie subitement et tout d’une pièce, comme une médaille d’apparat frappée à un seul exemplaire et tout exprès : sa forme est une chose à part, comme aussi son origine et son usage. […] Dès qu’un prince ou une princesse est d’âge, on lui forme une maison ; dès qu’un prince se marie, on forme une maison à sa femme ; et par maison entendez une représentation à quinze ou vingt services distincts, écurie, vénerie, chapelle, faculté, chambre, garde-robe, chambre aux deniers, bouche, paneterie-bouche, cuisine-bouche, échansonnerie, fruiterie, fourrerie, cuisine-commun, cabinet, conseil148 ; elle ne se sent point princesse sans cela. […] Deux causes y maintiennent cette affluence : l’une qui est la forme féodale conservée, l’autre qui est la nouvelle centralisation introduite ; l’une qui met le service du roi entre les mains des nobles, l’autre qui change les nobles en solliciteurs Par les charges du palais, la première noblesse vit chez le roi, à demeure : grand aumônier, M. de Montmorency-Laval, évêque de Metz ; premier aumônier, M. de Bessuéjouls de Roquelaure, évêque de Senlis ; grand maître de France, le prince de Condé ; premier maître d’hôtel, le comte des Cars ; maître d’hôtel ordinaire, le marquis de Montdragon ; premier panetier, le duc de Brissac ; grand échanson, le marquis de Verneuil ; premier tranchant, le marquis de la Chesnaye ; premiers gentilshommes de la chambre, les ducs de Richelieu ; de Durfort, de Villequier, de Fleury ; grand maître de la garde-robe, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt ; maîtres de la garde-robe, le comte de Boisgelin et le marquis de Chauvelin ; capitaine de la fauconnerie, le chevalier de Forget ; capitaine du vautrait, le marquis d’Ecquevilly ; surintendant des bâtiments, le comte d’Angiviller ; grand écuyer, le prince de Lambesc ; grand veneur, le duc de Penthièvre ; grand maître des cérémonies, le marquis de Brézé ; grand maréchal des logis, le marquis de la Suze ; capitaines des gardes, les ducs d’Ayen, de Villeroy, de Brissac, d’Aiguillon et de Biron, les princes de Poix, de Luxembourg et de Soubise ; prévôt de l’hôtel, le marquis de Tourzel ; gouverneurs des résidences et capitaines des chasses, le duc de Noailles, le marquis de Champcenetz ; le baron de Champlost, le duc de Coigny, le comte de Modène, le comte de Montmorin, le duc de Laval, le comte de Brienne, le duc d’Orléans, le duc de Gesvres165. […] Sans doute ils portent encore l’épée, ils sont braves par amour-propre et tradition, ils sauront se faire tuer, surtout en duel et dans les formes.
Cela peut être un ingénieux paradoxe au service de ceux qui veulent glorifier à la fois la France sous deux formes : la force et l’idée ; mais cela ne sera jamais une vérité historique. […] Le style n’est-il pas la forme des choses écrites ? […] Nudité d’expression, nudité d’ornement, nudité de son, nudité de forme, nudité de prétention, nudité de couleurs, hélas ! […] Thiers, pour tous contre quelques-uns ; le sentiment du gouvernement est à nos yeux une des formes les plus saintes, non seulement du bon sens, mais de la vertu publique. […] Nul ne sait ce qu’il serait advenu de la France si le Directoire ou si les autres gouvernements nationaux que la France libre allait se donner sous d’autres formes n’avaient pas été sabrés par le général revenu du Caire à Paris ; mais, s’il est douteux que ces gouvernements eussent fait passer en triomphe la France de Rome et de Madrid à Vienne, à Berlin, à Moscou, par toutes les capitales de l’Europe, il est douteux aussi que ces gouvernements eussent anéanti sous les pieds des soldats tous les fruits si chèrement achetés de la révolution de 1789, et qu’ils eussent ramené deux fois sur leurs pas les invasions étrangères au cœur de Paris.
Et si, à un horizon beaucoup plus rapproché, et dans des limites moindres, nous regardons derrière nous, a-t-il donc nui aux hommes qui président à cette ouverture de l’époque de la Restauration, à cette espèce de petite Renaissance, et qui composent le groupe de l’histoire, de la philosophie, de la critique et de l’éloquence littéraire, à cette génération qui nous précède immédiatement et dans laquelle nous saluons nos maîtres, leur a-t-il nui d’être plusieurs, d’être au nombre de trois, rivaux et divers dans ces chaires retentissantes, dont le souvenir forme encore la meilleure partie de leur gloire ? […] Villemain en 1812 par celui de Montaigne, présente ce genre de qualités et de formes, à un moindre degré pourtant que ses Éloges de La Bruyère et de Montaigne, morceaux approfondis et d’un grave caractère. […] Le jeune panégyriste de Montaigne, disions-nous, débuta sans témoigner de passion dominante ; je me trompe, il avait celle de la belle littérature, le culte de l’imagination, l’amour des grands écrivains et de leurs formes immortelles. […] Rencontrait-on en passant des roses odorantes, il lui échappait quelque distique de Martial sur les roses120, et l’entretien reprenait, assez pareil, je me figure, si on avait su y donner la réplique, à ces belles formes de conversations morales, entremêlées aussi de vers, qu’affectionne Cicéron, pendant les intervalles du Forum, pendant les heures tristes de la patrie.
Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les Préjugés : « Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste… « L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques. […] Parmi les ïambes inédits, j’en trouve un dont le début rappelle, pour la forme, celui de la gracieuse élégie ; c’est un brusque reproche que le poëte se suppose adressé par la bouche de ses adversaires, et auquel il répond soudain en l’interrompant : « Sa langue est un fer chaud ; dans ses veines brûlées Serpentent des fleuves de fiel. » J’ai douze ans, en secret, dans les doctes vallées, Cueilli le poétique miel : Je veux un jour ouvrir ma ruche tout entière ; Dans tous mes vers on pourra voir Si ma muse naquit haineuse et meurtrière. […] On est tenté de croire qu’André avait devant lui, sur sa table, ce poëme entr’ouvert de Catulle, quand il renouvelait dans la même forme le poëme mythologique. Puis, deux vers plus loin à peine, ce n’est plus Catulle ; on est en plein Lucrèce : Sur leurs bases d’argent, des formes animées Élèvent dans leurs mains des torches enflammées… Si non aurea sunt juvenum simulacra per aedes Lampedas igniferas manibus retinentia dextris.
En se confondant par petits bouquets avec les prairies à mi-côte, il forme une espèce de golfe herbeux, où la pente naturelle amène et recueille ses eaux. […] Ils m’avaient rappelé aussi Phidias, le sculpteur en marbre de Paros de la frise du Parthénon ; ces vers, solides et splendides comme le bloc taillé et poli par le ciseau de Phidias, avaient à mes yeux la forme et l’éclat des marbres du Pentélique, et un peu aussi de l’immobilité et de la majesté de ces marbres. […] Les paraboles mêmes, ces apologues évangéliques qui ne font rejaillir la vérité que sous la forme ingénieuse de l’allusion, sont froides comme les images répercutées dans le miroir lumineux mais impassible de la pure intelligence. […] C’est ton doigt maternel qui dirigea mes yeux Sur l’alphabet sacré des couleurs et des formes, Et, dans l’accent divers des sapins ou des ormes, M’apprit à pénétrer des mots mystérieux.
Et plus loin : En cirque devant eux s’élève une colline Qui jusques à leurs pieds languissamment décline ; Une flore inconnue y forme des berceaux Et des lits ombragés de verdoyants arceaux… Ainsi, il y a des forêts dans ce merveilleux séjour, et il y a des collines. […] Faustus et Stella savourent ensuite la forme et les couleurs… et c’est encore la même chose. […] Nul objet n’a vraiment la forme qu’il lui prête ; Ta muse s’évertue en vain à les saisir. […] Combien sur le vrai fond des choses La forme apparente nous ment !
Mais, si les considérations que j’ai émises tout à l’heure sont vraies, une telle comparaison entre Werther et les œuvres analogues qui l’ont suivi, même en se restreignant à celles qui ont le plus de rapport avec lui, ne serait rien moins qu’un tableau et une histoire de la littérature européenne depuis près d’un siècle : ce serait la formule générale de cette littérature, donnant à la fois son unité et sa variété, ce qu’il y a de permanent en elle et ce qu’il y a de variable, à savoir la forme que revêt, suivant l’âge de l’auteur, suivant son sexe, son pays, sa position sociale, ses douleurs personnelles, et au milieu des événements généraux et des divers systèmes d’idées qui l’entourent, cette pensée religieuse et irréligieuse à la fois que le Dix-Huitième Siècle a léguée au nôtre comme un funeste et glorieux héritage. […] Mais, par son éducation protestante, si soignée et si savante, il appartenait aussi à la patrie de Leibnize, à un pays qui, ayant abordé, dans l’époque antérieure, sous la forme théologique du Moyen-Âge, tous les grands problèmes de la religion, de la morale, et de la société, s’était arrêté à certaines solutions, et n’avait pas voulu aller plus loin, qui n’avait pas pu faire deux révolutions coup sur coup, et qui, s’étant fait protestant, était resté chrétien. […] Ne voyez-vous pas que le volcan n’a pas jeté toutes ses flammes, et que cette forme religieuse et sociale que le Christianisme protestant a revêtue doit disparaître à son tour ? […] L’Allemagne regarde Goethe comme le plus grand artiste de forme des temps modernes ; son style, particulièrement dans Werther, est considéré comme le type de la perfection classique : et pourtant il a passé longtemps pour certain en France que le style de Werther était aussi bizarre, aussi alambiqué, que les sentiments en étaient étranges.
À quoi bon les excès de la forme que ne rachète pas la moralité du fond ? […] Il nous est venu la curiosité de savoir si cette forme conventionnelle d’une littérature oubliée et d’une société disparue, la Tragédie, était définitivement morte ; si dans un pays sans caste et sans aristocratie légale, les misères des petits et des pauvres parleraient à l’intérêt, à l’émotion, à la pitié, aussi haut que les misères des grands et des riches ; si, en un mot, les larmes qu’on pleure en bas, pourraient faire pleurer comme celles qu’on pleure en haut. […] Aujourd’hui que le Roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la forme sérieuse, passionnée, vivante, de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient, par l’analyse et par la recherche psychologique, l’Histoire morale contemporaine ; aujourd’hui que le Roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises. […] Préface de la première édition (1877)8 Mon frère et moi, il y a treize ans, nous écrivions en tête de Germinie Lacerteux : Aujourd’hui que le roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée, vivante de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient par l’analyse et la recherche psychologique l’Histoire morale contemporaine ; aujourd’hui que le roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises.
Elle aurait en même temps « plusieurs des caractères que connote ce mot dereligion : grâce à la naturesurnaturelledes objets de son culte ; à son règlement universel de vie ; à la rigueur de sa discipline morale ; et à la forme réellement extatique et mystiquement inspirée de sa production. » L’énumération n’est pas complète : ces caractères ne sont pas les seuls qui distinguent la religion positiviste de tant d’autres essais de religion rationnelle ; et je me propose de le montrer dans une prochaine étude sur La Religion comme sociologie. […] Ce n’est pas non plus en nous, ni seulement pour nos sens ou relativement à la constitution de notre mentalité que, de tant de parties de salpêtre rapprochées, secundum artem, de tant de parties de charbon, il se forme un mélange détonant. […] La réduction, admise aujourd’hui de l’unique objet déterminable aux phénomènes mécaniques, forme extérieure de tous les inconnus, ce grand progrèspour lascience, est, à vrai dire, l’abandon de toute espérance de lui faire atteindre le fond des choses11. » C’est le point de vue même de l’agnosticisme, et l’Inconnaissable est précisément « le mystère de ces forces dont nous mesurons les effets », sans en pouvoir définir la nature. […] Seulement, et au lieu de voir la contradiction où on la voit d’ordinaire, je veux dire entre les affirmations premières du positivisme, et l’affirmation finale de l’Inconnaissable, je la vois en ceci qu’il a essayé de réaliser ou de concréter l’Inconnaissable sous la forme de l’Humanité.
Ferrari, voilà toute l’Italie, la voilà organiquement, constitutionnellement, sans que les révolutions de l’avenir qui la sillonneront, pas plus que celles du passé qui l’ont sillonnée, puissent changer cet état de choses qui est la forme de l’Italie ! […] Or, nous voilà revenant toujours à la difficulté d’une philosophie de l’histoire qui ne peut jamais être, qu’on le sache bien, que l’action du Dieu personnel et de la liberté de l’homme, et dans laquelle difficulté un talent, somptueux par la forme, et un sujet, d’une grandeur immense, viennent tous les deux de se prendre et de s’étrangler. […] Ferrari soit uniquement un penseur désintéressé, comme tout fataliste devrait l’être, ou qu’il cache, sous les rigides et impérieuses formes d’un système, un patriotisme profond contre lequel le patriotisme officiel et braillard des partis s’élèvera peut-être, nous ne savons et peu nous importe ! […] Ferrari, avait songé à écrire une histoire, en forme, de la raison d’État ?
On voudrait toujours l’aimer, mais tout à coup, après une beauté incontestable qui vous a ravi et qu’on lui doit, il vous replonge dans la haine et dans la colère par des choses exécrables ou ridicules d’inspiration et même de forme, et on tombe, plein de ressentiment, de l’hippogriffe aux longues ailes bleues ouvertes en plein ciel, sur le dos du plus affreux casse-cou ! […] Le Pape, ce livre retors d’intention, n’est nouveau ni par le fond, ni par la forme. […] Redites que la forme qu’il leur a donnée ne rajeunit pas ! […] Dans son poème, sous, une forme poétique, attendrissante, larmoyante, apostolique, car l’archevêque de Cousin sait au besoin faire l’apôtre, il résout la question posée pendant tant de siècles : à savoir que le Pape doit être décapité de sa couronne, en attendant qu’il le soit de sa tête ; — car, pour messieurs les démocrates autant que pour nous, les monarchistes, la couronne et la tête ne font jamais qu’un.
Ses vers se distinguent toujours par leur forme impeccable : richesse de la rime, perfection du rythme.
Mais, soit qu’il anéantisse les illusions de l’électeur en composant ses Gouvernants et son Reliquaire électoral, soit qu’il oppose dans l’Argent les désagréments de la pauvreté aux avantages de la richesse, la forme de ses vers est toujours très soignée.
Il a illustré cette vérité que la Poésie n’est pas contenue dans une question de forme et il peut se prévaloir d’un riche apport psychologique.
Son théatre comique, qui forme huit volumes, annonce dans presque toutes les Pieces un génie égal quelquefois à celui de Moliere, & capable d’en approcher plus constamment, si la trop grande facilité de Dancourt ne l’eût souvent jeté dans la négligence & l’incorrection.
Telle est l’idée qu’on s’en forme à la lecture de son Epître à Madame de Marville : le Poëte y fait un aveu de ce qu’il a été, de ce qu’il étoit, & de ce qu’il désiroit être.
Elle se fait insaisissable à la compression ; elle se réfugie d’une forme dans l’autre.
Jamais acte n’a été ni moins réfléchi, ni contracté avec moins de formes. […] Son illusion était de croire qu’après avoir été ministre influent et en première ligne, il pourrait se replier à volonté, s’associer un collègue et non un rival, se fondre intimement avec lui, et, sous cette forme agréable qu’il définit lui-même familièrement de deux têtes dans un bonnet, faire le bien de l’État, sans plus porter seul tout l’odieux et en décomposant le fardeau : Je vous parle comme je pense, écrivait-il à Choiseul ; répondez-moi de même et franchement. […] Je vous remercie des nouvelles marques d’amitié et d’intérêt que vous voulez bien me donner… Dans les lettres suivantes adressées à Choiseul, Bernis le remercie de certaines formes qu’il a apportées en annonçant sa disgrâce à la cour de Rome ; il lui parle ensuite de quelques affaires particulières qu’il a à cœur, et pour lesquelles M. de Choiseul se montre empressé à l’obliger.
Guizot déclare en être demeuré à apprécier, dans ce vaste et habile ouvrage, « l’immensité des recherches, la variété des connaissances, l’étendue des lumières, et surtout cette justesse vraiment philosophique d’un esprit qui juge le passé comme il jugerait le présent », et qui, à travers la forme extraordinaire et imprévue des mœurs, des coutumes et des événements, a l’art de retrouver dans tous les temps les mêmes hommes. […] Je me borne à rendre l’impression que me fait cette lecture continue, et à en tirer la forme de talent et d’esprit de l’auteur. […] En un mot, s’il nous a très bien démontré et expliqué le genre de tolérance d’un Cicéron, d’un Trajan, d’un Pline, cette disposition humaine sans doute, née toutefois ou accompagnée d’une indifférence profonde et d’un secret mépris pour les objets d’un culte qui, chez les anciens, était une affaire de coutume et de forme extérieure, non d’opinion ni de croyance, il n’a pas également compris le sentiment nouveau qui combattait et affrontait cette tolérance, et qui devait, vers la fin, la lasser.
Ce fut l’année même de son mariage avec le roi (1684), et comme par une reconnaissance intérieure envers le Ciel, qu’elle s’appliqua à perfectionner l’essai de Noisy et à lui donner cette première forme déjà toute royale qu’il prit dès sa translation à Saint-Cyr. […] Elle le redit sous toutes les formes et sur tous les tons : « Mon grand consolateur, c’est Saint-Cyr ! […] Pendant son agonie, elle devint beaucoup plus belle qu’elle n’avait été dans le temps de sa meilleure santé ; mais c’était une beauté toute céleste qui inspirait de la dévotion, et nous la regardâmes mourir avec ravissement… La langue de Saint-Cyr forme une nuance à part dans celle du siècle de Louis XIV ; Mme de Caylus en est la fleur mondaine ; on sent qu’Esther y a passé, et Fénelon également.
Dans l’intervalle, et pendant le séjour qu’il fit en Lombardie, à Milan, à Brescia, à Bergame, à cet âge de moins de vingt ans ; au milieu de ces émotions de la gloire et de la jeunesse, de ces enchantements du climat, du plaisir et de la beauté, il acheva son éducation véritable, et il prit la forme intérieure qu’il ne fera plus que développer et mûrir depuis : il eut son idéal de beaux-arts, de nature, il eut sa patrie d’élection. […] Le Français est sociable, et il l’est surtout par la parole ; la forme qu’il préfère est celle encore qu’il donne à la pensée en causant, en raisonnant, en jugeant et en raillant : le chant, la peinture, la poésie, dans l’ordre de ses goûts, ne viennent qu’après, et les arts ont besoin en général, pour lui plaire et pour réussir tout à fait chez lui, de rencontrer cette disposition première de son esprit et de s’identifier au moins en passant avec elle. […] L’objection subsiste, et, sous une forme plus générale, il mérite qu’on la maintienne contre lui.
Chapman (c’était le nom de l’homme de loi), il élut domicile au Temple, qui est le quartier des légistes de profession, et là, tandis qu’il vivait seul, il ressentit les premières atteintes de la maladie qui, sous une forme ou sous une autre, reparut et persista cruellement aux diverses époques de sa vie. […] Il essaya dans cet intervalle de diverses formes de suicide, et, le matin même où on le vint chercher pour le conduire à son examen de Westminster, on le trouva qui avait tenté sur lui-même un acte désespéré de strangulation : il fallut le transporter dans une maison de santé. […] La maladie de Cowper continuait encore sous une forme religieuse, et il ressentait souvent des terreurs que ses amis faisaient tout pour combattre et pour guérir, mais que pourtant leur doctrine rigide sur la prédestination et sur la grâce n’était que trop propre à fomenter : « Il se présente à moi toujours formidable, disait-il de Dieu, excepté quand je le vois désarmé de son aiguillon pour l’avoir plongé comme en un fourreau dans le corps de Jésus-Christ. » Ces terribles images du Jugement et de la réprobation, même au moment où il croyait en avoir triomphé, le poursuivaient donc et dominaient encore sa pensée.
Le recueil ainsi conçu et rassemblé, il ne s’agissait plus que de savoir quelle forme, quelle figure définitive il prendrait, et quelle fée on lui donnerait pour marraine. […] C’est sous cette forme qu’elle a toute sa valeur, tout son esprit et son originalité. […] La considération de l’éternité forme la limite habituelle et assez rapprochée de son horizon ; c’est là qu’elle porte les yeux dès qu’elle veut anéantir le présent et amortir en elle quelque peine, quelque regret qui remue encore : « Ce ne sont là que des dégoûts, se dit-elle en songeant aux procédés de son fils ; le détachement suit, et alors l’éternité paraît et absorbe tout. » Elle ne nous dit jamais comment elle anime et elle éclaire cette éternité.
Ces louanges données à son correspondant et son égal reviendront trop souvent, et sous trop de formes, pour qu’on y voie un propos d’emphase ou de cérémonie. […] Le fond de ces écrits est le plus souvent raisonnable ; c’est la forme seule qui est étrange, sauvage, rocailleuse, et (sauf de rares et heureux endroits) des plus rebutantes. […] non ; je travaille pour m’occuper ; cela m’amuse, et je me forme une grande facilité dans toute sorte de genres d’écrire.
Il ne le sait pas et ne l’indique pas : mais quelqu’un, probablement, à qui il a montré son manuscrit et qui en a eu soupçon, l’a averti de prendre garde, et, par précaution, à deux pages de là, et après une suite d’autres passages cités, il ajoute : « Les derniers échos du xviiie siècle, dans sa forme encore spirituelle et littéraire, résonnent dans les Souvenirs de Mme Necker. […] Nous devions le signaler, parce que, sous une forme ou sous une autre, la question Rambouillet recommence toujours ; parce que, de plus, ces politesses excessives et ces complaisances de langage servent à revêtir de coulantes facilités de jugement. […] il y a beaucoup de faiblesse dans mon fait, et, qui pis est, de la faiblesse organisée, de la faiblesse en système, de la faiblesse qui a pris la forme d’une multitude de qualités apparentes ; si je perds ce défaut, me restera-t-il une vertu ?
Fromentin dans ses tableaux et dans ses deux premiers ouvrages, il ne l’est point en vertu d’un choix et d’une prédilection particulière : il a vu l’Afrique tout d’abord et par occasion ; il en a été saisi et en a rapporté de vives images ; il nous l’a rendue sous toutes les formes. […] Veut-on voir ce tableau d’une teinte adoucie et riche encore, agreste et fumeux, plein de vie, curieux à observer après les splendeurs et les stupeurs torrides du Sahara : « On dansait devant la grille de la ferme sur une esplanade en forme d’aire, entourée de grands arbres, et parmi des herbes mouillées par l’humidité du soir comme s’il avait plu. […] Nous sommes revenus à l’analyse morale la plus déliée, sans retomber dans le vague et le gris qui ôtait le relief et la forme aux objets environnants.
Puis, après des élancements de pur amour, on devine des interruptions et des éclipses de grâce, des infidélités même confessées sous forme obscure. […] A peine a-t-il fait un pas dans la cléricature qu’il ne se sent aucun attrait à poursuivre, il exprime sous forme mystique et symbolique des fautes dont il s’accuse, et dont il est permis à chacun de soupçonner la nature : « (La Chesnaie, 1810)… Je crois que le Seigneur m’éclaire malgré ma profonde indignité ; je crois reconnaître au fond de mon âme quelques faibles rayons de cette lumière qui annonce sa présence et prépare à la goûter. […] A cette école de la vie, s’il y avait été mêlé à temps et dans l’âge où l’on se forme, La Mennais aurait-il appris la tolérance, l’indulgence ?
La réputation de Mme Valmore, sous sa première forme de touchante élégiaque et d’aimable conteur en vers, était faite dès ces années 1824-1827 ; pendant ses absences de Paris et ses séjours à Lyon ou à Bordeaux, sa nouvelle étoile avait pris place dans notre ciel poétique et y brillait d’un doux éclat, sans lutte et sans orage. […] Telle forme de poésie, telle forme de critique.
Dans l’état actuel de l’ouvrage, la forme de roman est à peine sensible. […] La corruption de tous les temps se ressemble fort, à la voir au fond, mais elle diffère de forme, de ton et de costume. […] Sa Correspondance forme les Annales de la littérature de cette époque en France avec un aperçu de la politique et surtout du train de vie de ce temps.
Son bienfait était comme marqué à un coin de brusquerie et d’humeur ; elle avait les remerciements en aversion : « Les remerciements, a-t-on dit, lui causaient une colère aimable et presque sérieuse. » Elle avait là-dessus toute une théorie poussée au paradoxe, et elle allait jusqu’à faire en toute forme l’éloge de l’ingratitude. […] Nous avons pu déjà nous faire une idée de la forme et de la qualité de l’esprit de Mme Geoffrin. […] Sa raison était affaiblie, mais sa forme d’esprit subsistait toujours, et elle se réveillait pour dire de ces mots qui la montraient encore semblable à elle-même.